éclats de lire - nouvelles durvilliennes 2010 Lycée Dumont d’Urville 212 rue Amiral Jaujard BP 1404 83056 TOULON Cedex Prix : 3 € 9 782855 791081 éclats de lire nouvelles durvilliennes 2010 ACCOUCHE ! La violence de l’interjection inhibe souvent plus l’interlocuteur que le contraire. Tous et toutes, nous avons souvent hésité par intérêt de la question posée. Les pensées roulent alors dans nos têtes et nos mots ne peuvent s'échapper de l’enclos de nos dents. Pourtant, la maïeutique socratique fait justement naître la solution aux problèmes insolubles que l’on se posait. Le souvenir de nos enseignants traîne toujours dans notre pensée ; voilà la première institutrice, blonde, massive, féroce et exotique puisque pâle et blonde. Plus petite, brune, intériorisée et pudique, c’est la seconde. Enfin la troisième suivie de la quatrième et de la cinquième, qui toutes affermissent et confortent notre confiance en nous. Sans elles, sans leurs questions répétées nous n’aurions pu accoucher et accéder à la culture. C’est indiscutablement la rédaction, la « rédac » qui est l’exercice tout à la fois le plus contrôlé et le plus libre. Un sujet, une question est ainsi posée ; il va falloir que la gestation psychique conduise à la première ligne : l’attaque, essentielle pour créer l’intérêt, la fécondation puis la construction du texte, son amplitude (la grossesse) et enfin la chute, la libération, la naissance, l’accouchement, la présentation et le don : la remise du texte à l’examinateur. L’honneur qui m’est fait de participer à votre travail, à votre œuvre, me renvoie indiscutablement au souvenir d’un texte, d’une « rédac » du passé : un platane récemment planté bourgeonnait ; on propose alors d’imaginer sa croissance, sa puissance et sa force dans les années à venir. Comment il allait accompagner la vie des générations futures. Chaque fois que je repasse dans notre ville, je pose sur lui mon regard, c’est un souvenir vivant. Il est malheureusement remplacé aujourd’hui par un micocoulier, aux pattes d’éléphant, chancre oblige ! Mais j’ai vu qu’à Aix-en-Provence, les platanes de ma jeunesse sont de retour sur le Cours Mirabeau, alors pourquoi pas sur le Cours Lafayette ? Vous vous souviendrez toujours de votre œuvre, vous bien sûr mais aussi tous vos camarades plus timides ou moins talentueux, qui ont à peine ébauché le début d’une histoire, et ont renoncé à la poursuivre. Au fond de votre mémoire, nichée dans une scissure prérolandique ou pariéto-temporale, votre nouvelle est maintenant imprimée, éternelle, biologiquement réelle et plus encore vivante dans un imaginaire sans cesse renouvelé. Le platane disparu est revenu l’autre nuit dans un rêve. Il est donc toujours là : éclatant au printemps, ombrageux l’été, splendide de couleurs à l’automne (ses feuilles pour mieux comprendre Kant) et résistant au général Hiver. L’écriture est une mémoire, un échange. La forme la plus puissante et humaine de partager des histoires, des sensations et des émotions. Je vous souhaite une belle naissance. 5 Marcel Rufo, ancien élève du lycée Dumont d’Urville, professeur à la faculté de médecine, psychiatre des hôpitaux. EDITORIAL L’aventure commencée en 2004 continue et voici le recueil de nouvelles 2010. Cette action fédératrice propose un travail d’écriture de nouvelles puis de lecture et choix des meilleures productions. Elle permet ainsi aux élèves participants d’être acteurs de leurs apprentissages et de s’investir dans la vie de leur établissement. Le thème retenu cette année était : « Ports d’ici ou d’ailleurs ». Comme chaque année, la participation au concours était ouverte à tous les niveaux de classes, individuellement ou en groupe, et les élèves pouvaient choisir leur langue d’écriture : ainsi allemand, anglais, espagnol et français ont été mis à l’honneur. M. Gilles Boudot, professeur d’Arts plastiques, s’est impliqué dans le projet et a fait réaliser aux élèves de Première Arts plastiques Spécialité des œuvres qui apportent au recueil un éclairage iconique de grande qualité. Mme Kohler, professeur d’éducation physique et sportive s’est également emparée du thème pour créer avec ses élèves, à partir d’écritures corporelles, des tableaux chorégraphiques. Ce travail, mené en collaboration avec le chorégraphe Eric Margouet, directeur artistique de l’Opéra de Toulon, sera présenté lors de la remise des prix. Parallèlement, des élèves de l’école de photographie APPI de Toulon ont réalisé des photographies d’élèves pendant leurs différentes prestations. Nous publions ces clichés comme témoignage de leur investissement. Le groupe de pilotage constitué autour de ce projet s’est réuni régulièrement pour encadrer, gérer et réguler au mieux les diverses contraintes. Ces rencontres multiples entre élèves, enseignants et CPE étant toujours des moments d’échanges privilégiés, nous espérons pouvoir continuer cette aventure collective si enrichissante. Lydie Arnéodo, Nelly Jouvenceau, Catherine Linget-Delmas, coordonnatrices du projet 7 PALMARES DU CONCOURS DE NOUVELLES 2010 Nouvelles individuelles en français Premier prix : L’attente de Sandra Kirchner (PCSI2) Deuxième prix : Le départ du Materlod de Iandosoa Ramarlah (Khâgne) Troisième prix : Le souvenir abandonné de Simon Martin (2de1) Quatrièmes prix exaequo : Sur deux rives…de Aurélia Cadet (TS1) Connectivité de Léa Glacet (2de11) Nouvelles en allemand Premier prix : Und er fragte die Wogen de Fanny Garrone et Oriane Schmidt (Hypokhâgne) Nouvelles individuelles en anglais Premier prix : A nightmare de Delphine Schramm (1ES2) Nouvelles de groupe en anglais Premier prix : Thanks Ilan de Raphaël Bendavid, Harris Hoze, Steven Kause et Valéry Ignatovich (1ES2) Nouvelles en espagnol Premier prix : La leyenda de Muros de Sophie Motreff (TL2) Deuxième prix : Evadirse para una mejor vida de Audrey Valranges (TL2) * Le jury a souhaité la publication de quelques nouvelles supplémentaires : Plaisirs de Norvège, Celeste’s World Tour, Un amor inesperado, Marlion. 8 LES DISCIPLINES ASSOCIÉES Des mots vers l’image Cette année encore la classe de première d’Arts plastiques Spécialité a été sollicitée pour les illustrations du recueil de nouvelles. Un groupe de mots : “Ports d’ici ou d’ailleurs” tenait lieu d’incitation. Le programme de première (L’œuvre et le Lieu) nous offrant la possibilité d’explorer les lieux figurés comme ceux qui ne sont qu’imaginés, la classe a été conviée, à partir d’un petit corpus de paysages portuaires, à réaliser un carnet de voyage fictif. Les extraits de ces carnets, mélangeant le texte, l’image ou le simple objet de rencontre nous parlent ainsi des ports et, par le pouvoir suggestif des images, nous invitent à leur tour au voyage. Gilles Boudot Une formation à l’écriture corporelle dans le cadre du projet « Eclats de lire » Pour participer à ce projet artistique, l’enseignement de l’activité Danse en EPS obligatoire s’est plus particulièrement orienté vers l’appropriation des éléments d’un nouveau langage (le langage corporel). En partant d’une gestuelle quotidienne, sportive, fonctionnelle, sentimentale…(donc accessible à tous), les mécanismes de transformation du langage ont été construits. Un travail précis a été mené avec l’aide du chorégraphe Eric Margouet, directeur artistique de l’opéra de Toulon, pour atteindre un niveau d’exigence susceptible dans un premier temps d’entrer dans le jeu pour ensuite le perfectionner. Un seul objectif : rendre les élèves capables de s’exprimer avec leur corps et ce, de manière fine et autonome, en gérant la démarche de création au service de leur projet. La composition finale à plusieurs, trois à cinq danseurs, reste le but ultime, avec le respect des exigences de construction d’une chorégraphie en musique dans un espace scénique. Le thème « Ports d’ici ou d’ailleurs » a particulièrement bien sollicité les élèves dans l’imaginaire de l’évasion, de l’ouverture vers les cultures, des rencontres, du départ mais aussi du retour avec des conséquences particulières, de l’humour à la révolte. Nous ne pouvons qu’être témoins d’un engagement sans concession de ces adolescents dont les propositions sont sensibles et “parlantes” selon le nouveau mode de communication ! Marlène Kohler 9 LE SOUVENIR ABANDONNÉ Paul a la trentaine et vit seul dans un petit appartement de banlieue. Il est un homme fermé, résigné. Personne ne sait rien sur lui, d’où il vient, ni qui il est. En effet Paul souffre d’une rare amnésie qui lui fait perdre ses souvenirs au fil du temps. Les médecins n’ont détecté cette anomalie qu’à sa majorité, et malgré le traitement qu’il suit depuis une quinzaine d’années maintenant, ses souvenirs ne remontent que jusqu’à la fin de son adolescence et, dans son esprit, toute son enfance s’est effacée. De là, naît son caractère solitaire. L’origine inconnue de sa maladie le laisse transparent de toute origine, orphelin de toute famille. Sa vie se résume désormais à une réflexion intérieure, un vide omniprésent qu’il cherche jour et nuit à combler en remontant le temps à travers ses souvenirs. Paul est en quête de son identité, sans laquelle sa vie n’a aucun sens. A ses yeux, sa vie commencera quand il saura qui il est. Mais depuis quelques semaines, un étrange et puissant sentiment lié à son enfance naît peu à peu en lui. Avec l’aide de son psychiatre, Paul a réussi à reconstituer ses pensées et parvient maintenant à distinguer l’image de son père : « C’est étrange, remarque-t-il lors d’une séance, car ma tante m’a toujours dit qu’il était mort en même temps que ma mère, alors que je n’étais encore qu’un enfant. » Paul espère s’appuyer sur ce début de souvenir pour retrouver la mémoire, mais c’est uniquement l’image de son père qui lui vient à l’esprit. Il perçoit désormais une sorte de sensation de bonheur intense, liée à son père disparu. Au fur et à mesure du temps qui passe et des séances avec son psychiatre, Paul évoque son père comme un personnage important de son enfance. Désormais, il ressent un sentiment puissant d’amour le liant à lui. Il commence même à se demander si la mystérieuse disparition de son père n’est pas la cause de son amnésie mais il ne parvient pas à faire le lien entre ces deux faits. Le temps passe et Paul ne trouve pas de réponse à toutes ces questions qui le tourmentent. Pourtant, il décide de persévérer, pensant avoir trouvé la clé de l’énigme de sa maladie, de sa vie. 11 Un matin, il se réveille en sursaut après un rêve éprouvant et il décide d’aller de ce pas le raconter à son psychiatre : « J’ai fait un rêve très étrange qui pourrait avoir un lien avec la disparition de mon père ou du moins avec mon enfance. Dans mon rêve, je suis enfant, et je marche en tenant la main de mon père. Nous avançons lentement et je ressens une grande joie intérieure. La scène se passe sur un petit port tranquille, au crépuscule. Arrivés au bout du port, nous nous arrêtons devant une falaise mais là… Mon rêve s’est arrêté…» Le médecin lui répond que ce rêve est sans doute l’origine de sa maladie, peut-être son point de départ, ou en tout cas un élément important dans l’enquête qu’ils mènent pour trouver la cause de son amnésie. Toute la journée, Paul ressasse son rêve en se demandant pourquoi ce port, pourquoi son rêve s’est arrêté subitement à un moment précis et surtout pourquoi il éprouve cette sensation de bonheur toujours plus intense liée à son père. « Beaucoup de questions mais jamais de réponse » se dit-il. La nuit suivante et à son grand étonnement, il refait exactement le même rêve, dans les moindres détails, mais il s’est encore arrêté au même moment, au même endroit, au pied de la falaise. Paul ne juge pas nécessaire de consulter son psychiatre tant qu’il n’a pas de réponses à ses questions et décide d’attendre la nuit suivante pour voir si une fois encore le même rêve aura lieu et surtout s’il s’arrêtera encore au même endroit. Il se réveille déçu : le même rêve, coupé au même instant, au même endroit. Toute la journée encore il se pose les mêmes questions mais toujours aucune réponse. Il décide de continuer ses recherches pour trouver à tout prix une suite à son rêve ou une explication rationnelle à cette coupure subite. Et c’est ainsi que, durant plus d’une dizaine de jours et surtout de nuits, ce rêve mystérieux vient tourmenter le chercheur de souvenirs. Après des heures entières perdues à réfléchir, il décide de demander une solution à son fidèle médecin psychiatre qui, après quelques minutes de silence, déclare d’un ton assuré : « Ce rêve est en fait un souvenir. Vous avez vécu cette scène pendant votre enfance et elle vous a marqué. Le seul moyen de trouver pourquoi, c’est de vous rendre sur les lieux du rêve, et de refaire le même chemin afin de savoir ce qui se passe après le moment où votre rêve s’interrompt ». 12 Aussitôt, le jeune homme téléphone à sa vieille tante avec qui il n’a pas trop d’affinités mais qui est la seule famille qui lui reste et l’interroge quant à la ville où il vivait étant enfant. La vieille dame lui indique le nom d’un village que Paul s’empresse de noter avant de raccrocher. Il fait ses bagages et part sur-le-champ, persuadé qu’au pied de la falaise de son rêve se cache l’origine de sa maladie. Le jeune homme arrive dans son village natal avec la ferme intention de trouver immédiatement le port de son rêve. Il questionne un passant qui lui indique un petit port de pêche situé à l’ombre d’une falaise abrupte. Paul s’engage dans l’allée qui mène à cette falaise en longeant le port où siffle le vent sous la coque des bateaux en ce soir d’automne. Il ressent peu à peu un sentiment de déjà-vu. Il reconnaît maintenant clairement les lieux de son rêve mais, encore plus surprenant, le port de son enfance ! Il avance désormais à grands pas, sentant son cœur qui redouble de vitesse. Il sent son enfance rejaillir en lui comme une fleur qui éclot. Il sent qu’il touche au but. A chaque pas, c’est une pièce du puzzle de sa vie qui se rajoute à l’énigme de sa mystérieuse maladie. Il s’arrête devant la falaise. Il aperçoit dans l’ombre un sentier qui grimpe sinueusement dans la roche. Il prend sa respiration et s’y engage. Le chemin serpente sur plusieurs dizaines de mètres avant de déboucher sur un plateau recouvert de pelouse qui surplombe la mer brillante d’un bleu ténébreux. Paul avance d’un pas décidé jusqu’au bord de la falaise vertigineuse et se penche pour regarder plus bas, là où les vagues se fracassent sur la roche et se transforment en écume. Rien. Rien qu’une falaise et de l’eau. Ce qui paraissait si clair il y a un instant dans son esprit se volatilise soudain en une singulière illusion. Pas de réponse. Même pas un signe ni une trace de son père. Pas de souvenirs non plus. La déception envahit le jeune homme. Il se retourne et voit un banc. Il s’y assoit pour réfléchir à tout ce qui s’est passé dans sa tête mais il n’en a plus la force tellement sa désillusion est grande. Tant de réflexions pour arriver ici et ne rien trouver ! Peut-être que finalement ce rêve n’a rien de réel. Paul est abattu devant ce vide d’explication. Il s’endort. Le petit Paul est réveillé en sursaut par un cri. Il s’était endormi quelques minutes plus tôt dans les bras de son père, après avoir assisté au spectacle grandiose du coucher de soleil au crépuscule de cette douce jour13 née d’automne. Le jeune garçon bondit après avoir compris que ce cri n’était autre que celui de son père qui n’était plus à ses côtés. Juste le temps d’arriver au bord du précipice pour apercevoir, bien plus bas, une ombre s’évanouir dans les méandres de l’océan. Paul ouvre les yeux. Il est allongé sur un banc. « Mais où suis-je ? » se demande-t-il apeuré. Les sensations s’entremêlent dans son esprit puis tout à coup, tout lui revient. Le rêve, le port, la falaise, puis ce banc. C’est là qu’il comprend. D’un seul coup, tous ses souvenirs pénètrent dans son esprit comme une seule pensée. Désormais, il se souvient de tout : il comprend comment le bonheur de son enfance, dicté par le seul amour de son père, s’est envolé un soir d’automne dans un accident terrible. A partir de cet instant son cœur s’est retrouvé orphelin d’un amour disparu et, pour survivre, a puisé dans son esprit en lui ôtant la mémoire et les souvenirs. Simon Martin, 2de1 14 PLAISIRS DE NORVÈGE « On a du mal à savoir ce qu’on a dans la tête Parce qu’on n’a que sa tête pour le savoir » (1) Cap Nord, Norvège. 9 h 45 Au bord de la falaise, il s’apprêtait à tomber. Tout comme il était tombé trois ans plus tôt à l’annonce du verdict médical. Une tumeur au cerveau… Sa Faucheuse à lui. On verra… Encore deux cents villes somptueuses qui l’attendaient et plus que quatre ans tout au plus à vivre. William Strangis sauta. Il volait ; libre au-dessus de la mer. Cette mer qui l’avait tant porté vers d’autres horizons ; cette mer qui l’avait sauvé deux ans auparavant en Afrique de l’Est. William exerça une pression sur la corde droite de son ballon. Quel imbécile ! Le ballon dirigeable fonça dans l’arbre situé à gauche, à flanc de falaise ; ce fut fatal. Le ballon ne survécut pas : il creva et son pilote entama une descente vertigineuse vers les tréfonds de l’océan. L’eau lui giflait le visage, les lanières de sécurité l’étranglaient, l’oxygène lui manquait. Vite ! A l’aide, au secours ! Le jeune homme de vingt-six ans se noyait. Non, pas maintenant… Un puits de lumière ; une bouffée d’oxygène. William se débattait. Il aperçut un quai, un port ? Qu’importe. Il se dirigea avec difficulté, le souffle court, les muscles engourdis vers l’endroit. Qui lui était promis… 10 h 21 Le réveil fut brutal. Sa tête tournait, la fièvre recommençait. L’endroit était un port désaffecté empestant le mazout… La rouille. Il trouva des ancres impressionnantes, des barques abandonnées… Partout les algues s’agrippaient comme pour préserver un secret. William examinait scrupuleusement les lieux. Pas de peur, juste de la curiosité. Il y avait aussi des chaînes. Beaucoup de chaînes qui pendaient au plafond comme pour capturer des visiteurs imprudents. Au milieu de ce capharnaüm d’objets pour l’essentiel maritimes, une hélice bougeait ; encastrée entre des conteneurs statiques. Te souviens-tu ? Tu as survécu… Et elle ? Un bruit étouffé lui parvint du fond du port à l’emplacement de l’hélice qui semblait différente. 15 Attiré irrésistiblement, William avança. L’odeur de rouille s’intensifiait. Plus que trois mètres avant de la découvrir… L’hélice avait à présent un caractère morbide et sombre. William accélérait le pas, envoûté par ce bruit accompagnant le rythme lent et saccadé de l’hélice. A présent il la voit. Ce n’est pas vrai ! A une partie de l’hélice pend… William tombe. Une barre de fer traverse sa boîte crânienne qui se fissure instantanément. Les tissus nerveux éclatent. Mort immédiate. C’est bête ! « La tragédie de la mort est en ceci qu’elle transforme la vie en destin » (2) 11 h 16 Pamela se défoulait sur son jet ski. Comme d’habitude, tous les hommes la regardaient, et elle adorait ça. Grande, blonde, avec une poitrine généreuse… Je vous laisse imaginer le cliché. Pamela jaillissait sur les flots. Elle s’amusait souvent dans l’eau, élément qu’elle trouvait plutôt érotique pour ses petites démonstrations. En ce moment même, elle était en train de faire la course avec un beau jeune homme ; d’ailleurs, elle espérait bien trouver une opportunité de s’isoler avec lui. Or son jet ski tomba en panne et son futur partenaire continua la course. Au plus grand désarroi de Pamela Rancret… Par chance, il y avait au loin un port qui semblait désaffecté : résignée, elle nagea vers ce bout de terre ferme. 11 h 47 Arrivée au port. Fulminante de rage, Pamela se demandait pourquoi la fatalité s’acharnait aujourd’hui contre elle. Que pouvait-il arriver de pire que d’être dans un endroit parfaitement désert sans le moindre être masculin ? Elle explora vaguement les lieux : ces objets abandonnés la dégoûtèrent complètement. Mais elle s’amusa avec une corde s’imaginant dans sa discothèque préférée, à Ibiza. Profite… Profite de tes derniers moments. Tic ! Tac !... Elle soupira et s’allongea dans une barque, se promettant de se vacciner contre toutes les maladies imaginables du monde. Elle gloussa ; elle partit dans un rire sarcastique et tonitruant pensant que c’eût été l’endroit propice à un acte charnel. 16 Alors que ses pensées divaguent, une ancre tombe sur elle. Brusquement, sans crier gare. Acte improbable. Sauf si on le déclenche… Pamela Rancret est complètement transpercée : sa cage thoracique explose ; ses côtes jaillissent de son abdomen et son cœur s’apparente à une sorte de purée sanglante. Justice ! « La douleur est un siècle et la mort un moment » (3) 9 h 32 Montée. Etienne resserrait sa prise, la joue contre la paroi rocheuse, l’esprit attentif à la moindre vibration de son portable. Malgré l’interdiction du moniteur, il l’avait dissimulé dans sa poche pour être prêt. Prêt à entendre le désarroi de sa belle-mère qui l’appellerait en cas d’une nouvelle crise de Pierre, son fils. Sa trisomie lui était dure à vivre. Rejeté, critiqué, il semblait si malheureux dans ce monde où l’apparence régit les actes de la plupart des hommes. L’amitié lui semblait inaccessible. L’amour encore plus. Mais Etienne Héliet l’aimait. D’un amour de père, il faisait tout pour son fils, pour son bonheur. Jamais il n’oserait l’abandonner. Pourtant tu l’as bien abandonnée, Elle… La corde cassa. Descente. Ces prises qui l’avaient tant aidé dans son ascension, défilaient maintenant, hors d’atteinte. Ses mains robustes, abîmées par tant d’années d’efforts, témoins de sa dure expérience de la vie, étaient en sang. Sang ! Il mourait. Sa première pensée fut pour Pierre. Qui s’occuperait de lui ? Il allait tomber dans l’eau qui le comprimerait, emporterait son corps inerte. Il ne savait pas nager. Dommage… Mais un arbre ralentit sa chute ; il tomba brutalement sur un sol humide ; sa tête percuta avec violence un rocher. Etienne était au Rwanda en juillet 1994. Il avait été envoyé avec son équipe pour venir en aide aux blessés, toujours plus nombreux. Autour d’eux, les massacres s’enchaînaient, les morts s’entassaient… Cette expérience fut de loin la plus bouleversante de toutes, pour lui et ses autres coéquipiers de « Médecins sans frontières ». Génocide. Un million de morts. Une minute à la radio. Comment un évènement aussi sanglant, violent a-til pu être passé sous silence ? Heureusement que les autres étaient là : Will, 17 condamné, mais déterminé à parcourir le monde avant l’heure fatidique. Pamela, cette « plastique » qui ne savait même pas se servir d’une aiguille, mais qui divertissait bien les malades. Et puis, il y avait la femme de ce mari étrange. Cet homme qui les observait avec insistance à chaque nouveau départ. Cet individu au regard si perçant, si dérangeant. Comme s’il savait ce qui allait se passer… Bande de Lâches ! Mon Amour… L’infirmerie fut assiégée. Citoyens enragés tenant entre leurs mains des armes. Tout alla très vite. William, Pamela et Etienne coururent se réfugier en direction du dortoir des invalides. Quant à elle, elle resta donner force et âme pour essayer de calmer ces révoltés et protéger quelques blessés. Un tir. Elle meurt. Une balle en plein cœur. Tout s’enchaîna : une lettre de condoléances, un mari en deuil, un enterrement funeste. Et toujours le poids de ce regard, ce regard d’homme fou. Honte. Culpabilité. La vengeance sera d’autant plus injuste ! Vous l’avez assassinée ! 9 h 50 Etienne ouvrit les paupières et reprit conscience. Lentement. L’endroit où il avait atterri était complètement désert et abandonné. Des carcasses d’objets en tous genres étaient ses seuls compagnons. Il remarqua entre autres des barques, des ancres, des cordages, des mâts brisés… Il devina : il était dans un port. Souffrance. Ses membres étaient douloureux, ses vêtements étaient trempés de sueur. Panique. Son matériel était inutilisable, son portable était tombé à l’eau. La falaise le dominait mais Etienne ne trouva aucun accès pour s’échapper. Cette fois il n’y aura pas de sortie de secours. Il hurle. J’arrive ! Il crie ; il parle ; il murmure. Ses appels n’étaient plus qu’un chuchotement parmi les cliquetis des mâts des bateaux. Désespoir. Les cordes voulaient l’attraper, les voiles déchirées voulaient l’emporter. Peur. L’odeur de rouille lui rappela le sang ; toutes ces chaînes, ces ancres le menaçaient, l’attiraient vers un destin sinistre. Se détachait de ce tableau une imposante et funeste hélice. Ma coéquipière… Affolement. Etienne fut pris de pulsations qui se propagèrent dans tout son corps. Il se mit à courir. Courir pour trouver une échappatoire. Il se savait enfermé, ne pouvait y remédier. Soudain, il se prend les pieds dans un amas de chaînes et tombe. Plus il tente de se dégager, plus il s’enroule… 18 10 h 28 min 27 s La dernière étape. On y est… Un, deux, trois. Tout à coup, l’hélice se met à tourner, déployant ses bras meurtriers. S’ensuit un chemin morbide jusqu’à l’hélice… Etienne est attiré par une force supérieure. Comment se libérer de cette étreinte ? 10 h 28 min 32 s Les bras de l’hélice déchiquètent Etienne. Son corps est mis en pièces ; ses membres sont arrachés ; ses organes ne sont plus que des lambeaux pendant à l’hélice. Bon appétit. Ils ont tué ma femme, je leur ai pris la vie. Ils ont tué mon cœur, j’ai volé les leurs. « Qu’importe les causes, tout est dans la conséquence » (4) Je n’ai pas à me justifier ; je ne dirai qu’une seule phrase : « Et le ver rongera ta peau comme un remords » (5) (1)Gilbert SIBONA, Les Aphorismes d’Anobis, Tome1 (2) André MALRAUX, L’Espoir (3) Jean-Louis Baptiste GRESSET, Epître VI, A ma sœur, sur une convalescence (4) Gilbert SIBONA, Les Aphorismes d’Anobis, Tome1 (5)Charles BAUDELAIRE, Remords Posthumes Aurélie Guiguet, Julie Ronciere, 2de7 20 LA LEYENDA DE MUROS Eran las once menos cuarto. Laura sabía que era hacia mediodía cuando podría salir del coche, respirar el aire fresco de Galicia, correr a abrazar a Nina ; y comer una de sus deliciosas tartas de limón que ésta le preparaba una vez al año cuando venía a visitarla con su madre, Myriam. Vivían en Andalucía. Cogían el tren hacia Madrid, después recorrían el resto del trayecto en coche. Era un viaje bastante largo y cansado para la niña, pero las vacaciones que pasaba en casa de la que consideraba como su abuela borraban siempre este aspecto. En efecto, Nina era la única familia que tenía con su madre. Para ella, era su abuela. Según Myriam, su padre había muerto y había tenido apenas el tiempo de conocerla, puesto que ya estaba enfermo cuando nació. No tenía relación con sus abuelos paternos. Por lo que se refiere a Myriam, había perdido a sus padres durante un terrible accidente de coche, acontecimiento que nos confirma la injusticia de la vida. Un día Myriam contó a su hija que Nina era una gran amiga de sus difuntos padres, y que se habían apoyado mucho después de su muerte trágica. Lo que alegraba a Laura no era únicamente volver a ver a Nina y probar su tarta puesto que sus vacaciones anuales, les pasaba también con Pedro — que tenía aproximadamente la misma edad que su madre, con algunos años más —, y con su hija : Liza. Desde sus primeros pasos, Laura y Liza se pasaban juntas las vacaciones. Nina decía que Myriam y Pedro eran como sus propios hijos. Las dos niñas iban a cumplir nueve años. Muchas cosas las separaban. En efecto, Laura era una verdadera niña modelo ; Liza era mucho más marimacho. La primera tenía una larga cabellera, la segunda los cabellos cortos ; la primera llevaba su ropa más bonita, la segunda se contentaba con un vaquero para correr mejor ; a la primera le gustaba leer, a la segunda le gustaba eldeporte. Sin embargo, tan diferentes como podían parecer, se llevaban de maravilla. Ambas chicas esperaban con impaciencia las vacaciones para encontrarse de nuevo. Era ya casi mediodía, y los ojos de Laura chispearon cuando divisó el portal azul de la casa de Nina. El coche apenas parado, Laura corrió a abrazar a Nina que les esperaba detrás de la ventana y salió deprisa al ver que llegaba el coche. La cara de Laura se alegró entonces, su madre la miró, feliz ante la felicidad de su hija. Cuando Laura y Liza se divisaron, corrie21 ron la una hacia la otra, evitando a los otros viajeros, siempre estaban contentas de volver a verse. Finalmente a las dos, ambas niñas pudieron por fin probar los sabores siempre exquisitos de las comidas preparadas por Nina. Mientras los adultos hablaban de su viaje y de temas diversos, las dos cómplices ya empezaban a establecer su programa de las tres semanas que pasarían juntas, y se prometían en primer lugar dedicar tiempo a los secretos que tenían que contarse. Pero cuando las dos niñas decidían intercambiarse los secretos, una verdadera pequeña ceremonía se establecía. El lugar ya no era común. No se debía oír una sola palabra de su conversación. « Un secreto, es un secreto », como decía a menudo Liza. Entonces, iban al puerto, al pequeño puerto de Muros, ahí donde la aventura empezaba, y ahí donde terminaba cada verano. Antes de empezar, prometían que jamás nada de lo que iban a decirse, se repetiría a alguien. La fórmula era : « prometo sobre el pacto sagrado de la amistad, que jamás repetiré uno de tus secretos ; si miento, que me parta un rayo ». Era Nina quien les había ayudado a construir esta pequeña fórmula, importante para las dos amigas. Este primer día de vacaciones era el primero de agosto, y lo que a las chicas les encantaba era que, además de pasar las vacaciones juntas, cada año celebraban su cumpleaños en este período. En efecto, Laura iba a cumplir nueve años el cuatro de agosto, mientras que Liza los cumplía el doce. Laura y Liza preparaban siempre el regalo de la otra antes de irse, y sealegraban de poder intercambiarlos. El reloj tocó las cinco de la tarde. Laura y Liza dibujaban cerca de la chimenea en el pequeño salón, cuando fueron atraídas por el olor de las magdalenas de Nina, que salían del horno. Se precipitaron entonces en el comedor donde les esperaba el té : para Laura con un azucarillo, y para Liza con dos y mucha leche. Laura decía a menudo : « ¡ De vacaciones en Muros, tengo la impresión que nos pasamos el tiempo comiendo ! ». Las dos cómplices anunciaron a los tres adultos el programa que habían establecido : a partir del día siguiente, tendrían « algo » que hacer. Era evidentemente la famosa ceremonia de los secretos. Al día siguiente irían al jardín a coger flores para decorar su habitación, ya que Laura encontraba la suya demasiado oscura. Deberían también ir a visitar al Señor Muño, el vecino que les regalaba siempre una gaseosa cuando las veía pasar ; sin olvidar a Lola, la hermanita de Esteban, que acababa de cumplir ocho años y que ju23 gaba a menudo con ellas. Laura siempre había pensado que Esteban, que tenía once años, estaba enamorado de Liza. Y que aunque lo negara, Liza lo estaba también. Pero eso nunca fue comprobado, los dos únicos verdaderamente enterados eran Esteban y Liza. Ahora bien, nada se le escapaba a Laura, y sin duda tenía razón… Así, tenían muchas cosas que hacer además de dibujar, hacer pastas con sal, collares de perlas, pasteles con Nina ; ¡ así eran, las vacaciones en Muros ! En efecto, cada año pasaba de esta manera, en la alegría y el buen humor a pesar de algunas pequeñas peleas de vez en cuando pero que nunca duraban mucho tiempo. Aquellas vacaciones representaban una respiración detenida durante once meses, un soplo de aire del que debían aprovechar para comenzar otro año. Representaban la misma importancia para las cinco personas, que se juntaban formando una verdadera pequeña familia. Sin embargo, estos momentos, vividos únicamente tres semanas durante el año eran sin saberlo, los últimos que todos iban a conocer. En efecto, al año siguiente, en el verano 2009, estes momentos tanto esperados no volvieron… Myriam y Laura habían decidido venir a casa de Nina una semana más que de costumbre, y por lo tanto una semana antes que Pedro y Liza, que debían llegar el tres de agosto. Laura esperaba impacientemente la llegada de Liza. Dos días pasaron, y Laura se aburría. Además, al pensar en el momento en que iba a regalar su presente de ese año a Liza aumentaba su impaciencia. Iba a regalarle un colgante que Liza había visto el año anterior, y que Laura había comprado. Así, lo cuidaba desde hacía un año. Un año de espera para ver la sonrisa radiente de Liza al descubrir el famoso colgante, para contemplar un rayó de luz que ilumine su cara. Nina, al verla enfurruñarse, le dijo que empezara a establecer el programa de sus vacaciones con Liza ; lo que hizo sin tardar. Pero a Laura le entró de repente un fuerte dolor de cabeza. Aquel día del 29 de julio, lo pasó en la cama, sin poder comer nada, sin poder soportar ningún ruido. Era la primera vez que eso le ocurría. Tenía la impresión de que una presión se ejercía en su cráneo, como si éste intentara molerle el cerebro. Sólo la oscuridad y el silencio hacían que su dolor de cabeza no se agravara. Ahora eran cerca de las diez, y entonces se anunció el drama. Se oyó una llamada telefónica. Bajó pronto Nina de la habitación de Laura donde fue a dejarle una medicina. Respondió, era Pedro. Éste anunciaba la 24 desaparición de Liza ocurrida durante la mañana. Debió colgar muy pronto, la policía estaba de vuelta ; Nina se hundió en los brazos de Myriam. Después de algunos minutos, el tiempo de tomar realmente conciencia de la situación, ambas derramaron todas las lágrimas de su cuerpo, pero probaban no hacer demasiado ruido para no avisar a Laura que por fin se había dormida. El drama sería todavía más profundo si Laura se enterara. Esperaban que la policía de Biarritz encontraría a la pequeña Liza. Ahora bien, Laura lo había oído todo, no dormía y se babía acurrucado detrás de los barrotes de la escalera. No lo comprendió todo, pero sabía que su mejor amiga no se había encontrado. Cerca de la medianoche, el dolor despareció tan pronto como apareció. Impaciente, como si hubiera esperado este momento desde la llamada de Pedro, salió de la casa, dejando en la cama la carta destinada a su madre y a la que llamaba abuela. Se dirigió entonces sola y temblando de frío hacia el puerto de Muros. En su mente, el camino de esta agua llevaba evidentemente a Biarritz ya de ahí que salía y llegaba Liza. En efecto, sobre la carta que había dejado, con las faltas de ortografía de una niña de nueve años, podíamos leer : « voy a volver a encontrar a Liza ». Guiada por una fuerza que la dejó inconsciente, se lanzó sobre una pequeña barca abandonada, mal atada, y se dejó llevar por las olas. Antes de aquella noche, el viento y la lluvia no se habían nunca unido tan violentamente, y la pequeña barca de Laura fue engullida por el mar encrespado, por sus múltiples brazos solapados que podían tanto acunaros como ahogaros. Finalmente, los cuerpos de las dos niñas fueron encontrados algunos días después, el cuatro de agosto. El cuerpo de Laura fue descubierto por un pescador ; había vuelto milagrosamente hacia el puerto, pero encallándose hacia la cabaña de un anciano a algunos kilómetros. En cuanto al de Liza, se encontró a algunos kilómetros del puerto de Biarritz — de donde se marchaba para ir a Galicia — cerca de un bosque que le bordeaba. Su muerte quedó un misterio, pero según las investigaciones, había muerto durante la noche del 29 al 30 de julio. Finalmente ¿ estaba relacionado el dolor de cabeza de Laura con los sufrimientos de Liza ? Puesto que, en realidad, esta muerte no se debía al azar. Ambas niñas murieron algunos días antes de su verdadero cumpleaños, el siete de agosto. En efecto, eran mellizas. Sus padres, Pedro y Myriam, habían decidido separarse poco tiempo antes de su nacimiento, entonces cada uno cuidó de una de las recién nacidas. Habían decidido ir una vez por año a 25 casa de Nina, la madre de Pedro, para que pudieran verse las dos nietas, pero tanbién para que las mellizas mantuvieran un contacto. Pero el egoísmo que mostraron sus padres no borró aquella atadura entre las dos mellizas, quizás el alejamiento lo reforzó más. Esta atadura paradójicamente cruel las llevó hacia la fatalidad : dos mitades separadas por el agua, pero reunidas en la muerte. En todos casos, desde esa terrible historia que ocurrió algunos años antes, contando el destino de dos mellizas unidas hasta la muerte por una atadura tan hermosa como trágica, una leyenda se estableció en Muros. Dos sirenas llamadas Laura y Liza se habían convertido en eternas habitantes del puerto de Muros y protegerían a todos los pescadores de Galicia. Algunos tuvieron otra versión de la leyenda y cada habitante la contó un poco diferentemente. Eso fue que lo hizo la fuerza de la imaginación : es fuente inagotable y única en cada uno de nosotros. Sophie Motreff, TL2 26 CELESTE’S WORLD TOUR I am free. Free like the air and I think that my story could make thousands of people dream. Nevertheless, it began like you, with my birth. Very soon, I had to learn to become autonomous, to stand on my own feet. The first years of my existence were the most exciting I had and I am going to confide this fabulous story to you. Very early, my father told me that we could only rely on ourselves if we wanted to succeed. So, as a good child, I followed his advice which was – I had to admit – very useful. The journeys and the marine world have been my only passion from the beginning. Everything in relation with these two exciting worlds used to make me shudder with pleasure. To be honest, my favourite place was the harbour. Although I was fascinated by sailing, the harbour of Vladivostok, Singapore or Amsterdam were my whole universe. Therefore, when I was big enough to do it, I started looking for a long but fascinating world tour with my eyes for only resource ; my eyes which carried me to where I am. On May 18th 1989, I left Singapore, my hometown, to go across the world. I was thirsty of storms, wrecks, paradise islands, lighthouses, and coasts. Of course, I was looking for adventure and my heart was beating fast. It’s towards Finland I flew first, because since my youngest age, I’ve been fascinated by Scandinavian countries and their abrupt cliffs. I made astonishing encounters, among them a girl, who kept my attention. In fact, she was named Celeste, like me and her complexion was white with glittering eyes. I watched her for a long time, everything she did was done with passion and she made me think about my sweet sister, whom I missed. Without any notion of time, no useful aim, I had the feeling I was alive. I enjoyed everything completely, and when I had the feeling it was time to leave, I left for a new destination. Some of my stopovers only lasted two hours, one week or sometimes months but the passion was the same everywhere. Obviously, I had to adapt myself to the various climates and ethnic groups ; but every city ; every har27 bour had its own charm and possessed me. I was going so fast that time was running after me ! Can you imagine ? I was out of time and its evolutions. The world belonged to me. Standing on the Alexandria lighthouse, the ocean in front of me, as far eyes could see, I left Egypt for Peru in the twinkling of an eye, and Peru for Greece in a snap. If you could know how many pictures my eyes took during every stay ! I was the happiest in the world in every place I discovered. When I heard people speaking about a harbour – which I call Paradise – I went there without any previous concern. Brest’s winds, storms, and paving stones filled me and when times were hard, I remember a Provencal fisherman, the most generous and charming I’ve ever known who used to feed me with his most beautiful fish. Provence ! What a sensitive place ! I caressed fields of lavenders, flew above Port Cros, navigated and saw Sicilia too. Venice and Madagascar smiled at me ; Amsterdam gave me its heart and Dublin captivated me. I had an attachment to every Paradise. Each of my humours was linked to a city and even today I still remember these perfect pictures left by the years, stopovers, boats. How wonderful these three mat sailboats were, and how radiant these trimarans on the Atlantic Ocean were… Today, I have to say goodbye to all these trips. I have found a place to end my days, and also because the loneliness started to eat me out. It’s decided : I, Celeste, a common Albatross but the happiest one, have found my ideal : La Rochelle harbour, where I’ve met my husband and created a family. Furthermore, the sunset here is the most beautiful I’ve ever seen and the light wind makes me fly away. I remain free. Free like the air and I think that at least one person has been surprised by my story. Mathilde Pailley, 1ES2 28 L’ATTENTE Si vous vous rendez au Port du Songe d’Eléanore, Sur les côtes bretonnes, Vous y entendrez conter l’histoire d’une étrange personne, Qui, au temps des Lumières, se ferma au monde, Et espéra à chaque seconde, Voir au loin réapparaître, Celui sans qui elle ne pouvait être. Eléanore a soixante ans. Debout, sur la haute digue du port, le regard rivé sur l’océan, elle attend. Le doux soleil d’octobre caresse sa peau. Stoïque et imperturbable, elle reste sous la brise. Rien ne la fera bouger d’ici. Sous ses yeux s’étend la mer, ce vaste miroir éclatant qui cache peut-être un lourd secret. Un secret qu’elle se refuse à admettre : une nuit de tempête, le miroir n’a pas ramené son mari. Le bateau n’est jamais rentré. Mais peutêtre s’est-il perdu, peut-être s’est-il échoué dans un autre port, une autre ville, un autre pays ? Rien n’est impossible. Et Eléanore en est persuadée : Laurent n’est pas sous la mer. Et voilà maintenant quarante ans qu’elle l’attend ainsi, espérant chaque jour voir réapparaître au loin le navire. L’espoir ne l’a jamais quittée. Alors que bien d’autres auraient refait leur vie, Eléanore, elle, n’attend que son mari. Où est-il… En France, sur une île, dans un autre pays ? Prisonnier, libre ? Invalide, en bonne santé ? Peut-il au moins rentrer ? Pense-t-il à moi, à nous… A-t-il refait sa vie ? A cette pensée, Eléanore baisse la tête. Mais elle ne veut pas y croire. La vieille dame se redresse fièrement face à la mer, la défiant du regard. Il reviendra. Soudain, quelqu’un s’approche. Une main légère se pose sur son épaule. Quelques minutes passent. La main se resserre davantage, et la vieille dame se dégage alors doucement de la frêle étreinte. Elle sait très bien que ce n’est pas Laurent. Lui qui avait des gestes si doux mais si sûrs, qui la prenait par lataille et lui baisait le cou, qui caressait tendrement ses longs cheveux noirs ! Eléanore l’aurait reconnu au moindre effleurement ! Elle ne se retourne donc pas. Elle sait très bien que celle qui est derrière elle n’est autre qu’une de ces villageoises pleine de compassion exaspérante, qui lui répétait inlassablement, comme tant d’autres : « Laurent est mort, ne reste 30 plus là ». Mais ils n’avaient aucune preuve. Personne n’avait de preuves ! Pas de corps retrouvés, pas d’épave : pas de preuves. Non, Laurent n’est pas mort. La main s’abat plus fermement sur son épaule. La brise s’amplifie, le soleil est sur le point de se coucher. La vieille dame sent que la villageoise n’est plus seule. Sa main se fait plus insistante, elle se resserre sur l’épaule de l’imperturbable guetteuse, la forçant à se retourner. Mais Eléanore lutte. Elle ne cèdera pas. Elle ne veut pas voir ces visages désolés, ces pathétiques regards, ces hypocrites qui ne veulent que son malheur. Eléanore ne veut que la paix. Qu’ils la laissent avec son espoir, ses rêves, ses certitudes. Non, Eléanore ne se retournera pas. Et pourtant… D’autres mains l’agrippent, la tirent vers l’arrière. La vieille dame tend tous les muscles de son corps, le regard toujours fixé sur l’horizon, mais ce n’est pas suffisant. De force, elle est tournée dos à la mer. Eléanore pose alors un lourd regard haineux sur ceux qui l’ont agrippée. Elle les transperce de ses yeux noirs. Ils reculent au beau milieu de la foule. La foule. Presque tout le village est là, sur la petite digue du port où elle reste d’habitude seule du matin au soir. Tous la regardent, s’agitent, sourient. Eléanore n’y voit qu’une assemblée de menteurs aux rictus malhonnêtes. Leurs yeux brillent, ils semblent si heureux, si soudés, tous ligués contre elle depuis tant d’années. Leur bouche s’ouvre et se ferme, et Eléanore sait très bien que des moqueries sont lancées contre elle. Une vraie basse-cour. Tous d’immondes porcs venus assister à son guet continuel, riant de son fol espoir de voir réapparaître celui qu’elle aime depuis toujours. Eléanore bout de rage. Soudain, la foule se calme. Elle s’écarte, laissant apparaître un étrange vieil homme, soutenu par un des marins du port. Le vieil homme aussi a les yeux qui rient, il semble si heureux, rempli d’une joie si folle, tellement grande que, pour la première fois depuis bien des années, la vieille dame ressent alors ce sentiment oublié. Il approche. Elle ne l’a jamais vu au village. Mais il faut dire qu’à part la mer, elle ne faisait plus attention à rien. Elle observe l’étranger avec curiosité. Ses traits sont si fins sous ses rides, si familiers. Son sourire est si doux, ses yeux si bleus… Il ressemble tellement à Laurent. Le vieil homme la contemple en avançant. Ses lèvres bougent. Encore des mots contre elle. Eléanore n’entend que ce qu’elle veut. Elle plisse les yeux davantage. Les cheveux gris, le visage fatigué, bien 31 qu’illuminé de joie, la démarche boiteuse, incertaine. Un profil quelconque finalement, un nez trop droit, une main en moins. Quelle stupide illusion ! Comme si Laurent pouvait réapparaître grâce à ces imbéciles. Ce n’est pas lui. Les villageois n’ont jamais été là pour elle, ce vieillard ne le sera pas non plus. Une larme coule sur la joue de la vieille dame. Lui faire une chose si atroce, après tant d’années à attendre ! Elle qui ne leur a jamais rien demandé, jamais rien fait. Comment ces monstres osent-ils présenter devant elle une pâle copie de l’homme de sa vie ? Et ce vieil homme qui continue d’avancer. Il se joue d’elle… Ses yeux pénètrent ceux de la vieille dame. Ce bleu intense, ce regard. Une étrange sensation l’envahit, elle ne sait plus quoi penser. Eléanore sent son cœur se gonfler. Ses lèvres frémissent. Sa rage se mêle à une douce mélancolie, au plus profond d’elle-même, une flamme renaît de ses cendres. La vieille dame se plonge alors dans les yeux du vieil homme. Au loin, si loin, elle se rappelle… La posture sûre d’un beau marin, le buste droit face à la mer. Elle revoit ce dernier signe qu’il lui a adressé la veille de ce soir de tempête, un signe qui lui disait : je reviens ma douce. Les traits de la vieille dame se relâchent, elle respire plus lentement. Eléanore sent Laurent si près d’elle. Serait-ce lui finalement ? La brise se calme, le soleil atteint l’horizon. Le vieil homme n’est plus qu’à quelques pas d’elle. Ses yeux brillent de bonheur, mais ses lèvres continuent de bouger. Pourquoi ces mots blessants qu’elle devine ? Le dernier rayon de soleil illumine une dernière fois l’œil du vieil homme, et cet éclat la touche en plein cœur. Eléanore se souvient. Elle se souvient que, lassée d’entendre les villageois lui prononcer tous les jours les mêmes phrases prédisant la mort de celui qu’elle aimait, elle s’était refermée sur ellemême, et était devenue sourde. Puis, lassée de leur répondre, elle était également devenue muette. Elle se rend soudain compte que les villageois ne sont pas si mauvais, qu’ils lui ont ramené son cher Laurent. Celui-ci est si proche à présent. Ses lèvres forment alors les trois mots les plus beaux du monde, et il enlace tendrement la femme de son cœur. Le contact de ses mains démultiplie ses sens, son sourire la fait trembler. Ses lèvres effleurent alors les siennes et plus rien ne compte autour d’eux. Le ciel rosé de lumière assiste au plus beau des spectacles. La foule s’est tue, la mer murmure. Eléanore se sent sombrer lentement, avec une infinie douceur. Elle relève doucement la tête vers celui qu’elle a tant attendu, se plonge dans ses profonds yeux bleu océan, puis, gardant cette ultime image en mémoire 32 pour l’éternité, pose sa tête contre la fragile poitrine de Laurent, et tombe, le sourire aux lèvres, dans un sommeil infini… Au pays des songes éternels, ces deux âmes seront pour toujours réunies… Au petit matin, quatre villageoises entrèrent dans la chambre d’Eléanore, intriguées de ne pas la voir sur la digue, comme à son habitude. Mais qu’elles ne s’inquiètent plus : la vieille dame vit maintenant dans le plus beau des mondes. Inanimée dans son lit, avec pour dernière expression un sourire de bonheur intense sur le visage, Eléanore s’est éteinte dans son sommeil. Quel doux rêve as-tu fait pour mourir si heureuse… Sandra Kirchner, PCSI2 34 CONNECTIVITÉ Tunis, Tunisie, le 26 août 1982 Le soleil brûle ma peau salée. Je me suis accroupi et je me penche, sur le quai du port, au-dessus de l’eau. Une larme coule le long de mon visage, brûle encore un peu plus ma peau déjà irritée, et va rejoindre ses copines dans l’immensité bleue. Ça me fait du bien de penser que maintenant, un peu de moi est dans ce chaos liquide, cet amas bleu qui fait tant rêver mes confrères, intrépides voyageurs ou marchands prospères. Maintenant ils vogueront l’esprit libre sur les embruns mousseux, les vagues cavalières... avec ma petite larme. Mais cela n’enlève rien à mon malheur. Elle est partie, elle ne reviendra pas, c’est fini, m’a-t-on dit. Adieu. Reprends ta vie et tais-toi. Non mais, pourquoi tu te prends la tête avec des histoires pareilles ? Tu savais très bien que ce genre de bourgeoise française n’a rien à faire avec un bougnoule dans ton genre, je te l’avais bien dit, mon fils. Par Allah, entre ce port miteux dans ce coin paumé de Tunisie et la classe de Paris, n’importe quelle donzelle prend Paris mon coco ! Allez, sèche tes larmes, va me chercher du poisson... Les amourettes ça passe vite, tu verras. D’ici un mois tu reprendras ta vie comme avant. Et puis, les filles d’ici sont beaucoup plus jolies et respectables. J’ai acheté du poisson au vieux monsieur qui hante le port depuis toujours. Il m’a souri et j’ai eu l’impression qu’il devinait ma peine. Oui j’ai compris ce que disait ma mère mais moi, je ne vois rien, et ma vie, je ne la reprends pas. Si je pouvais, je la jetterais dans les abysses de l’océan. Elle se noierait, et les poissons en feraient leur repas. Mais même eux je ne suis pas sûr qu’ils en veuillent. Qui voudrait d’une âme ratatinée, asséchée ? D’une vie qui n’a plus de but ? Même les sardines ont un minimum de goût... Je reste avec ma piètre âme de laissé-pour-compte et regarde l’horizon. Au cas où elle me verrait, debout sur son grand paquebot de luxe, à destination de Marseille. Avec des yeux comme les siens, des yeux magiques qui étincellent comme les étoiles, elle doit bien avoir aussi une vision extraordinaire ! Avec une fille comme elle, il ne peut en être autrement. 35 Mais à défaut de voir Cécile, ma Cécile, ma douce Cécile partie à jamais, je voudrais partager ma peine avec une autre personne, assise elle aussi sur le quai d’un autre port, avec la même lassitude que moi au fond des yeux. Pourquoi pas après tout ? J’attends et j’espère. Rotterdam, Pays Bas, aujourd’hui Mes trois cargos chargés de près de trois mille canards en plastique partent pour les US. Cette fois c’est bon, on a signé un contrat avec les Américains. Je vais monter dans la hiérarchie, rafler toutes les places, gagner, être le vainqueur, le riche, le puissant. Je suis un modèle de réussite sociale, une étoile montante parmi les plus gros portefeuilles du monde. Je souris de satisfaction à cette promesse de gloire et regarde autour de moi. Dans ce port, ce complexe industrialo-portuaire européen, l’eau, la marée, le vent, le bruit des mouettes et même les effluves d’air iodé ont été maîtrisés par l’Homme. Je m’exalte devant mon propre triomphe dans ce lieu de triomphe humain sur la nature. J’ai du succès dans mes affaires, dans mes amours, comme dans la chanson de Starmania... Je regarde mes cargos de marchandises s’en aller chez mon client et je me frotte les mains. Je suis si content que j’ai l’impression de rayonner. Et d’une lumière si puissante que même à l’autre bout du monde, au port de New York où mon client attend sa livraison, on apercevra encore ma lumière ! Je pleure de joie, me voilà presque riche. Mes larmes tombent dans une flaque, mélange d’eau et de pétrole. Un petit vieux longe le port, en poussant un chariot de marchandises. Il me regarde, me sourit, et continue son chemin. Que me veut-il celui-là ? Mon triomphe, ma richesse ? Est-il jaloux ? Je l’espère en tout cas. Je veux que les gens meurent de jalousie en voyant mon succès, et me craignent en même temps. Un vrai seigneur, voilà ce que je serai bientôt. Je respire un bon coup, (de l’air iodé, mélangé à du mazout, des produits chimiques et je ne sais quoi encore) et je m’en vais dans mon bureau, continuer ma conquête du monde. Venise, Italie, le 26 août 1982 Donatella est là, au bord du quai. Je suis derrière elle, caché, et je la 36 contemple. Il fait nuit, elle est juste illuminée par la lune blafarde. Cette lumière confère un reflet nacré à sa peau. Elle se retourne de profil. Elle m’a vu. Je saisis pendant un instant encore les ondes de sa magnificence. La nuit a enlevé les couleurs de son corps, elle n’est qu’un profil qui tire du bleu nuit au gris argent. Mais une beauté pareille n’a pas besoin des couleurs factices, éclatantes du jour, qui usent les yeux. Je ne vois qu’un nez aquilin, un œil noir et pétillant, une gorge ondoyante et une chevelure noire... Mais pourtant quelle beauté mon dieu, quelle beauté ! Une beauté de naïade, liquide. L’eau est son élément, il n’y a pas de doute. Elle n’a rien de la sirène dangereuse et vile, elle est la nymphe d’une diaphane clarté qui peut, comme l’eau, s’évaporer à tout instant. Il se dégage d’elle une douce dangerosité, comme la mer. Elle est à la fois puissante et volatile, madone et candide. Mon dieu si seulement elle savait... Une larme intempestive glisse de ma joue, coule le long de mon visage mais je n’y fais pas attention. Je regarde la mer et la déesse qui la regarde aussi. Savoir que nous regardons ensemble le même spectacle me fait sentir proche d’elle, me réchauffe le cœur... C’est presque un coucher de soleil entre amoureux. Si à l’autre bout du monde, il y a une personne, elle aussi assise dans un autre port, à regarder le lointain, j’espère qu’elle aussi sera éblouie par le spectacle de Donatella au bord de l’eau. Au loin, plus près du quai, un vieux monsieur passe d’un pas nonchalant avec son chien. Pauvre idiot, il ne sait pas quel spectacle il rate. Il me regarde et me sourit. C’est au moins ça ; lui est un imbécile heureux, alors que je suis un amoureux incompris. Venise, Italie, aujourd’hui Rien... Silence absolu... Mon dieu, Pedro est là. Je sais qu’il est là caché, là, perfide, à me regarder et à s’extasier comme un pauvre malade sur mon corps, ma peau, mes cheveux. Et mon âme, est-ce qu’il s’en occupe tout autant ? Je ne veux pas me salir avec un homme. Mon être est pour ces ondes bleues, fortes et diaphanes, immenses et belles, ces embruns brumeux et doux. La mer, cette puissance salée à la consistance liquide, filante. J’aime aller sur le port regarder le coucher du soleil. Mais maintenant la nuit est tombée depuis longtemps et on sent la tempête à venir. Les vagues sont de plus en plus grosses. C’est merveilleux, ces flux qui correspondent au bercement de mon âme. Le vent souffle de plus en plus fort, il fait de plus en 37 plus froid. Un froid mordant, qui réveille le corps, qui stimule chaque parcelle de ma peau, qui glisse sur mes cheveux. Le port aussi se réveille. Les haubans claquent plus fort contre leur mât, et la lumière du phare semble tournoyer plus vite, comme pour lancer un SOS. Les mouettes ont déserté le port depuis longtemps, elles ont senti le chaos. Et lui qui est en train de me regarder, juste derrière ! Son regard me brûle, me ronge. Arrête de me regarder, je t’en prie, je suis si bien là, va-t’en. Non je ne veux pas de toi. Toi non plus alors tu n’as rien compris. Comment pourrais-je préférer la moiteur d’un foyer aux déferlements des éléments ? Je ne t’apporterais rien, va, va-t’en. Arrête de me harceler, ça ne servira à rien. Je regarde l’ailleurs, le lointain, l’horizon. N’y a-t-il personne, quelque part assis sur un autre port qui puisse me comprendre, m’écouter ? Et toujours ce refrain lancinant d’un coeur égoïste. Je craque, je n’en peux plus. Cela dure depuis trop longtemps. Une larme glisse le long de ma joue et tombe dans l’eau. La pluie de la tempête commence à tomber aussi. J’aperçois au loin, près du phare une silhouette courbée, comme celle d’un vieil homme. Celui-ci, comprendrait-il ma douleur ? Je suis trop loin pour le voir, mais, parmi les froideurs de la tempête qui envahissent mon coeur, je perçois la tiédeur, timide réconfort, d’un imperceptible sourire lancé au loin. Il y a de l’eau qui déborde de mon corps par mes larmes timides, qui déborde du ciel par la pluie et qui déborde de la mer par les vagues furieuses. Toute cette eau... Je suis presque heureuse. Quelque part, n’importe où et n’importe quand J’étais là. En Hollande, en Italie, au Sénégal. J’étais là à chaque fois, à chaque endroit, partout à la fois. Qui suis-je ? Le vieil homme du port, celui qu’ils ont tous vu et qui leur a souri à tous. Je ne suis pas un mage, un monstre, un savant fou, plutôt un anonyme général ; personne ne sait qui je suis. Mais, au fond, c’est inutile de le savoir. Depuis des temps infinis, j’erre dans les ports du monde pour voir le reflet de l’humanité. Et après tout ce que j’ai vu, au fil du temps, je me suis mis à penser que les ports liaient les hommes. Au-delà de l’immensité bleue, si dangereuse pour nous, pauvres créatures terrestres, nous rencontrons dans ces endroits des gens nouveaux, de vieilles connaissances, des idées, des saveurs, des senteurs 39 venues d’ailleurs. En voyant simultanément ces quatre personnes, je me suis dit que la vie était merveilleuse. A chaque fois, une de leurs larmes tombait dans la mer, et je sentais qu’ils voulaient partager leurs sentiments, si différents soient-ils, avec quelqu’un d’ailleurs. Dans un monde où la barbarie règne, où les hommes crèvent sous les coups de leurs frères, j’ai longtemps cru que ce n’était pas la peine de continuer à y croire. J’ai vu trop de noirceur dans l’âme des hommes, trop de vengeances et de fratricides. Je sais mieux que quiconque que les guerres ravagent tout, que la pollution envahit ce monde, et que tout semble voué à l’échec. Pourtant, la vue de ces situations m’a redonné courage. Car tous, nous nous ressemblons et nous ressentons les mêmes sentiments. C’est ce qui m’a été révélé en voyant ces quatre personnes. Au bout du compte, les différences ne sont que des illusions qui aveuglent les hommes et les terrorisent. Mais il y a plus que ça, il y a au-dessus de ça. La logique implacable voudrait que l’on laisse ce monde pourrir. Mais le cœur ne l’emporte-t-il pas sur la raison ? Léa Glacet, 2de11 40 SUR DEUX RIVES... ELLE Pourquoi suis-je ici ? Pourquoi suis-je toujours sur ce port ? Dans ma vie beaucoup de questions demeurent sans réponses, mais une résonne toujours dans mon esprit ces derniers jours... Qu’est-ce que je fais ici tous les soirs depuis que j’ai emménagé au bord de la mer ? C’est comme si j’attendais quelque chose... Mais quoi ? Ce soir encore je suis venue. Encore ce soir, encore cet immense bateau s’approche lentement du quai. C’est étrange, chaque fois que je suis ici, il est également présent sur cette mer, s’approchant inexorablement du port, de moi... C’est comme s’il venait pour moi... Ou comme si je l’attendais, chaque soir. Mais c’est absurde ! Qui viendrait pour moi... Je sais pertinemment que personne ne me connaît sur l’autre rive. Mais je ne peux m’en échapper et j’observe, j’observe ces touristes descendre du paquebot. Le soleil lentement se couche et, lorsqu’il s’est totalement fondu dans la masse bleutée, je m’éloigne, m’enfonçant lentement dans les rues sombres de Toulon. LUI Je n’en peux plus. Je ne supporte plus ce paysage. Ce bateau qui s’éloigne, ce soleil qui se lève, cette mer qui brille d’un millier d’éclats argentés. Je n’arrive cependant pas à m’en empêcher, chaque matin je viens. Peu importe la fatigue, l’envie ou la maladie : je vais inéluctablement sur ce port. Comme si mon devoir était de voir ce bateau. Et, chaque matin, le regard perdu sur l’étendue bleue, je maudis la vie injuste. Certains diraient que je suis fataliste... Mais je pense plutôt être réaliste... Assez réaliste pour voir la vie sous son vrai jour. Ce jour laid qui nous écœure, qui nous donne la nausée. Mais ce bateau qui s’éloigne lentement laisse dans mon cœur cette flamme, l’espoir. Comme si en s’éloignant ce bateau murmurait à mon cœur qu’il serait là pour moi si la vie devenait trop dure. Comme s’il me restait une échappatoire... Partir… Partir sur ce bateau... Partir pour ne plus jamais revenir... Mais la France est si lointaine... ELLE Chaque soir je me déteste encore plus que la veille, je me déteste pour 41 ma faiblesse, mon incapacité à me défaire de cette stupide et inutile habitude, habitude incontrôlable. C’est comme si mon corps agissait contre ma volonté... Je me sens folle, moi jeune fille d’à peine dix-neuf ans, déjà prête à me faire interner. Je n’ose même pas en parler à mes amies, à ma famille... Rien qu’imaginer leur réaction me donne la chair de poule. Mais en même temps je ressens la peur de leur dire, pour une raison très paradoxale : la peur de ne plus pouvoir retourner sur ce pont, ne plus observer ce bateau qui s’avance, ne plus voir cette mer et ce soleil s’y enfoncer lentement pour laisser place à la lune et aux étoiles. Et alors que le paysage se dessine trait par trait dans mon esprit, le port s’affiche sous mes yeux. L’immense embarcation fend les flots dans ma direction formant de petites vagues qui s’étendent dans toutes les directions. Une fois le bateau arrivé, les visages se succèdent... Quand le dernier touriste est descendu du paquebot, j’observe la paroi sombre pour finalement poser mes yeux sur les idéogrammes présents que je ne comprends absolument pas d’ailleurs. Cependant au-dessous de ceux-ci je peux voir cette fois-ci en français, les mots : « Inchon / Toulon ». Il y a de quoi rire tout de même ! Cela fait presque un mois que je suis ici tous les soirs à observer et je n’ai pas une seule fois tenté de connaître sa provenance. Je me demande où se trouve Inchon... Ce soir je me renseignerai. Tant qu’à le voir tous les jours autant en savoir plus sur celui-ci. LUI Voilà aujourd’hui que le même rêve hante toutes mes nuits. Il erre sans fin dans mon esprit. Et alors que je m’avance sur le quai, je réalise peu à peu que peut-être c’est un message que mon inconscient tente de me faire comprendre... Oui… Devrais-je monter sur ce bateau et partir ? Aller loin et toucher du doigt le soleil levant. Devrais-je m’en aller pour ne sûrement plus jamais revenir... Une décision difficile à prendre en réalité. Je sais que ce genre de choix détermine une vie et la peur de faire le mauvais choix est obsédante, angoissante. Mais pourquoi partir, si loin, rien ne m’attend là-bas... ELLE Je suis ici, encore. Attendant, seule, une fois de plus. Attendant quelque chose qui ne semble pas venir. Après toutes ces fois où mes yeux ont recherché en vain cette chose, le doute s’installe en moi. Et si j’attendais ici à jamais… 43 Tandis que le vent marin caresse mon visage, une idée s’insinue lentement dans mon esprit. Monter. Monter pour partir. Monter et partir pour fuir ce quai, cette routine, cette attente... Pour découvrir une nouvelle vie... LUI L’empereur Alexandre le grand disait : « La chance ne sourit qu’aux audacieux ». Depuis plusieurs jours déjà suivre ce proverbe me paraît la meilleure chose à faire, me devient nécessaire. Le regard plongé dans la myriade d’étincelles sillonnée par l’immense embarcation, je prends conscience que dans ma main pend un livre : « Le français dans la poche ». Où l’ai-je pris ? Je l’ignore. Mon regard jongle rapidement entre la couverture du livre et le paquebot qui s’éloigne lentement du port. Tout devient alors clair dans mon esprit et dans mon cœur... Je dois partir. ELLE Aujourd’hui sera la dernière fois où j’observerai, passive, le débarquement. Je vais partir. Repartir de zéro semble une hypothèse nécessaire, non, plutôt une solution, la seule. Sans travail, sans diplôme, rien ne m’attend plus ici. LUI Chacun de mes pas me rapproche inévitablement de ce quai, de ce paquebot. Ma routine se brise à l’instant où mon pied foule le pont de l’immense bateau. Le départ ! Et, alors que mon regard se perd dans la mer, je m’éloigne lentement d’Inchon. C’est alors que, silencieusement, je dis adieu à ce pont qui m’a accueilli chaque matin malgré ma haine. Un dernier regard, celui du dernier souvenir... et je me retourne : le soleil, orangé, semble me montrer la voie à suivre. ELLE Le billet dans ma main gauche, une valise dans l’autre, je m’avance sur le pont de pierre, mes pas se font de plus en plus lents, mon rythme cardiaque s’accélère. Mes adieux glissent silencieusement sur mes joues. Il est l’heure de partir, partir vers un nouvel horizon, vers une nouvelle vie. Je pose un dernier regard sur mon port, sur ma ville, sur mon pays puis détourne mon visage noyé de larmes. Ne plus se retourner ! L’accès est étroit et, alors que je me faufile dans le paquebot, mon épaule heurte quelqu’un. Un frisson électrique parcourt mon bras puis mon corps... Malgré mon malaise je ne me retourne pas de peur de ne plus partir ensuite. Je continue ma 44 route et m’installe sur le pont, dos tourné au continent... Une fois que l’embarcation est assez avancée dans la mer, j’ose regarder en face la terre que je quitte... A l’endroit où je me tenais chaque jour depuis un mois, un homme semble fixer l’horizon. Semble attendre quelque chose, comme moi auparavant. Peut-être n’étais-je pas la seule... Une dernière perle salée a alors roulé sur mon visage. LUI La France ! Ce pays si romantique, si grand, le voilà qui se trouve à ma portée. Cette semaine de traversée m’a tout juste laissé le temps d’apprendre les bases de cette langue. Ce soir, le soleil couchant colore le port de Toulon d’une nuance de rose. Je descends lentement, absorbé par ce tableau. Malgré la foule, malgré les bousculades, je descends, lentement. C’est alors que mon épaule est parcourue d’un frisson électrique qui s’étend rapidement dans tout mon bras avant de s’éteindre au bout de mes doigts. Impressionné, je me retourne et n’aperçois qu’une longue chevelure sombre disparaître rapidement dans le bateau. Je reprends ma route et m’arrête sur ce pont de pierre, mon regard se perd soudain vers l’étendue dans laquelle s’enfonce lentement le soleil. Aurélia Cadet, TS1 45 LE DÉPART DU MATERLOD Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage, à tirer sur son brûlegueule, cadeau d’une vieille gueule cassée de la Première Grande Moche. Il dessine dans les airs des rubans de Moebius que la ventilation de la voiture se dépêche de défaire. Il pleut tellement fort que le vieil homme s’attend à voir un banc de sardines traverser l’autoroute gris perle, ou mieux, une sirène en train de faire du stop, ruisselante de pluie et de beauté. Monsieur, je suis fatiguée de l’Océan Atlantique qui roule sa houle comme elle roulerait des mécaniques. Emmenez-moi vers la Méditerranée, là où les volcans ont émergé de l’écume paresseuse. J’émergerai de temps à autre comme ces montagnes frissonnantes et brûlantes. Je serai votre nouvelle Vénus, voulez-vous ? Les essuie-glaces balayent ses songes d’une nuit pluvieuse, aussi efficacement qu’une crise de rhumatisme. Il est vieux le vieil Ulysse et jamais les sirènes ne voudront glisser leurs doigts lutins dans les boucles neigeuses de sa barbe, pas même celles qui nagent dans ses songes. Le voyage aiguise sa faim. Toulon n’est plus très loin. Il lui tarde d’arriver, puis d’attendre, ancré à la terrasse d’un café sur le port, lesté par un solide petit déjeuner. Son petit-fils Yann le rejoindra une fois ses paquets bouclés. C’est le dernier des Materlod, cette grande famille de marins qui a tant de fois fait le tour du monde et entourloupé le cœur de ces demoiselles si friandes du pompon rouge porte-bonheur. Des souvenirs doux et salés comme les plumes d’une mouette virevoltent dans un coin de sa tête. Ils ont hâte de faire rêver ce petit-fils, si loin du berceau breton, si proche de son bateau prêt à l’emporter vers de lointains horizons. Le Merveillant est là à portée d’ombre, chaloupant majestueusement dans la brume matinale qui baigne le port. Ulysse caresse des yeux le navire hauturier. Il flatte la coque griffée par les tempêtes, secoue les voiles encore repliées comme des ailes blanches, agace la lourde chaîne au bout de laquelle sommeille l’ancre et cajole les hauts mâts prêts à éventrer les nuages. Le Merveillant attend lui aussi Yann Materlod. Le vieil Ulysse savoure son café turc tout en poussant du bout du pied ses maigres bagages. Il a ressorti son vieux sac de marin, qui lui donne l’impression de mettre les voiles, pour de bon. La joie qu’il éprouve à l’idée de voir son petit-fils réveille le fantôme d’embrun en tricot à rayures 47 blanches et bleues de sa jeunesse. Il boit du petit lait saupoudré de fierté, mais très vite le breuvage tourne au vinaigre. Et ce fainéant qui n’est toujours pas là et qui ose faire attendre un vieux loup de mer de sa trempe et un si merveilleux bateau ! Après un long trajet à avaler des kilomètres goudronnés et des mauvais cafés (celui du port n’est pas mauvais, sans être vraiment mieux), on ose le faire mariner, lui, Ulysse, le chevaucheur de houle et le coureur de sirènes ! Et qui ? Un jeune bigorneau, un marin de grenadine, un matelot de lavabo, pas capable de monter en haute mer et encore moins visiblement de remonter son réveil. En tout cas, l’estime qu’il avait pour lui est retombée. « T’es tombé du lit papy ? - Bandit ! Je t’attendais ! » Ulysse serre farouchement Yann contre son vieux palpitant, s’accroche à lui comme à une bouée, marmottant de joie et d’agacement. Il est là finalement. « Mais oui je suis là. Tu ne crois quand même pas que j’allais partir sans te dire adieu. Qui sait quand je te reverrai ? Pas avant un bon moment je crois. Le temps pour moi de laisser ma carte de visite dans tous les ports du monde, mieux, de la glisser dans le décolleté de quelques jolies nymphes. Je te laisse les sirènes, papy, je n’ai jamais aimé les sardines ! Et puis, peut-être que je reviendrai seulement quand j’aurai trouvé ma Pénélope ! » Le sourire de Yann éclate comme une grenade trop mûre. Ses yeux bleu pétrole brillent de mille feux et Ulysse, face à ce petit-fils débordant de vie et de projets, emprunte un peu de sa chaleur et de sa jeunesse. Un garçon apporte une énième tasse de café, débarrasse les reliefs d’un petit déjeuner avant de disparaître dans un tourbillon noir et blanc. « Mon dernier café à terre. Mon prochain, je le prendrai au-dessus d’un gouffre marin sûrement. T’as connu ça papy. Ça doit te tordre le ventre de boire un café et d’imaginer les grosses poiscailles fluorescentes à des lieues sous tes pieds se tortiller dans une eau noire comme ce que t’es en train de boire. Mais je crois que dès qu’on mouillera dans un nouveau port, je filerai dans un café, comme celui-ci. Je pourrai boire un vrai café avec de la vraie flotte et pas de la mer dessalée. Je pourrai surtout me verser une tasse sans en mettre partout. » Ulysse est surpris. Ce garçon commence déjà à amasser des pépites de regrets alors qu’il n’a même pas encore mis un pied à bord. D’ailleurs, il a 48 à peine regardé le Merveillant et même la figure de proue semble faire une petite grimace un peu triste. Elle est jolie cette enfant à la chair en bois d’olivier et à la cambrure gracile, comme si le trois-mâts lui chatouillait le creux des reins. Elle en a vu des ports, ici et ailleurs, mais a-t-elle déjà vu un marin qui ne la regarde pas ? Le vieil homme entend à peine le flot de babillages de son petit-fils, il admire la jeune fille qui si souvent fait face aux tempêtes. Elle leur tient tête ! Et avec un air de crânerie absolument adorable. Et lui, le petit, que regarde-t-il ? Son sac de temps en temps, plein jusqu’aux yeux, gavé de vêtements et de menus objets comme une otarie bourrée de poissons dans un zoo. Rien à voir avec son sac, vieux et maigrelet comme lui. Le vrai sac, d’un vrai marin, raboté par le vent et le sel, mais qui ne demande qu’à partir. « Je dois y aller papy. Bon sang, qu’est-ce que tu vas me manquer. Mais tu verras, je te raconterai tout, parole de Materlod. Que je sois à Papeete, à Osaka, à Rotterdam ou à Tamatave, tu seras avec moi papy. » Le jeune marin ricane pour se donner contenance. Rien n’est plus difficile qu’un départ, surtout quand c’est un vieillard aux allures de Poséidon raboté par la mer qui se tient sur le port. Il a l’impression d’avoir des hippocampes qui trépignent dans le ventre. Yann sent que ce sera la dernière fois qu’il verra son grand-père. Ce bon vieux Materlod ne va pas tarder à faire le grand voyage. « Faut que j’aille faire pleurer le serpent avant d’embarquer. Après, ce sera vraiment… Enfin, après… » Le vieil Ulysse sourit. Il sait ce que c’est un départ à cet âge, on frime à tout va, mais au bout d’un moment, la frimousse railleuse craque. Il est très vieux, il connaît tout ça. C’est vrai qu’il ressemble à un vieux Poséidon qui, même raboté par la mer, reste le seigneur des mers et des océans. Il se lève en même temps que son petit-fils et manque de se prendre les pieds dans le sac de ce dernier. Ils se serrent la main. Comme des hommes, comme des Materlod. Adieu le Materlod ! Lorsque Yann reviendra des toilettes, il ne restera sur la terrasse du café qu’un sac de marin, usé comme une épave, majestueux comme un albatros, léger comme le sourire de la figure de proue du Merveillant qui commence à s’éloigner. Visiblement ce n’est pas le sien. Iandosoa Ramarlah, Khâgne 49 UND ER FRAGTE DIE WOGEN… Der Dampfer mit seinem hohen und schwarzen Rumpf fuhr in den Hafen ein und entließ seinen Rauch. Möwen flogen aus dieser grauen Masse und man sah sie am Himmel als weiche, umherfliegende Flöckchen. Ihr schriller Gesang drang an das Ohr der Seemänner, die lauter sangen, um diesen Lärm zu übertönen. Und die Matrosen gingen vorbei, luden ihre Kisten ab ohne J. zu bemerken, der auf einem Haufen Seilen saß. Der Salzgeruch durchdrang seine Nase. Einige Wasserspritzer flogen in dem leichten Wind durch die Luft und machten die Kleider des Mannes nass. Während ein fremdes Boot seinen Anker in das tiefe und bittere Wasser tauchte, verließ eine andere klappernde Maschine den Kai und fuhr in die Welt hinaus. J. blieb da und betrachtete den Hafen. Es war leicht für ihn, es sich vorzustellen. Der Duft von Safran und Zimt, der aus der Schiffsladung strömte, versetzte ihn unverzüglich an den Kai von Bombay. Wo immer du gerade sein magst, wenn du die Augen schließt, kannst du überall sein. Unter seinen Füßen verwandelten sich die grauen Pflastersteine von Königsberg in braune Erde. Die Frauen in ihren Saris brachten leuchtende und warme Farben an diesen Ort voller Leben. Sein Blick blieb an den Teppichständen haften. Er blinzelte und alles verschwand. Er fühlte, dass der afrikanische Seemann, der rechts von ihm saß ihn misstrauisch beobachtete. J.’s Blick löste sich von den am Hafen stehenden Gewürzsäcken und drehte seinen Kopf auf die andere Seite. « Beschreib mir woanders. » Magdalena legte ihre Arme auf ihre Knie und wartete. Schon das dritte Mal in dieser Woche hatte sie mit ihm gesprochen. Dieser Mann, der stundenlang das Meer betrachtete, war ihr ein Rätsel. J. lächelte sie an. « Warum fragst du mich das ? » Das kleine Mädchen richtete sich auf und antwortete entschlossen : « Wir haben schon über Tiere gesprochen, die unter Wasser leben, über Boote und Kapitäne. Du hast mir gesagt, dass du viele Dinge weißt. Du wirst also wissen, wie es « anderswo » ist. Was ist anders als hier ? » J. sah an sie noch einen Moment an, dann blickte er in die Ferne und begann : « Es gibt an den verschiedenen Orten der Welt verschiedene Häfen. Nord53 europäische Häfen sind zum Beispiel grau und weiß. Im Winter müssen die Schiffe das Eis zerschlagen, um anlegen zu können. Die Reisenden mummeln sich in dicke Mäntel ein und die Luft, die sie ausatmen wird zu kleinen Wolken. Das schafft eine besondere Stimmung, wie eine Art Nebel, der den Hafen in eine Geisterstadt verwandelt. - Wirklich ? - Stell dir auch mal vor… Die gelagerten Kisten, in denen die Fische im Eis eingeschlossen sind und auf die man Salz streuen muss, um sie zu befreien und aufbewahren zu können. Erinnere dich an den Hering, von dem ich dir vorgestern erzählt habe ! - Und du, magst du die nördlichen Häfen ? - Ich weiß es nicht wirklich. Etwas stört mich, wie auch an den Häfen in Nordafrika. Dort wird der Nebel durch diese erstickende Hitze, diese Trokkenheit, diesen Sand, diesen Staub ersetzt. Dort sind die Leute nicht durchschaubar. Ihr von der Sonne verbranntes Gesicht ist wie eine Maske. Und dann dieser allgegenwärtige Lärm, so typisch für den Mittelmeerraum. Die Olivenbäume, das sonnengereifte Obst, das Öl… » J.’s Augen leuchteten. Er versuchte zu beschreiben, was er da vor sich sah. Das kleine Mädchen wunderte sich, unterbrach ihn aber nicht und hörte ihm weiter zu. « Aber siehst du, ich glaube, dass ich mich wirklich mehr für Asien interessiere. Das ist für mich « anderswo » : die Exotik, Bombay, Schanghaï, Singapur… Eine dichte Welt mit starken Düften. Goldene Häfen, in Seide gehüllte Frauen, Tiere mit unzähligen Fangarmen, unbekannte Geschmacksnoten… Die Fischer laufen durchs Wasser, holen ihren Fang aus den Booten und legen die Fische auf den Holzsteg. - Holz ? Aber jetzt wird alles mit Beton gebaut ! rief sie. » J. schwieg, in seinem Redefluss gestoppt. Er war wütend über das, was in seinen Augen Unwissenheit war, aber er sagte nichts und fragte das Kind : « Und woher weißt du das ? - Mein Papa ist viel gereist, und was er mir erzählt, gleicht nicht dem, was du sagst ! - Weil er eine andere Vorstellung hat… - Aber nein ! Du sprichst wie ein Buch ! Deine Leute sind nicht wie die richtigen Menschen, und außerdem übertreibst du. Ich bin sicher, heute ist 54 es nicht mehr so. Ich glaube, dass du die Wirklichkeit gar nicht kennst. - Natürlich kenne ich sie ! Ich habe das ja alles gelesen. - Und bist du wirklich schon irgendwohin gefahren ? » J. schwieg ein weiters Mal und presste die Lippen zusammen. Er wusste nicht, was er darauf so schnell antworten sollte, aber er fühlte, dass er nicht Unrecht hatte. Das kleine Mädchen beobachtete ihn weiter, ohne ihn zu beurteilen. J. schaute in den Himmel und wartete. In seinem Kopf machte sich eine bestimmte Idee breit. Magdalena begann, ungeduldig zu werden. « Ich war mir sicher…, murmelte sie. Du wiederholst nur, was du gelesen hast und du hast keine Idee, die dir gehört… - Doch, natürlich habe ich eigene Ideen ! » J. war aufgestanden, er runzelte die Stirn. « Ich kenne einen Hafen ! Das ist ein Ort, wo jeder seine Sprache spricht, aber wo die anderen ihn verstehen, weil in dieser kosmopolitischen Welt Einklang herrscht. Die Seeleute finden wieder Halt im Hafen, mit dem Rhythmus des Festlandes. Sie wissen ihre Bilder zu beleben, weil der Hafen der Schmelztiegel der Völker und der Bräuche ist ; wie eine Kette, zu der jede Geschichte ein weiteres Glied hinzufügt. Dieser Hafen, der Ort unserer Suche, verfügt über alles, was man sich wünschen kann, ohne sich jedoch völlig zu offenbaren. Denn eine Spur von Geheimnis wird immer bleiben, das, was den Zauber eines Ortes ausmacht. Dunkle und magische Ecken, von denen du nicht weißt, welches Fantasiegebilde hier auftauchen kann. Er ist vor allem ein Mikrokosmos der Gefühle, für die Gefühle mit ihren Forderungen, ihren Farben. Ein Ort sinnlichen und erotischen Wohlseins mit ständigem Blick auf die Unendlichkeit, auf das Absolute, auf das Unbeschränkte, auf den nebligen Horizont. » Er stand am Kai und sein Gesicht verharrte in diesem offenen, verzückten Ausdruck. Das kleine Mädchen beobachtete ihn. Sie war ängstlich und überrascht zugleich, und wusste ehrlich gesagt nicht, wie sie reagieren sollte. Endlich fragte sie : « Ich habe nicht alles verstanden, aber... glaubst du wirklich, dass du diesen Ort im richtigen Leben wirst finden können ? » J.’s Augen öffneten sich weit. Seine Lippen bebten und er fühlte sich plötzlich ratlos. Das kleine Mädchen stand auf. « Ich glaube, meine Mama ruft mich. Wir reden morgen weiter ? »fragte sie lächelnd. 55 J. antwortete ihr nicht und sein Blick verlor sich in der Leere. Das Kind hatte Angst und ging ohne etwas zu sagen fort. Erst einige Augenblicke später bemerkte der Mann ihre Abwesenheit. Er hockte sich hin, stütze seinen Kopf auf seine Hände und dachte nach. Eine Antwort. Er musste eine Antwort finden. Es gelang ihm nicht mehr, sich irgend etwas bildlich vorzustellen. Panische Angst. Zweifel. Eine Antwort. Die Wirklichkeit ? Seine Haare bewegten sich im Wind. J. saß am Kai, er hatte seine Schuhe ausgezogen, seine nackten Füße baumelten im Wasser. Sein trauriger Blick war leer und verlor sich in dem tiefen, schwarzen Meer. Die unbewussten Bewegungen seiner Beine zeichneten Kreise auf der Meeresoberfläche. J. presste die Lippen zusammen. Dabei war er schon fünf Mal in 80 Tagen um die Welt gereist, zwei Mal hatte er die Reise ans Ende der Nacht gemacht. Die Sonne ging unter. Weiter draußen auf dem Meer, zwischen den Schiffen, sah er etwas langsam näher kommen. Wegen des Nebels konnte er es nicht richtig sehen. Dann erkannte er einen Kahn und er wusste, dass dieser Kahn nur zu ihm kam. Sein Hafen... Wird J. ihn endlich kennen ? Er wurde langsam steif und glitt ins Wasser. Hinter dem verlumpten Mann, der mit dem Kahn näher kam erblickte er ein neues Ufer. Das Wasser hüllte ihn ein. Es wurde Nacht. Ob Himmel oder Höll, tief in den Abgrund tauchen, Tief in das Unbekannte, Neues dort zu finden ! (Baudelaire, le voyage) Oriane Schmidt, Fanny Garrone, 1LS1 56 UN AMOR INESPERADO Era un lindo día de primavera, cuando Carlos cogió en sus redes, entre los peces, una botella de vidrio cerrada. Puso a su lado la botella y siguió ocupándose de sus peces mientras se acababa el día. ¡ Cuál no fue su sorpresa, cuando, al llegar a casa, en el papel amarillo, pudo leer esas líneas ! Amor mío, Portofino vive sin luz desde tu desaparición. Te busco por todas las calles perdiendo la esperanza de encontrarte de nuevo. Dino ya no tiene más gusto para la pesca ni para ningún otro juego. La sonrisa invade muy raramente su cara desde que te fuiste. Cada día, lucho para que reaparezca esta sonrisa, ocultándole mi desesperación frente a tu ausencia. No sé por qué escribo esta carta sabiendo muy bien que ahora estás en otro mundo. Pero, también es una manera para mí de conservar la esperanza, diciéndome que volverás un día. Sigo esperándote al final del dique, cerca del faro, como en el momento de nuestro primer encuentro. Te quiero, Paola Al leer la carta, Carlos no pudo dejar de pensar en su madre, que lo había criado después de que su padre los abandonara, cuando Carlos aún no tenía la edad de hablar. Su madre siguió avanzando sin mostrar jamás sus debilidades ni su tristeza. Sonreía siempre y encontraba soluciones con el fin de mejorar la vida de cada día Carlos dobló la carta y la guardó entre sus cosas. Desde hacía algunos años, los pequeños pescadores como él tenían dificultades sólo para conseguir lo necesario para vivir a finales de mes. Así que, cuando un gran empresario le propuso que se embarcara durante la temporada tranquila, aceptó. El barco hacía escala en cada pequeño puerto pesquero del Mediterráneo. Carlos, por supuesto, nunca había conocido el amor, había tenido algunas aventuras pero nada verdaderamente serio : ese nuevo trabajo lo llevaba hacia una nueva vida que le convenía. Él pescaba por la noche y aprovechaba, luego, las tardes, para vagabundar por las pequeñas calles de los diferentes puertos. Un día, su tripulación llegó a un pequeño puerto de Italia nombrado Portofino. Carlos no pudo sino pensar de nuevo en la carta que había encontrado en el pasado. 58 Tenía una terrible ansia de conocer a la autora de la carta. Paseó por el dique, que se encontraba cerca del faro, durante su tarde de permiso. Allí, estaban una mujer joven y un niño que pescaba con caña. Se sentó cerca de ellos y dio consejos a ese niño para que pudiera coger más peces. La tarde estaba terminándose cuando Paola llamó a su hijo para que volvieran a casa : « ¡ Dino ! ¡ ya nos vamos ! » dijo Paola. Entonces, Carlos comprendió que estaba frente a la autora de la carta. Estaba encantado y conmovido ante esa madre y su hijo. Los invitó a comer un helado. Hacía ya mucho tiempo que Paola no había pasado un momento tan bueno en compañía de un hombre, y la sonrisa en la cara de su hijo le hacía pensar que ese niño necesitaba a un padre. Carlos los acompañó, y en el momento de dejarlos, no pudo sino invitarlos, para las próximas vacaciones, a venir a su casa en España, en su pequeño pueblo de pescadores, Ametlla de Mar. Paola le prometió que iba a pensárselo. Carlos, al día siguiente, siguió de nuevo en su barco, con sus escalas en cada puerto. De vuelta a España, se repitió el curso de la vida. Una mañana, Carlos recibió una carta de Paola, esta vez, por correos. Le anunciaba que había decidido venirse a España para las vacaciones y que, seguramente, se pararían en su pueblo. Carlos se puso contento. En el momento de su visita, les hizo visitar la costa española, aprendió a Dino las técnicas de la pesca : fueron momentos maravillosos. Cuando llegó el día de la salida - Paola tenía que volver - Carlos le ofreció una pequeña caja envuelta en una tela de seda. Paola tomó el regalo que no abrió sino cuando estuvo sola en su cabina, a bordo del barco. Fue una gran emoción, cuando, dentro, encontró una pequeña botella con su carta que reconoció en seguida y en la que pudo leer estas palabras : Paola, El mar me trajo esta carta y yo encontré un tesoro cuando os encontré a Dino y a ti. Te espero. Carlos Al leer estas palabras, Paola pensó que la providencia había cruzado su camino y que se habían oído sus oraciones. Volvía el amor. 60 Loria Lorenzo, TES3 MARLION Marlion es un ser extraño, una de esas contadas personas que no han vivido realmente en la Tierra. Marlion había nacido en el Atlántica, un barco que surcaba el mar de puerto en puerto. Después de la muerte de sus padres, que se habían caído al mar, Marlion desarrolló un amor incondicional por esa vasta extensión de agua que había engullido a sus padres. Sustituía el amor a sus padres por el amor al océano, siguió surcando los mares, sin poder quedarse más de un día en la tierra bajo pena de una curiosa carencia de amor. Un día, cuando navegaba a la altura de España, sintió un profundo malestar, un mal indefinible que le obligó a pararse en el puerto más cercano, el puerto de Barcelona. Una vez hubo entrado en esa nueva ciudad, cesaron los dolores de Marlion, ya no sentía el suelo moverse bajo sus pies, y esas nuevas condiciones de vida empezaron a gustarle. Con más tiempo, reflexionaba sobre su vida mientras andaba por las playas vacías de Barcelona, sentía la arena fina bajo sus pies, observaba la tierra, Barcelona y su arquitectura atípica. Se paró delante de esa ballena de acero, que le parecía extraña ; Marlion sólo había visto ballenas de verdad. Todos esos barcos amarrados los unos al lado de los otros le hicieron pensar en animales enjaulados, lo que le desconcertó. Al llegar la noche, Marlion tuvo que encontrar un lugar para dormir, no podía volver al mar, no lo quería. Durante las primeras semanas de su nueva existencia en la Tierra, Marlion vivió como un marginado, mendigaba, dormía fuera, bajo los puentes, en los bancos. Necesitaba encontrar trabajo, pero no le ayudaba su poca cualificación. Probó fortuna como estatua viviente en el gran paseo de las Ramblas, cerca del puerto para poder seguir divisando el mar que tanto había amado. Apreciaba cada vez más esa nueva vida en la tierra y renegaba del mar por una vida más sedentaria ; su estatua tenía mucho éxito y ganaba notoriedad. Mientras trabajaba, lejos en el horizonte del océano, vio una ola de furor, o más bien la sintió, porque parecía la única persona que veía lo que estaba sucediendo. Se le acercaba el sentimiento de ira, a pareció un ser sobrena61 tural bajo el nombre de Poseidón, dios griego de los mares y océanos. Enfurecido de que su hijo hubiera abandonado el mar, Poseidón le planteó un dilema : « Reniega de la Tierra, el Mar te acoge, hijo mío o quédate en la Tierra y... ». Poseidón se evaporó. Marlion creyó volverse loco, no tomó en serio la amenaza que se había presentado ante él, se había enamorado de la vida en la tierra como un verdadero habitante de la tierra, esta vida que nunca había conocido no dejaba de gustarle. Unos días más tarde, Poseidón, espléndido en toda su furia, infligió una maldición a ese hombre, ese hijo que se había burlado de él. Ya que Marlion quería vivir en la Tierra, Poseidón transformó a Marlion en una estatua de león, frente al puerto de Barcelona. Poseidón añadió a los otros siete leones la estatua de Marlion frente al mar. Así colocado, el castigo de Marlion será contemplar el mar sin poder acceder a él y esto durante una eternidad de sufrimiento. Así siempre se puede admirar la estatua, cerca del puerto de Barcelona, desgarrada entre la tierra y el mar ; encuentre usted el más majestuoso de los ocho leones que rodean la columna de Cristóbal Colón y le saldrá a cuenta. Posiblemente, si usted fija la mirada más de una hora, verá derramarse una lágrima, digo posiblemente… Valeska Kubiak, TL2 63 EVADIRSE PARA UNA MEJOR VIDA Era una hermosa mañana en el archipiélago de las Islas Baleares bajo un sol de justicia. Andaba yo sobre la arena dorada y contemplaba a lo lejos el horizonte escuchando el rugido de las olas. Ese lugar diferente, parecido al paraíso me volvía a dar el gusto de la felicidad. Me embriagaba con sus aguas cristalinas que lamían la arena y mis pies a medida que me adelantaba. Así mis pasos medidos se mezclaban al agua y a la arena. Entonces tuve una extraña sensación de extrema frescura en lo más profundo de mi corazón ; era la espuma del mar depositada sobre mis pies la que liberaba mi espíritu, y mi cuerpo se relajó poco a poco. De pronto, sentí que una fuerza me empujaba y que mis cabellos se revolvían en el viento como las olas que rompen y se arrojan sobre la playa. Entonces supe que debía cerrar los ojos y abandonarme al aire pero ya mi cuerpo estaba poseído. Era la dulzura del viento, la frescura del agua, los sonidos de lo más profundo del mar y el calor de los rayos del sol los que me habían cogido. Fue así, en un estado de relajación intensa como oí al mar que me llamaba de lejos y quería mostrarme algo que no comprendía. Entonces el viento vino a acariciar mi piel reluciente hasta las palmas de las manos y me arrastró con él hasta el extremo del planeta. Bajo los reflejos del sol de Formentera, abrí realmente los ojos y mi mirada se puso a chispear ; volaba de veras porque mis vestidos se hinchaban con el soplo del viento y mi pelo centelleante al sol ondulaba como las olas. Era magnífico. La isla había preservado su extraordinaria belleza y de ese modo me ofrecía sus paisajes fabulosos. Arriba, más allá de los cielos, me complacía mirando los ríos que habían cavado a lo largo de los días en el granito profundas gargantas a través de la vegetación. Después, en el punto más alto de la isla, colocado en un banco de fina arena, vislumbré el faro que podía ofrecer una vista espectacular de las olas que rompían contra los peñascos. Ese ruido resonante obligaba a las aves a remontar sus vuelos majestuosos. 65 Por último, el viento me llevó a ras del agua y bordeó su amplia extensión símbolo de la vida tal un pájaro. Las vistas de la isla me fascinaban cada vez más, pasando por casas blancas y un relieve silvestre, tierras adentro de campos, testimonio de un rico pasado, una laguna que atraía las colonias de aves migratorias y conducía a la estrecha lengua de arena, que bordeaban playas por ambos lados ; playas de agua turquesa relucientes bajo un cielo límpido y el faro en el extremo. Ofrecía un panorama extraordinario de toda la isla y de su pequeño puerto de donde en cada momento se lanzaba un navío hacia el alta mar. En la playa que sigue un trazado rectilíneo antes de recortarse en calas arenosas, podía distinguir pequeñas casas de pescadores y, en el puerto, barcos pesqueros juntos con unos de recreo. Pero, a unos kilómetros de la costa mi mirada fue atraída por un navío que había dejado el puerto hacía tiempo. Lo vi grande y resplandeciente, rápido como el relámpago tal un gigante del mar. Íbamos a recorrer el mundo. Propulsado el navío por la fuerza del viento, se oían las grandes velas blancas que el mismo viento golpeaba mientras, a mí me colocó en la cima del mástil para que pudiera descubrir nuevas sensaciones y maravillosos paisajes. ¡ Era un verdadero paraíso ! ¡ Levantaba los brazos, volvía a cerrar los ojos cuando un soplo del viento me propulsó con el velero ! ¡ Por primera vez me sentía bien ! Pero ¿ era real todo eso ? ¡ Era tan hermoso y tan difícil de imaginar ! De pronto cesó de soplar el viento, ya no golpeaba las velas ni se movían las olas ; ya no me hablaba el mar y empezaba yo a sentir en la piel el ardiente soplo del calor. A lo mejor significaba todo eso que yo iba despertando de nuevo en otro mundo, un mundo real y alejado del ensueño… Audrey Valranges, TL2 66 A NIGHTMARE ? Every night, I have the same dream... Blue, everything is blue and sunny. The sea is shining, seagulls are flying, fishes are swimming and springing out of water, everything is all right. But suddenly the storm rumbles and my father’s ship sinks, killing him. Just after that, I can see my mother drowning. “I’m sorry Jack, I’m sorry...” Nevertheless I’m shouting “no, no ! Don’t die mum, I’m here, stay for me, please mum, I love you ! Don’t die !” And systematically, at that moment I wake up in a sweat. During the summer holidays I was looking for an odd job. I lived alone and, unfortunately, in a port from where I could view the sea. It was everywhere, especially during the summer holidays, packed with people. They would go to the beach, sail, walk by the sea while eating ice-creams... It was so noisy sometimes ! I had celebrated my 18th birthday, and I wanted to earn money just like every young man. So, I started looking for a job when my neighbour told me that her elder brother needed a waiter for his restaurant, and that if I was interested, the job could be available for me. Some days later, after a quick job interview and after a short presentation of the staff, I started working. The staff was composed of Harry, a brown-skinned guy, and James a 22 year old man in the kitchen, plus Suzy a blond-haired young girl, Alice, and I, Jack, in the dining room. Alice was cute but seemed a little shy. Her eyes were blue and her hair dark. Also, I was a bit taller than her. She had to explain to me how to work. She was 19 and she was more mature than me. Day after day, Alice and I became closer. Sometimes, after work, we had a chat in a coffee shop or in a pub to get to know each other better. Speaking with her was pleasant. She told me how her family was, what she liked or what she would like to do in the future... Unlike me, she liked the sea. Alice had spent her childhood at the port, learning everything about boats, knots, fishes and the sea. She didn’t understand why I didn’t like it. So one day, I decided to tell her about the death of my parents. Just a few people knew about the true story. Alice couldn’t believe what she was hear68 ing. But when she realised I wasn’t joking she gave me a sympathetic look. She wasn’t looking at me with pity, no, her glance was full of courage. Her blue eyes were wide like the ocean, I was losing myself in them. For a moment I felt strong as if I was able to bear everything. It was the first time I was feeling something like this. For several days Alice seemed stand-offish and left just after her work. I didn’t understand, I thought, just like everybody, that she was avoiding me. But on Saturday after our last hour of service, she proposed to meet me at 3 pm on the next day. No, I couldn’t believe it... We went to the port. It wasn’t an important port, but in the summer many tourists came to live there for one day or two. We could see fishermen, divers, workers and holidaymakers. Actually, this port gathered children, adolescents, adults and even elderly people ! It was such a lively place. I was unable to move. Seeing all these boats was something difficult but Alice was understanding, she took my hand and I could follow her. I found out beautiful boats which had great sails or only a mainmast. A big sailingboat was leaving the port. Its sails were all spread. They were vast and white. The seagulls were flying and shouting. The wind brought different perfumes which reminded me of old memories. My father was a sailor and when I was a little boy he took my mother and me on his boat. We spent happy moments together but it was such a long time ago ! Actually I had been in this port before, my father had shown me his world and introduced me to his colleagues. I hadn’t been able to remember all these things... perhaps because I was scared to do it. Alice and I walked over to a small boathouse. Alice shouted “Granpa” and an old man came out of a boat. Alice introduced me to her grandfather, Arnold. He was a sailor too and knew my father. He looked like Alice, they had the same smile and the same joie de vivre. Together we spoke for a long time. It was really pleasant. When we left, Arnold bid me to come and visit him some time. Just after that, Alice confessed to me she had been visiting her grand father every evening for some time, so I understood she had done it for me. This time I took her hand. Several days had passed. Alice and I became closer and closer. We went 69 for a walk every evening after work, we stayed there, gazing at the stars which shone over the sea, and we could smell all these scents. I was sure she was able to save me. Never had I been in such a good mood since my parents’ death. Only she was able to remove my bad feelings. With her I was calm. I couldn’t live in a world where she didn’t exist. I needed her. I think I loved her. One day, she decided to accompany her grandfather on a fishing trip. I couldn’t come with them because I wasn’t ready to go out to sea yet. On that day, the sky was blue and cloudless, in fact, the perfect weather ! Under no circumstances had I been able to suspect anything. Just before their departure, I whispered to Alice I had something special to say to her after she came back. I wanted to say that I had fallen in love with her. She answered “me too” and gently planted a kiss on my right cheek. It was our day off. So I decided to go shopping. I entered a bookshop. My gaze stopped on the shelf dedicated to the maritime world. I browsed through some books, one dealt with fish and marine life, another was about knots... but I noticed one in particular, A Guide to the Marine World. It showed photographs of countless ports. I thought Alice and I could travel to these different beautiful places. I would be able to do it ! Finally I bought this book. “Alice will be happy” I thought. 6.30 PM, I was waiting on the quay. 7.30 PM, I was still waiting. 8.30 PM, the sunset was deadly beautiful, but Alice and Arnold were not back yet. I couldn’t get in touch with them. So I called the coastguards and explained the situation to them. I gave them all useful details. They answered that they didn’t have any news and that it was better to wait until daybreak to start searching for them. They advised me to go back home to get some sleep. I didn’t understand, I was lost and scared. I couldn’t close my eyes. Alice haunted my mind, her laugh, her sweet voice reverberated in me. How could I live without her ? Her blue eyes calmed me and I fell asleep. I was woken up by a phone call. 70 “Mmh...?” I answered. “I’m Mr Parker, a coastguard. A fisherman has just found two lifeless bodies. They correspond to your descriptions. I’m sorry Mr, I’m sorry but we need...” The phone handset fell on the floor and it knocked me sideways. I was upset. I didn’t want to live any more. My parents, and now Alice. Once, twice... There would be three times...! I hate the sea, I hate my life and I hate this port... Delphine Schramm, 1ES2 71 THANKS ILAN Time had come to start afresh. That was why I had to leave this country. It was difficult to be wanted all over England. I had to hide, I couldn’t trust anybody, looking everywhere, I was nearly paranoiac. All this because of a stupid bank robbery which had failed. Consequently, I was waiting for my smuggler in the harbour of Brighton, in the South of England. He was the only person I had trusted over these last days ; his name was Ilan, he was my brother. So the last chance I had to escape and avoid jail. He had left Israel with me, five years before because of money problems. Unlike me, he was earning a lot of money passing aliens in a boat to leave the country. He knew that I had done a big robbery so he understood I felt obliged to go across the border. That night, I could see him coming toward me : “Man, the boat will leave Brighton in one hour and finish its journey in Spain” he said. “Thanks Ilan, so what do I have to do now ?” “Follow me, you’re going to climb on to the back of the boat. It’s a merchandise ship with a crew of about ten persons”, said Ilan, “hide here” he continued showing me a kind of cellar of twenty square meters. “Thanks again brother, I’ll remember what you’re doing.” “It’s nothing Aaron, it’s nothing” he said leaving the cellar and the boat quickly. Five minutes later I could hear my brother speaking with other men : “You have got the money ?” Ilan was asking. “Don’t worry man, it’s here but show us the room first” one voice ordered. “Yes, it’s the second door in the back of the boat but it’s going to leave the harbour in five minutes.” “Ok, here is the money. I hope I’ll never see you again” the second voice answered. One minute later I saw two men coming into the cellar. “Oh fuck ! There’s already someone !” a man said. “Doesn’t matter Andrei, we just have to ignore him for the night. Listen to me,” continued the blond block looking at me, “we’re tired tonight so we’re going to sleep soon. Don’t disturb us” he ended up. 72 I went to bed but waited until they fell asleep to be sure I was alone. I woke up on the following day at six am because the other man was chatting. “Have you got some food ? they asked me when they saw I had opened my eyes. “Hum… No, I haven’t.” “Oh God, we just have water here ! Well, it doesn’t matter, what’s your name ?” the blond man asked me. “ I’m Aaron and you ?” “I’m Tomi and this is Andrei, what are you doing on this boat ?” he continued. “I have to leave England because of a robbery near Brighton” I explained. “That was you ! I’ve heard of that, we are here for the same reason, but I was a serial killer, you see. I killed the Finance secretary”. “Oh it’s you, what news !” I laughed. “Yes and my friend was a crack and ganja dealer. But you don’t need to speak to him because he can’t speak very good English, he is Russian”. “Okay. I think you’re Finnish because of your name”. “Yes” he confirmed. “But how do you know each other ?” “We were in a gang of immigrants based in the North of Brighton. We did lots of robberies and murders too but the police have found the base and there are lots of members in jail now”. While I was speaking and smoking with a rest of crack, I inspected the room. There were twenty square meters and ten square meters of bags of goods which were containing sheets. Just sheets. Sheets and no food. Just our water to live on. I watched the landscape through the tiny window and the boundless sea. I thought that we were merely sailing along the French coasts. I remembered how difficult and scary it was in England. I remembered my family in Israel and my brother who had stayed in England. This time was surely finished and that made me feel strange. “Hey, you have too much smoked, you are going to sleep !” said Andrei. “Oh yes, sorry, I’m falling asleep because of your crack.” It was midnight when we decided to go to bed. I could hear some noise ; it was the tired voice of Andrei : “I am hungry.” 73 “Everybody is hungry man, we have to hold the line”. I fell asleep with these words… At about 2 a.m. I had a sensation of calm. I had the impression that the boat was stopped and that was not an impression, the boat had stopped. “What’s happening ?” I said waking up. I woke up the two men. I was worried. We didn’t know what to do. We couldn’t see what was happening outside and we couldn’t hear the crew and their actions. “Fuck, I hope the police are not going to check all the boat.” “If they climb, the only solution we have is to hide under the sheet bags.” Five minutes later, we began to hear the steps of the maritime police and the door of the other cellars opened. We couldn’t breathe under the bags and I felt very bad. “I can hear them, I can hear them !” Tomi said. “You, shut up. If you can hear them, they can hear us” Andrei retorted. Suddenly, the door of our cellar opened. And I could hear the policeman speaking. “That smells like shit here” one of them said. “Are you sure sir ? I can’t smell anything” the captain replied. “Yes for sure, you know that we can’t accept that and if you don’t denounce anybody I think we will be obliged to make an arrest”. “I can’t do that, I can’t denounce one member of my crew”. “As you want, but the law is strict and even if I wanted to save you, I couldn’t, so good luck for the court”. “Okay okay” confessed the captain, “It’s one member of my crew, but it’s not his fault, he must smoke not to be under stress”. “Take me to him.” On these words all the men leaving the cabin. “Oh fuck” I said going out of the bags. We were all lying on the floor trying to recover our breath. Suddenly the window we had used to enter the cellar, opened. “What the fuck ?” Andrei said. “Oh it’s a joke” replied Tomi”. A man wearing a beige suit, a scar on his cheek, came in. He seemed tired and surprised to see us. “Hum, Hello” he said. “Shit, where are you coming from ?” I asked. 75 “I was helped by a smuggler because I had to leave France. Huum... I’m wanted, I’ve escaped from jail” he told us. We gave him some water and talked with him. “So can you explain to us why you went to jail ?”Andrei asked. “Hum it’s embarrassing you know. How can I say it, hum, I had hum, sexual relations with.. hum, kids...” “Oh my God ! You violate children ! You are a fucking paedophile !” “Ufff, this situation looks like a film” I said. All along the end of the travel we discovered “our” paedophile. His name was Jocelyn and he was born in Martinique. He had lived in France for ten years. During the travel we discussed about our families, why we wanted to leave our country, and particularly about our plans when we would be in Spain. Within only a few days we became friends, and we told each other everything without any taboo. The problem was we had no food, and we were seasick, our stay was really unbearable. Five days later we arrived at Ortigueira harbour, in the North of Spain. “Hey guys, look through the window we arrived at destination” said Jocelyn while we were sleeping. Everyone rushed to the window, we were happy to finally be at the harbour. We knew that we had to organize to get off the boat. “Okay men, we are now arrived but we mustn’t be caught by the police, so we will find a solution to get out of this fucking place” said Aaron. “You will follow me”. We got out of the boat, first we hid, and then we ran to escape Interpol. There was a thing I didn’t know, Ilan had denounced us because he couldn’t live knowing he had an illegal brother. The police caught us, and then explained why we were arrested, they said to us they had a call from Ilan who had explained the situation. When other guys learnt that, they insulted me, I even remembered what Andrei said to me : “You’re a fucking son of bitch, I hadn’t trust in you !” That’s why I am now in jail, and I’m telling you this story, the story of my life. Well, I have to go and have diner, the prison guard is calling me. Raphaël Bendavid, Harris Hoze, Steven Kause, Valéry Ignatovich, 1ES2 76 LA LÉGENDE DE MUROS Il était onze heures moins le quart. Laura savait que c’était vers midi qu’elle pourrait sortir de la voiture, respirer l’air frais de Galice, courir embrasser Nina et manger une de ces délicieuses tartes aux citrons que celle-ci lui préparait une fois par an quand elle venait lui rendre visite avec sa maman, Myriam. Toutes deux habitaient en Andalousie. Elles prenaient le train jusqu’à Madrid, puis parcouraient le reste du trajet en voiture. C’était un voyage assez long et fatigant pour la petite fille, mais les vacances qu’elle passait chez celle qu’elle considérait comme sa grand-mère effaçaient toujours cet aspect. En effet, Nina était la seule famille qu’elle avait avec sa mère. Pour elle, c’était sa grandmère. D’après Myriam, son père était mort en ayant eu juste le temps de la connaître, car il était déjà malade à sa naissance. Elle n’avait pas de lien avec ses grands-parents paternels. Myriam, quant à elle, avait perdu ses parents lors d’un terrible accident de voiture, le genre d’évènement qui nous confirme l’injustice de la mort. Un jour, Myriam raconta à sa fille que Nina était une grande amie de ses parents défunts et qu’elles s’étaient beaucoup soutenues lors de cette mort tragique. Ce qui réjouissait Laura n’était pas seulement de revoir Nina et de goûter à ses tartes mais aussi de revoir Pedro ainsi que sa fille. Pedro avait environ le même âge que sa maman, avec quelques années en plus. Depuis leurs premiers pas, Laura et Liza passaient leurs vacances ensemble. Nina disait que Myriam et Pedro étaient comme ses propres enfants. Les deux petites filles allaient toutes deux sur leurs neuf ans. Pas mal de choses les séparaient. En effet, Laura était une véritable petite fille modèle, Liza était beaucoup plus garçon manqué. L’une avait les cheveux longs, l’autre courts, l’une portait ses plus belles robes, l’autre se contentait d’un jean pour mieux courir, l’une aimait lire, l’autre aimait le sport. Cependant, aussi différentes qu’elles puissent paraître, elles s’entendaient merveilleusement bien. Toutes les deux attendaient impatiemment les vacances pour se retrouver.(...) Le drame fut alors annoncé.(...) Les corps des deux petites filles furent retrouvés quelques jours après.(...) Cette mort n’est peut-être pas née du hasard. Toutes deux sont mortes quelques jours avant leur véritable anniversaire, le 7 août. En effet, elles étaient jumelles.(...) En tout cas, depuis cette terrible histoire datant de quelques années, racontant le destin de deux jumelles unies jusqu’à la mort par un lien si beau et si tragique, une légende s’établit à Muros. Deux sirènes appelées Laura et Liza seraient devenues les habitantes éternelles du port de Muros et protègeraient tous les pêcheurs de Galice. Certains eurent une autre version de la légende et chaque habitant la raconta un peu différemment. C’est cela qui fait la force de l’imagination, elle est source inépuisable et unique en chacun de nous. 77 LE TOUR DU MONDE DE CÉLESTE Je suis libre. Libre comme l’air et je pense que mon histoire fera rêver des milliers de gens. Pourtant, tout a commencé comme vous, par ma naissance. Rapidement, j’ai dû apprendre à être autonome, à voler de mes propres ailes. Les premières années de mon existence furent les plus excitantes et je vais vous en livrer le contenu. Très vite, mon père me dit qu’il ne fallait compter que sur soi-même si on voulait réussir. Et comme un enfant modèle, je suivis ses conseils qui me furent, il faut l’avouer, très utiles. Les voyages et le monde marin étaient mes seules passions. Tout ce qui touchait de près ou de loin à ces deux mondes me faisait frissonner de plaisir. Pour être honnête, mon endroit préféré était le port. J’étais fascinée par la voile, les ports de Vladivostok, Singapour ou Amsterdam furent mes seuls univers. Plus tard, quand je fus assez âgée, j’entrepris un long mais fabuleux tour du monde avec, pour seules ressources, mes yeux ; ce qui m’a menée là où j’en suis aujourd’hui. Le 18 mai 1989, je quittai Singapour, ma ville de résidence, pour parcourir le monde. J’avais soif de tempêtes, de naufrages, d’îles paradisiaques, de phares, de littoraux. Bien sûr, je cherchais l’aventure et mon cœur battait si vite ! C’est pour la Finlande que je m’envolai en premier lieu, car, depuis mon plus jeune âge, j’étais fascinée par les pays Scandinaves et leurs falaises abruptes. Je fis des rencontres étonnantes, parmi lesquelles une jeune fille attira mon attention. En fait, elle s’appelait Céleste, comme moi, et nous avions le même teint blanc, les mêmes yeux pétillants. Je l’observai longtemps : elle faisait tout avec passion, elle me fit penser à ma douce sœur, qui me manquait. Sans aucune notion du temps, sans but précis, j’avais le sentiment d’être en vie. J’admirais tout et quand je pensais qu’il était temps de partir, je m’envolais pour une nouvelle destination. Certaines de mes escales pouvaient durer deux heures, une semaine, parfois même plusieurs mois mais la passion était la même partout. Naturellement, je dus m’adapter aux différents climats et ethnies, mais chaque ville, chaque port avait son propre charme, qui me possédait. J’allais si vite que c’est le temps qui courait derrière moi ! Vous vous rendez compte ? J’étais hors du temps et de toutes ses évolutions. Je dominais le monde.(...) Aujourd’hui, je dois dire au revoir à tous ces voyages, parce que j’ai trouvé un endroit où finir mes jours et aussi parce que la solitude commence à me ronger. C’est décidé : moi, Céleste, l’albatros commun mais le plus heureux de tous, j’ai trouvé mon idéal : le port de La Rochelle où j’ai rencontré mon mari et fondé une famille. En outre, le coucher du soleil y est le plus beau que j’aie jamais vu et le vent me fait voler. Je reste libre. Libre comme l’air et je pense que mon histoire aura au moins surpris une personne. 78 ET IL INTERROGEAIT LES FLOTS... Le paquebot cracha violemment sa fumée lorsque sa haute coque noire frôla le port. De cette masse grise s’échappèrent des mouettes qui parsemèrent le ciel de frêles taches mouvantes. Leur chant strident pénétrait l’oreille des marins qui, pour couvrir ce bruit, beuglaient encore plus fort leurs mélodies paillardes et grinçantes. Les hommes passaient, déchargeant leurs caisses, sans remarquer J. assis sur un tas de cordages. L’odeur du sel piquait son nez. Les quelques embruns, portés par le vent léger donnaient à son vêtement un motif pointillé et humidifiaient son visage. Tandis qu’un navire étranger faisait coulisser son ancre luisante dans le liquide amer et profond, une autre machine cliquetante se détachait de la darse pour courir après le monde. Et J. restait là, à regarder le port. Pour lui, c’était facile d’imaginer. L’odeur du safran et de la cannelle qui se dégageait d’une cargaison toute proche le transporta immédiatement sur les quais de Bombay. Où que l’on soit, lorsqu’on ferme les yeux, on peut être n’importe où. Sous ses pieds, les froids pavés de Koenigsberg se muèrent en terre brune. Des femmes, drapées dans leur sari, ajoutaient à ce lieu plein de vie des touches de couleurs chaudes et lumineuses. Son regard s’attarda sur un étalage de tapis dorés. Il cligna des yeux et tout s’évanouit brusquement. Il sentit que le laptot africain, assis à sa droite, l’observait d’un air sceptique. J. détacha alors ses yeux des sacs d’épices et tourna la tête de l’autre côté. « Décris-moi ailleurs ». Magdalena posa ses bras sur ses genoux et attendit. Pour la troisième fois cette semaine, elle était allée le voir, intriguée par cet homme qui restait des heures durant à observer la mer.(...) J. la regarda encore un moment, puis fixa l'horizon et commença : « Les ports, il y en a de différentes sortes, suivant les lieux du monde. Les ports d'Europe du Nord par exemple, sont gris et blancs. L'hiver, les navires doivent briser la glace pour accoster. Les voyageurs s'emmitouflent dans des manteaux épais et soufflent de l'air qui forme devant leurs yeux des nuages éphémères. Cela donne une atmosphère étrange, une espèce de brouillard qui transforme le port en ville fantôme ». (...) Il essayait de décrire ce qu'il voyait là, devant lui. Magdalena intriguée, ne l'interrompit pas et l'écouta continuer. « Vois-tu, cependant, je crois que parmi toutes ces régions, vraiment, ma préférence va à l'Asie. Pour moi, c'est ça « ailleurs » : l'exotisme. Bombay, Shanghai, Singapour... Un univers dense aux senteurs pénétrantes. Des ports dorés avec des femmes de soie, des animaux aux innombrables tentacules, des saveurs inconnues... Les pieds dans l'eau, les pêcheurs ramènent de leurs barques la récolte de la matinée sur les pontons de bois...(...) - Toi, tu parles comme un livre ! Les gens, ils ressemblent pas à des hommes normaux, et en plus, tu exagères, je suis sûre, c'est plus comme ça maintenant. Je crois qu'en fait, tu connais rien de réel ! - Bien sûr que je connais. Puisque je l'ai lu. - Et t'as déjà été ailleurs en vrai ?» (...) J. s'était redressé, les sourcils froncés. 79 - « Moi j’en connais un de port ! C’est un endroit où chacun parle son langage mais où les autres le comprennent car une harmonie régit ce monde cosmopolite. Les marins reprennent pied avec le rythme terrestre. Ils savent donner vie à leurs images. Car le port est le syncrétisme des peuples et des coutumes ; comme une chaîne à laquelle chaque récit ajouterait un maillon. Ce port, c’est l’endroit de toutes nos recherches, un lieu qui dispose de tout ce qu’on pourrait désirer sans pour autant s’ouvrir entièrement. Car il y aura toujours cette pointe de mystère qui fait le charme d’un lieu. Des coins sombres et fantastiques d’où tu ne sais quelle chimère pourrait surgir. C’est enfin et surtout un microcosme géré par les sens, pour les sens, avec ses transports, ses couleurs. Un lieu de bien-être sensuel et érotique avec une vue permanente sur l’infini, l’absolu, l’illimité qu’est l’horizon brumeux.» (...) Enfin elle osa demander : « - Je n’ai pas tout bien compris mais... Est-ce que tu penses vraiment pouvoir accoster dans ce lieu dans la vraie vie ? » Les yeux de J. s’ouvrirent en grand. Ses lèvres tremblèrent et une impression d’aporie le saisit. La petite fille se leva. « - Je crois que maman m’appelle... On continuera demain ? » dit-elle en souriant. J. ne lui répondit pas et garda son regard perdu dans le vide. L’enfant eut peur et partit sans rien ajouter. Ce n’est que quelques instants plus tard que l’homme s’aperçut de son absence. Il s‘accroupit, se prit la tête entre les mains et réfléchit. Une réponse. Il fallait trouver une réponse. Il n’arrivait plus à visualiser quoi que ce soit. Une peur panique. Un doute. Une réponse. La réalité ? Un vent tiède balançait mollement ses cheveux. J. avait enlevé ses chaussures et, assis sur les cordes, laissait ballants ses pieds nus. Son regard fixe et vide à la fois, se perdait dans les profondeurs de l’eau noire. Les mouvements de ses jambes formaient à la surface des flots des arabesques. J. pinça les lèvres. Pourtant, il avait fait cinq fois le tour du monde en quatre-vingts jours, deux fois le voyage au bout de la nuit... La lumière déclinait. Il releva la tête. Làbas, entre les flancs d’acier des bateaux, entre ces bêtes opaques glissait autre chose. Il attendit un peu et sa vue se brouilla. Ce qu’il distinguait, cette barque qui frôlait la surface liquide, il savait qu’elle ne venait que pour lui. Son port... Il allait enfin le voir. Lentement, il se raidit et commença à glisser dans l’eau. Derrière cet homme en haillons il voyait une nouvelle rive. Lentement, l’eau l’enveloppa. A présent, il faisait nuit. Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu’importe ? Au fond de l’Inconnu pour trouver du nouveau ! 80 UN AMOUR INESPÉRÉ C’était un beau matin de printemps quand Carlos remonta dans ses filets au milieu des poissons, une bouteille en verre bouchonnée. A l’intérieur de toute évidence se trouvait une lettre. Il mit la bouteille de côté, continua à s’occuper de ses poissons, puis il termina sa journée. Quelle ne fut pas sa surprise quand, arrivé chez lui, sur le papier jauni, il put lire ces quelques lignes : Mon amour, Portofino vit sans lumière depuis ta disparition, je te cherche dans toutes les rues sans aucun espoir de te retrouver. Dino n’a plus le goût pour la pêche ni aucun autre jeu. Son sourire s’accroche très rarement sur son visage depuis que tu nous as quittés. Je me bats chaque jour afin que son sourire réapparaisse, en lui cachant mon désespoir face à ton absence. Je ne sais pas pourquoi j’écris cette lettre car je sais que désormais tu es dans un autre monde. Mais c’est aussi une façon pour moi de garder espoir en me disant que tu reviendras un jour. Je t’attends au bout de la digue près du phare comme lors de notre première rencontre. Je t’aime, Paola. (...) Un jour son équipage arriva dans un petit port d’Italie nommé Portofino. Carlos ne put s’empêcher de repenser à la lettre qu’il avait trouvée quelque temps auparavant, et une terrible envie de retrouver l’auteur de cette fameuse lettre le prit. Il se promena sur la digue, qui se trouvait près du phare durant son après-midi de permission. Là, se trouvaient une jeune femme et un petit garçon qui pêchait à la ligne. Il s’assit près d’eux.(...) Alors Carlos comprit qu’il avait en face de lui l’auteur de la lettre.(... ) Il repartit poursuivre ses escales dès le lendemain. De retour en Espagne, Carlos reprit le cours de sa vie. Un matin, il reçut une lettre de Paola arrivée par la poste cette fois-ci. Elle lui annonçait qu’elle avait décidé de partir en Espagne pour les vacances et qu’elle s’arrêterait sûrement dans son village. Carlos s’en réjouit.(...) Ce furent des moments merveilleux. Le jour de leur départ arriva. Paola devait rentrer. Carlos lui offrit une petite boîte, entourée d’une étoffe soyeuse. Paola prit le cadeau mais ne l’ouvrit qu’une fois seule dans sa cabine, à bord du ferry. Ce fut une grande émotion lorsqu’elle découvrit une petite bouteille bouchonnée avec à l’intérieur sa lettre, qu’elle reconnut, suivie d’une autre où elle put lire ces quelques mots : Paola, La mer m’a apporté cette lettre et moi j’ai trouvé un trésor quand je vous ai rencontrés, Dino et toi. Je t’attends. Carlos A la lecture de ces mots Paola se dit que la Providence avait croisé son chemin et que ses prières avaient été entendues : l’amour lui revenait. 81 MARLION Marlion est un être étrange, une de ces rares personnes qui n’a jamais vraiment vécu sur Terre. Marlion était né sur l’Atlantica, un bateau qui sillonnait la mer de port en port. Suite à la mort de ses parents, tombés à la mer, Marlion développa un amour inconditionnel pour cette vaste étendue d’eau qui avait avalé ses parents. Il substituait l’amour de ses parents à celui de l’océan et continua à sillonner les mers, sans pouvoir rester plus d’un jour sur Terre sous peine d’un curieux manque d’amour. Un jour, lorsqu’il naviguait au large de l’Espagne, il ressentit un malaise profond, inexplicable, un mal-être indéfinissable et il dut se résigner à s’arrêter, au port le plus proche, le port de Barcelone.(...) Ces nouvelles conditions de vie commencèrent à lui plaire. Longuement, il réfléchissait à sa vie tout en marchant le long des plages vides de Barcelone, sentait le sable fin sous ses pieds, observait la Terre, Barcelone et son architecture atypique.(...) Il appréciait de plus en plus cette nouvelle vie sur Terre et reniait la mer pour une vie plus sédentarisée.(...) Alors qu’il travaillait, au loin sur l’horizon de l’océan, il aperçut une vague de fureur, ou plutôt il la ressentit, car il semblait être la seule personne à voir ce qui se passait. L’impression de colère se rapprochait de lui, un être surnaturel apparut et se présenta sous le nom de Poséidon, Dieu grec des mers et des océans. Furieux que son fils ait abandonné la mer, Poséidon posa un dilemme à Marlion : « Renie la Terre, la Mer t’accueille mon fils. Reste sur Terre et »... Poséidon s’évapora. Marlion crut devenir fou, il ne prit pas au sérieux cette menace qui était apparue devant lui ; il s’était pris de passion pour la vie sur Terre comme un vrai terrien, cette vie qu’il n’avait jamais connue lui plaisait. Quelques jours plus tard, Poséidon, dans toute sa splendide fureur, infligea une malédiction à cet homme qui s’était joué de lui. Puisque Marlion voulait vivre sur Terre, Poséidon transforma Marlion en statue de lion, sur le port de Barcelone. Poséidon ajouta aux sept autres lions la statue de Marlion face à la mer. Ainsi, la punition de Marlion serait de devoir contempler la mer sans pouvoir y accéder et ceci pour une éternité(..) Sur le port de Barcelone, on peut toujours admirer cette statue, déchirée entre la Terre et la Mer. Cherchez le plus majestueux des huit lions qui entourent la colonne de Christophe Colomb et vous trouverez notre homme. Si vous le fixez plus d’une heure, vous verrez peutêtre une larme couler, je dis bien peut-être... 82 S’ÉVADER POUR UNE VIE MEILLEURE C’était un beau matin sur l’archipel des Baléares sous un soleil de plomb. Je marchais sur le sable doré et je contemplais au loin l’horizon en écoutant le rugissement des vagues. Cet endroit dépaysant ressemblant au paradis me redonnait goût au bonheur. Je m’enivrais de ses eaux cristallines qui léchaient le sable et mes pieds au fur et à mesure que j’avançais. Ainsi, mes pas réguliers se mélangeaient à l’eau et au sable. J’eus alors cette étrange sensation de fraîcheur extrême au plus profond de mon cœur : c’était l’écume de la mer déposée sur mes pieds qui libérait mon esprit, et mon corps se détendit peu à peu. Soudain, je sentis qu’une force me poussait, et mes cheveux virevoltèrent dans le vent, semblables aux vagues déferlantes qui se jetaient sur la plage. Je sus à ce moment-là que je devais fermer les yeux et me laisser porter par l’air ; mais mon corps était déjà possédé. C’était la douceur du vent, la fraîcheur de l’eau, les sons au plus profond de la mer et la chaleur des rayons du soleil qui me l’avaient pris. C’est donc dans un état de décontraction intense que j’entendis la mer m’appeler au loin ; elle voulait me montrer quelque chose mais je ne comprenais pas. Alors, le vent vint caresser ma peau luisante jusque dans la paume, me prit par la main et m’entraîna avec lui au bout du monde.(...) C’était magnifique ! L’île avait préservé son extraordinaire beauté et m’offrait ainsi de fabuleux paysages. Tout en haut, au-delà des cieux, je prenais plaisir à regarder les rivières creusant tout au fil des jours, dans le granit, de profondes gorges à travers la végétation. Puis j’aperçus sur un banc de sable fin, sur le point le plus culminant de l’île, le phare qui seul pouvait nous offrir une vue spectaculaire sur les vagues se brisant contre les rochers. (...) Mais à quelques kilomètres du rivage, mon regard fut attiré par un navire qui avait quitté le port depuis un certain temps. Je le voyais, grand et resplendissant, rapide comme l’éclair, tel un géant de la mer, prêt à parcourir le monde. Sous la force du vent, on entendait ses grandes voiles blanches qui battaient. Alors le vent me déposa sur le sommet du mât afin que je puisse découvrir de nouvelles sensations et des vues magnifiques. C’était un vrai paradis ! Je levai les bras, fermant les yeux une seconde fois et dans un élan, je fus propulsée avec le voilier. Pour une fois, je me sentais bien mais est-ce que tout ceci était bien réel ? Tout semblait être tellement beau et inimaginable ! Soudain, le vent s’arrêta, les voiles ne battaient plus, les vagues ne s’agitaient plus, la mer ne me parlait plus et je commençais à sentir cette chaleur brûlante sur ma peau. Tout cela voulait peut-être dire que je reprenais mes esprits dans un autre monde, un monde réel et bien loin du rêve…. 83 UN CAUCHEMAR ? Toutes les nuits, je fais le même rêve... Bleu, tout est bleu et ensoleillé. La mer brille, les mouettes volent, les poissons nagent et sautent, tout va bien. Mais soudain l’orage gronde et le navire de mon père coule, le tuant. Juste après cela, je vois ma mère se noyer. « Je suis désolée Jack, je suis désolée ». Malgré tout je crie « Non, non ! Ne meurs pas maman, je suis là, reste pour moi, je t’en supplie maman, je t’aime ! Ne meurs pas ! » Et systématiquement, à ce moment-là je me réveille, transpirant. Pendant les vacances d’été je cherchais un petit boulot. Je vivais seul et malheureusement dans un port où je pouvais tout le temps apercevoir la mer. Partout, surtout pendant les vacances d’été, cet endroit était bondé. Les gens allaient à la plage naviguer, marcher sur la jetée en mangeant une glace... C’était tellement bruyant parfois ! J’avais célébré mon dix-huitième anniversaire et je voulais gagner de l’argent comme tout jeune homme. Donc, je cherchais un travail quand ma voisine m’apprit que son frère aîné avait besoin d’un serveur dans son restaurant et que si j’étais intéressé, le travail pouvait être pour moi. Quelques jours plus tard, après un rapide entretien ainsi qu’une brève présentation de l’équipe, je commençais mon travail. Le staff se composait de Harry, un garçon bronzé, de James âgé de vingt-deux ans en cuisine, ainsi que de Suzie une jeune femme blonde, Alice et moi en salle. Alice était mignonne mais semblait un peu timide. Ses yeux étaient bleus et ses cheveux foncés. Aussi, j’étais un peu plus grand qu’elle. Elle devait m’expliquer comment travailler. Elle avait dix-neuf ans et était plus mûre que moi.(...) Contrairement à moi, elle aimait la mer. Alice avait passé son enfance dans des ports, apprenant tout à propos des bateaux, des nœuds, des poissons et de la mer. Elle ne comprenait pas pourquoi je n'aimais pas celle-ci. Alors un jour, je décidai de lui raconter la mort de mes parents. Seules quelques personnes savaient la véritable histoire. Alice n'arrivait à pas croire ce qu'elle entendait. Mais quand elle réalisa que je ne plaisantais pas, elle se montra compréhensive.(...) Les jours passèrent. Alice et moi étions de plus en plus proches. Nous nous baladions tous les soirs après le travail, nous restions ici à contempler les étoiles qui brillaient sur la mer et nous pouvions sentir les embruns. J'étais sûr qu'elle était capable de me sauver. Jamais je ne m'étais senti aussi bien depuis la mort de mes parents. Elle était capable de me faire tout oublier. Avec elle je me sentais apaisé. Je ne pouvais vivre dans un monde où elle n'existait pas. J'avais besoin d'elle. Je pense que je l'aimais. Un jour, elle décida d’accompagner son grand-père pour une pêche au large. Je ne pouvais pas aller avec eux parce que je n’étais pas encore prêt pour aller en mer. Ce jour-là, le ciel était bleu sans aucun nuage, en fait, c’était le temps parfait ! Je n'aurais rien pu remarquer de toute façon. 84 Juste avant leur départ, je chuchotai à Alice que j'avais quelque chose de spécial à lui dire à son retour. Je voulais lui dire que j'étais tombé amoureux d'elle. Elle me répondit : « moi aussi », et déposa un petit baiser sur ma joue droite.(...) Dix-huit heures trente, j’attendais sur le quai. Dix-neuf heures trente, j’étais toujours en train d’attendre. Vingt heures trente, le coucher du soleil était beau à en mourir mais Alice et Arnold n’étaient toujours pas revenus. Je ne pouvais pas les joindre. J’appelai alors les garde-côtes et je leur expliquai la situation. Je leur donnai tous les renseignements nécessaires. Ils me répondirent qu’ils ne savaient pas où étaient mes amis et qu’il valait mieux attendre jusqu’au lendemain pour débuter les recherches, dès que le soleil serait levé. Ils me conseillèrent de rentrer chez moi pour me reposer. Je ne comprenais pas, j’étais perdu et effrayé, je n’arrivais pas à fermer les yeux. Alice hantait mon esprit, son rire, sa voix douce résonnaient en moi. Comment pourraisje vivre sans elle ? Ses yeux bleus m’apaisèrent et je m’endormis. Le téléphone me réveilla. « Mmh...? » répondis-je. « C’est monsieur Parker à l’appareil, un garde-côte. Un pêcheur vient juste de découvrir deux corps sans vie. Ils correspondent à vos descriptions. Je suis désolé monsieur, je suis désolé mais nous aurions besoin... » Le téléphone tomba par terre et mes jambes se dérobèrent sous moi. J’étais bouleversé. Je ne voulais plus vivre. Mes parents, et maintenant Alice ! Une fois, deux fois,... jamais deux sans trois ! Je hais la mer, je hais ma vie, et je hais ce port... 85 MERCI ILAN Aaron est un jeune homme d’origine israélienne qui lors d’un cambriolage s’est fait prendre par la police. Son frère, Ilan l’aide alors à s’échapper d’Angleterre, le pays où ils vivaient depuis quelques années. Leur plan était périlleux mais s’il marchait, Aaron serait tiré d’affaire. Il consistait à voyager clandestinement sur un bateau de marchandises, à destination du nord de l’Espagne. Ilan aide également d’autres criminels : Tomi, un tueur en série et Andrei un trafiquant de drogues. Les hommes n’ont pour survivre qu’un peu d’eau et se cachent dans un entrepôt où sont entassés un grand nombre de draps. Tout semble bien se passer pour le moment mais pour combien de temps...? Résumé de Lila King, 2de7 86 Scripts à l’origine des chorégraphies Le voyage Les bateaux, les avions, les trains nous transportent à travers les traditions et les religions de différents pays. Comment vivons-nous cette relation ? Aurélien, Sophy, Tiffany et Laurie vous invitent à faire un bout du voyage. Temps partagé entre l’Inde et ses traditions religieuses mais aussi les EtatsUnis et sa culture sportive et compétitive. Le port au sens large du terme qui permet le transport des hommes et des femmes reste le lien magique qui permet d’aller au-delà du rêve ! Laurie Sacher, Sophy Medini, Tiffany Leclercq, Aurélien Day L’attente Près des salles d’attente pour l’arrivée des passagers du bateau Rome-Toulon, un café du port ; les femmes attendent le retour d’un ami. Il est en retard, elles se figent, s’animent, se donnent une contenance ordinaire, s’énervent, se touchent, se bousculent, entrent dans une colère malsaine. « Il » passe, une autre femme à son bras, les nargue, elles ne se laisseront pas faire! Anthéa Douzenel, Marine Makoa Meng, Leslie Kohler La rupture Trois jeunes femmes sont dans un hall de gare, un moment pour dire au revoir ou adieu selon les événements. Moments de réflexion sur le passé, introspection des sentiments, la rupture semble inévitable. Entre tiraillements, portés, étouffements, il faut choisir. Rien ne peut durer ici-bas, il faut oublier, s’oublier, tout peut s’oublier… Cela nous rappelle un poème chanté par Brel ! Mana Macchiarini, Léa Nicolai-Duvernay, Emmanuelle Bono On embarque Dans la file d’attente pour embarquer sur le dernier ferry, les jeunes filles s’énervent autour d’une corde qui semble indiquer un chemin sur lequel il est interdit de s’éloigner. Leur imagination reste la plus forte, il faut s’écar89 ter de ce modèle de traitement des passagers. Elles dansent, s’insurgent, et menacent. Elles monteront sur le bateau mais selon leurs exigences. La liberté de mouvement est revendiquée ici comme leur second souffle !! Mathilde Facquez, Alisson Scala, Laetitia Cavarec, Agathe Vacca, Faustine Macagno, Marion Nanni Sur le port d’Amsterdam Comme la chanson l’indique, sur le port d’Amsterdam, il y a des marins qui vont vivre sous vos yeux, vont vous faire sentir la mer, le vent, la tempête à travers une danse atypique. La passion du travail, l’amitié des hommes dans l’adversité, autant de thèmes soulevés dans ces gestuelles et ces déplacements. Un monde particulier dansé par des filles pour rappeler un métier d’homme, c’est tout un paradoxe qui s’expose ! Mathilde Pailley, Chloé Hennemann, Mathilde Facquez 90 91 92 TABLE DES MATIÈRES Préface Editorial Palmarès du concours de nouvelles 2010 Les disciplines associées Le souvenir abandonné Plaisirs de Norvège La leyenda de Muros Celeste’s World Tour L’Attente Connectivité Sur deux rives… Le départ du Materlod Und er fragte die Wogen… Un amor inesperado Marlion Evadirse para una mejor vida A nightmare ? Thanks Ilan La légende de Muros (extraits) Le Tour du Monde de Céleste (extraits) Et il interrogeait les flots (extraits) Un amour inespéré (extraits) Marlion (extraits) S’évader pour une vie meilleure (extraits) Un cauchemar ? (extraits) Merci Ilan (résumé) Scripts et photographies des chorégraphies Estelle Chaudey Marie Andichou Camille Roux Emmanuel Vitu Alicia Vidal Caroline Garcia Aurélia Pereira Clara Beynet Candice Navello-Huon Solène Mulet Valentin Thill Solène Mulet TABLE DES ILLUSTRATIONS 93 5 7 8 9 11 15 21 27 30 35 41 47 53 58 61 65 68 72 77 78 79 81 82 83 84 86 89 10 19 22 / 42 / 87 29 / 50 33 38 / 59 / 74 / 88 46 / 62 51 / 67 52 57 64 2ème et 3ème de couverture GROUPE DE PILOTAGE M. Eric Gommé, Proviseur, Chef de projet. Mmes Lydie Arnéodo, Nelly Jouvenceau, Catherine Linget-Delmas, Professeurs documentalistes et coordonnatrices du projet. Mmes Isabelle Albertini et Laurence Lieutaud, professeurs de lettres modernes. Mme Yvonne Aragon, professeur d’espagnol. Mme Marie-Aude Autheman, professeur de lettres classiques. Mme Mary Briand, professeur d’italien. Mme Béatrice Heurtel, professeur d’anglais. Mme Marlène Kohler, professeur d’éducation physique et sportive. Mme Michelle Monteiller, conseillère principale d’éducation. Membres associés : Tous les professeurs de lettres. M. Gilles Boudot, professeur d’arts plastiques, et ses élèves pour les travaux graphique et la conception de la première de couverture. Mme Marlène Kohler, professeur d’éducation physique et sportive, et ses élèves pour les chorégraphies. Les élèves de l’école de photographie APPI de Toulon. Les quatre-vingt onze élèves qui ont remis une nouvelle. Les enseignants et les élèves qui ont participé aux différents jurys. M. Marcel Rufo, psychiatre et écrivain qui a accepté de rédiger la préface. 94 A L’ÉCRITURE DES NOUVELLES Adnot Clémence, Aillaud Maxime, Alibert Mathilde, Allamel Alice, Allouche Samia, Baucells Aurélien, Belasri Reda, Bendavid Raphaël, Bergia Andréa, Bianchi Lisa, Bimont Xangô, Cadet Aurélia, Cavallo Charlotte, Caviggia Guillaume, Chauvet Romain, Cibert Manon, Coezard Pauline, Conry Jennifer, Daniel Marc, Daubresse Mélodie, Debacq Camille, Defins William, Deny Oriane, Diaby Aminata, Estevez Morgane, Etheve Cynthia, Fotsy Cecilia, Fuss Amandine, Gadacha Aikel, Garrone Fanny, Ghigo Marion, Gilbert Sarah, Giordano Jade, Glacet Léa, Guiguet Julie, Guillaume Clémentine, Hamet Corentin, Hamsy Maureen, Hozé Harry, Ignatovich Valéry, Jeannot Lucas, Jolivet Rémi, Jouval Emilie, Kause Steven, Kirchner Sandra, Kubiak Valeska, Lauzat Marine, Le Corre Emilie, Leconte Pierre, Lelogeais Anaïs, Leroy Alexia, Lorenzo Loria, Magnou Cléa, Maraval Nicolas, Marnissi Inès, Martin Marion, Martin Simon, Masson Marie, Mersier Florent, Montanaro Attila, Motreff Sophie, Navarro Baptiste, Navarro Maurine, N’Guyen Perle, Nsiri Myriam, Oggero Félix, Pailley Mathilde, Petitpas Charlotte, Pilih Victoria-Lan, Quatreville Clémentine, Ramarlah Iandosoa, Ramarlah Sariaka, Renoult Alexandre, Rochard Arthur, Roncière Julie, Roncière Solène, Rossi Alexia, Roux Julien, Rulfo Manuela, Sanchez Andrea, Saragossa Paul, Scheunpflug Méline, Schmidt Oriane, Schneider Jean, Schramm Delphine, Sillamy-Coquelle Amandine, Soudant Maxime, Tari Cynthia, Valranges Audrey, Verin Alissia, Vogt Joël. A LA CRÉATION DES DOCUMENTS ICONOGRAPHIQUES Andichou Marie, Beynet Clara, Chaudey Estelle, Garcia Caroline, Guillaume Sarah, Mulet Solène, Navello-Huon Candice, Pereira Aurélia, Roux Camille, Thill Valentin, Vidal Alicia, Vitu Emmanuel. AUX CHOREGRAPHIES Bono Emmanuelle, Cavarec Laetitia, Day Aurélien, Douzenel Anthéa, Facquez Mathilde, Hennemann Chloé, Kohler Leslie, Leclercq Tiffany, Makoa Meng Marine, Macagno Faustine, Macchiarini Manon, Medini, Sophy, Nanni Marion, Nicolai-Duvernay Léa, Pailley Mathilde, Sacher Laurie, Scala Alisson, Vacca Agathe. AUX JURYS Amory Caroline, Anchetabehere Nicolas, Berthier Laura, Carmagnole Julien, Chailloux Claire, Desjardins Aurélie, Gaulard Ludmilla, Gence Kevin, King Lila, Lanzada Tiphanie, Laplane Melchior,Llinares Pierre, Molines Julien, Navello Candice, Nicolle Clémence, Plassart Solène, Salah-Bouchaour Rima, Tahiri Salema, Thieffry Iris. Aragon Yvonne, Arnéodo Lydie, Autheman Marie-Aude, Bacq Claude, Borréani Sylvette, Carpentier Anne-Marie, Casanova Alain, Deshayes Pierre, Jouvenceau Nelly, Kohler Marlène, Linget-Delmas Catherine, Olivier Mathieu, Mercier Paul, Monteiller Michèle, Pinto Orianne. 95 Ce projet a été conduit grâce au concours du Conseil Régional Provence-Alpes-Côte d’Azur dans le cadre d’une Convention Vie Lycéenne et Apprentie intitulée « Autour du livre ». Il bénéficie également du soutien du PASIE de l’Académie de Nice. Conception et réalisation de la maquette Lydie Arnéodo, Nelly Jouvenceau, Catherine Linget-Delmas, avril 2010 Achevé d’imprimer le 10 mai 2010 sur les presses d’Albédia Imprimeurs à Aurillac (Cantal) Dépot légal n° 121 - 2ème trimestre 2010 ISBN : 978-2-85579-108-1 96