Michel DELARCHE Miscellanées linguistiques AJEDREZ Traduire la poésie JEU D'ÉCHECS I. En su grave rincón, los jugadores rigen las lentas piezas. El tablero los demora hasta el alba en su severo ámbito en que se odian dos colores. I. Dans leur coin solennel, chacun des deux joueurs Dirige les pièces lentes. L’échiquier Les retient jusqu’à l’aube en sa sévérité, Territoire de haine entre les deux couleurs. Adentro irradian mágicos rigores las formas: torre homérica, ligero caballo, armada reina, rey postrero, oblicuo alfil y peones agresores. Les formes irradient de magiques rigueurs Là dedans : homérique tour, cavalier Léger, reine équipée, roi qui vient en dernier, Fou qui file en oblique et pions querelleurs. Cuando los jugadores se hayan ido, cuando el tiempo los haya consumido, ciertamente no habrá cesado el rito. Et lorsque les joueurs se seront retirés Lorsque le temps passé les aura dévorés Il est certain que n’aura pas cessé le rite. En el Oriente se encendió esta guerra cuyo anfiteatro es hoy toda la tierra. Como el otro, este juego es infinito. Si c’est en Orient qu’a pris feu cette guerre, Son théâtre aujourd’hui couvre toute la terre. Comme l’autre, ce jeu se poursuit sans limite. II. Tenue rey, sesgo alfil, encarnizada reina, torre directa y peón ladino sobre lo negro y blanco del camino buscan y libran su batalla armada. II. Roi frêle, fou retors, et reine déchaînée Tour qui fonce tout droit et pion très malin Sur le noir et le blanc qui pavent le chemin Se cherchent pour livrer leur bataille rangée. No saben que la mano señalada del jugador gobierna su destino, no saben que un rigor adamantino sujeta su albedrío y su jornada Et ils ne savent pas que la main désignée Que la main du joueur gouverne leur destin, Ne savent pas qu’un règlement adamantin Bride leur fantaisie comme leur randonnée. También el jugador es prisionero (la sentencia es de Omar) de otro tablero de negras noches y blancos días. Le joueur aussi bien demeure prisonnier (La sentence est d’Omar) sur un autre échiquier De ténébreuses nuits et de journées blêmies. Dios mueve al jugador, y éste, la pieza. ¿Qué Dios detrás de Dios la trama empieza de polvo y tiempo y sueño y agonías? Dieu anime un joueur, qui bouge une figure. Quel Dieu derrière Dieu commence l’aventure De poussière et de temps, de rêve et d’agonies ? J-L BORGES (1899-1986)