20 Est un poète Paraguyen. Universitaire (originellement professeur d‟histoire), il a commencé à publier des œuvres de fiction en anglais (Ordeal at the Superdome) et en espagnol. La collection Cantos Paraguayos. Poemas de Libertad (2009) constitue son premier texte publié dans un Paraguay en voie de démocratisation. Une traduction française est en préparation. Les différents écrits de Saint-Saëns appartiennent à la tradition de la chronique des « sans voix ». A l‟intérieur d‟un contexte culturel et social défavorisé, ses écrits participent d‟un discours politique qui colle à la réalité d‟un quotidien où la dureté de la vie et les injustices du système social rendent nécessaire à l‟écriture de se faire espoir d‟un monde où ce que nous prenons pour des nécessités intangibles de notre univers quotidien ne feraient plus figure de privilèges inaccessibles. CECILIA Pour Cecilia Cubas Gusinky (1973-2005) Cecilia, De Cubas Hija querida, Tus compañeras Y la vida Tanto amabas. Cécilia, De Cubas La fille chérie, Tes amies Et la vie Tant tu aimas Cecilia, Cécilia, 21 Hombres de maldad, Un día, La libertad Te quitaron. Des malfrats sans pitié, Quelle méchanceté, La liberté Te confisquèrent. Cecilia, A tus llantos Y gritos, Burlas Y risas De ladrón Y maricón Echaron. Cécilia, A tes sanglots Et à tes cris, Les moqueries Et grossièretés De salauds Et d‟enculés Ils jetèrent. Cecilia, Paraguaya pura, Como puta sucia Te tocaron. Tu cuerpo Bonito, Lo violaron Cécilia, Paraguayenne Immaculée, Comme une sale traînée Ils te souillèrent. Ton corps de reine, Ils le violèrent. Cecilia, Con asado indigno, Tu secuestro Festejaron. Con una bolsa, Asfixiada, Te mataron. Cécilia, D‟un barbecue indécent, Ton enlèvement Ils fêtèrent. La tête entortillée, Asphyxiée, Ils te tuèrent. Cecilia, De tu país la herida, Tu vida robada, Tu inocencia perdida, A tu pueblo Las has dado. Cécilia, De ta patrie La blessure, Le vol de ta vie, Une déchirure. Ton innocence, Ton insouciance, À jamais dérobées, A tous les tiens Tu les as données. Cecilia, Alma sin mancha, Con despedida cariñosa Y pañuelos blancos, Los Paraguayos, Tus hermanos, Te honraron. Cécilia, Les Paraguayens, Frères nobles et francs, De simples adieux Affectueux Te donnèrent. Les mouchoirs blancs 22 Tous ils agitèrent. Cecilia, De un presidente, Ser la hija Fue tu culpa. De otro presidente, La vergüenza Es tu gloria. Cécilia, D‟un Président, Être l‟engeance Te fut fatale. D‟un autre président, La déchéance, Ta gloire totale. Cecilia, Oveja sacrificada, Ojalá con tu muerte La democracia fortaleces. Cécilia, Brebis égorgée, Puisse ton supplice, Sublime sacrifice, La liberté Soutenir. Cécilia, Tu es aussi ma fille. Ton souvenir, Que radieux il brille. À jamais Je le garderai. Cecilia, Hija nuestra, En la memoria, Para siempre Vives. Cubas (Cecilia): Hija del Presidente Raúl Cubas. Secuestrada, fue asesinada en 2005. Fille du président Raúl Cubas, enlevée et assassinée en 2005. NIÑOS DE LA CALLE ¡Dame tu dinero! Donne-moi ton argent! Pero lo necesito, Je te le demande. Luis le dijo, Mais, j‟en ai besoin, Asustado. Luis lui répondit, Ya te he dicho, Terré dans son coin. En esta calle Je te l‟ai déjà dit, Soy el jefe. Dans cette ruelle, 23 El Grande C‟est moi qui commande. Es mi nombre, Le Grand Todo lo tuyo On m‟appelle. Es mío. Ce qui est à toi Est à moi. Había mendigado Luis mendiait Luis muy duro Très dur En el frío, Dans la froidure. Era tan injusto Il ne comprenait Robarle su dinero. Pas comment Bueno, mi guapo, Le Grand pouvait Dos mil guarda Lui voler son argent. Para tu comida. C‟est bon, mon minet, Soy tu amigo, Deux mille tu peux garder Chico bonito, Pour ton déjeuner. Lo sabes, Je suis ton ami, No te lo olvides. Mon beau petit, ¡Acércate acá! Tu le sais, Temía lo que quería. Ne l‟oublie jamais. Cada noche lo pedía. Viens par ici! ¡Abre la boca, Luis craignait Y no me muerdas! Ce qu‟il voulait. ¿Por qué lloras? Chaque nuit, il l‟exigeait. Ouvre, voilà, Et ne me mords pas! Pourquoi pleures-tu? De su vergüenza Toute honte bue, Luis lloraba. Luis pleurait. Quería morirse, Il aurait voulu mourir, Y al cielo irse. Et au ciel partir. 24 Por cierto ahora Tout ce qu‟il avait, Dado todo hubiera Il donnerait Para vivir en Don Bosco. Pour aller, oui, Allá estaba Pedro, À Don Bosco. Su mejor amigo. Là-bas était Pedro, Podría tener colchoneta, Son meilleur ami. Ir a la escuela, Peut-être un matelas aurait-il, Quizá encontrar familia À l‟école irait-il, Con ayuda de los Padres. Une famille trouverait-il Avec Saint François. ¡Despierta! Réveille-toi! ¡No te pares, Ne t‟arrête point, Idiota! Crétin! Le dolía la boca. J‟ai mal à la bouche, Cuando acabó, Luis geignit. Al lado le echó Quand il finit, El Grande. Le Grand, ¡Lárgate! Hors de sa couche, Le dijo. Le poussa. ¡Qué malo! Tire-toi de là! Pensaba el pequeño. La brute lui dit. Qu‟il est méchant! Pensait le petit, Titubant. Gritaba su estómago. Son estomac criait. Tanto frío Tremblotant, Hacía Luis n‟avait pas sommeil. Con este viento Dans ce vent glacial, De invierno. Si froid il faisait. Temblando todo, Tant et tant, 25 Sueño De la colle il sniffait No tenía. Pour oublier De zapatero Le monde brutal. Cola olía, Au réveil, Olvidando Promis, juré, Al mundo. A Don Bosco Se prometió: Il irait. Mañana, Une nouvelle vie, A Don Bosco À l‟abri, Sí, iré. Il commencerait. Nueva vida Demain matin, Empezaré, Oui, au matin… Mañana, Mañana… A las nueve, La nuit s‟acheva. El día siguiente, Mort gelé Le encontraron On le trouva, Muerto Dans un carton, En una cajita Recroquevillé. De cartón. Il était si mignon! ¡Qué pobre! Une mère s‟arrêtait, Lamentó una madre, En silence pleurait Mirándole L‟enfant qui dormait. En el suelo. Une sale rognure! Mierda era, Une petite ordure! Dijo un policía, D‟un policier fut l‟injure. Un ¡niño de la calle! Tant de baratin Pour des rues un gamin! 26 YCUÁ BOLAÑOS En un supermercado, Un hypermarché, A Primero Août, le Premier, De Agosto L‟année, De dos mil cuatro, Deux Mille Quatre. Un grito Un cri éclate. Se oyó. Au feu! ¡Fuego! Au feu! ¡Fuego! Ferme les portes! Cierra las puertas, Vite! Je te dis. Rápido, Mais le feu, Te digo. Les cris, Pero el fuego, Directeur. Señor Director. Quel feu? ¿Qué fuego? Qu‟est-ce que tu dis? ¿Has perdido Qui t‟a permis? El sentido? Ils doivent payer No han pagado, S‟ils veulent se tirer. No van a salir. Directeur, Señor, Ils vont mourir Se van a morir, S‟ils ne peuvent sortir. Si escapar Je vous en supplie, No pueden. Ouvrez les portes. Favor Et qu‟ils emportent Abrir las puertas. Ce qu‟ils ont pris? Robando mis cosas Tous des voleurs! Quieren, Graine de malheur! Estos ladrones. Les flammes! Pagar Quelle horreur! Deben. Déjà, aux portes. Sin concesiones. Que de larmes! 27 Señor, Ils se meurent! ¡Qué horror! Las llamas A las puertas Sí, corren, ¡Ya se mueren! Ycuá Bolaños, Ycuá Bolaños, Doscientos Deux cents De nuestros niños, De nos enfants, Quemados. Cramés, Doscientos Caramélisés. Y pico más, Deux cents Abuelitas, Au moins, Mamitas, Mères, Padres y tíos Grands-mères, Yernos y cuñados, Oncles et pères, Primos y sobrinos, Gendres et beaux-frères, Cocidos Cousins, Todos Voisins, En un asado Cuits Gigantesco Et recuits. De carne y huesos. Rôtissoire Géante, Fournaise béante, Crématoire De chair et d‟os. Ycuá Bolaños, Ycuá Bolaños, Barbaridad Barbarie Monstruosa, Monstrueuse, Paiva, Casaccia, Directeur, ordure, 28 Mancha sucia Flétrissure De la patria De la patrie Vergonzosa. Honteuse. Ycuá Bolaños, Ycuá Bolaños, Tumba fea, Tombeau laid, Guernica Guernica Del Paraguay. Du Paraguay. Justicia, Justice, mon frère, Humana, Sur terre, No hay. N‟y compte pas! © Alain Saint-Saëns. All rights reserved. Tous droits réservés. Pour tous les textes.