La budgétisation par la performance en France

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Presupuesto y Gasto Público 51/2008: 271-286
Secretaría General de Presupuestos y Gastos
© 2008, Instituto de Estudios Fiscales
La budgétisation par la performance en France:
bilan et perspectives
BRIGITTE SABLAYROLLES
Chargée de mission
Direction du budget
Ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique France
Recibido: Diciembre 2007
Aceptado: Enero 2008
Abstract
La nouvelle constitution budgétaire française entend désormais substituer à une culture de moyens une véritable cul­
ture de résultats à tous les niveaux de la gestion publique («un bon budget est celui qui maximise le rapport résultats
obtenus sur fonds employés»), revenant aux principes mêmes qui justifent la levée de l’impôt: c’est une exigence dé­
mocratique que de rendre compte aux citoyens et aux contribuables de l’emploi des deniers publics. La mesure de la
performance aura changé fondamentalement le débat démocratique le jour où le débat sur la quantité de moyens fi­
nanciers sera compensé par une attention accrue à la qualité de la politique et à la conduite de réformes pour amélio­
rer la performance du service public.
Dans le présent article, seront successivement explicités 1) en quoi la performance est un principe directeur de la
gestion publique, en tant qu’exigence démocratique et exigence de gestion, 2) comment la France s’efforce
d’intégrer la performance dans le budget de l’Etat par la défnition de stratégies, d’objectifs et d’indicateurs, 3) enfin
la mise en oeuvre de la performance avec ses acteurs et la déclinaison opérationnelle des objectifs.
Resumen
El trabajo analiza la introducción de la presupuestación por desempeño en Francia que tiene lugar a través de la Ley
Orgánica relativa a las Leyes de Presupuestos (2001). La reforma francesa se inscribe en la corriente internacional
representada por aquellos gobiernos que pretenden rendir cuentas a los ciudadanos en términos de eficacia y eficien­
cia en la utilización de los recursos públicos. Así, desde la Ley de Presupuestos de 2006 se incorporan unos Proyec­
tos Anuales de Desempeño (PAD) que, partiendo de las misiones que orientan la acción estratégica del gobierno, se
desglosan en programas y metas a los cuales se asignan los recursos. Del grado de cumplimiento de tales metas se
dará luego cuenta a través de los correspondientes Informes Anuales de Desempeño (IAD), que se adjuntarán al pro­
yecto de Ley de Conformidad con las cuentas de cada año, una vez finalizado éste.
Article
Chaque année, à la livraison du projet de budget, le rituel automnal était identique les commentateurs distinguaient
les «gagnants» et iles «perdants» avec une grille d’analyse valorisant les budgets en augmentation, le secteur étant
alors qualifié de prioritaire. La qualité et l’efficacité du service rendu aux citoyens passaient alors au second plan.
Dans cette course aux moyens supplémentaires, à défaut de pouvoir examiner l’usage de l’argent public et de consta­
ter les résultats atteints, l’attention était exclusivement portée sur les annonces de nouvelles mesures.
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Brigitte Sablayrolles
Accompagnant un large mouvement international, l’introduction de la performance dans le processus budgétaire
français est une innovation majeure voulue par la loi organique relative aux lois de finances du 1.er août 2001
(LOLF) 1 qui s’inscrit dans une tendance engagée depuis plusieurs années dans de nombreux pays de l’OCDE. De­
puis la loi de finances pour 2006, les projets annuels de performance (PAP), qui constituent les nouvelles annexes
budgétaires par missions, retracent ainsi par programmes les objectifs, les indicateurs et les cibles de résultats dont
l’atteinte est mesurée dans les rapports annuels de performance (RAP) annexés au projet de loi de règlement 2.
1.
La performance comme principe directeur de la gestion publique
1.1. La démarche de performance a été introduite dans de nombreux pays
de l’OCDE
Depuis une vingtaine d’années, l’augmentation de la contrainte budgétaire a conduit
plus des deux-tiers des pays membres de l’OCDE à mesurer la performance de l’action pu­
blique et à introduire dans leurs documents budgétaires des objectifs et des indicateurs de ré­
sultats cherchant à évaluer l’efficacité des actions financées et de leurs services publics.
Dans plus de la moitié de ces pays, la performance est intégrée dans la procédure bud­
gétaire, donnant ainsi au ministère chargé du budget un rôle particulier dans la définition et le
suivi des objectifs. Dans près de la moitié des pays, les résultats sont utilisés dans les minist­
ères et les agences pour définir les priorités des programmes et guider leur gestion.
Pour autant, très peu de pays pratiquent une budgétisation reposant directement sur les
performances recherchées ou obtenues: le niveau des dépenses ne dépend pas des objectifs
de production et de résultats pas plus que la performance ne constitue généralement un critè­
re d’affectation des fonds, y compris dans les pays ayant une longue expérience en matière
de performance, comme les Etats-Unis ou le Canada. Seuls les Pays-Bas et la Nouvelle-Zé­
lande déclarent lier leurs dépenses à la totalité des objectifs. Il peut toutefois exister un lien
direct, dès lors que les objectifs permettent, parmi d’autres éléments, d’étayer les décisions
budgétaires (une moitié d’Etats indique utiliser les résultats).
1.2. L’objectif poursuivi en France n’est pas d’établir une budgétisation
fondée sur la performance
L’enjeu contemporain n’est pas de prétendre à une budgétisation par objectifs, mais de
parvenir à «dépenser mieux» et à rendre plus effcace l’allocation des moyens. Dans certains
cas, la démarche de performance se traduit par un accroissement des moyens, dans d’autres
cas par une diminution des ressources.
Alors que l’ordonnance organique du 2 janvier 1959 structurait le budget de l’Etat en
centaines de chapitres, constituant la spécialité et la limite des crédits des gestionnaires, la loi
organique du 1.er août 2001 structure le budget en programmes qui regroupent, selon son arti­
cle 7, «les crédits destinés à mettre en oeuvre une action ou un ensemble cohérent d’actions
relevant d’un même ministère et auxquels sont associés des objectifs précis, définis en fonc­
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tion de finalités d’intérêt général, ainsi que des résultats attendus et faisant l’objet d’une
évaluation».
Les crédits du programme constituent une enveloppe fongible (sans qu’il soit toutefois
possible de majorer les crédits de personnel 3) permettant aux responsables de programme
d’allouer librement les moyens en fonction des priorités et des objectifs poursuivis. Dès lors,
la contrepartie de cette forte autonomie de gestion est de devoir rendre compte des résultats
obtenus, en fonction des objectifs poursuivis.
Dans ce cadre, la définition d’objectifs et la mesure de leur atteinte n’ont pas pour but
de définir le niveau des moyens en fonction des résultats attendus ou réalisés, mais, pour un
niveau de moyens donnés, d’optimiser les résultats en jouant sur divers leviers d’action: elle
doit permettre, sous contrainte budgétaire, d’apprécier et d’améliorer l’efficacité de la dépen­
se publique, d’apprécier la qualité de la gestion des responsables de programme et d’évaluer
la pertinence des actions financées.
Selon les cas, il sera possible d’en tirer les conséquences en termes de budgétisation
sans qu’il y ait d’automatisme en la matière. Cette démarche doit ainsi conduire les responsa­
bles de programmes
— à définir une stratégie qui, à partir d’un diagnostic prenant en compte la finalité de la
politique publique concernée, dégage les priorités et les leviers d’action; celle-ci est
normalement énoncée en introduction des projets annuels de performances;
— à identifier des objectifs sélectifs et quantifiés reflétant ces priorités (au maximun 5
par programme) qui ont vocation à couvrir les principales masses financières du
programme;
— à définir des indicateurs de résultats permettant de mesurer l’atteinte des objectifs.
1.3. La mesure de la performance est un outil indispensable pour répondre
à l’exigence démocratique de compte-rendu et d’analyse des résultats
Les acteurs publics, qu’ils soient politiques ou gestionnaires, davantage que les organi­
sations ou les entreprises privées, ont des comptes à rendre sur l’emploi des ressources publi­
ques. Les articles 14 et 15 de la «déclaration des droits de l’homme et du citoyen» 4 expri­
ment cette exigence démocratique qui consiste à rendre des comptes aux citoyens, aux
usagers, aux contribuables et à leurs représentants.
Désormais, dans le cadre du projet de loi de finances, les ministres et les responsables
de programmes s’engagent ainsi devant le Parlement sur des objectifs chiffrés. Par ailleurs,
ils rendent compte des résultats obtenus et expliquent les écarts par rapport aux prévisions
dans les rapports annuels de performances, documents joints au projet de loi de règlement,
qui rend compte de l’exécution budgétaire de l’année considérée.
Cette exigence de compte-rendu est renforcée dans la mesure où elle est la contrepartie
naturelle des libertés de gestion offertes par le nouveau cadre budgétaire et la globalisation
des crédits au sein des programmes. La fixation d’objectifs a priori et la mesure des résultats
atteints constitue le socle de la responsabilisation des gestionnaires sur les résultats.
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La présentation régulière des résultats obtenus est de nature à améliorer la légitimité de
l’action publique et, partant, des prélèvements obligatoires dont la raison d’être est de rendre
des services à la collectivité. La mesure de la performance doit permettre de dire au citoyen­
contribuable «qu’il en a pour son argent».
1.4.
La mesure de la performance est une exigence pour la gestion publique
Sans insister sur la réduction des marges de manoeuvre budgétaires, il est indispensable
d’accroître l’efficacité de l’euro dépensé pour maintenir et améliorer la qualité des services
publics existants dans un contexte budgétaire tendu. Nous n’avons plus guère le choix: seuls
un changement important de culture politique et administrative et une amélioration très nette
de l’efficacité de la dépense publique, pourront permettre à la fois de redresser les finances
publiques et de préserver durablement la qualité ou la quantité des services publics au­
jourd’hui rendus.
Si l’introduction de la gestion axée sur la performance et d’indicateurs dans les docu­
ments budgétaires se généralise dans la majorité des pays de l’OCDE, c’est que c’est l’un des
moyens de répondre aux problèmes publics dans un contexte généralisé de raréfaction des
ressources budgétaires et de concurrence fiscale.
A un niveau plus fondamental, l’économie et la gestion publiques montrent que la me­
sure de la performance est un élément essentiel du pilotage de l’action publique.
Parce que l’action publique tient souvent sa légitimité du fait qu’elle pallie des défai­
llances du marché ou des actions privées (activités non rentables ou régaliennes avec une si­
tuation de monopole naturel 5, couverture de certains risques non soutenables pour des ac­
teurs privés, production de biens collectifs ou indivisibles 6 ou de biens à forte externalités
positives 7, corrections d’allocations sous-optimales ou avec des effets externes 8, redistribu­
tion 9, activité réglementaire et législative, ...etc.), elle se trouve le plus souvent en dehors des
marchés.
En matière d’action publique, il n’y a donc pas souvent de transaction marchande avec
un prix d’équilibre qui viendrait jouer le rôle de «juge de paix» pour sanctionner les choix
sousoptimaux ou révéler les préférences des citoyens. Les biens et les services n’ont pas de
prix de vente (même s’ils ne sont pas toujours gratuits), ils ne sont pas souvent en situation
de concurrence et l’information sur la productivité et la qualité de la gestion n’est pas sponta­
nément disponible.
A la différence de la sphère privée, le décideur politique et le gestionnaire ne bénéfi­
cient pas de l’information produite et véhiculée par le marché, avec ses offres, ses demandes
et ses prix d’équilibre, qui viennent sanctionner, positivement ou négativement, les alloca­
tions de ressources optimales ou sous-optimales pour produire les biens et les services pu­
blics et qui permettent d’apprécier leurs retours sur investissement.
Le Gouvernement français a lancé, le 10 juillet 2007, le chantier de la révision générale
des politiques publiques. Ce chantier a pour ambition de remettre à plat «sans tabou ni a prio­
ri» l’ensemble des missions de l’Etat pour dépenser mieux tout en améliorant la qualité de
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service à la collectivité. Il débouchera au printemps 2008 sur des propositions de réformes
structurelles et une refondation des politiques publiques visant à une meilleure adéquation
des objectifs et des moyens.
La mesure de la performance doit ainsi permettre de suivre l’efficacité des choix de po­
litique et l’efficience des choix de gestion.
2. Intégrer la performance de l’action publique dans le budget
de l’Etat
2.1. La mesure de la performance mise en place par le nouveau cadre
budgétaire est le chaînon qui articule l’évaluation des politiques
publiques et le contrôle de gestion
Outil indissociablement politique et technique, elle a pour ambition de parler tout à la
fois au décideur politique (qui arrête les objectifs, fixe les cibles et apprécie les résultats en
fonction des moyens dont il dispose) et au gestionnaire (qui doit décliner les objectifs au ni­
veau opérationnel en fonction des moyens dont il dispose).
Elle doit conduire
• à mieux défnir, sur la durée, les objectifs et les priorités des politiques publiques;
• à procéder à un diagnostic précis des causes des problèmes publics;
• à s’interroger davantage sur les leviers d’action et les outils utilisés pour définir une
stratégie d’action;
• à remettre en question la conception des politiques existantes peu performantes;
• à mieux allouer les moyens;
• à suivre les résultats obtenus au moyen d’indicateurs;
• à prendre les mesures correctrices et engager les réformes nécessaires à l’amé­
lioration du service rendu au citoyen, à l’usager et au contribuable.
En d’autres termes, parce que l’on ne peut véritablement agir que sur ce que l’on mesu­
re, la mesure de la performance doit devenir un outil pour mieux gouverner les politiques pu­
bliques.
La mesure de la performance n’est donc pas une fin en soi: la production de ces infor­
mations n’a d’intérêt que dans la mesure où elle vient à l’appui de la prise de décision,
qu’elle soit au niveau politique (sur la définition des objectifs, des stratégies qui déterminent
la conception même des politiques et leur contenu) ou au niveau des gestionnaires (sur
l’usage le plus efficient des ressources publiques et sur la déclinaison opérationnelle et adap­
tée aux spécificités du terrain).
Si la performance n’est pas, comme on l’a dit, un outil de budgétisation, il convient
néanmoins de tirer les conséquences de l’analyse des résultats en termes de budgétisation et
d’allocation des ressources pour améliorer la performance des services publics autrement
que par l’adjonction de moyens.
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C’est en s’appuyant sur les résultats passés et sur leur analyse, détaillée dans le rapport
annuel de performances, que s’élaborent les projets d’amélioration et que se construit le projet de budget pour l’année à venir. C’est le «cercle vertueux» de la démarche de performance.
Le Parlement entre aussi dans cette démarche en examinant la loi de règlement pour
l’année passée avant d’entamer ses débats sur le budget de l’année suivante. A l’automne
2007, il dispose pour la première fois de l’analyse des résultats 2006 pour préparer son débat
pour le projet de loi de finances pour 2008.
2.2.
La stratégie, les objectifs et les indicateurs
Organisé en missions, programmes et actions, le budget de l’Etat reflète désormais les
grandes politiques publiques. Dans ce nouveau cadre budgétaire, la mesure de la performan­
ce est introduite par les articles 51 et 54 de la LOLF qui prévoient, pour chaque programme,
un projet annuel de performances annexé au projet de loi de finances initiale, précisant la
stratégie de chaque programme, les objectifs poursuivis, les résultats déjà obtenus et atten­
dus, et les rapports annuels de performances annexés au projet de loi de règlement donnant
les résultats et analysant les écarts pour clore l’exercice budgétaire.
Si la loi organique fixe un cadre, elle ne permettait pas spontanément de décliner des
modalités de définition d’objectifs et d’indicateurs de performance pour l’ensemble des politiques publiques financées à partir du budget de l’Etat. De façon un peu rapide, on peut dire
qu’il aura fallu donner un contenu opérationnel à deux concepts: qu’est-ce que la performan­
ce de l’Etat et comment la mesurer?
Un Etat performant est un Etat qui recherche et concourt à l’intérêt générai et qui
s’efforce en permanence d’améliorer l’efficacité de son action et en particulier de la dépense
publique. La démarche de performance est conçue comme la déclinaison opérationnelle de
l’intérêt général, sous trois points de vue (effrcacité, qualité, efficience) incarnés dans les fi­
gures du citoyen (qui compte sur l’action publique), de l’usager (qui utilise le service public)
et du contribuable (qui attend une bonne utilisation de sa contribution). Concrètement, il fa­
llait en quelque sorte avoir pour chaque projet annuel de performances, une batterie
d’objectifs et d’indicateurs exprimant le concours de chaque politique à l’intérêt général.
Les objectifs de performance retracent de façon équilibrée les trois points de vue: il ne
servirait à rien d’avoir des politiques très bien gérées mais inefficaces ou sans impact réel, ou
encore d’avoir des politiques avec de forts effets positifs, mais à des coûts démesurés. La ré­
partition aujourd’hui est de l’ordre de 50% pour l’efficacité, 20% pour la qualité et 30% pour
l’efficience.
Les objectifs d’efficacité socio-économique énoncent le bénéfice attendu de l’action de
l’Etat pour le citoyen (la collectivité) en termes de modification de la réalité économique, so­
ciale, environnementale, culturelle, sanitaire, ... dans laquelle il vit, résultant principalement
de cette action. Par exemple, un objectif d’efficacité associé au programme «Police» est «ré­
duire la délinquance générale».
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Parce qu’ils concernent le changement socio-économique, les objectifs d’efficacité so­
cioéconomique sont ceux qui se rapprochent le plus des fins des politiques publiques ainsi
que des objectifs que l’on peut qualifier de politique. Toutefois, comme les autres objectifs
de performance, leur accomplissement doit dépendre de l’action du responsable de program­
me; il ne faut donc pas adopter, en matière de performance, d’objectifs lointains qui, s’ils
sont parfaitement légitimes pour le débat politique et démocratique autour des fins et des va­
leurs des politiques publiques, ne sont pas adaptés à la mesure de la performance des pro­
grammes et de leur gestion. Les objectifs de performance et leur atteinte doivent être imputa­
bles au responsable de programme et ne pas être trop lointains dans le temps ou trop
dépendants d’autres acteurs ou facteurs. Il faut que le responsable de programme dispose des
leviers d’action suffisants pour atteindre la cible de résultat associée à l’objectif.
A titre d’exemple, si la réduction du taux de chômage constitue un objectif politique,
elle ne saurait constituer un objectif de performance du programme «Accès et retour à
l’emploi». Même si ce programme concourt effectivement à cette fin, la réduction du taux de
chômage est la résultante d’un grand nombre de facteurs qui ne dépendent pas uniquement
de ce programme qui finance notamment l’agence nationale pour l’emploi (ANPE) et les
contrats aidés en matière d’emploi. En effet, la réduction du chômage dépend non seulement
de l’efficacité de la politique de l’emploi, mais également de la croissance, en France et à
l’étranger, des comportements des entreprises et de la bourse, des taux d’intérêt, de la dyna­
mique démographique, du comportement des ménages en matière d’épargne ou de consom­
mation, de la politique fiscale, des règles du marché du travail, ...etc.
En revanche, figurent comme objectifs de performance de ce programme l’amélioration
de l’efficacité du service public de l’emploi dans l’intermédiation entre offre et demande
d’emploi, ainsi que l’amélioration de l’accès et du retour à l’emploi des publics bénéficiant
de contrats aidés. Bien évidemment, ces objectifs de performance concourent à l’objectif po­
litique de réduction du chômage, mais ils ne se confondent pas avec lui.
Les objectifs de qualité de service énoncent eux la qualité attendue du service rendu à
l’usager, c’est-à-dire l’aptitude du service public à prendre en compte les attentes et les con­
traintes de son bénéficiaire, qu’il soit usager au sens strict ou assujetti, pour un montant don­
né de moyens. Ainsi un objectif de qualité de service associé au programme «Justice judi­
ciaire» est de «rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables».
Les objectifs de qualité de service peuvent également se trouver en dehors du service
public, mais ils ont une importance particulière dans la mesure où les services concernés sont
souvent en situation de monopole. Par exemple, l’indicateur du taux de remplacement des
personnels en situation de congé de maladie ou de congé maternité est un élément essentiel
du service rendu à l’élève et à sa famille.
En matière de qualité de service, la mesure est souvent plus difficile, d’où le recours à
des taux de satisfaction: par exemple la proportion des entreprises satisfaites des candidats
qui leur ont été adressés par l’ANPE.
Les objectifs d’effcience de la gestion expriment l’optimisation attendue dans l’uti­
lisation des moyens employés en rapportant les biens ou les services délivrés par l’admi­
nistration ou son activité, aux ressources consommées à cette fin (crédits, emplois, dépenses
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Brigitte Sablayrolles
fiscales, ... etc.). L’objectif permet de montrer que, pour un niveau donné de ressources, la
production de l’administration peut être améliorée ou que, pour un niveau donné de produc­
tion, les moyens employés peuvent être réduits.
Ainsi, un objectif d’efficience associé au programme «Gestion fiscale et financière de
l’Etat et du secteur public local» est «maîtriser les coûts de gestion des administrations finan­
cières», c’est-à-dire de réduire le coût de gestion de l’impôt.
Les objectifs de performance sont donc des objectifs qui occupent une place précise
dans le processus de production de l’action publique: ils se distinguent des objectifs politi­
ques, des objectifs opérationnels (objectifs utilisés pour le pilotage de l’activité ou de la pro­
duction), des objectifs de processus (objectifs portant sur la mise en oeuvre de mesures
d’amélioration des modalités de gestion, d’organisation, ...), des objectifs de moyens (objec­
tifs portant sur un volume ou un taux de consommation de moyens, ou sur l’affectation de
certains moyens), ou des objectifs de contexte.
Les objectifs de performance doivent attester l’amélioration de l’efficacité de la dépen­
se publique. Ils ne dépendent pas directement du volume de ressources consommées car ils
doivent permettre d’apprécier une efcacité marginale.
La définition des objectifs de performance ne peut se faire sans analyse stratégique en
amont et sans définition d’indicateurs en aval.
Le responsable, en accord avec son ministre, définit la stratégie de son programme,
dans une perspective pluriannuelle. La stratégie est le fruit d’une réflexion d’ensemble sur
les fins et d’un diagnostic sur la nature des problèmes publics. Cette analyse stratégique part
des finalités d’intérêt général du programme, des orientations politiques et des attentes expri­
mées par les citoyens et les usagers du service public; elle appréhende également le contexte
et l’environnement (les autres politiques publiques, les autres intervenants publics ou pri­
vés, ...etc.). Elle tient compte des ressources prévisibles aux niveaux budgétaire et fiscal, de
ses ressources non financières, de ses marges de progrès et d’amélioration de l’efficacité,
ainsi que de tous les autres leviers d’action dont elle dispose [cadre juridique, réorganisation
interne, redéploiement des moyens, changements des pratiques, rationalisation des processus
administratifs, ...) etc.].
La stratégie de performance d’un programme aboutit à l’identification des objectifs
prioritaires et des leviers pour les atteindre, ainsi que les indicateurs de performance néces­
saires à l’appréciation des résultats obtenus.
Dans son projet annuel de performances, chaque programme comprend ainsi un nom­
bre limité d’objectifs de performance (au plus 5 objectifs, sauf exception pour les très grands
programmes) traduisant les priorités de l’action publique et couvrant les principaux enjeux
budgétaires. Cette limitation est essentielle pour qu’il y ait bien un exercice de priorisation,
pour que l’action publique reste lisible et que les moyens ne soient pas dispersés.
Chaque objectif est mesuré par des indicateurs (2 en moyenne). La détermination ou le
choix d’indicateurs pertinents est un exercice difficile car tous les objectifs ne sont pas aisé­
ment mesurables et car certaines mesures ne permettent pas de poner un jugement sur le ré­
sultat obtenu ou sur la performance de l’action publique. Aucun indicateur ne mesure totale­
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279
ment un objectif, il existe toujours des biais. Il s’agit de trouver la série d’indicateurs
permettant de cerner au mieux l’atteinte de l’objectif.
La définition d’une stratégie de performance, d’objectifs, d’indicateurs et de cibles de
résultats à l’occasion de l’élaboration des projets annuels de performances doit s’inscrire
dans une démarche dépassant le seul cadre budgétaire pour se décliner ensuite en objectifs
opérationnels dans le cadre du dialogue de gestion. De façon continue, la poursuite des ob­
jectifs de performance doit conduire à s’interroger sur les leviers d’action, sur la conception
même de la politique publique en question (révision du dispositif, des bénéficiaires, des con­
ditions d’accès, de la durée) ou sur ses modalités de mise en oeuvre par l’administration (ou­
til budgétaire, fiscal, réglementaire, refonte des processus, réorganisation, ...etc.). La mesure
de la performance doit déboucher sur une démarche de performance à tous les niveaux.
3.
3.1.
Mettre en ceuvre la performance
Les acteurs de la performance
Les acteurs de la nouvelle gestion publique sont nombreux. Dans un contexte qui a
priorisé l’identification des rôles à l’affirmation juridique de certains d’entre eux, l’enjeu est
désormais de poser plus clairement le nouveau système institutionnel qu’ils composent et de
préciser, dans le cadre de chartes de gestion ministérielles, les modes de fonctionnement ré­
ciproques.
Par circulaire du 2 juin 2004 relative aux stratégies de réforme, le Premier ministre de­
mandait la nomination dans chaque ministère d’un secrétaire général plus particulièrement
chargé des questions de modernisation et de management des cadres dirigeants et supérieurs.
La pratique développée depuis a conduit la plupart des secrétaires généraux à ajouter à ces
missions certaines anciennement dévolues aux directeurs généraux des administrations cen­
trales pour constituer un champ de compétences couvrant de plus en plus des fonctions
d’assistance aux ministres dans l’orientation générale et la conduite des affaires.
Acteurs centraux de la réforme, désignés pour la première fois en juin 2004 par chaque
ministre dans le cadre des travaux préparatoires à la mise en oeuvre de la LOLF, les respon­
sables de programme sont dorénavant mentionnés dans les PAP et les RAP annexés aux projets de lois de finances et de règlement. Sous l’autorité du ministre, ils concourent à
l’élaboration des objectifs stratégiques du programme, ils sont les garants de la déclinaison
de ces objectifs et, dans ce but, animent les méthodes de gestion au sein des services. Ils pilo­
tent la mise en oeuvre d’une politique publique en déclinant aux échelons opérationnels la
logique de responsabilité, d’autonomie et d’engagement sur les résultats. lis veillent à la dif­
fusion du principe de responsabilité et du dialogue de gestion à tous les niveaux de l’action
administrative.
Ils déterminent les échelons pertinents de déconcentration auxquels confier la responsa­
bilité d’un «budget opérationnel de programme» 10 (BOP). Ces derniers doivent optimiser
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Brigitte Sablayrolles
l’emploi des moyens qui leur sont confiés afin d’atteindre les résultats auxquels ils se sont
engagés.
Les responsables de programme délèguent aux BOP les crédits nécessaires, posent les
principes des réserves budgétaires et valident et enregistrent les redéploiements effectués au
titre de la fongibilité des crédits. Ils organisent le dialogue de gestion: procédure, périodicité,
outils de comparaison des résultats.
Les responsables des fonctions d’appui sont dans de nombreux cas placés sous
l’autorité directe du secrétaire général du ministère.
Ces fonctions concernent
• le pilotage ministériel de l’allocation des ressources entre programmes, qu’il s’agisse
de ressources financières (arbitrages budgétaires, mise en réserve de crédits, mouve­
ments de crédits entre programmes) ou humaines (organisation de la gestion prévi­
sionnelle des emplois à l’échelle ministérielle, le plafond des emplois fixé par la loi
de finances étant ministériel);
• l’édiction de normes encadrant les décisions de gestion dans le domaine des règles
statutaires ou de rémunération du personnel, ou des fonctions transversales (achats,
immobilier, ... etc.);
• l’organisation des contrôles et audits: les directeurs en charge des ressources humai­
nes et des affaires financières mènent le dialogue avec le représentant unique du mi­
nistère du budget au sein des ministères qu’est le contrôleur budgétaire et comptable
ministériel;
• la prestation de services: coordination ou prise en charge d’activités concernant le
périmètre de plusieurs programmes.
Le préfet constitue l’autorité de synthèse nécessaire à la convergence des objectifs na­
tionaux et des politiques territoriales dont il a la responsabilitè 11. Bien qu’il ne s’agisse que
d’une faculté, le préfet de région peut demander la consultation préalable du comité de
l’administration régionale qui réunit les chefs de service sur les projets de budgets opération­
nels de programme avant leur transmission aux responsables de programme.
Le préfet s’assure également de la prise en compte par les services déconcentrés des ad­
ministrations civiles de l’Etat des objectifs des programmes dont relèvent les budgets opéra­
tionnels de programme sur lesquels il est appelé à donner son avis 12. Il est le garant de la me­
sure des résultats.
Dans certains domaines, tels que la culture, la santé ou la recherche par exemple, la
mise en oeuvre des politiques de l’Etat nécessite l’intervention d’organismes juridiquement
distincts des services des ministères. On désigne par opérateurs de l’Etat les organismes dotés de la personnalité morale, placés sous le contrôle direct de l’Etat, et qui ont une activité
non marchande dominante et contribuent à la mise en oeuvre d’une politique de l’Etat dont la
traduction se trouve dans la loi de finances. En 2008, 649 organismes sont identifiés comme
opérateurs de l’Etat.
La budgétisation par la performance en France: bilan et perspectives
281
Le nouveau cadre de gestion publique suppose des interactions constantes entre
l’ensemble des acteurs composant ce système. Après plus d’une année d’exercice de la ges­
tion publique «en mode LOLF», plusieurs points de sensibilité sont apparus:
— une nouvelle répartition des rôles au niveau supra-programme entre le secrétaire gé­
néral, les responsables de programme et les responsables de fonctions d’appui est
apparue qui permet de conjuguer l’autonomie de gestion du programme et la garan­
tie d’une cohérence ministérielle qu’apportent les structures transversales (par
exemple les activités de type back office peuvent être soit assurées au niveau du pro­
gramme, soit être mutualisées au niveau des responsables de fonctions d’appui);
• au niveau des programmes, les relations entre les responsables de programme et
les responsables de budgets opérationnels de programme s’appuient sur le dialo­
gue de gestion et le contrôle de gestion. Toutefois, le déploiement de ce contrôle
dans toutes les chaînes de responsabilités n’est à ce jour pas arrivé à maturité. Par
ailleurs, la portée de l’avis du préfet sur les budgets opérationnels de programme
et sa prise en compte par le responsable de programme n’est pas clairement défi­
nie;
• du fait des spécificités inhérentes à l’autonomie de gestion que confère le statut de
personne morale aux opérateurs, la LOLF n’a pas directement prévu la transposi­
tion des règles de gestion qu’elle a édictées (fongibilité asymétrique, plafonne­
ment des emplois). Certains principes directeurs ont néanmoins été définis et
l’exercice de la tutelle de l’Etat sur les opérateurs appelle une nouvelle définition
et des modalités plus précises;
• les relations entre le responsable de programme et le Parlement sont appelées à
évoluer. Dans l’esprit du texte de la LOLF, qui renforce les pouvoirs d’amende­
ment et de contrôle du Parlement et le consacre en tant qu’acteur clef de la démar­
che de performance, les discussions relatives à la nouvelle architecture budgétaire
ainsi que l’examen des PAP et des RAP ont permis d’établir une pratique nouve­
lle d’auditions 13. Cette pratique prend une valeur particulière s’agissant du res­
ponsable de programme, qui s’est engagé, sous l’autorité de son ministre, sur les
résultats de sa politique. Ces échanges peuvent avoir lieu lors d’auditions en com­
mission ou dans le cadre d’échanges entre rapporteurs des assemblées et respon­
sables de programmes.
Afin d’améliorer le fonctionnement de ce système institutionnel, il convient d’en préci­
ser les mécanismes, en confortant le rôle et l’existence de certains acteurs. Cela vaut princi­
palement pour les responsables de programme, construction ne reposant pas sur une assise
juridique précise (la désignation de ces responsables par les ministres se fait, à ce stade, de
manière informelle). S’appuyant sur les réflexions de la Cour des comptes et du Conseil
d’Etat notamment, une circulaire interministérielle pourrait définir les modalités de désigna­
tion et le champ d’attribution des responsables de programme.
Il convient également de donner un cadre de référence au fonctionnement du système
institutionnel au niveau ministériel: sur la base d’un texte interministériel de référence en po­
282
Brigitte Sablayrolles
sant les principes généraux, des chartes ministérielles de gestion pourraient préciser les rôles
respectifs de chacun des acteurs au sein du système institutionnel précité.
3.2.
La déclinaison opérationnelle des objectifs
Le caractère mobilisateur des objectifs de perf ’ormance repose en particulier sur la for­
malisation vis-à-vis du Parlement des engagements de résultats pris et la publicité qui leur est
assurée. Les engagements pris en matière de performance et les résultats atteints en la matiè­
re sont ainsi un élément d’information essentiel des projets de lois de finances pour les parle­
mentaires.
Au delà de cette formalisation, l’amélioration des performances suppose une déclinai­
son opérationnelle des objectifs des projets annuels de performances au sein de chaque admi­
nistration. Enfin, le dispositif technique ainsi mis en place ne peut produire les effets atten­
dus que si les administrations le font vivre.
La stratégie de performance des programmes, leurs objectifs, indicateurs, cibles, assor­
tis de commentaires explicitant notamment les leviers d’action envisagés, sont publiés chaque année, pour chaque programme, dans les projets annuels de performances (PAP) annexés
au projet de loi de fnances, déposé le premier mardi du mois d’octobre sur le bureau de
l’Assemblée nationale et du Sénat. A l’issue de chaque exercice, un rapport annuel de perfor­
mances (RAP) est également déposé avant le 1.er juin au Parlement, pour présenter et com­
menter les résultats atteints.
Le PAP fait d’abord l’objet d’un travail d’analyse interne à chaque programme, tenant
compte:
• des rapports parlementaires;
• des rapports des différents organismes d’audit et de contrôle: comité interministériel
d’audit des programmes, Cour des comptes, corps d’inspection ministériels ou inter­
ministériels;
• des réflexions stratégiques qui peuvent être conduites par le programme;
• des échanges avec les responsables des budgets opérationnels de programme;
• des valeurs disponibles sur les indicateurs.
Au mois de mars de l’année n, les responsables de programmes discutent avec la direc­
tion du budget 14 (du ministère du budget, des comptes publics et de la fonction publique) des
résultats de l’exercice précédent et de leur analyse, en vue de la publication du RAP relatif à
l’année n-1, ainsi que ces cibles de résultats proposées pour le futur et à inscrire dans le PAP
de l’année n1. Le cas échéant, de nouveaux objectifs et indicateurs sont déterminés ou
d’anciens objectifs et indicateurs sont modifiés ou remplacés.
Le 1.er juin de l’année n, le RAP relatif à l’année n-1 est déposé.
Au cours du même mois, dans le cadre du débat d’orientation budgétaire, une liste indi­
cative des objectifs et des indicateurs envisagés pour le prochain projet de loi de finances re­
latif à l’année n1 est présentée au Parlement. Celui-ci, qui n’a pas de pouvoir d’amendement
La budgétisation par la performance en France: bilan et perspectives
283
en matière de performance, peut ainsi faire connaître ses observations. Pour cela, il peut utili­
ser les RAP publiés peu de temps auparavant et qui lui permettent d’apprécier les résultats
obtenus par le passé. Le Gouvernement peut alors décider de modifer certains objectifs ou
indicateurs.
Les cibles de résultat peuvent encore être adaptées durant l’été n.
Les objectifs de performance arrêtés dans les PAP laissent une large autonomie aux ad­
ministrations sur la manière de les réaliser, dans la mesure où ils ne fixent pas le détail des
activités à effectuer, des crédits à consommer ou des leviers d’action à employer.
Il appartient aux programmes d’utiliser au mieux les marges de manceuvre offertes par
la LOLF, grâce à la globalisation des crédits, pour arrêter les modalités d’action les mieux
appropriées en vue d’atteindre les objectifs.
La mise en place d’un dispositif de pilotage par la performance permet d’orienter
l’action de l’ensemble des services vers la réalisation des objectifs. Ce dispositif passe par la
déclinaison des objectifs stratégiques dont la réalisation incombe aux responsables des bud­
gets opérationnels de programme. Ces objectifs opérationnels sont conçus de telle sorte que
leur réalisation permette d’atteindre les objectifs stratégiques nationaux assignés au pro­
gramme. lis sont mesures par des indicateurs, assortis de valeurs cibles pour l’avenir.
Les objectifs opérationnels peuvent résulter d’une déclinaison directe ou indirecte des
objectifs stratégiques, ou compléter ces derniers. Les objectifs déclinés des objectifs stratégi­
ques, s’ils sont identiques pour tous les budgets opérationnels, permettront des comparaisons
qui facilitent l’émergence et la mutualisation des bonnes pratiques.
Les objectifs complémentaires aux objectifs strétégiques peuvent être également définis
au niveau opérationnel. Ces objectifs, cohérents avec ceux du PAP, concernent des activités
non couvertes par ceux-ci ou tiennent compte de la situation locale des services.
La déclinaison des objectifs stratégiques en objectifs opérationnels doit concilier trois
principes:
• les objectifs opérationnels doivent être exprimés en des termes laissant l’autonomie
la plus large possible aux services opérationnels quant aux dispositifs et moyens à
mettre en ceuvre, de façon à ce qu’ils puissent choisir les modalités les plus appro­
priées et les plus économes;
• les objectifs opérationnels doivent être exprimés en des termes portant sur les réalités
maîtrisables par les entités auxquels ils sont assignés. Des objectifs intermédiaires
peuvent porter sur la mise en oeuvre des leviers d’action qui permettront d’atteindre
les objectifs de performance nationaux. Par exemple, le respect d’un calendrier de
travail interne constitue un objectif intermédiaire courant, qui concourt à l’atteinte
des objectifs de performance nationaux;
• pour éviter de mobiliser excessivement les services au détriment de l’activité opéra­
tionnelle, il convient de limiter le nombre d’objectifs et d’indicateurs assignés à une
même entité, de façon à ne pas conduire à une dispersion des efforts s’il s’agit
d’objectifs socio-économiques, de qualité de service ou d’efficience, ou à ne pas li­
miter son autonomie de moyens par de trop nombreux objectifs intermédiaires.
284
Brigitte Sablayrolles
Le dispositif de définition et de suivi des objectifs peut en particulier être utilisé à deux
moments importants: en amont leur définition permet de mobiliser les services autour des
priorités du programme et donnent un sens à l’action quotidienne des agents, en cours et en
fin de gestion la comparaison entre les résultats obtenus et les résultats prévus incite à ajuster
l’action des services concernés.
L’amélioration des performances de l’administration et de l’efficacité de la dépense
passe donc par une démarche progressive et apprenante. L’ensemble de cette démarche est
un outil destiné à susciter et faciliter les réflexions stratégiques sur les politiques publiques,
le choix de priorités, leur traduction en objectifs concrets, la réflexion sur les leviers d’action
les plus adaptés, leur mutualisation, l’amélioration du pilotage infra annuel des politiques et
des services. Mais l’outil n’est pas une fin en soi et ne peut produire ses effets que s’il existe
la volonté des responsables de s’en servir.
La mise en oeuvre des principes de cette démarche a rencontré les mêmes succès et
s’est heurtée aux mêmes difficultés que dans les autres pays de l’OCDE qui ont introduit des
données relatives à la performance dans l’exercice budgétaire. L’enrichissement des docu­
ments budgétaires et la mobilisation de l’administration autour de la LOLF témoignent des
succès.
Bien qu’ayant été posée comme base de la démarche de performance, la réflexion stra­
tégique s’est bornée dans certains cas à rappeler les objectifs de politique publique très géné­
raux sur lesquels l’action des responsables de programme est limitée, ou s’est bornée dans
d’autres cas à simplement décrire les actions poursuivies.
Sur un plan technique, les premiers indicateurs proposés portaient davantage sur
l’activité des services que sur les résultats obtenus. Certains étaient vagues ou peu pertinents,
mais surtout de nombreux objectifs n’étaient pas imputables à l’action des services. Comme
dans les autres pays, dans un premier temps, les objectifs sont trop nombreux et non hiérar­
chisés et la qualité des indicateurs est parfois faible.
Dans sa décision du 29 décembre 2005, le Conseil constitutionnel considère «qu’il
n’est pas établi que les indicateurs de performance associés à la loi de finances pour 2006
soient entachés d’un défaut de sincérité; (...) si quelques retards ou déficiences ont pu être
constatés et devront être corrigés à l’avenir, ils ne sont, ni par leur nombre, ni par leur am­
pleur, de nature à remettre en cause l’ensemble de la procédure législative».
Des efforts considérables ont de fait été conduits ces deux dernières années pour amé­
liorer la qualité des objectifs et des indicateurs, pour les rendre plus précis et compréhensi­
bles et en réduire le nombre pour les rendre lisibles et pour qu’ils traduisent des priorités. Un
travail d’ampleur a été engagé pour progresser en termes de documentation des indicateurs et
pour améliorer la qualité des données afin de les rendre plus facilement interprétables. C’est
sur ce volet qualitatif que l’effort doit désormais poner
• la part des objectifs d’efficience est encore trop modeste, en particulier par rapport à
celle des objectifs socio-économiques;
• les indicateurs de moyens ou d’activité qui subsistent (en petit nombre toutefois) ont
vocation à disparaître dès lors qu’ils ne renseignent pas sur l’efficacité de la dépense;
La budgétisation par la performance en France: bilan et perspectives
285
• la pertinence de certains indicateurs mérite d’être revue lorsque ceux-ci ne sont pas
de nature à permettre de porter un jugement sur le résultat obtenu. Tel est le cas lors­
que l’indicateur ne permet pas de mesurer l’atteinte de l’objectif auquel il se rappor­
te, lorsqu’il ne reflète pas les leviers d’action réels ou lorsque son interprétation est
rendue impossible compte tenu de valeurs moyennes sans réelle signification. Ce tra­
vail est exigeant et complexe, mais indispensable pour crédibiliser la pertinence des
indicateurs.
Au delà une réflexion doit s’engager sur le nombre d’objectifs et d’indicateurs, ces der­
niers étant parfois complétés par des sous-indicateurs. Le nombre élevé d’indicateurs ou leur
complexité de calcul ne permet pas d’avoir une vision synthétique et un jugement clair sur
les priorités stratégiques et l’évaluation des actions financées. Les pays qui se sont engagés
plus tôt que la France sur-le terrain de la performance ont, au fil du temps, singulièrement ré­
duit le nombre d’objectifs et d’indicateurs en se focalisant sur les points essentiels de l’action
des différents gestionnaires. Les documents budgétaires (PAP et RAP) ne doivent pas perdre
leur objectif principal qui est de présenter au Parlement la stratégie des ministères; la décli­
naison de cette stratégie au niveau des gestionnaires peut donner lieu à des indicateurs plus
fins, mais qui relèvent des outils internes de pilotage.
La démarche de performance est un chantier de longue haleine si l’on souhaite qu’elle
ne soit pas seulement un slogan mais un levier d’explication des stratégies et des objectifs
poursuivis par les responsables de programmes et une démarche structurante pour le pilotage
et l’organisation des services et des opérateurs. Elle implique une profonde évolution des es­
prits, des pratiques et des modes d’organisation.
Au niveau politique, comme au niveau administratif, il convient de poursuivre
l’ambition initiale du législateur qui a voté la LOLF pour gouverner davantage avec la per­
formance: au niveau des pratiques gouvernementales, cela consiste sans doute à accorder au­
tant d’importance aux plans d’action qu’à la mise en oeuvre d’outils et de procédures per­
mettant d’en apprécier les résultats.
Par ailleurs, au delà du rôle des commissions des finances des assemblées parlementai­
res qui se sont largement investies, le Parlement est appelé à jouer un rôle majeur dans le
contrôle de l’exécution, lors de l’examen de la loi de règlement et de ses annexes analysant
les résultats obtenus que sont les RAP.
Enfin, la démarche de performance c’est aussi un accès facile pour tous les citoyens et
tous les contribuables aux documents budgétaires et à l’actualité de la gestion publique à tra­
vers le site: http://www.performance-publique.gouv.fr
Notas
1.
Loi organique n.º 692-2001 modifiée du 1.er août 2001.
2.
Articles 51 et 54 de la LOLF.
3.
Principe dit de «fongibilité asymétrique», énoncé à l’article 7.11 de la LOLF.
286
Brigitte Sablayrolles
4. Article 14 - Les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la
contribution publique, de la consentir librement, d’en suivre l’emploi, et d’en déterminer la quotité, l’assiette,
le recouvrement et la durée. Article 15 - La société a le droit de demander compte à tout agent public de son
administration.
5. Politiques en matière de défense, de diplomatie, de justice ou de fiscalité par exemple.
6. Infrastructures de transport public.
7. Politiques en matière d’enseignement supérieur et de recherche.
8. Politiques en matière d’environnement par exemple.
9. C’est l’Etat-Providence avec la politique en matière de solidarité et d’intégration.
10. Le budget opérationnel de programme (BOP) est une déclinaison du programme ministériel sur un périmètre
d’activité ou sur un territoire. Il réunit donc tous les éléments du programme, soit:
— une programmation des activités;
— une enveloppe globale de moyens (crédits et effectifs) confiée à un responsable identifié;
— la déclinaison opérationnelle des objectifs et des indicateurs du programme;
— un schéma d’organisation financière.
11. Circulaire du 16 juin 2004 (Journal officiel de la République française du 13 juillet 2004, page 12 644).
12. Article 22 du décret n.º 2004-374 du 29 avril 2004 (Journal officiel de la République française du 30 avril
2004, page 7 755).
13. L’article 57 de la LOLF permet aux commissions des finances des assemblées d’auditionner tout fonctionnaire
qu’elles souhaitent entendre, même en dehors de la procédure budgétaire et en complément des auditions des
ministres.
14. Placée sous l’autorité du ministre chargé du budget, la direction du budget joue un rôle essentiel de conception
et d’exécution dans le pilotage des finances publiques. Sept missions traduisent la vocation profonde de la di­
rection du budget qui est de proposer une stratégie soutenable des finances publiques et agir dans ce cadre
pour des politiques publiques performantes: 1. Proposer une stratégie globale des finances publiques inscrite
dans le long terme. 2. Élaborer une programmation documentée pour mettre en ouvre cette stratégie. 3. Veiller
à ce que la budgétisation annuelle soit cohérente avec la programmation et réponde à une logique de perfor­
mance. 4. S’assurer que la gestion respecte les objectifs fixés en termes de soutenabilité financière et de per­
formance. 5. Participer à l’élaboration du budget communautaire et à son cadrage pluriannuel. 6. Définir et fai­
re vivre les principes et outils budgétaires et garantir leur bonne application 7. Assurer la tutelle stratégique et
financière des organismes publics.
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