NOVEMBRE 2012 NO 54 JESUIT REFUGEE SERVICE L’esprit tenace du peuple syrien AFGHANISTAN p.4 COLOMBIE p.6 SOUDAN DU SUD p.9 SYRIE p.11 ASIE PACIFIQUE p.17 Jesuit Refugee Service PHOTO DE COUVERTURE Dans ce numéro : L’équipe de terrain du JRS à Alep, Syrie. (Avo Kaprealian et Sedki Al Imam/JRS) Éditorial NOVEMBRE 2012 Foi et protection Servir est disponible gratuitement en français, en anglais, en espagnol et en italien. Il est publié deux fois par an par le Service Jésuite des Réfugiés (JRS). ÉDITEUR Peter Balleis SJ RÉDACTRICE Danielle Vella DESIGNER Malcolm Bonello NUMÉRO 54 3 Afghanistan Incertain mais plein d’espoir 4 Colombie Entre la vie et la mort 6 Soudan du Sud De bons enseignants pour une bonne communauté 9 Syrie Les réseaux de volontaires apportent l’espoir 11 Votre soutien aux personnes de Syrie (Appel)14 Le point sur les SGBV Prévenir, protéger, poursuivre 15 C’est douloureux, mais ce n’est pas la fin Le Service Jésuite des Réfugiés est une organisation catholique internationale mise en place en 1980 par Pedro Arrupe SJ. Sa mission est d’accompagner, de servir et de défendre la cause des réfugiés et des personnes déplacées. Jesuit Refugee Service Borgo S. Spirito 4, 00193 Rome, Italie 16 Asie Pacifique La coopération régionale : un rêve impossible ? 17 Réflexion « Tout ce qui n’est pas donné est perdu » Exposition Photo (au dos) 19 20 TÉL: +39 06 69 868 465 FAX: +39 06 69 868 461 servir@jrs.net www.jrs.net Sigles Les sigles suivants sont utilisés dans ce numéro 2 HCR Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés RDC République Démocratique du Congo SGBV Violences sexospécifiques éditorial Bamyan, Afghanistan. Foi et protection « Je ne peux pas croire que ce soit la volonté de Dieu. » Face à la violence qui détruit son pays, Lola, une syrienne de 26 ans, exprime ses plus profonds doutes spirituels. En Syrie, les gens de toutes confessions utilisent fréquemment l’expression Inch’allah, « Si Dieu le veut », comme une expression de la certitude que tout est volonté de Dieu. Mais la guerre, les meurtres et la destruction ne peuvent être la volonté de Dieu. Lola a raison : il s’agit de la volonté d’êtres humains optant pour la violence afin de maintenir ou d’atteindre le pouvoir. Certains extrémistes n’hésitent pas à utiliser le nom de Dieu pour justifier leur violence, c’est Sa volonté... mais pas le Dieu de Lola. Des situations extrêmes comme la guerre, les déplacements forcés et le désespoir nous confrontent au sens absolu de la vie. Pour de nombreux réfugiés, leur dernier espoir est leur Dieu. Pour les humanitaires, les membres de la communauté locale ou les gens comme Lola, qui travaille avec le JRS à Damas, la foi dans le Dieu d’amour est la raison la plus importante de rester, d’espérer et de travailler pour ceux qui souffrent. Lola est l’un des nombreux travailleurs et bénévoles syriens du JRS, actifs dans les communautés chrétiennes et musulmanes, qui veulent aider leur peuple, les protéger en offrant des abris, de la nourriture et une éducation à leurs enfants. Pour ce faire, ils risquent leur propre protection. Invitant les partenaires à un dialogue sur la foi et la protection, António Guterres, Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés, reconnaît « l’importante contribution des communautés religieuses locales envers la protection des personnes déplacées de force et apatrides. Au niveau local, communautés et chefs religieux se retrouvent souvent en première ligne des conflits et des situations d’urgence. » La foi peut motiver les gens à renoncer à leur propre sécurité afin de protéger les réfugiés. En réfléchissant à son travail en Afghanistan, Jestin, de l’Inde, dit que les jésuites sont appelés à se déplacer hors de leurs zones de sécurité, de donner sans compter. Combien d’humanitaires de tous crédos risquent, et perdent parfois, la vie par amour ? Dans ce numéro de Servir, nous rendons hommage à feu Pierre Ceyrac SJ, l’un des tout premiers travailleurs du JRS et une icône brillante de notre mission. Un homme qui a consacré sa vie aux autres, le Père Pierre citait toujours un proverbe de St Jean de la Croix : « À la fin de notre vie nous serons jugés par l’amour. » Peter Balleis SJ | Directeur International du JRS 3 accompagner Afghanistan Incertain mais plein d’espoir Jestin Anthony SJ Jestin est un jésuite en formation venant de la province de Gujarat en Inde. En 2001, le monde entier assistait impuissant à la destruction par les talibans de deux statues de Bouddha taillées dans la falaise qui surplombe le Bamyan il y a près de 1.500 ans. Aujourd’hui, les montagnes silencieuses portent encore les blessures de cette petite province isolée au centre de l’Afghanistan. Ce fut plus que des monuments culturels précieux qui ont été détruits. Les statues de Bouddha mâle et femelle se tenaient là pour tous les hommes et les femmes de Bamyan, négligés, marginalisés et, encore aujourd’hui, en peine. La jolie vallée verte de Bamyan est principalement habitée par le peuple Hazara. En tant que musulmans chiites, contrairement Le flanc désacralisé de la falaise surplombant Bamyan. (Peter Balleis SJ/JRS) 4 à l’écrasante majorité sunnite en Afghanistan, les Hazaras ont terriblement souffert sous le régime taliban. Beaucoup ont fui vers l’Iran voisin, où ils ont passé des années en tant que réfugiés. La souffrance des gens de Bamyan leur a fait prendre conscience que l’éducation est la seule façon de combattre l’injustice. Leur désir d’apprendre est si intense que cela me motive vraiment à donner le meilleur, toujours. Les besoins de Bamyan sont nombreux et variés. Mais sachant que l’éducation est un aspect important pour le développement, le JRS a investi dans ce domaine. J’ai été invité à gérer le programme d’étude de l’anglais dans quatre écoles, au centre de formation Afghanistan accompagner Les filles sont impatientes à l’idée d’aller à l’école mais le cauchemar d’un possible retour des talibans reste une menace. (Peter Balleis SJ/JRS) des enseignants et à l’université. Jerome Sequeira SJ, directeur du JRS à Bamyan, a dû se rendre en Inde pour le Troisième An (la dernière phase de la formation jésuite), et j’étais un peu inquiet d’être seul pendant trois mois. Mais cela s’est avéré être une bénédiction. Le plus grand défi à surmonter était la barrière culturelle mais ces mois où j’étais seul m’ont permis de mieux connaître les gens et leur culture. Mon interaction avec les élèves m’aide à voir la réalité de leur point de vue. La jeunesse de Bamyan veut vraiment étudier et progresser dans leur vie, comme le montre leur vif intérêt en classe. Ils sont fatigués de la guerre, mais lorsqu’on leur demande comment il voit l’avenir de l’Afghanistan, leurs yeux trahissent leur préoccupation. À l’époque des talibans, les filles n’étaient pas autorisées à aller à l’école, et elles n’ont jamais eu l’occasion d’apprendre. Un de nos étudiants, Zia Gul, explique leur crainte silencieuse : « Si les talibans reviennent, il sera plus difficile pour nous les filles de quitter la maison librement et d’aller à l’école ou à l’université. Il y aura toujours la peur de la mort. » Les adultes partagent l’opinion des filles. Un employé du JRS déclare : « Les talibans ne nous [Hazaras] permettront jamais de vivre en paix. Ils nous trouveront et nous tueront. Nous n’aurons aucun autre choix que de fuir vers un autre pays, comme nous l’avons déjà fait. » Un autre, Dawlat Bhaktiyari, explique qu’il va quitter le pays volontairement. « Je serais très heureux d’aller quelque part où je peux étudier et trouver un bon emploi. » Beaucoup de jeunes ressentent la même chose, il n’y pas de place pour eux en Afghanistan, pas de liberté d’expression. Jusqu’à maintenant, Bamyan est relativement sûre bien que les routes qui y mènent et ses environs restent instables et dangereux. Beaucoup considèrent Bamyan comme un symbole d’espoir pour le reste du pays. Il y a un long chemin à parcourir, mais Bamyan peut-elle réellement changer ? Ma réponse est oui, le changement est possible. Mais les gens de Bamyan ont besoin de notre soutien, maintenant plus que jamais. Si nous nous retirons à ce moment critique, nous ne pourrons blâmer personne d’autre que nous. Quant à moi, j’ai découvert plus de confiance et de force intérieure que jamais auparavant. Cela n’aurait pas été possible sans la foi en Dieu, qui m’a confié cette mission, et ma formation jésuite. Chaque soir, dans ma prière silencieuse, je me mets au défi avec trois des questions des exercices spirituels de St Ignace de Loyola, fondateur de l’ordre des jésuites, la Compagnie de Jésus : Qu’ai-je fait pour le Christ ? Qu’est-ce que je fais pour le Christ ? Que vaisje faire pour le Christ ? Je suis reconnaissant à la Compagnie pour sa confiance en moi et le défi qu’elle me lance. En tant que jésuites, nous sommes appelés à sortir de notre sécurité, de donner sans compter. Cette terre d’incertitudes m’a appris beaucoup de choses, et je remercie tous ceux qui ont été avec moi dans cette mission de la Compagnie. Car c’est grâce à votre aide et à votre soutien que j’ai reçu cette formation qui sera toujours près de mon cœur. 5 accompagner Colombie Entre la vie et la mort Pour Luis Fernando Gómez Gutiérrez, responsable de l’advocacy du JRS Amérique Latine, accompagner les afro-colombiens dans l’un des endroits les plus violents de Colombie est un privilège gagné seulement en partageant leur douleur. Premier jour... 29 juin 2008 : Un merveilleux dimanche après-midi. Les enfants couraient dans toutes les directions possibles sur les terrains de football du district de San Francisco à Buenaventura, Valle del Cauca. Hommes et femmes s’affairaient à préparer des activités pour célébrer la vie de la communauté, avec de la musique, des chants et des rires. C’était une occasion : la conclusion d’un processus intensif d’échange d’idées afin d’identifier des moyens de vivre dans un tel environnement. Buenaventura a toujours été un endroit difficile, avec un climat rude, des températures élevées et une humidité étouffante. Au cours de l’histoire, ses dirigeants ont eu tendance à oublier cette région, à l’exception de son port, plaque tournante cruciale. Depuis l’époque coloniale, le port de Buenaventura a été la porte du monde en Colombie et son entrée vers la mondialisation ; une passerelle construite sur la violence structurelle et l’exclusion, ce genre de développement qui ne tient pas compte de l’élément humain. Buenaventura est aujourd’hui un terrain de féroce bataille entre guérillas, paramilitaires et forces gouvernementales, entre hommes forts et trafiquants de drogue, tous en conflit entre eux, mais plus souvent manipulés par des acteurs extérieurs. Pourtant dans les annales de l’histoire non officielle de 6 Des enfants jouant aux alentours de Lleras, Buenaventura. (Randolf Laverde) la Colombie, Buenaventura a également été un lieu de renouvellement pour les communautés noires, un espace gagné à la sueur d’hommes et de femmes qui ont navigué les longs cours d’eau et creusé une surface habitable en harmonie avec la jungle, arrachant la terre des mangroves pour construire leurs colonies. Cet après-midi là, alors que nous célébrions la vie des communautés noires, les frères et sœurs ont fait appel à leur histoire commune pour regarder vers l’avenir, s’accordant sur un plan d’action qui servirait de feuille de route au peuple renaissant. J’ai passé tout l’aprèsmidi avec ma caméra, capturant la joie des femmes en hauts roses, fières d’être des leaders dans la procession, et le talent des garçons et des filles qui dansaient en costume traditionnel, témoignant Colombie de la force irrépressible de la concertation. J’ai filmé les visages, sourires, mouvements rythmiques, applaudissements et discours. À l’époque, je n’aurais jamais imaginé que j’étais témoin des derniers mots publics de Doña Martha Cecilia « Chila », une femme noire déplacée qui avait conduit cela et bien d’autres initiatives dans le district de San Francisco. Lorsque la lumière du soleil qui nous a accompagnés ce jourlà a disparu, j’ai reçu un appel bouleversé du directeur de l’organisation qui avait permis l’ensemble de la procession. Chila avait été tuée quelques minutes après la fin de l’évènement. Son cadavre était étendu sur le terrain de football. Les gens étaient paralysés par la peur ; personne n’osait aller vers elle. Je n’étais pas loin et tout ce que j’ai osé faire fut de passer quelques appels aux autorités et à des habitants du lieu qui pourraient venir en aide en toute sécurité. Au moment où les tueurs semblaient s’être rendus devant la force pacifique de la communauté, la mort était de retour à San Francisco et dans d’autres districts de Buenaventura. Deuxième jour... En fin d’après-midi, dans la chapelle des Franciscains, à quelques mètres de l’endroit où Chila avait été tuée par des armes anonymes, famille et amis, connus et inconnus, se rassemblèrent pour les adieux et partager leur douleur et leur indignation. Parmi les inconnus, nous étions trois paisas, comme on appelle quiconque n’est pas noir ici, vaguement reconnus comme « les jésuites » et amis dans un projet commun. La veille, nous avions préparé une courte présentation audiovisuelle avec les photos et vidéos que nous avions prises ce dimanche après-midi, alors que nous pensions qu’elles pourraient servir pour un autre genre de célébration. Nous avons discuté avec les membres de différentes organisations, quels mots nous devrions employer, et s’il serait judicieux d’évoquer les droits de l’homme. Les afro-colombiens ne restent pas silencieux en présence de la mort. Musique, tambours, danse et alcool accompagnent la mort, parce que la vie et la mort ne sont pas séparées mais font partie de la même essence. Avec la mélodie de la musique, au rythme pénétrant du tambour, la cadence des poèmes récités pour Chila, et ce mélange étrange de la vie et la mort, mon cœur fondit en larmes. Qu’est-ce que je fais ici, pourquoi la vie m’a confronté à cette réalité, qu’estce que je peux offrir à ces gens, quelles leçons en tirer ? Ce que Dieu m’a dit dans ma désolation ? Alors que les larmes roulaient sur nos joues, Don Mario, leader et poète du quartier La Gloria de Buenaventura, est venu vers nous pour nous serrer la main et nous a dit : « Les blancs ne pleurent pas pour les noirs », suggérant avec ces mots que nous étions devenus frères de la communauté. Ici est née notre amitié. accompagner Des enfants pendant une activité culturelle dans les alentours de Lleras, Buenaventura. La majorité des résidents de Buenaventura sont afro-colombiens. (David Lima Díaz SJ) Troisième jour... Des mois plus tard, grâce aux graines de vie nées de cette célébration de la mort et à Don Mario, nous nous sommes retrouvés assis sous un arbre en plein Matía Mulumba pour discuter des différentes possibilités pour matérialiser cette amitié. 7 accompagner Colombie Aux alentours de La Playita, Buenaventura, un endroit où vivent essentiellement des Colombiens déplacés. La plupart des maisons sont construites sur pilotis sur la baie. (Christian Fuchs/JRS) Depuis, beaucoup de choses ont changé dans notre relation : le processus du quartier de La Gloria, comme on l’appelle, la lutte du quartier de La Gloria, ce que les habitants continuent à vivre. La Gloria est un quartier rural en périphérie de la ville de Buenaventura, un endroit violent avec une forte concentration de personnes déplacées. Depuis 2009, le JRS Colombie accompagne la communauté de La Gloria dans sa lutte pour le respect des droits collectifs des communautés noires et pour prévenir le recrutement d’enfants et les déplacements forcés. Le plan d’action auquel Chila participait demeure un point de référence pour la communauté. Le danger est toujours là et comme un géant qui se lève chaque jour, menaçant d’écraser les petites initiatives locales. La réalité n’a pas beaucoup changé. Mais maintenant il y a « La Glorita », une petite ferme qui a démarré comme un symbole de la collaboration entre la communauté et certaines organisations, dont le JRS, et qui est aujourd’hui dirigée par la seule communauté. Cet après-midi où nous étions effondrés à cause du décès de 8 Chila, nous avons trouvé un nouvel espoir dans le courage qui a découlé de cette injustice. La mort n’est pas éternelle, la vie l’est. Après trois jours, le Christ nous a montré la métaphore de la mort, la métamorphose à travers la mort et la victoire sur la mort. Le message de la résurrection est présent tous les jours dans les familles qui doivent quitter leur foyer pour vivre comme des déplacées, marginalisées. L’histoire de l’humanité est marquée par l’histoire de ceux contraints de tout recommencer ailleurs, dans une culture étrangère. Il s’agit Les funérailles de Chila. (Luis Fernando Gómez) de la fragilité de notre histoire, représentée par des gens qui voient comment la lumière de la vie s’estompe, le soleil se cache et la nuit tombe. Mais après la nuit vient le jour et, avant qu’il arrive, un beau miracle coloré a lieu. Avec chaque nouvelle journée le soleil apporte son message de vie. La mort peut donner la vie à ceux qui souffrent, avec cette force qui vient de l’amour fraternel sincère, s’ils l’acceptent dans leur cœur. Dans la mort est la vie, pour ceux qui veulent croire et voir de cette façon. Point info Dans le département de Valle del Cauca se trouve Buenaventura, principale ville portuaire de la Colombie et aussi l’une des plus meurtrières. Buenaventura a reçu un nombre impressionnant de déplacés colombiens ces dernières années, fuyant la violence des groupes armés. La ville est devenue un lieu stratégique important pour les guérilleros et les paramilitaires cherchant à prendre possession de ses routes précieuses pour transporter drogues, armes, or et autres ressources le long de la multitude de rivières qui entourent la ville et les livrer dans le port du Pacifique. La peur et la violence qui étouffent Buenaventura sont palpables en se promenant dans les quartiers des déplacés... Des tracts annonçant la présence de groupes armés illégaux apparaissent régulièrement.... Shaina Aber, anciennement chargé de l’avocacy pour le JRS États-Unis, On assignment in Buenaventura, 21 mai 2012. Soudan du Sud servir Angela Hellmuth/JRS De bons enseignants pour une bonne communauté Il faut de bons enseignants pour faire une bonne communauté. Un enseignant qualifié et engagé à promouvoir une éducation de qualité est irremplaçable. Le JRS a appris cette leçon en plus de 15 ans de promotion de l’éducation au Soudan du Sud. Il y a adapté sa contribution – d’abord en temps de guerre et puis dans un pays naissant. Pendant des années, le JRS s’est concentré sur le soutien à l’infrastructure éducative : construire et rénover salles de classe, dortoirs pour les filles, laboratoires et bibliothèques ; fournir des aides à l’enseignement et à l’apprentissage ; renforcer les capacités des organismes de gestion ; fournir tables, craies et tableaux noirs ; assurer les frais de scolarité des filles et des garçons en situation vulnérable. Une formation pour enseignants était également assurée mais le JRS n’avait pas l’autorisation pour être présent en classe afin de superviser les enseignants et les étudiants. Les communautés bénéficiaires de Nimule, Lobone, Kajo-Keji et Yei ont apprécié la contribution du JRS, mais l’évaluation de 2010 a révélé un plus grand besoin. La fourniture de matériel n’est pas suffisante. L’alphabétisation, les mathématiques et les sciences restent très pauvres en primaire et secondaire. Un des problèmes identifiés est le manque de coordination entre les enseignants. Le JRS a décidé de mettre en place des équipes de développement de l’école (SDT- School Developement Team) pour amener une transformation positive au sein de l’école par l’école. Chaque SDT se compose de trois enseignants expérimentés, formés et supervisés par le JRS, qui à leur tour encadrent, forment et Dr Biryaho Francis, coordinateur de l’éducation du JRS Soudan du Sud Point info Le Soudan du Sud lutte pour mettre en place son système éducatif alors que la scolarisation monte en flèche et que la plupart des enseignants n’ont fréquenté que l’école primaire. La nation naissante a le pire taux d’alphabétisation dans le monde. Un rapport récent de l’Overseas Development Institute (ODI) indique que moins de 2 % de la population a achevé un enseignement primaire, tandis que l’UNICEF affirme que 70 % des enfants âgés entre 6 et 17 ans n’ont jamais mis les pieds à l’école. 9 servir Soudan du Sud encouragent leurs collègues. Après la formation des membres des SDT, le JRS a organisé des réunions mensuelles caractérisées par une approche personnelle et spécifique. Les réunions se sont révélées utiles pour les enseignants, qui rapportent avoir acquis des connaissances et de la confiance. En tout, 36 écoles primaires et 16 écoles secondaires ont bénéficié du programme. L’initiative a porté ses fruits. Le JRS a développé des outils d’évaluation des progrès utilisés par les fonctionnaires de l’éducation et les membres des SDT. Ils ont constaté que l’enseignement en équipe a été introduit dans les écoles ; la supervision par le JRS et le gouvernement s’est améliorée ; enfin l’élaboration des modules d’enseignement marque de nets progrès. Le certificat d’enseignement secondaire a démontré des résultats probants en 2011, alors que sept des 10 meilleures écoles étaient prise en charge par le JRS. Une autre étape positive – recommandée par les experts et initiée par le JRS – a consisté à soutenir l’utilisation des langues maternelles locales comme langues d’enseignement en primaire ; les résultats en alphabétisation et en calcul se sont améliorés dans ces écoles. Que va-t-il se passer maintenant que le JRS se retire ? En août 2012, lors d’un atelier de formation, enseignants et représentants du gouvernement ont annoncé leur appui aux SDT. Cependant d’autres mesures doivent être prises pour motiver les enseignants. Un enseignant de niveau trois gagne environ 200 livres soudanaises par mois (équivalent à 50 US$). « Nous ne pouvons pas envoyer nos enfants dans des écoles décentes alors que d’autres scolarisent leurs enfant en dehors du Soudan du Sud », a déclaré un enseignant. Et un autre : « Nous avons l’obligation d’éduquer et de nourrir notre famille comme les autres ». L’enseignement est un dernier recours pour les demandeurs d’emploi en raison du salaire. Mais il y a bien d’autres défis. L’environnement familial n’est pas propice à l’apprentissage. Très peu de maisons ont l’électricité et la pauvreté est omniprésente. L’infrastructure pré-indépendance avait été détruite par des années de guerre civile. L’éducation n’est pas isolée des autres systèmes sociaux ; résoudre les problèmes d’éducation doit aller de pair avec la lutte pour la santé, la sécurité, l’agriculture et autres services. Pourtant, l’éducation est une clé du développement dans tous les sens. Sans investissements massifs dans nos écoles, le taux d’analphabétisme persistera au Soudan du Sud. Le JRS quitte le Soudan du Sud Investir dans du mortier et des briques est important mais pas suffisant pour avoir de bonnes écoles. (Angela Hellmuth/JRS) À la fin 2012, le JRS clôturera officiellement le dernier de ses projets axés sur l’éducation, l’accompagnement pastoral et la consolidation de la paix au Soudan du Sud. Cette décision est conforme à la mission du JRS de répondre aux besoins des déplacés de force dans les situations de grande nécessité. Maintenant que les rapatriés, venant en grande partie des camps de réfugiés en Ouganda, se sont installés et ont bénéficié des services du JRS, le moment est venu de remettre la gestion des projets entre les mains des communautés locales... en sachant que les fondations sont là pour la poursuite de la croissance, de l’apprentissage et de la réussite. Deogratias Rwezaura SJ, directeur régional du JRS Afrique de l’Est 10 Syrie servir Une famille de réfugiés syriens à Amman, Jordanie. Une équipe du JRS composée essentiellement de réfugiés irakiens visitent les réfugiés syriens à Amman. (Dominik Asbach) Les réseaux de volontaires apportent l’espoir Angelika Mendes, coordinatrice de la recherche de fonds du JRS International, et Zerene Haddad, responsable de la communication du JRS au Moyen-Orient À vingt-quatre ans, Selima était enceinte de sept mois lorsque l’intensité des combats l’a forcée à quitter Homs. Avec son mari, Rami, elle a cherché refuge à Damas. Ils y sont restés deux semaines, jusqu’à ce que les bombardements les contraignent à fuir pour Dera’a dans le sud de la Syrie. Accompagnés par l’Armée syrienne libre, ils décidèrent de traverser de nuit la frontière vers la Jordanie. « Ce fut un voyage long et difficile, rocheux et escarpé. Nous avons marché dans l’obscurité pendant trois heures, peur à tout instant d’être sous les feux », se souvient Selima. Ils furent soulagés quand l’armée jordanienne vint à leur rencontre à la frontière et les emmena dans un camp de transit. Selon les estimations, plus de 300.000 Syriens ont fui vers la Turquie, l’Irak, la Jordanie et le Liban depuis les soulèvements et la violente répression début 2011. Les chiffres exacts sont inconnus car beaucoup ont peur de s’inscrire et vivent en dehors des camps, dispersés parmi la population locale. Mais la plupart des Syriens qui ont fui leurs foyers sont déplacés internes – environ 1,5 millions. Beaucoup se déplacent plusieurs fois parce que les opérations militaires ciblent les refugiés. Il y a aussi les milliers de réfugiés irakiens qui avaient fui vers la Syrie et qui aujourd’hui sont pris dans cette violence. L’un d’entre eux, Fadia, explique : « Je crains que les choses ici deviennent pareilles qu’en Irak. Où sommesnous censés aller ? » Présents en Syrie depuis 2008, le JRS supporte les personnes déplacées grâce aux réseaux sur place. « Il y a très peu d’organisations d’aide internationale qui ont accès à la Syrie. C’est notre lien avec les jésuites locaux et les réseaux de soutien informels interreligieux qui nous permet d’atteindre les familles dans le besoin », indique le directeur du JRS International, Peter Balleis SJ. Le JRS prend en charge les réseaux de volontaires syriens de tous âges, religions et groupes ethniques qui veulent tendre la main à leurs 11 servir Syrie S’abritant dans une école à Alep. (Avo Kaprealian et Sedki Al Imam/JRS) compatriotes et s’assure que tout le monde reçoive une aide effective. Grâce à ces réseaux de bénévoles, le JRS coordonne des services de secours d’urgence à Alep, Damas et Homs. Les équipes du JRS visitent régulièrement les familles déplacées et les gens peuvent s’inscrire dans les centres du JRS pour recevoir nourriture, logement, produits d’hygiène, vêtements, articles ménagers et une assistance médicale de base. Une cuisine installée à Alep en août a nourri plus de 5.000 personnes deux fois par jour, matin et soir. Les volontaires ont distribué la nourriture dans des abris et des points de distribution partout dans la ville, mais il n’y en a jamais assez. Un support éducatif, des conseils et des activités sportives ou artistiques donnent aux enfants une chance de partager leurs expériences. « Aider les enfants est l’une de nos priorités. Bien qu’ils ne soient pas des victimes directes, ils souffrent beaucoup du déplacement, d’être les témoins de cette terrible situation, de la tragédie dans leurs familles et Témoignage « Nous étions une nation, mais maintenant nous sommes divisés. » Mahmoud s’est enfui de Homs avec Azra et leurs deux enfants, Layla et Mustafa, deux et cinq ans. En novembre 2011 les manifestants ont commencé à se rassembler pacifiquement en plein centre-ville chaque vendredi après la prière. « Le gouvernement a mis en place des barrages et personne ne pouvait partir. Je les ai vus tirer sur les manifestants », dit Mahmoud. La jeune famille vivait dans un quartier de la ville contrôlée par les forces gouvernementales. 12 « Lorsque les soldats ont commencé à distribuer des armes à tous les hommes du quartier en leur demandant de lutter contre les manifestants, nous avons su qu’il fallait partir. Je craignais que quelque chose n’arrive à Homs », dit Azra, alors que les rumeurs courraient d’enfants enlevés pour rançon. Ils ont pris le bus vers la Jordanie et vivent maintenant dans un petit appartement à Amman. « Les Jordaniens sont très amicaux », raconte Azra, « mais la vie est difficile. Nous avons utilisé toutes nos économies et il est difficile de trouver un emploi. » du changement brutal dans leur vie », dit Nawras Sammour SJ, directeur du JRS Moyen-Orient, lui-même syrien. À Homs, où l’année scolaire a été gravement perturbée, certains enfants n’ont pas été à l’école pendant plus d’un an. Depuis mi-avril, le JRS offre des cours de rattrapage chaque après-midi dans deux centres pour environ 800 enfants. « Nous espérons qu’en établissant une routine éducative nous pouvons restaurer un semblant de normalité dans leur vie », dit le Père Nawras. Bien que certaines écoles aient rouvert leurs portes à Damas et à Homs, d’autres restent fermées. À Alep, elles sont fermées à cause de l’intensité des combats. Environ 60.000 personnes déplacées ont cherché refuge dans les écoles et les mosquées, dans le campus universitaire et dans les bâtiments abandonnés de la ville. Malheureusement, Deir Vartan, le premier centre du JRS en Syrie, qui a ouvert ses portes aux réfugiés irakiens et syriens à l’époque plus pacifique en 2008, a été partiellement détruit par les Syrie servir Tellement tristes et douloureuses, les dernières nouvelles de Deir Vartan, cet abri, havre, inspiration, travail d’équipe, amour, rencontres, amitiés, service, leçons de vie, espoir... Les pierres peuvent être détruites, mais pas l’esprit. Corry Verhage Qui a aidé à mettre en place Deir Vartan Un volontaire du JRS, Philip Hamwi, entouré par des enfants à Alep. (Avo Kaprealian et Sedki Al Imam/JRS) combats en septembre. Malgré ce revers, le JRS gère des refuges dans cinq écoles de la ville et en supporte d’autres. En Jordanie, les irakiens vont à la rencontre des réfugiés syriens vivant en dehors des camps surpeuplés. « Quand je vois des familles syriennes je me souviens quand nous-mêmes sommes devenus réfugiés », raconte Laith Eskander. Le jeune homme coordonne les visites aux familles menées par l’équipe du JRS, composée principalement de volontaires irakiens. Ils montrent Angelika Mendes/JRS alors leur support, partagent des informations utiles et expliquent les services utiles. Les réfugiés syriens suivent également des cours d’anglais et d’informatique avec le JRS à Amman. Doaa, onze ans, y assiste chaque jour. Elle avait beaucoup d’amis en Syrie mais n’en a pas beaucoup en Jordanie. Au lieu de cela, elle lutte avec des images de guerre, de morts et le souffle des explosions. L’école ne peut remplacer des leçons régulières mais aide les enfants comme Doaa à récupérer. La règle d’or : nul n’est autorisé à parler de religion ou de politique – pour préserver la paix en exil. Utiliser la religion pour valoriser les différences et enflammer le conflit est une tentation dangereuse pour tous. Mais tant d’exemples de solidarité au-delà des religions et des cultures donnent lieu d’espérer. « Réunir les gens n’est pas facile dans un tel contexte », explique le Père Peter. « Mais nous voyons que cela marche dans nos équipes. Ils offrent une aide concrète à tous sans distinction, aident ceux qui souffrent à regarder l’avenir. » « Je veux être présent pour d’autres réfugiés » Des assistantes sociales du JRS, Nawal et Adnan d’Irak, en visite à domicile à Amman. Toutes deux se sont enfuies en 2007 en raison de la guerre en Irak. Mère de deux enfants, Nawal a travaillé 12 ans comme hôtesse de l’air avec la compagnie aérienne irakienne. À Amman, elle a travaillé avec plusieurs organisations non-gouvernementales et a démarré avec le JRS l’an dernier. « Les réfugiés m’appellent jusqu’à minuit, je suis comme leur mère », décrit Nawal. Ses deux téléphones sonnent continuellement. Les réfugiés récupèrent son numéro par d’autres dès qu’ils traversent la frontière jordanienne. Nous lui rappelons qu’elle a besoin de s’occuper d’elle aussi, de se reposer, surtout depuis qu’elle lutte contre un cancer de la peau et attend une opération – si elle peut trouver l’argent. Mais Nawal insiste : « je veux servir et aider les réfugiés, je veux être là pour eux. » 13 servir Syrie Votre support pour le peuple de Syrie Chers amis, Chaque colis alimentaire distribué par les bénévoles du JRS en Syrie maintient une famille pendant un mois – une famille qui a perdu sa maison et le reste en raison de la guerre. Les colis pèsent environ 35 kg et contiennent riz, boulgour, haricots, dates, thé, sucre, conserves alimentaires et, pour ceux qui en ont besoin, aliments pour bébés. Les réseaux bénévoles distribuent également des couvertures, des médicaments et d’autres denrées essentielles, et aident les réfugiés à trouver un endroit où dormir – un signe de solidarité dans ce pays divisé. Les centres du JRS accueillent les enfants pour apprendre et jouer. La bonne nouvelle est que vous pouvez nous aider à les aider. ¤ 30 | US$40 ¤ Permet à un enfant de venir à l’un de nos centres pendant un mois. Avec 25 ¤ / 30 US$ en plus, vous pouvez assurer aussi un repas quotidien. ¤ 100 | US$130 Assure un mois de distribution de colis alimentaire pour une famille de cinq personnes. ¤ Assure des vêtements d’hiver, veste et chaussures pour une personne. 80 | US$100 1.500 | US$1.930 Nourrira une famille de dix personnes pendant six mois. Rendez-vous sur jrs.net pour les derniers rapports et sur jrs.net/donate pour faire un don en ligne. Dans certains pays, vous pouvez bénéficier de déductions fiscales en faisant un don par le biais de nos organisations partenaires. Notre site Internet vous en dit plus. Je souhaite soutenir le travail du JRS Montant du don : Un chèque est joint Nom : Prénom : Adresse : Ville : Code Postale : Pays : Téléphone : Fax : Email : Je souhaite m’abonner au bulletin électronique du JRS 14 Merci Pour les virements bancaires Banque : Banca Popolare di Sondrio, Circonvallazione Cornelia 295, 00167 Roma, Italia Ag. 12 Intitulé du compte : JRS Numéro du compte pour les euros : IBAN: IT 86 Y 05696 03212 000003410X05 SWIFT/BIC: POSOIT22 Numéro du compte pour dollars américains : IBAN: IT 97 O 05696 03212 VARUS0003410 SWIFT/BIC: POSOIT22 Le point sur les SGBV LE POINT SUR LES VIOLENCES SEXOSPÉCIFIQUES Le JRS a rejoint la nouvelle Campagne internationale pour mettre fin aux viols et à la violence fondée sur le genre en situation de conflit. Nous apportons à cette urgente initiative des années d’expérience dans la protection et la prévention, et la voix des femmes déplacées, qui ont subi ou qui sont menacées par de telles atrocités. La campagne a été lancée le 6 mai 2012, une collaboration mondiale entre les lauréats du prix Nobel de la paix, des organisations internationales et des groupes de travail aux niveaux régional et communautaire. Il y a trois piliers : demander aux politiques des mesures fermes pour empêcher les viols en situation de conflit, protéger les civils et les survivants de viol et réclamer la justice pour tous, y compris une poursuite efficace des auteurs. défendre Prévenir, protéger, poursuivre Amaya Valcarcel, coordinatrice de l’advocacy du JRS International Une action plus vigoureuse contre les viols et les violences fondées sur le genre en situation de conflit est depuis longtemps attendue. Ces crimes détruisent des individus, des familles et des collectivités et la société même. Pourtant, les engagements nationaux et internationaux pour y mettre un terme sont insuffisants ou ignorés. Le viol est devenu une arme de guerre, laissant les survivants marqués non seulement par des traumatismes physiques, mais aussi par la honte et la stigmatisation qui les condamnent au silence ou au blâme. L’impunité pour les auteurs est souvent considérée comme acquise. Les violences sexospécifiques (SGBV) constituent une priorité pour l’advocacy du JRS parce qu’elles sont une menace qui plane en permanence sur les réfugiés durant le conflit, sur la route et en exil. La prévention et la protection à travers l’éducation et les soins psychosociaux sont partie intégrante des projets du JRS dans des lieux aussi divers que la République Démocratique du Congo (RDC), le Venezuela, l’Italie, l’Inde et l’Angola. L’inestimable contribution que le JRS peut apporter à la campagne est d’amener les perspectives des femmes directement touchées. Après tout, ce sont elles qui se soucient le plus de la sécurité de leurs familles et de leurs communautés et leur voix est des plus importantes. L’ampleur du fléau du viol de guerre nous invite à croire qu’il est tout simplement impossible à éradiquer. Mais la perspective d’une action conjointe motivée contribue à me faire croire que nous pouvons faire une réelle différence pour arrêter ces horreurs. Une classe du JRS pour les femmes déplacées à Masisi, RDC de l’est. Des études récentes révèlent que 48 femmes et filles sont agressées sexuellement toutes les heures en RDC. Dans l’est, une région marquée par le conflit, la situation est particulièrement grave. (JRS International) Lien internet Visitez le site de la campagne : stoprapeinconflict.org/ 15 défendre Le point sur les SGBV Des femmes au projet d’urgence urbaine du JRS à Nairobi. (Gerry Straub/JRS) Kenya : C’est douloureux mais ce n’est pas la fin Stella Ngumuta, responsable de l’avocacy du JRS Afrique de l’Est Mary* pleura amèrement quand elle raconta à l’assistante sociale du JRS les viols multiples dont elle avait été victime, perpétrés par le mari et les deux fils de son employeuse. « J’ai sacrifié ma fierté en prenant ce travail de femme de ménage, parce que c’était le seul moyen de subsistance que j’ai pu trouver à Nairobi. Comme j’avais fui la persécution et le meurtre de mon mari en Éthiopie en 2010, j’ai dû trouver un moyen de survie. J’étais désespérée. » Elle explique que quand la femme qui l’employait s’absentait, son mari et ses fils, séparément, se relayaient pour l’agresser sexuellement. Elle a subi ces abus pendant deux mois, craignant de perdre son seul revenu. Quand elle a finalement trouvé le courage de le dire à son employeuse, elle s’est fait mettre à la porte, accusée à tort d’avoir séduit les hommes. « Je me sentais tellement impuissante et sans valeur ! Je ne pouvais pas croire à ces accusations, en particulier d’une autre femme. » La seule demande de Mary au JRS a été de trouver une oreille attentive, pour apaiser la douleur et être rassurée sur le fait que sa dignité était restée intacte. Comme les autres femmes réfugiées vivant dans les zones 16 urbaines telles que Nairobi, Mary s’est retrouvée en risque d’abus sexuels et d’exploitation. Les difficultés à trouver un travail et à accéder aux services sociaux lui laissaient peu d’options. En tant que mère seule, Marie était particulièrement vulnérable, car elle était perçue comme étant sans mâles « protecteurs ». Les assistants sociaux ont réalisé que beaucoup de survivantes qui s’adressent à la police sont laissées sans protection juridique ni suivi. Souvent la police ne prend pas au sérieux les allégations de ces femmes et n’arrête pas les coupables. Il est alors difficile de lancer des poursuites en raison du manque de preuves, de protection des témoins ou d’assurance d’un procès équitable. En même temps, les victimes de violences sexuelles ne trouvent pas facile de divulguer leur épreuve, en raison de la stigmatisation et la honte face aux autres membres de la collectivité, qui est aggravée si elles tombent enceintes. Pour combler cette lacune, le JRS – en partenariat avec l’Église et d’autres organismes – éduque les réfugiées au sujet des SGBV et expliquent aux survivantes comment obtenir de l’aide. Par conséquent, plus de femmes viennent signaler. Les assistants sociaux du JRS aident les femmes réfugiées à accéder aux services de santé, au soutien psychologique, à l’aide juridique et à d’autres formes d’aide sociale, et aussi à trouver un autre logement loin des zones ou emplois à risques. Cette violence ne se limite pas aux femmes. Nos assistants sociaux ont rencontré des hommes et des garçons réfugiés qui ont été abusés sexuellement, en particulier dans leur pays d’origine, dont un nombre élevé en RDC. Pendant plus de trois ans, Patrick * a vécu avec ce qu’il qualifie de « honte indicible » après son épreuve de sodomie aux mains des forces rebelles dans la province du Nord-Kivu en RDC. Il reçoit le soutien de plusieurs organismes. Le JRS fait partie d’un groupe de travail sur les SGBV affectant les réfugiés à Nairobi. Les mécanismes pour assurer la confiance et la confidentialité sont cruciaux entre le bénéficiaire et le travailleur social, entre les différentes agences travaillant sur les mêmes cas. Nous nous engageons à respecter la dignité des survivants de SGBV et à inverser les effets discriminatoires dont ils ont souffert afin de restaurer et de renforcer leur estime de soi. * Les noms ont été changés Asie Pacifique défendre Coopération Régionale : un rêve impossible ? Oliver White et Dana MacLean, responsables de l’advocacy et de la communication du JRS Asie Pacifique Des millions de réfugiés et de demandeurs d’asile luttent dans leur recherche de sécurité en Asie Pacifique. Avec le plus faible taux de signataires de la Convention de 1951 dans le monde, cette région* offre une protection dérisoire aux personnes en déplacement. L’absence flagrante de lois nationales d’asile et de procédures normalisées pour la détermination du statut de réfugié pousse les demandeurs d’asile à la clandestinité. La région dénombre quelque 10,6 millions de déplacés. Différentes raisons les ont poussés au déplacement : survie économique, réunification familiale ou violations des droits de l’homme. Mais leurs déplacements sont marqués par les mêmes facteurs déterminants : la peur ; les voyages dangereux, souvent par bateau ; la contrebande et la vulnérabilité face à la traite ; le risque de détention illimitée. Contenir les facteurs d’attraction Ces dernières années, les États d’Asie ont cherché à fermer leurs frontières en endiguant les facteurs d’attraction, recourant à la détention et rendant difficile les demandes d’asile. Les demandeurs d’asile sont poussés à la clandestinité, où ils sont exposés à l’exploitation et à des conditions dangereuses, et l’accès aux soins de santé, au travail, à la nourriture, à un abri et à l’éducation leur est refusé. Mais les facteurs forçant les gens à quitter leur foyer sont toujours plus forts donc limiter les facteurs d’attraction n’aboutit qu’à davantage de violations des droits de l’homme et de désespoir. Mahmoud, un demandeur d’asile afghan détenu en Indonésie, est une victime de cette approche hostile. « Je préférerais être tué plutôt que d’attendre indéfiniment sans savoir ce qui se passe », dit-il. « Je ne veux pas passer ma vie dans cette prison. » Aucun endroit est sans danger. David, birman, a été arrêté trois fois par la police en Malaisie. « Je n’ai pas de carte du HCR et ils nous ont dit, à moi et à mes amis, qu’ils pouvaient faire ce qu’ils voulaient de nous. Ils m’ont dérobé 200 ringgit [monnaie nationale] et mon téléphone. » Promouvoir la coopération régionale Ces dernières années, la région a vu des déplacements de plus en plus nombreux. Le conflit Détenu pendant un an Pull quote À cinquante-six ans, Ali a passé un an en détention en Indonésie jusqu’à ce qu’il reçoive le statut de réfugié par le HCR. Il a quitté sa femme et ses 11 enfants en Afghanistan. Ali faisait partie des détenus qui suivaient assidûment les trois classes hebdomadaires d’anglais du JRS dans le centre de détention. (Paulus Enggal/JRS) 17 défendre Asie Pacifique armé en Afghanistan, au Myanmar et, jusqu’à mi-2009, au Sri Lanka, la persécution des minorités ethniques au Vietnam et l’oppression continue des Rohingyas ont continué à pousser les gens vers l’Australie. Les pays de transit comprennent la Thaïlande, l’Indonésie et la Malaisie. La nécessité d’une collaboration transfrontalière et régionale n’a jamais été aussi grande, et ces dernières années ont vu un intérêt croissant pour ce type de collaboration. L’Association des nations de l’Asie du Sud-Est (ANASE) s’est avérée inefficace pour encourager la protection des réfugiés. Dans le cadre du processus de Bali, un regroupement de plus de 50 États et organisations internationales travaillant sur les problèmes de contrebande et de traite, le HCR a encouragé un cadre de coopération régionale pour guider les États vers une collaboration sur les questions migratoires. Mais même s’il a été bien accueilli, le cadre est non contraignant. L’un des rares exemples de coopération bilatérale a été le modèle régional de coopération, signé en 2001 entre l’Australie et l’Indonésie, en collaboration avec l’Organisation internationale pour les migrations (OIM). L’objectif est de soutenir les demandeurs d’asile et les réfugiés pour les empêcher d’aller vers l’Australie. Mais ces accords n’aboutissent pas sans la participation d’autres pays d’accueil, de transit et de réinstallation. Étant l’un des pays les plus développés de la région, l’Australie offre la meilleure capacité de protéger les réfugiés, mais les intérêts de sécurité nationale et de politique intérieure ont miné sa capacité de montrer l’exemple. 18 Les décisions récentes de traiter les demandes d’asile en mer, à Nauru et Manus, défient les obligations du pays selon la Convention de 1951 et peuvent sérieusement compromettre les droits des réfugiés. Selon le Conseil des réfugiés d’Australie, près de 90 % des personnes arrivant par bateau sont des réfugiés. L’Australie exploite un vide juridique en excisant son territoire – en excluant des parties de sa zone de migration – afin de contourner ses responsabilités de traiter les demandes d’asile en mer. Mais il est peu probable que les nouvelles politiques empêchent les gens d’arriver parce que le problème réside dans l’absence de solutions durables pour les réfugiés ailleurs dans la région. Un réfugié afghan en Indonésie a déclaré : « Je sais que c’est un voyage dangereux et je ne veux pas mettre ma famille et moi-même en péril en mer, mais il n’y a pas le choix. Si vous nous donnez le droit de travailler ici, alors nous resterons ici. » La voie à suivre Coopération, cohérence et conformité aux standards universels de protection sont la voie à suivre pour assurer un partage plus équitable entre les États et protéger les réfugiés transitant par l’Asie Pacifique. La standardisation des procédures signifie que les réfugiés bénéficieront d’un traitement identique partout et d’une protection accrue dans les pays de transit comme la Thaïlande, la Malaisie et l’Indonésie, afin de réduire la nécessité de continuer les déplacements. Le Plan d’action global (CPA – Comprehensive Plan of Action), initié dans les années 1980 comme réponse à la mort en mer de Lien internet Les demandeurs d’asile savent mieux que quiconque ce qui manque en terme de protection. Basé sur leurs expériences, The Search (La recherche) est un guide pratique publié par le JRS Asie Pacifique donnant des informations précises aux demandeurs d’asile et aux réfugiés sur les réalités de l’espace de protection dans la région. Pour télécharger The Search, rendez-vous sur https:// jrsap.org/Assets/Publications/ File/The_Search.pdf milliers de Vietnamiens, a créé des solutions durables pour les réfugiés indochinois ; leurs demandes ont traitées dans les pays de transit et ils ont été réinstallés aux ÉtatsUnis, en Australie ou au Canada, ou bien rapatriés. Même s’il est loin d’être parfait, le CPA illustre bien que la coopération régionale est possible si la volonté politique est là. * Définition du HCR, voir unhcr.org/ pages/4a02d8ec6.html réflexion « Tout ce qui n’est pas donné est perdu » Mark Raper SJ, ancien directeur du JRS International Pierre Ceyrac SJ est décédé le 30 mai 2012 à Chennai, à l’âge de 98 ans. Pierre travailla avec le JRS dans les camps de réfugiés cambodgiens en Thaïlande depuis le début des années 1980, depuis le début du JRS. Quand Le Père Pierre mourut, un ancien membre du JRS a écrit, « une ère de compassion sans frontières s’achève ». Il y a quelques années sur le site du JRS, Pierre écrivait : Sans mérite de ma part, j’ai vécu une vie humaine et religieuse extraordinaire depuis plus de 60 ans le long des frontières des civilisations millénaires. J’ai été témoin de situations, que ce soit en Inde ou au Cambodge, où les forces du mal et les forces du bien se confrontent sans cesse. Ma façon d’être un jésuite s’est grandement simplifiée par tout ce que j’ai vécu dans ces deux pays... Tout cela pourrait se résumer au grand axiome de St Jean de la Croix : « Mon seul travail est d’aimer. » Cette phrase a deux aspects qui ne deviennent qu’un : tout d’abord, un amour grandissant pour Jésus-Christ – « Celui que mon cœur aime » – un amour qui se répandait de manière croissante. Mais aussi, ce Jésus-Christ est recherché, trouvé et aimé dans d’autres et surtout les pauvres et ceux qui souffrent. Alors on devient de plus en plus « un homme pour les autres ». À ces deux manières d’identifier ma façon d’être un jésuite, je voudrais en ajouter une troisième : être un homme d’Ignatian magis, en quête d’une plus grande gloire de Dieu dans les traces de Xavier – toujours plus, toujours plus loin, toujours sur de nouveaux rivages ! Né le 4 février 1914 en France, Pierre rejoignit la compagnie de À la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, Pierre Ceyrac SJ aux côtés d’un réfugié dans l’un des camps. (Kuangchi Programme Service) Jésus en 1931. À destination de l’Inde, il a étudié le sanscrit et partit pour Chennai en 1937, où il étudia la littérature tamoule en plus d’études pour la prêtrise. Il a été ordonné prêtre en 1945. En 1980, Pierre se rendit en Thaïlande avec une équipe de Caritas Inde pour aider les réfugiés cambodgiens franchissant la frontière en grand nombre alors que l’armée vietnamienne luttait contre les Khmers rouges. Pierre et plusieurs compagnons jésuites, notamment John Bingham et Noel Oliver, restèrent jusqu’à devenir les fondateurs d’un programme du JRS pour l’Asie Pacifique. Ils accompagnèrent les réfugiés cambodgiens jusqu’à leur retour au début des années 90. Pierre aimait à citer une ligne d’un poète tamoul, Thayumanavar : « Je ne veux rien d’autre de la vie, Dieu, que de voir les gens heureux. » Puis il citait St Jean de la Croix : « À la fin de notre vie nous serons jugés par l’amour. » Pierre était un merveilleux ami des pauvres - il avait un optimisme contagieux, un profond sentiment de l’amour de Dieu pour tous. Un jour, à la frontière entre la Thaïlande et le Cambodge, un fonctionnaire exaspéré de l’ONU appela Pierre un « missile non guidé ». Pierre s’inquiéta pendant une courte période, craignant que le fonctionnaire ne l’empêche d’aller dans les camps. Mais réalisant qu’il était encore libre, il fut enchanté de l’épithète parce qu’il était considéré comme une personne libre. Certes, il était libre, et sa liberté apporta la joie à beaucoup. 19 Jesuit Refugee Service Borgo S. Spirito 4, 00193 Rome, Italie TÉL: +39 06 69 868 465 FAX: +39 06 69 868 461 Servir est rédigé, produit et imprimé à Malte Expéditeur (veuillez renvoyer à l’expéditeur les envois aux adresses non valides) Jesuit Refugee Service Malta, St Aloysius Sports Complex, 50, Triq ix-Xorrox, Birkirkara, Malta www.jrs.net Design by Les projets du JRS en Asie ont été présentés dans une exposition photo par Don Doll SJ qui s’est tenue du 7 au 16 octobre au Centre du monde asiatique de la Creighton University à Omaha, Nebraska, aux États-Unis. Le Père Don, photographe jésuite bien connu, a parcouru le monde pour photographier les œuvres jésuites, en particulier en Ouganda, au Soudan du Sud, au Burundi, au Rwanda, en République Démocratique du Congo, au Tchad, en Asie du Sud-Est et au Moyen-Orient. Depuis 1969, Doll vit et travaille à la Creighton University, où il est professeur de journalisme tenant la Chaire jésuite Charles et Mary Heider. L’œuvre du Père Don peut être vue sur son site web : http://magis.creighton.edu Exposition photo par D on D oll S J Son dernier livre, A Call to Vision: A Jesuit’s Perspective on the World (Un appel à la vision : Une perspective jésuite du monde) peut être commandé sur le site.