perspectives revue trimestrielle de l'éducation Rédacteur en chef : Zaghloul Morsy Rédacteur en chef adjoint : Leslie J. Limage U n e edition de Perspectives est également disponible dans les langues suivantes : Anglais prospects quarterly review of education (ISSN 0033-1538), Unesco Espagnol perspectivas revista trimestral de educación (ISSN 0304-3053)1 Unesco \AMÂLÊÈJÎ •• • (ISSN 0254-119-X), Unesco Russe nepcneKTMBbi (ISSN 0207-8953), Moscou Chinois ïfc W fê M (ISSN 0254-8682), Beijing Prix et conditions d'abonnement Abonnement : 100 francs français (un an) L e numéro : 30francsfrançais Pour ces différentes éditions, adressez vos demandes d'abonnement à Tagent de vente des publications de ¡'Unesco dans votre pays. Il vous indiquera les tarifs en monnaie locale. perspectives Vol. XVIII, n° i, 1988 (65) Jalons 3 POSITIONS /CONTROVERSES L'éducation des surdoués c o m m e problème : le cas de la Hongrie Zoltân Báthory et András Joô Formation à l'autoformation : une expérience en cours Gordana Zindovic Vukadinovic II 25 DOSSIER L'enseignement à distance I. Thèmes fondamentaux L'enseignement à distance : u n état de la question Anthony Kaye L a planification des projets d'enseignement à distance Armando Vïllarroel Problèmes pédagogiques de l'enseignement à distance Onkar Singh Dewal L e problème de la qualité et de la pertinence du matériel pédagogique dans l'enseignement à distance Anthony B . Zahlan Formation à distance et communication assistée par ordinateur France Henri L e régime économique de l'enseignement de masse à distance Greville Rumble 41 55 63 75 87 93 TENDANCES ET CAS L a décentralisation de l'éducation au Mexique Carlos Órnelas L e programme d'éducation rurale et d'agriculture ( R E A P ) du Belize Zellynne Jennings 109 119 Revue de publications Profils d'éducateurs : Wilhelm von Humboldt (1767-1835) Karl-Heinz Günther Comptes rendus : L'enseignement à distance Juma Esau Nyirenda, José Luis García Garrido, Nicole Mercier ISSN 0304-3045 131 141 Prière d'adresser toute correspondance au Rédacteur en chef, perspectives Unesco, 7 , place de Fontenoy, 75700 Paris, France. Les articles signés expriment l'opinion de leurs auteurs et n o n pas nécessairement celle de l'Unesco ou de la rédaction. Les appellations employées dans Perspectives et la présentation des données qui yfigurentn'impliquent de la part d u Secrétariat de l'Unesco aucune prise de position quant au statut juridique des pays, territoires, villes o u zones, ou de leurs autorités, ni quant au tracé de leurs frontières o u limites. © Unesco 1988 Les textes publiés peuvent être librement reproduits et traduits (sauf pour les illustrations et lorsque le droit de reproduction ou de traduction est réservé et signalé par la mention « © Auteur(s) » ) à condition qu'il soit fait mention de l'auteur et de la source. « T o u s les documents et les publications Unesco épuisés sont disponibles sur microfiche pour la s o m m e de 15 F F . Chaque fiche correspond à 96 pages. Veuillez adresser votre c o m m a n d e en m ê m e temps que le paiement au Service Ventes-Périodiques, U P P / V , 1, rue Miollis, 75015 Paris. » Publié par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture 7, place de Fontenoy, 75700 Paris Imprimerie des Presses Universitaires de France, V e n d ô m e . Jalons Enseignement à distance : une révolution tranquille Tandis que les systèmes formels d'éducation, à tous les niveaux et dans toutes les régions du monde, se débattent dans une crise dont Philip Coombs, dans deux ouvrages retentissants1, et l' Unesco* ont été de scrupuleux analystes, un système parallèle émerge, se ramifie et prend un poids qui défie — positivement — Véducation de type traditionnel. Pour ceux que les chiffres et les statistiques n'impressionnent pas, il en est tout de même qui ne peuvent laisser indifférent. O n peut, en effet, ne pas être impressionné d'apprendre (article d'Anthony Kaye) qu'en U R S S , « mille deux cents établissements d'enseignement à distance comptent en 1983 environ un million et demi d'étudiants au niveau supérieur » et qu'en Chine, la même année, « 40 % des effectifs de l'enseignement supérieur au niveau national [sont constitués par ceux qui] poursuivent leurs études à distance » ; on ne peut s'empêcher de penser que, si l'un et l'autre sont des pays parmi les plus peuplés du monde, l'un est un pays dit « développé », l'autre en développement et qu'ici et là le recours à l'enseignement à distance a été jugé utile, sinon indispensable. Plus encore, si l'on consent à oublier les chiffres et que l'on repère sur un planisphère tous les pays où est pratiquée une forme ou l'autre d'enseignement à distance, on s'apercevra qu'il s'agit d'un bon tiers des pays de la planète, du plus petit au plus grand. Allons plus loin. Ces pays recourent à l'enseignement à distance au niveau de la formation élémentaire (à l'intention des adultes, il est vrai), secondaire, postsecondaire et pour la formation des maîtres pour répondre tant aux exigences du système formel (par exemple, pour passer un examen de fin d'études secondaires ou un concours de l'enseignement supérieur) qu'à des choix individuels, de type strictement non formel ; bref, l'enseignement à distance est dispensé pour tous les âges, pour tous les besoins et pour tous les goûts. Poussons encore plus loin. Les balbutiements de l'enseignement à distance sont à peu près contemporains, en Europe, de l'institution postale sous forme d'enseignement par correspondance. Cela remonte donc déjà au milieu du XIXe siècle. Vint ensuite l'enseignement par la radio un siècle plus tard, dans les années 1940, puis par la télévision, par les audiocassettes et vidéocassettes, et maintenant par l'ordinateur et l'utilisation intégrée des autres moyens. Voilà au moins une approche qui a su constamment, et pour ainsi dire, au vol, saisir et employer judicieusement chaque nouvelle conquête technologique (à la différence de l'école) et qui a su combiner ce qui paraît encore impossible au système formel : travailler Perspectiva, vol. XVIII, n° i, 1988 Jalons tout en apprenant, se perfectionner, moduler son effort et son rythme selon une démarche quiri'exigeni le face-à-face, ni l'horaire imposé, ni la disqualification, bref, une option fondée sur Vautoresponsabilité. Et ce phénomène, avec son succès, pourrait fort bien changer, à terme, tout le paysage de Véducation et de la formation. C'est aujourd'hui une révolution tranquille ; il convient de se demander si, demain, ce ne sera pas, pratiquement, une des réponses majeures à tout ce qui fait la spécificité et le monopole du système formel. Une réponse payante, aux deux sens du mot. Anthony Kaye,enseignant à la prestigieuse Open University britannique, ne pouvait être mieux choisi pour nous aider à cerner les points clés et les questions à se poser dans tout projet de mise sur pied d'un enseignement à distance (dans le présent numéro), et à identifier quelques-unes des expériences les plus remarquables conduites dans ce domaine à travers le monde et qui seront analysées dans la prochaine livraison. Qu'il en soit ici vivement remercié. Comme on peut s'en douter, il existe une littérature considérable consacrée à l'enseignement à distance. La plupart de nos auteurs ont eu la courtoisie scientifique de rappeler que, là encore, l'Unesco a fait œuvre de pionnier en 1975 en commandant et publiant l'ouvrage intitulé Études ouvertes3, suivi par bien d'autres publications, rapports d'enquêtes et de réunions. Parallèlement, la question de l'enseignement à distance, sous divers aspects opérationnels adaptés à la fois aux systèmes éducatifs des États membres, à leur contexte économique et culturel, et naturellement à leurs besoins, afiguréen bonne place dans les programmes biennaux successifs de l'Organisation, y compris celui qui est actuellement en cours d'exécution (1988-1989). Ainsi, dans le cadre du sous-programme intitulé « Amélioration des contenus et des méthodes de l'éducation », sont prévus « un soutien technique et des services consultatifs [...] à des institutions nationales et à des organisations non gouvernementales pour des activités deformation visant à développer des systèmes et programmes d'enseignement à distance ». Dans un autre, intitulé « Développement et amélioration de l'enseignement supérieur pour le progrès de la société », plusieurs activités sont également prévues : « l'organisation d'un atelier pour la formation des personnels de l'enseignement supérieur à distance » / un « appui technique [...] à des réseaux d'institutions assurant un enseignement supérieur à distance, notamment pour en développer la méthodologie, mettre au point des matériels pédagogiques, en promouvoir l'échange et à aider à la formation du personnel enseignant » ; pour la région Asie et Pacifique, un « appui technique etfinancierpour le développement de la production à l'échelle régionale de matériel pédagogique destiné à l'enseignement à distance » ; pour la région Europe, V « organisation de réunions et [la] préparation d'études sur des thèmes recommandés par les conférences des Jalons ministres de l'éducation de cette région et par le Comité consultatif du Centre européen de VUnesco pour renseignement supérieur »y parmi ces thèmes figure précisément celui qui a pour titre les « Méthodes, techniques et supports de l'enseignement ¡apprentissage et utilisation des ordinateurs dans l'enseignement supérieur, notamment l'enseignement à distance » y pour la région des États arabes, V « organisation d'une consultation et [la] réalisation d'études » portant sur différents thèmes dont à nouveau l'enseignement supérieur à distance. Dans ce bref rappel, encore une fois, nous nous en sommes tenus au domaine de compétence qui fait la spécificité de Perspectives, l'éducation, à l'exclusion de ce que les autres secteurs de l'Unesco (sciences, sciences sociales, culture et communication) examinent, proposent et réalisent en matière d'enseignement à distance. Égalité de chances, institutionnalisation de l'innovation Si l'on devait définir ce qu'il y a de commun entre les articles consacrés à des expériences conduites dans des pays aussi différents que la Hongrie (Bâthory et Joó), le Mexique (Órnelas) et le Belize (Jennings), on pourrait dire qu'il se résume à la difficulté de mettre en œuvre des innovations positives, politiquement décidées, tout en ne déviant pas des principes fondamentaux de l'égalité des chances d'accès et de réussite. Pour le cas de la Hongrie, il s'agit de « savoir si l'amélioration souhaitable de l'éducation actuellement dispensée aux surdoués doit être confiée à quelques écoles de haut niveau [...] ou s'il convient, pour la réaliser, d'élever le niveau et l'efficacité du système scolaire tout entier y s'il faut, pour atteindre le résultat recherché, procéder à une concentration des moyens ou à leur répartition égalitaire y en d'autres termes, si l'on doit opter pour une solution élitiste ou pour une solution démocratique ». De plus en plus nombreux sont les pays, développés ou en développement, qui ont conçu et mis en œuvre une politique d'éducation des enfants et adolescents talentueux. Dans un monde de plus en plus compétitif, il est évident que cette catégorie de la jeunesse — ces h a p p y few — constitue un capital précieux, un investissement dans l'avenir qu'aucun pays ne saurait négliger y mais cela doit-il se faire au détriment de la majorité des jeunes, « normaux », et de l'autre catégorie, de plus en plus nombreuse des enfants que le système scolaire estime inférieurs à la moyenne hypothétiquefixée? A notre connaissance, c'est là un dilemme qu'aucun pays n'a encore êquitablement tranché. Prenons le cas du Mexique. La complexité des systèmes éducatifs, les Jalons pesanteurs de toutes sortes qui les caractérisent, ce qu'ils exigent pour fonctionner et produire plus efficacement, font que Vidée de décentralisation, quand elle est politiquement décidée, élaborée et mise en œuvre, devrait, en principe, guérir bien des maux et combler bien des insuffisances. La décision fut proclamée au Mexique, au plus haut niveau, en 1982. Six ans plus tard, Órnelas nous décrit les tribulations et distorsions de toutes sortes subies par ce principe qui, la bureaucratie et les privilèges aidant, n'a pas réussi à s'enraciner. Tournons-nous maintenant vers le Belize. Voilà un petit pays qui a récemment accédé à l'indépendance, avec les formidables problèmes de transition, de prise en main de son destin et de mise sur pied d'une politique nationale, notamment en matière d'éducation. Pays à vocation purement agricole, il était normal (et exemplaire) qu'il centre son système éducatif et de formation sur ce secteur, sans cependant négliger les autres. D'où le programme R E A P que nous décrit Jennings. Avec ses faiblesses et ses promesses, ce programme, somme toute, semble avoir réussi ; mais faut-il, comme au Mexique, qu'une orientation positive soit remise en cause dès qu'un changement de majorité appelle au pouvoir une autre équipe politique ? L'Europe d'hier et d'aujourd'hui Une note d'espoir pour terminer. Dans la série de nos « profils », nous donnons au lecteur à connaître une des plus grandes figures éducatives et culturelles du XIXe siècle : Wilhelm von Humboldt. Il est rare pour un éducateur d'avoir pour contemporains et amis des hommes aussi représentatifs, de leur pays et de l'Europe, que Goethe, Schiller, Fichte, Herder, Schleiermacher... C'était l'Europe de la Révolution française, des conquêtes napoléoniennes, de l'effondrement du SaintEmpire romain germanique, du Congrès de Vienne avec les conséquences considérables qu'ont eues et auront de tels événements, exacerbant les nationalismes, déclenchant de nouvelles révolutions et poussant l'Europe à une sorte d'autobalkanisation porteuse de menaces de guerres — et de guerres effectives —, d'intérêts particuliers et de tentations d'hégémonisme. Deux siècles plus tard, aujourd'hui, l'Europe renoue avec sa vocation, qui est d'être unie et complémentaire. Pour l'heure, il ne s'agit encore que de douze pays, ceux de la « Communauté européenne ». Cela représente quelque trois cent vingt millions de personnes où la jeunesse est prépondérante. Dans cet « espace sans frontières » circuleront institutionnellement et dès le 31 décembre 1992 entre autres les idées, c'est-à-dire les professeurs, les chercheurs, les jeunes. C'est dire que l'éducation et la forma- Jalons 7 ñon y seront déterminantes. Des programmes tels qu'Erasmus (échanges universitaires) et Cometí (échanges universités-entreprises) connaissent dès à présent un remarquable succès. Voilà une autre Europe en perspective, mais voilà aussi un itinéraire qui a pris deux siècles pour être parcouru. Combien de temps prendra-t-il aux autres régions de la planète qui, elles aussi, ont le plus urgent besoin d'unir leurs efforts, de sefixerun avenir commun et d'y tendre concrètement ? Sur cette urgence, les jeunes ont assurément leur mot à dire. • Z. M . Notes i. Philip H . C o o m b s , The world educational crisis, N e w York, Oxford University Press, 1968, et The morid crisis in education: the view from the eighties, N e w York, Oxford University Press, 1985. 2. Edgar Faure et al., Apprendre à être, Paris, Unesco-Fayard, 1972. 3. N . Mackenzie, R . Postgate et J. Scupham (dir. publ.), Études ouvertes. Systèmes d'instruction postsecondaires à distance, Pans, Unesco, 1977 (version originale anglaise, 1975). POSITIONS CONTROVERSES L'éducation des surdoués c o m m e problème : le cas de la Hongrie Zoltán Báthory et András Joó Il est vital pour la société hongroise que ceux de ses m e m b r e s qui sont particulièrement doués puissent faire fructifier pleinement leurs aptitudes et leurs facultés créatrices, pour leur satisfaction propre et pour le bénéfice de la c o m m u n a u t é tout entière. T o u s les spécialistes s'accordent à reconnaître que, compte tenu des espoirs croissants que la société place en ses m e m b r e s les plus talentueux, il est désormais urgent d'apporter une solution globale aux problèmes que pose leur éducation1. D'après u n e étude statistique entre 1980 et 1984, plus de trois cents articles ont été consacrés en Hongrie au développement des aptitudes, des talents, de la créativité, etc. (Felkai, 1983), ce qui témoigne de l'intérêt grandissant des spécialistes c o m m e d u grand public pour cette question. Tout le m o n d e semble aussi d'accord pour considérer que le talent est une manifestation globale de la personnalité, incluant des éléments autres qu'intellectuels. Il s'agit là d'un changement radical par rapport à la conception unidimensionnelle qui prévalait autrefois. Les spécialistes de l'éducation peuvent désormais, sur ces bases nouvelles, tenter d'arriver à u n e compréhension plus large de ce qu'est le « talent », considéré aujourd'hui c o m m e englobant, outre une aptitude intellectuelle générale exceptionnelle, des aptitudes spécifiques de tout ordre et la créativité. Cette interprétation large va aussi dans le sens des besoins de la société. Zoltán Báthory (Hongrie) est chercheur à l'Institut pédagogique national (Budapest), où elle dirige le Département de didactique. Principaux domaines de recherche : le processus de l'enseignement et de l'apprentissage ; la théorie du curriculum; l'évaluation pédagogique. András Joó (Hongrie), psychologue de formation, est chercheur à l'Institut pédagogique national (Budapest). Principaux domaines de recherche : psychologie de l'enseignement; méthodologie de la recherche en éducation. Perspectives, vol. XVIII, n» i, 1988 Zoltán Báthory et András Joó Les spécialistes diffèrent cependant sur le point de savoir si l'amélioration souhaitable de l'éducation actuellement dispensée aux surdoués doit être confiée à quelques écoles de haut niveau (dont le passé plus ou moins proche nous offre de nombreux exemples), ou s'il convient, pour la réaliser, d'élever le niveau et l'efficacité d u système scolaire tout entier ; s'il faut, pour atteindre le résultat recherché, procéder à une concentration des moyens ou à leur répartition égalitaire ; en d'autres termes, si l'on doit opter pour une solution élitiste ou pour une solution démocratique. L a tradition scolaire hongroise, surtout celle de l'enseignement secondaire préparatoire à l'université, et les difficultés que connaît actuellement notre économie semblent plaider en faveur d'une solution élitiste ; d'un autre côté, le développement de la société hongroise à ce jour et ses perspectives futures, en particulier la participation croissante de la population dans les domaines essentiels de la vie publique, appelle plutôt une réponse démocratique. C'est dans ce contexte social et économique contradictoire qu'il nous faut trouver une solution durable et constructive à nos problèmes pédagogiques. Avant d'aller plus loin, u n bref retour en arrière s'impose. L e s antécédents historiques C'est au début d u siècle que les critiques bourgeois radicaux et socialistes de la société hongroise ont proclamé la nécessité de dépister et d'encourager les talents que comptait le pays, et c'est dans le prolongement intellectuel de la réforme pédagogique de 1906 que fut fondée la Société hongroise de psychopédagogie, laquelle, tout au long de son existence (jusqu'en 1944), s'était donné pour tâche d'étudier les problèmes techniques que posent le dépistage et l'éducation des enfants particulièrement doués. A la m ê m e époque fut créé, sur le modèle de l'École normale supérieure française, le Collège Eötvös, qui acquit par la suite une grande réputation et où n o m b r e des m e m b r e s de l'actuelle élite culturelle hongroise ont reçu une formation que, dans l'ensemble, ils évoquent aujourd'hui encore avec nostalgie2. Certains autres lycées et collèges c o m m e ceux de Papa, Sárospatak, Tata, Turkeve, toutes villes où se perpétue u n e longue tradition d'érudition, ont eux aussi inspiré l'évolution de la pensée contemporaine en matière d'éducation des surdoués. Entre les deux guerres furent lancés, à l'initiative d'intellectuels progressistes et d'écrivains populaires, u n certain n o m b r e de mouvements ayant pour but la prospection des dons chez les enfants de paysans pauvres et la scolarisation de ces derniers. Malgré ces initiatives L'éducation des surdoués c o m m e problème : le cas de la Hongrie progressistes, la politique officielle de l'éducation n'en était pas moins essentiellement axée sur la satisfaction des intérêts de l'élite dirigeante et des classes moyennes, la consolidation des avantages conférés par la naissance grâce au maintien et à la création de lycées de haut niveau. Ainsi, Gyula Kornis, l'un des représentants marquants de la politique scolaire dans la Hongrie de l'entre-deux-guerres, écrivait : « Il est dans l'ordre naturel des choses que les meilleurs s'attachent en priorité à élever le niveau de la classe sociale dont ils sont issus. » Après 1945, combler le retard dont souffrent, en matière d'éducation, les classes ouvrière et paysanne s'impose c o m m e une tâche urgente. O n crée, à u n rythme quasiment « révolutionnaire » pour l'époque, l'école de huit classes (école générale), école égalitaire, qui fournit à tous les enfants la m ê m e culture de base. Cette réforme scolaire, d'inspiration résolument démocratique, aurait p u jeter les bases d'un système d'éducation de masse propre à mettre en valeur le potentiel des sujets doués, mais elle ne s'est pas attaquée avec une vigueur suffisante au problème des inégalités. Par ailleurs, ni la vogue du « volontarisme » qui a sévi dans les années 1950, ni la suppression presque totale des études de psychologie et de sociologie n'étaient de nature à favoriser le développement de l'enseignement général et son amélioration. L'extension et la généralisation de l'enseignement secondaire ne progressent que lentement et continuent à poser u n problème encore non résolu3 à ce jour. C e n'est pas l'un des moindres facteurs qui empêchent l'école de consacrer toute l'attention voulue aux plus talentueux de ses élèves, alors m ê m e que l'importance des effectifs de l'enseignement secondaire constitue à cet égard u n élément positif. L e s p r o b l è m e s actuels Les autorités de l'éducation se trouvent aujourd'hui dans une situation rendue délicate par la conjonction de deux facteurs : a) la plupart des problèmes concernant l'éducation des surdoués n'ont pas été posés dans u n cadre officiel, et l'on a l'impression que les pouvoirs publics n'ont c o m m e n c é à se préoccuper de cette question que sous la poussée de l'opinion : b) la virulence avec laquelle le groupe restreint que constituent les intéressés proclame son attachement à l'école élitiste. O n assiste depuis quelques années à la multiplication d'articles exaltant l'école élitiste, avec des phrases grandiloquentes d u genre : « Les écoles d'élite représentent notre seule chance de salut. » Pour tenter de répondre à ces revendications, les responsables de l'éducation ont hâtivement entrepris de systématiser Zoltán Báthory et Andres Joó et d'actualiser u n tant soit peu le comportement traditionnel de l'école à l'égard des sujets particulièrement doués, se montrant, hélas, incapables de réagir à l'offensive élitiste autrement que par u n « dépoussiérage » des vieilles méthodes. L e débat qui se poursuit maintenant depuis des années est instructif en ce sens qu'il nous met, au-delà de l'aspect purement scolaire de la question, en mesure d'analyser les notions philosophiques et les hypothèses plus générales dont procèdent les différents points de vue, de préciser les conceptions qui les sous-tendent et d'apprécier à leur juste mesure les différentes dimensions — rationnelles, idéologiques et affectives — d u problème. Pourquoi développer les talents ? L'avènement d'une nouvelle ère technologique et la prise de conscience d u rôle grandissant des technologies de pointe confèrent au développement des talents la dimension d'une entreprise d'ampleur nationale, en vertu d'un raisonnement qui, quelque peu simplifié, est le suivant : la compétitivité des économies nationales sur le marché international dépend de plus en plus de leur performance dans le domaine des technologies d'avant-garde, performance qui requiert une infrastructure intellectuelle dont la mise en place exige à son tour que l'on mette en œuvre les moyens propres à garantir la formation de spécialistes (chercheurs, concepteurs, chefs d'entreprise, etc.) de ces technologies de pointe. Ajoutons à cela qu'en raison de sa pauvreté en matières premières la Hongrie doit recourir, pour combler le déficit de sa balance commerciale, à des productions d'une haute technicité, requérant u n important apport de matière grise. N o u s avons u n sérieux atout dans ce domaine : l'intelligentsia hongroise a toujours été fortement motivée et soucieuse de sa c o m p é titivité sur le plan mondial, si bien que, d u moins pour ce qui est de la confiance en soi et de l'ambition, il semble que les conditions requises pour nous permettre de réaliser notre objectif soient réunies. C e raisonnement, ou plutôt la situation dont il procède, apporte de l'eau au moulin de ceux qui demandent que notre système d'enseignement, « ne fût-ce que pour répondre aux exigences de l'économie », fasse une place plus grande à la formation des élites selon u n processus correspondant à l'élitisation existant dans la production. Il y a lieu de signaler ici u n aspect qui, nous semble-t-il, est u n des éléments d u contexte affectif dans lequel se situe le débat. A u regard de l'impératif de « qualité », les établissements d'enseignement dont le recrutement est plus large, qui s'adressent à des tranches L'éducation des surdoués c o m m e problème : le cas de la Hongrie d'âge plus jeunes et dont les fonctions sont plus diversifiées, sont généralement exposés à la critique. D a n s une excellente étude datant de 1982 et consacrée à l'analyse des jugements portés sur la culture et l'éducation depuis le milieu d u siècle dernier, Péter Lukács souligne que, tout au long de la période ainsi couverte, les plus éminents professeurs d'université n'ont cessé, dans leur majorité, de se plaindre d'une détérioration de la qualité et d ' u n abaissement d u niveau dans ces domaines. Incontestablement, le système scolaire hongrois actuel donne plus que jamais prise aux critiques (souvent exprimées sous forme de clichés) de ceux qui voudraient que soit améliorée la « qualité » de l'instruction théorique et de la culture générale dans des établissements (écoles générales et écoles secondaires) où cette « qualité » n'est qu'un des objectifs de l'enseignement dispensé. Alors que, dans les années i960 et 1970, la politique hongroise de l'éducation s'attachait avant tout à interpréter les « exigences de la société » en termes politiques, sociaux et éthiques (en favorisant, par exemple, la mobilité sociale, la participation de la c o m m u n a u t é à l'effort national et la création de conditions propices à l'expression et à la réalisation d u potentiel des individus), elle doit aujourd'hui répondre aux exigences de la société concernant la croissance économique et l'accroissement de la productivité. A notre avis, l'apparition d'un fort courant élitiste réclamant une réforme radicale de la politique suivie à l'égard des surdoués est directement liée à ces nouvelles exigences. L'existence d'opinions divergentes, certaines prises de décision et l'émergence d'idées novatrices sont autant de facteurs qui ont contribué au lancement de plusieurs projets de recherche, dont certains sont encore en cours, et qui se répartissent en deux catégories, selon qu'ils portent essentiellement sur des problèmes pédagogiques et psychologiques généraux (dépistage des talents, développement des aptitudes spéciales et élaboration d'outils psychométriques) ou sur des problèmes précis d'organisation, de gestion et d'évaluation qui se posent dans le cadre du système scolaire hongrois. N o u s allons tenter de présenter une esquisse des résultats obtenus jusqu'à présent sur ces deux plans et d'en tirer quelques conclusions. Questions générales d'ordre psychologique et p é d a g o g i q u e U n des problèmes, souvent relégué de façon délibérée à Parrière-plan, que soulève l'éducation des surdoués est de savoir qui, en dernière analyse, doit être responsable de la sélection. U n e opinion courante, i6 Zoltán Báthory et András Joó m ê m e dans les milieux professionnels plus ou moins bien informés, veut que l'élaboration de testsfiablessoit Parfaire des psychologues, point de vue qui appelle certaines réserves. U n e sélection basée sur des tests soulève en effet deux problèmes fondamentaux... et insolubles : d'une part, il n'existe d'accord universel ni sur la nature des éléments que ces tests doivent mesurer (le quotient intellectuel, la créativité, la personnalité, les c o m p é tences particulières ou les attitudes), ni sur le coefficient de pondération à appliquer à chacun de ces facteurs si c'est leur ensemble qui est pris en considération ; d'autre part, à supposer m ê m e que l'on parvienne à se mettre d'accord sur une procédure de sélection par tests (sur la base d'un choix qui sera nécessairement arbitraire, quelle que soit la technicité des critères retenus) demeurerait la question de la validité de cette sélection dans le temps, rien ne permettant d'assurer qu'à quelques années de distance les m ê m e s tests, administrés aux m ê m e s sujets, donneraient les m ê m e s résultats. Autre objection importante, cette fois d'ordre sociopolitique : la rigidité d'un système d'éducation des surdoués fondé sur une sélection précoce. E n effet, les sujets qui, malgré leurs dons, n'ont pas été sélectionnés ont par la suite de moins en moins de chances de réussir dans les études pour lesquelles ils étaient aptes puisque ceux qui fréquentent les écoles d'élite, m ê m e s'ils ne sont pas particulièrement doués, bénéficieront toujours d'un atout supplémentaire le m o m e n t venu (nous pensons surtout à l'admission à l'université). C e phénomène, aux dimensions sociologiques multiples, se répète infailliblement à chaque étape de la scolarité et, dans la mesure où il existe des écoles réservées à l'élite, ses conséquences peuvent être éliminées, fût-ce par une manipulation des critères d'admission. S'agissant des tests, il faut non seulement s'interroger sur la fiabilité de leurs résultats, mais sur ce qui leur échappe à peu près totalement : ce quelque chose d'indispensable et de difficilement mesurable auquel, lors d'une interview, se référait Péminent physicien hongrois Imre Fényes en ces termes : « Aussi paradoxal que cela puisse paraître, à m o n avis, ce qui est fondamental pour u n chercheur, ce n'est ni l'aptitude à penser logiquement, ni 1' "intelligence", mais les qualités morales. » A m p l e u r des effectifs et résultats scolaires des surdoués Depuis le milieu des années i960, l'AIEE 4 procède à des enquêtes systématiques sur l'efficacité des systèmes scolaires des différents L'éducation des surdoués c o m m e problème : le cas de la Hongrie pays. Pour ce faire, elle établit une corrélation entre les résultats d'une population scolaire donnée (variable dépendante) et les caractéristiques du système d'enseignement (variables indépendantes). Ainsi, dans le cadre d'une évaluation de l'enseignement des sciences menées en 1970, on a comparé les résultats scolaires des élèves des classes terminales (candidats au baccalauréat) de dix-neuf pays. L'analyse pays par pays des données recueillies montre que ces résultats dépendent, dans une large mesure, de l'importance relative, dans l'échantillon national retenu, d u n o m b r e d'élèves ayant fréquenté des établissements secondaires préparant expressément à l'université ou à d'autres établissements d'enseignement supérieur. Plus les effectifs totaux d u secondaire sont élevés, plus les résultats moyens ont tendance à baisser. Si l'on ne prend en considération que les meilleurs élèves des écoles secondaires (par exemple, 1 % de l'effectif total, ou 5 %, ou encore 9 % c o m m e dans ce cas précis), on constate que le rapport est inversé : plus les effectifs des écoles secondaires sont nombreux, plus la moyenne des résultats a tendance à augmenter (Comber-Keeves, 1973, p . 173-177). D a n s le cas des treize pays développés ayant atteint u n niveau de développement comparable, les coefficients de corrélation entre l'ampleur des effectifs et les résultats obtenus étaient respectivement de + 0,66 pour la moyenne nationale et de 0,28 pour les élèves les plus brillants (le premier chiffre a une valeur statistique significative, mais pas le second). A supposer m ê m e que les résultats recueillis, relativement peu nombreux, ne fassent qu'indiquer u n e tendance, cette inversion des rapports a valeur d'argument probant pour ceux qui estiment que l'extension et la démocratisation de l'enseignement secondaire, et, de façon générale, l'amélioration de l'éducation de masse, constituent les seules bases solides sur lesquelles on puisse édifier l'éducation des surdoués. Les dirigeants sportifs ont depuis longtemps découvert que l'excellence des résultats est étroitement liée à l'ampleur des effectifs et si, parfois, dans le m o u v e m e n t sportif, l'élitisme a p u l'emporter, il n'en est pas moins vrai que seul u n sport de masse produit des résultats durables et u n état d'esprit sain. A la lumière de cette analyse et des considérations psychologiques exposées plus haut, la tendance actuelle en Hongrie est à rejeter, c o m m e mal fondée et extrême : la thèse selon laquelle la seule solution consisterait à faire revivre les anciens lycées réservés à une élite et à en créer de nouveaux 5 . Les arguments avancés à l'appui de cette thèse permettent d'en discerner aisément lafinalité: il s'agit, dès lors que l'éducation de masse a eu pour effet direct de faire déjà baisser la m o y e n n e des résultats, de « sauver » du moins les plus doués (ceux dont les talents sont supérieurs à la moyenne), car eux seuls Zoltán Báthory et András Joó sont capables de renverser la tendance générale actuelle au déclin intellectuel et moral. A cette conception d'une éducation « salvatrice » d'une minorité, les pays développés (dans le sens européen d u terme), et surtout ceux qui ont adopté le modèle de l'école polyvalente à la suédoise, préfèrent en général nettement, c o m m e présentant de nombreux avantages, l'éducation de masse. L a raison en est simple : les pays développés, ayant vaincu la pauvreté, n'ont plus besoin de prendre des dispositions particulières pour que leurs ressortissants les plus doués puissent s'épanouir ; u n système scolaire unique, ouvert et accessible à tous, suffit à tous les besoins, pour peu qu'il fonctionne raisonnablement bien. A notre sens, les défauts dont souffre actuellement l'éducation des surdoués en Hongrie et les conflits auxquels elle donne lieu tiennent avant tout au fait que, si au cours des quarante dernières années l'éducation hongroise, de la maternelle au secondaire, a évolué dans le sens d'une éducation de masse, notre système scolaire, développé par certains aspects, demeure arriéré à d'autres égards. Il en résulte de nombreux dysfonctionnements qui affectent toutes ses fonctions pédagogiques, de l'éducation des handicapés à celle des surdoués. Les problèmes les plus graves tiennent à la relative insuffisance des lycées classiques et des collèges techniques préparant aux études supérieures, ainsi qu'à leur structure interne fondée sur la sélection. Ainsi, sur cent élèves fréquentant l'école générale, vingt ou vingt et u n accèdent à l'école secondaire et sept ou huit poursuivent des études universitaires. D'autre part, il est de notoriété publique que l'existence de fait (bien que non officiellement reconnue) d'écoles de niveaux qualitatifs différents accentue encore l'inégalité des chances et perpétue la stratification de la société hongroise. Il faut probablement attribuer au mauvais fonctionnement manifeste d u système scolaire hongrois, lui-même d û au passage d u sous-développement au développement, le fait que la formule d u « sauvetage » des surdoués paraît plus prometteuse et plus acceptable que l'approche consistant à préconiser à leur intention u n enseignement différencié. Il nous faut donc nous attacher maintenant à identifier les caractéristiques d u système d'enseignement hongrois qui attestent son développement, et les processus qui vont dans le sens d'un progrès, d u moins à long terme. E n effet, si nous voulons, c o m m e c'est notre intention, que le principe d'une éducation différenciée pour les surdoués apparaisse c o m m e une solution de rechange réaliste, il nous faut prendre pour point de départ de notre analyse l'état actuel d u système éducatif dans son ensemble. Cette analyse, il va sans dire, ne pourra être que partielle. L'éducation des surdoués c o m m e problème : le cas de la Hongrie U n indicateur du développement Il n'est peut-être pas inutile de rappeler le résultat des recherches de l'AIEE mentionnées plus haut. Il s'agissait de montrer la relation entre le niveau de développement économique des divers pays étudiés et l'efficacité de leur système scolaire. L'indicateur du développement économique a été établi selon la méthode économique habituelle ; en revanche, l'efficacité des systèmes scolaires a été évaluée selon une méthode hardiment novatrice, sur la base des résultats de tests de lecture et de vérification des connaissances scientifiques auxquels ont été soumis des élèves de dix et de quatorze ans (respectivement inscrits, dans le cas de la Hongrie, les premiers en quatrième et cinquième année de l'école générale, les seconds en huitième année de l'école générale et en première année des lycées classiques, collèges techniques et écoles professionnelles). C e second indicateur a donc été calculé sur la base de données empiriques (Passow et al.31976, p. 1920, 172-174). Il est apparu qu'au-delà d'un certain seuil de développement économique il était impossible d'établir, et encore moins d'interpréter, une quelconque corrélation entre le niveau de développement économique et les résultats scolaires mesurés. A signaler qu'en revanche cette relation est très nette dans les pays en développement, où les résultats sont d'autant moins bons que le niveau de développement est moins élevé. E n ce qui concerne la Hongrie, on arrive à deux constatations très intéressantes : Bien que la Hongrie ait été classée dernière des treize pays concernés en termes de développement économique (chiffres de 1970), les élèves hongrois ont obtenu des résultats relativement élevés puisque ceux de dix ans ont été classés neuvièmes et ceux de quatorze ans premiers. L a progression des résultats entre dix et quatorze ans en Hongrie est u n phénomène presque unique. O n ne l'a constaté, et dans une moindre mesure, que dans deux autres pays. Il semble donc que l'enseignement hongrois soit plus efficace que ne pourrait le laisser penser la performance économique d u pays. Il semblerait aussi qu'il n'y ait pas lieu de redouter une modification sensible de cet état de choses dans u n avenir proche, m ê m e dans l'hypothèse où la productivité augmenterait sensiblement sans que progresse parallèlement le rendement de notre éducation. E n fait, on pourrait rétorquer à ceux qui font valoir les avantages économiques d'une éducation élitiste que c'est avant tout dans l'économie elle-même (dans son organisation, sa capacité d'innovation, etc.) que doivent être recherchés les moyens de la croissance économique. Zoltán Báthory et András Joó Dans la mesure où le diagnostic qui précède est juste, nous croyons devoir recommander aux établissements scolaires et aux maîtres concernés par l'éducation des surdoués d'avoir recours, en matière d'organisation, à des solutions et à des méthodes propres à renforcer la qualité de l'éducation à tous les niveaux d u système, ce qui, actuellement, n'est malheureusement pas toujours le cas, c o m m e en témoignent, par exemple, le système des « classes de niveau », qui touche 10 % des élèves des écoles générales (de dix à quatorze ans) et la prédilection des écoles secondaires (et surtout des lycées) pour les concours. Cette constatation ne doit cependant pas nous faire oublier que d'autres méthodes et d'autres procédures, moins connues et moins répandues, ont également cours qui vont incontestablement dans le sens d'un enseignement différencié en fonction des aptitudes et des intérêts des élèves. Les concours Depuis plus de deux décennies, des concours nationaux sont organisés en Hongrie pour les élèves de troisième et quatrième année des écoles secondaires. Leur enjeu est d'importance, car les dix premiers sont dispensés de l'examen d'entrée à l'université pour ce qui est des matières dans lesquelles ils se sont distingués, ce qui n'est pas u n mince avantage. Il n'est pas surprenant qu'au fil des années se soit instaurée une rivalité feutrée entre les écoles secondaires à l'occasion de ces événements annuels. N o u s avons analysé en détail les résultats de ces concours sur dix années (de 1974 à 1983). N o u s avons attribué aux professeurs des diverses disciplines u n n o m b r e de points inversement proportionnel aux rangs obtenus par leurs élèves au concours6 puis nous avons additionné les résultats au niveau de l'établissement, le n o m b r e de points obtenus par u n professeur et u n établissement étant d'autant plus élevé qu'ils avaient enregistré u n plus grand n o m b r e de réussites aux concours pendant les dix années étudiées. Sur les cinq cent trente-neuf écoles secondaires que comptait le pays (en 1983), deux cent vingt ont obtenu des points, mais vingt-cinq seulement plus de cent. D u point de vue des concours, ces dernières écoles peuvent donc être considérées c o m m e particulièrement performantes. N o u s avons par ailleurs établi que, parmi ces établissements « particulièrement performants » (vingt-deux lycées et trois établissements d'enseignement technique ou mixte), vingt-trois étaient situés dans la capitale ou dans les grandes villes et deux dans des petites villes, et que les six collèges préparant à l'entrée à l'université appartenaient tous à ce groupe. L'éducation des surdoués c o m m e problème : le cas de la Hongrie D e u x conclusions peuvent, dans l'immédiat, être tirées de ces données : Étant donné que certains lycées fournissent régulièrement de bons candidats aux concours, il est très probable qu'ils réunissent les meilleures conditions de réussite : origine sociale élevée des élevés, compétence des professeurs et ressources matérielles. Lorsque nous parlons d'écoles d'élite, c'est essentiellement à ces établissements que nous pensons. Certains professeurs particulièrement remarquables obtiennent régulièrement des résultats brillants, indépendamment d u niveau m o y e n de l'établissement et de l'origine sociale de l'ensemble des élèves. Cette constatation met en lumière l'importance décisive du facteur humain dans l'efficacité de l'enseignement ; d'autre part, elle nous permet d'entrevoir le sens dans lequel il conviendrait d'œuvrer pour démocratiser l'enseignement des surdoués et faire en sorte qu'il soit de qualité, alors m ê m e que le niveau général est m o y e n . Signalons encore les succès remportés par les élèves hongrois dans les concours internationaux, en particulier aux olympiades de mathématiques, succès dus, pour une grande part, au niveau élevé de nos concours nationaux. L'analyse des résultats des concours nationaux nous permet également d'affiner notre compréhension d u processus de sélection évoqué plus haut. N o u s avons v u que 20 à 21 % seulement des élèves des écoles générales accédaient à l'enseignement secondaire, et que 7 ou 8 % d'entre eux poursuivaient des études universitaires ; mais ces chiffres ne reflètent pas le fait que les chances d'accéder à l'échelon supérieur peuvent varier grandement à l'intérieur d'une m ê m e catégorie d'établissement. E n revanche, les résultats des concours nationaux, qui sont étroitement liés aux possibilités d'entrée à l'université, donnent une juste idée des inégalités entre les divers lycées. Pour mesurer ces différences, il est c o m m o d e de recourir à la courbe de Lorenz, bien connue des économistes (on trouvera une explication de ce graphique, par exemple, dans l'ouvrage de synthèse de Samuelson), qui, fondamentalement, permet de déterminer c o m m e n t le total des points attribuables en fonction des résultats obtenus (concours nationaux) se répartit entre les établissements ou groupes d'établissements classés selon leur rang (par exemple des 10 % les plus faibles aux 10 % les meilleurs). L'avantage de cette méthode est qu'elle permet de comparer les effets quantitatifs des différents facteurs qui sont sources d'inégalité. E n effet, en cas d'égalité absolue, les 10 % les plus faibles obtiendraient 10 % des points réalisables, les 20 % suivants 20 % des points, et ainsi de suite. Cette égalité absolue serait représentée sur le graphique par une 21 Zoltán Báthory et András Joó ligne droite à 45 o . Toutefois, dans la réalité, caractérisée par des inégalités, les 10 % les plus faibles obtiennent beaucoup moins de 10 % des points réalisables ; cette situation réelle sera représentée par une courbe située au-dessous de la droite à 4 5 o , et l'ampleur de l'inégalité qui la caractérise mesurée par l'espace compris entre cette courbe et la droite. N o u s avons pris pour base de notre analyse de l'inégalité des chances de réussite aux concours la s o m m e des résultats obtenus dans deux disciplines : histoire et langue hongroises, d'une part, physique et biologie, d'autre part. Il apparaît, à la lumière d'une comparaison entre ces deux disciplines, que l'inégalité est attribuable à plusieurs facteurs importants : dans le cas de l'histoire et de la langue hongroises, nous pouvons postuler u n e forte influence des facteurs familiaux, sources d'inégalités qui seront probablement attribuées simplement aux « différences sociales » ; en physique et en biologie, il semble que les établissements e u x - m ê m e s puissent sensiblement améliorer leurs chances (en se dotant des équipements voulus — appareils et laboratoires — et en les utilisant efficacement). Si nous acceptons cette hypothèse, nous trouverons aussi la réponse au point de savoir si les « investissements scolaires » (par exemple, l'achat des équipements indispensables à l'enseignement des sciences) tendent à accroître ou à réduire les inégalités entre écoles. Les résultats que nous avons obtenus montrent que les disparités entre les divers lycées sont bien moindres en physique et en biologie qu'en histoire et langue hongroises ou que dans ces deux disciplines considérées conjointement. (En pourcentage, on obtient les valeurs suivantes : histoire et langue hongroises, 69,1 % ; toutes disciplines réunies, 58,4 % ; physique et biologie, 47,2 %.) Ces résultats, que nous comptons affiner encore, nous permettent déjà d'affirmer qu'une forte influence des conditions proprement scolaires (exemple de la physique et de la biologie) n'augmente nullement, mais au contraire réduit les inégalités dues aux facteurs extrascolaires (familiaux). Pour en revenir au concours en tant que méthode d'enseignement, nous aimerions souligner que, si la compétition, que ce soit sur le plan intellectuel, sur le plan artistique ou sur le plan sportif, est vraisemblablement appelée à demeurer u n e composante importante de la vie scolaire, il faut bien voir aussi qu'elle peut favoriser l'égoïsme et u n individualisme forcené. Les concours ne favorisent pas toujours l'effort collectif. D e plus, beaucoup d'élèves très capables répugnent à faire montre de leurs capacités et réussissent médiocrement dans les concours. Pour toutes ces raisons, les concours ne sauraient, selon nous, constituer l'unique, voire la principale, méthode d'enseignement des surdoués. L a notion fondamentale à retenir en matière d'éducation doit, L'éducation des surdoués c o m m e problème : le cas de la Hongrie selon nous, être celle de différenciation, qui nous semble satisfaire à toutes les exigences pédagogiques ; elle suppose, d'une part, que l'on tienne pleinement compte des différences biologiques et sociales des élèves, et des inégalités qui existent entre les différentes catégories d'établissements et à l'intérieur de ces catégories ; elle implique d'autre part, que l'on s'efforce de mettre en place des organismes, des méthodes et des structures pédagogiques susceptibles, pour peu que l'on fasse preuve de logique et de souplesse, et moyennant l'adoption éventuelle d e priorités ou de mesures compensatoires, d'être constamment adaptées en fonction des inégalités naissantes. N o u s croyons possible, sur la base de ce principe de différenciation, d'instaurer une politique pédagogique extrêmement souple, capable de s'adapter aux divers problèmes et inégalités, et qui, tout en tenant compte des différences de façon réaliste, aille dans le sens de l'égalité. C e n'est pas par hasard, mais en s'appuyant sur ces réflexions, que l'Institut pédagogique national a choisi justement l'enseignement différencié pour fondement de sa politique d'éducation des surdoués7. L a principale difficulté à laquelle se heurte l'éducation des surdoués ( c o m m e d'ailleurs toute entreprise pédagogique) réside, à notre avis, dans l'ampleur des disparités sociales et pédagogiques, dans leur complexité, et dans l'insuffisance des ressources. N o u s ne croyons pas cependant, c o m m e nous avons essayé de le montrer, que ces insuffisances justifient une réponse élitiste, qui serait génératrice de disparités plus grandes encore. C'est pourquoi nous avons tenu à démontrer que les disparités dues à l'insuffisance des ressources sur le plan scolaire (résultats en physique et en biologie) sont nettement moindres que les disparités dues à des facteurs extrascolaires (langue et histoire de la Hongrie). L a solution nous paraît résider dans u n système scolaire et pédagogique différencié doté d'une très grande autonomie technique. • Notes i. Cette tâche a été confiée en 1983 à une équipe de l'Institut pédagogique national de B u d a pest. L a thèse relative à l'éducation des surdoués a été publiée dans le numéro de juin 1984 du bulletin Pályaválasztás (Le choix d'un métier). 2 . Joseph Eötvös, célèbre écrivain et réformateur de l'éducation d u XIX e siècle, fut le fondateur de l'école publique hongroise. 3. A lafinde leur scolarité dans les écoles générales à huit classes, les élèves ont le choix entre trois types d'établissements secondaires : lycées, lycées techniques et collèges professionnels. Les deux premiers conduisent en quatre ans au baccalauréat ; les collèges professionnels décernent au bout de trois ans un diplôme d'ouvrier qualifié. L a moitié environ de la population scolaire opte pour ces derniers, 20 % pour le lycée et 30 % pour le lycée technique. L e lycée est la principale voie d'accès à l'enseignement supérieur. Zoltán Báthory et András Joó 4. L'Association internationale pour l'évaluation éducative (AIEE) est une organisation internationale non gouvernementale qui mène des enquêtes comparatives dans le domaine pédagogique. L'Institut pédagogique national hongrois(IPN) participe depuis 1968 aux enquêtes entreprises par l'AIEE. C'est en 1970-1971 que s'est achevée l'enquête dite « des six matières » (lecture, sciences de la nature, anglais, français, littérature, instruction civique) à laquelle l'IPN a pris part pour les trois premières matières. 5. Les tenants de cette thèse se sont exprimés avec force, par exemple, dans le débat lancé par l'hebdomadaire Elet es irodalom (Vie et littérature), numéros de mars à septembre 1984. 6. 10 points au premier, 9 points au second, et ainsi de suite, 1 point étant attribué au dixième. 7. Voir note 1. Références C O M B E R , L . C . ; K E E V E S , J. P. 1973. Science education in nineteen countries. Stockholm, International Studies in Evaluation I. Almqvist and Wiksell. FELKAI, Laszlo. 1983. « L'éducation des surdoués. Choix de textes hongrois et étrangers >. Manuscrit. Institut pédagogique national. L D K  C S , Péter. 1982. « Normes, sélection et politique de l'éducation ». Dans : K O Z M A , T a m a s (dir. publ.). Recherches à l'appui de la planification, Institut pédagogique national, vol. 62. P A S S O W , A . H . ; N O A H , H . J. ; E C K S T E I N , M . A . ; M A L L E A , J. R . 1976. National case study : An empirical comparative study of twenty-one educational systems. International Studies in Evaluation VIII. Stockholm, Almqvist and Wicksell. S A M U E L S O N , P. A . 1969. L'économique. Paris, Armand Colin. Formation à Fautoformation : une expérience en cours Gordana Zindovic Vukadinovic D e s besoins n o u v e a u x L e fait que les systèmes éducatifs présentent des différences, découlant de spécificités d'ordre culturel, philosophique et technologique ne signifie pas que les problèmes auxquels se heurtent les établissements scolaires dans le m o n d e d'aujourd'hui soient fondamentalement différents. Exception faite de quelques programmes expérimentaux et initiatives originales lancées ici et là, l'école opère en règle générale sur la base d'un transfert de connaissances selon u n processus en vertu duquel les connaissances sont « données » par l'enseignant et « reçues » par l'élève, et qui s'est perpétué presque sans changements depuis les origines de l'enseignement scolaire. D a n s le cadre de ce système, caractérisé par le rôle dominant et l'intervention active de l'enseignant, par opposition à la passivité de l'élève, c'est essentiellement par l'intermédiaire de l'enseignant que l'élève acquiert u n certain n o m b r e de connaissances soigneusement sélectionnées, solidement structurées et « prétraitées ». S'il est fait appel à d'autres sources de connaissances, celles-ci auront été choisies par l'enseignant o u fourniront, dans le cas des manuels scolaires, des informations organisées selon les m ê m e s principes que ceux sur lesquels se fonde l'enseignement de type traditionnel. G o r d a n a Zindovié Vukadinovié (Yougoslavie). Pédagogue spécialisée dans l'application des techniques audiovisuelles à l'éducation; conseillère en technologie de l'éducation auprès de l'Institut pour le promotion de l'éducation dans la République socialiste de Serbie (Yougoslavie). M™" Zindovic Vukadinovic est la coordinatrice nationale du programme CODIESE, dans le cadre duquel elle dirige le projet sur l'autoformation. Elle est l'auteur de programmes expérimentaux tendant à transformer des bibliothèques scolaires de Serbie en médiathèques ainsi que de nombreux articles sur la technologie de l'éducation. Perspectives, vol. XVIII, n° 1,1988 Gordana Zindovic Vukadinovié Si l'on admet que ce type d'enseignement a pour avantage de transmettre u n savoir bien organisé, ce que nul ne conteste d'ailleurs, pourquoi les méthodes pédagogiques auxquelles il fait appel sontelles aujourd'hui si largement critiquées et remises en cause ? Force est de mentionner ici u n facteur que l'on ne cesse d'invoquer aujourd'hui à tout propos : le développement scientifique et technique, avec toutes les répercussions qu'il a sur la culture, au sens le plus large du terme, et sur la qualité de la vie des individus et des groupes sociaux. L ' u n des résultats de ce développement, en particulier des progrès technologiques dans le domaine des médias, est la rapidité avec laquelle l'information se propage dans le m o n d e entier. L e seul fait que ces techniques permettent d'organiser u n enseignement à distance à l'intention de groupes ou d'individus isolés ou de personnes qui, pour une raison ou une autre, ne sont pas en mesure de fréquenter des établissements d'enseignement en dit long sur la question. E n raison de l'absence de contact direct entre l'enseignant et l'élève que suppose ce type d'enseignement, celui-ci fait appel à des méthodes de transmission et de communication de l'information différentes de celles qui s'appliquent en classe dans le cadre d u m ê m e processus éducatif. L'expérience bien connue des « universités ouvertes » constitue une grande source d'inspiration pour qui souhaite modifier et améliorer les méthodes d'enseignement scolaire. L a rapidité avec laquelle se succèdent les nouvelles découvertes et se propage l'information les concernant, de m ê m e que la vitesse à laquelle ces découvertes trouvent des applications techniques qui influent directement sur la vie de tous les jours entraînent tout naturellement la nécessité d'une adaptation rapide et d'études continues. L'adaptation culturelle, par laquelle nous entendons non pas le rejet ou la perte de sa propre culture en tant qu'identité ethnique, mais l'assimilation de nouvelles cultures et l'enrichissement de la sienne propre, est l'une des conditions de la survie de l ' h o m m e contemporain. Notre culture contemporaine, qualifiée de culture « technologique », « industrielle » ou « de masse », a la propriété soit d'améliorer notre vie, soit de la mettre en péril, selon que nous s o m m e s plus ou moins capables d'en saisir, assimiler, adapter, utiliser et transformer les « produits ». L'adaptation culturelle suppose donc l'aptitude à préserver et à améliorer la qualité de la vie de chacun. L a notion d'éducation permanente découle de ces besoins et leur apporte une réponse. Elle se fonde sur le fait bien connu que le rôle social de l'individu évolue tout au long de sa vie. Cette évolution est conditionnée par son développement psychologique et physique ainsi que par des facteurs sociaux, culturels et économiques qui, Formation à l'autoformation : une expérience en cours en se modifiant e u x - m ê m e s , influent sur sa vie de différentes manières et à différentes périodes. Tout cela exige qu'il acquière de nouvelles compétences, connaissances, attitudes et qu'il réapprenne, voire m ê m e qu'il désapprenne, ce qu'il aura précédemment acquis1. L'individu doit être préparé à acquérir de nouvelles compétences, connaissances et attitudes bien avant qu'il n'atteigne le stade de sa vie où il lui faudra exercer pleinement sa capacité d'apprentissage permanent. Il est donc logique que cette préparation c o m m e n c e dès les tout premiers temps de sa scolarité. Si l'on tient compte d u fait que l'enseignement scolaire tel qu'il est pratiqué dans le système traditionnel2 fait appel à des méthodes pédagogiques qui développent u n type de cognition convergente plutôt que divergente3, on comprend mieux les critiques dont il est l'objet et les problèmes auxquels il se heurte aujourd'hui. D e toute évidence, l'enseignement est censé produire simultanément deux types de résultats également importants, en dotant l'individu, d'une part, de connaissances bien organisées, homogènes et systématisées, d'autre part, des capacités, aptitudes et techniques d'apprentissage que suppose l'ouverture au changement et à l'acquisition de nouvelles connaissances. C o m m e n t apprendre aux élèves à utiliser d'une manière indépendante (en fonction de leurs propres centres d'intérêt, objectifs et à leur propre rythme) les sources d'information les plus diverses (allant des sources humaines à celles qui font appel aux technologies les plus avancées), c o m m e n t susciter u n environnement éducatif stimulant et c o m m e n t , par l'auto-apprentissage, parvenir au stade de l'éducation permanente ? Telles sont les questions qui, sous une forme ou une autre et dans des contextes différents, se posent partout dans le m o n d e . N u l ne conteste plus l'importance de l'auto-apprentissage. E n effet, si la « cité éducative » relève peut-être de l'utopie, la nécessité d'apprendre sa vie durant est ressentie c o m m e u n besoin réel par dés êtres confrontés à tous les défis d u m o n d e moderne. A u niveau de la pratique scolaire, cette prise de conscience se traduit, d'une part, par l'amélioration et la transformation des méthodes de transfert des connaissances, d'autre part, par la mise au point et l'adoption de méthodes d'auto-apprentissage. Gordana Zindoviè Vukadinovic Apprentissage centré sur l'enseignant et apprentissage autodirigé A la notion d'auto-apprentissage sont associés différents termes et concepts donnant lieu à des interprétations diverses. N o u s ne nous attarderons ici que sur ceux que nous jugeons les plus pertinents dans le cadre d u sujet qui nous occupe, à savoir l'auto-apprentissage, l'apprentissage autodirigé et l'apprentissage centré sur l'enseignant. N o u s avons retenu ici, quelque illogique qu'elle puisse paraître à première vue, la distinction entre auto-apprentissage et apprentissage autodirigé qui est faite dans le Glossaire des termes de technologie éducative publié par PUnesco 4 . Avant d'exprimer notre opinion à ce sujet, examinons d'abord en quoi consiste cette distinction. L'auto-apprentissage est décrit c o m m e une « technique d'apprentissage » et l'apprentissage autodirigé c o m m e une « forme d'apprentissage ». D a n s le premier cas, il s'agit d'une technique « impliquant l'utilisation, par les élèves, de matériaux d'apprentissage (particulièrement de matériaux d'enseignement programmé, d'ensembles pédagogiques et de systèmes audiovisuels) comportant des stimuli, u n dispositif d'expression des réponses, u n retour d'information et une procédure de validation, le tout permettant aux élèves d'apprendre soit sans l'intervention d'un enseignant, soit avec u n m i n i m u m de guidage de la part de l'enseignant ». D a n s le cas de l'apprentissage autodirigé, l'élève ne reçoit pas de matériel préparé à l'avance ni d'instruments de travail prêts à l'emploi, mais il « assume la responsabilité de son propre apprentissage et, en totalité ou en partie, intervient dans le choix des décisions concernant la détermination et la mise en œuvre de cet apprentissage : définition des objectifs, choix des contenus et progressions, sélection des méthodes et techniques ». Cette distinction entre auto-apprentissage et apprentissage autodirigé porte à conclure que ce dernier peut être le résultat de l'application de la « technique d'apprentissage » susmentionnée, autrement dit que l'apprentissage autodirigé est le résultat de l'autoapprentissage. L a principale objection que l'on peut faire à cette distinction est que l'apprentissage fait partie intégrante de toute action éducative et de tout processus pédagogique, de sorte que l'apprentissage autodirigé, plus qu'un résultat de l'auto-apprentissage, en est u n élément inhérent. Cela étant, si l'on admet que, s o m m e toute, l'apprentissage autodirigé, tel que nous l'avons défini, suppose une capacité et une indépendance accrues, il n'est pas tout à fait faux d'y voir u n résultat. Formation à l'autoformation : une expérience en cours L a définition que nous avons donnée plus haut de l'autoapprentissage comprend aussi des éléments qui relèvent de l'apprentissage centré sur l'enseignant. Qu'il y ait ou non u n contact direct avec l'enseignant, ce dernier est responsable d u matériel préparé et il guide l'élève utilisateur en programmant, en sélectionnant, en organisant le matériel et les instruments mis à sa disposition. C e type de guidage est caractéristique de l'université ouverte, de sorte qu'il est difficile de dire quand l'acquisition des connaissances cesse d'être centrée sur l'enseignant pour devenir autodirigée. L a distinction établie par M . S . Knowles 5 entre apprentissage centré sur l'enseignant et apprentissage autodirigé, le premier relevant de la « pédagogie » et le second de 1' « andragogie », fait clairement ressortir les spécificités de ces deux types d'études, qui se différencient tant par le climat général qui les caractérise qu'au niveau de la planification et de l'identification des besoins, de la formulation des objectifs et de l'élaboration des plans d'études, ainsi que des activités d'apprentissage elles-mêmes et de l'évaluation. Ainsi, l'apprentissage centré sur l'enseignant fait appel à l'autorité et au jugement de l'enseignant ainsi qu'à la concurrence entre élèves, tandis que le climat qui préside à l'apprentissage autodirigé est informel, fondé sur le respect mutuel, le consensus, la collaboration et l'encouragement. Par conséquent, l'apprentissage centré sur l'enseignant se caractérise par le rôle dominant que joue ce dernier à tous les niveaux susmentionnés : élaboration des plans d'études, formulation des objectifs, planification des activités d'apprentissage et évaluation. E n revanche, l'apprentissage autodirigé se caractérise par une participation à la prise de décision, une évaluation mutuelle, la négociation des projets et contrats pédagogiques, des projets axés sur la résolution des problèmes et l'évaluation mutuelle d'informations recueillies par les élèves. Concilier les d e u x types d'apprentissage Q u e l'on choisisse d'établir u n e nette distinction entre les notions d'auto-apprentissage et d'apprentissage autodirigé, o u que l'on considère ces deux notions c o m m e équivalentes, ce qui est affaire de convention entre experts o u personnes intéressées, il n e saurait y avoir de confusion entre l'acquisition de connaissances centrée sur l'enseignant et l'apprentissage autodirigé, ni le moindre doute quant à la possibilité de les voir coexister dans l'enseignement de type traditionnel et dans l'éducation n o n scolaire6. C e qui peut, en revanche, prêter à confusion, c'est l'idée que l'apprentissage auto- Gordana Zindovic Vukadinovic dirigé est le propre de l'éducation non scolaire, ce qui, bien entendu, est faux. L'erreur consistant à croire que l'enseignement extra-muros et l'éducation n o n scolaire (ces deux notions ne devant pas être confondues) impliquent nécessairement une acquisition des connaissances autodirigée vient de ce que, concurremment au processus d'apprentissage, il y a acquisition fortuite de connaissances o u , mieux encore, d'informations ne répondant à aucune fin précise, ne faisant l'objet d'aucune sélection o u intégration fonctionnelle, glanée plus ou moins au hasard des sources qui se trouvent être à portée de la main et que les intéressés subissent plus qu'ils ne les choisissent dans u n but précis. Cette erreur est entretenue en particulier par les médias, qui assimilent souvent apprentissage indépendant et apprentissage autodirigé, ce en quoi ils ont également tort. L'apprentissage autodirigé — c'est là u n point essentiel à retenir — n'est jamais fortuit ni accidentel, mais toujours intentionnel et conscient7, et il dépend, dans une large mesure, de la motivation interne de l'apprenant. Ainsi, l'indépendance et laflexibilitésont subordonnées à certaines règles caractéristiques de l'enseignement scolaire et de sa méthode directive, mais — et c'est là la différence capitale — la responsabilité de l'éducation incombe à l'apprenant lui-même qui, de ce fait, est investi de toutes les fonctions de l'enseignant, depuis la définition des objectifs jusqu'à l'évaluation des progrès accomplis. Pour parvenir à ce stade, l'élève doit avoir suivi au préalable u n apprentissage centré sur l'enseignant. L'adoption à l'école de l'auto-apprentissage en tant que stratégie fonctionnelle et novatrice se répercutant sur le contenu et l'organisation de l'enseignement ainsi que sur les conditions de travail des élèves et des enseignants est l'objet d ' u n projet c o m m u n auquel participent des institutions de cinq pays m e m b r e s 8 d u réseau C O D I E S E E (Coopération en matière de recherche et de développement de l'innovation éducative dans le sud et le sud-est de l'Europe) mis en place par l'Unesco. U n de ses objectifs est de faire en sorte que les deux types d'acquisition des connaissances susmentionnés soient utilisés de façon complémentaire dans la pratique quotidienne de l'enseignement scolaire. C o m m e n t , dans u n système où tout — structuration et étude des disciplines scientifiques, méthodes et moyens d'apprentissage — est essentiellement axé sur l'acquisition programmée et dirigée des connaissances, enseigner les techniques, inculquer les aptitudes et compétences qu'exige l'apprentissage autodirigé? O n ne saurait escompter u n changement radical, mais plutôt la mise en place d'une série d'innovations tendant à faire prendre conscience au système éducatif de la valeur de l'auto-apprentissage en tant qu'élé- Formation à Pautoformation : une expérience en cours ment formateur de la personnalité. L'enseignement traditionnel a autant pour tâche d' « enseigner à apprendre » que d'inculquer des connaissances bien organisées. L'auto-apprentissage est également perçu c o m m e u n facteur propre à atténuer les différences sociales. Si le droit à l'éducation est incontestablement le premier et le plus important des droits de l ' h o m m e , pour qu'il y ait véritablement démocratisation de l'éducation il faut que chaque enfant puisse apprendre et progresser à son propre rythme et selon ses propres capacités, quel que soit le type d'acquisition des connaissances privilégié (centré sur l'enseignant ou autodirigé) à tel ou tel stade de son éducation. Les éventuels effets négatifs dus à l'environnement social ou familial de l'élève se trouvent ainsi atténués. Les enfants qui suivent leur scolarité obligatoire sont issus de milieux sociaux différents et de familles présentant des niveaux d'instruction divers. Pour certains, les livres, la vidéo et les ordinateurs font partie de l'environnement quotidien, tandis que pour d'autres ces instruments constituent des sources mystérieuses d'information, u n m o n d e magique qu'ils ne pourront découvrir qu'à l'école, si l'occasion leur en est donnée, dans le cadre d'activités d'auto-apprentissage. C'est là une façon peut-être quelque peu simpliste de présenter les choses, mais elle ne vise qu'à attirer l'attention sur l'ampleur des conséquences sociales d u recours à l'auto-apprentissage. L'AUTO-APPRENTISSAGE EN TANT QU'INNOVATION : LE PROJET CODIESEE9 Les résultats d'une analyse portant sur les caractéristiques de l'enseignement obligatoire dans les pays participants ont révélé que celui-ci était essentiellement de type « traditionnel », ce qui signifie que l'apprentissage centré sur l'enseignant y constitue la pratique dominante. A peu près tout le m o n d e s'accorde à reconnaître les avantages et la valeur de l'auto-apprentissage. O n attend donc de ce programme expérimental qu'en plus de vérifier l'efficacité des méthodes et des techniques instaurées à l'intention d u groupe d'âge de dix à quinze ans, il mette en lumière des résultats susceptibles d'être généralisés et intégrés dans une stratégie globale d'introduction de l'autoapprentissage dans l'enseignement obligatoire. L e thème d u p r o g r a m m e expérimental — « Apprendre à connaître d'autres pays », en l'occurrence les pays participant au C O D I E S E E —, qui relève d u domaine de la compréhension internationale, a été choisi pour u n e double raison : d'une part, parce que apprendre à 31 Gordana Zindoviè Vukadinovii connaître d'autres pays peut avoir u n effet motivant sur les élèves ; d'autre part, parce qu'il s'agit d'un p r o g r a m m e propice à la coopération et à l'échange de matériels. D e plus, il se prête à une approche interdisciplinaire englobant la culture, la géographie et l'histoire des pays visés et permettant donc de combiner des éléments empruntés aux matières obligatoires d u programme. L'assise théorique d u projet comprend les éléments suivants : a) caractéristiques de l'auto-apprentissage ; b) aptitudes et capacités qu'il convient d'inculquer aux élèves o u d'améliorer ; c) organisation du travail scolaire au niveau des méthodes pédagogiques ; d) évaluation. Les caractéristiques de l'auto-apprentissage et de l'apprentissage autodirigé ont déjà été examinées en détail, de sorte qu'il n'est pas nécessaire d'y revenir. Il importe cependant que le lecteur sache que, dans le cadre de ce projet, l'initiation à l'auto-apprentissage comporte à la fois la mise en œuvre de techniques pédagogiques appropriées et d ' u n apprentissage autodirigé effectif, ce qui signifie de façon plus précise que le p r o g r a m m e expérimental comprend u n cours, donné par l'enseignant, sur les techniques et capacités spécifiques d'auto-apprentissage, ainsi que des projets individuels et des projets de groupe mettant en jeu tous les mécanismes de l'apprentissage autodirigé, de l'évaluation et de l'auto-évaluation. Parmi les caractéristiques essentielles de l'auto-apprentissage, il convient de souligner ici 1' « apprentissage horizontal », qui implique u n contact direct entre l'apprenant et diverses sources scolaires et non scolaires et fait également appel aux possibilités offertes à cet égard par la collectivité, la famille et les médias. A u regard des deux systèmes parallèles d'enseignement — scolaire et n o n scolaire —, l'accent est mis sur la force de cohésion de l'auto-apprentissage. C e n'est pas prendre des désirs pour des réalités que de tabler sur l'acquisition d'un certain n o m b r e d'aptitudes et de capacités. L'école les développe déjà, dans u n e plus o u moins large mesure, soit délibérément, soit accessoirement, dans le cadre de l'influence exercée sur la formation de la personnalité. C e qu'il faut désormais, c'est les exercer d'une façon systématique et les améliorer, tant pour favoriser le processus éducatif en cours que c o m m e préparation à l'éducation permanente. Ces aptitudes et capacités sont les suivantes : a) l'aptitude à planifier des activités personnelles et des activités de groupe, y compris l'aptitude à en définir les objectifs ; b) l'aptitude à identifier et la capacité d'utiliser diverses sources d'information (verbale, écrite, audiovisuelle et informatisée) ; c) la faculté de lire, de regarder et d'écouter en fonction de différents objectifs (relever les faits pertinents, dégager les idées principales, distinguer l'essentiel de l'accès- Formation à l'autoformation : line expérience en cours soire, lire rapidement et en diagonale, décoder les messages visuels, comparer l'information) ; d) la capacité d'enregistrer, de paraphraser, de citer et de systématiser des données, de rédiger des résumés, d'établir une documentation personnelle et de coder des messages (établissement de diagrammes, de tableaux, de représentations graphiques, de messages visuels, etc.) ; e) des aptitudes spéciales correspondant à des disciplines particulières, notamment scientifiques (discernement, systématisation, observation, expérimentation, etc.) ; f) la connaissance d'une langue étrangère (assimilation du vocabulaire et des structures de base indispensables à la c o m préhension) ; g) la faculté de procéder, à tous les stades d u travail, et à une auto-évaluation et à l'évaluation des résultats ; h) la capacité de résoudre les problèmes, en tant que résultat global des aptitudes et capacités susmentionnées. Sur le plan de l'approche pédagogique, l'organisation de l'autoapprentissage porte sur les activités, méthodes, matériels et moyens scolaires et extrascolaires ainsi que sur l'évaluation, tous éléments qui sont également considérés c o m m e essentiels d u point de vue de l'introduction d'innovations éducatives. Aussi les programmes d'enseignement scolaire sont-ils analysés en vue de définir et de traduire en termes opérationnels les objectifs dont la réalisation exige une action propre à contribuer au développement des aptitudes et capacités énumérées ci-dessus. Il importe également de les analyser en fonction de l'intégration d u contenu de l'enseignement dans des ensembles interdisciplinaires destinés à l'étude des phénomènes naturels et sociaux. Il convient aussi d'insister sur l'effet stimulant qui découle de la diversité des contenus de l'enseignement et des formes de travail avec les élèves ainsi que de la mise en œuvre de projets individuels et de groupe. A u domaine des activités scolaires et périscolaires se rattachent un certain n o m b r e de questions de portée plus large : place accordée au processus d'acquisition des connaissances, résultats obtenus, formation des enseignants. L e processus d'acquisition des connaissances est considéré c o m m e l'élément le plus important de la préparation à l'éducation permanente, tandis qu'en ce qui concerne la formation des enseignants l'accent est mis sur l'amélioration et le développement de leurs aptitudes et capacités dans les domaines précédemment cités. L'enseignant qui pratique lui-même 1' « auto-apprentissage » sera le mieux à m ê m e d'aider les élèves. C'est pourquoi, au niveau de la formation et du perfectionnement en cours d'emploi des enseignants, les méthodes d'auto-apprentissage sont considérées c o m m e les plus propres à les préparer à admettre u n type d'acquisition des connaissances dont l'autorité personnelle ne soit pas un trait dominant. Gordana Zindovic Vukadtruwie Organiser les sources d'information disponibles dans les écoles de manière à en permettre l'accès à tous les élèves, combiner ces sources avec celles qu'offre l'environnement local, créer et développer des médiathèques scolaires constituent autant d'innovations destinées à améliorer les conditions d'études et à susciter u n climat propice à l'auto-apprentissage. D'autres nouveautés, bien que n'étant pas de caractère organisationnel, devraient être incorporées dans les prog r a m m e s d'enseignement, notamment l'étude de langages machine spéciaux, l'initiation à l'informatique, l'étude d u fonctionnement des systèmes d'information et des moyens de repérer les informations pertinentes. Bien qu'il existe déjà u n système de notation et d'évaluation des résultats et des progrès de l'élève, il est indispensable de mettre en place u n système spécial d'évaluation et d'auto-évaluation d u processus d'auto-apprentissage. Les méthodes et les instruments utilisés pour contrôler et évaluer le travail accompli et les résultats obtenus tant par les enseignants que par les élèves devraient assurer u n retour d'information sur l'efficacité des nouvelles méthodes, destiné à en permettre l'amélioration et l'adaptation constantes. U n e deuxième catégorie d'instruments est destinée à l'auto-évaluation. Ceux-ci peuvent être utilisés soit individuellement, soit en groupe, avec ou sans l'aide d'un enseignant, pour évaluer les progrès réalisés et déterminer dans quelle mesure les objectifs fixés ont été atteints. Il s'agit, en dernière analyse, de mettre en place u n système d'évaluation et d'auto-évaluation stimulant qui ne soit pas perçu par les élèves c o m m e u n m o y e n de contrôle o u c o m m e une source éventuelle de sanctions, mais c o m m e quelque chose de tout à fait normal et d'utile à leurs progrès. Enfin, cette activité doit permettre de définir des critères d'évaluation et d'auto-évaluation. M i s e e n pratique d u projet : l'expérience d e la Yougoslavie E n Yougoslavie, u n programme expérimental d'activités dirigées, intitulé « Préparons l'avenir en apprenant à connaître le m o n d e qui nous entoure », a été lancé ; il présente deux caractéristiques principales. D ' u n e part, il s'agit d'une combinaison originale de cours d'auto-apprentissage donnés par l'enseignant et d'activités autodirigées qui permettent aux élèves de mettre en pratique les connaissances acquises durant les cours. Les techniques de l'apprentissage autodirigé sont appliquées à des thèmes se rapportant à l'objet central de l'étude : apprendre à connaître d'autres pays. Pour le reste, Formation à l'autoformation : une expérience en cours les élèves participant au programme sont libres de choisir les activités personnelles qu'ils souhaitent entreprendre. D a n s le cas qui nous occupe, il a été convenu que l'enseignant devait intervenir, mais uniquement pour encourager les élèves les plus faibles à prendre part sans gêne et sans crainte aux activités qui leur sont offertes. Ainsi, des groupes de trente élèves de cinquième année primaire (âge : onze ans) 10 , hétérogènes en termes de performances, ont été formés dans deux écoles, l'une en milieu urbain et l'autre en milieu rural. Après évaluation de l'intérêt suscité par ce programme expérimental et de la mesure dans laquelle il avait fait progresser l'acquisition des aptitudes et capacités requises11, il a été appliqué à des élèves de la classe supérieure (sixième année d'enseignement scolaire). Pour mieux comprendre la démarche suivie dans la mise en œuvre d u projet, il convient de noter que les enseignants avaient librement choisi d'y participer. Les deux enseignants chargés d u programme étaient, dans la première école, l'enseignant de la langue maternelle et, dans la deuxième, le responsable de la médiathèque. U n e enquête visant à déterminer lesquelles, parmi les activités destinées à leur permettre de mieux connaître les pays du C O D I E S E E , intéressaient le plus les élèves a révélé qu'ils étaient également désireux de lire, d'écouter, de regarder et de collectionner d u matériel dont ils souhaitaient avant tout tirer des informations portant sur les coutumes traditionnelles, l'histoire, la langue, la musique, les films pour enfants et le m o d e de vie. Les objets qu'ils préféraient collectionner, selon cette première enquête, étaient les pièces de monnaie, les badges et les cartes postales. C e projet a été conçu c o m m e une expérience mettant en jeu des groupes parallèles, les groupes témoins se trouvant dans d'autres écoles. Il se fonde, d'une part, sur les bases théoriques conjointement adoptées qui ont été mentionnées ci-dessus et une méthodologie de recherche correspondante, d'autre part, sur la détermination préalable des capacités, connaissances et centres d'intérêt des élèves. D e u x types d'activités ont ainsi été mis en œuvre dans les groupes constitués : u n cours de formation aux techniques de l'apprentissage autodirigé ; des activités de recherche et de traitement de données intéressant le domaine identifié c o m m e présentant u n intérêt particulier. Parmi les moyens de recueillir d u matériel pour les projets de recherche, on peut citer la correspondance, la constitution de collections de prospectus touristiques, de cartes postales, d'articles de journaux, d'extraits d'ouvrages littéraires et de souvenirs, l'enregistrement de programmes, des entretiens avec les parents et avec d'autres adultes ayant voyagé. L e cours d'auto-apprentissage, en vue duquel l'enseignant dirigeant du groupe ainsi que les maîtres enseignant des matières en rapport Gordana Zindovià Vukadinovic avec le programme (langue maternelle, histoire, géographie, art, musique) ont été préalablement formés, se divise en unités d'enseignement qui sont maîtrisées progressivement à l'aide d'instructions et de matériel de travail préparés à l'avance pour chaque élève. Il ne s'agit pas d'enseignement programmé, mais d'un système d'exercices organisés selon une suite logique. C e matériel permet à l'enseignant de se cantonner dans u n rôle de consultant et d'organisateur. Les unités d'enseignement comprennent les exercices suivants : planification d u travail, consultation d'ouvrages de référence, lecture rapide, recherche de certains faits et chiffres, identification d'une idée directrice, établissement de l'ordre de succession des faits, prise de notes, rédaction de résumés, citations, indication des sources, consultation de fichiers, de bibliographies et d'index, comparaison de données provenant de différentes sources, classement par ordre d'importance et de valeur informative, préparation d'exposés écrits et oraux, élaboration de projets, etc. Les textes et les matériels figurant dans les manuels à l'usage des élèves portent sur les pays dont ils étudient la culture, la géographie et l'histoire, de sorte que l'apprentissage des techniques ne constitue pas une fin en soi, mais permet d'obtenir des informations utiles de caractère éducatif. Celles-ci servent à la fois à favoriser l'application de notre programme d'auto-apprentissage et à améliorer les connaissances et les résultats de l'élève dans les disciplines visées qui sont des disciplines d'enseignement obligatoires. L e transfert des connaissances s'effectue donc de deux manières : par u n enseignement de type traditionnel et par des projets de recherche entrepris par les élèves des deux groupes. C e choix d u contenu des exercices permet de rendre l'ensemble d u cours plus intéressant. Les élèves sont censés mener à bien ce programme expérimental au cours de la huitième année d'enseignement scolaire, qui est la dernière année d u cycle d'enseignement obligatoire ; ils passent alors u n examen final destiné à déterminer dans quelle mesure ils possèdent les capacités requises et maîtrisent les facultés nécessaires à l'apprentissage autodirigé. L ' e x a m e n final auquel auront été soumis les groupes témoins permettra d'évaluer le développement psychologique et physique des élèves de ce groupe d'âge, l'accroissement de leur culture générale et, enfin, l'efficacité des méthodes et des techniques employées pour former les élèves à l'auto-apprentissage. Quelques observations initiales peuvent, d'ores et déjà, être formulées quant aux résultats de cette initiative. Les élèves témoignent d'emblée d'une forte motivation due avant tout au sujet étudié, preuve que le choix d'un contenu qui corresponde aux centres d'intérêt des élèves n'est pas le moindre des facteurs qui conditionnent leur adhésion à une initiative pédagogique. Autre élément important de Formation à l'autoformation : u n e expérience en cours cette motivation : il s'agit d'activités libres qui permettent aux élèves de fixer e u x - m ê m e s le rythme auquel ils travaillent et auquel ils assimilent le cours qui leur est proposé, celui-ci étant conçu de telle sorte que chaque unité d'enseignement peut être étudiée aussi longtemps que le souhaite le groupe ou l'individu et que ces activités, qui n'ont pas u n caractère obligatoire, s'apparentent davantage à u n jeu auquel on se livre entre amis qu'à des études. U n autre facteur qui contribue à renforcer la motivation des élèves est le fait que ces activités donnent aux enfants introvertis et manquant d'assurance l'occasion de s'affirmer et d'avoir confiance en e u x - m ê m e s . Pour soutenir la motivation des élèves et des enseignants, il faut en permanence garder le contact, prendre de nouvelles initiatives et disposer d'une information en [retour concernant les résultats obtenus. L e sentiment de faire quelque chose d'utile qui bénéficie d u soutien de leur entourage a u n effet simulant tant sur les élèves que sur les enseignants. U n autre indice positif qui a été observé est l'amélioration, attribuable aux activités de groupe, des méthodes utilisées et des résultats obtenus dans le cadre de l'enseignement traditionnel. Plutôt que de tirer des « conclusions » c o m m e il est d'usage de le faire au terme de ce genre d'aiticle, nous aimerions terminer par une impression personnelle. L'expérience dont nous avons rendu compte constitue une entreprise pédagogique extrêmement délicate, qui peut avoir des effets positifs d'une portée considérable, mais qui comporte aussi de grands risques. N o u s nous s o m m e s déjà suffisamment étendus sur ses conséquences positives. Quant aux risques, ils dépendent de l'aptitude ou de l'inaptitude de l'éducateur à trouver la juste mesure, c'est-à-dire à laisser toute liberté aux élèves sans pour autant se décharger pleinement sur eux de la lourde responsabilité de leur éducation. L a réponse réside sans doute dans u n juste équilibre entre apprentissage centré sur l'enseignant et apprentissage autodirigé. • Notes i. R . H . Dave, Education permanente et programme scolaires\UE Monographie i, H a m b o u r g , Institut de l'Unesco pour l'éducation, 1973. 2 . L'enseignement traditionnel englobe tous les types d'établissements et.formes d'enseignement conduisant à l'obtention des titres ou diplômes officiels susceptibles d'assurer une promotion sociale (enseignement général obligatoire, tous les types et niveaux d'enseignement professionnel débouchant sur u n diplôme professionnel). 3. L a cognition divergente suppose la recherche de solutions complexes et lointaines, l'aptitude à penser en termes nouveaux er originaux, à s'écarter des méthodes établies et stéréotypées pour résoudre les problèmes, u n esprit ouvert aux idées nouvelles et la capacité d'invention. Gordana Zindovié Vúkadinovié 4. Glossaire des termes de technologie éducative, Paris, Unesco, 1984. 5. Malcolm S . Knowles, Self-directed learning. A guide for learners and teachers, Cambridge, N e w York Books, 1975. 6. L e terme d' « éducation non scolaire » désigne tout type d'éducation que l'on acquiert o u que l'on peut acquérir en dehors d u système d'enseignement traditionnel, au sein de la famille ou de la société, en groupe ou individuellement par l'intermédiaire des médias, etc. L'éducation non scolaire peut s'avérer aussi efficace, sinon plus, que l'enseignement de type traditionnel pour peu qu'elle s'assigne u n objectif précis et qu'elle s'accompagne d'une motivation interne et d'une aptitude à l'apprentissage autodirigé. 7. Rodney Skager, Organizing schools to encourage self-direction in learners. H a m b o u r g , Institut de l'Unesco pour l'éducation/Pergamon Press, 1984. 8. Bulgarie, Hongrie, Roumanie, Turquie et Yougoslavie. 9. L'auto-apprentissage dans le contexte de l'éducation permanente et son influence sur les programmes d'enseignement, l'organisation du travail scolaire et les conditions de travail des élèves et des enseignants, tel est le thème d u Programme d u C O D I E S E E dans le cadre duquel un projet expérimental d'auto-apprentissage a été lancé dans deux établissements d'enseignement de chacun des cinq pays participants. L'exécution de ce projet a c o m m e n c é pendant l'année scolaire 1984-1985 et u n compte rendu des résultats obtenus devrait être présenté à la fin de 1988. L a coopération établie avec l'Institut de l'Unesco pour l'éducation à H a m b o u r g s'est révélée extrêmement fructueuse. 10. L e cycle d'instruction élémentaire de huit années est obligatoire en Yougoslavie. 11. Les instruments utilisés pour cette évaluation sont ceux qui ont été mis au point par le D r Magdalena Jovanovié-IIié au cours des travaux de recherche sur l'auto-apprentissage qu'elle a effectués à l'Institut de recherche pédagogique de Serbie (Yougoslavie). Bibliographie D A V E , R . H . 1973. Éducation permanente et programme scolaire. Résultats provisoires d'une étude exploratoire sur le programme scolaire, les structures et la formation des enseignants dans la perspective de l'éducation permanente. H a m b o u r g , Institut de l'Unesco pour l'éducation, I U E Monographie 1. G O A D , L . H . 1984. Preparing teachers for lifelong education. The report of a multinational study on some developments in teacher education in the perspective of lifelong education. H a m b o u r g , Pergamon Press/Institut de l'Unesco pour l'éducation. JovANOVié-lLié, Magdalena. 1977. Razvoj sposobnosti ucenja. Navike i tehnike ditanja i samostalnog ucenja (Développement des capacités d'apprentissage. Pratiques et techniques de lecture et de travail personnel). Belgrade, Prosveta. R O W N T R E E , Derek. 1986. Teaching through self-instruction. A practical handbook for course developers. Londres, K o g a n Page. S K A G E R , R . 1984. Organizing schools to encourage self-direction in learners. H a m b o u r g , Institut de l'Unesco pour l'éducation/Pergamon Press. DOSSIER L'enseignement à distance I. Thèmes fondamentaux I/enseignement à distance : un état de la question Anthony Kaye Le Conseil international de l'enseignement à distance a estimé à environ dix millions le n o m bre d'étudiants qui, dans le m o n d e , préparent actuellement u n diplôme d'études supérieures par l'enseignement à distance. Quant aux personnes qui font, par ce moyen, des études dans d'autres domaines et à d'autres niveaux (qu'il s'agisse, par exemple, de formation permanente, d'enseignement technique ou de formation professionnelle), nulle organisation n'en a jamais évalué le nombre, mais il doit être d u m ê m e ordre, sinon supérieur. Dans la seule Union soviétique, les quelque mille deux cents établissements d'enseignement à distance c o m p tent environ u n million et demi d'étudiants au niveau supérieur, ce qui représente approximativement 30 % de l'ensemble des effectifs d u troisième degré (Uyin, 1983). E n Chine, en 1983, 40 % environ des effectifs de l'enseignement supérieur au niveau national (soit u n million de personnes approximativement) poursuivaient leurs études à distance, dans le cadre d u pro- g r a m m e organisé par l'Université chinoise par la radio et la télévision ( R T V U ) pour u n tiers d'entre eux et, pour le reste, de cours télévisés et par correspondance mis en place par les universités au niveau local (Yu X u , 1986). A u cours des quinze dernières années, des établissements ou des organismes se consacrant exclusivement à l'enseignement à distance ont été créés au Canada, au Costa Rica, en Espagne, aux États-Unis d'Amérique, en Hollande, à H o n g K o n g , en Inde, en Indonésie, en Italie, au Japon, au Pakistan, au Royaume-Uni, à Sri Lanka, à Taïwan, en Thaïlande, au Venezuela, et dans plusieurs autres pays encore (sur ce point, voir, entre autres, Rumble et Harry, 1982; Harry et Raggatt, 1984). L'enseignement à distance a une longue histoire que certains font remonter aux cours de sténographie par correspondance organisés par Isaac Pitman, lorsque les premiers services postaux réguliers furent mis en place en GrandeBretagne, en 1840 ; mais c'est l'Institut Toussaint et Langenescheidt, créé à Berlin en 1856 et spécialisé dans l'enseignement des langues, qui fut le premier organisme d'enseignement par Anthony K a y e (Royaume-Uni) est maître de conférences en technologie de l'éducation à l'Open Universitycorrespondance à proprement parler (Dieuzeide, (Grande-Bretagne). Il a travaillé dans le domaine de 1985). O n assista dès lors, dans de nombreux l'enseignement à distance en qualité de consultant auprèspays, à u n développement régulier des services de V Unesco, de la Banque mondiale et du British d'enseignement par correspondance — souvent Council. Il a participé au projet ETV en Côte-d'Ivoire associés à des séances d'apprentissage en « facede 1973 à 1975 et a enseigné à l'Université de Montréal. à-face ». Jusqu'à une date récente, toutefois, Il se consacre actuellement à l'étude de l'application des ces services ont souvent été considérés c o m m e méthodes de communication informatisée à l'enseigneun pis-aller par rapport à l'éducation tradiment à distance et a collaboré à un certain nombre tionnelle. E n Union soviétique aussi, où, au d'ouvrages, dont L e savoir à domicile : pédagogie et problématique de la formation à distance (avec France cours des années 1950, les possibilités d'études Henri), Distance teaching for higher and adult à temps partiel ont connu u n rapide dévelopeducation (avec Greville Rumble) et Using the media pement, le recours aux moyens d'enseignement for adult basic education (avec Keith Harry). par correspondance, m ê m e dans le cas de perPerspectives, vol. XVIII, n° 1,1988 42 Anthony Kaye sonnes déjà engagées dans la vie active, a été, Penalver et Escotet, 1981 ; Stewart et al, 1983 ; à l'origine, considéré c o m m e u n expédient. Thorpe et Grugeon, 1987 ; Y o u n g et al, 1980). Dans certains pays européens, les cours par U n certain nombre de facteurs permettent de correspondance proposés par quelques orga- mesurer l'intérêt que les gouvernements et les nismes privés, qui semblaient plus soucieux établissements d'enseignement public portent de réaliser des bénéfices rapides que d'instruire à l'enseignement à distance. Ainsi, la création leurs clients, n'ont guère contribué à améliorer d'associations régionales destinés à développer l'image de marque de l'enseignement à dis- la collaboration entre les universités, les respontance en dépit de la grande qualité de quelques sables de projets et les départements concernés institutions responsables et réputées, telle des ministères de l'éducation traduit le souci des Liber Hermods, qui, fondée en 1898, en milieux officiels de mettre les possibilités d'éduSuède, a compté à certaines époques plus de cation à la disposition d'un plus large public. cent cinquante mille étudiants par an. A u nombre de ces associations, on peut notamDepuis une quinzaine d'années, toutefois, u n ment citer : certain nombre de facteurs ont profondément L ' A S P E S A (Association australienne et du Pacifique Sud pour les études externes), qui modifié l'image de l'enseignement à distance, publie la revue Distance éducation. qui apparaît aujourd'hui c o m m e u n m o y e n adapté et efficace d'éducation et de formation L'Asociación Iberoamericana de Educación Superior a Distancia. des adultes. L ' u n des premiers indices importants de cette évolution fut sans aucun doute L'Association des écoles européennes d'enseignement par correspondance. la publication par l'Unesco de l'ouvrage intitulé Études ouvertes : systèmes d'instruction post- L'Association africaine d'enseignement à dissecondaire à distance (MacKenzie et al., 1975). tance. Cet ouvrage, qui rassemblait des études portant L'Association des universités ouvertes d'Asie. sur les premières expériences d'utilisation des E n outre, des associations nationales d'enseigneméthodes multimédias pour l'enseignement à ment à distance dotées de secrétariats permadistance, a contribué à donner de ce domaine nents ont été établies dans u n certain nombre une nouvelle définition qui allait bien au-delà de pays, dont l'Argentine, le Brésil, le Canada, des seuls cours par correspondance. Les recher- les États-Unis d'Amérique, la Norvège, la ches dont s'inspire cet ouvrage ont c o m - Nouvelle-Zélande et la Suède. Certains orgamencé en 1972. Dix ans plus tard, le Conseil nismes d'aide nationaux et internationaux (telles international de l'enseignement par corres- l'Agence internationale pour le développement pondance, lors de son douzième Congrès m o n - (AID) des États-Unis d'Amérique, l'Agence dial à Vancouver, devenait le Conseil inter- canadienne de développement internationale national de l'enseignement à distance. L'en- ( A C D I ) , l'Overseas Development Adminissemble des communications présentées à cette tration ( O D A ) , la Banque mondiale, l'Unesco) occasion (Daniel et al., 1982), qui émanaient ont accordé leur soutien à l'enseignement à de cent vingt auteurs représentant quelque distance et à ses techniques en participant au vingt-cinq pays, est une indication évidente d u financement de nouveaux projets. regain d'intérêt suscité par cette question deIl est donc évident que l'enseignement à dispuis la publication à!Études ouvertes. L e nombre tance est aujourd'hui considéré c o m m e u n d'ouvrages universitaires consacrés à l'ensei- m o y e n efficace, approprié et satisfaisant d'élargnement à distance en tant que domaine spéci- gir les possibilités d'éducation dans u n grand fique d'analyse et de recherche en est une nombre de pays et de situations. Toutefois, il autre (voir, entre autres, Chang et al., 1983 ; n'est pas certain que le concept d' « enseigneCirigliano, 1983 ; Escotet, 1980 ; Galvis Pan- ment à distance » ait partout le m ê m e sens, étant queva, 1982 ; Henri et Kaye, 1985 ; Holmberg, donné la diversité des modèles d'enseignement 1981 ; Kaye et Rumble, 1981 ; Neil, 1981 ; à distance adoptés selon les pays. L'enseignement à distance : u n état de la question Le problème de la définition L'expression « enseignement ouvert » est devenue dans certains milieux u n mot d'ordre ou u n slogan au cours des dix dernières années et on laisse souvent entendre qu'elle est synonyme d'enseignement à distance. L a prolifération des « universités ouvertes », dont la plupart offrent un enseignement à distance, n'a pas contribué à éclairer le débat. Il va de soi, par exemple, que les systèmes d'enseignement à distance qui mettent leurs matériels didactiques à la disposition du public (par l'intermédiaire de librairies et au m o y e n d'émissions de radio et de télévision) sont plus « ouverts », au sens où ils sont plus visibles, que les établissements qui dispensent tout leur enseignement dans le secret des salles de cours et des amphithéâtres. Néanmoins, le terme « ouvert » est souvent employé pour désigner des établissements qui, à l'instar de l'Open University britannique, accueillent tous ceux qui veulent s'y inscrire. Il ne s'agit pourtant pas là d'un trait distinctif des systèmes d'enseignement à distance. Parmi les huit cent trente-sept programmes d'enseignement à distance répertoriés dans la base de données de l'Université des Nations Unies et du Centre international pour la formation à distance ( U N U / I C D L ) , dix-huit pour cent seulement ne pratiquent pas de sélection préalable. Il faut donc en conclure que l'immense majorité des programmes d'enseignement à distance ne sont manifestement pas ouverts à tous et qu'ils ont, au contraire, tendance à adopter les m ê m e s critères de sélection que d'autres établissements d'enseignement. Plus récemment, la notion d' « enseignement ouvert » a été associée, dans certains pays occidentaux, à une conception éminemment h u maniste et « andragogique » de l'éducation, d'une part, à l'élaboration et à la diffusion de jeux d'auxiliaires didactiques conçus pour l'auto-apprentissage et Pautoformation dans de nombreux domaines techniques et professionnels (Hodgson et al., 1987), d'autre part. D a n s cette optique, l'enseignement à distance devient u n sous-ensemble de 1' « enseignement ouvert » (Thorpe et Grugeon, 1987). 43 Dans le dossier que l'on trouvera dans la présente livraison de Perspectives et dans la prochaine, nous nous intéresserons à l'enseignement à distance en tant que tel et nous n'utiliserons le concept d' « enseignement ouvert » que dans la mesure où il présente simultanément les caractéristiques suivantes : L e recours à des médias (librement accessibles) tels que la presse écrite, la radio et la télévision c o m m e élément majeur de l'apprentissage. L a séparation physique d u personnel chargé des cours et des étudiants, et, partant, 1' « ouverture » des services d'enseignement, qui permet d'affranchir l'apprenant des contraintes spatiales et temporelles propres aux établissements où l'apprentissage se fait en présence du maître. L'importance accordée à l'éloignement en tant que facteur favorisant l'autonomie dans le processus d'apprentissage. U n e fois la distinction faite entre l'enseignement ouvert et l'enseignement à distance, le problème que pose la définition précise de la nature de l'enseignement à distance reste toutefois entier. U n e chose est cependant certaine : la diversité considérable des systèmes, des projets et des établissements d'enseignement « à distance » exclut pratiquement que l'on définisse ce type d'enseignement autrement qu'en l'opposant à l'enseignement traditionnel, qui se déroule en présence d'un maître (« face-à-face »), avec, pour cadre, la salle de classe. C e dernier modèle est resté pratiquement inchangé pardelà les siècles et les cultures. E n revanche, les modèles d'enseignement à distance ont évolué sous l'effet d'influences nombreuses et diverses (techniques de communication, conceptions de l'éducation des adultes propres aux différents systèmes culturels, impératifs économiques, entre autres) et ont revêtu une grande diversité de formes. Il est néanmoins possible d'identifier u n certain nombre de caractéristiques qui, ensemble, forment la base d'une définition de travail générale de l'enseignement à distance. L'analyse présentée ici s'inspire de celle de Keegan (1980), qui enumere six caractéristiques propres à l'enseignement à distance. Anthony Kaye 44 diane, les étudiants partageant leur temps par moitié entre les cours et les séminaires et l'étude individuelle. Les divers modèles d'enseignement à distance se situeraient en différents Dans le cadre de renseignement à distance, les points de la partie de l'axe qui correspond à une activités d'enseignement et d'apprentissage sont faible proportion d'activités d'apprentissage dile plus souvent dissociées dans le temps et dans rect dans le temps d'apprentissage total. A titre l'espace, le système enseignement/apprentissage d'exemple, dans le système soviétique d'enseireposant sur cette prémisse essentielle. Cela ne gnement supérieur à distance, ce face-à-face signifie pas, pour autant, que l'apprentissage enseignant/enseigné représente environ 30 % « direct » (auprès d u maître) n'intervienne pas du temps d'apprentissage, alors que cette prodans l'enseignement à distance ni que l'étude portion n'est que de 5 à 10 % pour de nombreux autonome (« à distance ») soit absente des sys- cours offerts par l'Open University britannique. Bien que la figure 1 représente sous la forme tèmes d'enseignement traditionnels (ceux qui ont pour cadre la salle de classe, par exemple). d'un axe continu la proportion d u temps d'apGraphiquement, l'enseignement à distance et prentissage consacré à l'étude autonome/à disl'enseignement dispensé en classe pourraient tance et l'enseignement direct respectivement, figurer les deux extrémités d'un axe (voir fig. i) il existe une différence qualitative essentielle sur lequel la proportion de l'enseignement face entre la conception d'un programme d'enseigneà face dans le temps d'apprentissage varie d'en- ment à distance et celle d'un programme ayant viron ioo % (enseignement dispensé en classe pour cadre la salle de cours. Dans le premier cas, et en milieu scolaire) à o % approximativement on postule que le processus d'enseignement/ dans le cas des cours par correspondance tradi- apprentissage repose avant tout sur l'étude autotionnels qui ne font aucune place à l'apprentis- n o m e de matériels didactiques spécialement présage direct. Sur cet axe, l'enseignement univer- parés, l'apprentissage direct intervenant sousitaire traditionnel tel qu'il est dispensé dans de vent à titre de soutien et de dépannage. Dans le nombreux pays occuperait une position m é - second cas, en revanche, l'enseignement disLA SÉPARATION ENSEIGNANT/APPRENANT Proportion d'activités d'enseignement " à distance" Proportion d'activités d'enseignement direct 100% 100% 0% Salle de classe en milieu scolaire Université traditionnelle Cours par correspondance F I G . 1. Proportion d'activités d'enseignement direct et à distance dans différentes situations pédagogiques (d'après Cropley et Kahl, 1983) L'enseignement à distance : un état de la question pensé directement par le maître constitue le m o d e principal de transmission des connaissances et d'éveil de l'intelligence de l'étudiant. LE RÔLE DE L'ÉTABLISSEMENT L e rôle d'un établissement qui assure u n enseignement à distance est très différent de celui d'un établissement traditionnel. Dans le cas d u second, l'enseignant est le point de contact essentiel avec les étudiants, le plus visible, et représente bien souvent le facteur décisif de leur réussite ou de leur échec. S'agissant de l'enseignement à distance, on serait tenté de dire que l'activité pédagogique est assurée par l'établissement, et non par l'enseignant luim ê m e . Les cours sont souvent le fruit de la collaboration de spécialistes de tel domaine particulier, d'enseignants, de rédacteurs, de producteurs et d'administrateurs. L'établissement se charge, en règle générale, de la distribution des matériels didactiques, de l'évaluation d u travail des étudiants et de l'organisation des activités d'enseignement en direct au niveau local : il a donc pour les étudiants une « présence » différente de celle d'un établissement traditionnel. E n outre, c'est cette présence de l'établissement qui distingue l'enseignement à distance de l'étude personnelle et autodirigée. Notons que le terme « établissement » tel qu'il est employé dans le présent article ne signifie pas nécessairement que la totalité des activités relevant de l'enseignement à distance est assurée par un seul organisme ; ces responsabilités peuvent être partagées — et tel est souvent le cas — entre plusieurs établissements et organismes travaillant de concert (l'Open University et la B B C , par exemple) au sein d'un consortium (le Norsk Fjernundervisning, entre autres) ou dans le cadre d'un réseau (tel le British Columbia Knowledge Network). L'important, c'est qu'un plan, dont la préparation et l'organisation sont délibérées, et u n système de distribution et d'appui président à l'ensemble d u programme d'études ainsi qu'à des activités d'apprentissage spécifiques pour une analyse des principaux facteurs intervenant dans la pla- 45 nification de ces systèmes (voir l'article d'Arm a n d o Villarroel dans le présent dossier). LE RECOURS AUX MÉDIAS PÉDAGOGIQUES L'enseignement à distance est, par excellence, u n enseignement médiatisé. L'essentiel des fonctions assurées normalement par des enseignants en chair et en os dans une salle de cours ou u n amphithéâtre — mise en contexte, transmission de connaissances, analyse de concepts — est alors effectué par l'intermédiaire de divers moyens techniques : imprimés, programmes de radio et de télévision, cassettes, bases de données, disquettes, etc. L'enseignement direct n'intervient que pour résoudre des problèmes de compréhension et pour le travail collectif ou en laboratoire. L'utilisation des médias dans l'enseignement à distance appelle, à m o n avis, trois grandes observations. E n premier lieu, l'élaboration, la production et la diffusion de matériels didactiques pour l'enseignement à distance exigent des moyens appropriés (crédits, personnel qualifié, équipement et matériel techniques) si l'on veut exploiter pleinement le potentiel des différents médias. L a préparation par u n enseignant de documents d'accompagnement et de transparents qui seront utilisés en classe et qui pourront faire l'objet d'une explication immédiate en cas de problème de compréhension n'est en rien comparable à l'élaboration de matériels destinés à u n enseignement médiatisé et conçus pour des personnes qui étudient seules et ne peuvent compter sur aucune aide immédiate. M a deuxième remarque, qui rejoint la première, est que la préparation de matériels d'auto-apprentissage de bonne qualité pour l'enseignement à distance est une activité complexe, qui demande beaucoup de temps. Les m a tériels doivent être pédagogiquement bien conçus ; en d'autres termes, ils doivent être adaptés à la situation de l'étudiant qui apprend à distance (voir à cet égard l'article d'Onkar Singh Dewal dans le présent dossier) et de très grande 46 Anthony Kaye qualité, car il est probable qu'ils seront utilisés Nations Unies utilisent l'imprimé c o m m e suppar u n grand nombre d'étudiants et serviront port principal et près d'un sur dix repose de modèles, dans un pays donné, pour les maté- exclusivement sur lui (voir plus loin le tariels didactiques dans une discipline particulière. bleau 1). L'article d'Anthony B . Zahlan, qui figure dans le présent dossier, porte expressément sur la LA COMMUNICATION question de la qualité et de la pertinence des BIDIRECTIONNELLE matériels utilisés dans l'enseignement à distance. Ces problèmes se posent de façon particulièrement aiguë dans de nombreux pays en U n programme d'enseignement à distance ne se développement qui ne disposent pas toujours limite pas à la fourniture de matériels d'autodes moyens nécessaires pour élaborer des maté- apprentissage. L a communication bidirectionriels de bonne qualité. O r ceux qui sont conçus nelle entre l'étudiant et son tuteur, mentor ou conseiller, en est un élément essentiel. Dans les à l'étranger sont souvent inadaptés. Enfin, si, à la limite, o n peut pratiquement programmes d'enseignement à distance qui tout apprendre par n'importe quel m o y e n d'en- s'adressent à u n grand nombre d'étudiants, les seignement ou presque (Schramm, 1972), il est tuteurs interviennent généralement en qualité évident que certains médias sont mieux adaptés d'intermédiaires et ne sont pas associés à l'élaque d'autres à des objectifs pédagogiques précis. boration des matériels didactiques. Pour encaLes projets d'enseignement à distance doivent drer ses étudiants, l'Open University britanutiliser au mieux les divers supports disponibles nique emploie ainsi plus de cinq mille tuteurs et tenter d'intégrer les nouvelles techniques à à temps partiel, recrutés dans les universités et mesure qu'elles apparaissent. Tel est déjà, dans les collèges universitaires traditionnels ; le corps une large mesure, le cas de la radio et de la télé- professoral de l'établissement, responsable de la vision. L a plupart des planificateurs de l'ensei- préparation des matériels pédagogiques, n'est gnement à distance hésiteraient aujourd'hui à pas tenu de participer aux activités de tutorat concevoir u n système fondé sur la radio ou la par correspondance. A l'Université Athabasca télévision, mais ils en feraient volontiers usage, au Canada, en revanche, le corps enseignant assure le tutorat des cours qu'il dispense, des le cas échéant, pour certaines fonctions précises tuteurs à temps partiel étant recrutés à l'exté( c o m m e la présentation d'expériences de laborarieur, si besoin est, pour les cours particulièretoire, l'audition d'œuvres poétiques ou dramament chargés. Étudiants et tuteurs c o m m u n i tiques, la diffusion régulière de nouvelles et d'inquent traditionnellement par la voie postale et formations sur les réactions des étudiants, etc.). l'enseignement par correspondance reste une Après la radio et la télévision, les « nouveaux » composante essentielle de la majorité des promédias électroniques qui font appel à l'informagrammes, bien que le contact direct et l'encadretique commencent déjà à avoir u n fort impact ment par téléphone jouent aussi u n grand rôle sur de nombreux projets d'enseignement à dis- (Abrioux, 1985). M ê m e lorsqu'on utilise d'autance, tant au niveau de la production (l'édition tres médias (le téléphone, par exemple, voire la électronique, par exemple) qu'à celui des ser- télémessagerie ou la téléconférence) pour établir vices d'appui (accès aux bases de données en le dialogue entre l'étudiant et son tuteur, il est ligne, communication plus facile entre les étu- peu probable qu'ils remplacent u n jour l'encadiants et entre tuteurs et étudiants). drement par correspondance. Dans de n o m Toutefois, l'imprimé a été, est et restera dans breux programmes d'enseignement à distance, un avenir prévisible le support privilégié de le niveau de l'étudiant est évalué sur la base de l'enseignement à distance : 91 % des program- son travail écrit, l'étudiant attendant du tuteur m e s d'enseignement à distance répertoriés dans ou de l'enseignant qu'il lui retourne ses travaux la base de données du Centre international pour accompagnés de commentaires et d'une appréla formation à distance de l'Université des L'enseignement à distance : u n état de la question dation, c o m m e il le ferait dans u n établissement traditionnel. LES RENCONTRES L'interaction et les discussions entre étudiants suivant les m ê m e s cours constituent une c o m posante importante d u processus éducatif, que l'on a tendance à considérer c o m m e naturelle dans les établissements où l'apprentissage s'opère essentiellement dans la classe, le laboratoire, l'amphithéâtre et la bibliothèque. Dans le cadre de la plupart des programmes d'enseignement à distance, il est prévu que les étudiants rencontrent, régulièrement ou de temps à autre, leurs tuteurs, leurs professeurs et leurs c o m p a gnons d'études ; les objectifs pédagogiques de ces rencontres sont déterminés à l'avance avec d'autant plus de soin que ce type d'activité est coûteux et qu'il ne va pas de soi (voir, à cet égard, dans le présent numéro, l'article d'Onkar Singh Dewal sur les objectifs pédagogiques des « programmes de contact »). D e nombreux établissements recommandent ainsi que ces séances soient expressément consacrées à des discussions de groupe, à la résolution de problèmes, au rattrapage et aux activités pratiques ou de laboratoire, en d'autres termes, à des fonctions qui ne peuvent être assurées de façon satisfaisante par les matériels d'enseignement médiatisés. E n conséquence, les tuteurs sont souvent invités à ne pas consacrer trop de temps à des exposés ou à des conférences à caractère magistral, cette fonction pédagogique étant normalement assurée par les matériels pédagogiques proprement dits. L'importance et la nature des rencontres de groupe dans le cadre de l'enseignement à disdance, ainsi que leur organisation, varient considérablement selon les cas. D e nombreux établissements (l'Université ouverte Sukhothai T h a m mathirat en Thaïlande et l'Open University britannique, notamment) ont mis en place u n réseau permanent de centres régionaux dans l'ensemble d u pays. D'autres ( c o m m e la R T V U chinoise) utilisent u n réseau préexistant. Ces centres régionaux sont chargés d'organiser les 47 séances de tutorat dans les centres d'études et de documentation locaux, d'organiser des programmes de rencontre de plus longue durée (sessions d'une journée, de week-end, voire plus longues encore, avec hébergement sur place), de recruter et de former les tuteurs à temps partiel. LE MODÈLE INDUSTRIEL Selon Peters (1973), la préparation et la distribution des matériels d'enseignement à distance et l'organisation des programmes d'enseignement (la gestion d'une infrastructure régionale, par exemple) s'apparentent au m o d e de production industriel. Il est incontestable que les grandes institutions d'enseignement à distance, notamment celles qui utilisent intensivement tout u n éventail de moyens techniques, ont d û appliquer le modèle de la « chaîne de fabrication » à l'élaboration, à la fabrication, au stockage et à la distribution de leurs matériels. L a diversité des compétences que requièrent ces différents procédés exclut qu'une seule personne soit responsable de la totalité des étapes de la conception et de la production des matériels ; aussi, la spécialisation, la coordination entre les départements, la planification selon la méthode du chemin critique, la recherche incessante des perfectionnements et le contrôle de qualité se révèlent aujourd'hui de plus en plus indispensables aux grands systèmes d'enseignement à distance. L a comparaison avec la chaîne de fabrication d'une usine prend tout son sens lorsqu'en visitant une université spécialisée dans l'enseignement à distance on découvre que les principaux bâtiments qui, sur u n campus ordinaire, abritent les amphithéâtres et les dortoirs des étudiants, sont ici les entrepôts, les imprimeries, les ateliers et les studios de radio et de télévision. L a nature complexe des systèmes d'enseignement à distance, le long délai nécessaire à l'élaboration des matériels et la division d u travail qui va de pair avec la spécificité de nombreuses composantes d u processus ainsi qu'avec la nécessité de servir u n public très nombreux font | 48 Anthony Kaye que les méthodes de planification et de gestion traditionnellement utilisées dans le secteur de l'éducation sont inadaptées aux projets d'enseignement à distance et qu'il faut élaborer pour ce secteur des modèles de gestion et de planification qui lui soient propres (Rumble, 1987 ; Villaroel, 1987). Quelques tendances actuelles Il n'est pas possible d'établir u n bilan précis de la situation de l'enseignement à distance dans le m o n d e , et ce, pour deux raisons au moins. L a première tient, on l'a déjà dit, à l'extrême diversité des systèmes (publics et privés) et des niveaux auxquels cet enseignement est dispensé, qui vont du secondaire aux études du troisième cycle, sans oublier la formation technique et professionnelle. Il en résulte que la responsabilité des services d'enseignement à distance peut fort bien, à l'intérieur m ê m e d'un pays, être partagée entre de multiples organisations, ministères et départements. L a seconde tient au caractère très fragmentaire des publications disponibles sur la situation de l'enseignement à distance dans de nombreux pays, dont le n o m bre semble inversement proportionnel à celui des étudiants concernés (Daniel, 1987). L'information publiée sur l'enseignement à distance en Union soviétique et en Chine est ainsi très rare, alors que dans ces deux pays les établissements d'enseignement à distance regroupent vraisemblablement plus de la moitié des étudiants qui, dans le m o n d e , préparent u n diplôme d'enseignement supérieur à domicile. Les p u blications dont on dispose effectivement concernent le plus souvent les nouveaux types d'établissements conçus spécifiquement pour l'enseignement à distance et ont tendance à passer sous silence les services traditionnels de cours par correspondance et d'études externes qui, pendant des décennies, ont connu un grand succès dans de nombreux pays, des États-Unis d'Amérique à l'Union soviétique. formulées ci-dessus) et des informations fournies par la base de données d u Centre international pour l'apprentissage à distance de l'Université des Nations Unies ( U N U / I C D L ) , où sont répertoriés plus de huit cents programmes d'enseignement à distance mis en place par quelque cinq cents établissements répartis à travers le m o n d e (il est regrettable, toutefois, que les établissements des pays socialistes soient aussi mal représentés). Les organismes répertoriés dans la base de données U N U / I C D L sont classés en trois catégories : Les organismes qui ont pour seule vocation d'assurer la formation à distance (type A ) . Beaucoup d'universités « ouvertes » nouvelles appartiennent à cette catégorie. Les organismes traditionnels comportant u n département d'enseignement à distance ou d'études externes (type B ) . Ces organismes mixtes sont très nombreux, notamment au niveau universitaire, dans u n certain nombre de pays (dont l'Australie, la Chine, les ÉtatsUnis, l'Inde et la Zambie). Les organismes traditionnels qui dispensent quelques cours de formation à distance, mais où il n'existe pas de département spécialisé dans ce domaine (type C ) . Les informations contenues dans les tableaux 1 et 2 sont présentées suivant ce classement. LES NOUVEAUX ÉTABLISSEMENTS L'évolution la plus remarquable au cours des dernières années est la création, dans plusieurs pays d'Asie, d'établissements d'enseignement à distance d'un type nouveau qui s'adressent à u n très grand nombre d'étudiants. L'Université centrale par la radio et la télévision, qui a été fondée en Chine en 1979 pour appuyer et coordonner l'enseignement dispensé par les universités des ondes provinciales, compte aujourd'hui plus de 600 000 étudiants (voir l'étude de Zhao Yuhui dans la prochaine livraison de Perspectives). E n Thaïlande, l'Université o u Les quelques généralisations qui suivent s'ins- verte Sukhothai Thammirat, fondée en 1978, pirent des dernières publications (qui doivent admettait ses premiers étudiants deux ans plus être interprétées en tenant compte des réserves | tard et compte en accueillir 500000 d'ici L'enseignement à distance : un état de la question 49 à 1990 (Srisa-an, 1984). E n Indonésie, l'Uni- ments d'enseignement à distance ont été mis en versitas Terbuka, créée en 1984, a reçu plus place pendant les années 1970 au Canada (dont de 250 000 demandes d'inscription à ses pre- la Télé-Université au Québec, l'Université miers cours et a p u accepter 60 000 étudiants Athabasca en Alberta et l'Open Learning Instil'année de son ouverture (voir l'étude de Setijadi tute en Colombie britannique). Plus récemment, dans la prochaine livraison de Perspectives). toutefois, l'effort a surtout porté sur le dévelopL'Université des ondes, créée au Japon en 1985, pement des services de cours par corresponoffre u n certain nombre de programmes litté- dance et d'études externes fournis par les étaraires et associe plusieurs formules : télévision, blissements traditionnels : d'une part, parce que cours par correspondance et séances dans des la crise économique obligeait à trouver de noucentres d'études. L'Université par correspon- veaux marchés ; d'autre part, parce que les dance de Corée du Sud, fondée en 1982, compte adultes étaient nombreux à manifester u n intéenviron 250 000 étudiants inscrits dans les dif- rêt accru pour les études à temps partiel et le férents programmes proposés dans treize d o - recyclage. A u x États-Unis d'Amérique, quelque maines différents. E n Inde, l'Université ouverte soixante-dix universités traditionnelles dispennationale Indira-Gandhi ( I G N O U ) a été créée sent des cours de formation à distance à environ en 1985 pour servir de base à u n système na- 150 000 étudiants au total (Markowitz, 1983). tional d'enseignement à distance et coordonner E n Europe, après la création de l'Open Univerles activités des nombreuses universités où exis- sity en Grande-Bretagne, de l'Universidad N a tent des départements d'enseignement par cor- cional de Educación a Distancia en Espagne respondance ainsi que celles des nouvelles uni- en 1970 et de la Fernuniversität en République versités ouvertes d'État. Il y a tout lieu de penser fédérale d'Allemagne en 1974, seul u n petit que P I G N O U accueillera un très grand nombre nombre d'établissements a été créé récemment, d'étudiants dans les prochaines années. dont l'Open Universiteit aux Pays-Bas, qui a Ces nouveaux projets de grande envergure commencé à fonctionner en 1984, et l'Open s'expliquent par de puissantes motivations poli- College au Royaume-Uni, qui prépare actueltiques liées à la nécessité de mettre en place lement toute une g a m m e de cours et de prorapidement des services d'enseignement ren- grammes d'enseignement à distance axés essentables à l'intention d'un très large public. Leur tiellement sur la formation professionnelle. raison d'être économique est analysée dans l'article de Greville Rumble figurant dans la préLA CLIENTÈLE DE L'ENSEIGNEMENT sente livraison. A DISTANCE Hors de la région Asie, l'enseignement à distance n'a pas évolué avec autant de dynamisme. Les établissements existant en Australie, Soulignons de nouveau que la diversité des en Nouvelle-Zélande et dans de nombreux pays services d'enseignement à distance rend hasard'Afrique continuent à accueillir u n nombre deuse toute généralisation concernant les caracimportant d'étudiants non intégrés au système téristiques des étudiants. D e nombreux orgatraditionnel. Après lafloraisond'établissements nismes d'enseignement à distance, notamment qu'a connue l'Amérique latine dans les an- certains des plus importants (en Union soviénées 1970 (entre autres, la création de l'Uni- tique et en Chine, par exemple), ont une clienversidad Nacional Abierta au Venezuela et tèle de jeunes adultes semblable à celle des de l'Universidad Nacional de Educación a universités traditionnelles. D'autres (parmi lesDistancia au Costa Rica), aucun grand projet quels nombre d'universités « ouvertes » et de nouveau n'est à signaler, à l'exception de programmes par correspondance « mixtes ») l'Universidad Abierta y a Distancia prévue en attirent souvent des étudiants plus âgés qui ont, Colombie au début des années 1980. E n A m é - en moyenne, un peu plus de trente ans. U n e rique du Nord, u n certain nombre d'établisse- minorité de programmes (environ 10 % selon 50 Anthony Kaye les données de la base U N U / I C D L ) s'adressent aux enfants qui, pour des raisons diverses, sont dans l'impossibilité de suivre une scolarité traditionnelle (c'est le cas de l'École par correspondance de Sydney, en Australie, et de certains des cours offerts par le Centre national d'enseignement à distance, en France). Selon les données de l ' U N U / I C D L , la répartition des programmes d'enseignement à distance par niveau d'études s'établit c o m m e suit : Niveau primaire (enfants et adultes), 7 %. Niveau secondaire (enfants et adultes), 25 %. Niveau universitaire, premier et deuxième cycle, 20 %. Niveau universitaire, troisième cycle, 9 %. Niveau postsecondaire (perfectionnement), posée en plus grande proportion d'étudiants indépendants et fortement motivés que la clientèle des établissements traditionnels. Cette observation vaut surtout pour les étudiants adultes qui font des études à temps partiel tout en assumant leurs responsabilités professionnelles et familiales (voir à ce sujet l'étude de cas d'Ismail dans le prochain dossier de Perspectives). MOYENS ET MÉTHODES D'ENSEIGNEMENT C o m m e nous l'avons déjà dit, Yimprimé est le principal support de la majorité des programmes 12 % . d'enseignement à distance, ce que confirment Formation permanente des adultes, 27 %. les données d u tableau 1 ci-dessous, emprunTous ceux qui affirment avec optimisme, mais tées à la base de données de l ' U N U / I C D L . souvent sans grand réalisme, que les pratiques La R T V U chinoise elle-même, qui a tradide l'enseignement à distance reposent sur des tionnellement privilégié la télévision, envisage principes pédagogiques c o m m u n s ( c o m m e l'au- de recourir davantage aux matériels imprimés tonomie de l'apprenant adulte et l'application diffusés par correspondance. de principes « andragogiques » lors de la concepLa lecture du tableau 1 fait toutefois appation des cours) feraient bien de songer à la raître quelques caractéristiques intéressantes. grande variété des programmes offerts et, par- E n premier lieu, seule une minorité de protant, à la diversité liée à l'âge, aux motivations grammes (9 %) reposent exclusivement sur et à la formation des étudiants auxquels ils l'imprimé, ce qui traduit une évolution impors'adressent. La seule hypothèse que l'on puisse tante par rapport au m o d e d'études traditionraisonnablement formuler à propos d'une nel, la correspondance, qui était encore si grande partie de la clientèle de l'enseignement répandu il y a vingt ans. E n deuxième lieu, le à distance est que celle-ci est sans doute c o m - support le plus populaire après l'imprimé est, T A B L E A U I. Supports utilisés dans les programmes d'enseignement à distance Nombre de programmes d'enseignement à distance utilisant : Type d'établissement" A (n = 317) B (n = 291) C (n = 231) Imprimé seul Imprimé + autre Radio + autre TV 20 297 265 80 60 113 35 201 26 31 143 110 18% 15% 26 30 -t- autre Audio + autre Vidéo + autre Jeux d'auxiliaires pédagogiques 64 59 56 63 47 41 21% 18% Total % (n = 839) 9% 9i% 44% T y p e A : établissements consacrés à l'enseignement à distance ; type B : établissements traditionnels où il existe des départements spécialisés dans l'enseignement à distance ; type C : établissements traditionnels o ù les programmes d'enseignement à distance ne relèvent pas d ' u n département spécialisé. 51 L'enseignement à distance : u n état de la question T A B L E A U 2. — Infrastructures disponibles pour l'organisation de rencontres de groupes dans le cadre des programmes d'enseignement à distance N o m b r e de programmes d'enseignement à distance disposant de : Type d'établissement0 services régionaux centres d'études établissement avec internat A (317 programmes) B (291 programmes) C (231 programmes) 85 79 44 "3 104 55 53 92 50 Total % (839 programmes) 25 32 23 a. T y p e A : établissements consacrés à l'enseignement à distance ; type B : établissements traditionnels où il existe des départements spécialisés dans l'enseignement à distance ; type C : établissements traditionnels où les programmes d'enseignement à distance ne relèvent pas d'un département spécialisé. qui font appel à l'informatique (pour une vue d'ensemble de certaines de ces technologies et et l'intérêt qu'elles présentent pour l'enseignement à distance, voir Ruggles et al., 1982 ; Bates, 1984 ; Bacsich et al., 1986). Dans le cas précis de l'enseignement à distance, les domaines où l'application de techniques informatisées peut avoir des effets importants sont au nombre de trois. L e premier est celui de la production des matériels d'enseignement : l'informatique a révolutionné l'édition en permettant d'accélérer considérablement la production et de fabriquer des matériels imprimés de grande qualité sans que les coûts augmentent pour autant. Ainsi que le montre l'étude consacrée à l'Universitas Terbuka (qui paraîtra dans la prochaine livraison de Perspectives), les pays développés n'ont pas le m o n o pole de cette technologie. L'Universitas Terbuka fabrique ses matériels imprimés à l'aide de micro-ordinateurs et d'imprimantes laser, ce qui lui permet d'éliminer les coûts de c o m p o sition et de réduire sensiblement les délais de production. L'utilisation de l'électronique pour la préparation et le stockage des textes de LES N O U V E L L E S T E C H N O L O G I E S l'enseignement à distance présente naturelleET L ' E N S E I G N E M E N T A D I S T A N C E ment l'avantage important d'en permettre une révision et une actualisation plus rapide et plus Si, au cours des années 1970, la télévision simple. avait fait son apparition dans de nombreux sysLa deuxième application importante des tèmes d'enseignement à distance, elle cède au- techniques informatiques concerne le stockage jourd'hui la place aux nouvelles technologies et la recherche rapide de l'information, que de loin, la modeste cassette audio (qui apparaît dans 44 % des programmes). E n troisième lieu, une proportion importante de programmes utilisent des moyens relativement coûteux : la télévision (15 %), les vidéocassettes (21 %) et les jeux de matériel pour travaux pratiques (18 %). Si l'enseignement à distance se distingue des cours par correspondance par l'emploi intégré de divers médias, il présente une autre caractéristique fondamentale, à savoir l'existence d'une infrastructure qui permet le contact entre étudiants et tuteurs et l'organisation de rencontres de groupe, de sessions de travail avec hébergement sur place. L e tableau 2 montre dans quelle mesure les différents programmes d'enseignement à distance répertoriés dans la base de données de l ' U N U / I C D L ont recours à une organisation régionale, à des centres d'études et à des établissements avec internat. Il en ressort qu'un quart des programmes environ disposent d'une infrastructure destinée expressément aux activités de groupe. 52 Anthony Kaye celle-ci soit conservée sur vidéodisque ou dans une base de données. Dans les pays où l'accès en ligne aux bases de données s'opère facilement (c'est notamment le cas en France, o ù l'on peut consulter les bases de données vidéotex, ou en Amérique d u Nord, o ù existent des systèmes tels que CompuServe ou T h e Source), ces techniques présentent u n potentiel évident pour l'enseignement à distance. A u x États-Unis d'Amérique, par exemple, il existe déjà u n « Electronic University Network » dont le fichier électronique répertorie plus de quatre-vingts bases de données en ligne, et qui peut être utilisé dans le cadre de programmes d'études externes (Electronic University Network, 1987). Enfin, et c'est peut-être le plus intéressant, des services de communication informatisés (la télémessagerie ou la téléconférence, par exemple) peuvent être utilisés pour permettre aux étudiants, aux tuteurs et aux concepteurs des programmes de dialoguer à distance, voire pour organiser des séminaires et des débats à partir de terminaux personnels. Ces techniques sont à l'essai dans u n certain nombre d'institutions (voir, par exemple, Kaye, 1987) et les possibilités qu'elles présentent sont étudiées en détail par Henri dans u n autre article d u présent dossier. L'intégration de ces nouvelles techniques et de leurs applications aux méthodes actuelles de l'enseignement à distance ne s'opérera pas nécessairement en douceur. Les institutions qui utilisent 1' « ancienne » technique de l'imprimé depuis leur création risquent fort d'avoir beaucoup de mal à passer à l'édition électronique. Par ailleurs, la possibilité qu'auront les étudiants de consulter des bases de données en ligne pose des problèmes, potentiellement délicats, de contrôle, de propriété et d'actualisation des matériels stockés dans ces bases de données. Enfin, l'introduction de modes de c o m m u nication informatisés va modifier le rôle d u tuteur et ses fonctions, et faciliter considérablement le contact entre les étudiants et les concepteurs des programmes. Ces problèmes sont fondamentalement différents de ceux que pose l'utilisation, dans la formation à distance, de l'enseignement assisté par ordinateur ( E A O ) , dont les matériels, qu'ils soient fournis à l'étudiant sous forme de disquettes ou par accès direct à des bases de données, entrent pour l'essentiel dans la m ê m e catégorie que les autres matériels d'enseignement. Cette présentation brève et générale de l'enseignement à distance a pour objet de définir le cadre des articles plus fouillés et plus spécialisés qui composent la suite de ce dossier en deux parties. L a première série d'articles, contenue dans la présente livraison de Perspectives, est consacrée à certains des thèmes fondamentaux que nous venons d'identifier, à savoir : Les facteurs à prendre en considération pour planifier les projets d'enseignement à distance, eu égard, en particulier, à l'emploi de l'analyse de systèmes (Villarroel). Les principaux problèmes pédagogiques posés par les divers médias et méthodes d'enseignement et d'apprentissage utilisés dans la formation à distance (Dewal). Les questions de qualité et de pertinence des matériels pédagogiques utilisés dans l'enseignement à distance (Zahlan). L a possibilité qu'offrent les nouvelles technologies informatiques de renforcer, qualitativement et quantitativement, la c o m m u nication entre étudiants et entre tuteurs et étudiants dans le cadre des programmes d'enseignement à distance (Henri). U n e analyse critique des arguments économiques avancés en faveur de l'enseignement à distance, par opposition à l'enseignement traditionnel dispensé en classe ou à l'université (Rumble). C e choix particulier de thèmes repose sur la conviction que les problèmes cruciaux qu'il convient d'examiner dans ce domaine sont ceux de la qualité des matériels didactiques fournis aux étudiants, d u niveau, de la nature et de l'importance de l'interaction entre les apprenants et entre ces derniers et leurs tuteurs/ professeurs. Ces deux problèmes influent sur la conception et la planification d'ensemble des systèmes d'enseignement à distance et, au premier chef, sur la structure de leur coût. L a seconde partie d u dossier (qui paraîtra L'enseignement à distance : un ¿tat de la question dans la prochaine livraison de Perspectives) contiendra plusieurs études de cas consacrés à différents systèmes d'enseignement à distance. Ces études, qui ne prétendent pas être exhaustives, ont pour but d'illustrer la diversité des services offerts dans ce domaine selon les pays, tout en présentant le phénomène de l'enseignement à distance sous des éclairages différents. Y seront ainsi exposées les vues d'un planificateur (projet de l'Université o u verte al-Quds), d'un doyen ( C R T V U chinoise), d'un administrateur (Centre national d'enseignement à distance en France), d'un recteur d'université (l'Universitas Terbuka en Indonésie), d'un professeur de sciences de l'éducation (l'enseignement à distance en Pologne), d'un concepteur de programmes (Programme d'études externes de l'Université de Zambie) et enfin, ce qui est particulièrement intéressant, d'un étudiant {Open University britannique). L e point de vue de l'étudiant n'est en effet guère apparent dans la littérature consacrée à la formation à distance ou ne s'exprime qu'à travers les écrits de chercheurs ou de spécialistes de l'évaluation. Il faut espérer que cet article, qui servira de conclusion au dossier, contribuera à corriger le déséquilibre et permettra au lecteur d'appréhender directement les préoccupations des adultes qui prennent la décision, souvent difficile, de faire des études à distance. • Références 53 C R O P L E Y , A . ; K A H L , T . 1983. « Distance education and distance learning: some psychological consideration >. Distance education, vol. 4 , n° 1, p . 27-30. D A N I E L , J. 1987. World trends in higher distance education. Sudbury, Ontario, Laurentian University. (Miméographie.) D A N I E L , J. ; S T R O U D , M . ; T H O M P S O N , J. (dir. publ.). 1982. Learning at a distance: a world perspective. E d m o n t o n , Athabasca University/Conseil international de l'enseignement par correspondance. D I E U Z E I D E , H . 1985. « Les enjeux politiques ». D a n s : H E N R I , F . ; K A Y E , A . (dir. publ.). Le savoir à domicile : pédagogie et problématique de la formation à distance. 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L a planification des projets d'enseignement à distance Armando Villarroel L a documentation concernant les débuts de l'enseignement à distance dans les universités spécialisées d u Costa Rica, d'Espagne, d u R o y a u m e - U n i et d u Venezuela (Perry, 1977; Villarroel, 1987) fait apparaître entre ces différents cas de nombreux points c o m m u n s déjà visibles à l'époque. Ainsi, il fallait justifier la création d'institutions différentes des établissements traditionnels déjà en place dans ces pays et il était impératif, pour obtenir des crédits de fonctionnement, d'expliquer avec de solides arguments les raisons d'ordre social pour lesquelles ce type d'enseignement devait être assuré parallèlement à l'enseignement traditionnel. L'argument le plus souvent invoqué était et demeure qu'en raison de sa souplesse et de son faible coût cet enseignement permet de répondre aux besoins de groupes de population qui, à cause de l'éloignement géographique ou d'un handicap social, n'auraient pas, autrement, la possibilité d'accéder à l'éducation. Par ailleurs, aussi bien les fondateurs de ces institutions que le corps enseignant dans son ensemble s'inquiétaient évidemment de savoir c o m m e n t il fallait mettre en pratique une conception nouvelle et sans précédent. Ces deux aspects, interdépendants dès le départ, ont engagé les institutions intéressées à fournir u n effort particulier pour concevoir une planification adaptée à leurs caractéristiques propres. E n partant d u principe que les éléments précités jouent u n rôle déterminant dans la mise en œuvre des programmes d'enseignement à distance, nous essayerons d'analyser globalement leur influence et la manière dont les processus qui en résultent sont planifiés. N o u s commencerons par décrire très succinctement les caractéristiques dont il faut particulièrement tenir compte pour la planification; puis nous évoquerons l'utilisation de l'analyse systémique c o m m e instrument théorique et méthodologique de planification; enfin, compte tenu des conclusions que nous aurons tirées de ces analyses, nous étudierons les sous-systèmes qui caractérisent le mieux ces programmes et qui jouent u n rôle dans la planification. L'enseignement à distance et sa planification Avant d'examiner les principales caractéristiques des systèmes d'enseignement à distance, il nous paraît nécessaire de souligner à nouveau que ce type d'enseignement est une innovation qui, une fois adoptée, doit s'intégrer au système éducatif tout en conservant ses caractéristiques propres et en surmontant les obstacles qui pourraient s'opposer à son implantation. Cette situation ne peut manquer d'avoir des effets sur le processus général de planification. D e m ê m e , nous marquerons les différences entre l'enseignement à distance et l'enseignement traditionA r m a n d o Villarroel (Venezuela) est vice-recteur de nel, afin de clarifier les observations qui vont V Universidad Nacional Abierta du Venezuela, ancien suivre. coordonnateur des études à distance à l'Université S'agissant de l'aspect novateur de l'enseigned'État de Pennsylvanie et auteur, notamment, d'un ouvrage sur les aspects opérationnels de l'enseignement ment à distance, il est certain, c o m m e le soulignent divers auteurs (Kaye et R u m b l e , 1981 ; universitaire à distance. Perspectives, vol. XVIII, n° I, 1988 56 Armando Holmberg, 1985 ; Villarroel, 1987) qu'il y a à peine dix ans la notion et le terme m ê m e étaient pratiquement inconnus de nombreux spécialistes de l'éducation, ce qui n'est plus d u tout le cas aujourd'hui. C o m m e l'indique Holmberg (1985), l'enseignement à distance revêt des formes diverses dont la plupart sont très récentes, surtout celles qui s'adressent à u n grand nombre de personnes. Il peut être dispensé, par exemple, dans le cadre : a) d'universités indépendantes spécialisées dans l'enseignement à distance ; b) d'unités d'enseignement à distance fonctionnant à l'intérieur d'universités traditionnelles ; c) d'institutions de services qui pratiquent l'enseignement à distance pour le compte d'universités traditionnelles ; d) d'institutions publiques ou privées qui pratiquent ce type d'enseignement de façon parallèle; e) d'un effort c o m m u n à plusieurs institutions. L e caractère généralement novateur de ces programmes est u n aspect dont il faut tenir compte pour leur planification si l'on veut définir avec une relative précision les structures, les fonctions et les procédures. C o m m e avec toute innovation, lorsque l'enseignement à distance est introduit dans une institution, il faut s'attendre à une certaine instabilité, car il faut que l'organisation s'adapte à des situations dont on n'a guère l'expérience. C e phénomène s'atténue à mesure que la situation se stabilise et que l'organisation se met en place, ce qui se produit à des stades plus avancés auxquels peu d'établissements spécialisés dans l'enseignement à distance sont parvenus jusqu'à présent, bien que des progrès aient été réalisés dans cette voie. C'est pourquoi l'expérience relativement limitée de ce type d'enseignement est un paramètre important qui doit pondérer notre réflexion sur le processus de planification. Afin de définir plus clairement celles des caractéristiques de l'enseignement à distance qui jouent u n rôle dans la planification, il nous semble nécessaire de marquer sommairement la différence entre ce type d'enseignement et l'enseignement traditionnel. D'après Keegan (1980), le principal trait distinctif est la séparation physique entre les enseignants (généralement appelés « tuteurs ») et les étudiants. L ' a p - Villarroel prentissage revêt u n caractère formel en ce sens qu'on utilise des moyens techniques pour transmettre l'information, qu'on encourage la communication à double sens puisque l'étudiant peut consulter le tuteur et que l'on a largement recours à des approches industrielles pour réaliser certaines tâches éducatives, notamment la production de moyens d'enseignement. C o m p t e tenu de ce qui précède, nous étudierons quatre aspects de l'enseignement à distance qui jouent u n rôle dans sa planification. D ' a u tres auraient p u être retenus, mais nous pensons que ceux que nous avons choisis permettront de donner une idée assez complète des situations qui se présentent. UNE HAUTE EFFICACITÉ OPÉRATIONNELLE Étant donné que l'enseignement à distance suppose l'existence de divers processus interdépendants, dont l'aboutissement dépend de la réussite d'étapes antérieures elles-mêmes liées entre elles, tout ce qui concerne l'efficacité revêt une grande importance. Si l'on n'accorde pas l'attention voulue à l'efficacité opérationnelle, on ne pourra pas sortir de certaines impasses auxquelles m è n e souvent la mise en œuvre des programmes. Cette efficacité opérationnelle ne se confond évidemment pas avec la qualité intrinsèque de l'enseignement, mais nous savons tous qu'il faut réunir trois conditions de base : a) que le produit éducatif soit de bonne qualité ; b) que les infrastructures soient telles que l'on puisse atteindre les utilisateurs des produits et services éducatifs ; c) que des mécanismes de rétro-information permettent d'améliorer sensiblement la qualité de l'enseignement. Il importe particulièrement d'assurer u n haut niveau d'efficacité dans les pays où les institutions éducatives ne sont pas particulièrement modernes, étant nécessairement à l'image de la société tout entière. Avec l'introduction des programmes d'enseignement à distance dans ces systèmes éducatifs, les planificateurs doivent surmonter u n obstacle supplémentaire, essentiellement en raison de la complexité de ce L a planification des projets d'enseignement à distance m o d e d'enseignement, dont le fonctionnement comporte de nombreux points critiques et oblige ainsi à tenir compte des relations d'interdépendance entre les différents processus et à respecter des programmations dont le calendrier est assez rigide. E n ce qui concerne les niveaux d'efficacité, deux aspects nous paraissent primordiaux : l'interaction des processus et le respect des délais. Tous deux exigent des critères d'efficacité plus précis que ceux qui s'appliquent à d'autres modes d'enseignement. C'est pourquoi, pour que les opérations puissent être menées à bien, il faut définir avec précision les procédures à suivre et le seuil de tolérance au-delà duquel d'éventuels écarts ne peuvent être acceptés. 57 Les processus qui doivent être planifiés commencent sur le plan didactique par la conception des matériels d'auto-apprentissage, passent par la motivation et la formation des tuteurs, aboutissent aux étudiants qui doivent tirer parti des possibilités qui leur sont offertes et acquérir les stratégies cognitives propres à l'enseignement à distance. Tout cela implique nécessairement u n changement de mentalité ; celui-ci s'opère peu à peu, à mesure que les maîtres venus de l'enseignement traditionnel et les étudiants qui débutent dans ce système en intériorisent les mécanismes, et aussi grâce aux efforts fournis par les institutions qui dispensent ce type d'enseignement. UN M O D E DE GESTION SPÉCIFIQUE DES COMPORTEMENTS ADAPTÉS AU MODE D'ORGANISATION PROPRE A L'ENSEIGNEMENT A DISTANCE L a mise en œuvre des programmes est, nous semble-t-il, d'autant plus complexe que ceux qui y travaillent ont souvent des comportements acquis dans l'enseignement traditionnel, donc a priori peu adaptés à l'enseignement à distance. Cette situation se traduit surtout dans la façon dont on conçoit l'articulation entre le rôle d u tuteur et celui de l'étudiant ; en effet, l'enseignement à distance implique que la relation enseignant-étudiant ne doit jamais, pour des raisons qui tiennent à la philosophie du système et aux considérations économiques qui le justifient, rivaliser avec celle qui s'établit dans une salle de classe o u dans des cours par petits groupes qui s'apparentent davantage à u n « atelier » ou à u n séminaire qu'à u n véritable enseignement à distance. A u contraire, ce système suppose, avec des moyens qui sont fondamentalement ceux de l'auto-apprentissage, une relation didactique indirecte entre l'étudiant et le tuteur, ce dernier agissant c o m m e catalyseur en favorisant l'activation des aptitudes et la mise en œuvre des situations nécessaires à l'auto-apprentissage. Il importe aussi de prendre en considération la manière de gérer les institutions qui pratiquent l'enseignement à distance. Si l'on part d u principe que ces institutions ne peuvent survivre que si elles atteignent des niveaux d'efficacité appropriés, il semblerait logique, sans pour autant perdre leurs caractéristiques, d'essayer d'appliquer des méthodes de contrôle semblables à celles qui ont cours dans les entreprises industrielles, où l'efficacité est une valeur fondamentale. Toutefois, les institutions d'éducation étant ce qu'elles sont, il existe, là encore, des contradictions dont les planificateurs doivent tenir compte. Ainsi, m ê m e quand il est nécessaire, pour les raisons qui viennent d'être exposées, d'adopter u n m o d e d'organisation de type industriel, on ne peut pas oublier que les institutions d'enseignement à distance sont des entités éducatives, qu'elles ont des objectifs sociaux et que — surtout dans le cas des universités — on ne saurait les gérer sans respecter la diversité des opinions. C e principe est d'une certaine manière incompatible avec la structure verticale de l'autorité mise en place dans les entreprises, qui ont encore des modes de gestion de type hiérarchique. Dans l'organisation de l'enseignement à distance, il faut instituer u n m o d e de gestion de type participatif — c o m m e dans certaines grandes entreprises d u m o n d e 58 Armando Villarroel évidentes, une dépendance politique et des conflits d'intérêts. C'est encore u n domaine dans lequel il y a lieu de réaliser u n équilibre judicieux entre la nécessité d'utiliser des ressources complémentaires qui garantissent le développement de l'offre de services éducatifs, RELATIONS AVEC LE M O N D E EXTÉRIEUR et rapprochent les institutions de leurs utilisateurs, et le risque pour les institutions qui D e par leur nature, les programmes d'ensei- acceptent ces aides de perdre leur liberté d'acgnement à distance doivent être en relation très tion. L à encore, il s'agit d'une situation peu étroite avec le m o n d e extérieur. Cette relation courante dans les établissements d'enseigneprésente assurément des aspects positifs ; en ment traditionnels, qui se limitent généralement effet, pour être menés à bien, les programmes à une seule ville et ne disposent pas d u vaste doivent être intimement associés aux c o m m u - réseau de relations locales qui caractérisent les nautés visées. O n a v u qu'ils ont été créés à institutions spécialisées dans l'enseignement à l'intention de populations en difficulté qui, distance. Pour résumer, on peut dire des programmes dans certains cas, se trouvaient dans l'impossibilité d'accéder aux systèmes d'enseignement d'enseignement à distance qu'ils sont novatraditionnels. Puisque l'enseignement à dis- teurs et que : a) leur structure et leurs m o d a tance a été conçu c o m m e une solution différente lités de fonctionnement ne sont pas encore et une manière souple d'assurer u n service entièrement stabilisées ; b) ils sont vulnérables, éducatif, il est indispensable qu'il maintienne car ils exigent une haute efficacité, difficile à directement le contact avec les populations obtenir dans certains pays ; c) ils ont besoin, en matière d'organisation, de types de comporauxquelles il s'adresse. L a contrepartie éventuelle de ces avantages tement qui les distinguent de l'enseignement est que les systèmes d'enseignement à distance traditionnel, dont les caractéristiques ne sont sont de plus en plus souvent tributaires de cer- pas adaptées aux objectifs spécifiques de l'enseitains facteurs extérieurs. Parmi les universités gnement à distance ; d) ils exigent u n type de qui pratiquent ce type d'enseignement, les plus gestion spécialement adapté à leurs caractérisavancées assurent le contact avec les étudiants tiques ; e) ils dépendent d u m o n d e extérieur, au m o y e n d'annexés situées en des points ce qui est à la fois u n atout, car ils peuvent ainsi stratégiques et relativement proches d u lieu de étendre leur c h a m p d'action, et u n inconvérésidence des intéressés. Toutefois, à cause des nient, car ils deviennent tributaires d'autres budgets limités et de la nécessité d'élargir la instances. Cette analyse nous amène à conclure que la zone couverte par l'enseignement à distance, ces annexes (appelées centres locaux, centres planification de programmes aussi complexes associés ou centres universitaires) fonctionnent ne saurait être linéaire, car il faut tenir compte entièrement ou en partie dans le cadre d'ac- de multiples facteurs en interaction dynamique. cords ou d'arrangements conclus avec divers C'est pourquoi nous pensons que le principal organismes locaux, régionaux ou nationaux. instrument de la planification doit être l'analyse D a n s certains pays, des organismes publics ou systémique. privés subventionnent les annexes universitaires, soit directement, en prenant à leur charge les dépenses de construction et d'acquisition des immeubles ou le paiement des loyers, soit indirectement, en assurant certains services gratuitement o u à tarif réduit. Ces relations entraînent souvent, pour des raisons postindustriel — et qui garantisse et préserve l'efficacité sans modifier radicalement le type des relations qui caractérise les institutions éducatives. L a planification des projets d'enseignement à distance 59 peuvent être compris intuitivement, sans pour autant être inexacts ou ambigus. L'espace nous manque pour analyser ici la façon dont on utilise les modèles soit pour essayer des théories, soit c o m m e instruments de référence permettant de comprendre la réalité; mais nous A la lecture des écrits sur la manière d'étudier le comportement des organisations d u type de pouvons affirmer que les modèles sont des inscelles qui assurent l'enseignement à distance et, truments puissants, qui jouent u n rôle imporpar conséquent, la planification de leurs opéra- tant dans la prise de décision et dans la détermitions, on est conduit à penser que l'analyse nation des conséquences possibles des décisions. L'analyse systémique a aussi pour objet de systémique est l'instrument le mieux adapté à décrire et d'analyser le fonctionnement d'une cette tâche. E n effet, 1' « approche systémique », née organisation globale ou d'une unité plus petite, d'une conception organiciste des sciences biolo- qui se définit aussi bien intrinsèquement que giques (von Bertalanffy, 1968) et de ses dérivés dans ses relations avec l'environnement. Certes, (théorie générale des systèmes, analyse systé- dans l'étude formelle d u fonctionnement d'un mique, technologie des systèmes, cybernétique, système et des sous-systèmes qui le composent, recherche opérationnelle, théorie de l'infor- u n certain degré de simplification est nécessaire mation et de la prise de décision, etc.), c o m - si l'on veut étudier, comprendre et, bien mence par considérer les organisations c o m - entendu, modifier la réalité. Holmberg (1986) a indiqué que, dans le cas plexes c o m m e u n tout, et non pas c o m m e des particulier de la cybernétique, le processus ensembles subdivisés en parties. L e principe de l'analyse systémique est qu'il d'enseignement-apprentissage s'apparente à u n est possible de comprendre la nature et le mouvement régulateur en boucle qui serait fonctionnement des divers sous-systèmes qui analogue, par exemple, au fonctionnement d'un composent u n système donné, ainsi que les thermostat. Toute modification en u n point relations que les sous-systèmes ont entre eux de la boucle est corrigée en d'autres points. et les interactions entre le milieu et le système C'est le m ê m e processus qui intervient quand u n pilote réagit aux vents et aux courants. L a étudié (Palavicini, 1981). Qu'il s'agisse de sciences sociales ou de rétro-information immédiate dans l'enseignesciences de l'éducation, on pourrait dire, de ment programmé est u n aspect caractéristique façon générale, que, pour analyser u n système, de ce mouvement. Il est indispensable à la fois on tend à élaborer des modèles qui donnent d'anticiper la réponse à donner à l'élève et de une vision simplifiée de la réalité. Dans des programmer les mesures correctives en s'apsciences empiriques c o m m e les sciences de puyant sur une stratégie optimale. C'est pourl'éducation, cette simplification permet d'asso- quoi il est très utile de définir des algorithmes cier des données expérimentales à des symboles pour optimiser l'enseignement. A la lumière de ce qui précède, nous présenmathématiques reliés entre eux avec plus ou moins d'exactitude. Les schémas de ce type se terons brièvement une application de l'analyse présentent généralement sous la forme de m o - systémique dans une organisation complexe dèles qui font apparaître une relation de cause à d'enseignement à distance, l'Universidad Nacioeffet, directe ou indirecte, entre différentes nal Abierta ( U N A ) d u Venezuela. Il ne s'agit pas d'un exposé historique, mais seulement variables. D'après Holmberg (1986), les modèles m a - d'indications montrant, dans u n cas concret, les thématiques très précis sont difficilement appli- avantages de l'approche systémique. L e document portant création de l ' U N A d u cables à l'étude du phénomène éducatif. Il vaut mieux, dans ce domaine, avoir recours à ce Venezuela définissait les règles de l'université qu'on appelle les modèles verbaux. Ces modèles sur la base d'un modèle systémique ( C O U N A , L'analyse systémique c o m m e instrument fondamental pour la planification 6o Armando Villarroel 1977) prévoyant que l'institution fonctionnerait connue u n système composé de sous-systèmes entretenant entre eux une relation dynamique et intégrée. Il fallait donc une administration capable d'atteindre les objectifs d'un système complexe devant impérativement fonctionner avec u n haut niveau d'efficacité. Toutefois, le décalage entre la théorie et la pratique n'a pas tardé à apparaître et il a fallu opérer progressivement les ajustements nécessaires (Villarroel, 1980). Malgré certains changements radicaux, le principe des sous-systèmes interdépendants a toujours été conservé, au moins formellement. Bien que cette approche n'ait pas été utilisée à tous les stades de la création de l ' U N A , et qu'elle se soit parfois révélée peu réaliste, le seul fait qu'elle soit encore jugée utile et que cette institution s'efforce d'y avoir recours est important, car il équivaut à reconnaître tacitement son efficacité pour la gestion d'une organisation aussi complexe que celle d'un centre universitaire d'enseignement à distance. C e souci d'étudier ou d'envisager les processus de façon globale est une caractéristique de bon nombre d'institutions de ce type. D a n s les institutions les plus avancées, c o m m e l'Open University, o ù les recherches opérationnelles ont été poussées le plus loin, la planification sectorielle et l'étude des processus dans leur interdépendance sont largement répandues. Dans d'autres institutions c o m m e la Universidad Nacional de Educación a Distancia ( U N E D ) d u Costa Rica et l ' U N A d u Venezuela, il existe des « vice-rectorats » chargés de la planification, ou des services spécialisés qui s'occupent de mettre en œuvre des plans opérationnels et des projets, et d'optimiser les résultats. E n général, le processus de planification est très différent de celui des établissements d'enseignement traditionnels, où la planification est beaucoup plus générale et n'atteint jamais le degré de précision obtenu dans les institutions d'enseignement à distance. Dans la dernière partie, nous expliquerons c o m m e n t l'approche systémique peut servir à l'analyse, à la mise en pratique et au perfectionnement de quelques sous-systèmes qui existent dans l'enseignement à distance. L'étude des principaux sous-systèmes de ce type d'enseignement tels qu'ils sont décrits par Kaye et R u m b l e (1981) a montré que certains d'entre eux se retrouvaient dans d'autres formes d'enseignement. N o u s estimons toutefois qu'en ce qui concerne l'enseignement à distance les soussystèmes que sont les cours et les étudiants présentent des caractéristiques très particulières, qui les différencient nettement de ceux de l'enseignement traditionnel. Exemple d'application de l'analyse systémique à deux sous-systèmes de l'enseignement à distance L e sous-système constitué par les cours suppose la conception, la production et la diffusion des matériels pédagogiques, ce qui, à l'évidence, engendre des situations très différentes de celles qui caractérisent l'apprentissage en présence d u maître. Pour simplifier, on pourrait dire que la mise au point des cours passe par plusieurs étapes : a) concrétiser les idées des spécialistes sous forme de prototypes de cours ; b) élaborer des méthodes d'évaluation périodique permettant de préserver le caractère formateur des cours ; c) mettre au point des instruments pour évaluer les résultats des étudiants et, bien entendu, contrôler la qualité de ces instruments ; d) reproduire les prototypes de cours et les instruments d'évaluation des cours et des résultats obtenus par les étudiants; e) distribuer les matériels aux étudiants ; f) recherche des mécanismes de retour de rétro-information pour assurer Pautorégulation d u système. Faire fonctionner l'ensemble de ce soussystème de façon dynamique est une tâche extrêmement délicate et intéressante, car, nous l'avons vu, les différents processus sont interdépendants. Si l'on n'utilise pas l'analyse systémique, les risques d'échec sont assez grands. D e plus, on ne saurait mener à bien toutes ces activités de façon organisée dans u n système de recherche et de contrôle de l'information, qui La planification des projets d'enseignement à distance ne peut être efficace que si l'on a recours à l'informatique. L'autre sous-système important est celui que forment les étudiants. O n pourrait dire qu'il correspond étroitement à la nature m ê m e d u processus d'enseignement-apprentissage qui, lorsqu'il s'agit d'enseignement à distance, prend le caractère d'une relation indirecte. Les programmes de l'enseignement à distance s'adressent aux étudiants selon des modalités tout à fait différentes de celles de l'enseignement ordinaire. Dans le sous-système constitué par les étudiants, les situations qui entrent en ligne de compte sont les suivantes : a) les tuteurs ; b) l'inscription des étudiants aux cours ; c) les situations administratives et pédagogiques ; d) les examens et certificats ; e) la tenue des dossiers des étudiants. E n ce qui concerne les tuteurs, il convient de souligner que, dans l'enseignement à distance, ils doivent favoriser le processus d'apprentissage et, à cet égard, ils remplissent deux fonctions. D ' u n e part, le tuteur comble les lacunes des matériels d'auto-apprentissage; d'autre part, il est l'intermédiaire humain entre l'institution et l'étudiant. A ce titre, il peut fournir une aide tant pédagogique que personnelle, selon les besoins. Cependant, il ne remplace en aucun cas le professeur d'université, et ses relations avec l'étudiant ne sont jamais comparables à celles qui s'établissent dans une classe ou une salle de cours. Pour ce qui est de l'admission aux cours, les centres universitaires d'enseignement à distance, en raison des principes qui les animent, utilisent généralement des mécanismes très souples, m ê m e dans les sociétés où le système est assez élitiste. Cependant, l'étudiant doit s'inscrire à l'université et a besoin d'être orienté sur la façon de suivre telle ou telle filière. Les relations qui entrent dans la catégorie « situations administratives et pédagogiques » englobent les difficultés que les étudiants peuvent rencontrer à l'intérieur d u système et les consultations de caractère soit académique, c o m m e celles qui concernent les conditions requises ou les matières obligatoires, soit administratif, dans la mesure où certains problèmes 61 qui se posent à l'intérieur d u système nécessitent des interventions à différents niveaux de l'institution. L a quatrième relation concerne les examens et certificats. Il existe, notamment en Europe, des universités dont les modalités d'examen prévoient des sessions espacées. Dans les universités latino-américaines, les caractéristiques du système éducatif sont telles que l'étudiant doit passer des examens à intervalles très rapprochés et, quand la présence est requise, ces examens sont répartis sur u n territoire étendu. C e système pose des problèmes logistiques très difficiles à résoudre. L a cinquième relation a trait à la tenue des dossiers des étudiants. L à encore, il existe des points c o m m u n s avec les universités traditionnelles, bien que, dans le cas de l'enseignement à distance, les étudiants soient très dispersés géographiquement ; de m ê m e , b o n nombre d'entre eux étudient à mi-temps ou à temps partiel et progressent à leur propre rythme. Dans ces conditions, l'attribution des certificats exige des systèmes de contrôle et d'information assez complexes. Après avoir analysé deux sous-systèmes importants, il nous reste à souligner que la planification de l'enseignement à distance est un processus très complexe, qui doit tenir compte des caractéristiques d'une forme d'enseignement qui n'est pas encore entièrement stabilisée, m ê m e dans les pays où des progrès importants ont été faits et où des recherches approfondies ont été menées sur la mise en œuvre des programmes. Pour contrôler ce système et en suivre l'évolution, il faut avoir recours à des méthodes, c o m m e l'analyse systémique, qui prennent en considération toute la complexité du processus et l'interaction de ses éléments. O n pourrait dire, d'une façon générale, que l'enseignement à distance, malgré sa grande complexité, est appelé à progresser et à se perfectionner constamment. C'est une forme d'enseignement, bien distincte des autres, dont toutes les possibilités n'ont pas encore été explorées. Cependant, la valeur de ce système est reconnue par de nombreux éducateurs. Les 62 Armando Villarroel problèmes de planification que nous avons évoqués et dont on commence à prendre conscience se résoudront à mesure que le système mûrira. E n s o m m e , l'enseignement à distance est u n défi qu'il est intéressant de relever dans les pays développés, mais surtout, pour des raisons économiques, dans les pays en développement. • Références C O U N A . 1977. « Projecto de creación de la Universidad Nacional Abierta ». Caracas, C O U N A . H O L M B E R G , B . 1985. Status and trends of distance education. L u n d (Suède), Lector Publishing. . 1986. « Theoretical approaches, categories and methods described as educational models ». Hagen, Ziff Papiere 62, FernUniversitat. K A Y E , A . ; R U M B L E , G . 1981. Distance teaching for higher and adult education. Londres, Croom Helm. K E E G A N , D . J. 1980. < O n defining distance education ». Distance education, vol. I, n° 2-29. PALAVICINI, J. 1981. « A system analysis of a Mexican system: Telesecundaria ». 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Qu'elle ait été dictée par des impératifs de distance, c o m m e ce fut le cas en Australie L'enseignement à distance est u n système et au Canada, ou qu'elle procède de la décision éducatif souple qui se différencie des systèmes de l'apprenant de ne pas quitter son domicile traditionnels d'enseignement et qui, c o m m e ou son lieu de travail pour suivre u n enseignel'écrit Edgar Faure (1972), s'efforce de « redis- ment à temps plein, c o m m e cela s'est produit tribuer l'enseignement dans le temps et dans dans les pays européens, l'enseignement à l'espace », de promouvoir 1' « autodidaxie distance est demeuré u n parent pauvre jusque assistée » et d'aider l'individu à « choisir sa vers les années 1950. Il a acquis de la respectavoie plus librement dans un cadre plus souple ». bilité et a commencé à être traité sur u n pied Sur le plan pédagogique, il s'agit d' « études d'égalité avec les formes traditionnelles d'enseidiscontinues » qui nécessitent u n « dialogue gnement au début des années 1970, lorsque le didactique guidé » (Holmberg, 1981). L'édu- R o y a u m e - U n i mit sur pied la première unication à distance est une formule industrielle versité ouverte multimédias. d'enseignement (Peters, 1983), où sont mises au Vers les années 1980, les choses changèrent. premier plan rationalisation, mécanisation, pro- L'enseignement à distance était devenu majeur. duction en série, division d u travail, concen- A présent, il est considéré partout dans le tration et régulation. D e l'enseignement par m o n d e c o m m e une forme libérale et indivicorrespondance à l'éducation ouverte à dis- dualisée d'instruction, rentable et couvrant tance, l'évolution a été assez irrégulière, tant un c h a m p très étendu. Il conserve à l'apprenant toute sa liberté en l'aidant à avancer à son rythme personnel. Il favorise la justice sociale et souOnkar Singh D e w a l (Inde) est chef de la Division de tient les économies nationales en offrant des possibilités d'éducation au seuil m ê m e d u lieu l'enseignement à distance de l'Institut central de technologie éducative (Neta Delhi). Ancien directeur de de travail. l' Open School indienne, dont il est le fondateur. Membre A u cours des vingt dernières années, il s'est de divers comités et commissions à l'échelon national, en créé u n certain nombre d'institutions indépenparticulier la National Task Force on Broadcasting for dantes d'enseignement à distance. D e s études Education (Mission nationale sur la radiodiffusion de cas ont été publiées par Mackenzie et al. éducative) (1080-1981) et la Commission for Teachers-I Task Force (groupe de travail I de la (1975), Perry (1976), l'Unesco (1978), Kaye et Rumble (1981), Rumble et Harry (1982) et Commission pour les enseignants) (1983-1984). Dewal (1986). C'est l'énoncé de la politique Auteur ou coauteur de cinq ouvrages, dont O p e n nationale de l'éducation d u gouvernement school India, et de nombreux articles. Vue générale Perspectives, vol. XVIII, n° I, 1988 64 Onkar Singh Devial indien (1986) qui résume le mieux la tendance : « L'avenir est à l'éducation ouverte à distance. » Il serait naïf de supposer que la seule multiplication des institutions suffit à prouver le potentiel, la créativité et la vitalité et l'enseignement à distance. C e n'est pas là-dessus que sa crédibilité repose, mais plutôt sur l'efficacité et la rentabilité d u système. L a première se mesure à l'aune des objectifs définis et la seconde à l'économie de coût et de temps. U n examen minutieux de la pédagogie de l'enseignement à distance nous révèle ses atouts et ses faiblesses, il nous invite à faire en sorte que le système « fasse davantage et mieux », c o m m e disait C o o m b s . C'est d'abord en prenant conscience des problèmes pédagogiques que l'on peut espérer accroître l'efficacité et la rentabilité d u système. Et comment ne pas commencer l'analyse des questions pédagogiques par une interrogation assez brutale : y a-t-il une différence entre la pédagogie/andragogie de l'enseignement direct, face à face, et celle de l'enseignement à distance? L a réponse est catégoriquement affirmative. Quatre éléments : l'apprenant, l'enseignant, le contenu et le contexte, forment toujours la chaîne et la trame d u tissu éducatif, que l'acte pédagogique opère en direct ou à distance. C e qui distingue ces deux modes, c'est que des fonctions de ces éléments essentiels y sont différentes et que leur interaction suit des schémas différents. Dans l'enseignement direct, l'enseignant est le pivot d u système et occupe la position centrale. Il est le protagoniste d u processus de transmission d u savoir. Dans l'enseignement à distance, le matériel didactique — avec ou sans rencontres personnelles — prend le pas sur l'enseignant, qui ne joue qu'un rôle indirect o u intermédiaire. Dans l'enseignement direct, en particulier dans le système formel, l'apprenant entre à u n point donné d'un processus dont il parcourt les étapes successives. Tout son temps est consacré à l'étude et il peut entrer dans le m o n d e d u travail à u n point terminal donné. Dans l'enseignement à distance, l'apprenant a souvent la liberté de choisir des points d'entrée multiples, de suivre ou non le processus ; il est déjà dans le m o n d e d u travail ou prêt à y entrer à tout m o m e n t . E n outre, il est plus autonome (Moore, 1977) et a des motivations intrinsèques : a m é lioration de son éducation parfois, amélioration des possibilités d'emploi le plus souvent. Ces facteurs posent d'importants problèmes d'ordre pédagogique, qui ont trait aux modalités de transmission d u contenu, à sa structuration, aux types de support utilisés, aux solutions apportées à la question des besoins individuels et des motivations personnelles, enfin au rôle de l'évaluation. C e sont ces problèmes que nous examinons ci-après. L a transmission d u savoir L'éducation est une opération délibérée qui vise, dans u n environnement donné, à aider l'apprenant à réagir devant le savoir à acquérir et à se l'approprier en vue de l'utiliser ultérieurement. Dans l'enseignement direct, l'essentiel de l'opération repose en grande partie sur l'enseignant. Celui-ci peut se servir des médias à l'appui de son discours ou inciter l'apprenant à utiliser une bibliothèque ou d'autres ressources à titre complémentaire. Il n'en demeure pas moins la figure centrale, le pivot d u système. E n revanche, dans l'enseignement à distance, ce n'est pas l'enseignant en tant que tel, mais le matériel didactique qui est le principal m o d e de transmission d u savoir. Si le matériel didactique est au cœur d u système d'enseignement à distance, d'autres éléments, c o m m e les programmes de rencontres et les centres de documentation et d'étude, servent également à renforcer et à consolider l'apprentissage. LE MATÉRIEL DIDACTIQUE Far matériel didactique, on entend à la fois le matériel imprimé, le matériel audiovisuel, les émissions de radio et de télévision, les logiciels et le matériel d'expérimentation. L e matériel didactique forme l'essentiel d u système d'ensei- Problèmes pédagogiques de l'enseignement à distance 65 gnement à distance. L a plupart des institutions d'études, qui donnent une vue globale des dispensant ce m o d e d'enseignement ne four- cours en les situant dans leur cadre, ainsi que nissent que des textes imprimés. Certaines y des renseignements sur les examens, les proajoutent des cassettes sonores, ou encore des grammes de rencontres, les travaux personnels vidéocassettes, des diapositives et des néces- requis des élèves, etc. Les livrets établis par saires d'expérimentation. D'autres ( c o m m e l'École ouverte (Inde) et la Deakin University l'Open University d u Royaume-Uni) pro- (Australie) fournissent des indications sur la duisent des ensembles didactiques intégrés manière d'apprendre, de prendre des notes, comportant livres et autres matériels imprimés, de faire des résumés et de rédiger les exercices. émissions de télévision, de radio et nécessaires C e genre de guide met l'élève dans une certaine d'expérimentation. disposition intellectuelle et, en lui exposant L e matériel didactique imprimé comprend clairement ce qui est attendu de lui, le rend des textes ou des livres inscrits au programme plus apte à tirer tout le bénéfice qu'il peut d u et/ou des leçons ou modules pour l'auto- nouveau système. apprentissage. Les institutions qui ont adopté U n matériel audiovisuel et des nécessaires une politique d'admission libre produisent d'expérimentation sont aussi utilisés c o m m e aussi des cours passerelles et des cours de base matériels pédagogiques autonomes ou c o m m e ou de mise à niveau. Ces matériels ont pour auxiliaires d u matériel imprimé ; ils jouent u n objet d'enseigner des concepts de base qui per- rôle d'enrichissement ou d'appoint. L'utilisamettent aux élèves de comprendre parfaitement tion de matériel non imprimé et d'autres techle cours ou le matériel didactique principal. nologies de la communication n'est pas simpleIl y a une différence entre les enseignements ment une marotte ; les contenus de ces divers passerelles et les enseignements de mise à moyens, utilisés de manière appropriée, se niveau. Les seconds portent principalement renforcent mutuellement et, ensemble, aident sur les concepts de base, alors que les premiers l'apprenant à atteindre ses objectifs. Il n'y a pas dispensent à l'élève les capacités essentielles (et beaucoup d'institutions qui peuvent se perpas nécessairement les seuls concepts de base) mettre d'adopter cette approche, car la proqui l'aideront à faire la soudure entre le cours duction de matériels didactiques multimédias suivi et le cours visé. Outre ces deux types de est une entreprise complexe. Beaucoup se cours, certaines institutions confectionnent des contentent, et cela n'est pas surprenant, d'une tests de comportement qui sont donnés à simple combinaison de textes imprimés et de l'entrée pour mesurer les connaissances de cassettes sonores, par exemple. Très peu d'insl'élève et déterminer le type particulier de sou- titutions utilisent d'autres médias (émissions de tien à lui apporter. Pour que les enseignements radio et de télévision, vidéocassettes ou ordinapasserelles ou de base soient utiles, il est capital teurs). Les avantages et les faiblesses de ces que les institutions déterminent au préalable les divers moyens seront étudiés u n peu plus loin. connaissances et les capacités des élèves. Four Pour Holmberg (1981), par exemple, insister ce faire, on administre aux candidats des tests sur la participation des étudiants aux sessions de comportement en vue d'évaluer leurs capa- organisées en tel ou tel lieu et à telle ou telle cités au départ. Il faut ensuite leur en c o m m u - date n'est pas conforme à l'esprit libéral et niquer les résultats afin qu'ils sachent s'ils ouvert de l'enseignement à distance, qui offre à doivent commencer par suivre u n cours de base. l'élève la liberté fondamentale d'apprendre selon C'est une opération très importante, mais qui son calendrier personnel et à son propre rythme. prend beaucoup de temps et pose le difficile O n fait valoir de plus que, si tout le soin voulu a problème de l'administration des tests à dis- été apporté à la conception des matériels tance. Outre les cours principaux et les cours didactiques, presque tout le contenu peut être de base, les établissements produisent égale- enseigné sans qu'il soit nécessaire d'organiser ment des livrets d'accompagnement ou guides des rencontres. 66 Onkar Singh Dewal doivent être consacrés à la résolution de problèmes individuels ou à d u travail dirigé. L e reste serait alors consacré à l'acquisition des concepts de base. E n effet, la moindre lacune dans la compréhension des concepts de base chez les élèves aggrave par la suite les insuffisances de leur performance. Il est préférable d'échelonner les rencontres sur plusieurs périodes de l'année. L a première session, par exemple, pourrait être de brève durée et consacrée à familiariser les élèves avec cette nouvelle forme d'apprentissage qu'est l'enseignement à distance. Il faut leur faire prendre conscience de leur rôle, de leurs nouvelles responsabilités et de ce que l'institution attend d'eux. L a deuxième session pourrait être organisée lorsque plus de cinquante pour cent des envois de cours sont parvenus aux élèves. Elle devrait être de plus longue durée (et parfois se passer en internat). Les travaux dirigés et l'enseignement des concepts de base devraient en être les deux axes principaux. U n e troisième LES RENCONTRES session pourrait être organisée juste avant l'évaluationfinaleet servir à aider les élèves à réviser L e deuxième m o d e principal de transmission les connaissances acquises et à leur montrer du savoir est l'organisation de rencontres. c o m m e n t s'articulent les divers concepts qu'ils Il existe deux courants de pensée concernant ont appris. l'importance et l'utilité de ces rencontres. Certains spécialistes de l'enseignement à disLES CENTRES DE DOCUMENTATION tance jugent qu'elles portent atteinte à la liberté ET D'ÉTUDE des élèves. Les deux thèses sont également convaincantes, mais il ne serait pas avisé de se rallier à Les centres d'étude constituent le troisième une position plutôt qu'à une autre. L'approche m o d e de transmission d u savoir. Selon les resla plus efficace se trouve dans le « juste dosage » sources financières dont elles disposent, les d'interaction et d'autonomie (Daniel et M a r - institutions d'enseignement à distance créent quis, 1979). Pour m a part, je considère que les des centres de documentation ou des centres de rencontres doivent être organisées dans une documentation et d'étude. Les premiers offrent triple perspective : enseigner des concepts qui seulement des matériels d'apprentissage, alors n'ont pas été traités de manière adéquate dans que les seconds organisent aussi des travaux le matériel didactique ; inculquer des savoir- dirigés particuliers ou en groupe et offrent des faire ; développer la sociabilité. U n e institution services d'orientation. Je préconiserais plutôt la qui organise des sessions uniquement dans le création, par les institutions d'enseignement à dessein d'enseigner ce qui a déjà été enseigné à distance, de centres de documentation et l'aide d u matériel didactique ne fait aucun cas d'étude qui pourraient servir à la fois de du temps et de l'argent des apprenants. centres d'information, de documentation, de E n ce qui concerne l'emploi d u temps des direction d'études et d'orientation. Dans certains pays en développement, les sessions, il m e semble que soixante pour cent U n autre courant de pensée accorde beaucoup d'importance à ces sessions. Il affirme que de nombreuses tâches et techniques pédagogiques ne peuvent avoir pour seuls supports des matériels didactiques. Sewart (1981) soutient que, quel qu'en soit le degré d'excellence, le matériel ne peut accomplir la totalité des tâches d'enseignement. L e département des études extérieures de l'Université de N e w England est un exemple d'institution qui attache de l'importance aux rencontres (residential school) et rend la participation des élèves obligatoire. Il serait insensé de croire que le matériel didactique à lui seul permet d'atteindre tous les objectifs éducatifs — cognitifs, affectifs et psychomoteurs. Lorsqu'il s'agit de travaux pratiques ou d u développement des capacités sociales, le matériel doit être complété par des rencontres qui mettent les élèves en contact direct avec les moniteurs. Problèmes pédagogiques de l'enseignement à distance centres de documentation et d'étude sont ou inexistants, ou totalement inopérants. U s ne se préoccupent guère de direction d'études ni d'orientation. M ê m e des fonctions essentielles c o m m e l'information ou la documentation laissent à désirer. Coltman (1983) soutient avec force que la vie d'un individu qui apprend à distance peut être entrecoupée de périodes de crise. D e s conseils fournis au m o m e n t opportun peuvent lui être d'une aide immense. Il a besoin d'être orienté avant l'inscription, une fois qu'il a reçu les cours et juste avant les examens. Les centres d'étude devraient se doter de conseillers c o m p é tents pour guider les élèves et réduire au m i n i m u m les taux d'abandon. Les centres d'étude présentent deux avantages moins tangibles : ils créent chez les élèves un sentiment d'appartenance à u n milieu, qui atténue leur solitude ; ils favorisent l'émulation et développent effectivement les capacités d'expression. Structuration et présentation du contenu de l'enseignement A regarder, m ê m e rapidement, le matériel didactique, notamment le matériel imprimé, on constate que les institutions consacrent plus ou moins de temps, d'énergie et de compétences à structurer et à organiser le contenu de l'enseignement. Certaines, c o m m e l'Open University du R o y a u m e - U n i , produisent d'excellents m a tériels didactiques conçus par des équipes pédagogiques ; d'autres rédigent des notes pour la classe ou des manuels traditionnels. Certaines institutions font appel aux compétences de rédacteurs, de technologues de l'éducation ou de concepteurs de systèmes pédagogiques. Certaines se contentent des services d'une seule personne pour la rédaction des textes. L a structuration d u contenu de l'enseignement à distance est une tâche professionnelle difficile. L'opération doit être menée de m a nière à communiquer l'idée de totalité, d'établissement de relations et de correspondance. 67 E n présentant les structures, Piaget (1968) met l'accent sur la relation d'ordre et Bruner (1964) sur le m o d e (actif, iconique, symbolique), l'économie (volume optimal d'information présenté et retenu dans l'esprit pour la compréhension) et le pouvoir (possibilité de créer des structures nouvelles ou des relations nouvelles). Les structures sont des agglomérations de faits, de concepts et d'idées que le rédacteur veut présenter à l'élève à u n m o m e n t donné en vue d'obtenir une assimilation efficace. U n des points importants à ne pas perdre de vue est qu'il faut présenter les concepts dans une relation à la fois latérale et verticale en vue de créer des réseaux de concepts surordonnés et subordonnés. L a meilleure manière de structurer le contenu, c'est de décomposer la tâche d'enseignement en faits, concepts et idées puis de dresser une sorte de carte d u contenu, dans laquelle les concepts surordonnés engloberaient les concepts subordonnés. Cet ensemble hiérarchique de connaissances doit présenter en premier lieu les concepts de base, qui ont pour caractéristique de simplifier l'information existante et de produire une information nouvelle (Bruner, 1969). Ensuite seulement on introduira les détails. L e matériel élaboré selon les principes de la différenciation progressive, d u renforcement et de l'harmonisation intégrante (Ausubel, 1968) favorise l'assimilation et la mémorisation rapide. D'après m o n expérience personnelle, la présence dans l'équipe pédagogique de concepteurs spécialisés en ingénierie pédagogique et de technologues de l'éducation se traduit toujours par u n effort plus grand de structuration. Ces spécialistes s'attachent non seulement à présenter le contenu de l'enseignement de m a nière plus claire, mais aussi à lui donner u n caractère plus interactif et plus assimilable. Si les structures concernent le contenu luim ê m e , la progression ou séquentiation a trait à l'organisation et à l'agencement de ce contenu. Il est aisé de dire que les choses simples, concrètes et connues doivent être enseignées en premier lieu et les choses complexes, abstraites et inconnues ensuite, mais cela n'est pas d'une grande utilité. A chaque type de 68 Orikar Singh Dewal tâche son type de progression (Gagne, 1977). Les faits ont besoin d'être sans cesse répétés et révisés, les concepts s'enseignent à l'aide d'exemples o u d'analogies, les contrastes et les règles par induction. L'élaboration d u matériel didactique doit être précédée d'un débat approfondi entre spécialistes de la manière enseignée (contenu), technologues de l'éducation et rédacteurs sur le dosage de chaque leçon, les aspects d u contenu à introduire au début, l'ordre de présentation et la progression des concepts. D e nombreux matériels d'enseignement à distance commencent par des objectifs et des préorganisateurs et se terminent par u n résumé ou u n postorganisateur. L e reste est composé de questions insérées dans le texte. U n bon matériel didactique doit débuter par l'énoncé des objectifs, suivi de préorganisateurs. Ces derniers doivent remplir deux fonctions : relier la leçon présentée à la précédente et introduire brièvement les concepts de base contenus dans la leçon. Les questions doivent être dispersées tout au long du texte. Elles doivent offrir à l'élève la possibilité de s'autoévaluer et de développer ses capacités d'organisation, l'objectif étant d'aider à consolider les connaissances acquises. U n e m a nière novatrice d'utiliser ces questions consiste à leur attribuer des fonctions de diagnostic. Elles peuvent être bâties de manière à vérifier la compréhension de concepts qui pourraient être importants. Si les élèves ne maîtrisent pas les concepts de base, on peut ajouter des sections de rattrapage à des points de branchement précis. U n e telle structure peut être utilisée pour u n groupe ayant des comportements d'entrée variables. Certains concepteurs s'efforcent de faire en sorte que le matériel d'étude ne soit pas seulement truffé de faits, mais qu'il soit également riche en concepts. Pour ce faire, il faut créer des réseaux de concepts apparentés et établir des relations entre eux. L'une des manières d'assurer la maîtrise des concepts consiste à introduire des cartes de concepts dans le matériel didactique. O n peut également demander aux élèves d'élaborer eux-mêmes des grilles schématisées de concepts à partir des exposés verbaux donnés. O n a observé que les élèves qui possèdent bien les faits sont généralement prisonniers des programmes, alors que ceux qui ont assimilé les concepts ne se laissent pas enfermer dans ses limites. E n outre, les premiers ont une approche superficielle et les autres une approche plus profonde (Parlett, 1970). Si les institutions veulent promouvoir une compréhension en profondeur, il est capital qu'elles optent délibérément pour une stratégie de présentation qui aide les élèves à juger des problèmes par euxm ê m e s , d'un point de vue critique et analytique. Ces élèves adoptent ce qu'Ashby (1973) appelle une approche « divergente », créatrice ; ce sont des « aventuriers raisonnables » (Heath, 1964), qui allient la croyance au scepticisme, à la fois créateurs et critiques. D e s recherches ont été menées pour déterminer les caractéristiques de l'apprentissage profond et de l'apprentissage superficiel (Martin et Saljo, 1976 ; Pask et Scott, 1972 ; Svenson, 1977), mais elles n'ont pas tenté de présenter les matériels de telle façon qu'ils développent les capacités d'apprentissage en profondeur. L e langage et la présentation sont également importants. Il est évident que dans le matériel didactique il faut utiliser u n langage simple, direct et rationnel. Dans la mesure d u possible, le rédacteur doit adopter u n vocabulaire courant et des expressions simples. Il est préférable d'éviter la voix passive, les doubles négations et les tournures compliquées (Dewal, 1981). L e style et la présentation doivent bien évid e m m e n t être chaleureux, personnels et familiers. D e l'humour, de l'esprit, des dessins h u moristiques émaillant le matériel didactique donnent à celui-ci une coloration nouvelle. Les graphiques et autres illustrations ont leur i m portance aussi. Ils rompent la monotonie de la page imprimée, apportent de la variété, c o m plètent par une image concrète l'exposé verbal abstrait et simplifient une information c o m plexe. Certes, les graphiques ont une valeur pédagogique, mais leur insertion dans le matériel didactique est coûteuse et prend d u temps ; lorsque les techniques d'impression sont pri- Problèmes pédagogiques de l'enseignement à distance 69 tendances (Bates, 1984) dans le m o n d e de la technologie de la communication : existence de toute une panoplie de médias, diversité accrue des moyens d'accès aux nouveaux médias, baisse des coûts et apparition de nouveaux médias que les élèves maîtrisent davantage. S'il est vrai qu'il y a u n foisonnement de matériels sur le marché, dans la pratique l'utilisation effective des technologies est faible et marginale. Seules quelques institutions font u n usage important et appréciable des nouveaux médias. Certaines universités australiennes utilisent des cassettes sonores c o m m e complément de l'imprimé et, à l'Open University d u R o y a u m e - U n i , les supports didactiques c o m prennent la radio, les cassettes sonores, les émissions de télévision et les vidéocassettes. L ' O p e n University Allama Iqbal d'Islamabad diffuse ses programmes d'éducation des adultes à la télévision. Certaines institutions d'Europe, du Canada et des États-Unis d'Amérique utilisent des vidéocassettes parallèlement à l'imprimé. Plusieurs raisons expliquent que les technologies de la communication soient peu utilisées, et de manière marginale. Premièrement, les technologies elles-mêmes sont disponibles, mais les programmes manquent. Ceux qui distribuent les ressources allouent peut-être des crédits pour l'achat de l'équipement, mais pas pour recruter le personnel nécessaire pour produire les programmes. Deuxièmement, m ê m e lorsque le personnel existe, les programmes produits ne sont pas toujours de très grande qualité. Faute de participer pleinement à la stratégie éducative, les producteurs de médias accordent souvent le primat aux techniques et aux formats de production, alors que les spécialistes des L'utilisation des médias contenus préfèrent mettre l'accent sur la m a tière à enseigner. Il y a souvent malentendu enLes cinquante dernières années ont connu une tre eux, si bien que les programmes sont c o m m e formidable explosion des technologies de la une pilule dont l'enrobage l'emporterait sur la communication. L'enseignement à distance ne substance active. Troisièmement, l'entretien d u pouvait rester à l'écart de cet impératif techno- matériel laisse beaucoup à désirer et les délais logique. Il s'y est donc développé u n intérêt de réparation des magnétophones et magnétocroissant et une certaine fascination pour l'uti- scopes tombés en panne sont anormalement lisation des moyens de communication moder- longs. D'après notre expérience, il en était ainsi nes. O n peut discerner actuellement quatre en 1975-1976, en Inde, à l'exception du Satellite mitives et les ressources rares, elle exige des ressources supplémentaires et pose toute une série de problèmes logistiques. C'est pour cette raison que, dans beaucoup de pays en développ e m e n t le matériel d'enseignement à distance ne contient pas ou guère de graphiques. Sans entrer dans le détail, précisons qu'il faut se poser quelques questions préalables : Les graphiques sont-ils u n élément capital ? Vont-ils appuyer et renforcer l'information verbale ? Peuvent-ils présenter le message verbal avec plus d'économie et de force ? L'illustration a-t-elle le format approprié et a-t-elle été disposée correctement sur la page? Joue-t-elle u n rôle actif ou passif ? (Une illustration est active si elle aide l'apprenant à traiter l'information qu'elle contient.) L a mise en pages générale d'un texte pédagogique peut contribuer à le rendre attrayant, et ainsi à améliorer sa lisibilité et à soutenir l'intérêt de l'apprenant. U n e maquette de couverture attrayante retient l'attention. D e m ê m e , une bonne mise en pages aide à mieux traiter l'information. Imaginez des pages et des pages de textes imprimées avec des caractères de corps et de type uniformes, mal aérées, avec de petites marges. Imaginez, au contraire, des pages imprimées en plusieurs couleurs, avec des caractères de corps et de type différents, où certains mots sont soulignés et où les concepts importants sont présentés à l'aide d'encadrés, avec des marges suffisantes, des schémas, illustrations et dessins humoristiques. Il est évident que ces dernières favoriseront davantage l'apprentissage. yo Orikar Singh Denial grées au matériel imprimé. E n revanche, elles ne peuvent être utilisées que pour une g a m m e limitée de thèmes et ne peuvent présenter visuellement des expériences. Les vidéocassettes leur sont supérieures. Leur c h a m p visuel et les possibilités qu'elles offrent de présenter des expériences d'apprentissage exceptionnelles sont remarquables. Elles sont plus faciles à produire que les programmes de télévision. Dans les pays développés, les élèves peuvent facilement disposer de magnétophones et de magnétoscopes, mais, dans les pays en développement, Les pays en développement vont peut-être cela est encore d u domaine de l'utopie. dans l'avenir décider d'utiliser la technologie L e téléphone peut jouer u n rôle important sur une plus grande échelle. Il faudra alors le dans l'enseignement à distance. N o u s connaisfaire en pleine connaissance de cause, en pesant sons des cas d'institutions qui s'en servent pour ses avantages et ses inconvénients. Il faudra, par organiser des téléconférences. A l'aide d'appaexemple, se demander si son utilisation est reils qui amplifient la voix, l'orateur peut ainsi c o m m o d e sur le plan administratif, viable sur atteindre plusieurs élèves à la fois. Cette le planfinancier,faisable sur le plan technique, technologie ne se rencontre guère dans les pays importante sur le plan pédagogique et acces- en développement. sible à l'élève utilisateur. Les ordinateurs jouent parfois u n rôle m a Il serait insensé d'utiliser les médias pour la jeur dans l'enseignement à distance dans les seule raison qu'ils sont disponibles. L e critère pays développés. A la différence de la radio et principal doit être n o n pas leur disponibilité de la télévision, et aussi des cassettes sonores ou leur accessibilité, mais les possibilités qu'ils ou des vidéocassettes, ils sont extrêmement offrent sur le plan didactique, leur efficacité interactifs et assurent à l'élève souplesse et aupédagogique. Certains établissements se servent tonomie quant à la matière à apprendre et à la d'émissions de radio et de télévision c o m m e cadence de l'apprentissage. appoint à l'imprimé. L'intérêt d'une telle c o m binaison est qu'elle n'est pas très coûteuse pour Besoins individuels les élèves et qu'elle peut toucher u n large p u blic. E n revanche, les messages sont éphémères et motivation et l'apprenant n'a ni le loisir ni les moyens de revenir à l'information présentée. D e plus, il Il serait injuste de dire que l'enseignement à reçoit le message de manière passive, sans qu'il distance ne prend pas en considération les y ait interactivité. Souvent, les émissions sont besoins individuels, les différences d'aptitudes diffusées à des heures peu c o m m o d e s pour les cognitives, de niveau de compréhension et de intéressés. C o m m e le support a u n caractère vitesse d'apprentissage. Bien au contraire, il éphémère et passager, les programmes radio- s'applique résolument et délibérément à en tenudiffusés ou télévisés ne peuvent souvent avoir compte, au m o y e n de rencontres personnelles qu'un caractère général excluant l'étude pous- et d'appréciations portées par les moniteurs sur sée d'une question ou d'un thème donné. le travail des élèves. L'organisation de cours O n peut encore combiner l'utilisation des de base (de mise à niveau) et l'introduction de cassettes sonores et des vidéocassettes avec le sections de diagnostic et de rattrapage dans les texte imprimé. Les cassettes sonores offrent le ensembles didactiques sont aussi des moyens de principal avantage d'être bon marché et faciles tenir compte des différences individuelles. D a n s les pays développés, le tutorat par téléà produire. Elles peuvent être facilement intéInstructional Television Experiment (SITE) dont les délais de maintenance étaient courts. Quatrièmement, quand les nouvelles technologies sont utilisées pour l'enseignement (émissions de radio ou de télévision, cassettes sonores ou vidéocassettes, ou encore ordinateurs), il est fréquent que l'enseignant utilisateur ne participe pas à la planification. Cette planification au sommet isole l'enseignant, qui perçoit les m é dias c o m m e des éléments étrangers ou des intrus. Les technologies sont alors utilisées de manière marginale. Problèmes pédagogiques de l'enseignement à distance phone et la téléconférence sont deux grands moyens de répondre aux besoins individuels. L e téléphone est utilisé de manière très efficace dans les établissements d'enseignement à distance d u second degré de Nouvelle-Zélande. Les téléconférences n'ont rien d'exceptionnel pour beaucoup d'établissements d'enseignement à distance des États-Unis d'Amérique. D a n s les pays en développement, ce sont surtout les rencontres personnelles organisées qui permettent de répondre aux besoins individuels. Des séances de travail dirigé sont spécialement organisées pour favoriser le tutorat individuel et l'établissement de rapports personnels. Souvent, les institutions écrivent aux élèves avant les sessions pour qu'ils commencent à exposer leurs problèmes particuliers. Ceux-ci sont examinés et classés pour être traités pendant la session. L a communication personnelle par la voie épistolaire est encore une autre manière d'établir u n dialogue didactique guidé. Certaines institutions répondent rapidement aux lettres des élèves, mais d'autres les traitent avec désinvolture et en font peu de cas (Dewal, 1983), ce qui décourage les élèves et ébranle leur confiance dans le système lui-même. Dans l'enseignement direct, la motivation est suscitée et soutenue par l'interaction élèvemaître en classe et à l'extérieur. Dans l'enseignement à distance, elle l'est essentiellement par le matériel didactique et les services de soutien offerts aux élèves. Des dossiers didactiques bien conçus et présentés de manière attrayante sont déjà une première démarche motivante. L'intérêt de l'élève est soutenu à l'aide de techniques appropriées de structuration et de progression. Il peut l'être aussi par des services rapides de soutien, qu'il s'agisse de centres d'étude ou de centres d'orientation, ou encore de bibliothèques de prêt. L a motivation est u n problème complexe. Elle n'est pas unidirectionnelle. Elle influence l'apprentissage, mais est à son tour influencée par de bons résultats. C'est un processus cyclique. Toute stratégie de conception d u matériel qui donne de bons résultats est motivante. D e s ensembles didactiques de composition agréable 71 et de présentation attrayante sont motivants. Des facteurs c o m m e u n langage adapté et u n style chaleureux et personnel ne font pas que soutenir l'intérêt, ils peuvent également le susciter. Évaluation Tout le système d'enseignement à distance doit continuellement et globalement être pénétré d u souci de l'évaluation : suivi, rétroaction, contrôle et correction. L'évaluation ne doit pas être tenue pour une obligation de routine intervenant au terme de l'apprentissage. C e doit être un concept très large englobant ce que Stake (1967) appelle les antécédents (fond expérientiel et circonstances), les transactions (méthodes et stratégies adoptées) et les résultats (acquis des élèves et matériels produits). U n e telle approche exige une modification de l'orientation, d u m o d e et des méthodes de l'évaluation (Dewal, 1986). N o u s commencerons par examiner l'évaluation des élèves. Toutes les institutions d'enseignement à distance procèdent à une évaluationfinales o m m a tive des élèves et de type normatif. Cette évaluation répond à un impératif institutionnel et sert à des fins de sélection et de détermination d u niveau. Elle est plus utile au consommateur sur le marché d u travail qu'à l'étudiant lui-même. C e qu'il faut mettre en place, c'est une évaluation périodique continue, de type critériel. Alais l'évaluation critérielle continue est u n gros travail, qui demande d u temps et des ressources. Des institutions c o m m e l'Open University d u R o y a u m e - U n i emploient non seulement des enseignants (« tuteurs »), mais aussi des ordinateurs pour évaluer le travail des étudiants tout au long de l'année et tenir ces derniers au courant des progrès accomplis, cette dernière démarche étant essentielle d u point de vue pédagogique : le fait de ne pas savoir o ù l'on en est déroute et décourage. Pour qu'une évaluation continue soit efficace, il importe de respecter quatre principes si l'on ne veut pas décourager les étudiants et saper les efforts de l'institution. Il faut : d'une part, que Onkar Singh Dewal 72 les questions posées soient précises, claires et rapportées à u n critère ; d'autre part, que le nombre des questions figurant dans chaque devoir et la fréquence des devoirs soient appropriés ; troisièmement, que les appréciations des tuteurs soient précises et concrètes ; enfin, que le délai de renvoi à l'étudiant des devoirs corrigés soit court. QUALITÉ DES QUESTIONS ET DES ACTIVITÉS Les questions posées et les activités demandées doivent être conçues avec soin; elles doivent être spécifiques, précises et faire appel à des capacités cognitives de haut niveau, telles que l'application, la synthèse et l'organisation. Les questions qui ont simplement pour objet de contrôler la rétention ne sont pas efficaces. Rien n'est plus inutile que des tâches mécaniques, mal conçues ou sans intérêt ; les choses s'aggravent si de telles tâches sont obligatoires et comptent dans le calculfinaldes unités de valeur acquises. L'expérience montre que peu d'enseignants savent élaborer des tests critériels clairs et de bonne qualité. Il faut en pareil cas organiser des stages de formation. Ainsi, lorsque j'étais directeur de l'Open School en Inde, je ne manquais jamais d'organiser tous les ans une session de formation des évaluateurs. Autre exemple : l'Université Sains de Malaisie a conclu u n arrangement avec l'unité d'enseignement à distance de Deakin University pour form e r son personnel aux techniques d'élaboration et d'évaluation des cours. Grâce à ces efforts, les tâches assignées aux étudiants sont de meilleure qualité. demandée exige-t-elle une étude livresque ou u n travail sur le terrain et des expériences ? L a fréquence des devoirs varie selon les institutions. D ' u n e manière générale, en Inde, les institutions d'enseignement à distance envoient des devoirs à leurs étudiants cinq ou six fois par an. Il est préférable de décider de la fréquence des envois dès le début d u cours et d'en c o m m u niquer les dates aux étudiants. APPRÉCIATIONS DU TUTEUR Lorsque les étudiants ont fait les travaux qui leur ont été assignés, ils les renvoient pour évaluation. Les institutions ont, en la matière, des pratiques différentes : certaines recrutent des correcteurs à plein temps ou à temps partiel, d'autres font corriger les devoirs à l'extérieur, sous contrat. Certes, aucune pratique ne peut être considérée c o m m e complètement bonne ou mauvaise, mais la dernière présente certains inconvénients. L'évaluation externe est parfois assez superficielle, les appréciations n'ayant qu'un caractère global qui n'aident pas l'apprenant. Il est impératif de faire prendre conscience aux évaluateurs d u fait que les remarques qu'ils formulent sur le travail des étudiants doivent être pertinentes. Ils doivent notifier avec précision à ces derniers quelles erreurs ils ont commises et c o m m e n t ils peuvent les corriger. U n e évaluation superficielle est totalement inadéquate dans l'enseignement à distance. M ê m e si cela leur demande d u temps et de la réflexion, les tuteurs doivent fournir sur le travail rendu des appréciations détaillées, concrètes et constructives. D e s appréciations globales du type « bien » ou « mal » ne présentent aucun intérêt pour l'étudiant. CHARGE ET FRÉQUENCE DES CONTRÔLES DÉLAIS DE RENVOI L e nombre des questions à poser dans u n devoir dépend de facteurs tels que le nombre des devoirs que l'étudiant est censé faire, le temps qu'il est censé y consacrer et la nature des questions et activités qu'ils comportent. L a tâche O n constate que ces délais sont souvent très longs. Beaucoup d'institutions mettent trois ou quatre mois pour renvoyer aux étudiants leurs travaux. U n tel délai enlève à la correction toute valeur de rétroaction et de motivation. Il a pour Problèmes pédagogiques de l'enseignement à distance effet de démobiliser les étudiants et d'ébranler leur confiance dans le système. L e délai maximal de renvoi devrait, idéalement, être de vingt à trente jours. 73 que l'enseignement traditionnel, nous devons garder à l'esprit ces vers d'Auden (1966) : « N e pas perdre le sens d u danger. Le chemin est court et toujours escarpé, M ê m e si la pente paraît douce au regard. Regarde si tu veux, mais il faudra sauter. » • EXHAUSTIVITÉ Lorsqu'on dit que « l'évaluation doit être Références exhaustive », on peut l'entendre de différentes façons. Cela peut signifier qu'il ne faut pas se A S H B Y , E . 1973. « T h e structure of higher education: a contenter d'évaluer les capacités cognitives simworldview ». Higher education, 2. ples, mais aussi les capacités plus complexes ; A U D E N , W . H . 1966. Leap before you look. Londres, Faber. ou bien que l'évaluation ne doit pas couvrir A U S U B E L , D . P . 1968. Educational psychology: a cognitive view. N e w York, Holt Rinehart and Winston. uniquement l'aspect cognitif, mais aussi les B A T E S , A . W . (dir. publ.). 1984. The role of technology in domaines affectif et psychomoteur ; ou encore distance education. Londres, Croom H e l m . que, outre les résultats des élèves, il convient B R U N E R , J. S. 1964. « S o m e theorems on instruction ». d'évaluer les méthodes, les matériels et les Dans : H I L G A R D , E . R . (dir. publ.). Theories of learning and instruction. Chicago, Chicago University. systèmes. . 1969. The process of education. Cambridge, Harvard Dans l'enseignement à distance, il importe de University Press, 11 e éd. s'attacher particulièrement à l'évaluation d u C O L T M A N , B . 1983. « Environment and systems in distance counselling ». Dans : Selected papers in International matériel didactique, car celui-ci est au cœur Workshop on Counselling at a Distance. Manchester N W m ê m e d u système. Nathenson et Henderson Region, O p e n University. (1980) se sont servis de l'information obtenue C R O N B A C K , L . J. 1963. < Course improvement through en retour auprès des étudiants pour améliorer le evaluation ». Teachers college record, n° 64, mai 1963. matériel didactique. U n e évaluation formative D A N I E L , J. S . ; M A R Q U I S , C . 1979. « Interaction and independence: getting the mixture right », Teaching at de ce matériel doit constituer l'activité majeure a distance, n° 15. Réimprimé dans : S E W A R T , D . , et al. de toute institution d'enseignement à distance. (dir. publ.). 1983. Distance education: international persCronback (1963) a eu raison de dire que « l'évapectives. Londres, C r o o m H e l m . luation qui sert à perfectionner le cours tant D E W A L , O . S. 1981. « Aspects of editing ». Dans « Editing qu'il est encore fluide contribue davantage à distance teaching material. N e w Delhi, Central Board of Secondary Education. l'amélioration de l'enseignement que l'évalua. 1983. Profile of registrants: an enquiry into Variables tion d u produit ». relating to students of correspondence institutions at the D e temps à autre, les institutions d'enseignesecondary level. N e w Delhi, O p e n School. ment à distance devraient, en outre, évaluer . 1986. Open school. India: The preliminary years. Victoria, Deakin University. leurs divers sous-systèmes pour se demander s'ils vont bien dans le sens des objectifs définis. F A U R E , E . 1972. Apprendre à être. Paris, Unesco/Fayard. G A G N E , R . M . 1977. The conditions of learning. N e w York, Les institutions, c o m m e les individus, répuHolt Rinehart and Winston, 3 e éd. gnent souvent à évoluer. Elles résistent au H E A T H , R . 1964. The reasonable adventurer. Pittsburgh, University of Pittsburgh Press. changement (Schon, 1971). U n e institution vivante et active doit avoir la volonté d'évaluer H O L M B E R G , B . 1985. Statuts and e trends of distance education. Londres, Kogan Page, 2 éd. ses sous-systèmes sur les plans de l'efficacité par K A Y E , A . ; R U M B L E , G . 1981. Distance teaching for higher rapport aux buts, de l'efficience interne et de la and adult education. Londres, Croom H e l m . rentabilité. C'est là une tâche difficile, mais M A C K E N Z I E , N . ; P O S T G A T E , R . ; S C U P H A M , J. 1975. Études ouvertes. Systèmes d'instruction postsecondaire à distance. indispensable. Si nous voulons que l'enseignement à distance soit crédible et jouisse de la m ê m e considération Paris, Unesco. M A R T I N , F . ; S A L J O , R . 1976. « O n qualitative differences in learning. I: Outcome and process ». British journal of educational psychology, n° 46. 74 Onkar Singh Dezaal M O O R E , M . 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Bulletin du Bureau regional d'éducation pour l'Asie et le Pacifique. Bangkok, Unesco, n° 19. Le problème de la qualité et de la pertinence du matériel pédagogique dans l'enseignement à distance Anthony B. Zahlan ment dont il est fait usage dans le Tiers M o n d e , aussi bien pour l'enseignement direct que pour l'enseignement à distance, suffit pour mettre en lumière deux problèmes graves et non résolus : celui de leur qualité et celui de leur pertinence. Dans les pays industrialisés, l'enseignement à distance s'est développé à partir de bases intellectuelles bien établies, ce qui n'est pas le cas pour le Tiers M o n d e . L a qualité est une de ces caractéristiques qui sont difficiles à définir, mais qui relèvent de l'évidence. Si l'on prend u n groupe de professionnels de haut niveau, ceux-ci n'auront pas de mal à classer les matériels relevant de leurs disciplines respectives selon la valeur de leur A n t h o n y B . Zahlan (natif de Palestine, citoyenneté contenu : la qualité sera jugée b o n n e — d e niveau universitaire —, acceptable o u inacceptable. libanaise). A été professeur de physique à l'Université américaine de Beyrouth de 1956 à 1976. D a n s ce qui suit, la qualité dont il est question Conseiller de la Ligue des États arabes, de l'Organi- est celle d u contenu intellectuel des matériels sation des Nations Unies et d'autres organisations d'enseignement, et non celle de la présentation. régionales et nationales. Auteur de nombreux ouvrages Cette dernière se définit par le type d u papier, sur les politiques scientifiques et technologiques, l'édule corps des caractères, la mise en pages, etc. cation, la planification de la main-d'œuvre et la création d'institutions. Parmi ses ouvrages récemment pu- Il va de soi que la qualité de la présentation ne bliés : Science a n d science policy in the A r a b world doit pas être inférieure à u n certain niveau, et T h e Arab construction industry. II est actuellement faute de quoi la qualité intellectuelle risque d'en pâtir. directeur de la Société Zahlan Consultants. L e matériel d'enseignement est u n élément très important de tout système éducatif. S'agissant de l'enseignement à distance, son rôle devient primordial. L'expression « matériel d'enseignement » s'applique, dans cet article, aux manuels, monographies, documents visuels, conférences, enregistrements visuels et sonores sur bande magnétique, textes d'examen, exercices et « coffrets-laboratoires ». Dans la mesure où il représente encore la part la plus importante du matériel d'enseignement à distance, c'est surtout d u document imprimé qu'il sera question ici, mais ce qui suit vaut aussi pour les autres supports. U n examen rapide des matériels d'enseigne- Perspectives, vol. XVIII, n° 1,1988 76 Anthony B. Zahlan L a pertinence est une autre caractéristique importante d u savoir. Il n'est peut-être pas très utile d'apprendre, par exemple, à installer des réacteurs nucléaires au Soudan ni des gratteciel à Fidji. Il est certain que, si les cours qu'ils ont suivis sont d'un bon niveau, l'ingénieur nucléaire soudanais ou l'architectefidjienspécialiste des gratte-ciel pourront être très compétents et rendre de grands services dans un environnement différent d u leur; mais on peut estimer qu'il serait pour le moins étrange de consacrer des ressources humaines précieuses et rares à dispenser des enseignements sans utilité particulière pour l'économie d'un pays, tandis que les étudiants de ce m ê m e pays n'auraient pas accès aux connaissances — pertinentes — qui leur seraient nécessaires. Il est donc très important d'avoir à l'esprit que tel programme de formation d'enseignants, quelle qu'en soit la qualité, peut être dépourvu de pertinence, par exemple, pour u n étudiant égyptien ; à l'inverse, d'autres cours, m ê m e de médiocre qualité, pourront être très pertinents, c'est-à-dire utiles par leur objet dans u n pays c o m m e l'Egypte. U n enseignement qui était pertinent, mais de qualité inférieure, ou bien de bonne qualité, mais dépourvu de pertinence, ou encore qui n'avait ni qualité ni pertinence, a eu des effets si néfastes qu'aucun dirigeant conscient de ses responsabilités ne peut accepter le recours à ce type de pratique éducative. D e tels programmes sont c o m m e des parasites dans u n système éducatif. Mécanismes permettant d'assurer qualité et pertinence L a qualité et la pertinence d'un programme éducatif, et donc d'un matériel d'enseignement, résultent de processus dynamiques d'une grande complexité. Il n'y a pas de critèresfixeset immuables. Il est certain qu'un programme de physique valable pour l'année 1890 sera très différent d'un programme équivalent appliqué en 1980. Et pourtant, en 1987, u n physicien pourra très bien reconnaître la qualité d u programme de 1890 malgré les changements radicaux qui se sont produits dans cette discipline. Dans la pratique, la qualité d'un programme et la pertinence de son contenu dépendent des associations professionnelles de chaque discipline et des traditions scientifiques des universités. L e contenu d'un programme de licence, que ce soit en biologie, en génie civil, en agronomie, en histoire ou en logique, est déterminé par l'ensemble des connaissances que les chercheurs de chacun de ces domaines estiment constituer le corpus de la discipline et pouvoir être appris par u n étudiant intelligent. Certaines universités ont des critères d'admission très stricts et dispensent u n enseignement « de plus haute qualité » que d'autres. D a n s les pays industrialisés, on a atteint u n certain équilibre : les associations professionnelles sont très développées et les professeurs d'université sont bien plus attentifs aux indications de leurs pairs exerçant dans la profession qu'à celles de leurs administrations universitaires. Ainsi, dans tout pays industrialisé, la qualité et la pertinence des programmes (et d u matériel) de l'enseignement supérieur se situent dans des limites qui sont fixées principalement par référence aux normes de la profession. Dans ces pays, les m e m b r e s des associations professionnelles exercent u n emploi dans l'économie nationale et sont attentifs aux besoins du m o n d e d u travail. C'est ainsi que les physiciens spécialistes de l'état solide qui travaillent dans l'industrie des semi-conducteurs exercent une influence sur l'enseignement dispensé aux physiciens et aux ingénieurs en génie électrique. D e m ê m e , les praticiens spécialisés dans la chirurgie à cœur ouvert ou la transplantation d'organes exercent une influence sur l'enseignement de la médecine. Cette influence se transmet par l'intermédiaire d'un système complexe empruntant divers canaux. Les associations scientifiques et les sociétés savantes légitiment le savoir et en assurent la diffusion. Les m e m b r e s de ces sociétés qui appartiennent au corps universitaire sont les principaux auteurs d u matériel d'enseignement et Le problème de la qualité et de la pertinence du matériel pédagogique dans l'enseignement à distance sont à l'origine des modifications qu'il y a lieu d'apporter aux programmes. Les universités occupent différents « créneaux » : l'une se spécialisera, par exemple, dans la physique de l'état solide, l'autre dans la physique des hautes énergies. L'une et l'autre seront considérées c o m m e d'égale valeur (qualité) et chacune à sa manière sera utile à la communauté (pertinence). E n ce qui concerne la qualité et la pertinence, les pays de l ' O C D E et d u Conseil d'assistance économique mutuelle sont à peu près à égalité. O n peut dire que, dans le domaine des sciences et des techniques, il est relativement facile de passer d'une université à l'autre s'il s'agit de celles de Paris, de Moscou ou de Tokyo, d u Massachusetts Institute of Technology ( M I T ) ou de l'Université de Stuttgart. E n d'autres termes, tout le m o n d e est à peu près d'accord sur ce qui est pertinent et d'une qualité acceptable. Si ce n'était pas le cas, il ne serait pas possible de procéder à des échanges d'étudiants de troisième cycle, de chercheurs munis d'un doctorat, ou de professeurs invités. E n outre, toutes les grandes associations professionnelles et les principales publications sont en fait internationales. Ainsi, dans le « Premier M o n d e » et le « Deuxième M o n d e » (appelés aussi « capitaliste » et « socialiste »), on est parvenu à u n état d'équilibre dynamique. Il peut se faire que certaines universités soient en retard de cinq ou m ê m e de dix ans, tandis que d'autres sont en avance par rapport à ce qui est considéré c o m m e la norme. Associations, professeurs, unités d'enseignement, éditeurs et ministères sont constamment en train d'envisager, de proposer, d'examiner, de produire et de publier de nouveaux matériels d'enseignement et d'abandonner ceux qui sont périmés. O n peut observer que, m ê m e dans le « Premier M o n d e », il existe des groupes sociaux pour lesquels le matériel d'enseignement considéré c o m m e pertinent et de bonne qualité reste inadéquat : tel est le cas des Indiens et des Noirs aux États-Unis d'Amérique, des communautés asiatiques au Royaume-Uni ou des Esquimaux en Amérique du Nord. A u Canada, l'Université d'enseignement à distance d'Athabasca (Al- 77 berta) se propose de répondre à certains besoins éducatifs des Esquimaux. L'Association des universités canadiennes pour les études nordiques et l'Institut national polaire du Canada servent de cadre institutionnel pour la mobilisation et la promotion des initiatives en faveur du Grand Nord. L'appui politique requis pour mener ces activités de recherche est assuré par le Ministère canadien des affaires indiennes et nordiques. L'Université d'Athabasca a donc entrepris u n vaste programme de recherches en c o m m u n qui doit conduire à la réalisation de matériel d'enseignement adapté aux besoins des étudiants dont elle a la charge. Qualité et pertinence dans le Tiers M o n d e L a situation est très différente dans le Tiers M o n d e . Les associations professionnelles — m ê m e dans de grands pays c o m m e l'Inde ou le Brésil — n'ont pas encore acquis l'influence nécessaire pour assurer l'essor de leur discipline et son adaptation aux besoins nationaux. L a part réduite de la recherchedéveloppement dans le Tiers M o n d e (moins de io % des activités mondiales dans ce domaine et une proportion certainement plus faible encore pour la recherche de pointe) aboutit à ce que les rares chercheurs issus d u Tiers M o n d e sont mieux intégrés dans les associations professionnelles des pays industrialisés que dans celles de leur propre pays. C o m m e le montre bien l'étude de Shiva et Bandyopadhyay (1980) consacrée à la science en Inde, dans ce pays qui, en 1983, comptait environ deux millions et demi de chercheurs, qui forment le groupe le plus nombreux d u Tiers M o n d e , les chercheurs étaient très isolés par rapport à leur communauté locale ; ils entretenaient des relations plus étroites avec les chercheurs occidentaux et communiquaient plus volontiers avec eux. Dans tous les pays d u Tiers M o n d e , on trouve une situation comparable, quand elle n'est pas encore plus critique. D'après Shiva et Bandyopadhyay, les sujets de recherche sont choisis surtout en fonction 78 Anthony B . Zahlan Tiers M o n d e . O n oublie souvent l'ampleur de ce système. U n e des principales activités de ce « tiers système » concerne l'agriculture. Elle a lieu, dans d'importants organismes de recherche tels que ceux qui dépendent d u Groupe consultatif pour la recherche agricole internationale ( G C R A I ) , dans le cadre des programmes de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture ( F A O ) , dans des centres nationaux et dans le cadre de divers travaux financés par l'Agence suédoise de coopération dans la recherche avec les pays en développement ( S A R E C ) , le Centre de recherches pour le développement international ( C R D I ) ou la Banque mondiale. Tous les d o maines de la science et de la technique ne sont pas aussi bien placés dans ce « tiers système », mais il est évident que, entre le Centre international de physique théorique (CIPT) de Trieste, l'Unesco, l'Université des Nations Unies, le G C R A I et l'Institut de développement économique de la Banque mondiale, u n c h a m p important de connaissances, primordiales pour le Tiers M o n d e , se trouve couvert. Cependant, le « tiers système » a connu une évolution qui le distingue du système traditionnel en matière de création, de diffusion, d'évaluation et d'application des connaissances. E n fait, une bonne partie de ce qui est produit par ce système échappe tout à fait au jugement critique qui émane traditionnellement des associations professionnelles, des directeurs de revues professionnelles ou d'auteurs de recensions. L e savoir ne revêt pas une forme qui L e « troisième système » se prête aisément à la diffusion ; enfin, les rapports et les études sont souvent écrits à A côté d u « Premier M o n d e », d u « Deuxième l'intention de fonctionnaires non spécialistes. M o n d e » et d u « Tiers M o n d e », on peut parler E n 1980-1981, quand j'ai participé à la d'un « tiers système » qui ne se situerait ni au préparation de l'Étude sur l'efficacité de l'encentre ni à la périphérie. C e système a pour semble du système des Nations Unies dans le base les travaux entrepris sous l'égide des insti- domaine de la science et de la technique au tutions d u système des Nations Unies ou service du développement ( O N U , 1981), j'ai d'organismes internationaux et régionaux au été frappé par l'énorme masse de connaissances service d u Tiers M o n d e . A ce système parti- produites dans le système des Nations Unies et cipent des chercheurs, des universitaires, des par la difficulté qu'il y avait à y accéder. M ê m e techniciens et des planificateurs appartenant quelqu'un qui travaille au sein d u système n'a au Premier M o n d e , au Deuxième M o n d e et au que difficilement accès aux informations rela- de la possibilité de poursuivre des études à l'étranger ou de séjourner dans des institutions étrangères, ou bien à cause d u prestige é m a nant de domaines nouveaux, alors qu'ils devraient l'être à la suite d'échanges d'idées avec des collègues vivant en Inde quant à la portée ou à l'application pratique de ces recherches ; bref, ce ne sont pas des discussions entre chercheurs d u m ê m e pays, regroupés dans des associations professionnelles nationales, qui déterminent la pertinence et la qualité des recherches entreprises. Les chercheurs du Tiers M o n d e ont déployé, et continuent à déployer, des efforts considérables pour remédier à cette situation fort préoccupante ; mais les obstacles et les difficultés sont considérables. L a recherche scientifique et technique est très spécialisée et, dans la plupart de ces pays, l'effectif des chercheurs travaillant dans u n m ê m e domaine est très réduit. E n outre, la production annuelle de publications des pays industrialisés est si vaste que les chercheurs d u Tiers M o n d e ont beaucoup de mal à ne pas se laisser entraîner. Par surcroît, les sciences et techniques appliquées qui seraient utiles localement sont souvent négligées et dotées de maigres budgets. Enfin, les travaux répondant aux problèmes d u pays ne sont pas correctement portés à la connaissance des associations professionnelles nationales et leurs résultats ne sont pas pris en considération pour la réalisation d u matériel d'enseignement. Le problème de la qualité et de la pertinence du matériel pédagogique dans l'enseignement à distance tives à l'activité de ce système. Quant à ceux qui sont en dehors, il leur est pratiquement impossible d'y accéder rapidement et efficacement, malgré l'existence de bases bibliographiques établies par certaines institutions, par exemple le Système international d'information des sciences agricoles ( A G R I S ) de la F A O . L'une des principales recommandations de l'étude précitée visait à accroître la transparence d u système des Nations Unies de manière à rendre plus accessibles les informations qui en émanent. 79 verselle : les États-Unis d'Amérique, le Canada, le R o y a u m e - U n i , l'Australie et la NouvelleZélande sont des pays anglophones ; ce sont aussi des pays riches qui comptent beaucoup d'universités et u n grand nombre d'étudiants. Étant donné l'importance qu'y revêtent la production et les écrits scientifiques, il est normal que ces pays aient une industrie de l'édition solide et prospère. Dans les pays d u Tiers M o n d e , on compte déjà de nombreux éditeurs ; mais, s'il est vrai que des investissements considérables ont été consentis en matière de matériel d'imprimerie, les efforts tendant à améliorer la qualité des L e système de diffusion publications sont restés très limités. L e problème est ici celui de la faible dimension de Dans les pays industrialisés, les chercheurs marchés dont l'exiguïté fait qu'il est difficile, n'ont à se préoccuper que d'écrire et de mettre sinon impossible pour u n éditeur (qu'il soit au point des matériels d'enseignement perti- privé ou public) de couvrir ses frais s'il veut nents et de qualité. L a réalisation et la c o m m e r - réaliser u n produit de bonne qualité. cialisation d u produit sont assurées par des organismes indépendants (le plus souvent, des Le défi entreprises privées dans les pays de l ' O C D E et des organismes d'État dans le « Deuxième M o n d e »). Les éditeurs commerciaux et les O n sait désormais qu'il n'existe pas u n enpresses universitaires versent aux auteurs une semble définitif et figé de connaissances qui redevance sur les ventes (en général 10 % pourraient être dispensées d'année en année environ des s o m m e s perçues) et prennent aux étudiants. Pour répondre pleinement aux totalement à leur charge l'impression, la publi- besoins de telle ou telle société, u n système cation et la commercialisation de ce matériel. universitaire doit se placer à la pointe d u L'avantage d'un « bon » éditeur est qu'il appli- savoir : faire de la recherche, émettre des que des normes élevées en matière de mise au jugements critiques, opérer des analyses et des point rédactionnelle et de fabrication, et qu'il synthèses, assurer la transmission d u savoir. dispose d'un réseau de commercialisation Jusqu'à présent, les pays en développement étendu. Dans le domaine de l'édition, le seul n'ont pas réussi à créer d'universités de ce type. m o y e n de maintenir u n haut niveau de qualité Il est évident aussi que leurs universités m a n tout en ayant des coûts peu élevés est d'avoir quent de ressources pour donner à leurs enseiaccès à u n vaste marché. C o m m e les étudiants gnants les moyens d'entreprendre des recherdu premier cycle sont nombreux, u n bon m a - ches au niveau souhaité ou à l'échelle requise. nuel pourra disposer d'un vaste marché. Il est E n outre, les associations professionnelles y évident que des ouvrages s'adressant à des sont de taille réduite, faibles et incapables étudiants avancés ne peuvent toucher qu'un de jouer le rôle qui devrait être le leur et qui nombre plus restreint d'acheteurs. U n e m o n o - est d'orienter enseignants et chercheurs vers graphie exposant u n thème de recherche aura des objectifs pertinents au point de vue social une diffusion de l'ordre de mille cinq cents et économique. exemplaires, mais, pour pouvoir les vendre, Il en résulte qu'une bonne partie du matériel il faut disposer d'un marché mondial. actuellement utilisé dans l'enseignement supéL'anglais est une langue à peu près uni- rieur dans les pays d u Tiers M o n d e laisse 8o Anthony B. Zahlern beaucoup à désirer. O n voit très souvent des enseignants jeunes et énergiques adopter les programmes et le matériel qu'ils ont eux-mêmes connus dans les grandes universités d u « Premier M o n d e » ou d u « Deuxième M o n d e ». Ces enseignants estiment ainsi garantir la qualité de leurs cours. D'autres rédigent à la hâte des notes ou des manuels. Étant donné que le corps professoral est souvent chargé de tâches multiples, qu'il n'a à sa disposition ni bonnes bibliothèques, ni équipes de rédacteurs, ni secrétaires compétentes, ni dessinateurs de talent, le matériel produit atteint rarement le niveau de qualité et de pertinence qui serait souhaitable. Malgré les progrès notables constatés dans plusieurs pays, le Tiers M o n d e est encore loin d'avoir mis en place les mécanismes et processus qui permettraient d'offrir aux étudiants u n matériel d'enseignement pertinent et de qualité. Les pays d u Tiers M o n d e sont confrontés à d'énormes problèmes de développement. L'étude de ces problèmes exige u n vaste assortiment de matériels d'enseignement. U n des plus grands défis auxquels doivent faire face les universités d u Tiers M o n d e est celui de l'articulation à établir entre le m o n d e d u savoir et celui d u travail. U n e telle articulation suppose la mise en place de nouveaux mécanismes appelant l'enseignant, le chercheur et le professionnel à s'unir pour résoudre les problèmes qui se posent à la société. Les conditions que doit remplir le matériel utilisé dans le Tiers M o n d e par les universités qui pratiquent l'enseignement à distance sont encore plus rigoureuses que celles qui s'appliquent à l'enseignement ordinaire. Pour les premières, le matériel doit être pertinent et de très bonne qualité, mais il doit aussi être conçu de manière à faciliter l'apprentissage à distance, car, dans ce cas, l'étudiant n'a pratiquement rien d'autre à sa disposition, tandis que celui qui est dans une université peut trouver une aide auprès d'un moniteur ou d'un autre étudiant. Les universités d u Tiers M o n d e qui enseignent à distance sont confrontées à des problèmes qu'elles n'ont pas les moyens de résoudre. Elles doivent d'abord disposer de m a - tériel d'enseignement pertinent et de bonne qualité, mais il faut encore qu'elles l'adaptent aux besoins locaux. L e seul m o y e n de résoudre ces problèmes — et d'autres — est d'expérimenter et de mettre au point des modes de coopération novateurs. Notons que, m ê m e s'il existe des matériels d'enseignement utilisables partout, mais rédigés dans une seule langue, encore faut-il les traduire dans beaucoup d'autres et, qui plus est, les pays d u Tiers M o n d e différant plus ou moins les uns des autres, leurs besoins ne sont pas partout les m ê m e s . Il faut donc agir de façon pragmatique en fonction des réalités locales. Il n'existe pas de solution universelle. N o m b r e u x sont les enseignants et les praticiens qui ont conscience d u problème. C e qu'il faut, c'est établir u n mécanisme grâce auquel on pourra mobiliser les ressources, les talents existants et mettre en route le processus qui favorisera la réalisation de matériels d'enseignement pertinents, de qualité et permettra d'en répartir les coûts. Évaluation des ressources Pour notre propos, deux sortes de ressources sont essentielles : d'une part, la production d'un savoir pertinent ; d'autre part, la publication de matériel d'enseignement sous une forme adaptée aux systèmes d'enseignement en milieu universitaire ou à distance. Il existe une abondante production de connaissances pertinentes dans le Premier M o n d e , le Deuxième M o n d e et le Tiers M o n d e , ainsi que dans le « tiers système ». L a faiblesse des associations professionnelles et des sociétés savantes qui se consacrent aux problèmes d u Tiers M o n d e a entraîné une utilisation peu efficace de ces ressources assez disparates. Il est certain que l'heure est venue d'innover dans ce domaine. Diverses organisations et institutions d u système des Nations Unies pourraient facilement, soit individuellement, soit en liaison avec des organismes d'aide, m o difier cette situation. L e problème de la qualité et de la pertinence du matériel pédagogique dans l'enseignement à distance Obstacles Les avantages qui peuvent être tirés de la mise en c o m m u n des ressources, de l'élargissement d u marché et d u partage des efforts de production sont évidents. U n e collaboration étendue existe entre des institutions et des entreprises d u R o y a u m e - U n i et d ' A m é rique d u Nord. L ' O p e n University (Université ouverte) du R o y a u m e - U n i a été la première à produire u n matériel d'enseignement multimédias de haute qualité. L e marché américain était u n débouché naturel pour ce matériel, mais des difficultés apparurent bientôt. Tout d'abord, le module d'enseignement britannique est bien plus étendu qu'un cours a m é ricain correspondant à trois unités de valeur. Ensuite, l'Open University était parvenue à un haut niveau d'intégration de l'enseignement, qui est dispensé selon diverses modalités. Il fallait donc d'importants efforts pour décomposer le matériel d'enseignement en unités de base. L'International University Consortium (réunissant une trentaine d'universités des ÉtatsUnis d'Amérique et d u Canada) a alors été mis en place pour répartir entre les participants les travaux et les frais qu'exigeait l'adaptation du matériel d'enseignement de l'Open University aux besoins de l'Amérique d u Nord. Dans le cadre de cette relation entre le R o y a u m e Uni et l'Amérique d u N o r d , le problème de la pertinence ne se pose que dans une faible mesure ; mais l'Open University d u R o y a u m e U n i a collaboré avec un certain nombre d'universités du Tiers M o n d e , spécialisées elles aussi dans l'enseignement à distance, notamment avec l'Open University de Sri Lanka, qui a adapté le programme de mathématiques. Kaye (1979) a signalé deux autres obstacles à l'utilisation de matériaux d'enseignement à distance réalisés ailleurs : le premier est d'ordre institutionnel ; le second tient à la spécificité des m a tériels d'enseignement de haute qualité. Les processus traditionnels qui sont à la base de l'élaboration de programmes et de cours ne s'adaptent pas facilement à l'acquisition d'un 81 matériel d'enseignement conçu ailleurs ni à la production de ce matériel en coopération avec d'autres institutions. Ces obstacles et ces difficultés ne sont toutefois pas insurmontables. E n plus de ces difficultés, les universités d u Tiers M o n d e sont souvent confrontées à des problèmes spécifiques, notamment le contrôle des changes, la censure officielle s'exerçant sur certaines publications et l'insuffisance des moyensfinanciers.Il est évidemment impossible de concevoir une solution qui s'appliquerait à tous les cas ; il faut donc inventer et mettre en œuvre des mécanismes très divers. Des mécanismes souples et adaptables Il existe dans le m o n d e quelque deux mille établissements spécialisés dans la formation à distance et probablement au moins quatre mille établissements postsecondaires dont l'enseignement est dispensé sur place. Il existe aussi u n vaste « tiers système » composé d'institutions, de bureaux et de personnel répartis dans le m o n d e entier, sans compter des milliers d'associations professionnelles situées dans différents pays et fédérés en vastes réseaux (par exemple, le Conseil international des Unions scientifiques, l'American Association for the A d v a n cement of Science, etc.). A partir de cette base riche et variée, il devrait être possible de mettre en œuvre u n assez grand nombre de modes d'action différents. N o u s partons ici de l'hypothèse que les chercheurs, les enseignants et les techniciens qui font partie des institutions d u Premier M o n d e , d u Deuxième M o n d e et d u Tiers M o n d e sont capables, si on leur en fournit les moyens, d'élaborer une bonne partie des matériels d'enseignement nécessaires pour dispenser u n enseignement pertinent et de qualité. Pour y parvenir, il convient d'accroître, dans le Tiers M o n d e , les contacts entre les enseignants et entre les professionnels. C e n'est que grâce à ces contacts intensifs que l'on parviendra à intégrer les politiques, les attitudes et les orientations en matière de recherche à la vie culturelle des 82 Anthony B . Zahlan différents groupes. Pour favoriser et faciliter les contacts officiels et personnels entre professionnels, il faut, avant tout, étoffer les sociétés savantes et les associations professionnelles à tous les niveaux — international, national, régional et sous-régional. Les jeunes chercheurs du Tiers M o n d e n'ont que des possibilités très limitées de participer à des rencontres pour parler de leurs travaux ; la plupart d u temps, le niveau des activités de recherche est trop faible pour justifier la tenue de rencontres professionnelles sur le plan national. Il faut, dans chaque discipline — au sens étroit d u terme —, une centaine de chercheurs actifs et doués d'esprit critique pour permettre la constitution de cette sorte d'académie invisible ; mais si le « tiers système » joignait ses efforts à ceux des chercheurs d u Tiers M o n d e , il devrait être possible d'atteindre la « masse critique » dans u n grand nombre de domaines. U n e rencontre professionnelle doit être, par définition, l'occasion d'examiner et de discuter publiquement des résultats de recherche par des analyses critiques. U n e rencontre professionnelle n'est pas une série d'exposés ex cathedra. S'il est toujours utile de réunir des congrès consacrés à de grands problèmes, la plupart des rencontres doivent être très spécialisées et porter sur des domaines bien délimités. U n e rencontre portant sur les « taux de mortalité infantile dans les bidonvilles d u Tiers M o n d e » pourrait être fructueuse, mais une autre qui aurait pour thème « l'urbanisation dans le Tiers M o n d e » risquerait de traiter ce sujet de façon si générale qu'il serait vain d'espérer le moindre débat critique sur des faits ou des théories. II est très probable que l'on trouverait dans le m o n d e plus de cent chercheurs confirmés travaillant sur des sujets tels que la mortalité infantile dans les bidonvilles d u Tiers M o n d e , l'élevage d u chameau dans les zones arides ou la gestion des établissements humains dans ces m ê m e s zones, les aspects économiques de l'habitat dans les régions rurales d'Afrique ou le rôle de la corruption dans l'attribution des contrats de travaux publics. Si l'on s'en donne les moyens, il est donc possible de créer, dans u n grand nombre de domaines, ces sortes d'académies invisibles dont la formation pourrait être favorisée par une stratégie constructive visant à mobiliser les ressources dispersées. U n e collaboration professionnelle plus poussée au niveau international aurait aussi pour avantage de réunir des personnes travaillant sur des problèmes similaires. Cela pourrait aboutir à des projets menés en c o m m u n pour la production de matériel d'enseignement. Importance de la coopération internationale L a production d'écrits pertinents et de qualité dans et pour le Tiers M o n d e est essentielle pour deux raisons. Tout d'abord, la publication de monographies et de communications peut fournir les connaissances o u les éléments nécessaires à la réalisation d'un matériel d'enseignement pertinent et de qualité ; la pertinence pour les étudiants d u Caire d'un ouvrage de sociologie traitant des bidonvilles de Chicago risque d'être très limitée, m ê m e s'ils peuvent le lire en arabe. Ensuite, les m ê m e s chercheurs qui sont capables de procéder à l'étude critique de problèmes pertinents pour la société dans laquelle ils vivent sauront aussi contribuer à l'élaboration d'un matériel d'enseignement de qualité. L'établissement d'une coopérative efficace entre institutions dépend dans une large mesure de l'aptitude du personnel de ces établissements à envisager une question sous le m ê m e angle, à élaborer des styles compatibles entre eux, à travailler ensemble en adoptant les m ê m e s critères de qualité et en respectant les délais fixés en c o m m u n . Il est difficile, dans le Tiers M o n d e , de form e r des équipes travaillant en coopération. Cela tient au fait que l'on ne connaît suffisamment ni les gens ni les conditions de travail et que, faute d'une pratique courante des matériels de haute qualité, il est malaisé de définir au départ l'orientation et la qualité d u produit souhaité. L'effort nécessaire pour atteindre les objectifs visés pourrait être sensiblement allégé grâce à une coopération internationale. Le problème de la qualité et de la pertinence du matériel pédagogique dans l'enseignement à distance 83 méthode d'enseignement, la rémunération de l'auteur, celle des m e m b r e s d u comité de lecture, ainsi que le travail considérable des membres qu'exige la présentation d u produit final (illustrations, style, mise en pages, présenD a n s les pays industrialisés, u n système c o m - tation, etc.). Si l'on a recours à la télévision plexe s'est mis en place pour organiser la diffu- ou à la radio ou si l'on utilise u n « coffretsion des connaissances à partir d u m o m e n t où laboratoire », les frais de production sont celles-ci se présentent sous la forme d'un m a - encore plus élevés. E n matière d'enseignenuscrit dactylographié. Il existe u n grand ment à distance, on ne peut faire des écononombre d'éditeurs dont le métier consiste à se mies que si le nombre des étudiants est assez charger du manuscrit après s'être assurés qu'il élevé. Il faut des milliers d'étudiants pour parsatisfait aux exigences de qualité. L'éditeur fait venir à u n coût individuel qui soit inférieur à alors revoir le manuscrit pour en améliorer le ce qu'il serait dans une université ordinaire de style et pour normaliser la présentation, puis qualité équivalente. Pour l'enseignement à disil l'envoie à l'impression. D e nombreux éditeurs tance, c'est l'élaboration des matériels d'enseisous-traitent ces travaux techniques. Avec l'ar- gnement qui représente la principale dépense. rivée de l'ordinateur, l'ensemble de ces opéra- Si ces frais sont répartis sur une dizaine de tions perd d'ailleurs de son importance. Pour milliers d'étudiants, le système devient très un éditeur, l'essentiel d u travail se situe avant compétitif sur le plan économique par rapport et après l'impression de l'ouvrage. U n e de ses à l'enseignement ordinaire. C'est ce coût élevé fonctions les plus importantes est de faire de l'élaboration des matériels qui bloque le connaître l'ouvrage au public concerné (com- développement et l'amélioration de l'enseignemercialisation). Pour cela, il faut faire paraître ment à distance dans le Tiers M o n d e . des recensions dans les revues spécialisées, faire en sorte que des indications sur l'ouvrage figuU n point de départ rent dans les bases de données bibliographiques et en assurer la présentation dans les librairies appropriées. Cette activité fait intervenir des O n peut envisager toutes sortes de moyens vendeurs et des agents commerciaux. pratiques et concrets permettant d'améliorer L e coût d'un projet de recherche est évidem- la qualité et la pertinence d u matériel d'enseiment bien plus élevé que celui de la publication gnement de niveau universitaire. O n admettra d'un ouvrage. Néanmoins, il est difficile de qu'il existe assez de personnes et d'institutions trouver u n éditeur qui accepterait de se lancer disposées à s'attaquer au problème de la réalidans une publication sans être sûr que l'ouvrage sation d'un matériel d'enseignement pertinent se vendra suffisamment pour amortir les frais et de qualité. Il faudra encore beaucoup de traengagés. Pour 1 500 exemplaires d'une m o n o - vaux de recherche spécialisés et de débats pour graphie, les frais de publication sont, en résoudre divers problèmes. O n peut se d e m a n moyenne, de l'ordre de 5 000 à 6 000 livres der, par exemple, si, dans les pays en dévelopsterling. C o m m e il n'est pas facile de vendre pement, l'enseignement des bases de la science 1 500 exemplaires d'une monographie spécia- doit se faire exclusivement à partir de matélisée, il est important de disposer d'un marché riels provenant d u « Premier M o n d e » ou d u mondial. « Deuxième M o n d e ». Il serait souhaitable que Les coûts de production de matériel d'ensei- cette question fasse l'objet d'un examen sérieux gnement à distance de qualité (d'un niveau c o m - et approfondi de la part de pédagogues, de scienparable à celui de l'Open University britanni- tifiques et de psychologues de l'éducation. L e domaine des sciences appliquées et de la que) sont encore plus élevés puisqu'ils c o m prennent la conception d u programme et de la technologie soulève une série de problèmes L a diffusion d u savoir : organisation et aspects économiques 84 Anthony B . Zahlern épineux. Il est évident que la formation d'un ingénieur nucléaire d u Tiers M o n d e doit être la m ê m e que celle d'un ingénieur de la m ê m e spécialité en U R S S , aux États-Unis d'Amérique ou en France ; mais u n ingénieur d u bâtiment serait mal venu d'adopter aveuglément les techniques européennes ou américaines s'il s'agit, par exemple, de construire des maisons au Y e m e n . L a sociologie, l'économie et la gestion sont aussi des domaines qui supposent l'existence d'un matériel d'enseignement adapté aux divers milieux culturels. U n autre problème est de savoir s'il est nécessaire de réaliser des programmes d'enseignement entièrement distincts pour la Chine, le Brésil, le m o n d e arabe ou l'Indonésie, ou bien s'il serait possible de se mettre d'accord sur des programmes de base qui seraient les m ê m e s partout et auxquels s'ajouteraient des modules qui s'appliqueraient 'spécialement à telle ou telle région. Je voudrais ouvrir ici trois pistes qu'il conviendrait d'explorer. Je laisse au lecteur le soin d'en ajouter d'autres ou de regrouper autrement les initiatives proposées. J'ai réparti en trois catégories u n certain nombre d'initiatives possibles. cratiques, qui étouffent la créativité et tarissent l'initiative, mais, avec le temps, les efforts de ces divers groupes pourraient converger de façon à former u n ensemble cohérent. INITIATIVES DUES AUX ÉDITEURS Les grands éditeurs d u Premier M o n d e , d u Deuxième M o n d e et Tiers M o n d e pourraient aussi prendre l'initiative d'inciter des établissements et des auteurs à réaliser des matériels d'enseignement. D e s éditeurs entreprenants pourraient organiser toutes sortes d'entreprises conjointes de manière à partager les coûts, à élargir les marchés et à éliminer les obstacles structurels, tels que les problèmes de devises. O n pourrait, par exemple, imaginer u n projet auquel participeraient u n éditeur européen, u n organisme d'aide internationale, des universités de deux ou trois pays et autant d'étiteurs d u Tiers M o n d e . Cette coopération aurait pour but de réaliser des matériels d'enseignement pour u n cours de licence en agronomie ou en sciences de l'éducation. L e texte original pourrait être rédigé en anglais puis traduit en d'autres langues d u Tiers M o n d e . Les éditeurs locaux pourraient imprimer et diffuser de tels ouvrages sur le marché national. Quant à INITIATIVES DUES AUX PRODUCTEURS l'entreprise européenne, qui dispose d'un vaste réseau commercial, elle s'efforcerait de diffuser U n e coopération pourrait s'établir entre deux ce matériel à l'échelle mondiale. Tous les proou plusieurs institutions telles que l'Université blèmes juridiques et contractuels sont bien des Nations Unies, le Centre international de connus et ne devraient pas poser de graves prophysique théorique, l'Académie des sciences d u blèmes à une maison d'édition ayant les dimenTiers M o n d e , le Conseil international des sions requises. unions scientifiques ou le Comité permanent sur le rôle des sociétés scientifiques et associations d'ingénieurs au service du développement INITIATIVES DUES (inspiré et soutenu par l'American Association A UNE INSTITUTION DU SYSTÈME for the Advancement of Science). D e s repréDES NATIONS UNIES sentants de quelques-unes de ces institutions pourraient se réunir et décider de patronner diverses activités portant sur l'évaluation des Plusieurs institutions d u système des Nations programmes d'études et des matériels d'ensei- Unies (Unesco, Banque mondiale, F A O , gnements utilisés ; ils élaboreraient ensuite des O N U D I , O I T ) ont une importante activité d'édiprogrammes d'études et feraient réaliser le tion en m ê m e temps qu'elles sont à l'origine de matériel souhaité. nombreux projets de recherche dans des d o Il faut éviter les lourds appareils bureau- maines intéressant le Tiers M o n d e . Pour finan- Le problème de la qualité et de la pertinence du matériel pédagogique dans l'enseignement à distance 85 cer les recherches, ces institutions reçoivent des dotations importantes de la part du P N U D et Références des organisations d'aide. E n théorie, par conséquent, tous les éléments nécessaires sont pré- B A N D Y O P A D H Y A Y , J. ; S H I V A , V . 1980. « T h e large and sents au sein d'une m ê m e institution. Cette situafragile community of scientists in India ». Minerva, tion confère des possibilités et des responsabivol. XVIII, n° 4, P- 575-594lités exceptionnelles. Si aucune d'entre elles K A Y B , A . 1979. « Some perspectives on international collaboration in distance education ». Communication n'est à m ê m e d'apporter une solution globale présentée à la Conférence de l'Open University sur au problème, chacune peut prendre l'initiative l'enseignement à distance pour les adultes, Birmind'une action vigoureuse pour faire avancer les gham, novembre 1979, Milton Keynes. choses dans la bonne direction, ou participer O R G A N I S A T I O N D E S N A T I O N S U N I E S . 1981. Étude sur l'efficacité de l'ensemble du système des Nations Unies dans à une telle action. le domaine de la science et de la technique au service du O n peut donc envisager une relation de type développement, A/36/240,18 mai 1981. commercial entre une institution d u système des Nations Unies, des éditeurs commerciaux, des organismes publics et des universités d u Tiers M o n d e . L à encore, les aspects économiques de l'édition sont si bien connus qu'il devrait être possible de mettre sur pied des arrangements satisfaisants permettant de sauvegarder les intérêts des auteurs, de l'institution, des éditeurs et des utilisateurs. L e marché international d u matériel d'enseignement porte, chaque année, sur des dizaines de milliards de dollars. Bien qu'il existe des maisons d'édition géantes disposant de marchés mondiaux, la réussite ou l'échec de chaque éditeur dépend de la création et de la commercialisation de produits conçus pour des dizaines de millions d'usagers. L'existence de ce vaste système destiné à faire passer un texte de l'état de manuscrit à celui de livre imprimé est essentielle pour les industries de l'éducation, de la recherche et de la connaissance. U n e des difficultés auxquelles les pays du Tiers M o n d e sont confrontés est le faible niveau des activités qui consistent à assimiler le savoir, à en faire l'examen critique, à le mettre en forme et à le diffuser. L a réalisation d'un matériel d'enseignement pertinent et de qualité est subordonnée au développement systématique et persévérant de tous les éléments de l'industrie de la connaissance. • Formation à distance et communication assistée par ordinateur France Henri à l'image d u dialogue que l'enseignant entretiendrait avec ses étudiants. Il soutient que la simulation d u m o d e conversationnel pour présenter la matière a des effets positifs sur le taux de réussite et sur le degré de satisfaction des étudiants. Cette façon de mettre en forme l'enseignement facilite la compréhension et fait de l'apprentissage à distance une expérience dynamique et stimulante. L'étudiant isolé se sent personnellement interpellé et invité à prendre part à la simulation. Il en résulte une plus grande motivation pour l'étude et le développement d'un sentiment d'appartenance et d'identification aux autres étudiants, qui, c o m m e lui, empruntent le m ê m e cheminement. L'enseignement médiatisé à distance, conçu c o m m e une simulation d'un dialogue interactif, peut se révéler c o m m e u n m o d e adéquat de présentation et d'appropriation des savoirs. Cependant, la formule ne serait complète que si l'on y ajoutait une structure d'encadrement qui procure à l'étudiant l'occasion d'établir une communication personnelle. Les rencontres de groupe, les communications téléphoniques et France Henri (Canada) est spécialiste en sciences deles échanges postaux permettent à l'étudiant l'éducation rattachée à la Télé-université de l'Uni- d'entrer en contact avec son tuteur et avec versité du Québec. Ses recherches portent sur le déve- d'autres étudiants. A u cours de ces activités, loppement de modèles d'application de la communile tuteur assure le suivi des apprentissages et cation assistée par ordinateur pour la formation unipeut intervenir pour aider u n étudiant en versitaire à distance. Elle est coauteur de l'ouvrage L e difficulté. savoir à domicile. Pédagogie et problématique de la L'importance des activités d'encadrement formation à distance (1985). Elle siège au Conseil mérite d'être fortement soulignée en raison de d'administration de l'Association canadienne pour l'enseignement à distance à titre de représentante du leurs effets déterminants sur la réussite des étudiants. A cet égard, il a été démontré que Québec. L a communication interactive correspond à u n m o d e d'échange fortement valorisé par les courants éducatifs contemporains. Elle constitue une méthode de présentation et d'appropriation des savoirs préconisée par plusieurs théoriciens pour promouvoir les apprentissages fondamentaux. L a formation à distance n'est pas d e m e u rée à l'écart de ce courant éducatif, où l'interaction est envisagée c o m m e une composante essentielle d u processus pédagogique. Bien que les médias traditionnellement utilisés en formation à distance n'offrent en général que de faibles possibilités de communication entre étudiants et enseignants, des efforts systématiques ont été entrepris pour simuler l'interaction dans la présentation des contenus d'enseignement, et ce, m ê m e à l'intérieur des textes pédagogiques (Landry, 1985). Dans son essai théorique sur la formation à distance, Holmberg (1986) propose que le contenu d u matériel didactique soit élaboré sous forme d'une « conversation didactique guidée », Perspectives, vol. XVIII, n° 1,1988 88 France Henri l'augmentation des taux de persévérance et de succès, la réduction des taux d'échec et d'abandon dépendent étroitement de la fréquence et de la qualité d u suivi pédagogique (Kaye et Harry, 1982). Dans la pratique, on a tendance à limiter ces activités de soutien à l'apprentissage, car elles génèrent des coûts importants qui, s'ils n'étaient pas contenus, menaceraient la rentabilité économique de la formation à distance. Les contraintes économiques qui e m p ê chent de fournir à l'étudiant éloigné des occasions fréquentes d'échanges interactifs représentent sur le plan pédagogique u n problème qu'il n'est pas toujours aisé de résoudre. O n réussit à les contourner au m o y e n d'un matériel didactique complet, élaboré c o m m e u n dialogue personnel, et structuré de telle sorte que l'étudiant se sente guidé et accompagné tout au long de son apprentissage. Dans sa forme actuelle, la dynamique de la formation à distance repose donc essentiellement sur la motivation et l'autonomie de l'étudiant qui, c o m m e un autodidacte, apprend seul. Toutefois, le développement des technologies de l'information et leur pénétration rapide dans plusieurs secteurs d'activités permettent d'envisager des solutions intéressantes aux problèmes d'isolement et d'éloignement. Déjà, plusieurs institutions d'enseignement supérieur nordaméricaines et européennes utilisent ces technologies c o m m e véhicule principal d'enseignement à distance ou c o m m e complément d'un enseignement à distance diffusé par les médias traditionnels. Dans plusieurs cas, le recours à ces technologies est encore expérimental. D e nombreux obstacles doivent être surmontés avant que l'on puisse en faire u n usage plus répandu; il faut : développer une meilleure connaissance des caractéristiques pédagogiques des technologies de l'information; mettre au point des méthodes de formation des usagers (étudiants, enseignants, tuteurs, conseillers, concepteurs) ; rendre les équipements facilement accessibles et niveler toutes les complications techniques qui les rendent rébarbatives à l'usager non spécialisé. Malgré ces difficultés de départ, qui ne sont pas inhabituelles au cours de l'implantation d'une innovation, on n'écarte pas l'idée que, dans u n avenir rapproché, les obstacles qui se présentent aujourd'hui seront surmontés. Technologies de l'information, technologies interactives et formation à distance L e terme « technologies de l'information » désigne les technologies informatiques par lesquelles on offre à des usagers divers services d'information et de traitement de données. Banques de données, bases de données, vidéotex, teletext, messageries électroniques, conférences assistées par ordinateur, transactions électroniques sont autant d'applications des « technologies de l'information ». L e plus souvent, ces technologies sont connectées à des réseaux de télécommunication et à des infrastructures de transmission (réseau téléphonique, satellite, ondes hertziennes, etc.) pour rendre l'information disponible aux usagers éloignés des centres de traitement. Les opérations de repérage, de consultation d'informations et de traitement de données se font en m o d e interactif sous forme de dialogue entre l'usager et la machine. L a combinaison des technologies de l'information et des télécommunications est désignée en français par le vocable « télématique ». INTERACTIVITÉ SÉLECTIVE ET INTERACTIVITÉ INTÉGRALE Les technologies de l'information se partagent en deux grands groupes : les technologies à interactivité sélective et les technologies à interactivité intégrale. Elles se distinguent par leur niveau d'interactivité et par l'origine de l'information. Dans le premier groupe, on retrouve toutes les technologies qui emmagasinent des informations sous une forme déjà structurée pour en rendre l'accès et la consultation faciles ; ce sont, par exemple, les banques de données (ASCII, N A P L P S ) , bases de données, télétext, transactions et achats électroniques... L'usager repère Formation à distance et communication assistée par ordinateur 89 l'information désirée en utilisant différents véhicule aux informations que les usagers se procédés de recherche c o m m e l'appel de mots transmettent au m o y e n de messages qui peuclés, la combinaison de descripteurs, les choix vent être destinés à un ou plusieurs usagers à la par arborescence. L'information fournie par ces fois. A u cours de ces échanges, une c o m m u n i systèmes technologiques est nécessairement cation pleinement interactive s'installe entre deux limitée aux données placées dans la mémoire personnes ou au sein de groupes constitués en de l'ordinateur hôte. L'usager ne peut généra- collèges ou communautés électroniques. L'inlement ajouter d'autres données ni modifier formation qui circule n'est pas nécessairement les contenus diffusés, ce privilège étant réservé fournie, mais plutôt élaborée par les usagers. aux fournisseurs d'informations. Ces technolo- L e premier système de « C A O », E I E S (Elecgies opèrent donc en m o d e interactif par choix tronic Information Exchange System), a été sélectif et l'information est u n service fourni ; développé aux États-Unis d'Amérique par il n'est pas permis à l'usager de faire des entrées l'équipe de Murray Turoff pour échanger et d'informations qui pourraient par la suite être mettre en c o m m u n des informations, procéder à des discussions et des travaux de groupe, facidistribuées. L a possibilité d'accéder à des masses d'infor- liter le processus de prise de décision (Hiltz mations stockées dans les bases et les banques et Turoff, 1978). Les résultats des premières de données ouvre des horizons nouveaux pour expériences d'utilisation de la « C A O » d é m o n la formation à distance. Les concepteurs de trent que ce m o d e d'échange favorise une c o m l'enseignement pourront diriger les étudiants munication dynamique et des interactions sovers ces sources documentaires en les invitant ciales productives au sein des communautés à y puiser des informations qui complètent électroniques (Kerr et Hiltz, 1982 ; Hiltz, le matériel de base des cours. D a n s ces banques 1985). Dans l'éventail de technologies de l'informaconstamment enrichies et mises à jour, l'étudiant pourra faire des choix d'information qui tion, la « C A O » apparaît c o m m e u n m o d e de correspondent à des besoins et à des intérêts communication très prometteur pour la formapersonnels. Il lui sera possible de se donner tion à distance. Elle rend possibles les échanges une formation mieux adaptée à ses aspirations directs entre deux ou plusieurs étudiants diset à ses attentes. Par ailleurs, ces technologies persés géographiquement et leur offre un espace permettront aux institutions à distance de se c o m m u n de travail et de discussion. L e recours dégager de la nécessité de fournir à l'étudiant à cette technologie permettra à l'étudiant de une lourde documentation imprimée et de sortir de son isolement et d'enrichir son envis'affranchir des délais de la poste ou d u courrier ronnement d'apprentissage par des dialogues réellement interactifs. Il lui sera possible de privé pour livrer le matériel. L e deuxième groupe de technologies englobe prendre la parole, de poser des questions, toutes les formes de communications assistées d'exprimer ses besoins, ses idées, ses opinions par ordinateur (« C A O ») : messagerie électro- et, surtout, de confronter sa pensée avec celle nique pour les communications individuelles ; d'autres étudiants. D e plus, il aura à développer messagerie électronique à l'usage d u grand la maîtrise des aptitudes en matière d'écriture public ; téléconférence pour les communications et de lecture essentielles à l'utilisation adéquate de groupe ; communication asynchrone ; c o m - de ce véhicule de communication. O n pourrait munication synchrone ; répertoire des utilisa- espérer que, s'il tire profit d u recul que procure teurs ; compilation de votes ; organisation et l'écriture, l'étudiant développera à l'usage de triage de messages dans une conférence... cette technologie une plus grande conscience Contrairement aux technologies du groupe pré- et une meilleure maîtrise des processus d'apcédent — qui structurent des services et en prentissage qu'il emploie. L a « C A O » permet assurent la diffusion —, les technologies d u d'envisager l'avènement d'une nouvelle dynadeuxième groupe servent essentiellement de mique de communication interactive en forma- France Henri 90 tion à distance et de donner à l'étudiant de plus grandes possibilités d'expression. LA « CAO » EN FORMATION A DISTANCE L a communication assistée par ordinateur est une technologie ou u n média dont les caractéristiques répondent aux critères d'accessibilité, d'interactivité et de souplesse d'utilisation fortement recherchés en formation à distance. Pour peu que l'étudiant puisse avoir accès à u n terminal ou à u n micro-ordinateur muni d'un m o d e m relié à une ligne téléphonique, il peut, au m o m e n t opportun, prendre part à des discussions et communiquer rapidement avec son tuteur et d'autres étudiants, sans limite dans le temps et dans l'espace. L'enseignant ou le tuteur ainsi placés en contact direct et fréquent avec l'étudiant seront en mesure d'adapter facilement et sans délai les contenus d'enseignement en fonction des particularités d'un groupe et de répondre aux besoins individuels de chaque étudiant. Il est permis de croire que cette proximité augmentera la qualité de la c o m m u nication pédagogique en procurant à tous les participants au processus de formation à distance (étudiants, enseignants, tuteurs) des « lieux » nouveaux et permanents d'échanges et d'interactions. O n peut imaginer de nombreuses applications pédagogiques de la « C A O » — par exemple, répondre aux questions et aux d e m a n des des étudiants concernant les contenus de cours, fournir des conseils d'orientation, aider l'étudiant à résoudre les problèmes de compréhension de la matière d'un cours, servir de véhicule de transmission pour la remise des devoirs et le retour des questionnaires d'exam e n , pour discuter des projets et des travaux avec le tuteur, pour regrouper les étudiants en fonction de leurs centres d'intérêt et de leurs besoins, pour encourager la réalisation de travaux d'équipe et pour créer des groupes d'entraide. Toutes ces possibilités n'ont pas encore été testées, car la recherche et les expérimentations dans le domaine en sont encore à leurs débuts. N o u s ne disposons pas de données abondantes sur la valeur pédagogique de la « C A O ». Les résultats de recherche ne permettant pas de conclure à sa supériorité pédagogique par rapport à d'autres médias ni à sa rentabilité économique accrue, comparativement aux moyens de communication plus conventionnels, c o m m e le téléphone, le courrier postal et les rencontres en face-à-face. Cependant, les projets d'application de la « C A O » en cours dans plusieurs établissements d'enseignement mettent graduellement en évidence les avantages pédagogiques de ce média. Les premières expérimentations tendent à confirmer l'hypothèse que les environnements électroniques créés au moyen de la « C A O » peuvent générer de nouvelles façons de concevoir l'enseignement et de nouvelles formes d'apprentissage à distance. Les expériences menées au Canada (Brochet, 1986 ; McCreary et al., 1987 ; Harasim, 1987 ; Davie, 1987), aux États-Unis d'Amérique (Hiltz, 1986; Hiltz, 1987 ; Bissell et al., 1987 ; Haile et Richards, 1984 ; Richards, 1987) et en Grande-Bretagne (Kaye, 1987 ; McConnell, 1987) sont assez éloquentes au sujet des potentialités du média. Les résultats obtenus tendent à démontrer que la « C A O » peut faciliter les apprentissages coopératifs et la formation de groupes d'entraide, qu'elle favorise, de la part des étudiants, une participation plus active que celle que l'on observe en classe et que les étudiants en général manifestent u n taux élevé de satisfaction. O n note aussi, dans certains cas, que le taux d'abandon est inférieur à celui que l'on connaît généralement en formation à distance (Haile et Richards, 1984) et que les étudiants témoignent d'une plus grande motivation (McCreary et al., 1987). Dans la plupart des expériences, on insiste sur le fait que l'utilisation de cette technologie nécessite une nouvelle façon d'organiser les contenus d'enseignement. Les comptes rendus d'expériences, positifs dans l'ensemble, font aussi état des difficultés économiques, techniques et pédagogiques que présente l'utilisation de la « C A O ». L'emploi de cette technologie risque d'être discriminatoire du point de vue économique, car elle entraîne des coûts ajoutés pour l'étudiant, qui doit Formation à distance et communication assistée par ordinateur payer le prix d'achat ou de location d'un terminal et couvrir les frais de télécommunication (Bates, 1986). Les suppléments à débourser limiteraient l'accès des étudiants et risqueraient d'en faire une formule réservée aux groupes économiquement favorisés. D e plus, les problèmes techniques que rencontrent les étudiants pour établir les liens de télécommunication peuvent prendre des proportions importantes. Q u e ce soit à cause des défaillances des infrastructures de communication ou d'une connaissance imparfaite des logiciels et de l'équipement, les embûches techniques accroissent les risques d'échec et de démotivation des étudiants. Pour aplanir ces difficultés, il faut pouvoir fournir l'équipement nécessaire et offrir à distance u n service de soutien technique à l'étudiant. Sur le plan pédagogique, le tuteur ou l'enseignant — qui agit c o m m e animateur des échanges électroniques — doit développer des c o m p é tences particulières pour mener à bien les discussions et les activités qui sont proposées aux étudiants. Il doit pouvoir gérer les messages, guider les interactions et aider le groupe à atteindre l'objectif qu'il s'estfixétout en accordant une attention particulièrement aux cheminements et aux réactions des étudiants pris individuellement. L'étudiant doit, pour sa part, faire preuve d'assiduité pour suivre l'évolution d u groupe et s'imposer une discipline de participation à laquelle il n'est généralement pas tenu en formation à distance. E n dépit des problèmes que pose l'utilisation de cette nouvelle technologie, il est permis de croire que la mise en réseau des enseignants, des concepteurs, des tuteurs et des étudiants ouvrira la voie à des dialogues productifs et créateurs, élargissant les perspectives d'intervention de chacun. Il pourrait en résulter u n m o d e inédit de diffusion des connaissances que les médias traditionnels peuvent difficilement intégrer. 91 Vers u n modèle de formation à distance de troisième génération L e paradigme de la formation à distance « multimédiatisée » s'est élaboré à partir des principes d'ouverture, de démocratisation et d'accès à l'éducation (Henri et Kaye, 1985). Les modèles pédagogiques et organisationnels se sont dégagés de l'idée que la communication en face-àface constitue une source d'échanges irremplaçables, voire indispensables à la transmission et à l'acquisition de savoir. C'est grâce à la pénétration des médias dans tous les secteurs d'activités que l'on a p u organiser des formations de masse, à la portée de tous, par l'emploi de formules souples de diffusion des enseignements. L'utilisation des médias et des technologies de communication dans la formation à distance s'est donc développée au service d'une vision de l'éducation qui mise sur l'autonomie et la prise en charge de la formation par l'étudiant. Les technologies de l'information, appliquées à la formation à distance, pourraient elles aussi être porteuses de ces valeurs. Selon Shapiro (1987), l'intégration de la « C A O » dans la formation à distance vient de donner naissance à u n modèle de « troisième génération ». Les modèles de première et de deuxième génération correspondent respectivement aux modèles de l'enseignement par correspondance et à celui de la formation à distance employant des médias traditionnels. Ces deux modèles se caractérisent par des interactions relativement lentes, éparses et limitées, par des démarches d'apprentissage essentiellement individuelles où l'étudiant s'approprie le savoir en utilisant les ressources didactiques et d'encadrement qui sont mises à sa disposition et par la place limitée qui est réservée à la c o m m u n i cation réellement interactive (rencontres occasionnelles en face-à-face et communications téléphoniques). L e modèle de formation à distance de troisième génération ajoute aux deux premiers une possibilité permanente de communication interactive, dans u n m o d e synchrone ou asyn- 92 France Henri chrone. Grâce à la « C A O », qui met en contact K A Y E , A . 1987. « Introducing computer-mediated c o m munication into a distance education system ». Canadian étudiants, tuteurs et enseignants dans une c o m journal of educational communication, vol. 16, n° 2. munication pleinement interactive, le modèle K A Y E , A . ; H A R R Y , K . (dir. publ.). 1982. Using the media de troisième génération fait place à des apprenfor adult basic education. Londres, C r o o m H e l m . tissages qui ne sont plus le fruit d'une dé- K A Y E , A . ; R U M B L E , G . 1981. Distance teaching for higher and adult education. Londres, C r o o m H e l m . marche individuelle. Il permet des chemineK E R R , E . B . ; H I L T Z , R . 1982. Computer-mediated comments de groupe où les apprentissages sont munication systems. N e w York, Academic Press. soutenus par la dynamique des processus so- L A N D R Y , F . 1985, « L'imprimé : un moyen d'enseignement privilégié ». Dans : Le savoir à domicile. Pédagogie et ciaux. Désormais, l'étudiant à distance pourra problématique de la formation à distance. Québec, Presses choisir d'entreprendre une démarche individuelle de formation ou de participer à des de l'Université du Québec. M C C O N N E L L , D . 1987. « Computer conferencing in the apprentissages collectifs qui se construisent par development of Teacher inservice education ». Dans : interactions. • Proceedings of the Second Symposium on Computer Conferencing. Université de Guelph, Ontario. M C C R E A R Y , E . K . ; V A N D O R E N , J. 1987. « Educational applications of computer conferencing ». Canadian journal of educational communication, vol. 16, n° 2 . M A S O N , R . 1987. « Computer conferencing: Its contribution to self-directed learning ». Communication présentée au Second Symposium on Computer Conferencing. Université de Guelph, Ontario. B A T E S , A . W . 1986. « Which way for information techR I C H A R D S , A . 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A u Venezuela, la Commission chargée d'organiser l'Universidad Nacional Abierta s'est déclarée convaincue que cette institution allait « contribuer à une réduction importante du coût annuel de chaque étudiant et du coût social de chaque diplômé » ( C O U N A , 1979)- Dans l'État indien de l'Andhra Pradesh, le Comité pour la création d'une université ouverte (1982) s'est appuyé sur les conclusions des études de coûts précédemment effectuées au R o y a u m e - U n i pour l'Université ouverte (Open University), d'où il ressortait que les dépenses d'équipement et les dépenses de fonctionnement par étudiant y étaient en moyenne plus faibles que dans les Greville R u m b l e (Royaume-Uni). Spécialiste des universités classiques, pour suggérer que la systèmes de télé-enseignement, a travaillé à ¡'Univer-création d'une université de télé-enseignement sidad Estatal a Distancia du Costa Rica et auprès de serait, de toutes les solutions, la plus écononombreux organismes en qualité de consultant dans mique pour le gouvernement de cet État. ce domaine. Actuellement chargé de la planification Malheureusement, les espoirs des h o m m e s à I' « Open University » (Royaume-Uni). Ses ouvrages politiques et des planificateurs ne se concrétiles plus récents sont T h e politics of nuclear defence sent pas toujours. Il y a des programmes de (1985), T h e planning and management of distance télé-enseignement qui ont coûté plus cher par education (1986). Coauteur de Distance teaching for higher and adult education (198z, en collaboration élève ou par diplômé — voire dans les deux avec Anthony Kaye) et de T h e distance teaching uni- cas — que des systèmes traditionnels remplisversities (1982, en collaboration avec Keith Harry). sant des fonctions comparables, tout autant L'enseignement à distance passe pour moins cher que les formes traditionnelles d'enseignement. O n entend généralement par là le fait que le coût par élève ou par diplômé est moins élevé dans le premier cas que dans le second. Étant donné que les élèves peuvent progresser à des rythmes différents (selon qu'ils étudient à plein temps ou à temps partiel), le coût par élève est souvent exprimé dans une mesure en unité standard, telle que le coût par heure d'élève ou par équivalent d'élève à plein temps. Il n'est pas toujours facile de comparer les coûts des systèmes. Les objectifs ou la manière de traiter une m ê m e matière peuvent être différents, voire très différents ; le niveau exigé des élèves au m o m e n t de leur admission peut varier et influer sur les taux de réussite aux examens ; la qualité de l'enseignement peut elle aussi être différente. Chacune de ces variables peut peser sur les coûts et sur notre manière de les considérer. Toutefois, en règle générale, les compa- Perspectives) vol. XVIII, n» 1,1988 94 GrevilleRumble pensés. Les variables considérées ici c o m m e susceptibles d'être infléchies par le volume des activités sont S , C et P . D'autres variables i m portantes, c o m m e le nombre des centres d'études locaux où est dispensé u n enseignement, peuvent intervenir dans certains systèmes de télé-enseignement, mais le modèle utilisé ici en fait abstraction. Tous les coûts figurant dans la partie droite de l'équation sont subordonnés à des choix de gestion. Dans les systèmes d'enseignement à distance, les coûts liés aux élèves comprennent ceux des matériels qui leur sont fournis, les coûts de distribution lorsque ces matériels sont expédiés individuellement, le coût de la rémunération des tuteurs chargés de noter les devoir et les copies d'examen et le coût d'éventuels cours en face-à-face. A l'évidence, le coût par élève La fonction augmente avec la quantité de matériels fournis, de coût fondamentale et le coût par élève des tuteurs, par exemple, avec le nombre des séances et le taux d'encadreL e coût total d'une entreprise comprend à la ment. fois des coûts fixes et des coûts variables. Les Les coûts directs d'élaboration des cours premiers ne sont pas sujets à des variations comprennent les coûts de main-d'œuvre (récontinues en fonction d u volume des activités, munération des auteurs, préparateurs des m a mais ils peuvent se modifier en cas de cessation nuscrits, concepteurs, producteurs de radio ou de certaines activités ou d'importants change- de télévision), ainsi que les coûts de mise au ments dans le volume des activités (cette der- point et de production des « originaux » o u des nière notion s'apprécie par rapport à la situation prototypes des matériels pédagogiques (rémude l'entreprise). Les coûts variables tendent à nération des consultants, paiement de droits, augmenter ou à diminuer directement (de façon coût de la réalisation d'émissions ou de la prélinéaire) en fonction desfluctuationsdu volume paration de bandes originales, et ainsi de suite). des activités. L e volume des coûts peut être modifié par L a fonction de coût de base d'un système des décisions relevant de la gestion. L e coût éducatif quelconque s'écrit c o m m e suit : de la reproduction des matériels pédagogiques distribués aux élèves est u n coût direct par T = SQ + CS + PTI: + F élève, tandis que celui de la constitution d'un où T est le coût total, S le nombre d'élèves, stock de matériels destinés à leur être prêtés C le n o m b r e de cours élaborés, P le nombre de pour la durée d'un cours auquel ils sont inscrits cours présentés aux élèves, F les coûtsfixesd u est u n coût direct lié aux cours. Si, par exemple, système (coûts administratifs et autres frais on fournit aux élèves les vidéocassettes illustrant généraux), O le coût direct par élève, S le coût u n cours, ces copies représentent des coûts direct de l'élaboration d'un cours et TC les coûts directs encourus pour chaque élève ; dans le cas directement liés à la fourniture des cours. S Q où, au contraire, on leur prête des copies faisant représente le coût direct total des élèves, C S le partie d'un stock permanent, le coût de consticoût direct total des cours qui sont élaborés et tution de ce stock est u n coût direct des cours. P7c le coût direct total des cours qui sont disA u nombre des coûts directement liés aux qu'il existe de nombreux programmes d'enseignement à distance qui se sont révélés moins coûteux (Perraton, 1982). L a structure des coûts est à ce point différente d'un système à l'autre que ceux qui tentent de mettre sur pied u n enseignement à distance ont les plus grandes peines à en expliquer le fonctionnement et la logique financière aux responsables des administrations et des organismes de financement (Snowden et Daniel, 1980). Si l'on veut comprendre pourquoi il en est ainsi et c o m m e n t il se fait que l'enseignement à distance soit tantôt plus coûteux, tantôt plus économique que le système traditionnel, il faut posséder quelques lumières sur le comportement des coûts de l'éducation. Le régime économique de l'enseignement de masse à distance cours figurent des postes de dépense tels que le coût de diffusion des émissions illustrant ou complétant les cours, la rédaction des sujets d'examen, le contrôle du déroulement des cours et, d'une façon générale, la mise à jour et l'amélioration des matériels didactiques. L a nature des frais généraux va plus ou moins de soi : ce sont les coûts des fonctions de gestion (personnel, finances, services de gestion, administration, planification et évaluation des services administratifs et autres). Ces coûts seront normalement d'autant plus élevés que l'appareil de gestion et d'évaluation sera plus complexe. Peuvent également entrer dans cette catégorie les provisions pour amortissement des machines et des matériels (équipements de studio et m a tériel de transmission, ordinateurs, et ainsi de suite) qui tous sont exposés à l'usure et devront u n jour être remplacés. Il y a un certain nombre de modes de traitement des coûts d'équipement, mais ce qui importe réellement dans la pratique, c'est le coût pour l'entreprise du remplacement des éléments atteints d'obsolescence par des matériels neufs remplissant des fonctions analogues. L'utilisation des médias et les problèmes que pose l'encadrement des élèves font que les frais généraux (F), les coûts d'élaboration des cours (S) et les coûts de présentation des cours qui sont directement liés aux cours (n) sont généralement, à effectifs comparables, plus élevés dans les établissements d'enseignement à distance que dans les écoles traditionnelles ; mais, c o m m e le soutien apporté aux élèves est relativement limité, le coût direct par élève (Q) y est moins important. C'est que ces établissements consacrent beaucoup de leurs efforts en matière de gestion et d'enseignement à l'élaboration et au bon fonctionnement des matériels pédagogiques et des procédures administratives de contrôle des élèves. Il y a donc là une forme d'investissement en capital, qui se substitue aux contacts directs entre maîtres et élèves et qui pourra, ensuite, servir pour u n nombre d'élèves plusieurs fois supérieur aux effectifs auxquels peuvent s'adresser des formes d'éducation traditionnelles c o m m e les cours magistraux, les séminaires ou les travaux dirigés (en salle de 95 classe). A u fond, il y a là une substitution de capital au travail offrant aux spécialistes de l'éducation ce que W a g n e r (1982) a p u appeler la « production de masse c o m m e solution de rechange à l'approche artisanale traditionnelle ». U n e étude comparée des coûts dans les universités traditionnelles et à l'Open University (enseignement à distance) britannique a montré à quel point les coûtsfixes(en capital) peuvent être prépondérants : alors que le rapport des coûts variables aux coûts fixes est de l'ordre de 1 à 8 dans les universités classiques, il est d'à peu près de 1 à 2 000 à 1' « O p e n University » (Laidlaw et Layard, 1974). Les coûts d'élaboration, de production et de distribution des matériels didactiques L'une des particularités des systèmes de téléenseignement est le niveau d'investissement requis avant la moindre inscription. Les investissements en biens d'équipement (bâtiments, m a tériel et autres) peuvent être considérables, en particulier si l'on fait appel à des techniques d'enregistrement en studio et de transmission par satellite ou de radiodiffusion terrestre, et qu'il faille construire les installations au lieu de les louer en fonction des besoins. L'informatisation de l'enseignement et de l'administration alourdit aussi substantiellement les coûts. Il faut prévoir le stockage et la manutention des matériels didactiques, ce qui peut obliger à construire ou, en tout cas, à équiper des locaux à cet effet. A cela s'ajouteront des investissements supplémentaires si l'on décide de créer u n atelier d'impression sur place au lieu de louer les services d'une imprimerie c o m m e r ciale. Il faut ensuite concevoir et produire u n éventail de matériels pédagogiques suffisamment large pour répondre aux objectifs de l'établissement et offrir u n m i n i m u m de choix aux élèves potentiels. C e qui coûte le plus cher, en l'occurrence, c'est sans doute le personnel enseignant et assimilé requis pour les élaborer. D'après Sparkes (1984), s'il faut entre une heure 96 Greville Rumble et dix heures de travail pour préparer une heure d'enseignement en petit groupe et de deux à dix heures pour un cours magistral d'une heure, il faut entre trois et dix heures pour mettre au point une heure d'enseignement vidéo dirigé, de cinquante à cent heures pour rédiger u n texte didactique qui occupera l'élève pendant une heure et u n m i n i m u m de cent heures pour mettre sur pied une émission télévisée de soixante minutes de qualité radiophonique, de deux cents heures pour l'équivalent d'une heure d'apprentissage assisté par ordinateur, de trois cents heures pour l'équivalent d'une heure d'apprentissage sur vidéodisque interactif. Ces chiffres doivent être maniés avec prudence. Il existe, en gros, quatre modes de création de matériels d'apprentissage à distance. L e premier consiste à rechercher parmi les matériels existants ceux qui seraient susceptibles d'être utilisés tels quels ou adaptés aux besoins des élèves de l'enseignement à distance. Il n'est pas rare, par exemple, qu'un établissement recommande à ses élèves certains manuels, qu'il leur est ensuite demandé de se procurer pour suivre un cours. L'établissement n'a plus, alors, qu'à rédiger quelquesfichesde conseils et des questions de contrôle de niveau avant de démarrer le programme d'enseignement, ce qui, naturellement, réduit considérablement ses coûts. Cette façon de procéder, qui ne demande pratiquement aucun effort de création, est particulièrement économique. Elle est employée par certaines écoles d'enseignement commercial par correspondance préparant à des examens professionnels ou autres. Elle aboutit rarement à la production de matériels bien adaptés aux besoins de l'auto-apprentissage, mais elle permet effectivement de mettre au point u n large éventail de cours à coût très réduit. Elle est également utilisée dans une version modifiée par l'Université ouverte britannique pour certains cours de haut niveau, pour lesquels on ne fournit à l'élève qu'une quantité restreinte de matériels d'auto-apprentissage. Deuxième formule : on peut « greffer » le système de télé-enseignement sur un système d'enseignement classique, c'est-à-dire enregistrer sur bandes vidéo des cours dispensés à des classes ordinaires, puis les compléter par des notes reproduisant par exemple (sous une autre forme) les documents distribués aux élèves, les exemples donnés au tableau noir ou sur tableau de papier, les films projetés à l'aide d'un rétroprojecteur, les diapositives et autres. U n e fois les amphithéâtres équipés de caméras vidéo et de matériel de prise de son, les coûts supplémentaires par personne de la production des bandes vidéo et des notes complémentaires à l'intention des élèves qui ne fréquentent pas les cours à l'université peuvent être très modiques, c o m m e en témoignent le programme de préparation extra-universitaire aux diplômes d'ingénieur de l'Université d'État d u Colorado (Wagner, 1975) et le programme de téléenseignement de l'Université de Waterloo (Leslie, 1979). Il est alors possible de constituer une importante vidéothèque en peu de temps et pour u n coût total relativement faible. Sans être sans doute d'une très grande qualité, ces matériels vidéo répondent parfaitement à leur objet. Diffusés par satellite, ils permettent à des élèves disséminés sur u n très vaste territoire d'avoir accès à des cours faisant le point des derniers progrès de la technologie. Parfois, les élèves ont également la possibilité de suivre les cours par liaison téléphonique (enseignement vidéo dirigé). Ces formules sont aujourd'hui pratiquées par u n certain nombre d'universités, dont, aux États-Unis d'Amérique, la National Technological University. Les troisième et quatrième approches reposent sur l'utilisation de matériels d'auto-apprentissage (imprimé, audiovisuel, émissions et autres) spécialement conçus et produits pour l'enseignement à distance. Il ne fait guère de doute que ces matériels pédagogiques sont souvent d'excellente qualité. L a troisième façon de procéder consiste à arrêter le programme d'enseignement et à préciser le contenu des cours, puis à recruter des universitaires en qualité de consultais pour rédiger les documents écrits ou les scripts des émissions et des productions audiovisuelles. C'est la solution qui a été retenue par la Universidad Estatal a Distancia d u Costa Rica. Elle présente ce grand avantage que les rédacteurs sont rémunérés en fonction des Le régime économique de l'enseignement de masse à distance résultats. C o m m e ils ne sont pas employés à plein temps à titre permanent, aucun engagement de longue durée ne fait obligation de prendre en charge leur formation ou leurs recherches personnelles, et l'on évite d'être encombré d'un personnel peu zélé ou dont les connaissances sont périmées. U n e fois que les planificateurs ont précisé les buts, les objectifs et le contenu général des nouveaux programmes d'études, des universitaires et des spécialistes de la technologie de l'éducation revoient les projets rédigés par les consultants pour les transformer en produits finis. Si les auteurs n'ont pas livré la marchandise prévue, ils ne sont pas payés. L a création de nouveaux cours peut être annoncée à l'avance, mais certains établissements ( c o m m e l'Open Learning Institute en Colombie britannique) attendent que tous les matériels soient réunis et prêts à être produits. Cette façon de procéder rappelle plus la maison d'édition que l'université. Les écoles d'enseignement commercial par correspondance qui créent elles-mêmes leurs matériels pédagogiques font appel à des consultants parce que c'est, à l'évidence, une façon relativement souple et économique de s'assurer les services d'universitaires pour la rédaction des cours et de professionnels pour la production de programmes de radiodiffusion et de documents audiovisuels. L a rémunération des auteurs travaillant sous contrat peut néanmoins varier en fonction de F « offre ». Dans certains pays ou pour certaines disciplines, les auteurs compétents sont rares et leurs honoraires parfois élevés. Enfin, on peut aussi faire élaborer les matériels didactiques par u n petit nombre de professeurs employés à plein temps, en vertu de contrats de durée indéterminée ou temporaires. Ceux qui occupent u n poste à titre permanent doivent se tenir informés de l'évolution de leur discipline : il faut donc leur laisser d u temps libre pour actualiser leurs connaissances et, le cas échéant, faire des recherches. A u bout d'un certain temps, ils pourront posséder bon n o m bre des compétences des concepteurs de matériels didactiques et des spécialistes de la technologie éducative. A la différence du personnel 97 temporaire, ils ne sont pas constamment entrain de songer au prochain engagement, mais une erreur de recrutement dans leur cas risque avoir des conséquences durables, surtout lorsqu'ils sont titulaires de leur poste. L a masse totale des traitements dépend aussi du m o d e d'affectation du personnel enseignant. Des établissements c o m m e l'Université ouverte britannique, l'Université Athabasca (Canada) et l'Université Deakin (Australie), où les cours sont élaborés collectivement (plusieurs professeurs et techniciens travaillant en équipe sur un m ê m e projet) ont besoin d'un effectif plus nombreux que ceux qui ne demandent à chacun que de s'en tenir à sa spécialité. Si la première méthode exige u n plus grand nombre d'heures de travail, et fait par conséquent monter les coûts, elle permet en revanche de travailler dans une ambiance particulièrement propice à la création. D e ces quatre formules, la première est la plus économique et la dernière la plus coûteuse. U n autre facteur dont il faut tenir compte dans l'évaluation des coûts d'élaboration, de production et de fourniture des cours est le choix d u support. L à encore, les choix de gestion peuvent modifier considérablement le coût du système. Sparkes, on l'a vu, estime que le temps nécessaire pour concevoir u n matériel correspondant à une heure d'apprentissage varie dans des proportions importantes selon le support utilisé, mais il y a d'autres coûts que ceux qui sont liés à sa conception. L a réalisation de documents imprimés comprend aussi la mise en pages, la préparation des manuscrits pour l'impression, la composition, l'impression et la distribution ; les matériels vidéo et audio doivent être diffusés par les canaux appropriés et reçus sur les appareils voulus ; les systèmes faisant appel à l'ordinateur nécessitent u n équipement important et l'accès à des réseaux de télé-informatique, ainsi que des investissements considérables en logiciels. Dans le cas d'imprimés, par exemple, tous les matériels devront être préparés pour l'impression et faire l'objet d'une maquette. L e travail de mise en forme nécessaire pour qu'un m a n u s - 98 Greville Rumble crit puisse être intégré à u n jeu d'auxiliaires didactiques pour l'auto-apprentissage coûtera sans doute plus cher si l'auteur a été employé sous contrat. L e coût de la maquette peut varier dans des proportions importantes selon la quantité d'illustrations (reproductions d'oeuvres d'art, photographies, etc.) incorporées au texte. L e procédé de composition influe également sur le prix de revient. Il est généralement moins coûteux de reproduire u n texte dactylographié en offset que de l'imprimer avec des caractères typographiques en métal fondu. Plus encore que les machines à écrire, les machines de traitement de texte permettent d'obtenir facilement des documents prêts pour la photogravure et de réduire les frais de rédaction. T i m m e r s (1986) a calculé que l'acquisition de machines de traitement de texte avait permis à l'Open Learning Institute de Vancouver de ramener de cent vingt à cinquante heures le temps nécessaire pour rédiger et mettre en forme une page de texte. A l'inverse, les coûts peuvent monter en flèche lorsque les textes doivent être écrits à la main. Les calligraphes employés par l'Université ouverte Allama Iqbal sont rémunérés sur la m ê m e base que les chargés de cours. Dans certains établissements, c o m m e l'Université ouverte de Sri Lanka, les textes sont rédigés en plusieurs langues : d'où des dépenses supplémentaires de traduction. Les coûts d'impression peuvent également être plus ou moins élevés. L e prix d u papier n'est pas le m ê m e dans tous les pays, il existe différentes qualités de papier, et le coût de l'impression dépend de la technique employée. L e prix d'un tirage offset varie selon que l'on utilise des supports en papier ou des plaques métalliques. Les premiers sont meilleur marché, mais ne permettent de tirer que cinq cents exemplaires environ. L'emploi de la couleur alourdit beaucoup les coûts d'impression. Quant aux coûts de distribution, ils sont sujets à des variations telles qu'il est difficile de généraliser, mais il est clair qu'ils ne seront pas les m ê m e s si l'on expédie les matériels directement par la poste au domicile de chaque élève, c o m m e le fait l'Université ouverte britannique, o u par camion jusqu'à des centres locaux où les élèves doivent venir les chercher, selon la formule retenue par l'Universitad Estatal a Distancia du Costa Rica. Enfin, il est possible de réaliser des économies d'échelle, les coûts unitaires d'impression se trouvant fortement réduits en cas de gros tirage ; mais, inversement, lorsque les stocks imprimés excèdent les besoins d'une année scolaire, les frais d'entreposage les m a jorent d'autant. Les coûts de production des matériels vidéo peuvent eux aussi varier considérablement. L e coût d'une heure de cours sur bande vidéo est de beaucoup inférieur à celui d'une émission de télévision satisfaisant aux normes de qualité de la diffusion. Il y a à cela u n certain nombre de raisons. L'équipement indispensable pour produire u n programme de télévision de cette qualité est plus cher que celui qui est nécessaire pour réaliser une bande vidéo. Dans certains pays, les syndicats des professionnels de la télévision ont fait grimper les taux de rémunération jusqu'à des niveaux très élevés, et il s'y ajoute souvent des accords sur l'effectif minimal qui viennent alourdir encore les coûts. Les normes de qualité sont en outre différentes selon les cas. A u x États-Unis d'Amérique, les émissions de la chaîne publique de télévision (Public Broadcasting Service) sont enregistrées sur des bandes de type U-Matic de format trois quarts de pouce à fréquences basses, ce qui revient moins cher que d'utiliser, c o m m e les sociétés de télévision britanniques, des bandes trois quarts de pouce à fréquences hautes. Il est parfaitement possible de produire des documents pédagogiques de qualité radiophonique à un coût réduit. Ainsi, aux États-Unis d ' A m é rique, la National Technological University diffuse par satellite des programmes vidéo peu coûteux qui répondent parfaitement à leur objet. Les coûts de distribution des matériels vidéo sont également sujets à d'importants écarts selon que l'on a recours à des vidéocassettes ou à des systèmes de télédiffusion de terre ou par satellite (télédiffusion directe ou transmission à des têtes de réseaux câblés) et que l'établissement de télé-enseignement doit supporter les dépenses d'équipement d u système de distribution ou a accès à u n certain temps d'an- Le régime économique de l'enseignement de masse à distance tenne à u n coût réduit ou négligeable. E n général, la télévision est u n média coûteux, dont l'utilisation ne se justifie pas lorsque l'infrastructure de base (services de maintenance et main-d'œuvre qualifiée) fait défaut ou qu'une proportion importante de la population ne possède pas de récepteur (Eicher et al., 1984). Les systèmes vidéo dans lesquels chaque élève est censé s'équiper d'un magnétoscope pour enregistrer les programmes télévisés ou lire les cassettes qui lui sont louées ou vendues par l'établissement d'enseignement peuvent également coûter passablement cher. L ' U n i versité ouverte britannique a constaté qu'il était plus économique de donner à chaque élève une vidéocassette de soixante minutes que de diffuser le m ê m e programme, à condition que le nombre d'élève ne dépasse pas cent trentetrois. Entre cent trente-quatre et deux cent trente-trois élèves, il était plus avantageux de louer une cassette à chaque élève, tous frais postaux payés. Au-delà, il était préférable de diffuser le programme une seule fois sur les chaînes nationales de télévision de la B B C (British Broadcasting Corporation). Ces seuils ont été déterminés à l'aide de tableaux croisés coût/volume et ne valent naturellement que pour la situation et les coûts de cette université au m o m e n t où l'étude a été effectuée (1984). E n tout état de cause, la vente de cassettes aux élèves ne fait que majorer les coûts qui sont à leur charge. O n peut naturellement installer des magnétoscopes dans des centres locaux disposant aussi d'une vidéothèque dont ils utiliseraient les cassettes. U n tel système serait globalement moins onéreux, mais il présente certains inconvénients, dont les moindres ne sont pas la nécessité, pour l'établissement d'enseignement, d'assurer la maintenance des équipements, celle de les préserver du vol et du vandalisme, celle d'offrir aux élèves des appareils et des locaux en nombre suffisant pour qu'ils puissent consulter rapidement, dans le calme, la cassette de leur choix et, pour les élèves, l'obligation de se rendre au centre aux heures d'ouverture. Les cours radiophoniques et les cassettes 99 sonores présentent l'avantage d'être relativement b o n marché, les secondes pouvant être associées de façon originale à des documents imprimés pour recréer jusqu'à u n certain point les conditions de l'apprentissage audiovisuel. Eicher et ses collaborateurs (1984) doutent néanmoins que l'enseignement radiophonique offre u n rapport coût-efficacité satisfaisant en deçà de deux mille élèves, et l'Université ouverte britannique a constaté que, lorsque les cours touchaient moins de mille élèves, il était plus économique de donner des cassettes sonores à chaque élève que de diffuser les cours sur les ondes. Les remarques qui ont p u être faites sur les avantages comparés des cours sur cassettes et des cours radiophoniques portent sur les coûts, et non sur l'efficacité éducative de chaque formule. Il ne fait guère de doute que les élèves tirent davantage de profit des cassettes, qu'elles leur aient été fournies ou qu'ils les aient euxm ê m e s réalisées en enregistrant u n programme radiodiffusé, puisqu'ils ont la possibilité de les réécouter autant de fois qu'ils le souhaitent en se ménageant, ce faisant, des temps de pause. L e coût des systèmes reposant sur l'ordinateur n'a pas encore été suffisamment étudié, mais l'Université ouverte britannique, qui compte quelque soixante-quinze mille élèves préparant u n diplôme, a constaté que les dépenses nécessaires pour équiper chaque étudiant d'un ordinateur personnel dépassaient ses capacités financières. M ê m e en limitant la fourniture d'un ordinateur aux seuls cours qui sont censés exiger passablement d'opérations de calcul, l'université serait rapidement amenée à équiper au moins treize mille étudiants. U n e machine adaptée à leurs besoins (c'est-à-dire dotée au m i n i m u m du système d'exploitation M S - D O S , de 515 kilooctets de mémoire et des capacités de transmission d'un T V 1 0 0 ) coûtant de 500 à 600 livres sterling aux prix de 1987, l'Université n'a pas les moyens d'équiper ses étudiants d'ordinateurs personnels. Elle a donc récemment décidé de les encourager soit à les acheter eux-mêmes, en bénéficiant d'un rabais négocié par ses soins et, le cas échéant, d'un prêt bancaire, soit à les leur louer à u n tarif qui rend la première solution 100 Greville Rumble plus avantageuse pour ceux d'entre eux qui prévoient de s'en servir pendant plusieurs années. L e problème des coûts variables par élève U n autre facteur qui intervient dans le coût des systèmes de télé-enseignement est l'importance des services de soutien offerts aux élèves. Les systèmes les moins coûteux à cet égard sont ceux où l'élève est inscrit à u n examen, reçoit un plan détaillé d u programme et une liste d'ouvrages à consulter, puis se retrouve livré à lui-même. C'est le principe d u système de préparation extérieure aux diplômes qui a été adopté par l'Université de Londres. A l'exception de ceux qui préparent u n diplôme d'économie, les étudiants désireux de suivre des cours doivent s'inscrire auprès d'une école d'enseignement commercial par correspondance qui leur fournit desfichesde cours, leur donne des devoirs à faire, notés et corrigés par u n professeur. Lorsqu'il s'estime prêt, l'étudiant s'inscrit lui-même à l'examen. Les frais d'études sont à sa charge. Toutefois, bien des universités nouvelles fondées dans les années 1970 et 1980 dans le sillage de l'Université ouverte britannique ont mis au point u n système perfectionné qui prévoit, outre la fourniture de matériels pédagogiques, différents services d'appui : orientation et conseils, enseignement par correspondance, enseignement face à face et autres (Rumble et Harry, 1982). L'enseignement et les services d'orientation représentent tantôt un coût direct (variable) par élève, tantôt u n coût semi-variable dépendant du nombre d'élèves dont s'occupe chaque tuteur ou conseiller. Ces services représentent de toute évidence u n retour aux méthodes à forte intensité de travail qui sont à l'honneur dans l'enseignement traditionnel. Plus le coût direct (variable) ou semivariable par élève est élevé, plus le coût de l'enseignement à distance se rapproche de celui des formes traditionnelles d'éducation. C'est ainsi que le coût variable direct par étudiant de l'un des premiers cours de géo- graphie organisés par l'Université ouverte britannique dépassait de beaucoup le coût variable des cours de sciences sociales des universités britanniques traditionnelles, ce qui empêchait cet établissement de réaliser, sur ce cours tout au moins, les économies d'échelle que permet en théorie l'enseignement à distance (Laidlaw et Layard, 1974). Il est clair qu'au fur et à mesure que le nombre des cours en face-à-face augmente l'enseignement à distance perd l'une de ses caractéristiques fondamentales, à savoir l'éloignement physique des enseignants et des apprenants. O n aboutit à la limite à une forme d'enseignement classique, en salle de classe, qu'il soit dispensé par des enseignants de profession ou par des animateurs semi-qualifiés, la seule différence étant que les matériels didactiques sont produits par un organe central. D e nombreux programmes fonctionnent ou ont fonctionné selon ce principe, en particulier dans le primaire et le secondaire (citons le Projet d'enseignement radiophonique des m a thématiques du Nicaragua, le College of the Air à Maurice, le projet de télévision éducative d'El Salvador, la Telesecundaria mexicaine et bien d'autres). Dans ce genre de formule, le coût par élève se trouve parfois réduit du fait que le coût supplémentaire que représentent la mise au point, la production et la distribution centralisées des matériels est largement c o m pensé par les économies réalisées lorsqu'il n'est fait appel qu'à des animateurs semi-qualifiés ; mais il ne s'agit plus alors de télé-enseignement. Les coûts du programme d'études L e coût de l'enseignement à distance dépend aussi du nombre des cours offerts par l'établissement. Chaque cours représente u n investissement en matériels didactiques. L'investissement total et les coûts de mise à jour augmentent avec le nombre des cours, de m ê m e que le coût de leur remplacement par de nouvelles versions ou des cours totalement différents. L e nombre des cours offerts dépend dans une Le régime économique de renseignement de masse à distance certaine mesure des matières ; il sera plus ou moins grand selon que le programme suppose l'étude approfondie d'une seule matière (cas de la préparation à u n diplôme spécialisé) ou en combine plusieurs et qu'il prévoit ou non u n éventail de matières à option. Les systèmes de télé-enseignement les plus rationnels sont ceux qui offrent une g a m m e assez restreinte de cours à u n grand nombre d'élèves. Tel est le cas du programme de la Universidad Pedagógica Nacional mexicaine. Destiné à assurer la formation en cours d ' e m ploi des enseignants du primaire et du secondaire, il offre u n choix de cours relativement limité par rapport au nombre total d'élèves (qui était de soixante mille en 1980), ce qui assure à chaque cours u n effectif important. A mesure que de nouveaux cours seront ajoutés au programme, le nombre d'élèves par cours diminue dès lors que l'effectif total reste constant ou n'augmente pas proportionnellement au nombre d'options. E n Grande-Bretagne, par exemple, l'Université ouverte, créée en 1971, était dès le départ, censée connaître u n rapide essor. L a première année, elle eut vingt-cinq mille étudiants, répartis entre quatre cours ; mais, dès la deuxième année, vu l'augmentation rapide du nombre de ses cours et de son effectif, Laidlaw et Layard (1974) pouvaient prévoir qu'il faudrait justifier la création de cours de niveau supérieur n'intéressant qu'un nombre relativement faible d'étudiants « plus par le fait qu'ils sont partie intégrante d'un système conçu pour offrir un plus large accès à des programmes complets de préparation à un diplôme que parce qu'ils sont u n m o y e n économique d'atteindre cet objectif ». E n 1976, Wagner (1977) pouvait indiquer que les économies d'échelle réalisées par l'Université l'avaient été dans les premières années et que, par la suite, lorsqu'elle avait repris le modèle universitaire classique, la productivité n'avait guère progressé. L a principale raison en était, selon lui, que les économies d'échelle découlant de l'augmentation d u n o m bre des étudiants avaient servi à leur offrir davantage de cours. Cette démarche ne se justifiait toutefois que jusqu'à u n certain point. A l'époque de ses IOI débuts, l'Université ouverte s'était assigné pour objectif d'offrir pour la préparation au premier diplôme universitaire u n choix de cours correspondant à cent onze unités de valeur (chacune représentant entre quatre cent vingt et quatre cent cinquante heures de travail pour l'étudiant). O n ne tarda pas à s'apercevoir qu'elle ne pourrait pas créer et assurer u n tel nombre de cours avec les ressources disponibles ou prévisibles, et l'on approuva u n plan moins ambitieux ne prévoyant plus que quatrevingt-sept unités de valeur. C e plan, légèrement modifié, constitue encore aujourd'hui le prog r a m m e de base de l'Université pour ce premier cycle. Il est entendu que celui-ci est sanctionné par u n diplôme de caractère général et ne permet pas de spécialisation dans une matière particulière. Il a été admis, en outre, que de nouveaux cours ne pourraient être créés qu'à condition d'être peu coûteux ou de s'accompagner d'une augmentation du nombre des étudiants. L ' u n des moyens d'abaisser les coûts des enseignements est de dispenser les cours suffisamment longtemps pour étaler l'amortissement des coûts de leur élaboration sur u n plus grand nombre d'années. L'exemple de l'Université ouverte est, là encore, éclairant. Il avait été prévu initialement de renouveler les cours tous les quatre ans. Il devint vite évident que l'on ne pourrait à la fois respecter cet objectif et augmenter le nombre des cours offerts aux étudiants. L a plupart des cours sont aujourd'hui conçus pour durer entre huit et dix ans, avec le risque que cela suppose de les voir se dévaloriser au fil des ans si leur contenu est dépassé. L'Université, il faut lui rendre cette justice, est très consciente de ce problème. Les écoles d'enseignement commercial par correspondance ont résolu ces problèmes en ne proposant que des cours dont les coûts d'élaboration et de production sont relativement modiques et en privilégiant ceux qui ne risquent pas de se démoder rapidement, tout en se gardant de proposer des cours qui n'intéresseront jamais qu'un nombre assez faible d'élèves. Les nouveaux systèmes utilisant des cours sur vidéocassettes mis en œuvre par des établis- 102 Greville Rumble sements c o m m e la National Technological U n i versity aux États-Unis d'Amérique surmontent la difficulté d'offrir u n matériel didactique de ~r pointe dans des domaines où les connaissances évoluent très vite en enregistrant les cours donnés dans des universités traditionnelles, mais ces bandes vidéo sont loin d'avoir la qualité des matériels d'auto-apprentissage adoptés par les meilleurs systèmes de télé-enseignement. Coûts absolus, coûts m o y e n s , efficience et efficacité Les nombreux exemples que nous avons cités montrent combien il est difficile d'apprécier dans l'absolu le coût de l'enseignement à distance, mais aussi c o m m e n t les coûts de tel ou tel système peuvent être infléchis par des choix de gestion. C'est la raison pour laquelle nous n'avons évoqué ici qu'assez peu de coûts. L e coût d'un système peut être très élevé en valeur absolue. E n revanche, il est possible d'en ramener le coût par élève en deçà de ce qu'il est dans les systèmes traditionnels d'enseignement de m ê m e niveau, sans doute selon le nombre des inscrits. A u Venezuela, l'Universidad N a cional Abierta a vu ses chances d'abaisser ses coûts moyens jusqu'à u n niveau permettant, selon l'objectif fixé par les planificateurs, de réduire le coût annuel de chaque élève et le coût social de chaque diplômé, compromis par les taux d'abandon catastrophiques enregistrés les premières années (22,6 % à peine des étudiants inscrits en 1978 terminant avec succès le cours préparatoire) et par la chute des inscriptions observée entre 1978 et 1981, alors m ê m e que le nombre des cours offerts était en hausse (Siqueira et Lynch, 1986). Avec quelque quatre mille quatre cents inscriptions par an, l'Université Athabasca devait supporter pour chaque élève inscrit à u n cours des coûts comparables à ceux qu'affichaient les universités de type classique de l'Alberta et, à l'Université ouverte britannique, qui pratique u n système à plus forte intensité de capital, on constatait en 1972 que le coût m o y e n par étudiant était le m ê m e que dans les universités traditionnelles, alors qu'elle comptait vingt et u n mille sept cents étudiants (Laidlaw et Layard, 1974) — au m o m e n t où nous écrivons, elle a déjà dépassé les trente et u n mille inscrits. L a plupart des études économiques c o m p a rent les rapports coût-efficience des systèmes d'enseignement à distance et des systèmes traditionnels. L'efficience se mesure au coût de la réalisation d'un produit donné : une entreprise A sera plus efficiente qu'une entreprise B si le coût unitaire de ses produits est moins élevé. Elle devient d'autant plus efficiente qu'il lui faut moins d'apports pour obtenir un m ê m e produit. C e n'est pas parce que le coût par élève, heure de cours ou diplômé y est faible qu'un établissement de télé-enseignement a nécessairement atteint son m a x i m u m d'efficience. Il se peut fort bien qu'en modifiant ses pratiques et en comprimant ses coûts il parvienne à améliorer son efficacité interne et à réduire ainsi ses coûts unitaires, c o m m e le note M a c e (1978) à propos de l'Université ouverte britannique. Dans ce genre de comparaisons, on suppose généralement que le produit des systèmes de m ê m e niveau d'enseignement est de qualité comparable. C e n'est pas toujours le cas. A u R o y a u m e - U n i , il est vrai, certaines données de fait tendent à prouver que les étudiants qui ont fait des études d'économie à l'Université HeriotWatt selon les méthodes traditionnelles et ceux qui ont suivi le télé-enseignement de l'Université ouverte en sont effectivement à u n niveau de compréhension analogue (Lumsden et Scott, 1982). D ' u n e façon plus générale, m ê m e si, c o m m e on l'a écrit, « les planificateurs ne peuvent, jusqu'ici, que se montrer déçus des maigres résultats de la recherche » (Eicher et al., 1984), les rares indications dont on dispose donnent à penser que des étudiants motivés tireront profit de n'importe quel type de matériel didactique, pourvu que celui-ci soit utilisé avec compétence et adapté à leurs besoins (Eicher et al., 1984 ; Wells, 1976). Le régime économique de l'enseignement de masse à distance 103 connaître qu'ils doivent prendre en charge le perfectionnement des adultes et l'éducation permanente dans des domaines extraprofesPour tout programme d'enseignement à dis- sionnels ou dans des spécialités et professions tance, il y a u n certain nombre de possibilités où les compétences ne manquent pas. L a quesde prise en charge des coûts : en gros, ce sont tion : « Qui paye ? », est donc liée à cette autre l'État, les organismes d'aide internationaux, question : « Quel est le contenu de l'enseiles employeurs et les élèves. gnement ? » Lorsqu'on cherche à déterminer qui doit Il est certain que les pénuries de spécialistes couvrir les coûts, on établit parfois une dis- et les besoins de recyclage préoccupent sérieutinction entre les programmes selon qu'ils sement les gros employeurs. Plusieurs grandes s'adressent aux élèves d'âge scolaire ou aux sociétés dont les effectifs sont dispersés entre adolescents plus âgés et aux adultes. N o m b r e u x diverses implantations ont créé leurs propres sont ceux qui estiment que ce n'est pas à l'État programmes de télé-enseignement et de forde prendre à sa charge l'éducation des adultes. mation ouverte en cours d'emploi. Chico, Il y a à cela plusieurs raisons : l'adhésion à u n Université d'État de Californie, a mis sur pied modèle éducatif privilégiant les premières un système de cours vidéo transmis par satelétapes, qui conduit à minimiser l'importance lite et d'enseignement vidéo dirigé à l'intention de l'éducation des adultes et à considérer par des ingénieurs de Hewlett Packard. Les petites conséquent que l'État n'a pas à la financer; entreprises, en revanche, n'ont pas les moyens la conviction que la formation non profes- de financer la création de systèmes de télésionnelle des adultes est avant tout une affaire enseignement. personnelle, que c'est à l'intéressé qu'elle proQuant aux individus, s'ils sont prêts à infite et qu'il doit donc en supporter tous les frais ; vestir certaines ressources personnelles dans le l'idée que la formation professionnelle doit être perfectionnement de leurs connaissances, ils à la charge soit d u bénéficiaire, soit de son ne peuvent le faire que dans la limite de leur employeur; enfin, la crainte de voir l'octroi revenu librement disponible, une fois retrande son aide à l'éducation des adultes déboucher chées leurs dépenses d'entretien indispensables automatiquement sur u n engagement illimité pour eux-mêmes et leur famille. L e volume de de l'État dans la « formation permanente ». ces disponibilités dépend des niveaux de reO n peut toutefois aussi se placer dans une venu individuels, de ce que chacun considère autre perspective en faisant valoir que l'édu- c o m m e le nécessaire et de son coût. Il importe cation des adultes n'est nullement u n luxe, que de toute évidence de connaître les disponibilités l'accélération des changements technologiques de la population cible avant de mettre en place et sociaux fait que les connaissances acquises un système de télé-enseignement, afin de poudurant les premières années d'éducation et de voir déterminer dans quelle mesure les élèves formation sont rapidement périmées, de sorte auraient les moyens d'acquitter des droits et qu'il faut investir sans cesse dans le renou- de financer leurs études. vellement des connaissances et le recyclage D a n s une école d'enseignement par corresindividuels, et que ce n'est pas seulement à pondance, les droits acquittés par chaque élève l'intéressé ou à l'employeur de les financer pour chaque cours (¥) doivent nécessairement (car ils n'ont que des ressources limitées à y couvrir : a) le coût direct (variable, par élève) consacrer), mais aussi à l'État. de l'enseignement (O) ; b) les coûts directs de Dans bien des cas, les gouvernements sont présentation des cours (Pu) ; c) les coûts conscients de la nécessité de recycler des effec- d'élaboration et de production des cours (CS), tifs nombreux dans des domaines où il y a annualisés selon le nombre d'années pendant pénurie nationale de personnel qualifié, mais lesquelles ils seront offerts (L) et corrigés d u ils se montrent beaucoup plus réticents à re- taux d'inflation prévisible de manière à cons- Qui doit payer ? 104 GrevilleRumble tituer le capital nécessaire pour financer les cours qui les remplaceront; enfin, d) les coûtsfixesde l'entreprise, y compris une provision pour l'amortissement pour des équipements (F). L e montant des droits pourra être d'autant plus réduit qu'il y aura davantage d'élèves par cours (s') : certain nombre de cours ou, au contraire, ne servira que pour u n ou deux. Dans la seconde hypothèse, ou s'il est clair que les élèves n'ont pas les moyens d'acheter e u x - m ê m e s le matériel, l'établissement devra sans doute envisager de le leur fournir. A u m o m e n t d u choix d u support, il est très important de comparer le prix de l'équipement aux ressources des élèves. , ?n + (C8/L) + F 0 ¥ = £2 H ; . Il est certain que l'introduction des technoS logies nouvelles peut modifier la structure des U n e école de cette nature peut aussi chercher coûts de l'enseignement à distance, ainsi que la participation respective des élèves et de l'étaà réaliser des bénéfices. Si les droits versés par les élèves ne suffisent blissement à ces dépenses. L'enseignement à pas à couvrir la totalité des coûts, l'établis- distance est considéré c o m m e u n m o y e n d'asement aura besoin de subventions de l'État baisser le coût par élève et, partant, d'attirer ou d'autres sources. Il n'est pas étonnant, dans davantage de m o n d e . Il serait tout à fait paraces conditions, que les écoles d'enseignement doxal que l'adoption des nouvelles technologies commercial par correspondance s'en tiennent de l'information reposant sur l'emploi de l'ordià des cours ne nécessitant pas de constantes nateur et les derniers progrès en matière de télémises à jour et propres à intéresser u n grand communication oblige les élèves à supporter nombre d'élèves. Il est néanmoins toujours à une part accrue des coûts de leur apprentiscraindre qu'un programme n'attire pas assez sage ; en effet, plus l'effort financier demandé d'élèves pour fournir les moyens de renouveler aux élèves sera important, plus il est probable le stock de cours et le reste d u capital i m m o - que seuls les mieux lotis pourront avoir accès bilisé dans l'entreprise. D e fait, ce fut une des à l'enseignement à distance sans l'aide de l'État pierres d'achoppement d u projet britannique ou de leur employeur. Si cette aide fait défaut, O p e n Tech : une fois terminée la période des l'enseignement à distance fondé sur les techaides de démarrage de l'État, il aurait fallu nologies « de pointe » ne fera que s'ajouter à la que les cours s'autofinancent, mais ceux qui liste déjà longue des services accessibles seuleattiraient suffisamment d'étudiants pour cela ment aux détenteurs de revenus disponibles étaient relativement peu nombreux. suffisamment élevés. Les défavorisés, les chôIl y a lieu de mentionner ici u n autre aspect meurs et les travailleurs mal rémunérés devront des coûts, à savoir ce que coûte aux élèves se contenter des systèmes traditionnels, peu l'équipement dont ils ont besoin pour leurs coûteux, d'enseignement par correspondance études. Selon le support choisi par l'établis- (qui utilisent l'imprimé, associé ou non à sement, il leur faudra avoir accès à des types des cassettes sonores). D a n s les pays d u de matériels différents. Certains appareils (ré- Tiers M o n d e , cette dernière forme de télécepteurs radio, par exemple) sont déjà d'usage enseignement risque fort d'être la seule à poucourant et l'on peut légitimement attendre de voir être offerte, v u ce que coûtent la mise sur tous les élèves qu'ils utilisent leur poste per- pied et le fonctionnement des systèmes de sonnel. Pour d'autres (téléviseurs, magnéto- haute technicité. phones, magnétoscopes, ordinateurs personnels), il s'agira de savoir s'ils sont déjà suffi- N o u s avons tenté ici d'expliquer pourquoi, en samment répandus dans la population ou si vertu de structure de coûts différentes, les l'on peut raisonnablement penser que le revenu systèmes d'enseignement à distance pouvaient disponible des élèves leur permettra de les coûter moins cher par élève, par heure de cours acquérir. L e choix pourra aussi varier selon ou par diplômé, que les systèmes traditionnels. que l'appareil considéré s'impose pour u n D e plus, l'enseignement à distance peut être L e régime économique d e renseignement de masse à distance d'aussi bonne qualité d u point de vue des connaissances acquises. L e point de savoir s'il est véritablement plus économique dépend d'un certain nombre de facteurs, notamment le choix d u support, le nombre des domaines abordés et des cours offerts, la capacité de maintenir les coûts directs variables par élève audessous d u niveau observé dans les systèmes traditionnels et, bien entendu, le nombre des élèves. N o u s avons aussi montré l'importance du problème de la source de son financement (doit-il être à la charge de l'apprenant, de l'employeur ou de l'État ?), qui influe à la fois sur le contenu de cet enseignement et sur les possibilités d'y avoir accès, en signalant qu'avec l'essor des technologies nouvelles il risque fort d'être de plus en plus coûteux pour les élèves et par conséquent d'autant moins accessible. Il est à craindre que les pays d u Tiers M o n d e ne soient dans l'incapacité de tirer profit des formes de télé-enseignement faisant appel aux technologies « de pointe » qui sont actuellement mises au point dans les pays industrialisés. • P E R R A T O N , H . 1982. The cost of distance education. C a m bridge, England, International Extension College. R U M B L E , G . ; H A R R Y , K . (dir. publ.). 1982. The distance teaching universities. Londres, C r o o m H e l m , N e w York, St Martin's Press. SiQUBiRA D E F R E I T A S , K . ; L Y N C H , P. 1986. « Factors affecting student success at the National O p e n University, Venezuela ». Distance education, n° 7 , p. 191-200. S N O W D E N , B . L . ; D A N I E L , J. S . 1980. « T h e economics and management of small post-secondary distance education systems ». Distance education, vol. 1, n° I, p . 68-91. S P A R K E S , J. 1984. « Pedagogic differences between media ». Dans : B A T E S , A . W . (dir. publ.). 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IO5 TENDANCES ET CAS La décentralisation de T éducation au Mexique Carlos Órnelas Dans le domaine de l'éducation, la plus importante des politiques arrêtées par le gouvernement d u président Miguel D e la Madrid (1982-1988) se résume en u n m o t : décentralisation. L a décentralisation d u système national d'éducation est l'idée maîtresse de l'allocution prononcée lors de son entrée en fonctions, dans laquelle il proposait une stratégie de gouvernement concrète pour atteindre des buts démocratiques, déclarant notamment : « N o u s œuvrerons dans le sens d'une décentralisation de la vie nationale [...] Reprenant à m o n compte une exigence nationale, j'ai décidé de promouvoir le transfert aux collectivités locales de l'enseignement préscolaire, primaire, secondaire et normal assumé par la Fédération dans l'ensemble d u pays, ainsi que les ressources financières correspondantes [...] L e pouvoir fédéral conservera les fonctions de direction et d'évaluation qu'il exercera par l'intermédiaire d u Secrétariat à l'éducation p u blique. Les droits d u travail d u corps enseignant et son autonomie syndicale seront scrupuleusement respectés1. » O n chercherait en vain l'expression d'une exigence de décentralisation de l'éducation dans les déclarations d u Parti révolutionnaire institutionnel (PRI), parti progouvernemental, d u rant la campagne pour les élections présidentielles de 1981-1982 o u dans les principaux titres de la presse nationale de l'époque que j'ai parcourus. Pourtant, c'est u n e idée sur laquelle le candidat à la présidence est revenu avec insistance à maintes reprises2. Parmi les travaux scientifiques publiés à l'époque sur la question, on relève les articles de deux éminents chercheurs qui soutiennent que la décentralisation de la vie nationale est u n pas vers une démocratisation accrue des pratiques politiques. O n peut toutefois difficilement voir dans la publication de ces deux ouvrages savants l'expression d'une exigence nationale3. L a décentralisation de la vie nationale, et, partant, de l'éducation, relève donc manifestement plus d'une politique de l'État que d'une exigence politique populaire. Pourquoi le gouvernement fédéral d u Mexique a-t-il pris la décision de décentraliser le système national d'éducation, allant ainsi à rencontre d'une tendance historique à la centralisation ? Aucune réponse satisfaisante à cette question n'ayant encore été avancée, et une grande partie des propos qu'elle suscite étant soit n o n pertinents, soit contradictoires, Carlos Órnelas (Mexique). Professeur en sciences il paraît raisonnable de procéder à une présende l'éducation et de la communication à V Universi- tation systématique des principales interprédad Autónoma Metropolitana-Xochimilco (Mexique). tations politiques qui ont été formulées jusqu'à Conférencier invité et Fulbright Scholar à la Graduate présent, ce qui nous aidera peut-être à c o m School of Education de l'Université Harvard (1986prendre les raisons qui poussent le groupe 1987). Spécialiste de sociologie et de politique de l'édudominant à décentraliser l'éducation. Notre cation. A , entre autres, publié, en collaboration avec objectif, dans le présent article, est de tracer Axel Didriksson, L a retórica de la eficiencia: ensayos sobre la planificación de la educación en Mexico les grandes lignes d'une analyse qui permettra de mettre mieux en lumière les dimensions (La rhétorique de l'efficacité : essais sur la planification de l'éducation au Mexique). historiques d u problème. Perspectives, vol I. XVIII, n» 1, 1988 Carlos Órnelas no L'hypothèse fédéraliste D a n s leur discours, le président D e la Madrid et le secrétaire à l'éducation publique, Jesús Reyes Heroles, aujourd'hui décédé, invoquent surtout le fédéralisme et le droit constitutionnel à l'appui de la décentralisation de l'éducation. L'hypothèse fédéraliste suppose donc que le groupe dominant entend restaurer l'esprit originel de la Constitution. « Décentraliser la vie nationale », déclare, en mai 1983, le secrétaire à l'éducation publique, « signifie renforcer le modèle d'organisation spécifique d u système fédéral »*. A travers maintes prises de position officielles, ce discours affirme donc, de façon implicite et explicite, que la décentralisation de l'éducation et de la vie nationale est u n progrès sur la voie de la démocratisation de l'environnement politique et social du Mexique 5 . E n fait, la Constitution mexicaine de 1917 stipule, à l'article 3, que l'enseignement primaire au Mexique doit être universel, gratuit et obligatoire. Par conséquent, cet enseignement incombe aux municipalités, alors que l'enseignement secondaire et l'enseignement normal relèvent de l'autorité des États, seule l'Université nationale et u n petit nombre de centres de recherche devant être coordonnés par le Département des universités, qui est une branche d u gouvernement fédéral. Toutefois, au début des années 1920, José Vasconcelos, intellectuel révolutionnaire de premier plan et recteur de l'Université nationale, lança une campagne pour la création d u Secrétariat à l'éducation publique ; en effet, selon lui, ni les États ni les municipalités ne disposaient de ressources suffisantes pour entretenir et développer le système scolaire. Cette campagne porta ses fruits : en 1921, le Secrétariat à l'éducation publique (SEP) était créé, la Constitution amendée (art. 73 : X X V I I ) et Vasconcelos devenait le premier secrétaire à l'éducation6. Il est intéressant de noter que l'on a à tort qualifié de fédéralisation cette mesure de centralisation qui affaiblissait dans une certaine mesure l'organisation politique fédéraliste d u Mexique inscrite dans la Constitution. N é a n moins, la plupart des États de la Fédération continuèrent pendant des années d'appliquer leur propre politique de l'éducation et, les données historiques en témoignent beaucoup d'entre eux enregistrèrent une augmentation des effectifs dans tous les degrés de l'enseignement, créant m ê m e des universités p u bliques7. L a tendance à la centralisation de l'éducation, en particulier sur le plan politique, continua toutefois de se développer à l'époque de P « éducation socialiste »8. E n octobre 1934, la Constitution fut à nouveau amendée. Objet : donner au Congrès fédéral le pouvoir de légiférer de façon à unifier et à coordonner l'éducation à l'échelle nationale; doter le gouvernement fédéral de pouvoirs lui permettant de centraliser la politique de l'éducation et la formulation des programmes scolaires9. Ainsi les conditions matérielles et légales permettant cette centralisation étaient-elles créées. L a décentralisation de l'éducation et des services de santé10 constitue, à en croire le groupe dominant, une initiative révolutionnaire qui va améliorer les conditions de vie de la population11. D'après Gil Villegas, aucun des grands théoriciens de la politique qui ont écrit sur la d é m o cratie et la dichotomie entre centralisation et décentralisation (Tocqueville, Mill et Weber) n'établit clairement de parallèle entre le fédéralisme, d'une part, et la démocratie et la décentralisation, d'autre part. L'histoire offre des exemples d'État antidémocratiques et décentralisés c o m m e d'États démocratiques et centralisés12. E n outre, étant donné le processus de centralisation de la vie politique, culturelle, économique et sociale que l'on peut observer au Mexique, il est difficile d'accorder une grande valeur d'explication à l'hypothèse fédéraliste. Il serait pourtant incorrect de la rejeter purement et simplement. L e discours politique des dirigeants d u pays a influé sur le changement de législation, le transfert de certaines responsabilités aux gouvernements des États et l'adoption de politiques de l'éducation dans beaucoup d'États. Par conséquent, ce discours a bel et bien une incidence sur L a decentralisation de l'éducation au Mexique l'organisation politique d u Mexique 1 3 ; il nous faut donc continuer à explorer la question plus avant et à chercher d'autres réponses. III commission générale interne d e l'administration et d u budget, le bureau d u vérificateur des comptes, u n coordonnateur général, 31 délégations d'État et près de 60 institutions coordonnées. Cette m ê m e année, enseignants et L'argument de l'efficacité personnel administratif compris, le S E P c o m p tait près de 800000 employés et plus de L a centralisation, pendant de nombreuses an- 10 000 fonctionnaires et avait sous son contrôle nées, d u système d'éducation sous l'autorité direct plus de 15 millions d'élèves. Il avait d u Secrétariat à l'éducation publique (SEP) a également dans ses attributions la conception, entraîné la concentration d u pouvoir et de la la production et la distribution gratuite de plus 16 prise de décision au niveau de l'administration de 100 millions de manuels par an . E n outre, centrale. Cela se traduit par une structure il existait (il existe toujours) une commission politique pyramidale où les décisions politiques décentralisée responsable de la conception et se prennent au sommet et sont transmises à la de la construction des locaux scolaires à 17 base par l'intermédiaire d'un système insti- l'échelle nationale . A mesure que progressait le processus histotutionnel complexe et hiérarchisé. Chaque échelon de la hiérarchie jouit d'une parcelle rique de centralisation de l'éducation, la gestion de pouvoir et a accès à une partie des ressources. d'un appareil bureaucratique atteint d'un tel L'action d u groupe dominant relève de l'argu- gigantisme devenait problématique. Routine, ment de l'efficacité dans la mesure où elle vise à luttes pour les ressources, conflits politiques, redistribuer le pouvoir et, ce faisant, à d é m a n - double emploi, absence de communication hoteler graduellement un appareil bureaucratique rizontale, etc., étaient les caractéristiques d u S E P . A u début des années 1970, les initiatives hypertrophié et pesant. politiques visant à réformer le système d'éduMalgré les réformes de la Constitution cation se heurtèrent à une vive résistance de la de 1921 et 1934, la mise en œuvre d'une polibureaucratie. Il était également clair que la tique de l'éducation à l'échelle nationale ne passivité et l'indifférence des personnels de s'est pas accomplie d u jour au lendemain. l'enseignement paralysaient les tentatives de réIl s'est bien plutôt agi d'un processus histo18 rique marqué par de multiples conflits et formes . Cette centralisation a rendu le système inefcontradictions14. A certaines époques, le S E P était plutôt u n organe étatique de régulation ficace. N o n content d'être lent, le fonctionnequ'un véritable appareil d'État. E n 1928, par ment d u S E P était coûteux. Les crédits serexemple, soit sept ans après sa création, le vaient à entretenir une structure bureaucratique S E P ne contrôlait directement qu'environ au lieu de profiter au processus de scolarisation 16 20 % d u système d'éducation, que l'on se réfère lui-même . Il en résultait, selon les plus hautes au nombre d'établissements scolaires ou à celui autorités d u pays, une baisse de qualité de 20 des élèves inscrits15. E n 1982, la situation avait l'enseignement . C'est donc pour remédier à radicalement changé : les États et le secteur l'inefficacité de la gestion et de la direction que privé contrôlaient moins de 20 % d u système l'on entreprit, en 1978, de décentraliser l'appa21 national d'éducation, le S E P en administrant reil administratif d u S E P , le premier ensemble de mesures prises en ce sens étant qualifié de plus de 80 %. 22 E n 1982, année où c o m m e n c e 1' « adminis- déconcentration administrative . Invoquer l'argument de l'efficacité soustration » D e la Madrid, le S E P se composait entend qu'un système décentralisé entraînera de 7 sous-secrétariats (un pour chacun des cinq une rationalisation de la gestion de l'éducation degrés d'enseignement et 2 chargés respecet de l'affectation des ressources. Souplesse et tivement de la culture et d u sport), 44 directions efficacité devraient caractériser le fonctionnegénérales, 304 directions, six conseils, une 112 Carlos Órnelas ment futur de l'éducation scolaire, et nombre de problèmes créés par le gigantisme du S E P trouvent leur solution à l'échelon des États. Cela signifie également que la participation locale au financement de l'éducation sera améliorée. Les partisans de la décentralisation vont plus loin en postulant que, d u fait m ê m e de sa décentralisation, le système d'éducation répondra mieux aux besoins de la communauté et encouragera par là m ê m e la participation des parents et des élèves à l'administration des écoles. L e but ultime de la décentralisation de l'éducation est d'améliorer la qualité de l'éducation. Cette amélioration, fait-on valoir, sera l'indicateur le plus solide de l'efficacité d u système d'éducation23. Cet argument explique en partie les raisons que le groupe dominant peut avoir de décentraliser l'éducation. Il semble raisonnable de penser que le système sera moins complexe à gérer dans la mesure où les unités de petite taille jouiront d'une certaine autorité. Certaines décisions prises à l'échelon local peuvent se fonder sur u n e informationfiableet sur une compréhension politique de la situation. C e pendant, cela suppose une dispersion d u pouvoir, une diversification desfilièresen fonction des caractéristiques des États et des régions, donc, de la part des dirigeants d u S E P , la volonté politique de modifier leurs habitudes et de renoncer à une partie de leur pouvoir. O r , le processus m ê m e de décentralisation de l'éduvation est lui-même centralisé. C'est l'administration centrale qui décide quand et dans quelle mesure il doit y avoir délégation d'autorité24. Elle contrôle également l'aménagement des programmes scolaires à l'échelle nationale et c'est elle qui élabore et distribue gratuitement les manuels scolaires. E n outre, il ne semble pas que l'on puisse, quatre ans après le début de la décentralisation de la politique de l'éducation, citer un seul État fédéral auquel la bureaucratie centrale d u S E P ait entièrement délégué l'administration de l'éducation28. Quant à l'amélioration de la qualité de l'éducation, on peut dire que, dans l'histoire d u Mexique, elle a généralement été invoquée c o m m e argument à l'appui de la centralisation28 et qu'on aurait donc tort de penser qu'elle a beaucoup pesé dans la décision d u groupe dominant de décentraliser l'éducation. Rien ne permet de penser qu'en cinq ans le système ait gagné en efficacité o u l'éducation en qualité. Il est donc important, semble-t-il, d'étudier les principaux conflits de pouvoir au sein d u système national d'éducation. Les rapports de pouvoir : thèse n° i L a croissance et l'expansion d u S E P et de son appareil administratif ont non seulement renforcé le pouvoir de l'administration fédérale, mais aussi donné naissance au syndicat national des enseignants. D'après des sources historiques fiables, le Sindicato Nacional de Trabajadores de la Educación ( S N T E — Syndicat national des travailleurs de l'éducation) a été créé en 1943 par Jaime Torres Bodet, secrétaire à l'éducation publique. Auparavant, les enseignants et les autres catégories de travailleurs relevant d u Secrétariat étaient organisés en une myriade de petits syndicats qu'opposaient quantité de conflits et de rivalités. A u sein de certains de ces syndicats, des postes de responsabilité politique, voire de direction, étaient aux mains d u parti communiste et d'autres courants de gauche, ce qui explique en partie la politique officielle d'éducation socialiste suivie sous la présidence de Cárdenas (1934-1940)27. L a création du S N T E a eu deux conséquences politiques. Premièrement, l'absorption d u syndicat par le parti progouvernemental a progressivement réduit les germes de dissension ; deuxièmement, elle a permis au S E P d'appliquer ses politiques de l'éducation à l'échelle nationale. Les salaires, les avantages, les promotions et autres questions intéressant les enseignants pouvaient dorénavant faire l'objet de négociations centralisées. L e pouvoir d u Comité directeur national du S N T E s'est ainsi trouvé renforcé non seulement par l'apport des cotisations des m e m b r e s , mais aussi par sa position centrale dans les négociations avec le S E P , La décentralisation de l'éducation au Mexique qui lui permettait d'aborder pratiquement tout, des recrutements aux affectations. Souhaitant s'assurer la loyauté d u S N T E , le Parti révolutionnaire institutionnel (PRI) lui a attribué des postes politiques, y compris des sièges de représentants locaux et fédéraux, des fonctions dans les conseils municipaux, des sièges au Sénat national et, surtout, il a offert à certains enseignants la possibilité de faire carrière en qualité de fonctionnaires d u S E P 2 8 . C'est ainsi que la direction et le fonctionnement de certains sous-secrétariats et directions générales étaient assurés par des fonctionnaires qui avaient c o m m e n c é leur carrière c o m m e cadres du S N T E et dont il est raisonnable de supposer qu'ils restaient loyaux à l'égard d u corps enseignant. D e la sorte, des enseignants qui étaient politiquement du m ê m e bord et œuvraient pour la m ê m e cause se retrouvaient de part et d'autre de la table de négociations. Cette pratique était tolérée et m ê m e encouragée par le parti au pouvoir. Il s'agissait d'un pacte corporatiste28. Après bien des conflits internes, au début des années 1970, le S N T E est finalement passé sous la coupe d'un groupe appelé Vanguardia Revolucionaria del Magisterio (Avant-garde révolutionnaire d u corps enseignant), dont la domination s'est exercée au sein d u syndicat, d u parti, du S E P et d'autres branches de l'appareil d'État, et qui représentait une force avec laquelle il fallait compter 30 . Tout au long de son histoire, le S E P a entretenu des relations politiques contradictoires avec ses employés. Néanmoins, il était parvenu à u n accord institutionnel en vertu duquel les dirigeants du syndicat pouvaient gravir les échelons de la hiérarchie du S E P en favorisant leurs propres intérêts corporatifs dans le cadre de la politique nationale. L e S N T E a, au cours de l'histoire, soutenu le processus de centralisation. Il est l'avocat le plus fervent de la fédéralisation, par souci d'assurer des conditions de travail égales aux enseignants dans tout le pays31. L a décentralisation de l'éducation, s'il faut en croire d'éminents représentants du syndicat, vise à démanteler le S N T E et à dénationaliser l'éducation32. Cette thèse, jusqu'à présent vigoureusement contestée par le président (voir II3 la citation au début du présent article) et par le Secrétariat à l'éducation publique33, a pour avantage de faire valoir le loyalisme à l'égard du parti, de l'État et de l'éducation nationale d u S N T E , qui, quoique de façon ambiguë, s'oppose à la politique de décentralisation parce qu'il prévoit qu'elle amoindrira son pouvoir et m i nera son unité politique. Bien que très séduisante sous l'angle de l'analyse politique, elle n'est pas entièrement satisfaisante. L e S N T E s'est révélé une machine politique efficace en période électorale. Il mobilise ses m e m b r e s pour organiser des rassemblements et des meetings, des défilés d'élèves et des réceptions avec des candidats d u parti officiel. Il est difficile de croire que le P R I voudrait démanteler u n mécanisme politique d'une telle efficacité. E n outre, d'après des analyses convaincantes, le S N T E a traditionnellement servi l'appareil d'État en canalisant les revendications de la base, en maintenant ses m e m b r e s dans les limitesfixéespar le S E P et en réprimant très souvent la dissidence politique34. Par conséquent, on peut raisonnablement penser qu'en décentralisant le S E P l'État ne cherche pas à démanteler le S N T E , mais à conclure un nouveau pacte corporatiste en vertu duquel le rôle prépondérant reviendra aux pouvoirs publics dans la mesure où le syndicat des enseignants devra traiter avec autant d ' e m ployeurs qu'il y a d'États dans le pays. Il y a donc modification des rapports de pouvoir entre l'État et le S N T E et redistribution d u pouvoir excessif du Comité national entre ses sections. L a thèse d u S N T E ne peut toutefois être entièrement repoussée. Si la décentralisation d u système scolaire se poursuit, les relations politiques entre l'État et le S N T E subiront des modifications fondamentales, mais le syndicat national ne disparaîtra pas. Les rapports de pouvoir : thèse n° 2 L'augmentation des effectifs scolaires et la complexité croissante de la concentration d u pouvoir au sein du Comité national d u S N T E 114 Carlos Órnelas ont suscité d'autres conflits de nature politique. A la fin des années 1970 et au début des années 1980, époque d u b o o m pétrolier, des ressources considérables ont été injectées dans le système d'éducation. L a politique officielle visait à satisfaire 95 % des demandes d'inscription. L e m o t d'ordre était : « Éducation pour tous ». Beaucoup d'écoles ont été construites, beaucoup d'institutions créées ( m ê m e s'il s'agissait d'institutions centralisées, c o m m e l'Institut national d'éducation des adultes), des milliers de nouveaux maîtres recrutés35. L'encombrante structure bureaucratique du S E P n'était pas prête à réagir à l'incorporation rapide de nombreux enseignants. Les dossiers avançaient lentement ; les enseignants nouvellement recrutés n'étaient portés sur les états de paie qu'après bien des mois, voire au bout d'un an ou deux ans ; les enseignants étaient mutés sans raison, sur décision administrative ; les fonctionnaires d u S E P ne répondaient pas aux revendications des enseignants qui réclamaient des indemnités plus substantielles pour travailler en milieu rural, etc. Très vite, les enseignants commencèrent à se plaindre et à protester. L a direction nationale et les directions des sections, au lieu de prendre la tête de leurs revendications, s'efforçaient de les contenir et de refouler les protestations36. L e fait que les revendications des enseignants demeuraient sans effet et étaient étouffées par le S N T E est l'une des causes qui expliquent la croissance, en leur sein, d'un mouvement contestataire qui, de 1978 à 1981, s'est peu à peu affirmé sur le plan politique, protestant, par exemple, contre le non-versement des salaires, mettant en cause la direction d u S N T E et exigeant un syndicat plus démocratique. Tant et si bien qu'en 1981 des forces indépendantes (se situant dans la mouvance de partis et de groupes politiques de gauche) ont, à la suite d'élections démocratiques, pris la tête des sections d u S N T E dans les États de Chiapas et d'Oaxaca et fait la démonstration de leur présence politique en maints autres endroits du pays. Les forces contestataires mettaient en cause à la fois le Comité national, en raison de ses politiques antidémocratiques, et l'État, en rai- son de sa mainmise corporatiste sur les organisations d'enseignants. E n outre, tout au moins dans les États de Chiapas et de Oaxaca, il semble que les dirigeants des sections mènent une politique antihégémonique, prennent le contrôle des établissements scolaires et créent des organisations politiques de paysans et d'ouvriers plus indépendantes. Dans u n climat de lutte, de répression et de mobilisation, les forces contestataires tentent d'affaiblir l'hégémonie du parti officiel et menacent de prendre le contrôle des masses d'enseignants organisées dans le cadre du syndicat3'. Si cela se produit, le P R I perdra l'un de ses piliers. Selon cette thèse, l'État, en décentralisant l'éducation, cherche à régler à l'échelon local un certain nombre de conflits politiques de divers types. L'argument est le suivant : dès lors que le système est décentralisé, il doit être possible de circonscrire la dissidence aux États où elle a déjà conquis des positions politiques, d'éviter que les idées contestataires ne gagnent d'autres sections du S N T E et, dans un deuxième temps, de concevoir les moyens de récupérer ces positions pour le P R I . Il apparaît que le Groupe révolutionnaire d'avant-garde brûle de ce faire et s'y emploie 38 . Les dissidents ne se sont guère manifestés lorsque la décentralisation de l'éducation a été annoncée, alors m ê m e que la campagne présidentielle a coïncidé avec l'apogée de leur m o u vement 39 . Il est raisonnable de supposer, en postulant u n certain réveil d u P R I , que leurs revendications ont en partie décidé le groupe dominant à décréter que la décentralisation de l'éducation améliorerait l'efficacité d u parti et, par conséquent, éviterait des conflits sociaux importants. D ' u n autre côté, il est difficile de croire que ce mouvement, au demeurant fort important dans la vie politique mexicaine, ait pu, à lui seul, exercer une telle influence sur la politique nationale. La décentralisation de l'éducation au Mexique Dépendance et influence internationales L e Mexique, en tant que pays du Tiers M o n d e , occupe une position de subordination au sein d u système capitaliste international. L a théorie de la dépendance souligne le rôle hégémonique joué par les pays centraux dans l'élaboration des décisions politiques qui favorisent et reproduisent l'ordre économique international40. Certaines tendances qui ont leur origine dans les pays du centre sont reproduites dans le m o n d e en développement. Il semble que ce soit le cas de la décentralisation de l'éducation. Des questions identiques surgissent dans des pays dont les caractéristiques et les ambitions politiques diffèrent, c o m m e le Chili, le Pérou et le Mexique 4 1 , la Papouasie-Nouvelle-Guinée 42 , les Philippines43, la Tanzanie 44 et m ê m e la R é p u blique populaire de Chine 46 . L a cinquième explication possible de la raison qui a décidé l'État mexicain à décentraliser l'éducation est donc l'existence d'un climat international favorable à cette tendance48. Certains éléments donnent à penser que la décentralisation de la politique de l'éducation se propage effectivement dans le m o n d e à partir d'un centre : la Banque mondiale. Dans cette optique, la décentralisation de l'éducation se justifie par la nécessité de trouver, pour l'éducation, des ressources à l'échelon local et de permettre aux autorités locales d'élaborer de façon autonome des politiques de l'éducation adaptées aux caractéristiques régionales47. Cette hypothèse tendrait à laisser supposer que la dette extérieure d u Mexique, qui est la deuxième par ordre d'importance pour les pays du Tiers M o n d e , a affaibli l'indépendance politique de l'État mexicain. Elle implique que, dans u n ensemble complexe de relations internationales, le Mexique accepte de poursuivre la politique de décentralisation tout en maintenant résolument l'indépendance traditionnelle de sa politique étrangère. Il est raisonnable de supposer que la Banque mondiale et d'autres organisations internationales exercent une certaine influence sur la US politique mexicaine. O n aurait cependant tort de penser que cette seule influence est décisive, car ce serait accorder une importance excessive à u n type de déterminisme économique qui obscurcit bien d'autres aspects de la question et ne tient pas compte des contradictions internes d u Mexique. Il y a pourtant certainement là une partie de l'explication. Si aucune des explications examinées jusqu'à présent n'offre apparemment de réponse satisfaisante, que faire ? N o u s avons examiné cinq réponses possibles au point (qui est une question de recherche fondamentale) de savoir pourquoi l'État mexicain a décidé de décentraliser le système d'éducation. Bien qu'elles paraissent procéder d'un raisonnement purement empirique fondé sur des positions politiques, il est possible de déceler, sous chacune de ces thèses, une base théorique. L a première s'inspire de ce que l'on pourrait appeler de façon schématique la théorie constitutionnelle républicaine ; la seconde s'inscrit dans le contexte général de la théorie de la modernisation ; la troisième relève clairement des théories corporatistes de l'État ; la quatrième procède de l'approche néo-marxiste ; la dernière, enfin, privilégie les théories de la dépendance et de l'impérialisme. D ' u n point de vue positiviste, si une hypothèse ne tient pas (lorsqu'elle est testée), elle doit être rejetée. Par conséquent, il n'est pas du tout exclu qu'aucune explication logique à la décentralisation de l'éducation au Mexique ne puisse jamais être trouvée. Cependant, je soutiens qu'il est possible d'élaborer des explications cohérentes en combinant des éléments solides et crédibles empruntés à chacune de ces hypothèses et en les réinterprétant à la lumière d'une théorie générale. Dans le présent article, il n'est pas possible d'exposer, fût-ce s o m m a i rement, cette théorie ; qu'il suffise de dire qu'elle n'est pas éclectique, et qu'elle ne se ramène pas à la s o m m e pure et simple de certains éléments ad hoc parmi ceux qui viennent d'être exposés. Il faut élaborer des concepts et des thèmes permettant de prendre en considération des motifs aussi différents que les visées fédéralistes, le souci d'efficacité, les relations Ii6 Carlos Órnelas politiques et internationales et tels autres aspects qui peuvent surgir. Tous ces éléments s'insèrent dans u n cadre analytique qui tient compte des conflits et des contradictions de la politique de l'éducation au Mexique. A u cœur de cette théorie se trouvent les concepts de structures profondes et de structures superficielles. Entrent dans la catégorie des structures profondes les tendances et les c o m portements politiques qui sont difficiles à m o d i fier soit en raison de leur origine historique, soit parce qu'ils sont profondément enracinés dans la société ; quant aux structures superficielles, elles découlent des structures profondes, mais sont plus faciles à réformer. Ces concepts peuvent aider à fonder la thèse selon laquelle l'État mexicain a effectivement amorcé une tendance à la décentralisation de l'éducation ( c o m m e d'ailleurs d'autres services publics), mais en visant à décentraliser les structures peu profondes d u système d'éducation de façon à centraliser les structures profondes. E n d'autres termes, l'État mexicain vise à décentraliser l'appareil administratif et les rouages d u système national d'éducation de façon à centraliser le pouvoir de l'État. • Notes Street, « Educational decentralization: weak state or strong state ? », Comparative education review, vol. 30, n° 4 , nov. 1986, p . 471-490. 6. Guadalupe M o n r o y Huitron, Política educativa de la Revolución (1910-1940), Mexico City, SEPsetentas, I975J P- 29-317. Voir Isidro Castillo, México, sus revoluciones sociales y la educación, Morelia, Gobierno del Estado de Michoacan, 1976, vol. Ill, chap. n . 8. L a politique d'éducation socialiste (1934-1940) visait à modifier le rapport de l'éducation à la société, à améliorer les conditions de vie des gens et à moderniser le système scolaire. 9. Carlos Órnelas, « L a educación técnica y la ideología de la Revolución mexicana », dans « Graciela Lechuga (dir. publ.), La ideología educativa de la Revolución mexicana, Mexico, Universidad A u t ó n o m a Metropolitana-Xochimilco, 1984, p . 51-60. 10. Voir Ulises Beltrán et Santiago Portilla, « El proyecto de descentralización del gobierno mexicano », dans : Blanca Torres (dir. publ.), Descentralización y democracia en México, Mexico, El Colegio de México, 1986, p. 91-118; Elena Jeannetti Dávila, « Descentralización de los servicios de salud », ibid., p . 175-204. 11. L'insistance avec laquelle le secrétaire à l'éducation Jesús Reyes Heroles soulignait ce point a donné naissance à un véritable discours officiel sur la révolution qui s'opérait dans le domaine de l'éducation. S'agissait-il ou n o n d'une révolution ? C'est là u n point que je ne discuterai pas ici. Qu'il suffise de dire que ce discours a imprégné toutes les déclarations publiques et les décrets officiels. Cependant, je n'analyserai pas dans le présent article les implications de ces éléments parce que ce discours sur la révolution dans l'éducation semble avoir été discrètement abandonné après la mort de Reyes Heroles. i. Miguel D e la Madrid, « Protesta de L e y c o m o Presi12. Francisco Gil Villegas, « Descentralización y d e m o dente de los Estados Unidos Mexicanos ». L e teste cracia: une perspectiva teórica », dans : Blanca Torres, intégral de l'allocution est paru dans El día d u op. cit., p . 33-67. Gil Villegas conclut que de nos jours, 2 décembre 1982. plutôt que de décentraliser, mieux vaut disperser le 2. Miguel D e la Madrid, Manual síntesis de pensamiento pouvoir de façon à démocratiser la vie politique et político (Mexico, Partido Revolucionario Institucional, sociale au Mexique, ce qui revient implicitement à 1982). dire que la politique de décentralisation telle que la conçoit le groupe dominant au Mexique n'entraîne 3. Alejandra M o r e n o Toscano, « Descentralización: pas nécessairement u n processus de démocratisation. México, modelo a desarmar », dans : Hector Aguilar C a m i n (dir. publ.), El desafío mexicano, Mexico City, 13. E n fait, quelques jours après son entrée en fonctions, Océano, 1982, p . 165-174 ; Enrique Florescano, le président Miguel D e la Madrid a saisi le Congrès « Política cultural: inversión del desperdicio », ibid., fédéral d'un projet de loi tendant à amender la Constip. 307-318). tution nationale (art. 115), pour doter les municipalités de leurs propres sources de revenus et d'une indé4. Jesús Reyes Heroles, Educar para construir una sociependance politique formelle par rapport aux gouverdad mejor, Mexico City, Secretaria de Educación nements des États. Les amendements ont été approuPública, 1985, p . 74. vés en décembre 1982. Auparavant, l'affectation de 5. Noel M c G i n n et Susan Street soutiennent de façon ressources aux municipalités dépendait d u b o n vouconvaincante que la décentralisation de l'éducation loir politique des gouverneurs des États ; voir Directelle qu'elle a été conçue dans beaucoup de pays ne ción de Asuntos Jurídicos, El marco legislativo para el conduit pas nécessairement à une participation élargie cambio, Mexico, Presidencia de la República, 1983, des gens à la prise de décision, ni à une gestion d é m o vol. 3 , p . 10-21. cratique et efficace; voir Noel M c G i n n et Susan L a décentralisation d e l'éducation au M e x i q u e II7 14. Les exemples de conflits abondent, depuis celui qui 22. D a n s le droit administratif mexicain, déconcentration portait sur la politique de distribution gratuite de et décentralisation sont deux choses tout à fait dismanuels nationaux, décidée par le président López tinctes. L a décentralisation est la délégation d'autoMateos et contestée par la droite traditionnelle, jusrité ou de fonctions faite par une institution supérieure qu'aux nombreux mouvements estudiantins des anà une institution inférieure, Elle implique également nées i960 revendiquant l'autonomie universitaire et l'autonomie de décision, tout au moins sur certains u n gouvernement démocratique. O n trouvera u n e points essentiels. L a déconcentration est une repréanalyse de ces derniers dans Fernando Solana et al., sentation de l'autorité centrale au niveau des différents Historia de la educación pública en México, Mexico, États. C'était par exemple le cas des delegados du S E P Fondo de Cultura Económica, 1981, et d u premier dans les trente et u n États ; voir Gabino Fraga, Dereconflit dans Gilberto Guevara Niebla (dir. publ.), La cho administrativo, Mexico, Porrua, 1964, 7 e éd., crisis de la educación superior en México, Mexico, P- 134-135N u e v a Imagen, 1981 ; Daniel Levy, University and 23. Les sources abondent où l'on peut trouver ce type de government in Mexico: autonomy in an authoritarian discours ; voir Poder Ejecutivo Federal, Programa system, N e w York, Praeger, 1980 ; Carlos Órnelas, nacional de educación, cultura, recreación y deporte, « £1 estado y las fuerzas democráticas », dans : Foro 1984-1988, Mexico, Secretaria de Educación Pública, universitario, n° 43, juin 1984. 1984 ; voir également Juan Prawda, Teoria y praxis de la planeación educativa en México, Mexico, Gri15. Alejandra M o r e n o Toscano, « Desarrollo regional y jalbo, 1985, en particulier le chapitre v u , p . 283-291. descentralización educativa », communication présend u décret présidentiel d u tée lors de VEncuentro sobre [la] descentralización de 24. L'article premier 20 mars 1984 stipule clairement que toutes les mesures la vida educativa, Mexico, Universidad Nacional de décentralisation de l'éducation seront conformes Autónoma de Mexico, 22 sept. 1983, miméographie. aux directives établies par le gouvernement fédéral et 16. Il s'agit de chiffres estimatifs empruntés au Secréaux normes juridiques fixées par le S E P . Diario tariat à l'éducation publique, Estadística básica de oficial, n» 74, vol. C C C L X X I I I , 20 mars 1984. sistema educativo mexicano, Mexico, S E P , 1984 j Asociación Nacional de Universidades e Instituciones de 25. Cette assertion se fonde sur des observations faites sur le terrain et de nombreux entretiens avec des fonctionEnseñanza Superior, Anuarios estadísticos (pour les naires d u S E P dans les États de Michoacan, Durango, années 1979-1982), México, A N U I E S , 1980-1983 ; N u e v o L e ó n et Aguascalientes de 1984 à 1986 ; voir Organisation des États américains, Los perfiles educaégalement le document de travail du S E P « Avance de tivos de América Latina: perfil educativo [de] México, los servicios coordinados de educación pública », publié 198s, Washington, O E A , Programme régional de par la Dirección de A p o y o y Seguimiento, Dirección développement de l'éducation, 1986. General de Concertación para la Descentralización 17. Il est intéressant de noter que personne, à m a connaisEducativa, Coordinación General para la Descentrasance, n'a fait de recherches importantes sur le Comité lización de la Educación, août 1986. C e document Administrador del Programa Federal de Construcción montre clairement que, dans dix des douze États anade Escuelas (CAPFCE), qui fonctionne depuis sa lysés, le processus de décentralisation ne s'applique création, dans les années 1950, avec une adminisqu'aux questions d'administration. tration décentralisée. 26. Alberto Arnaud, communication présentée à VEn18. Ainsi, semble-t-il, la réforme de l'éducation que tenta cuentro sobre [la] descentralización de la vida educativa, de mettre en œuvre le président Luis Echeverría op. cit., p . 84 ; Gabriel Cámara, « Educación básica y de 1970 à 1976 ; voir Pablo Latapi, Análisis de un descentralización », dans : Luis Aguilar et al., Los sexenio de educación en México: 1970-1976, Mexico, grandes problemas educativos de México, Mexico, U n i N u e v a Imagen, 1980. versidad Nacional Autónoma de México, 1984, p. 85. 19. O n trouvera une analyse détaillée du processus d'affec27. David Raby, Educación y revolución social en México, tation des ressources dans l'enseignement public au Mexico, SEPsetentas, 1975, p. 51-64 et 98-107. Mexique dans Noel M c G i n n , Susan Street et Guil28. Castillo, op. cit., vol. Ill, p . 468 et passim. lermo Orozco, La asignación de recursos económicos a la 29. A m a l a d o Cordova, La clase obrera en la historia de educación pública en México, Mexico, Fundación Javier México en una época de crisis: 1929-1934, Mexico, Barros Sierra, 1983. Cette étude traite également de la Siglo Veintiuno/Instituto de Investigaciones Sociales déconcentration de l'éducation, sur laquelle nous de la U N A M , 1981, p. 234-240 ; Carlos Órnelas, « L a reviendrons plus loin. educación técnica y la ideología de la Revolución 20. Voir le discours prononcé le 20 mars 1984 à Tlaxcala mexicana », dans Graciela Lechuga, op. cit., p . 55. par le président Miguel D e la Madrid, Excelsior, 30. Susan Street, « Vuelven los maestros chiapanecos », 21 mars 1984. México en la cultura, siempre!, n° 1301, 5 mars 1987, 21. Voir le recueil des discours prononcés par le secrétaire p. 40-41. à l'éducation durant ces années, Fernando Solana, 31. José Angel Pescador et Carlos Torres, Poder político Tan lejos como llegue la educación, Mexico, Fondo de y educación en México, Mexico, U T E H A , 1985, Cultura Económica, 1983. p. 27-32. II8 Carlos Órnelas 45. Jean C . Robinson, « Decentralization, m o n e y and power: the case of people-run schools in China », Comparative education review, vol. 3 0 , n ° 1, 1986, p . 73-88 ; C h e n g Kai M i n g , « China's recent education reform: the beginning of an overhaul », Comparative education, vol. 22, n° 3,1986, p . 255-269. 46. Voir, par exemple, G . Sabir C h e e m a et Dennis R o n dinelly (dir. publ.), Decentralization and development: policy implementation in developing countries, Beverly Jesús Reyes Heroles, Reunión con los dirigentes nacioHills, Sage Publications, en collaboration avec le nales y seccionales del SNTE, Mexico, Secretaria de Centre des Nations Unies pour le développement Educación Pública, 1983, brochure. régional, 1983. Olac Fuentes Molinar, Política y educación en México, 47. Cette thèse est clairement exposée par George PsachaMexico, N u e v a Imagen, 1983, p . 100-122 ; Carlos ropoulos et al., Financing education in developing Monsiváis, « Muerte, cárcel, h a m b r e , agresiones, countries: an exploration of policy issues, Washington, mítines y marchas: los maestros de Chiapas pagan Publications de la Banque mondiale, 1986. caro el intento de escapar del poder de Jonguitud », Proceso, n° 544, 6 avr. 1987, p . 20-23 ; Susan Street, « Vuelven los maestros chiapanecos », México en la cultura, n° 1301, mars 1987. Fernando Solana, Tan lejos como llegue la educación, op. cit., p . 59-71. Olac Fuentes, Política, ... op. cit. : p . 100 à 145 et « Educación pública y sociedad » dans Pablo Gonzalez Casanova et Enrique Florescano (dir. publ.), México hoy (Mexico: Siglo Veintiuno, 1979). Voir Fuentes, Política y educación en México, op. cit., et Street, « Vuelven los maestros chiapanecos », México en la cultura, n° 130t, mars 1987. Voir Proceso, n° 5 4 3 , 3 0 mars 1987, p . 31 ; La jornada, 3 avril 1987, p . 7 , qui fournissent quelques exemples de cet argument. Interview d e M a n u e l Hernández, dirigeant de la section 7 d u S N T E d u Chiapas, 27 n o vembre 1983. M a de la L u z Arriaga, « El magisterio en lucha », Cuadernos políticos, n ° 2 7 , 1981, p . 79-101 ; Luis Hernández Fuentes (dir. publ.), Las luchas magisteriales: 1979-1981, Mexico, Macehual, 1981. Cette théorie a été pour la première fois appliquée de façon systématique au Mexique dans Fernando Carm o n a et al., El milagro mexicano, Mexico, Nuestro T i e m p o , 1 9 7 0 ; pour leur application à l'éducation, voir Martin Carnoy, Education as cultural imperialism, N e w York, David M a c K a y , 1974. Noel M c G i n n et Susan Street, « Educational decentralization: week state or strong state? », op. cit., p. 471490. M a r k Bray, « Education and decentralisation in less developing countries: a c o m m e n t and general trends, issues and problems, with particular reference to Papua N e w Guinea », Comparative education, vol. 21, n° 2 1 , 1 9 8 5 , p . 183-195. Juan Banquicio, « T h e decentralization of education in the Philippines », Harvard Graduate School of Education, cours miméographié. Joel Samoff, « T h e politics of privatization in Tanzania », communication présentée à la trente et unième Conférence annuelle de la Comparative and International Education Society, Washington, 12 au 15 mars 1987. 32. C e n e question est au cœur de beaucoup de discours prononcés par les dirigeants d u syndicat. O n trouvera une documentation à ce sujet dans Gilberto Guevara Niebla, « L a descentralización d e la educación p ú blica », Nueva antropología, vol. V I , n° 2 , juin 1983, p . 5-14, et Noel M c G i n n et Susan Street, « Educational decentralization: week state or strong state? », op. cit., p . 486-487. 33. 34. 35. 36. 37. 38. 39. 40. 41. 42. 43. 44. Le programme cf éducation rurale et d'agriculture ( R E A P ) du Belize Zellynne Jennings D e quel type d'éducation a besoin la jeunesse rurale des pays en développement ? C'est là une question qui fait l'objet de vives controverses. D'aucuns sont favorables à u n système unique d'enseignement général uniformément valable pour les jeunes des villes et pour ceux des campagnes, tandis que d'autres préconisent, pour la jeunesse rurale, un enseignement axé sur l'agriculture en faisant valoir que le système d'enseignement traditionnel s'est révélé incapable de répondre convenablement aux besoins des zones rurales (Coombs, 1973) et qu'un enseignement à vocation agricole aiderait à contenir le vaste mouvement de migration vers les villes (Balogh, 1966). Si certaines tentatives destinées à répondre aux besoins éducatifs des populations d'origine rurale, telle l'Université rurale en Colombie (Barber, 1981), ont été couronnées de succès, de nombreuses autres ont échoué. C e n'est toutefois pas d'un échec que rend compte le présent article, mais d'une innovation qui a son origine dans le Tiers M o n d e et qui a donné de fort bons résultats : le Programme d'éducation rurale et d'agriculture ( R E A P ) au Belize. Nous verrons quels sont les principaux facteurs qui ont contribué à son succès et nous chercherons, plus précisément, à déterminer dans quelle m e sure le R E A P remplit la mission qu'il s'était assignée : susciter une attitude positive à l'égard de l'agriculture et inciter les jeunes à demeurer dans les régions rurales d u pays pour s'y consacrer à des travaux agricoles. U n e place particulière sera faite au processus d'évolution du R E A P , qui devrait fournir d'utiles indications en particulier aux planificateurs de l'éducation dans le Tiers M o n d e , étant donné que le R E A P est considéré c o m m e u n modèle par des pays d'Amérique latine, d'Afrique et des C a raïbes (Massey, 1982). Avant toute chose, cependant, il semble utile de donner u n aperçu du Belize et quelques renseignements généraux sur son système éducatif. Aperçu du Belize Zellynne Jennings (Jamaïque) est maître de conféD ' u n e superficie de 22 963 k m 2 seulement, le rences et directrice du Département des études pédaBelize (ancien Honduras britannique) est bordé gogiques à V Université des Antilles. Ses travaux portent principalement sur la réforme et l'évolution des pro- au nord par le Mexique, à l'ouest et au sud par grammes scolaires dans le Tiers Monde et sur l'inté- le Guatemala, à l'est par la mer des Antilles. L a population totale n'est que de 152 000 habigration d'activités de production dans renseignement. Perspectives, vol. XVIII, n» 1, 1988 120 Zellynne Jennings tants environ, ce qui donne une densité de tienne pas grand compte de la diversité cultuquelque 6,6 habitants au kilomètre carré. Bien relle des élèves. Le taux d'échec au certificat national d'études que le Belize soit la plus déshéritée des anciennes colonies britanniques des Caraïbes, elle est primaires ( B N P E ) , qui ouvre l'accès à l'enseidotée d'une diversitée culturelle que lui envient gnement secondaire, est si élevé que près de la nombre de ses voisins. L a population bélizienne moitié des élèves du primaire ne peuvent pourest composée, à quelque 50 %, de créoles (Afro- suivre leurs études plus avant. Les enfants des Béliziens), à 25 % environ, de métis (Hispano- campagnes sont particulièrement défavorisés Amérindiens), de Caraïbes noirs (descendants puisque 40 à 50 % d'entre eux ne vont jamais d'Africains et d'Indiens caraïbes) et de des- au-delà de la huitième année (Massey, 1982). cendants des Mayas. Parmi les autres groupes Ceux qui parviennent à entrer dans l'une des ethniques, on compte des Antillais, des Chinois, vingt-deux écoles secondaires d u pays et à y des Libanais et un petit nombre de Mennonites achever leurs études se heurtent ensuite au m a n q u e de possibilités d'études supérieures. d'expression allemande. L'économie du Belize repose principalement U n collège catholique romain privé délivre, sur l'industrie sucrière, la culture des agrumes après deux années, u n diplôme combiné en et la pêche; le tourisme n'y occupe qu'une lettres et en sciences, tandis qu'une antenne de place accessoire. L a richesse d u Belize réside l'Université des Antilles organise des cours de cependant dans ses terres. Les terres arables niveau universitaire en liaison avec l'École norreprésentent 40 % de la superficie totale, mais male d u Belize ( B C E ) . Enfin, le Collège des ne sont cultivées qu'à 10 % : d'où une dépen- lettres, des sciences et de la technologie d u dance à l'égard de l'étranger pour les denrées Belize (Belcast) forme des techniciens de difalimentaires, qui grève l'économie nationale. férents niveaux. L'agriculture de subsistance, la pénurie relative de services publics, les taux élevés de chôR E A P : le processus d'évolution mage et de sous-emploi contribuent à alimenter un mouvement de migration des campagnes vers les villes et vers la capitale, Belize City. Le R E A P a été conçu en vue de préparer les Pour contenir ce mouvement, les pouvoirs pu- enfants des campagnes à mener une vie plus blics s'efforcent, depuis le début des an- gratifiante et de leur permettre de participer, nées 1970, d'orienter le système éducatif vers pour le bien de la nation c o m m e dans leur l'agriculture dans l'espoir de mettre en valeur propre intérêt, au développement de l'agriculture, sur laquelle repose l'économie natioles richesses potentielles du pays. nale. Les moyens envisagés pour parvenir à ces objectifs consistaient à élaborer u n nouveau Le système éducatif du Belize programme scolaire adapté à la vie rurale, à dispenser aux enseignants une nouvelle formaA u Belize, l'enseignement primaire est gratuit tion plus centrée sur le développement rural et et obligatoire jusqu'à l'âge de quinze ans. A u sur l'intégration des programmes. Par surterme de huit années d'études, l'enfant atteint croît, des fermes scolaires devaient être créées l'équivalent de la huitième année dans le sys- pour servir de laboratoires extérieurs. tème américain. L e pays compte deux cent L e R E A P a été mis sur pied par u n groupe trois écoles primaires, dont 75 % environ sont unique composé de représentants des minissituées en milieu rural. Inspiré du modèle édu- tères de l'éducation et des sports, de l'aide socatif britannique, le programme scolaire d u ciale et des ressources naturelles (agriculture), primaire est constitué essentiellement de matiè- d'organisations internationales telles que le res empruntées au R o y a u m e - U n i et aux États- C A R E (Cooperative American Relief EveryUnis d'Amérique, ce qui explique qu'il ne where), le Heifer Project International (HPI) et L e p r o g r a m m e d'éducation rurale et d'agriculture ( R E A P ) d u Belize 121 T A B L E A U I. Principales phases de la mise en œuvre du R E A P (Belize) Mois Année Analyse de la situation Septembre 1975 1. Examen par le Comité consultatif du problème de l'école primaire rurale 2. Recherche de solutions Décision collective 1976 1. Invention du R E A P : conception 2. Signature par le gouvernement d'un accord pour le programme pilote R E A P avec le C A R E ; le H P I et l'US Peace Corps Planificationldéveloppementladoptionldiffusion 1. Cours de formation pour les enseignants des écoles pilotes 2. Nomination d u coordonnateur et directeur du R E A P Septembre 1976 1977 1978 Septembre 1978 1979 Juillet 1979 1980 1981 1982 Juillet 1982 Septembre 1984 Septembre 1985 3. Début de la phase pilote a) Préparation des terrains agricoles par le Ministère de l'agriculture : début de la construction des O D E C b) Atelier pour les enseignants Bulletin d'information du R E A P c) Début du REAP d) Retrait de la seule école secondaire participante e) Atelier destiné à orienter les diplômés d u B C E vers le R E A P f) Production du premier guide des programmes d'études du R E A P g) Atelier sur la rédaction des L A P h) Élaboration de 42 L A P i) Réunion d u Conseil communautaire du R E A P avec le R H A P - A C j) Mise en œuvre des L A P dans les écoles * ) Production du guide Récoltons ensemble l) Les premiers enseignants formés au R E A P sortent du B C E m) Évaluation préliminaire du R E A P 4 . Début de la phase intermédiaire (échelon des districts) a) Atelier destiné aux enseignants et directeurs des écoles pilotes : élaboration d'autres L A P . Révision du guide des programmes d'études du R E A P b) Atelier de démonstration sur l'utilisation de l'équipement scientifique de laboratoire à l'intention des maîtres des écoles pilotes c) Évaluation complémentaire du R E A P d) Décision de créer les conseils de district du R E A P e) Émission radiophonique » L'expérience R E A P » f) Inauguration des premières unités de stockage g) Impression et publication de 103 L A P h) Création des conseils de district du R E A P Début de la phase nationale a) Expansion du R E A P b) Transfert aux organisations nationales de la fonction de soutienfinancierassurée par les organismes internationaux c) Adhésion d'écoles primaires urbaines d) Institutionnalisation : poursuite de l'expansion du R E A P 122 Zellytme Jennings T U S Peace Corps. Ce groupe devait constituer plus tard le Comité consultatif du R E A P (REAP-AC). L e R E A P a été conçu en trois phases (voir tableau i) et dix ans se sont écoulés avant que le programme ne soit pleinement institutionnalisé. A u x termes d'un accord entre le gouvernement bélizien et les organismes internationaux concernés, ces derniers devaient fournir au cours de la phase pilote (juillet 1 9 7 6 juin 1979) l'essentiel de l'assistance technique et matérielle et de l'appui logistique nécessaire. A u cours de cette phase, le R E A P a été mis en œuvre à titre expérimental dans huit écoles primaires de trois districts (Toledo, Stann Creek et Belize) et dans une école secondaire. D e plus, l'École normale du Belize (BCE) a mis au point u n programme spécial de formation à l'intention des enseignants destinés à exercer dans les écoles du R E A P . D e m ê m e , dans chaque école pilote, on a commencé à construire des centres éducatifs extérieurs ( O D E C ) , comprenant u n nouveau bâtiment, u n potager, des champs de culture, des clapiers, etc., en vue de la mise en application pratique, dans u n cadre agricole, des connaissances acquises par les élèves. Des unités de stockage se sont par la suite substituées à ces O D E C . U n certain nombre de ces unités ont été construites au cours de l'année scolaire 1981-1982. L e H P I a fourni à prix coûtant des mangeoires, des grillages, des poussins, des lapereaux et une partie des produits alimentaires. Les volontaires du Peace Corps ont assuré à la fois l'appui technique et la coordination des écoles pilotes ainsi que des enseignements dans le cadre d u prog r a m m e B C E / R E A P . L e C A R E a fourni les outils, l'équipement, certaines fournitures agricoles, assuré une partie des transports et apporté une assistance financière pour la construction des O D E C . L e Ministère bélizien de l'éducation a eu la charge de former les enseignants et les directeurs des écoles pilotes et de fournir u n fonctionnaire dont le rôle était de gérer le projet. L a formation a été dispensée, en grande partie, dans le cadre d'ateliers dont la durée a varié de deux jours à deux semaines. D e juillet 1976 à février 1979, une dizaine d'ate- liers a permis de former les enseignants à l'utilisation du matériel et à la tenue des dossiers. Ils ont également été initiés aux techniques agricoles ainsi qu'aux principes d'élaboration des programmes en ce qui concerne, par exemple, l'intégration et la définition des objectifs. Vingt ateliers semblables ont été organisés au cours de la deuxième phase (échelon des districts). A u cours de certains de ces ateliers ont été élaborés des « dossiers d'apprentissage » (LAP). Il s'agit de plans généraux de leçons de tel ou tel niveau qui indiquent aux enseignants les objectifs à atteindre dans chacun des domaines d'étude couverts par le R E A P et leur fournissent des suggestions d'activités, les matériels pédagogiques requis et des références de lecture. Ces dossiers portent sur neuf domaines d'étude : terre et eau, sols, santé et nutrition, écologie, animaux, étude d u village, conditions météorologiques, plantes et pratiques agricoles. Ce sont ces «filsconducteurs » qui permettent d'intégrer les disciplines classiques : lettres, mathématiques, études sociales, sciences, arts et religion. Diverses stratégies ont été utilisées pour diffuser l'information relative au R E A P , à l'intention tant des enseignants et des directeurs (en complément des ateliers) que du grand public. C'est ainsi que la diffusion d'un bulletin d'information a débuté en 1977 et que, la m ê m e année, une émission radiophonique bihebdomadaire a commencé à être diffusée. S'y est ajoutée, en 1981, une autre émission hebdomadaire de cinquante minutes intitulée « L'expérience R E A P ». L a promotion du R E A P a également été assurée au moyen de la présentation de diapositives dans les associations d'action sociale et les cercles communautaires. U n manuel agricole du R E A P , Récoltons ensemble, a été publié en 1979. O n y trouve les rudiments des techniques de culture des légumes et d'élevage des poulets et des lapins en région tropicale. La deuxième phase a eu pour principal objet d'étendre le R E A P aux trois autres districts du Belize (Corozal, Orange Walk et Cayo) et de transférer progressivement aux ministères, aux Le programme d'éducation rurale et d'agriculture ( R E A P ) du Belize responsables de district, aux groupes c o m m u nautaires et aux organismes d'action sociale la responsabilité de la plus grande partie de l'assistance technique et matérielle et d u support logistique assurés jusque-là par les organismes étrangers. A u terme de la dernière phase (niveau national), le R E A P devait avoir été étendu aux deux tiers environ de l'enseignement primaire rural, en incorporant les écoles urbaines dans la mesure du possible. C e sont les conseils de district pour le R E A P qui ont assumé la plus lourde partie de la tâche. Ces conseils, présents dans chacun des six districts, sont composés des directeurs de toutes les écoles R E A P d u district, des responsables locaux de l'éducation et de l'agriculture, des directeurs des écoles religieuses locales, ainsi que de représentants des parents, des ministères et des organisations sociales. Ils ont pour principales fonctions de faciliter la mise en place et l'exécution d u R E A P , d'élaborer des politiques et de concevoir des stratégies propres à assurer la mise en œuvre satisfaisante d u R E A P dans le cadre d u district, de donner des avis au REAP-AC. Impact du programme REAP ATTITUDES A L'ÉGARD DE L'AGRICULTURE ET EFFET SUR L'EXODE RURAL U n e étude effectuée par E d m o n d en 1985 a montré que, de façon générale, enseignants et élèves, tant des écoles d u R E A P que des autres établissements d'enseignement, témoignaient d'une attitude positive à l'égard de l'agriculture. Contrairement à ce qui se passe dans un certain nombre de territoires des Caraïbes, les Béliziens n'ont jamais considéré le travail de la terre c o m m e dégradant. E n fait, dans les campagnes du Belize, le milpa, ou petite exploitation agricole de subsistance, apparaît encore c o m m e un moyen de s'assurer des revenus stables ; il est en effet difficile d'y exercer une autre activité professionnelle. Les programmes R E A P , de m ê m e d'ailleurs que les programmes de type 123 classique des autres écoles, renforcent par conséquent une attitude à l'égard de la terre qui existe déjà et qui découle de l'expérience sociale et économique d u paysan bélizien. Cette m ê m e attitude se retrouve dans la façon dont les enseignants des écoles du R E A P jugent le programme qui, selon eux, « donne aux élèves une meilleure idée de l'agriculture », « leur permet de devenir leurs propres patrons » et « aide les familles à améliorer leur alimentation ». Ces enseignants estimaient que le programme d'agriculture devrait être sanctionné par u n examen officiel ; pour leurs collègues ne participant pas au R E A P , ce n'était pas nécessaire, étant donné que l'agriculture ne constituait pas u n domaine d'étude aussi important que les matières classiques. Les uns et les autres convenaient de « la dignité qui s'attache au travail manuel », mais les enseignants extérieurs au programme R E A P soulignaient plutôt les aspects négatifs d u prog r a m m e qu'ils avaient constatés, à savoir, par exemple, que « les parents se plaignent que leurs enfants se salissent » et que le choix des possibilités d'emploi s'offrant aux diplômés d u R E A P n'était pas très grand. Les enseignants du R E A P , en revanche, mettaient l'accent sur les résultats positifs d u programme, c o m m e le fait qu'en produisant pour son propre compte l'enfant acquérait le sentiment de sa dignité. E n dépit de la taille réduite de l'échantillon utilisé, E d m o n d a établi que 80 % des diplômés des écoles d u R E A P étaient restés en milieu rural pour y exercer une activité agricole. L ' u n de ces étudiants, une fois obtenu son diplôme de fin d'études secondaires, était retourné dans une école d u R E A P pour y enseigner. Pour ces diplômés, la fréquentation d'une école R E A P s'était essentiellement traduite par u n gain de connaissances : ils avaient beaucoup appris, ont-ils déclaré, sur la façon de cultiver les plantes, les céréales et de soigner les animaux ; mais ils en avaient aussi tiré des avantages économiques et sociaux c o m m e en témoignent des commentaires d u genre : « Je fais maintenant pousser mes propres légumes que je consomme et que je vends », et : « J'ai appris à devenuun meilleur citoyen ». Zellynne Jennings 124 LES POINTS FAIBLES Les élèves des écoles d u R E A P c o m m e ceux des autres établissements ont, dans l'ensemble, estimé que le programme d'agriculture était compatible, en particulier, avec les valeurs éducatives et sociales auxquelles ils étaient attachés, mais ils en ont aussi signalé certains inconvénients. Par exemple, dans les écoles d u R E A P , les élèves se sont plaints de la trop grande importance accordée à la culture potagère au détriment des disciplines classiques. Sur le plan social aussi, des difficultés se sont fait jour : ainsi la réticence de certains à participer aux tâches agricoles. Les conditions matérielles du travail dans les jardins scolaires posent de graves problèmes. Les élèves ne disposent pas des vêtements requis pour le travail de la terre. Les outils et le matériel sont rares et souvent très primitifs. Dans les écoles rurales, les installations sanitaires sont insuffisantes : d'où l'inconfort des élèves qui doivent retourner en classe après avoir travaillé au potager. Les élèves sont également préoccupés par leur sécurité personnelle, car, en cas de blessure, ils ne peuvent compter que sur des premiers secours extrêmement limités. L e vol de produits agricoles sur pied constitue u n autre problème pressant qui, en s'ajoutant à tout le reste, démotive certains élèves. LES RAISONS DU SUCCÈS E n dépit de ses imperfections, le R E A P a obtenu de bons résultats et, c o m m e le dit I'évaluateur, « le programme R E A P constitue u n modèle unique en ce qu'il peut devenir u n moteur authentique d u développement socioéconomique d u Belize et donner aux jeunes davantage d'outils et de choix pour forger leur propre avenir » (Massey, 1982, p. 44). D u point de vue de la contribution à l'économie, on constate que la mise en œuvre d u R E A P a entraîné une certaine augmentation de la production alimentaire locale (Massey, ibid.). C e pendant, aussi bien les résultats de l'étude évo- quée plus haut que les conclusions de l'évaluateur selon lesquelles les élèves des écoles d u R E A P obtiennent d'aussi bons résultats que ceux des autres établissements au certificat d'études primaires donnent à penser que, jusqu'ici, le R E A P a rempli un rôle principalement pédagogique. Étant donné qu'il n'a rien perdu de sa vigueur dix ans après sa création, il est intéressant de se pencher sur certains des facteurs clés qui ont contribué aux résultats enregistrés à ce jour. LA PLANIFICATION M c G i n n et al. (1979) soutiennent que la planification a joué u n rôle central dans le succès des réformes de l'enseignement qui ont été appliquées au Chili et en El Salvador dans les années i960, mais que cette planification n'était pas conforme au modèle « rationaliste » généralement exigé par les organismes d'aide internationaux. U n exemple typique de cette approche « rationaliste » d u changement éducatif est le modèle de recherche-développement et diffusion ( R - D et D ) . Dans la version de Clark et G u b a (1969), la première étape est celle de la recherche ou de l'étude d u problème; son principal objet est de déterminer l'état d'avancement des connaissances dans le domaine en question et la façon dont ces connaissances peuvent être appliquées au produit que l'on souhaite mettre au point. U n e solution d u problème est alors inventée et élaborée au cours de la phase de développement. L'innovation est portée à la connaissance des praticiens lors de la phase de diffusion, puis elle est officiellement introduite dans le système éducatif au cours de la phase d'adoption après avoir subi une phase d'essai. L e modèle R - D et D suppose qu'il y ait une longue phase de planification à grande échelle. L e tableau 1 indique la façon dont le R E A P a été effectivement mis en œuvre. L'évaluateur d u programme constate qu' « au lieu d'une longue phase de conceptualisation, de mise au point et d'essai sur le terrain, qui précède normalement un projet de cette nature, il a été décidé de procéder directement, et de Le programme d'éducation rurale et d'agriculture (REAP) du Belize manière simultanée, à la planification, au développement, à la mise en œuvre et à l'évaluation du R E A P » (Massey, 1982, p. 44). Le tableau 1 montre également que le point de départ du processus a été non pas une recherche, mais un débat sur les problèmes rencontrés par les élèves des écoles primaires rurales, débat auquel a procédé un comité ad hoc (le R E A P - A C ) . L e fait qu'il n'y ait pas eu de recherche préalable n'est pas exceptionnel : ailleurs dans les Caraïbes (Jennings-Wray, 1985) et dans le cas du Chili et d'El Salvador, M c G i n n et ses collaborateurs remarquent que « la réforme a été entreprise sur la base d'un jugement éclairé, mais en l'absence de recherches approfondies » (p. 223). Il convient de noter, en outre, que les recherches prennent du temps et que, dans les entreprises de réforme à motivation politique c o m m e le R E A P , la rapidité est essentielle, étant donné que les politiciens veulent couvrir le plus de terrain possible avant les prochaines élections. Il faut toutefois garder à l'esprit que l'une des raisons pour lesquelles les réformes se soldent souvent par u n échec est que leurs artisans tentent d'obtenir des résultats d'envergure dans des délais très peu réalistes, de l'ordre d'un an ou deux, voire moins. U n e période de cinq à dix ans est considérée c o m m e raisonnable pour qu'une innovation puisse produire des effets notables (Charters et al., 1972). Il semble, à la lecture du tableau 1, que les promoteurs du R E A P se soient donné un délai raisonnable pour procéder à une planification à grande échelle. Le fait d'avoir prévu une phase d'essai constitue l'un des points forts du programme R E A P ; en effet, c'est sur la base des indications fournies par les enseignants de l'école pilote et en réponse à leurs besoins qu'a été mis au point le guide intitulé Let's R E A P together (Récoltons ensemble). L'évaluation, si elle est intégrée de façon efficace à la phase pilote d'un programme, peut fournir aux responsables des éléments extrêmement utiles pour la prise des décisions ultérieures. Tel a, de toute évidence, été le cas pour le programme R E A P . L'évaluation a ainsi mis en lumière le fait que, lors de l'extension du R E A P aux districts, les pro- 125 blèmes rencontrés par les établissements participants variaient en fonction des circonstances particulières à chacun de ces districts. D ' o ù la décision de créer des conseils de district pour le R E A P , chargés chacun tout spécialement des établissements relevant de leur juridiction. L e bon fonctionnement de ces conseils de district s'est révélé c o m m e un facteur clé de l'amélioration de la politique de formation agricole du REAP. Enfin, il faut noter le recours aux médias pour promouvoir le R E A P , car il a contribué d'une manière notable à développer, chez les usagers, des attitudes positives qui ont été observées à plusieurs reprises (Massey, 1982 ; E d m o n d , 1985). L'APPUI DES POUVOIRS PUBLICS Les pays du Tiers Monde qui ont obtenu de bons résultats dans la mise en œuvre de programmes destinés à relier l'éducation au m o n d e du travail sont généralement ceux dans lesquels cet effort en matière d'éducation fait partie intégrante de l'idéologie politique du gouvernement. Cuba et la Tanzanie sont des exemples typiques à cet égard ; le Belize en est un autre. E n effet, le R E A P a reçu le ferme appui idéologique des pouvoirs publics, plus précisément du Parti uni du peuple (PUP), qui était au pouvoir au moment où il a été mis en chantier. L'intégration des études avec le m o n d e du travail était l'un des éléments de l'idéologie socialiste du P U P et le R E A P disposait, en la personne du ministre de l'éducation de l'époque, d'un partisan de poids qui sut lui donner une impulsion décisive, laquelle explique en grande partie que le programme ait p u être poursuivi jusqu'à ce jour. L e Tiers M o n d e offre d'autres exemples qui témoignent de ce que ce type de soutien est indispensable au succès de la réforme de l'éducation (McGinn et al., 1979 ; Armstrong, 1984). L e R E A P a cessé de bénéficier de ce soutien lorsque le P U P , au pouvoir depuis plus de trente ans, a perdu les élections de décembre 1984. L'année précédente, lorsque l'on tenta d'introduire la réforme dans les zones urbaines, 126 Zellynne Jennings la signification d u sigle R E A P a été modifiée pour devenir : « Éducation pertinente pour l'agriculture et la production ». L'avenir dira quel sera le destin à long terme d u R E A P sous le nouveau gouvernement. FINANCEMENT : L'ASSISTANCE DES ORGANISMES INTERNATIONAUX Fruit d'une collaboration entre le gouvernement d u Belize et des organismes d'aide internationaux, le R E A P doit son succès au fait que ceux-ci ont p u fournir l'assistance financière et technique que les pouvoirs publics n'avaient pas les moyens d'apporter. Hurst (1983) nous rappelle que de nombreux projets ont connu des difficultés et n'ont pas donné les résultats escomptés parce que les bénéficiaires de l'aide ne pouvaient pas faire face aux dépenses de fonctionnement. L e financement des écoles d u R E A P est devenu u n problème aigu dès 1982, date à laquelle des organisations nationales ont pris le relais des organismes d'aide internationaux. Massey (1982) signale que certains établissements éprouvent des difficultés à se procurer les produits alimentaires, les poussins, les lapins et les outils agricoles. Théoriquement, chaque école est censée subvenir à ses besoins grâce à la vente de sa production, mais cet objectif n'est pas encore atteint. Pour l'instant, de nombreux établissements d u R E A P doivent compter sur u n prêt renouvelable d u Heifer Project International pour assurer la survie de leurs projets agricoles. C'est souvent l'aide internationale et la coopération technique qui décident d u sort des innovations dans les pays d u Tiers M o n d e . L e succès des réformes de l'éducation en A m é rique latine dans les années i960 s'explique principalement par le fait que les pays concernés « ont p u bénéficier de ressources financières et humaines d'une importance exceptionnelle grâce à l'assistance technique internationale » ( M c G i n n et al., op. cit., p . 222). L e fait que les diplômés des écoles d u R E A P ont besoin d'une assistance financière et matérielle pour mettre sur pied leurs propres projets agricoles s'est depuis longtemps imposé à l'évidence, mais ni les pouvoirs publics nationaux ni les organismes internationaux n'ont les moyens d'apporter à ces jeunes ce type d'assistance. A moins que les écoles participantes puisse subvenir u n jour à leurs propres besoins ou que d'autres sources de financement soient trouvées, le prog r a m m e R E A P se heurtera, dans l'avenir, à de graves difficultés. LA PARTICIPATION DES ENSEIGNANTS Les responsables d u R E A P ont encouragé les enseignants à participer d'emblée au processus de réforme en partant d u principe que leur adhésion à ce processus et leur moral s'en trouveraient renforcés, que l'innovation serait mieux comprise et se heurterait à une résistance initiale moindre, autant de facteurs propres à faciliter, semble-t-il, la réussite d'une entreprise de ce genre (Fullan, 1982). Il est tout à fait vraisemblable que la participation des maîtres des écoles pilotes d u R E A P à l'élaboration des « dossiers d'apprentissage » (LAP) ait contribué à l'attitude positive qui, à ce jour, est la leur à l'égard des activités agricoles. Cependant, la mise en œuvre se heurte incontestablement à certains problèmes, au nombre desquels figure le m a n q u e de clarté dans la définition, notamment des modalités de cette mise en œuvre. Les enseignants ont du mal à articuler en u n tout cohérent les travaux potagers, l'utilisation des L A P et l'étude des matières classiques qu'ils ont l'habitude d'enseigner. D'après le Comité consultatif, chaque élève devrait consacrer chaque année cinquante heures à des travaux agricoles supervisés. Massey a établi que la plupart des établissements dépassaient cette norme, mais qu'ils n'utilisaient guère les L A P , où l'on trouve pourtant l'essentiel des connaissances et des techniques indispensables à la formation agricole. A u cours de l'année scolaire 1981-1982, par exemple, seize établissements se sont servis effectivement des L A P , mais en en utilisant, selon les cas, d ' u n à vingt-neuf sur u n total de cent trois disponibles. L a raison de ce sous-emploi tient en Le programme d'éducation rurale et d'agriculture (REAP) du Belize 127 partie aux lacunes des L A P eux-mêmes, dont (Thompson, 1982). C e manque de préparation la qualité laisse tellement à désirer que le C o - s'explique, dans une large mesure, par des mité consultatif a dû recourir, de temps à autre, difficultés rencontrées pour obtenir la nomiau concours de spécialistes. L a mise au point nation d'un professeur bélizien chargé d'end'un L A P est une entreprise dont on a grossiè- seigner le programme R E A P à l'École normale. rement sous-estimé la difficulté. L'intégration de domaines d'étude traités jusque-là d'un point LE PROBLÈME DE L'INNOVATION de vue purement académique avec la théorie et DANS UN SYSTÈME ÉDUCATIF la pratique de l'agriculture est une tâche qui DUALISTE requiert la collaboration de spécialistes de la plus haute compétence dans chaque discipline et de maîtres en exercice. L'insuffisance des Les pays en développement ont été critiqués crédits nécessaires pour s'assurer le concours pour leur dépendance vis-à-vis de modèles de tels spécialistes pourrait bien faire obstacle éducatifs empruntés au m o n d e développé, à la mise en œuvre d'un programme de forma- dépendance qui les expose à une puissante tion agricole efficace. forme d' « impérialisme culturel » (Carnoy, 1974). L e Belize ne fait pas exception à la règle. C'est ainsi que le programme de la plupart des écoles secondaires est calqué sur le modèle Menaces sur l'avenir du R E A P des États-Unis d'Amérique. Les jésuites a m é FORMATION DES ENSEIGNANTS ricains exercent, en fait, une influence considérable sur l'enseignement secondaire au B e Cette mise en œuvre n'est par ailleurs pos- lize, due à la conviction profonde que le consible que si les enseignants bénéficient d'une trôle de l'Église est indispensable à u n système formation adéquate. La plupart des maîtres des éducatif de qualité. Les partis politiques locaux écoles primaires rurales (64 % environ) n'étant ne sont pas favorables à ce que l'enseignement nullement préparés à cette tâche, on ne peut relève exclusivement de l'État. E n fait, les pous'attendre à ce qu'ils sachent comment fusion- voirs publics ont pour politique non pas de ner les L A P avec les plans d'études classiques prendre eux-mêmes u n m a x i m u m d'initiatives, imposés par les responsables de l'éducation mais « d'appuyer et d'encourager le progrès de au niveau du distria. U n atelier de deux se- l'éducation dans le cadre des plans conçus et maines pourrait suppléer à une véritable for- mis en œuvre par les institutions privées » mation en vue de la mise en œuvre d u R E A P , (Grant, 1976, p . 303). C e système dualiste laquelle, selon Fullan (1982), devrait associer permet aux ordres religieux d'appliquer leurs des activités spécifiques de formation péda- propres programmes sans guère tenir compte gogique, la fourniture d'une assistance et d'un des objectifs socioéconomiques fixés par le soutien continus pendant toute la durée de la gouvernement. Cette situation a été dénoncée, mise en œuvre, et l'organisation de réunions car elle a notamment conduit à une situation où, régulières avec des collègues et d'autres per- « bien que l'agriculture soit la clé d u dévelopsonnes. L'étude du programme R E A P est pement économique du pays, c'est seulement obligatoire pour tous les élèves de l'École ces dernières années que les sciences se sont vu normale d u Belize (BCE) au cours de la pre- accorder plus de place dans les programmes mière année, mais elle devient facultative la scolaires que le latin et l'étude de la Bible » seconde année. U n e étude effectuée auprès des (Grant, 1976, p. 301). Le fait que le programme diplômés de la B C E a montré que les ensei- R E A P soit dépourvu de prolongement cohégnants des écoles du R E A P n'étaient pas mieux rent dans l'enseignement supérieur ne joue pas préparés à la mise en œuvre du programme en sa faveur. C o m m e King (1985) le fait obintégré que leurs homologues des autres écoles server, les programmes de cette nature « ne 128 Zellynne Jennings jouissent pas d u m ê m e statut que des cours susceptibles d'être suivis tout au long des études secondaires, universitaires et universitaires supérieures » (p. 4). A noter que la seule école secondaire qui ait participé à la phase pilote d u R E A P s'en est retirée u n an après, essentiellement en raison de l'incompatibilité du programme agricole avec le programme scolaire traditionnel. King (1985) note également que, m ê m e dans les pays où les élèves d u primaire sont activement encouragés à fournir un travail agricole productif et à en tirer fierté, l'examen national defind'études primaires ne fait pas appel aux connaissances agricoles qu'ils ont acquises. C'est le cas d u certificat national d'études primaires ( B N P E ) , dont les épreuves portent sur les mathématiques, les lettres, les sciences et les études sociales. L e message qui est ainsi très subtilement transmis à ces jeunes ruraux est donc que l'acquisition d'un savoirfaire agricole n'est, en définitive, pas tellement importante puisque la sélection pour l'accès au secondaire repose sur les connaissances de type classique. C e qui est évident, c'est que les programmes éducatifs axés sur l'agriculture et visant, à long terme, à doter les élèves des aptitudes qui leur permettront d'apporter une contribution significative à l'essor de l'agriculture du pays ne peuvent être couronnés de succès que s'ils sont mis en œuvre à tous les niveaux de l'enseignement national. Cuba et la Tanzanie constituent de bons exemples à cet égard. E n Inde, en revanche, le dualisme d u système éducatif a fait échouer le programme d'éducation rurale (Sinclair, 1977), tandis qu'au Burkina Faso, en dépit d u succès remporté par les centres d'éducation rurale, les paysans ont préféré envoyer leurs enfants à l'école primaire de type classique, tout en sachant que leurs chances de réussite y étaient minimes (Colclough et Hallak, 1975). L e Belize se targue de ne pas chercher à « créer au m o y e n de l'enseignement supérieur une classe privilégiée d'élites qui perpétueront les injustices sociales d u colonialisme » (Manifeste du Belize indépendant, 1974-1979). N'estce pourtant pas précisément ce qu'il est en train de faire en axant l'enseignement sur l'agriculture au niveau le plus bas d u système scolaire, cependant qu'il favorise u n modèle académique de type occidental au niveau supérieur ? ABSENCE DE STRATÉGIES GÉNÉRATRICES D'EMPLOI Si, d'après les conclusions de l'étude d ' E d m o n d , la plupart des diplômés d u R E A P sont restés en milieu rural, il apparaît nettement que les compétences de ces jeunes n'ont pas été pleinement utilisées. L a tâche la plus intéressante qui ait été confiée à certains consistait à soigner les arbres d'une exploitation d'agrumes. D'autres avaient accepté tout ce qui se présentait, depuis des travaux artisanaux jusqu'à la garde d'enfants. E d m o n d a établi que tous les diplômés du R E A P qui avaient émigré à Belize City l'avaient fait pour des raisons liées aux possibilités d'emploi. N i le gouvernement d u Belize ni les organismes d'aide internationaux ne peuvent actuellement fournir aux jeunes ruraux diplômés des écoles d u R E A P le type d'assistance dont ils ont besoin pour monter leur propre entreprise agricole génératrice de revenus. L e Belize se trouve cependant confronté à u n problème peut-être beaucoup plus grave encore, à savoir que « la ressource première d u pays, la terre, demeure aux mains de grandes sociétés étrangères qui laissent une grande partie de ces biens en friche et qui transforment les Béliziens en ouvriers agricoles indépendants sur les terres restantes » (Bolland, 1977, p. 8). O n ne peut guère attendre des diplômés d u R E A P qu'ils apportent une contribution significative au développement agricole d u Belize si une aussi grande partie des terres d u pays appartient à des étrangers qui n'ont aucun intérêt à leur mise en valeur. Conclusions Quel est donc le type d'éducation dont les jeunes ruraux ont besoin dans les pays en Le programme d'éducation rurale et d'agriculture ( R E A P ) du Belize développement ? L ' u n de ces pays, le Belize, a opté pour u n programme d'éducation rurale et d'agriculture spécialement conçu qui a donné jusqu'ici d'assez bons résultats. E n dépit de certaines faiblesses au niveau du programme d'études, rien ne permet de penser que, dans son ensemble, l'enseignement dispensé dans le cadre d u R E A P soit en quoi que ce soit inférieur à celui qui est offert par les écoles de type traditionnel. E n fait, au certificat national d'études primaires, les élèves des écoles d u R E A P ont d'aussi bons résultats que ceux des autres établissements. Bien qu'il semble que les diplômés d u R E A P demeurent en milieu rural, cela ne saurait être attribué au seul impact d u programme R E A P . Les possibilités d'emploi sont très limitées dans les régions rurales du pays et les compétences des jeunes ruraux sont sous-utilisées. Toutefois, il est incontestable que le R E A P a soulevé l'enthousiasme des Béliziens et inspiré d'autres pays d u Tiers M o n d e , qui y voient u n modèle. L e succès que le R E A P a remporté jusqu'ici peut être attribué à plusieurs facteurs, dont le principal est sans doute le puissant appui idéologique dont il a bénéficié de la part d u gouvernement, en particulier d'un ministre influent de l'éducation. U n e planification efficace, caractérisée notamment par la prévision de délais réalistes pour le processus d'institutionnalisation, des stratégies de diffusion de l'information sur la réforme, la rapidité de la prise de décision lors des premières étapes et l'obtention de pouvoirs juridiques et administratifs pour faire adopter et appliquer ces décisions ont également joué u n rôle capital. Ajoutons qu'on s'est efforcé de contrebalancer le caractère quelque peu coercitif des stratégies imposées par les pouvoirs publics en encourageant les enseignants à participer à l'élaboration d u programme aux fins de sa mise en œuvre plus efficace. L'assistance financière et technique apportée par les organismes internationaux qui ont collaboré avec le gouvernement d u Belize explique également le succès remporté jusqu'ici par le R E A P . Par surcroît, l'attitude à l'égard d u programme d'agriculture a été positive. I29 L e R E A P bénéfice par conséquent de n o m breux atouts, mais ceux-ci ne sont pas suffisants en soi pour assurer son avenir. Pour qu'une réforme puisse perdurer, les menaces qui pèsent sur son développement futur doivent être écartées. Miles (1983) identifie deux de ces menaces : les « turbulences d u milieu », qui revêtent généralement la forme de réductions de crédits ou d'une désaffection des enseignants ou des élèves, et le souci des enseignants d'obtenir de l'avancement. L e programme R E A P a d'ores et déjà vu les crédits qui lui sont affectés diminuer depuis que la fonction de soutien qu'assumaient les organismes internationaux s'est trouvée dévolue à des organisations locales. L e souci d'avancement est plus important qu'il ne paraît de prime abord, car l'introduction de toute réforme dans u n système scolaire implique inévitablement u n surcroît de travail pour les enseignants et les chefs d'établissement. Pourtant, on ne trouve nulle part mention de mesures d'encouragement à l'intention des maîtres et des directeurs des écoles d u R E A P . Peut-être est-ce parce que le Parti uni d u peuple croyait fermement aux vertus de 1' « effort de coopération bénévole » (gouvernement du Belize, 1977) ; mais il y a des limites à ce que les bénévoles sont disposés à faire. La remarque selon laquelle « les réformes rapportent plus à ceux qui les préconisent et les élaborent qu'elles ne leur coûtent et, inversement, coûtent beaucoup plus à ceux qui sont censés les mettre en œuvre qu'elles ne leur rapportent » (Fullan, 1982, p. 3) semble pleinement justifiée en l'occurrence. Parmi les autres « menaces », on pourrait citer : la formation inadéquate des enseignants ; l'absence d'une idée claire de la réforme chez ces derniers ; la persistance d'un système éducatif dualiste qui accorde relativement plus d'importance aux performances académiques, en particulier au niveau secondaire; l'impossibilité pour les diplômés d u R E A P de poursuivre sur place des études d'agriculture. Améliorer les programmes d'études d u R E A P , aider ses diplômés à mettre sur pied leur propre entreprise agricole, lutter contre le vol de produits agricoles sur pied et fournir 130 Zellyrme Jennings aux élèves des vêtements de protection pour le travail de la terre sont autant de mesures à prendre si l'on veut assurer la poursuite du R E A P . Toutefois, l'événement qui peut fort bien sceller le destin du R E A P a déjà eu lieu : la défaite de ses partisans les plus fervents lors des élections générales de décembre 1984. L a succession au pouvoir de gouvernements poursuivant des idéologies différentes a plus d'une fois dans l'histoire sonné le glas d'innovations prometteuses. Mais peut-être le R E A P survivra-t-il à cette épreuve. • H U R S T , P . 1983. « Les questions clés en matière de financement extérieur de l'éducation ». Perspectives, vol. XIII, n» 4 , p . 465-476. J E N N I N G S - W R A Y , Z . D . 1985. « Towards an appropriate strategy for curriculum change in the Third World: experiences from Jamaica ». Perspectives in education, Society for Educational Research and Development, Inde, vol. 1, n° 3 , p . 175-194. K I N G , K . 1985. The planning of technical and vocational education and training. Paris, Institut international de planification de l'éducation. M A S S B Y , R . M . 1982. A six-year formative evaluation report (July 1, 1976 to June 30, 1982) of the Rural Education and Agriculture Program (REAP). 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Il a n o n seulement laissé des œuvres originales et de grande portée dans divers domaines (sciences politiques, droit, histoire de l'Antiquité et philologie en particulier), mais il a aussi fait preuve d ' u n remarquable talent d'organisateur pendant les décennies qu'il a consacrées au service de la Prusse en tant q u ' h o m m e politique et diplomate. T o u t en jouant u n rôle politique actif au service de son pays, il a m e n é une activité scientifique et artistique de tout premier plan. Il entretenait u n vaste réseau de relations et d'amis, parmi lesquels d'éminentes personnalités de l'époque c o m m e Goethe et Schiller, Herder, Fichte, F . A . W o l f et Georg Forster, par exemple. Bien qu'il n'ait consacré qu'une courte période de sa vie au système éducatif prussien et aux sciences de l'éducation en tant qu'élément de la politique de l'éducation, Wilhelm von H u m b o l d t a fait époque dans l'histoire de la pédagogie. C'est lui qui est à l'origine de la création de l'Université de Berlin, et il a, avec ses collaborateurs S ü v e m et Nicolavius, F . A . Wolf, Schleiermacher et Fichte, durablement marqué la physionomie de cette université allemande ultramoderne ; c'est à lui que l'école secondaire classique (Gymnasium) doit sa spécificité en tant qu'institution de haut niveau destinée à former une élite intellectuelle, et il contribua largem e n t à la formation et au recrutement de professeurs de l'enseignement secondaire dotés d'une formation philologique complète ; l'amélioration durable de l'enseignement primaire et de la formation des instituteurs, inspirée des idées de Pestalozzi, doit beaucoup à son influence ; il est considéré à juste titre c o m m e l'un des principaux représentants d'une conception néo-humaniste de l'éducation qu'il a lui-même appliquée pendant toute sa carrière de responsable politique de l'éducation et qui, aujourd'hui encore, conserve toute son actualité, que ce soit en R é p u blique démocratique allemande, o ù la pédagogie contemporaine continue de s'en inspirer, o u en R é p u blique fédérale d'Allemagne, o ù elle influence de façon croissante certains courants de la pensée pédagogique 1 . N é à Potsdam le 22 juin 1767,filsd ' u n chambellan prussien de vieille noblesse poméranienne, Wilhelm von H u m b o l d t , tout c o m m e son jeune frère Alexandre (né en 1769), le célèbre naturaliste, a v u le jour à une époque chargée d'événements dramatiques : la révo- XVIII, n° 1,1988 132 Revue de publications lution bourgeoise française de 1789, dont les répercussions se sont fait sentir dans toute l'Europe, les conquêtes napoléoniennes, les réformes prussiennes, l'effondrement du Saint-Empire romain germanique, la défaite catastrophique de la Prusse à Iéna et Auerstedt, la paix de Tilsitt par laquelle la Prusse perdit tous ses territoires à l'est de l'Elbe et enPologne, les guerres de libération, le Congrès de Vienne et la naissance de la Sainte-Alliance. E n l'espace de quelques décennies, o n passa d'une société féodale à une société fondamentalement bourgeoise2. L'influence de la révolution française y était certes pour quelque chose, mais, contrairement à ce qui s'était passé en France et en Angleterre, ce passage ne sefitpas d'un coup, sous l'effet d'une révolution brutale ; ce fut plutôt l'aboutissement d'un processus historique lent et progressif, caractérisé surtout, du vivant de H u m boldt, par une série de réformes novatrices. Après la paix imposée de Tilsitt, qui assujettissait la Prusse à de lourdes contributions, il s'avéra que la bourgeoisie qui, par crainte d'une dictature jacobine, répugnait à une révolution populaire, ne possédait pas la maturité économique et politique suffisante pour prendre la tête d'un m o u v e m e n t de libération nationale et d'instauration de rapports sociaux propres à favoriser le développement d u capitalisme bourgeois. Cela étant, « il existait néanmoins une force politique déterminée à engager la Prusse sur la voie d'une révolution bourgeoise modérée, qui recrutait ses m e m b r e s (fonctionnaires, officiers, propriétaires fonciers et intellectuels) dans les rangs de la noblesse et de la bourgeoisie progressistes. Pour eux, la défaite de la vieille monarchie prussienne signifiait la faillite d'idées et d'institutions surannées, tandis qu'ils reconnaissaient dans la bourgeoisie et les masses populaires le moteur de l'évolution de la société, qu'ils souhaitaient cependant voir dirigée par une monarchie éclairée3 ». A u premier rang de ces réformateurs prussiensfiguraientles barons von Stein, von Schamhorst, von Gneisenau, von Hardenberg et d'autres, qui proposèrent et entreprirent de mettre en œuvre des réformes importantes dans plusieurs domaines : administration, justice, agriculture, commerce et armée 4 . C'est le baron von Stein, tête pensante d u m o u v e ment, qui proposa de confier à Wilhelm von H u m boldt la conduite de la réforme d u système éducatif. Humboldt avait été eduqué moins selon les principes chers à Frédéric le Grand que dans la tradition d'une aristocratie éclairée. Son premier précepteur fut le philanthrope C a m p e , bientôt suivi par G . J. C . Kunths. H u m b o l d t fit ses études à Francfortsur-I'Oder puis à l'Université de Göttingen, haut lieu des études historiques et philologiques. Il eut Schlösser c o m m e professeur d'histoire ; le philologue H e y n e 5 l'initia à l'archéologie et détermina en grande partie sa passion pour l'Antiquité. C'est à Göttingen que H u m b o l d t découvrit le néo-humanisme. E n m ê m e temps, il c o m m e n ç a à étudier à fond la philosophie de Kant. Il étudia le droit constitutionnel et le droit naturel, la philosophie, l'histoire, la philologie, les mathématiques et la physique. Il fit aussi la connaissance de Georg Forster, qui devait accéder plus tard à la notoriété en tant que m e m b r e du m o u vement jacobin allemand et cofondateur de la R é p u blique de Mayence. C'est peut-être cette éducation humaniste et imprégnée de la philosophie des lumières, alliée à une prise de conscience de ce qui se passait dans la France révolutionnaire, qu'il avait parcourue en 1789, séjournant à Paris d u 3 au 27 août6, qui le poussa à écrire à vingt-cinq ans u n ouvrage dont le titre, à première vue, promet u n discours de droit constitutionnel, mais qui, en réalité, traite, dans une perspective antiféodale, de la nature de l ' h o m m e et d u développement de la personnalité. E n 1972, il écrit l'Essai sur les limites de l'action de l'État, qui ne sera publié intégralement qu'en 1851, après sa mort, survenue le 8 avril 1835 à Tegel 7 . Lorsqu'il fut appelé plus tard à s'occuper de l'enseignement public, il ne retint pas toutes les idées libérales qu'il expose dans cet essai et qui allaient à l'encontre des principes sur lesquels reposait l'ordre féodal de l'époque. Il n'est pas bon, écrit-il dans son essai, que l'État se préoccupe d u bien-être positif des citoyens. Cette ingérence est mauvaise. Elle engendre l'uniformité, nuit à l'individu, fait obstacle « au développement de sa personnalité et à son originalité8 ». L'État n'a pas à intervenir dans l'éducation publique, car, ce faisant, il en limite la diversité9. L e « véritable but de l ' h o m m e » — et c'est là le point central de son argumentation — est de « développer au m a x i m u m et d'une manière aussi équilibrée que possible toutes ses facultés en u n tout harmonieux. L a condition première et indispensable de son aptitude à ce faire est la liberté10 ». Dépassant l'idée d u contrat social, chère à la philosophie des lumières, H u m b o l d t concevait la société c o m m e une c o m m u n a u t é d'individus libres qui « mettent en valeur leur potentiel vital par l'échange constant et mutuellement profitable de leurs richesses intérieures11 » d'actions et dont l'activité créatrice n'est limitée que par la reconnaissance du droit et de l'existence des autres. Lorsque, plus tard, H u m b o l d t assuma directement la responsabilité du système éducatif prussien et s'employa de toutes ses forces, dans u n contexte historique menaçant, à l'organiser, à l'assujettir aux objectifs de l'État tels que les concevaient les réformateurs, et à le soumettre à la souveraineté de l'État, acceptant et encourageant aussi le principe d'un système d'éducation publique, il n'en garda pas moins pour l'essentiel une conception libérale de l'éducation. Il pensait, par exemple, que le financement des établissements scolaires, bien que les c o m m u n e s soient appelées à y participer, devait être avant tout l'affaire des citoyens et que, par ailleurs les directeurs d'établissements secondaires devaient disposer d ' u n large Revue de publications pouvoir de décision concernant les questions pédagogiques importantes. D a n s sa proposition pour la création de l'Université de Berlin (12 mai 1809), il écrit : « E n soi, et dans la perspective d'une théorie cohérente de la science politique, le principe selon lequel l'enseignement ne doit pas être l'affaire exclusive de l'État est le seul qui soit vrai et juste12. » L ' u n des principes fondamentaux de H u m b o l d t , dont l'origine est à rechercher dans l'idée des réformateurs prussiens de conférer aux c o m m u n e s une certaine autonomie de gestion par l'intermédiaire d'organes élus, était que l'ensemble d u système scolaire et éducatif se maintient « par ses fonds propres et par les contributions de la nation18 ». Cette dernière porte à l'enseignement u n intérêt d'autant plus grand qu'elle y voit son œuvre et sa propriété, m ê m e sur le plan financier. Les citoyens, pensait-il, acquièrent u n sens civique plus développé à partir d u m o m e n t o ù ils font de l'amélioration de l'école leur affaire, « s'intéressent plus au processus d'enseignement lui-même, préfèrent l'éducation publique, incontestablement supérieure à l'éducation privée, dès lors que les écoles publiques leur coûtent ne fût-ce qu'un peu d'argent », et ils auront u n sens moral plus développé « si la moralité de leurs enfants leur demande quelques sacrifices14 ». E n 1790, H u m b o l d t entre au service de l'État prussien. Pendant près d'un an, il est magistrat auprès des tribunaux berlinois. Après son mariage avec Caroline von Dachröden,filled'un président prussien de la Cour d'appel, il quitte l'administration, se consacre à la philosophie, surtout à l'œuvre de Kant et à la philosophie politique anglaise. Il voyage à Vienne, à Paris et en Espagne. N o m m é représentant de la Prusse auprès d u Vatican en 1802, il reste jusqu'en 1808 à R o m e , où sa passion pour l'Antiquité s'affirme de plus en plus. LE BÂTISSEUR L a période pendant laquelle il fait œuvre décisive en matière de politique de l'éducation est courte, mais marquée par une intense activité. A la fin de 1808, il quitte R o m e et se rend à M u n i c h , Nuremberg, Erfurt et W e i m a r , o ù il loge chez Goethe, puis à Berlin, où il arrive en janvier 1809. E n juin 1810, il quitte ses fonctions de responsable politique de l'éducation. Par u n décret ministériel du 10 février 1809, H u m boldt est n o m m é conseiller d'État privé et directeur de la section Culture et enseignement d u Ministère prussien de l'intérieur ; il prend ses fonctions le 28 février. L a correspondance de Humboldt montre qu'il n'accepta cette charge qu'avec beaucoup d'hésitations, qui tenaient directement à la situation politique : « L e roi Frédéric Guillaume III avait laissé faire Stein et les autres réformateurs en tant que représentants d'une force qu'il craignait, mais dont il avait 133 besoin pour sortir l'État et la dynastie des H o h e n zollern d'une crise aiguë. L e conflit était cependant désormais insurmontable entre les intérêts d u roi — assurer le maintien de la dynastie — et le nationalisme des réformateurs qui appelaient de leurs v œ u x u n soulèvement populaire et la libération de toute l'Allemagne (de la domination napoléonienne)15. » E n novembre 1808 (Humboldt était sur le chemin du retour à Berlin), le roi, cédant aux pressions de Napoléon et des nobles prussiens de l'opposition qui craignaient pour leurs privilèges et voyaient notamment dans la réforme agraire une menace pour leurs intérêts économiques, accepta la démission de Stein. Sous le ministre de l'intérieur suivant, le comte zu D o h n a , et le ministre des finances, le baron Karl von Stein z u m Altenstein, qui devait ultérieurement exercer pendant de longues années les fonctions de ministre des affaires religieuses, de la santé et de l'enseignement, la politique de réformes stagna. Ces deux ministres n'étaient pas en mesure d'imposer la création d'un Conseil d'État qui fût, c o m m e le souhaitait le baron von Stein, à m ê m e de contrôler le pouvoir royal. H u m b o l d t jugeait, pour sa part, indispensable un tel organe. L a constitution en 1810 d'un Conseil d'État qui était l'opposé de ce que souhaitaient les réformateurs devait donc nécessairement l'amener à renoncer à ses fonctions de directeur de section. D a n s son « Testament politique », le baron von Stein faisait de l'éducation patriotique d u peuple l'une des conditions essentielles de la transformation bourgeoise de la société. C'est dans cet esprit que Humboldt s'attela à la tâche une fois qu'il eut décidé, après de longues hésitations, de répondre à l'appel du devoir16. D e u x mois après le départ de Stein, il écrit au roi : « L a nature et l'ampleur m ê m e s de la tâche qui doit m'être confiée font que je [...] n'ai pas le courage de l'assumer17. » Il écrit à sa f e m m e , qui séjourne alors à R o m e , qu'il a refusé le nouveau poste18 et, en mai 1809, il écrit de Königsberg, o ù siégeait le gouvernement prussien : « E n vérité, il n'y a ici pas de gouvernement, aucune force, aucune logique, aucune unité, rien que faiblesse, souvent alliée à une grande rudesse. L'absence de Conseil d'État et le fait que tout continue à se faire en vertu d'ordonnances royales et n o n de véritables décrets, visés tout au moins par les ministres intéressés, constituent des m a u x rédhibitoires19. » Humboldt avait sans aucun doute compris que toute tentative pour mettre en œuvre une politique de l'éducation conforme à l'esprit des réformateurs devait inévitablement se heurter à de fortes résistances. L a Section de la culture et de l'enseignement public qu'il dirigeait était le fruit de la réforme de l'administration conduite par Stein en 1808 et qui visait à mettre fin au morcellement régional de l'enseignement par la centralisation et la spécialisation professionnelle20. Elle succédait au Conseil des collèges, créé en 1787, qui relevait directement du roi et annon- 134 Revue de publications çait la création, en 1817, d u ministère chargé des affaires religieuses, de la santé et de l'enseignement. L'idée de faire de cette section qui relevait d u Ministère de l'intérieur u n ministère indépendant est directement attribuable à Humboldt. D a n s une lettre d u 2 juin 1809 qu'il adressa de Königsberg à Goethe, H u m b o l d t ne cache pas qu'il enrageait de devoir rester dans cette ville, <t car, à part les affaires, qu'est-ce qui pourrait bien inciter quelqu'un à errer dans ce désert, cette ville dont seul Kant pouvait chanter les louanges, faute d'en avoir jamais connu d'autre21 ? ». Mais sa lettre nous en dit plus. Il y fait part à sonfidèleami de son programme et de ses intentions en tant que chef de section : « Étant donné qu'à W e i m a r déjà vous vous moquiez sans cesse de m o n penchant à vouloir rendre les h o m m e s ou plus intelligents, ou encore plus fous, je ne crains pas de vous dire que je défens aussi l'idée de l'Université de Berlin et pousse à sa création. Pour les écoles primaires, j'ai trouvé beaucoup d'idées dans Pestalozzi et je poursuis dans cette voie. Bref, je ne m a n q u e pas d'occupations dans lesquelles je m e plonge plus parce qu'il faut aller au bout de ce que l'on a entrepris que parce que je m e sens plein d'assurance et de confiance en m o i - m ê m e 2 2 . » Malgré la nouveauté de la tâche qu'il entreprenait, H u m b o l d t réussit en u n temps record à mettre en œuvre une série de mesures de structuration de l'éducation prussienne qui firent de la période pendant laquelle il exerça ses fonctions l'un des « épisodes les plus importants de l'histoire de l'éducation en Allem a g n e »23. Il puisait ses idées dans sa conviction que l'éducation était déterminante pour le destin de la Prusse c o m m e de tous les États allemands, dans sa profonde culture, son adhésion au néo-humanisme, dans le fait qu'il savait quels espoirs les philosophes, les théologiens et les écrivains de l'époque plaçaient dans la réforme d u système éducatif24. Il fit preuve, dans l'exercice de ses fonctions, d'un réalisme et d'une sagacité qui étaient tout le contraire d'un utopisme abstrait et montraient qu'il alliait à une formation incontestablement intellectuelle u n réel sens politique. S o n activité publique d'alors, loin de contredire son humanisme, représente « pour l'essentiel une expérimentation et une mise à l'épreuve de ses idées26 ». E n témoigne son discours d'entrée à l'Académie des sciences prussienne, dans lequel il affirme l'extrême importance pour la vie de l ' h o m m e des entreprises scientifiques les plus ambitieuses26. D a n s le mémoire qu'il rédigea à l'occasion de son départ de l'administration, le 24 novembre 1808, le baron von Stein estimait essentiel que chaque individu puisse développer librement ses facultés suivant une ligne morale et qu'à cet égard c'est de « l'éducation et l'enseignement donnés aux jeunes qu'il y avait le plus à attendre27 ». Associer activement le peuple au destin de la patrie, développer son vaste potentiel intellectuel et moral et le mettre au service d'une vie nouvelle, tels sont les objectifs politiques — humanitaires et démocratiques — d'une réforme de l'éducation dont les maîtres mots devaient être l'initiative et la responsabilité de l'individu, conformément à la théorie pédagogique de Pestalozzi28. C'est Humboldt qui, dans cet esprit, « réalisa sur le plan politique l'objectif de l'éducation formelle universelle™ ». Aussi l'argument qu'avance le chef de section H u m boldt pour soutenir la création de l'Université de Berlin, création dont le principe avait été arrêté avant son entrée en fonction, est-il purement politique80. L a confiance de l'Allemagne tout entière, écrit en substance H u m b o l d t , dans la capacité de la Prusse de contribuer à u n progrès véritable et à une formation intellectuelle supérieure n'a pas diminué, au contraire. L'idée de créer à Berlin u n établissement d'enseignement général y est pour beaucoup. Et d'ajouter : « Seuls les instituts supérieurs de ce genre peuvent étendre leur influence au-delà des frontières de l'État. E n confirmant solennellement la création de cet établissement et en veillant à sa réalisation, Votre Royale Majesté rallierait sûrement à elle tous ceux qui, en Allemagne, s'intéressent à l'éducation et au progrès ; elle susciterait u n regain d'intérêt et d'enthousiasme pour le renouveau de ses États et, alors qu'une partie de l'Allemagne est en guerre et l'autre dominée par des puissances parlant une langue étrangère, offrirait à la science allemande u n refuge tel que l'on n'ose peut-être encore en rêver31. » Il met toute sa détermination à défendre le principe de l'université, formule d'ambitieuses propositions pour son financement, prévoit qu'elle fonctionnera en liaison étroite avec l'Académie des sciences, l'Académie des arts et d'autres institutions scientifiques de Berlin, notamment la Charité, la Bibliothèque, l'Observatoire, les musées des sciences et des arts. Il veille enfin à ce que des savants r e n o m m é s soient n o m m é s à l'université. L a requête présentée par H u m b o l d t le 24 juillet 1809 fut approuvée par le roi le 16 août. E n octobre 1816, le recteur et le doyen furent n o m m é s et l'on procéda à l'inscription des six premiers étudiants82. E n fait, la conception particulière de l'Université de Berlin, largement inspirée des idées de H u m b o l d t , devait avoir un retentissement particulier sur le développement des universités allemandes au xixe siècle. D a n s son mémoire inachevé consacré à I' « organisation interne et externe des établissements scientifiques supérieurs de Berlin », H u m b o l d t définit ainsi le concept d'établissement scientifique supérieur : « Leur fonction [est] de cultiver la science au sens le plus profond et le plus large d u terme [...] et d'en faire u n élément de la formation intellectuelle et m o rale83 », « de combiner le savoir objectif et la formation subjective84 ». S'efforcer constamment d'apprendre toujours plus, dans la solitude, dans la liberté et au sein d'une c o m m u n a u t é universitaire composée de Revue de publications 135 atteindre, et réconcilier la multiplicité de l'indiprofesseurs et d'élèves animés du m ê m e esprit exige viduel en un tout qui porte en soi la promesse d'un que l'on appréhende la science c o m m e un problème ordonnancement universel de la vie. qui n'est pas encore entièrement résolu36. Tout enseiAlors m ê m e que H u m b o l d t considérait le système gnement universitaire doit « partir du principe qu'il éducatif comme un ensemble cohérent, il assigna à faut voir dans la science l'objet d'une découverte l'État la tâche particulière d' « organiser ses écoles partielle, qui ne sera jamais totale, et qui doit donc de telle manière qu'elles travaillent la main dans la être inlassablement poursuivie36 ». main avec les établissements d'enseignement supéCes considérations devaient nécessairement amener rieur43 ». Toutefois, l'État ne devait pas s'immiscer H u m b o l d t à concevoir un style d'enseignement unidirectement dans les universités. Celles-ci deversitaire très différent de celui du XVIIIe siècle. Les vaient bénéficier d'un autre traitement que les étacours magistraux, pris sous la dictée, devenaient blissements d'enseignement secondaire classique « accessoires37 ». Entrer à l'université devenait u n ou les écoles spécialisées que H u m b o l d t rejetait, « acte personnel au sens propre38 », car l'université a en particulier les lycées destinés aux jeunes gens le privilège d'offrir « ce que l ' h o m m e ne peut trouver nobles et les écoles militaires. A l'université « libérée que par lui-même et en lui-même, à savoir la connaisde toute mainmise de l'État44 », l'État ne doit rien sance de la science pure 39 », comprise à son tour demander qui le touche et le concerne directement, c o m m e u n processus permanent. « mais plutôt être intimement convaincu que, si elle C'est à partir de ces considérations que la formaatteint son but final, elle le sert également, et ce, tion universitaire moderne du XIX e siècle acquiert ses d'un point de vue beaucoup plus élevé45 ». Cette traits principaux, qu'elle conservera longtemps après e conception libérale a en grande partie déterminé le tournant du X X siècle : l'attitude des plus ambivalentes qui a été celle L'université offre à l'étudiant à la fois le m o y e n d'acd u xixe siècle à l'égard des franchises univercéder à la connaissance et de former sa personnasitaires. lité, c'est-à-dire de se forger u n e individualité L e 25 juin 1830, la faculté de philosophie de l'Unipropre. L'accès à la connaissance, à son tour, ne peut être versité Friedrich-Wilhelm de Berlin n o m m a H u m conçu que c o m m e u n processus dynamique, o u - boldt docteur honoris causa pour la part qu'il avait vert, dans lequel chaque pas en avant débouche sur prise à sa création. la perspective d'un nouveau progrès à accomplir, Jusqu'à la libération d u fascisme, en m a i 194s, d'une nouvelle étape à franchir. Autrement dit, l'université porta le n o m d u roi de Prusse ; le apprentissage et recherche ne font qu'un, et la par8 février 1949, date d u troisième anniversaire de sa ticipation de l'étudiant au processus de recherche réouverture après la deuxième guerre mondiale, elle devient une caractéristique de la formation uni- prit celui des frères Humboldt. L'Université H u m versitaire. boldt est aujourd'hui le premier établissement d'enIl s'établit ainsi u n nouveau type de relations entre le seignement supérieur et le centre de la vie intellecprofesseur et l'étudiant. H u m b o l d t écrit : « C'est tuelle de la capitale de la République démocratique pourquoi le professeur cesse d'être u n professeur allemande. et l'étudiant cesse d'être u n apprenant pour devenir u n chercheur autonome que le professeur guide UN PROJET DÉMOCRATIQUE ET LIBÉRAL et soutient40. » L a volonté d'apprendre de l'étudiant et la capacité H u m b o l d t aborda d'emblée sa mission à la tête de la qu'il a d'assimiler des connaissances et de parti- Section de la culture et de l'enseignement avec la ciper au progrès de la science suscitent de nouvelles conviction que, pour mener à bien une réforme d u exigences : il ne saurait plus se satisfaire de l'atti- système éducatif, il fallait avoir une idée relativement tude totalement passive de l'étudiant universitaire précise de son évolution globale. Pour remplir sa traditionnel d u xvin e siècle. L'étude universitaire tâche, il lui paraissait important « de poser des prindevient u n « acte personnel », met en jeu les « forces cipes simples, de s'y tenir fermement, de ne pas se créatrices41 », exige une réflexion méthodique, une disperser, mais d'agir avec énergie et fermeté et, pour activité créatrice propre. le reste, de s'en remettre à la nature qui n'a besoin E n m ê m e temps qu'il défendait le principe d'une unique d'une impulsion et d'une mise sur la voie iniversitas literarum, H u m b o l d t contribuait à élaborer tiale46 ». une conception nouvelle de l'université en tant que E n septembre 1809, H u m b o l d t élabora le Plan tout. L'enseignement universitaire, transcendant scolaire dit « de Königsberg et Lithuanie ». Profontoutes les distinctions entre les différentes branches dément imprégné des idées néo-humanistes, ce prod u savoir, doit permettre d' « appréhender l'imité g r a m m e d'éducation visait à « promouvoir l'éducation de la science [...] et la mettre en évidence42 », situer morale de la nation, l'instruction d u peuple, u n endans une perspective philosophique la totalité d u seignement capable de former les individus aux diffésavoir humain et de la quête de l ' h o m m e pour y rents métiers d u pays, d'apporter aux classes supé- i36 Revue de publications rieuies le raffinement dont elles ont besoin et de cultiver l'érudition dans les universités et les académies 4 ' », et, par là m ê m e , de servir les buts politiques des réformateurs. E n effet, « pour réussir l'œuvre d'amélioration de la nation », il faut « attaquer simultanément sur tous les fronts48 ». L e « plan scolaire » de H u m b o l d t est démocratique dans son essence ; il concerne tous les h o m m e s , vise la formation générale de l'individu, le développement complet et harmonieux de sa personnalité — en fonction, certes, de sa situation sociale — et la mise en valeur de toutes ses ressources potentielles. H u m boldt écrit : « L e plan scolaire [de la section] prend en considération la nation tout entière et vise à développer les facultés humaines également nécessaires à tous, quelle que soit leur situation sociale, et sur lesquelles pourront facilement être greffées les c o m p é tences et connaissances nécessaires à chaque profession. Il s'agit donc d'organiser les différentes écoles, à tous les échelons, de telle façon que chaque sujet de Votre Royale Majesté puisse, dans la mesure de ses moyens, y acquérir un sens moral, y apprendre à être u n b o n citoyen, et que nul enseignement n'y soit dispensé de façon telle qu'il s'avère ultérieurement inutile et stérile pour celui qui l'a reçu ; à cet effet, il importe moins d'impartir telle ou telle connaissance que de veiller à ce que, dans le cadre d u processus d'apprentissage, l'élève exerce sa m é moire, aiguise ses facultés de compréhension, rectifie son jugement et affine son sens moral 49 . » D a n s son plan scolaire, H u m b o l d t se préoccupe de tous les citoyens ; il cherche à mettre progressivement sur pied u n système éducatif homogène, regroupant organiquement tous les établissements de formation, à assurer une formation générale pratique encourageant l'esprit d'initiative et servant de fondement à la formation professionnelle ultérieure. Ces principes pédagogiques et théoriques, qui ont marqué leur époque, n'ont rien perdu de leur actualité ; ils ne cessent au contraire d'être réaffirmés et élaborés plus avant. Cela vaut en particulier pour l'idée de l'éducation chère au néo-humanisme et à H u m b o l d t , à savoir que la formation générale prime la formation professionnelle et qu'elle a u n e importance fondamentale pour le développement de la personnalité et la préparation à l'exercice d'une profession. H u m boldt écrit : « « Il est, incontestablement, certaines connaissances générales et, plus encore, une certaine formation de l'esprit et du caractère dont nul ne saurait se passer. Pour être bon c o m m e ouvrier, vendeur, soldat o u commerçant, il faut de toute évidence, et quelle que soit la profession exercée, être u n bon et u n honnête h o m m e et citoyen, informé de tout en fonction de sa situation. D è s lors qu'il aura reçu à l'école l'enseignement nécessaire à cette fin, l'individu acquerra aisément les compétences nécessaires à l'exercice de sa profession et sera libre d'en changer, c o m m e cela arrive souvent dans la vie50. » L e projet de H u m b o l d t de construire u n système éducatif homogène, avec la différenciation sociale inhérente qu'il comportait, procédait moins de principes touchant à l'organisation de l'éducation que de l'idée que le développement de la personnalité se décompose en u n e succession d'étapes essentielles. E n ce sens, il entend que son « plan scolaire » soit considéré « d'un point de vue philosophique51 ». Il a pour fondement intellectuel sa conception de la personnalité, de sa mise en valeur et de l'importante contribution de l'éducation à cette dernière. H u m boldt découpait l'enseignement en trois stades : P « enseignement élémentaire » (Elementarunterricht), P « enseignement scolaire » (Schulunterricht) et P « enseignement universitaire » (Universitätsunterricht)62. O n parlerait plus simplement aujourd'hui, en termes d'unités organisationnelles, d'écoles primaires, d'écoles secondaires — lycées en particulier — et d'universités. Ces trois stades correspondent aux principales étapes d u plein développement des facultés cognitives : l'enseignement élémentaire, qui (selon Pestalozzi) vise à inculquer les rudiments d u langage, d u calcul et des mesures, la langue maternelle, la géographie, l'histoire et l'histoire naturelle, ne doit avoir d'autre ambition que « de mettre l'enfant en mesure de percevoir des idées, de les exprimer, de les enregistrer, de les déchiffrer une fois enregistrées et de résoudre les difficultés liées aux principales formes de la désignation13 ». L'objectif de « l'enseignement scolaire est d'exercer des capacités et d'acquérir des connaissances » sans lesquelles il est impossible de comprendre et de pratiquer la science51 ; son objectif est d'apprendre, d' « apprendre à apprendre 65 » et d'enseigner linguistique, histoire et mathématiques. Ainsi était défini l'essentiel d u contenu de l'enseignement secondaire. L'université, enfin, nous l'avons vu, doit permettre aux étudiants d'appréhender et de mettre en évidence l'unité de la science en faisant appel à leurs facultés créatrices. C e programme constituait une tentative en vue de conférer au développement de la personnalité, par le biais de l'éducation, une unité profonde en vertu de laquelle chaque étape de ce développement serait liée par u n e continuité intérieure à celle qui l'avait précédée et à celle qui, éventuellement et probablement, lui succéderait. Il établissait « le principe premier et essentiel : l'unité et la continuité de l'enseignement selon ses étapes naturelles56 ». Il s'agissait donc d'un plan scolaire démocratique d'inspiration bourgeoise, de l'esquisse d'un système éducatif homogène dans la mesure où le passage d'une étape à l'autre devait se faire sans solution de continuité et chaque échelon être utilisé pour contribuer à une formation complète. L a division entre les lycées (Gymnasium), spécialisés dans l'étude des langues anciennes, et les autres écoles secondaires (Bürgeschulen), plus axées sur les sciences naturelles, Revue de publications serait supprimée : les sciences naturelles et les mathématiques seraient enseignées dans les petites classes d u lycée, et les langues anciennes dans les grandes classes57. Les différentes écoles intermédiaires, contre lesquelles H u m b o l d t s'élevait, devenaient ainsi superflues. Les limites de ce projet démocratique et son caractère libéral apparaissent dès lors que l'on envisage les conditions concrètes de sa mise en œuvre. Certes, chaque enfant doit avoir la possibilité de recevoir une formation générale, mais le degré d'instruction que chacun peut atteindre « doit dépendre uniquement d u temps qu'il passe à l'école et d u niveau scolaire [classe] auquel il parvient68 ». O r , ce « degré d'instruction69 » dépend, lui, de la capacité de la famille de financer le processus d'éducation. Pour H u m b o l d t , cette idée était directement liée à celle de garantir à tous une formation complète60. « L e point culminant et final des tentatives de réforme d u système scolaire national dans u n e o p tique bourgeoise et démocratique 61 » fut le projet de loi sur les écoles (1817-1819) de J. W . Süvern intitulé : « Projet de loi générale sur l'organisation d u système scolaire dans l'État prussien », le plus progressiste des projets de loi scolaire présentés en Prusse au xrx e siècle62. D u fait de la restauration d u régime féodal après le Congrès de Vienne, ce projet ne peut être mis à exécution. L'INFLUENCE DE PESTALOZZI Pour H u m b o l d t , nulle « affaire nationale63 » n'était aussi importante que celle des établissements scolaires. L'enseignement supérieur n'était pas le seul objet de son attention ; il ambitionnait également de réformer l'enseignement primaire, auquel étaient également applicables, selon lui, les principes fondamentaux d'une éducation néo-humaniste, à savoir le développement complet des facultés et le souci de l'individualité64. Il y avait convergence sur ce point entre les objectifs pédagogiques des réformateurs prussiens et la conception que se faisait Pestalozzi de l'enseignement primaire, d u moins telle qu'on l'interprétait à l'époque. H u m b o l d t s'employa donc, en envoyant des élèves à Pestalozzi et en soutenant une école normale dirigée par Zeller, à diffuser rapidement les conceptions de Pestalozzi, à faire triompher l'idée d'un enseignement axé sur le développement des facultés et l'éveil de l'esprit, et à enfiniravec les méthodes d'enseignement/apprentissage d o g m a tiques et formalistes alors en vigueur dans les écoles primaires. D a n s son « Rapport de la Section de la culture et de l'enseignement », qu'il soumet au roi en décembre 1809, H u m b o l d t précise les objectifs de l'École normale dirigée par Zeller. L a méthode pédagogique adoptée « n'a pas tant pour but d'apprendre simplement à l'enfant à lire, écrire, c o m p ter, etc., que de développer et d'exercer toutes ses facultés physiques et morales, moyennant quoi il acquerra naturellement ces différents savoir-faire66 ». 137 L a tâche de l'École normale Zeller était de diffuser la méthode de développement des facultés préconisée par Pestalozzi en offrant une formation complémentaire aux conseillers d u gouvernement, aux surintendants, aux prédicateurs et aux instituteurs. O n peut ainsi, écrit H u m b o l d t , « former en l'espace d'un an six cents à mille maîtres, doués certes de capacités très inégales, mais appliquant tous une méthode intrinsèquement bonne et efficace qui offre cet avantage supplémentaire que, m ê m e médiocre, le maître en risque guère de se fourvoyer en l'employant66 ». Ces espoirs ne devaient que partiellement se réaliser, mais H u m b o l d t , une fois de plus, avait fait la preuve de sa perspicacité en tant qu'organisateur fondant systématiquement sa démarche administrative sur des principes intellectuels mûrement réfléchis. L'introduction et la diffusion des méthodes préconisées par Pestalozzi pour l'enseignement primaire et, surtout, l'envoi d'élèves à Pestalozzi contribuèrent grandement à la naissance et à la multiplication des écoles normales prussiennes, déterminant largement le profil intellectuel qui devait être le leur dans le premier tiers d u xixe siècle. L'IDÉAL GREC Plus marqué encore a été l'impact de H u m b o l d t sur les lycées d u xrxe siècle. Friedrich Paulsen a fort bien défini l'esprit qui présidait au programme de ces établissements, initialement conçu par H u m b o l d t et élaboré dans le détail par von Süvern : « L e développement harmonieux de toutes les facultés intellectuelles par l'apprentissage des langues et de la littérature, des mathématiques et des sciences exactes, voilà le but. L e bachelier qui se prépare à entrer à l'université doit avoir reçu une solide formation intellectuelle dans tous les domaines, maîtriser les langues nécessaires à l'acquisition d u savoir, avoir des connaissances et des compétences suffisantes en m a t h é m a tiques, enfin posséder des connaissances étendues tant en sciences naturelles qu'en histoire. Il peut dès lors embrasser n'importe quel type d'étude et se sentir également à l'aise dans l'un ou l'autre domaine, car il possédera toujours les outils intellectuels nécessaires et, que ce soit en philologie, en théologie ou en droit, en mathématiques et en sciences naturelles ou en médecine, ne se trouvera jamais confronté à des tâches pour lesquelles il n'est pas armé 6 7 . » Il ne s'agissait rien de moins que d'un changement radical visant à faire de l'ancienne école secondaire, où l'on enseignait le latin, u n établissement de haut niveau préparant à l'université68. Pour que ce changement pût s'opérer, deux conditions préalables devaient être remplies ; H u m b o l d t , toujours logique avec lui-même, s'employa à faire en sorte qu'elles le fussent : Les écoles de niveau inférieur (les écoles de latin) devaient se voir refuser le droit d'envoyer leurs diplômés à l'université. i38 Revue de publications Il institua, en matière d'examens pour les professeurs de lycées, des normes extrêmement élevées qui contribuèrent largement à la sécularisation de cette catégorie de personnel enseignant et firent de l'activité professorale non plus une occupation transitoire pour les théologiens, mais une profession à vie. E n avril I 8 I O , H u m b o l d t explicita les exigences élevées qui étaient les siennes au sujet des « exam e n s à subir par les enseignants d u secondaire69 ». Ses réflexions débouchèrent, en 1812, sur u n nouveau système d'examens comportant une épreuve écrite en latin, en français et en mathématiques, u n thème et une version grecs, l'interprétation de textes anciens en latin et des épreuves orales dans toutes les langues enseignées ainsi qu'en mathématiques, en histoire, en géographie et en sciences naturelles70. L'idée première de Humboldt était, certes, de faire en sorte que les lycées dispensent une vaste formation générale, mais les langues anciennes occupaient dans leurs programmes une place dominante. C o m m e tous les autres néo-humanistes et c o m m e les poètes et artistes de son temps, H u m b o l d t avait une passion — suscitée notamment par Winckelman — pour l'Antiquité. Les études philologiques devaient, selon la conception classique du développement complet et harmonieux de l ' h o m m e , exercer u n e influence d u rable sur l'épanouissement de la personnalité. Quant à la lecture des auteurs antiques, elle permet de concevoir et de saisir ce qu'est une personnalité bien équilibrée, de comprendre en quoi consistent le développement et l'exercice harmonieux de toutes les facultés physiques, esthétiques et intellectuelles de l'individu, en d'autres termes, la fusion de toutes les virtualités de l'être en u n tout harmonieux 71 ; c o m m e Schiller et Goethe l'ont exprimé en termes poétiques, « l'une des convictions profondes de H u m b o l d t est que l'Antiquité grecque peut, pour ce qui est de la formation de la personnalité, se substituer au reste d u m o n d e parce qu'elle représente l'universalité72 ». Les Grecs étaient pour H u m b o l d t « la mesure de l ' h o m m e , u n critère en fonction duquel il jugeait de la moralité et de l'idéalisme d'un individu ou d'un peuple78 ». O n voyait aussi dans l'apprentissage des langues anciennes u n m o y e n important — et pendant longtemps à peu près le seul — de former la pensée logique. L'éducation formelle était considérée c o m m e la condition préalable pour faire face avec succès aux situations existentielles les plus difficiles et acquérir rapidement de nouvelles connaissances. Enfin, les études philosophiques devaient servir avant tout au « perfectionnement moral de l'individu74 ». Les néo-humanistes voient dans « l'élévation morale vers l'idée d u vrai, d u bon et d u beau la signification réelle d'une école axée sur l'enseignement des langues anciennes75 ». L a langue représente de façon convaincante pour H u m b o l d t cette « diversité de situations76 » qu'exige le développement complet et harmonieux de la personnalité. « Elle constitue, à cet égard, l'instrument le plus complexe exprimant précisément le mieux la diversité d u réel qui constitue la plus sûre approximation de l'universalité des situations77 », car dans une langue s'incarne la totalité de la pensée et des sentiments d'une multitude d'individus d'une m ê m e nation. L a valeur formative de l'étude de la langue, de la philosophie et de la poésie tenait, pour H u m b o l d t , au fait qu'elle « révèle à l ' h o m m e la foisonnante richesse de son intelligence78 » ; ce faisant, elle lui donne accès à la dimension historique, lui permet de prendre conscience à la fois de son unicité et de son historicité. L a passion des réformateurs pour l'Antiquité n'était pas sans rapport avec leurs intentions politiques : l'État antique semblait en effet fournir u n m o dèle idéal d'unité entre le citoyen et l'État, l'individu et la c o m m u n a u t é , susceptible d'inspirer leurs propres efforts de construction nationale. L'histoire de l'Antiquité offrait u n exemple historique de l'État démocratique. L'insistance des réformateurs sur les études classiques, en m ê m e temps qu'elle implique une critique antiféodale des conditions sociales qui prévalaient du temps de H u m b o l d t , traduit leur souci d'instaurer une éducation politique au sens démocratique et bourgeois d u terme, « L'engouement pour l'Antiquité a donc une fonction sociale, qui consiste pour l'essentiel dans la recherche d'un modèle susceptible de se substituer à une réalité présente hostile à l'humanité79. » L'histoire de l'enseignement secondaire en Allem a g n e au XIX e siècle montre que ces espoirs ne se sont pas réalisés80. UNE ADMINISTRATION SCIENTIFIQUE D a n s ses « idées concernant la constitution d'une délégation scientifique auprès de la Section de l'enseignement public », H u m b o l d t aborde u n autre domaine dans lequel il a joué u n rôle de précurseur. Il reprend l'idée des réformateurs prussiens de faire participer aux affaires de l'État les citoyens expérimentés et de permettre aux spécialistes d'exercer une certaine influence sur la conduite de ces affaires. Son initiative revêt toutefois une portée qui dépasse celle de ce projet politique dans la mesure où la création de cette délégation scientifique devait instaurer entre la politique éducative nationale et le m o n d e d u savoir une nouvelle relation historique81. H u m b o l d t définit ainsi la fonction de cette délégation : « Elle veille à la stricte intangibilité des normes scientifiques générales dont découlent les principes individuels d'administration et en fonction desquelles ils doivent être jugés, et permet ainsi à la section de contrôler et d'apprécier la conformité de chacune de ses actions à la ligne générale qu'elle s'estfixée; elle accomplit, en outre, les tâches qui requièrent une disponibilité et u n e concentration intellectuelles incompatibles Revue de publications avec l'expédition des affaires courantes. Enfin, elle s'occupe plus particulièrement de tous les examens qui ne relèvent pas de la compétence des délégations gouvernementales religieuses et scolaires82. » C o m m e la section dirigée par Humboldt « vise essentiellement la promotion de la formation générale88 », la délégation en question doit être composée exclusivement de personnalités qui se vouent à F « étude de la philosophie, des sciences, de la philologie et de l'histoire84 », c'est-à-dire à l'objet de la formation générale. L'idée de Humboldt était de donner à l'administration une assise scientifique, ce à quoi devait précisément s'employer cette délégation. Humboldt voulait, ce faisant, conférer à la science « une position prééminente d'où elle pourrait exercer une sorte de surveillance sur l'administration86 ». L e premier chef de cette délégation scientifique fut F . O . Schleiermacher. L'idée d u baron von Stein de créer, au plus haut niveau, u n Conseil d'État qui aurait dirigé et contrôlé l'administration avec la participation des ministres et des chefs de section ne s'étant pas concrétisée, H u m boldt présenta sa démission au roi le 29 avril 1810, déclarant avec assurance que la création prévue d'un Conseil d'État intérimaire « rabaissait tellement le poste qui m ' a été confié par rapport à ce qu'il était à m o n entrée en fonction qu'il m'est impossible de l'occuper plus longtemps 86 ». D e 1810 à 1819, H u m b o l d t exerça les fonctions de diplomate prussien d'abord à Vienne. Après la défaite de Napoléon, il prit part à d'importants événements diplomatiques : Congrès de Vienne, négociations de paix à Paris, Congrès d'Aix-la-Chapelle. Il consacra les quinze dernières années de sa vie, à Tegel et à Berlin, à la poursuite privée de la connaissance, en particulier à la linguistique. Sa courte activité au service de l'éducation, toujours fondée sur des principes philosophiques, philologiques, historiques et pédagogiques, et dont ne rendent guère compte que des documents administratifs, à l'exclusion de tout ouvrage proprement pédagogique, a profondément influencé le système d'éducation allemand du xixe siècle. H u m b o l d t lui-même en avait conscience. D a n s une lettre écrite en juillet 1810, alors qu'il venait d'abandonner la direction de la Section de la culture et de l'enseignement public, il déclarait : « J'ai fait ce que j'ai p u et crois pouvoir affirmer que le système d'enseignement de cet État a pris grâce à moi u n essor nouveau et que, quand bien m ê m e je n'ai exercé mes fonctions que pendant un an environ, m o n action laissera des traces durables. Plus que toute autre chose, je considère c o m m e m o n œuvre personnelle la création, ici à Berlin, d'une nouvelle université8'. » Karl-Heinz G Ü N T H E R , Académie des sciences pédagogiques, République démocratique allemande 139 Notes 1. Voir M . Klaffci, « Die Bedeutung der Klassischen Bildungstheorien für ein zeitgemäßes Konzept allgemeiner Bildung », Zeitschrift für Pädagogik, n° 4/1986, p. 455 et suiv. 2. Deutsche Geschichte, vol. 4 , Berlin, V E B Deutscher Verlag der Wissenschaften, 1984, p. 8. 3. Ibid., p. 86. 4. Voir Preussische Reformen — Wirkungen und Grenzen, Berlin, Akademie-Verlag, 1982 (Sitzungsberichte der Akademie der Wissenschaften der D D R , 1982, i/G). 5. Voir C . Monze, Wilhelm Von Humboldt und Christian Gottlob Heyne, Ratingen, A . H e n n Verlag, 1966. 6. Voir J. H . C a m p e , H . König (dir. publ.), Briefe aus Paris, Berlin, Rütten und Loening, 1961. 7. Voir W . von Humboldt, H . Kienner, (dir. publ.), Individuum und Staatsgewalt, Leipzig, Verlag Philipp Reclam, 1985 ; J. Lekschas, Zur Staatslehre Wilhelm von Humboldts, Berlin, Akademie-Verlag, 1981 (Sitzungsberichte der Akademie der Wissenschaften der D D R , 1980, 8/G) ; H . König, Zur Geschichte der Nationalerziehung in Deutschland im letzten Drittel des 18. Jahrhunderts (Monumento paedagogica, vol. i), Berlin, Akademie-Verlag, i960, p. 342 et suiv. > Schriften zur Nationalerziehung in Deutschland am Ende des 18. Jahrhunderts, introduction et notes de H . König, Berlin, Volk und Wissen Volkseigener Verlag, 1954, p. 157 et suiv. ; H . König, Die Bildungsidee Wilhelm von Humboldts und ihre Verwirklichung, Berlin, W Z der Humboldt-Universität zu Berlin, G S , 17/1968, p. 341 et suiv. 8. W . v. Humboldt, Individuum und Staatsgewalt, op. cit., p. 76. 9. Ibid., p. 107. 10. Ibid., p. 71. 11. J. Lekschas, op. cit., p. 8. 12. W . von Humboldt, Werke in fünf Bänden, A . Flitner et K . Giel (dir. publ.), vol. IV, Berlin, Deutscher Verlag der Wissenschaften, 1964, p. 46. 13. Ibid., p. 33. 14. Ibid., p. 221. 15. Deutsche Geschichte, op. cit.,p. 92. 16. W . von Humboldt, Werke in fünf Bänden, vol. IV, op. cit.,p. 583. 17. W . von Humboldt, Sein Leben und Virken, dargestellt in Briefen, Tagebüchern und Dokumenten seiner Zeit, Verlag der Nation, 1953, p. 585 et suiv. 18. Ibid., p. 586. 19. Ibid., p . 602. 20. Deutsche Geschichte, op. cit., p. 88. 21. W . von Humboldt, Sein Leben und Wirken, dargestellt in Briefen, Tagebüchern und Dokumenten seiner Zeit, op. cit., p. 603. 22. Ibid., p. 603 et suiv. 140 R e v u e de publications 23. A . Flitner/K. Giel, « Nachwort der Herausgeber », 57. Voir R . Ahrbeck, Die allseitig entwickelte Persönlichkeit. Studien zur Geschichte des humanistischen Bildans : W . von Humboldt, Werke in fünf Bänden, dungs-ideals, Berlin, Volk und Wissen Volkseigener vol. I V , op. cit., p. 584. Verlag, 1979, p . 167 et suiv. 24. Voir H . Deiters, « Wilhelm von Humboldt als G r ü n der der Universität Berlin 1, dans : Forschen und 58. W . von Humboldt, Werke in fünf Bänden, vol. I V , op. cit., p. 219. Wirken. Festschrift zur ISO-Jahr-Feier der HumboldtUniversität zu Berlin, Berlin, V E B Deutscher Verlag 59. Ibid. der Wissenschaften, i960, p . 20 ; G . A m h a r d t , 60. Ibid., p. 175. « W . von Humboldt — neuhumanistischer Bildungs- 61. H . König, Zur Geschichte der bügerlinchen Nationaltheoretiker mit beachtenswerter Fernwirkung », erziehung in Deutschland zwischen 1807 und 1815, WZ Friedrich-Schiller-Universität Jena, Gesellschafts- première partie (Monumento paedagogica, vol. XII), und Sprache, Reihe, n° 5/1981, p . 603 et suiv. Berlin, Volk und Wissen Volkseigener Verlag, 1972, p. 348 ; voir aussi p . 266 et suiv., p. 298 et suiv. 25. A . Flitner/K. Giel, op. cit., p . 584. 26. Voir W . Hartkopf, Die Akademie der Wissenschaften 62. Voir G . Gloege, op. cit., p. 38 et suiv. der D D R . Ein Beitrag zu ihrer Geschichte, Berlin, 63. W . von Humboldt, Werke in fünf Bänden, vol. I V , op. cit., p . 36. Akademie-Verlag, 1975, p . 31 et suiv. 27. G . Gloege, Wilhelm von Humboldt und die Reformver- 64. R . Ahrbeck, op. cit., p. 153. suche der preussischen Unterrichtsverwaltung, Bielefeld/65. W . von Humboldt, Werke in fünf Banden, vol. I V , op. cit., p. 223. Leipzig, 1921, p . 2 . 28. Voir F . Paulsen, Geschichte des gelehrten Unterrichts, 66. Ibid., p. 226 et suiv. 67. F. Paulsen, op. cit., p. 293. 2 e éd., vol. 2 , Leipzig, 1897, p . 277. 29. E . Spranger, Wilhelm Von Humboldt und die Reform 68. Voir Wilhelm Von Humboldt an Carl David Ilgen, sélection présentée et commentée par G . Amhardt, des Bildungswesens, Berlin, 1910, p. 134. dans : Jahrbuch für Erziehungs- und Schulgeschichte, 30. Voir H . Deiters, op. cit., p. 21. 26/1986, Berlin, Volk und Wissen Volkseigener Verlag, 31. W . von Humboldt, Werke in fünf Bänden, vol. I V , 1986, p. 208 et suiv. op. cit., p . 114 ; voir aussi p . 233 ; voir H . Kossack et al. H . Klein (dir. publ.), Humboldt-Universität zu 69. Voir W . von Humboldt, Werke in fünf Bänden, vol. IV, op. cit., p. 241 et suiv. Berlin, Dokumente 1810-198S, Berlin, V E B Deutscher 70. Voir F. Paulsen, op. cit., p. 286. Verlag der Wissenschaften, 1985, p . 9 et suiv. 32. Voir A . Rüger et al., Humboldt-Universität zu Berlin. 71. Voir R . Ahrbeck, op. fit.,p. 161 ; W . Girnus, « H u m boldts Gedanken zur Gattungsnatur des Menschen », Überblick 1810-1985, H . Klein (dir. publ.), Berlin, dans : Das Ideal der allseitig entwickelten PersönlichV E B Deutscher Verlag der Wissenschaften, 1985, keit — seine Entstehung und sozialistische Verwirkp. 13 et suiv. lichung, Berlin, Akademie-Verlag, 1976, p . 6 2 et 33. W . von Humboldt, Werke in fünf Bänden, vol. I V , suiv. ; C . M e n z e , Wilhelm von Humboldts Lehre und op. cit., p. 255. Bild vom Menschen, Ratingen, A . H e n n Verlag, 1965. 34- Ibid. 35. Ibid., p. 256. 72. C . Menze, Wilhelm von Humboldts Lehre und Bild vom Menschen, op. cit., p. 154. 36. Ibid., p. 257. 73. Ibid., p. 155. 37. Ibid., p. 191. 74. R . Ahrbeck, op. cit., p. 161. 38. Ibid. 75. Ibid., p. 162. 39. Ibid. 76. C . M e n z e , Wilhelm von Humboldts Lehre und Bild 40. Ibid., p. 170. vom Menschen, op. cit., p. 260. 41. Ibid. 77. Ibid. 42. Ibid. 78. Ibid., p. 261. 43. Ibid., p. 260. 79. R . Ahrbeck, op. cit., p. 166. 44. Ibid., p. 256. 80. Voir K . - H . Günther, « Einige Tendenzen in der 45. Ibid., p. 260. Geschichte des Schulwesens in Deutschland i m 46. Ibid., p. 211. 19. Jahrhunden, dans : Jahrbuch 1982, Akademie der 47. Ibid. Pädagogischen Wissenschaften der D D R , Berlin, 48. Ibid.,p. 212. Volk und Wissen Volkseigener Verlag, 1982, p . 117 49. Ibid., p. 217. et suiv. ; H . Balschun, Z u m schulpolitischen K a m p f 50. Ibid., p. 218. u m die Monopolstellung des humanistischen G y m n a 51. Ibid., p. 169. siums in Preussen i m letzten Drittel des 19. Jahr52. Ibid. hunderts », « Diss. paed. », A , Halle-Wittenberg, 53- Ibid. Martin-Luther-Universität, 1964 (miméographié). 54. Ibid. 81. Voir H . König, « V o n der Wissenschaftlichen D e p u 55. Ibid., p. 170. tation z u m Wissenschaftlichen Rat », Das Hoch56. Ibid., p. 190. schulwesen, n° 6/7/1961, p. 520 et suiv. R e v u e de publications 82. W . von Humboldt, Werke in fünf Bänden, vol. IV, op. cit., p. 201. 83. Ibid., p. 202. 84. Ibid. 83. H . Deiters, op. cit., p. 32. 86. W . von Humboldt, Werke in fünf Bänden, vol. I V , op. cit., p. 248. 87. Citation d'A. Rüger et al., op. cit., p. 9. COMPTES R E N D U S L'ENSEIGNEMENT À DISTANCE Michael Y O U N G , Hilary P E R R A T O N Janet J E N K I N S et T o n y D O D D S Distance teaching for the Third World: the lion and the clockwork mouse Londres, Routledge and Kegan Paul, 1980 Ger V A N E N C K E V O R T , Keith H A R R Y Pierre MoRTN et Hans G . SCHÜTZE (dir. publ.) Distance higher education and the adult learner Assen/Maastricht, V a n G o r c u m , 1986 Ian M U G R I D G E et David K A U F M A N (dir. publ.) Distance education in Canada Londres, C r o o m H e l m , 1986 Greville R U M B L E The planning and management of distance education Londres, C r o o m H e l m , 1986 Les auteurs du premier de ces quatre ouvrages examinent u n certain nombre d'exemples de ce qui a été fait en matière d'enseignement à distance, surtout dans les pays en développement, à partir desquels ils proposent la création d'un système d'éducation extrascolaire fondé sur ce qu'ils appellent les « radiocollèges ». L e livre publié sous la direction notamment de Ger V a n Enckevort est u n recueil des c o m munications sur différents problèmes relatifs à l'enseignement à distance dans les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques ( O C D E ) qui ont été présentées et discutées à une conférence internationale tenue en octobre 1984 à l'Université ouverte de Heerlen (Pays-Bas). L e livre publié sous la direction de Mugridge et K a u f m a n est u n recueil d'essais sur l'enseignement à distance au Canada, dont il « souligne les principes de base, la théorie, les modèles et les problèmes particuliers » (p. 1). Quant à l'ouvrage de R u m b l e , qui porte sur la 141 planification et la gestion de l'enseignement à distance, il examine les problèmes et les éléments qui interviennent dans la mise en place et la gestion des systèmes de télé-enseignement. D a n s le chapitre « D e s politiques gouvernementales » du livre publié sous la direction de Mugridge et K a u f m a n , Ellis définit l'enseignement à distance c o m m e u n appendice d u processus éducatif dont les trois caractéristiques fondamentales sont : a) l'utilisation de matériels didactiques médiatisés soigneusement élaborés ; b) la rétroaction de l'information sur les apprenants ; c) l'absence ou u n m i n i m u m de recours à l'interaction face-à-face de l'enseignant et de l'apprenant (p. 27). Ellis estime que l'on ne saurait y ranger la création de centres universitaires éloignés ou la pratique qui consiste à envoyer des enseignants donner des cours dans des régions reculées, m ê m e si elles aident à surmonter l'obstacle que l'éloignement oppose à l'action éducative. Cette définition de l'enseignement à distance implique une séparation physique entre l'apprenant et l'enseignant. Elle rejoint effectivement celle donnée par Holmberg, en 1981, et que citent Farrel et Haughty, dans le chapitre qu'ils consacrent à « L'avenir de l'enseignement ouvert » {Distance education in Canada) : « Les méthodes didactiques suivant lesquelles, d u fait m ê m e de l'éloignement physique des apprenants et des enseignants, l'interaction et la phase préparatoire de l'enseignement sont conduites à l'aide de textes imprimés par des procédés mécaniques ou électroniques. » Il n'en reste pas moins qu'à leurs yeux cette définition, quoique nécessaire, est insuffisante puisque aussi bien elle ne rend pas compte d u contexte plus général de l'enseignement ouvert dans lequel l'enseignement à distance s'est épanoui. Selon eux, l'enseignement ouvert implique 1' « ouverture » des systèmes d'enseignement traditionnels par le recours à une combinaison de médias en vue de répondre à divers besoins éducatifs. L'avenir de l'enseignement à distance réside donc dans le perfectionnement des systèmes d'enseignement ouvert. Sans le dire expressément, ils considèrent que la notion d'enseignement ouvert recouvre en gros la suppression des conditions d'admission et des limites d'âge, mais aussi de tous les autres obstacles créés par les systèmes d'enseignement traditionnel, notamment le fait d'imposer des lieux et des périodes d'apprentissage fixes. Visiblement, ils plaident pour u n enseignement à distance ouvert plus qu'ils ne contribuent à la définition de l'enseignement à distance. Il devient dès lors sans objet de prendre l'enseignement ouvert en considération dans une définition de l'enseignement à distance, mais on serait tenté de penser avec eux que l'avenir et le succès des systèmes de télé-enseignement dépendront sans doute, pour une part, de leur ouverture, au sens large que l'on vient d'indiquer. L a façon dont R u m b l e procède pour tenter de définir l'enseignement à distance est peut-être 142 Revue de publications meilleure. Il c o m m e n c e par examiner l'emploi d u terme « distance » proposé en 1983 par M o o r e , qui l'entend au sens de « distance transactionnelle », terme qui englobe à la fois le dialogue et la structure dans le processus éducatif. C'est là une analyse utile en ce qu'elle aide le lecteur à comprendre et à m e surer le fait que la « distance » ne se réduit pas à la seule distance géographique entre l'apprenant et l'enseignant. R u m b l e déclare ensuite que, pour essayer de définir l'enseignement à distance, il convient de considérer les pratiques, les systèmes et les projets variés existant en ce domaine. Pour lui, l'élément qu'ils ont tous en c o m m u n est « la séparation dans l'espace et dans le temps des activités d'enseignement et d'apprentissage, l'enseignement reposant généralement sur une combinaison de m a tériels didactiques structurés et le recours à des intermédiaires (« assistants », conseillers, « animateurs ») pour aider les apprenants à se servir desdits matériels » (p. 9). Cet élément c o m m u n est le point de départ, après quoi l'on c o m m e n c e à voir les différences. R u m b l e examine les facteurs qui les engendrent et conclut que « le problème, pour qui cherche à définir l'enseignement à distance, est de déceler les traits c o m m u n s « (p. 10). Ses remarques sur la définition proposée par Keegan en 1980 aideront très utilement le lecteur à saisir ce qu'il faut entendre par l'enseignement à distance. Keegan a identifié sept grandes caractéristiques indispensables selon lui à toute définition suffisamment générale, à savoir : la séparation de l'enseignant et de l'élève, le rôle d'une institution éducative, le recours à des médias techniques, la mise en place d'une communication bidirectionnelle, l'absence d'apprentissage collectif, la participation à la forme d'éducation la plus industrialisée et la privatisation de l'apprentissage. D e fait, on retrouve la majorité de ces caractéristiques dans presque tous les projets, programmes et systèmes d'enseignement à distance cités ou décrits dans les trois autres ouvrages dont il est rendu compte ici. Il est intéressant de constater que les pays développés adoptent ou créent des systèmes de téléenseignement pour des raisons différentes de celles des pays en développement, mais ce n'est pas surprenant, car, c o m m e le note R u m b l e , « leurs besoins sont dans u n e certaine mesure différents » (p. 47). A u fil des chapitres, les deux ouvrages publiés sous la direction de G e r V a n Enckevort et ses collaborateurs, d'une part, de Mugridge et K a u f m a n , d'autre part, offrent u n tableau très vivant et une analyse des raisons d'adopter des systèmes d'enseignement à distance dans les pays occidentaux développés. A la lecture de ces deux ouvrages, on se rend clairement compte que, dans des pays développés c o m m e le Canada, le R o y a u m e - U n i et les ÉtatsUnis d'Amérique, ces systèmes ont été mis en place pour pourvoir aux besoins éducatifs de niveau post- secondaire ou supérieur des adultes qui ne pouvaient pas ou ne voulaient pas avoir recours aux systèmes traditionnels. Il n'est donc pas surprenant que, dans les pays occidentaux développés, une majorité d'établissements d'enseignement à distance, solidement implantés et prospères, proposent des cours de niveau postsecondaire conduisant à u n grade ou u n diplôme universitaire. Quelques-uns d'entre eux, c o m m e l'Open University britannique, outre des cours de licence, offrent depuis peu des cours relevant de l'éducation permanente. O n trouvera, dans les sections II et III du premier de ces ouvrages (directeur de publication : Ger V a n Enckerot et al.) ainsi que dans les études de cas présentées dans le second (Mugridge et K a u f m a n ) , une analyse des raisons d'adopter des systèmes d'enseignement à distance dans les pays développés, où les établissements existants répondent aux besoins de la population adulte en levant les obstacles à l'accès à l'enseignement supérieur que constituent, outre le temps, diverses contraintes d'ordre institutionnel, social et financier. D a n s les pays développés, l'adoption de l'enseignement à distance s'explique essentiellement par le souci de donner à la population adulte la possibilité de bénéficier d'une éducation postsecondaire. D a n s les pays en développement, cet enseignement sert à résoudre ou à atténuer certains des problèmes des systèmes éducatifs c o m m e l'insuffisance des capacités d'accueil scolaires, le m a n q u e d'enseignants et l'absence d'auxiliaires d'enseignement pour les classes tant d u primaire que d u secondaire. Les pays en développement ont donc eu recours à l'enseignement à distance pour développer le système éducatif à ces deux niveaux, enrichir et améliorer l'enseignement scolaire et l'alphabétisation des adultes. L'enseignement à distance est moins développé au niveau postsecondaire qu'aux autres niveaux. L e premier chapitre de l'ouvrage de Y o u n g et de ses collaborateurs offre u n tableau très vivant des problèmes que posent les systèmes éducatifs des pays en développement et dont l'enseignement à distance est perçu c o m m e une solution. L'usage que les pays développés et les pays en développement font de cet enseignement offre u n contraste que ces auteurs résument fort bien en ces termes : « E n Occident, il a surtout servi à donner une instruction à des groupes passablement restreints et bien définis qui ne pouvaient accéder à l'enseignement ordinaire. E n Afrique, des tentatives ont été faites pour recourir à l'enseignement à distance sur une échelle proportionnellement bien plus importante. L'objectif n'était pas de développer le système éducatif de façon à desservir les 5 % restants de la population, mais d'offrir quelque chose à la moitié qui n'est jamais scolarisée dans son enfance, ou aux trois quarts et davantage qui ne bénéficient pas de l'éducation des adultes » (p. 21). Revue de publications 143 K a u f m a n , d'une part, de G e r V a n Enckevort et ses collaborateurs, d'autre part, apportent effectivement quelques éclaircissements sur le point de savoir qui participe à cet enseignement et qui en bénéficie dans les pays développés, notamment en Europe, au Canada et aux États-Unis d'Amérique. A u Canada, par exemple, à l'Université d'Athabasca, la plupart des étudiants sont des adultes qui travaillent et font des études à temps partiel dans leur environnement local et qui ont en majorité entre vingt-cinq et quarante-quatre ans. L a situation est pratiquement la m ê m e à l'Open University au R o y a u m e - U n i . L e lecteur trouvera davantage d'informations sur les participants dans les chapitres suivants : « Caractéristiques des apprenants et réussite » ( M u gridge et K a u f m a n , p . 81), rédigé par D a n O . Coldeway, qui conclut ainsi son analyse : « Il est clair que l'enseignement à distance ne profite qu'à une population d'apprenants bien déterminée, qui se caractérise en général par u n bagage plus varié, des contacts antérieurs plus riches avec le système éducatif (du fait de la fréquentation d'un plus grand nombre d'établissements postsecondaires avant l'inscription à u n programme de téléenseignement), u n éventail plus large d'aptitudes aux études et des caractéristiques démographiques et personnelles plus disparates (tranche d'âge, répartition selon le sexe, situation familiale, expérience professionnelle et autres » (p. 86). A cette question des facteurs ou motifs de l'adop« Les adultes dans l'enseignement supérieur : l'enseition ou de l'utilisation de l'enseignement à distance gnement et l'apprentissage à distance abaissent est liée celle-ci : à qui profite-t-il dans les pays déveles barrières », par H a n s G . Schutze (dans G . V a n loppés c o m m e dans les pays en développement ? Enckevort et al., p. 21). L a conclusion de Schutze R u m b l e ne s'y attaque pas directement, il se borne à est la suivante : « Tout donne à penser que l'enseimentionner certains des groupes sociaux qui bénégnement supérieur à distance dessert fondamenficient des systèmes de télé-enseignement sans anatalement le m ê m e groupe que l'enseignement lyser leurs caractéristiques, alors qu'il y a aujoursupérieur traditionnel (sauf en ce qui concerne d'hui suffisamment d'informations sur les partil'âge des étudiants) : les étudiants motivés issus cipants à ce type d'enseignement. O r , il est très des classes moyennes » (p. 35). Il ressort de l'anaimportant de connaître les caractéristiques des bénélyse de Y o u n g et ses collaborateurs que, dans les ficiaires d'un programme éducatif, car cela aide à pays en développement, la clientèle de l'enseiorganiser u n système de distribution approprié, gnement à distance est constituée à la fois d'adultes pertinent et peut-être efficace en ce qui concerne et d'enfants vivant pour la plupart dans les régions notamment les méthodes pédagogiques et les médias. reculées ou en milieu rural. Il aurait donc fallu envisager de faire figurer, dans un ouvrage traitant des problèmes de planification L e public retenu c o m m e cible, les méthodes d'enseiet de gestion de l'enseignement à distance, u n cha- gnement, le choix des médias et les services de soupitre ou une section consacrés à l'analyse des carac- tien fournis aux étudiants sont parmi les éléments téristiques des diverses catégories de bénéficiaires. qui ne font en très grande partie que traduire le déroulement d u processus de mise en place d u Q u e nous apprend jusqu'ici l'expérience sur la système de télé-enseignement. D a n s les cinq prenature des publics cibles et quelles sont les conséquences à en tirer pour la planification et la ges- miers chapitres de son ouvrage. R u m b l e a tenu à examiner les aspects à prendre en considération tion des systèmes ou des établissements de téléenseignement ? C'est tout aussi important que de quand on veut mettre en place u n système ou créer considérer la mission ou les objectifs d'un établis- u n établissement d'enseignement à distance et il sement ou d'un système déterminé. Les études de fournit une base théorique à la pratique de la planicas présentées dans les deux ouvrages publiés res- fication en la matière. Il est particulièrement utile pectivement sous la direction de Mugridge et pour le planificateur de connaître, directement ou A u chapitre III d u livre de R u m b l e , le lecteur découvrira que tous les facteurs de l'adoption de l'enseignement à distance ont été fort bien regroupés sous les six sous-titres suivants : « Égalitarisme » ; « Théories de la modernisation » ; « Développement rural et enseignement axé sur la vie locale » ; « É d u cation permanente et éducation des adultes » ; « Totalitarisme (contrôle social et contrôle des programmes d'enseignement) » ; « Abaissement d u coût de l'éducation ». R u m b l e analyse ces facteurs à l'aide d'exemples. L'égalitarisme et l'abaissement d u coût de l'éducation sont très fréquents tant dans les pays développés que dans les pays en développement. E n revanche, les théories de la modernisation (centrées sur la nécessité de développer l'enseignement postprimaire ou d'améliorer la formation pédagogique) ainsi que le développement rural et l'enseignement axé sur la vie locale ne sont très courants que dans les pays en développement et, d'après les exemples donnés par R u m b l e , l'éducation permanente et l'éducation des adultes valent surtout pour les pays développés. Finalement, le facteur totalitaire a été associé à l'enseignement à distance dans très peu de pays, les exemples cités étant l'Afrique d u Sud, l'Iran et la Colombie. E n général, l'analyse de ces facteurs confirme effectivement le contraste entre l'ouvrage de Y o u n g et ses collaborateurs, d'une part, et les deux ouvrages consacrés respectivement au Canada et aux pays de l ' O C D E , d'autre part. 144 Revue de publications indirectement, les modèles d'enseignement à distance, les modèles éducatifs qui sous-tendent tel ou tel système de télé-enseignement, le jeu des facteurs économiques et le processus de planification. Ces chapitres s'articulent de façon cohérente. Il convient, toutefois, de faire deux observations. D'abord, à propos des différents modèles de systèmes, R u m b l e en analyse en détail les activités opérationnelles, qui constituent deux grands sous-systèmes : celui des matériels et celui des élèves. Il n'étudie pas les activités réglementaires et logistiques, qu'il se contente de mentionner dans le texte et au tableau Ï . I , moyennant quoi le lecteur se demande quels seraient les éléments que l'auteur y rangerait. Ces activités participent-elles de sous-systèmes au m ê m e titre que les activités opérationnelles ? R u m b l e ne nous éclaire pas sur ce point. Ensuite, au lieu de se contenter de formuler les fonctions de coût, c o m m e au chapitre I V , l'auteur aurait d û donner des exemples de calcul des coûts, d'établissements existants qui utiliseraient ces fonctions. Cela aurait aidé le lecteur à y voir plus clair. Il nous semble insuffisant d'indiquer seulement que, « si l'on veut mettre sur pied u n système d'enseignement à distance dans l'espoir de réaliser des économies d'échelle, il faut faire en sorte que le coût variable par étudiant (V) y soit moins élevé que dans les systèmes classiques de m ê m e niveau éducatif; que l'effectif des étudiants (N) soit suffisant pour abaisser le coût fixe m o y e n par étudiant ( F / N ) » (p. 65). Il aurait été utile de renforcer l'argumentation par u n exemple concret tiré de la comparaison de deux systèmes ou établissements, n o n pas forcément dans le corps d u texte (ce qui serait trop long ou trop difficile à lire, ou les deux), mais en appendice ou sous la forme d'un graphique. Les cas de création de systèmes ou d'établissements d'enseignement à distance sont le reflet dans les faits des considérations de planification analysées par R u m b l e . L e lecteur peut se rendre compte, au vu des exemples européens et canadiens fournis dans les deux ouvrages publiés par Mugridge et K a u f m a n et par Ger V a n Enckevort et ses collaborateurs, c o m m e n t les modèles éducatifs que les planificateurs avaient dans la tête ont influé sur les caractéristiques des systèmes mis en place. C'est ainsi que les universités ouvertes néerlandaise et britannique sont, semblet-il, fortement inspirées d u modèle éducatif axé sur la personne qu'examine R u m b l e . L e livre de Y o u n g et de ses collaborateurs expose des études de cas d'enseignement à distance dans les pays en développement, dont les caractéristiques (campagnes de masse et forums ruraux, par exemple) sont manifestement tributaires d u modèle éducatif centré sur la société. Il est aussi intéressant que surprenant de constater qu'aucun des ouvrages considérés ne traite de la question des politiques gouvernementales en matière d'enseignement à distance, que ce soit dans les pays en développement ou dans les pays développés, sauf celui de Mugridge et K a u f m a n sur le Canada, qui y consacre u n chapitre, d û à John Ellis, o ù l'on trouve au moins quelques éclaircissements sur ce qu'est probablement la situation dans les autres pays développés présentant des caractéristiques analogues, notamment les États-Unis d'Amérique. Selon cet auteur, les politiques p u bliques qui infléchissent l'enseignement à distance sont le fait des gouvernements des provinces et des territoires, et n o n d u gouvernement fédéral. C'est pourquoi la pratique de cet enseignement varie quelque peu d'une région d u Canada à l'autre. S o n analyse de la situation dans ce pays l'amène à conclure : « Tout cela pour dire qu'il est rarement facile, et souvent impossible, de délimiter précisément la politique gouvernementale en matière d'enseignement à distance. Il n'y a donc pas lieu de s'étonner que les politiques gouvernementales en la matière, telles qu'elles se reflètent en tout cas dans les lois et règlements, soient rares et dispersées [...] il se passe tant de choses moyennant, semble-t-il, si peu de politique officielle » (p. 27). Cela ne signifie pas pour autant, se hâte de préciser Ellis, que les activités de télé-enseignement au Canada se déroulent en dehors de tout cadre juridique. C'est plutôt que les lois qui régissent ces activités sont générales plus que normatives. Il note pour conclure qu'au Canada cet enseignement n'appelle pas une politique gouvernementale plus clairement définie. C e qu'on lit sur le cas des États-Unis d'Amérique semble indiquer que, sur ce point, la situation est plus ou moins la m ê m e qu'au Canada. L'ouvrage de R u m b l e sur la planification et la gestion aurait p u traiter plus directement et plus en détail de la politique des pouvoirs publics. Quant à Y o u n g et ses collaborateurs, ils auraient p u étudier la question. A lire ce qui est dit des systèmes d'enseignement à distance mis en place sur une grande échelle dans les pays en développement, on a l'impression que la plupart sinon la totalité d'entre eux ont été et restent conçus et sont gérés, pour l'essentiel, sous l'impulsion d'une influence extérieure, et non en vertu d'une politique gouvernementale qui s'y applique directement. E n tout état de cause, pour ce qui est des pays en développement, il n'apparaît m ê m e pas qu'il existe la moindre politique en la matière. A l'avenir, il faudrait que les études consacrées à l'enseignement à distance traitent à fond la question de la politique officielle de l'enseignement à distance, surtout dans les pays en développement. U n e telle politique estelle nécessaire en ce domaine ? E n existe-t-il déjà des exemples ? D a n s l'affirmative, jusqu'à quel point ces politiques influencent-elles ou infléchissent-elles la pratique de l'enseignement à distance face à l'influence concurrente exercée par les pays développés occidentaux ? Telles sont quelques-unes des ques- Revue de publications tions, parmi bien d'autres, auxquelles il faudrait s'attaquer. Chacun des quatre ouvrages dont nous rendons compte ici, sans chercher à les comparer, apporte une précieuse contribution à la masse croissante des écrits consacrés à l'enseignement à distance. A l'exception de celui qui est publié sous la direction de Y o u n g , tous sont de parution récente (1986), bien qu'ils utilisent des matériaux ou des informations qui remontent aux alentours de 1984. L e lecteur est ainsi sûr de disposer d'une documentation à peu près à jour. L e livre publié par Mugridge et K a u f m a n donne au lecteur u n tableau très complet de l'enseignement à distance au Canada. Celui de Ger V a n Enckevort fait de m ê m e n o n seulement dans le cas des pays européens, mais encore pour l'Australie, les ÉtatsUnis d'Amérique, le Japon, la Nouvelle-Zélande et la Turquie. A eux deux, ces ouvrages permettent de savoir ce qui se passe en matière d'enseignement à distance dans les pays développés d u m o n d e . O n ne peut qu'en recommander très vivement la lecture à tous ceux que la question intéresse. Ils y trouveront un certain nombre d'exemples et d'études de cas présentés de façon assez détaillée, qui leur permettront de mieux comprendre et de mieux connaître l'enseignement à distance dans le m o n d e industrialisé. A la fin de chaque volume, on voit se dessiner la tendance à utiliser dans ce secteur des technologies nouvelles de l'information et des télécommunications c o m m e l'informatique. Quant au livre de Y o u n g et de ses collaborateurs, qui date pourtant de 1980, il demeure utile pour comprendre l'enseignement à distance dans les pays en développement, car les choses n'ont probablement pas beaucoup changé depuis que ces auteurs ont étudié la question. O n peut donc considérer que leur analyse reste encore valable aujourd'hui. L a population de ces pays continue de s'accroître rapidement, mais la mise en place d'installations d'enseignement ne suit pas. Les taux d'analphabétisme chez les enfants et les adultes atteignent des niveaux alarmants dans la plupart des cas. L a situation est peut-être m ê m e pire à présent que dans les années 1970, que dépeignent Y o u n g et ses collaborateurs. Pourtant, l'apport exceptionnel de ce livre, qui mérite d'être pris au sérieux dans les pays en développement et dont la valeur n'est pas moindre aujourd'hui qu'hier, c'est la formule d'un système éducatif extrascolaire reposant sur des « radio-collèges », solution que les auteurs suggèrent, avec de très bons arguments à l'appui, en indiquant quels sont ceux qui peuvent en bénéficier, ce qu'ils apprendront et c o m m e n t l'organisation d u système devrait être conçue et réalisée. L a proposition est présentée de manière très séduisante. N o u s pensons avec eux qu' « il vaut la peine de l'essayer » (p. 121) et s o m m e s d'accord avec eux lorsqu'ils font valoir qu' « aucune fatalité historique n'oblige les pays pauvres à suivre l'exemple des pays développés. Ils pourraient faire quelque chose de 145 différent et, en ce cas, se trouveraient peut-être non pas à la queue de la longue colonne désignée par les nations industrialisées, mais à sa tête, allant dans une direction différente et montrant eux-mêmes le chemin au reste d u m o n d e » (p. 129). Voilà u n raisonnement bien fait pour rappeler aux planificateurs des systèmes de télé-enseignement que ce qui « marche » dans les pays développés ne fonctionne pas toujours nécessairement aussi bien dans les pays en développement. Quelque chose de différent pourrait être tenté. O n peut, toutefois, faire une observation sur les « radio-collèges » proposés par Y o u n g et ses collaborateurs. Ceux-ci auraient d û consacrer u n chapitre ou une section de leur ouvrage à l'incidence de cette formule sur les systèmes éducatifs existants et sur la société dans son ensemble. C o m m e n t celle-ci réagirait-elle, par exemple, à l'idée d'installer deux catégories de diplômés, selon qu'ils sont issus d u système scolaire traditionnel ou d u système extrascolaire reposant sur la formule des « radio-collèges » ? C o m ment les deux systèmes ont-ils des chances de s'influencer mutuellement ? L a question n'est pas analysée. Il reste que les appendices sur les études de cas et le répertoire annoté des projets d'enseignement à distance fournissent au lecteur de très précieux renseignements. D e s indications passées sous silence dans le texte y figurent en bonne place. Cela donne au livre u n surcroît d'intérêt. Pour sa part, tout en concédant qu' « il n'y a pas une seule et unique bonne manière de concevoir et de gérer u n système d'enseignement à distance » (p. 20), R u m b l e présente au lecteur ou à l'utilisateur une très bonne analyse des thèmes et éléments à prendre en considération dans la planification et la gestion de l'enseignement à distance. Cet ouvrage apporte u n complément important aux écrits existant sur le sujet en ceci que l'auteur a tenté d'expliciter ce qu'impliquent ces deux activités. T o u s ceux qui se consacrent à celles-ci devraient le lire. Pour résumer, on peut dire que ces ouvrages méritent tous de figurer dans toute bibliothèque. E n outre, on ne saurait trop les recommander à toutes les universités qui pratiquent l'enseignement à distance. J u m a Esau N Y T R E N D A , Directeur du Centre d'éducation permanente, Université de Zambie 146 Revue de publications La educación abierta Gustavo F . J. ClRIGLIANO Buenos Aires, Editorial El Ateneo, 1983 Teoría y praxis de la universidad a distancia Luis M . P E Ñ A L V E R et Miguel A . E S C O T E T (dir. publ.) Caracas, Editorial F E D E S , 1981, 2 vol. L'intérêt que suscite l'enseignement universitaire à distance remonte à la fin des années i960, époque à laquelle a été créé au Japon le comité préparatoire de ce qui allait devenir, quelques années plus tard, l'Université des ondes et où, au R o y a u m e - U n i , l'Open University a reçu sa charte royale. Depuis, la littérature relative à l'éducation ouverte en tant que m o d e d'enseignement spécifique et à ses applications à l'enseignement supérieur n'a cessé de s'enrichir au fil des ans. Pourtant, aussi étrange que cela puisse paraître, dans le m o n d e hispanophone, les actions et les expériences dans ce domaine ont été bien plus nombreuses que les écrits consacrés à cette forme d'enseignement. O n pourrait dire que la pratique a, de très loin, devancé la théorie. Lorsqu'ils ont décidé, en 1981, de publier u n recueil d'articles de divers auteurs, Luis M . Peñalver et Miguel A . Escotet pouvaient à bon droit invoquer, c o m m e ils l'ont expliqué dans leur « présentation », l'absence quasi totale d'écrits en langue espagnole sur la question. Leur constat était, à quelques objections près, fondamentalement juste. D e u x ans plus tard, Gustavo F . J. Cirigliano ajouta u n nouveau titre important à la maigre production d'alors et, malgré d'évidentes lacunes, la bibliographie présentée aux pages 57-58 et 175-176 révélait que la question n'avait pas vraiment reçu jusqu'alors l'attention qu'elle méritait. Par la suite, cette production s'est étoffée, notamment grâce aux efforts de l'Universidad Nacional de Educación a Distancia — U N E D (Espagne). Il convient de signaler en particulier l'ouvrage qu'elle a publié à l'issue du Congrès international de 1983 sur « l'évaluation du rendement de l'enseignement supérieur à distance » et l'étude bien documentée de D . PopaLisseanu, parue en 1986 sous le titre Un reto mundial: la educación a distancia (un défi mondial : l'enseignement à distance), travaux qui méritent assurément de faire, une autre fois, l'objet d'un compte rendu. Les deux ouvrages qui retiennent notre attention aujourd'hui sont en fait, malgré quelques convergences, foncièrement différents. Leur principal point c o m m u n est peut-être d'avoir été l'un et l'autre inspirés surtout par la mise en route et le fonctionnement de l'Université nationale ouverte ( U N A ) d u Venezuela, où ont travaillé plusieurs auteurs d u livre publié sous la direction de Peñalver et Escotet et où a également enseigné le pédagogue argentin Gustavo Cirigliano. Bien que son titre puisse donner l'impression qu'il s'agit d'un exposé systématique, dans le genre d'un traité universitaire ou scientifique, l'ouvrage établi sous la direction de Peñalver et Escotet n'est pas, et ne prétend pas être, autre chose qu'un recueil d'articles très différents quant à la forme et à l'intention. Certains ont été présentés à la réunion sur les nouvelles formes d'enseignement postsecondaire en Amérique latine et dans les Caraïbes (Caracas, 1976), d'autres ont été rédigés à l'occasion de la première Conférence latino-américaine sur l'enseignement supérieur à distance (San José, Costa Rica, 1981) et quelques-uns étaient jusqu'alors inédits. E n résumé, l'ouvrage se présente sous forme de deux volumes qui rassemblent trente-cinq articles, tous d'auteurs différents, sauf deux qui ont été écrits par Peñalver et trois par Escotet. L e premier volume traite plus particulièrement des aspects théoriques de la question, regroupés dans deux parties intitulées respectivement « Réflexion sur l'enseignement universitaire à distance » et « Méthodes de l'enseignement universitaire à distance ». L e second évoque plutôt des expériences et des actions concrètes, m e nées d'abord en Amérique latine (et déjà mentionnées dans le volume précédent), ensuite dans quelques autres pays ; trois articles clôturent le volume sous le titre : « Problèmes et perspectives ». AU-DELÀ DE LA « DISTANCE » L'ouvrage de Cirigliano, de proportions beaucoup plus modestes (176 pages), tient à la fois d u texte didactique et de l'essai. D ' u n e part, il a manifestement été conçu pour servir de texte d'appui à un cours ou u n séminaire sur l'éducation ouverte puisqu'il contient des objectifs didactiques et des épreuves d'auto-évaluation pour le lecteur-élève ; mais, d'autre part, son contenu ne cadre pas avec la conception systématique, rigoureuse et démonstrative d'un traité universitaire ; faisant une large place à l'imagination, il fourmille d'idées et d'hypothèses plus ou moins fondées. Il s'agit, malgré tout, d'une réflexion suivie et (jusqu'à u n certain point) cohérente, qui n'exclut pas l'analyse de certaines expériences concrètes : celles de l'Open University britannique, de P U N A vénézuélienne et de deux institutions dont le sigle identique ( U N E D ) désigne à la fois l'Universidad Estatal a Distancia, au Costa Rica, et l'Universidad Nacional de Educación a Distancia, en Espagne. E n confrontant ces différents cas, Cirigliano n'entend pas décrire en détail les activités de ces institutions, mais simplement saisir le m o d e de fonctionnement de chacune d'elles. C'est ce qui explique que cette étude de cas ou d'expériences ait été placée quasiment à la fin de la première partie qui, sous le titre peutêtre u n peu vague d' « Antécédents », vise à poser les fondements théoriques qui vont justifier le modèle Revue de publications 147 borer un modèle véritablement opérationnel » (p. 167). d'organisation que Cirigliano propose, dans la deuxième partie, pour ce type d'institutions universi- Cela étant, il est indubitable que cet essai-proposition taires. L'auteur, qui semble apprécier particulière- est aussi stimulant que les autres travaux de cet ment l'usage des sigles (il en emploie un grand n o m - auteur argentin. bre, dont il donne le sens, pages 5 et 6), appelle RÉFLEXIONS S E A D (Sistema de Educación Abierta/Distancia) le ET EXPÉRIENCES LATINO-AMÉRICAINES modèle qu'il propose, suivant en cela une tradition fort répandue dans certains milieux latino-américains; Si l'étude de Cirigliano consiste à justifier et à proZelaya G o o d m a n utilise le m ê m e sigle dans le livre poser u n m o d e d'action concret dans le domaine de publié sous la direction de Peñalver et Escotet (pa- l'éducation ouverte et à distance, le recueil éclectique ge 141 et suivantes). de Peñalver et Escotet n'a d'autre but que de faire J'ajouterai encore, en ce qui concerne la première l'inventaire de la réflexion et de la pratique dans ce partie, qu'elle s'ouvre sur quatre chapitres d'élabo- domaine au début des années 1980. Bien entendu, les ration contextuelle et conceptuelle. Partant de l'édu- contributions très diverses provenant des différents cation des adultes et de l'éducation permanente, auteurs sont de qualité sensiblement inégale. S'il est l'auteur enchaîne sur l'éducation ouverte, concept vrai que la plupart des auteurs montrent qu'ils connaisqu'il distingue soigneusement de ceux d' « enseigne- sent bien, et souvent à fond, à la fois l'enseignement à ment traditionnel », d' « enseignement à distance » et distance et les caractéristiques particulières de l'end' « autodidaxie ». Pour lui, « l'éducation ouverte va seignement universitaire, il en est aussi qui semblent plus loin que l'enseignement traditionnel et plus loin s'être contentés d'examiner, voire seulement d'efque l'enseignement à distance » (p. 21) ; il n'hésite fleurer, u n seul aspect de la réalité. donc pas y à voir l'éducation de l'avenir, m ê m e si les Les questions de fond sont traitées dans un certain autres formes subsistent. C e type d'éducation devrait, désordre et avec d'évidentes lacunes au début d u à son avis, être fondé sur une théorie « participative » premier volume. L a série et le volume commencent de la communication, dont il se borne à esquisser les par un chapitre intitulé « Objectifs et c h a m p d'applicaractéristiques. Vient ensuite l'examen de l'expé- cation de l'enseignement à distance », dans lequel rience des quatre institutions citées plus haut — dont Luis M . Peñalver nous livre une analyse documentée il donne une interprétation par trop schématique — , de l'évolution des institutions universitaires en A m é examen qui débouche, dès la fin de la première partie, rique latine, analyse qui témoigne de la vaste expésur une comparaison non moins schématique — mal- rience universitaire de l'auteur qui milite clairement gré les abondantes digressions — entre l'université en faveur de ce nouveau type d'institution. L'article ouverte et l'université traditionnelle. qu'il propose en guise de conclusion d u second L a deuxième partie contient, il m e semble, ce qu'il volume (« Situation et perspectives de l'enseignement y a de plus substantiel et de plus intéressant dans l'ou- supérieur en Amérique latine ») se situe dans la m ê m e vrage. Pleine d'idées et de suggestions, elle s'arti- ligne. Il est symptomatique qu'à la fin de son precule autour d'une question (p. 61) : c o m m e n t orga- mier article l'auteur affiche n o n pas tant son optiniser u n système d'éducation ouverte à distance ? m i s m e résolu à l'égard d u nouveau système que son L'auteur part du principe que le S E A D est une « forme « désir » d'être optimiste et de croire que le remède aux organisée qui rend possible l'éducation ouverte, la- problèmes réels dont souffre l'enseignement supéquelle peut en m ê m e temps être dispensée à dis- rieur en Amérique latine se trouve dans ces nouvelles tance » (p. 63). Autrement dit, l'éducation ouverte se institutions. Les deux chapitres suivants sont assurésitue au-delà de l'éducation à distance, mais, peut- ment moins optimistes. D a n s l'un, fort long, Victor Guédez insiste a b o n d a m m e n t sur « les défis de l'éduêtre pour cette raison m ê m e , sa méthodologie peut convenir aussi à l'éducation à distance et pourrait cation ouverte et de l'enseignement à distance », également s'appliquer à l'éducation traditionnelle. tandis que dans l'autre, relativement bref, Emilio C'est là que résident, à m o n avis, à la fois le point fort Lledó exprime ses doutes (et son espérance) quand à et la faille du raisonnement de Cirigliano. Son mérite la possibilité m ê m e d'un enseignement « à distance ». est d'avoir conçu des objectifs et une méthodologie Il écrit ceci : « Ceux qui, c o m m e nous, ont été formés ambitieux, bien articulés, en liaison constante avec dans une structure d'enseignement traditionnel, où ceux qui vont être les clients (et non pas seulement les la pédagogie est fondée sur la présence, peuvent penrécepteurs) du système ; mais son point faible est que ser que c'est vers l'amélioration de l'école et de l'uniles avantages attendus tiennent, en fait, à la distance versité traditionnelles qu'il faut s'orienter. Mais, dans et que, dans ce qu'elle a d'ambitieux, l'entreprise une société livrée c o m m e l'est elle aujourd'hui aux dépasse sans doute les possibilités que la distance peut communications de masse [...] c'est peut-être sur cet lui offrir. Cependant, l'auteur a conscience que son autre terrain plus vaste et moins bien délimité que se modèle n'est qu'une « esquisse de proposition » et que situe le défi de l'éducation » (p. 65). « seule l'expérience concrète dans une situation donCardos Paldao replace la question sur u n terrain née, avec ses objectifs et ses limites, permettra d'éla- beaucoup plus descriptif, analytique et technique 148 Revue de publications (chapitre IV) en revenant sur les concepts de base et de savoir si l'on peut vraiment éduquer « à distance ». en s'étendant sur la signification et la portée de cette C e qui semble sûr, c'est que l'on peut enseigner à nouvelle forme d'enseignement, toujours sur u n ton distance et l'on ne voit pas pourquoi cet enseignement optimiste. L e chapitre suivant n'a probablement pas ne pourrait pas être pleinement éducatif. C'est peutsa place dans cette partie de l'ouvrage, m ê m e si le titre être en définitive précisément ce qu'Escotet voulait (« Rôle des systèmes d'apprentissage ouvert dans la dire. solution des problèmes d'éducation ») et les quatre L a deuxième partie d u volume (« Méthodes de premières pages peuvent donner à penser le contraire. l'enseignement universitaire à distance ») c o m m e n c e Il s'agit en réalité d'un bon article de sir Walter par tin article de Jaime Sarramona, qui met l'accent Perry sur P O p e n University, ses caractéristiques et la précisément sur le binôme enseignement-apprentissage. façon dont elle pourrait aider à résoudre certains Bien qu'il admette d'emblée une certaine progression problèmes qui se posent au R o y a u m e - U n i . O n trouve entre les actions instruction-formation-éducation, dans ces pages des suggestions fort utiles qui ont une l'auteur — qui connaît bien la question — préfère, indéniable portée générale, mais qui n'en traduisent semble-t-il, évoquer les systèmes d'enseignement à dispas moins une approche particulière qu'il serait plus tance. Sa conclusion est la suivante : « E n tant que indiqué de ranger aux côtés d'autres « études de cas ». théoricien et praticien de l'éducation, je suis pour la E n revanche, l'article proposé par Miguel Angel communication directe enseignant-élève, que je consiEscotet dans le chapitre V I (« L'enseignement supé- dère c o m m e le meilleur m o y e n d'éducation qui puisse rieur à distance face au paradigme de l'instruction et être. Cette relation, qui contient implicitement la de la formation ») a tout à fait sa place dans cette partie fonction paradigmatique de la conduite de l'éducaréservée aux fondements théoriques de la question et teur, est donc indispensable dans les premières a n constitue, malgré sa relative brièveté, l'un des efforts nées d'études. Mais lorsque arrive le m o m e n t où les de systématisation globale les plus réussis d u livre. influences éducatives se diversifient en une multitude D a n s cet article, divisé en trois parties consacrées de sources, le sujet acquiert une certaine maturité et aux objectifs, aux méthodes et aux structures de l'institution scolaire s'oriente vers u n e vocation plus l'enseignement supérieur à distance, l'auteur offre une culturelle et plus professionnelle ; il est alors possible, interprétation équilibrée de ce que peut être cette et je dirai m ê m e nécessaire, de moduler les sources nouvelle institution. Il y a une concordance parfaite d'enseignement en vue de les adapter aux diverses entre ce que doivent être, selon lui, les buts de ce circonstances qui se rencontrent dans la vie de chaque type d'université et les m o y e n s , le type d'organisation individu. C'est pourquoi j'ose affirmer que l'enseiqui sont mis à sa disposition. C'est peut-être la raison gnement à distance est u n système qui a sa propre pour laquelle les propos d'Escotet qui appellent les raison d'être, et non pas u n simple succédané de l'enplus fortes réserves ont trait à lafinalitéé m i n e m m e n t seignement direct » (p. 137-138). éducative qu'il assigne à la nouvelle institution (finaL e travail de Sarramona pourrait être encore consilité qui, pour lui, doit être celle de toute université déré c o m m e une tentative de systématisation globale. qui se respecte) et à son refus de concevoir cette Les articles qui viennent ensuite abordent des aspects institution c o m m e u n lieu d'instruction et de forma- plus spécifiques, tels que l'administration des n o u tion. Il m e semble que cette opposition entre éduca- veaux systèmes (Zelaya) et leur évaluation (Galvis, tion et instruction — par ailleurs très répandue chez Contasti-Duchatellier, Fabrega, Escotet). L'article de divers auteurs — est à l'origine de bien des malenten- K n a a k (chapitre I X ) traite de la technologie éducadus et conduit souvent à demander à des institutions tive en général, et non pas d u seul point de vue des de différents types plus qu'elles ne peuvent offrir en systèmes d'enseignement à distance, bien qu'elle réalité. Il s'agit, en s o m m e , d'une attitude d'opti- trouve évidemment dans ces systèmes des possibilités m i s m e au départ qui, à la fin, se m u e souvent en d'application particulières. Celui de Contasti-Duchapessimisme, en insatisfaction permanente devant les tellier se rapproche, u n e fois de plus, de l'étude de réalités et les résultats. Il convient de rappeler, à cet cas puisqu'il tend à expliquer les particularités de égard, que le très ingénieux concept d'instruction l ' U N A vénézuélienne, au point de vue de la pédagogie éducative, forgé par Herbart, conserve toute son ac- et de l'organisation, plus qu'à justifier son titre tualité et que c'est finalement ce type d'action qui (« L'évaluation institutionnelle, science ou conjecdéfinit et caractérise le mieux toute institution sco- ture »). Il en va à peu près de m ê m e des écrits de laire. D e ce point de vue, il ne devrait y avoir aucune Fabrega et d'Escotet (également consacrés à l'évadifficulté à admettre que « les universités à distance » luation), qui figurent dans cette partie. L a théorie instruisent ou enseignent c o m m e n t peuvent le faire tient une large place dans tous ces articles, mais on ne aussi, de par le m o n d e , n o m b r e d'universités tradi- peut pas dire qu'ils s'articulent autour d'un axe qui tionnelles de bon niveau. L a formule revêt cependant formerait une base théorique homogène et cohérente. une importance particulière dans le cas des instituA part les derniers chapitres, sur lesquels je retions nouvelles, car elle permet d'éluder le vieux pro- viendrai, le reste (p. 307 à 717) est consacré à l'étude blème (qui, on l'a vu, préoccupait le professeur Lledó) d'expériences nationales, concernant d'abord l ' A m e - Revue de publications rique latine puis d'autres régions. Il s'agit d'études inégales, qui, en tout cas, commencent déjà à être dépassées. Quant aux trois chapitres qui clôturent le livre, ils revêtent tous u n caractère général de réflexion sur l'enseignement universitaire dans son ensemble, n o tamment dans le contexte de l'Amérique latine. Ricardo Diez-Hochleitner évoque l'avenir de l'université, tandis qu'Escotet reprend la parole pour faire le point de la situation des « universités à distance » en Amérique latine et mettre en évidence les difficultés qui pourraient les empêcher de se développer c o m m e elles le devraient. L e dernier article, celui de Luis M . Peñalver, a déjà été mentionné. E n s o m m e , nous nous trouvons devant deux o u vrages qui, malgré d'inévitables limites, montrent bien l'impulsion donnée à l'enseignement universitaire à distance en Amérique latine. Il serait souhaitable, cependant, que ce m o d e de pensée et d'action prometteur soit mieux connu dans d'autres aires linguistiques. 149 UNE CONJONCTURE POLITIQUE FAVORABLE L'enseignement à distance se démarginalise en effet et pénètre u n peu partout dans le m o n d e institutionnalisé de l'enseignement et de la formation. C o m m e le montre Henri Dieuzeide dans l'un des chapitres de l'ouvrage, cette faveur tient en partie à la situation de crise de l'éducation qui, depuis vingt ans, a eu pour effet de faire stagner ou m ê m e , en certains cas, de diminuer les ressources publiques affectées à l'éducation, alors que dans le m ê m e temps le nombre des scolarisés doublait. D e s conditions sociales rendent souhaitable par ailleurs l'accès à la formation de catégories de plus en plus larges de la population et à des moments de plus en plus divers de la vie : accélération d u changement technologique, obsolescence des techniques traditionnelles, chômage et exigences de reconversion obligent en effet à envisager le recyclage et l'éducation permanente c o m m e de nouvelles données sociales. Récupérée ainsi par les instances politiques, parée José Luis G A R C Í A G A R R I D O , de nombreux avantages, la formation à distance bénéProfesseur d'éducation comparée, ficie de moyens destinés à stimuler son essor. Ses Universidad Nacional de Educación a Distancia atouts théoriques apparaissent facilement : possibilité (Madrid, Espagne) d'abaisser le coût unitaire de l'enseigné, fonction d'innovation et de motivation c o m m e solution de rechange à un enseignement traditionnel jugé parfois vétusté ou isolé des réalités d u m o n d e environnant, rapidité de mise en place, compatible avec la durée France H E N R I et Anthony K A Y B de vie d'un gouvernement, par exemple... O n pourrait Le savoir à domicile ajouter encore : stimulation technologique d u m o n d e Sainte-Foy industriel par l'émergence d'un nouveau marché, Presses de l'Université d u Québec, 1985 développement d'une formation aux nouvelles technologies et à la communication pédagogique, évolution donc et modernisation des pratiques sociales en Après les deux ouvrages fondamentaux parus au matière d'éducation. début des années 1980 : Learning at a distance. A 1 world perspective et Distance teaching for higher and T o u s ces avantages ne doivent pas masquer queladult education2, voici u n livre qui comble u n m a n q u e ques incertitudes et quelques dangers. Henri Dieunotoire de tels ouvrages de référence en langue fran- zeide enumere les freins qui risquent de ralentir une évolution dessinée de façon trop optimiste. L ' u n des çaise sur le sujet. C e livre a paru au m o m e n t où les enjeux liés aux plus importants est peut-être la difficulté d'engennouvelles technologies de l'information et de la drer de nouvelles institutions, aptes à modifier les communication s'affirment de façon spectaculaire : anciens rapports éducatifs devenus inadaptés et à enjeux technologiques et commerciaux dont témoi- faire que la formation à distance ne « se fige en sysgne en France l'explosion des services télématiques tèmes de distribution de matériels inadaptés pour des (on a pu en effet dénombrer, pour l'année 1986, plus tâches obsolètes ». de deux cents applications dans le seul secteur de l'enseignement et de la formation, la plupart fondées sur l'utilisation du vidéotex3) ; enjeux politiques aussi, en France et ailleurs, où les décisions d'équiper en technologies nouvelles lycées, collèges ou universités ne manqueront pas de fournir des possibilités d'éducation à distance. Quant aux instances européennes, plusieurs projets, liés à l'utilisation des nouveaux médias en éducation, révèlent également l'intérêt qu'elles portent à une médiatisation de l'enseignement : D E L T A , C O M M E T T et certains axes d u programme F A S T , par exemple. UN FONCTIONNEMENT DE TYPE INDUSTRIEL L'influence des structures organisationnelles est particulièrement mise en évidence dans un chapitre qui, sous la plume d'Anthony Kaye, précise une des contradictions fondamentales de la formation à distance : l'un de ses avantages majeurs (l'accès du savoir offert à de plus larges publics) implique souvent un m o d e de production de masse, calqué sur les pratiques industrielles et sur les modèles organisationnels du secteur tertiaire : édition, presse, radio et télévision. 150 Revue de publications L a rationalisation des procédés, la parcellisation des tâches, l'utilisation des techniques de c o m m e r cialisation rendent difficile u n e coopération interdisciplinaire d u fait d u travail en chaîne, d u corporatisme, de la perte inévitable de responsabilité des enseignants, de la standardisation des programmes et de la normalisation des attentes. Ainsi naît le risque de voir reproduits à grande échelle les anciens rapports d'autoritarisme moral et intellectuel entre enseignants et apprenants, particulièrement négatifs dans u n contexte de formation d'adultes. Face aux structures centralisées que l'on rencontre dans différents pays, l'auteur étudie les avantages comparés d'institutions mixtes, offrant u n e centralisation des matériels, mais une décentralisation de la pédagogie ; ou encore d'autres formes d'organisation, de type fédératif ou interinstitutionnel, par exemple. E n soulignant l'importance d'un décloisonnement des structures, d'une souplesse de fonctionnement, d'un travail en réseau, il prône une organisation capable de favoriser la différenciation des méthodes et des rythmes afin de s'adapter aux publics si divers des universités « ouvertes ». rents pôles parviendront à clarifier et à orienter le travail de conception. Cette approche fondée sur les notions de pôles d'apprentissage et de valeurs sous-jacentes nous paraît rejoindre une conception qui s'appuie sur les enjeux fondamentaux de tout processus de c o m m u nication, telle que nous avons p u la mettre en évidence dans nos propres travaux* : les questions épistémologiques renvoient, nous semble-t-il, aux contenus scientifiques reformulés en termes d'information à transmettre, les questions pédagogiques aux m o d e s relationnels et aux rapports d'influence entre l'apprenant et la source d u savoir, qu'elle soit humaine o u matérielle ; les choix didactiques aux problèmes d'intégration de tout ordre ; les choix médiatiques à la recherche d'une facilitation et à la recherche d'efficacité optimales : tels nous sont apparus, en effet, les enjeux de toute communication, enjeux qui se hiérarchisent différemment selon les situations et selon les partenaires. L'enjeu de la formation à distance étant probablement et avant tout celui de la facilitation, compte tenu des contraintes que vivent la plupart d u temps les apprenants adultes, l'importance des médias trouverait alors sa justification dans cet objectif prioVERS UN MODÈLE PÉDAGOGIQUE ritaire d'efficacité. Pour les autres enjeux (informaEN FORMATION À DISTANCE tion, relation, intégration), il existe probablement des hiérarchies différentes selon les populations visées et Revenant à plusieurs reprises sur les relations qui selon le type d'apprentissage considéré. existent entre logiques des organisations et pédagogie, U n chapitre aborde justement cette question de la France Henri et Anthony K a y e préconisent u n différenciation des motifs et des profils d'orientation modèle éducatif dont les valeurs centrales sont la des étudiants. Rédigé par Alistair M o r g a n et Elisaresponsabilité de l'apprenant et son autonomie la plus beth Taylor, le texte tente de mieux servir le procestotale possible. C e modèle est d'ailleurs annoncé des sus de l'apprentissage en le replaçant dans le contexte le début d u livre que l'on déclare exclusivement vécu par l'apprenant. E n effet, « l'apprentissage se consacré à la formation d'adultes à distance. produit toujours dans u n contexte donné [qui] ne se Encore s'agit-il d'adultes dont on ne remet pas a décrit pas indépendamment des apprenants, mais priori en question les capacités d'autonomisation, pas toujours à travers leurs expériences ». C e rôle donné plus qu'on n'évoque les contraintes psychologiques au contexte et l'approche phénoménologique qui sous-tend la méthodologie suivie par ces auteurs ou sociales qui pourraient les empêcher d'exercer pleinement cette autonomie et cette responsabilité. fournissent u n cadre réaliste aux résultats présentés. A cette réserve près, la partie d u livre traitant des D e ces résultats se dégagent trois profils différents axes pédagogiques de la formation à distance apporte d'étudiants, cinq conceptions et deux stratégies de précieux éclairages sur différents aspects parmi d'apprentissage, deux niveaux de compréhension et cinq types de perception des acquis. O n peut regretter lesquels la façon de concevoir u n cours à distance. L e travail d'équipe, nécessité par la conception et que ces travaux, très intéressants sur le plan théola réalisation, oblige à clarifier les valeurs fonda- rique, n'aient pas été poussés plus loin pour mettre mentales qui seront véhiculées dans le cours ; ces en lumière les logiques existant entre les diverses valeurs se cristallisent autour de quatre pôles qui dimensions. D ' u n point de vue purement p h é n o m é déterminent chaque fois des choix précis : il s'agit nologique, il est certain que cette démarche se trouve des choix d'ordre épistémologique (définition des amplement renforcée par la compréhension qu'elle savoirs à transmettre), des choix pédagogiques (défi- donne de chaque étudiant ; mais o n souhaiterait nition des processus d'apprentissage privilégiés), poursuivre, dans une approche plus structurale, la didactiques (définition des concepts et de leurs inter- recherche des correspondances entre profils (c'est-àrelations), médiatiques enfin (définition des types de dire enjeux), conceptions et stratégies d'apprentismédias à utiliser). A travers une démarche plutôt sage, niveaux de compréhension et perception des itérative que linéaire, les négociations entre les m e m - acquis. Cette section consacrée à l'acte pédagogique se bres de l'équipe sur les valeurs relatives aux diffé- Revue de publications termine par une revue et une appréciation comparée des diverses formules d'encadrement. L'auteur, D o minique Abrioux, insiste spécialement sur la nécessité d'un encadrement, car, malgré le postulat d'indépendance, « il faut le reconnaître, l'apprentissage ne se fait pas de façon complètement autonome ». Les degrés et les types d'encadrement varient grandement selon les pays ou les institutions. N e peut-on penser également qu'ils devraient différer selon les élèves, pour lesquels cependant une typologie globale semble encore faire défaut ? LA MISE EN ŒUVRE DES MÉDIAS L a troisième partie de l'ouvrage est consacrée à l'étude de l'élaboration des messages à travers les médias : l'imprimé, l'audiovisuel et la télématique. Au-delà de la délicate question de la spécificité des médias, trois chapitres traitent de l'utilisation adéquate de chacun d'eux. L a domination universelle de l'imprimé s'explique par les multiples qualités de ce média. Il exige cependant une grande structuration des textes, pour laquelle l'auteur, Françoise Landry, propose une intéressante liste de variables et une démarche systématique. Ces variables, au n o m b r e de quatre, rejoignent les quatre pôles de la conception d'un cours tels qu'ils ont été définis plus haut et renvoient aux enjeux déjà cités : la discipline, c'est-à-dire les objectifs d'argumentation ou de démonstration (les questions d'influence) les caractéristiques des étudiants, en particulier leurs acquis et expériences antérieurs (les degrés d'intégration des nouvelles connaissances aux anciennes), enfin les choix pédagogiques (la présentation des textes pour faciliter l'apprentissage). Pour cette dernière variable, Françoise Landry étudie longuement les critères de lisibilité et les divers indices d'accessibilité d'un texte ainsi que les procédés de traitement. U n autre chapitre est consacré à l'audiovisuel. Geneviève Jacquinot dresse u n large panorama des questions qui se posent à son égard. Après avoir vigoureusement retracé l'essentiel d u débat entre technologues et pédagogues, entre iconophobes et partisans de l'audiovisuel, elle établit une liste des types d'apprentissage favorisés particulièrement par ces médias et souligne l'importance du contexte social et disciplinaire pour le choix et l'utilisation de tel ou tel d'entre eux. Cette différenciation des situations, dont on n'a sans doute pas encore suffisamment pris la mesure, a pourtant été abordée, c o m m e le rappelle l'auteur, depuis assez longtemps. D è s 1976, Marquis proposait deux modèles : l'un plus interactif, l'autre plus autonome selon que l'orientation d u cours est davantage à incidence sociale ou plus tournée vers l'acquisition des connaissances. N u l doute que d'autres éléments que le type de cours doivent jouer également dans le choix. D ' o ù la juste remarque de I51 l'auteur : la consommation d'un produit « n'est pas étrangère aux pratiques socioculturelles des individus ». Parler d'effets des médias, de leur spécificité, renvoie à u n système explicatif de causalité linéaire. O r , il s'agit d'un processus où « le problème est moins de savoir ce que les médias font au public, que ce que les publics font des médias ». E n particulier, il s'agirait de savoir c o m m e n t se déroule l'apprentissage dans les divers contextes de formation et, parmi eux, ceux qui incluent l'audiovisuel parmi les supports pédagogiques. Lorsque ces questions seront mieux connues, sans doute l'audiovisuel sera-t-il davantage utilisé et avec plus de succès. Thérèse L a m y clôt l'ouvrage en prônant une télématique conçue c o m m e u n « outil convivial ». Permettant effectivement la mise en réseau, ce média devait forcément tirer vers u n modèle fondé sur les petits groupes et sur la non-institutionnalisation de l'accès au savoir. L'auteur s'oppose à une conception « cartésienne » de l'apprentissage, qui distingue savoir et non-savoir, et s'inspire au contraire d u principe piagétien selon lequel on n'apprend que par u n processus de transformation d u réel. L a conception qu'elle développe repose sur la rencontre, égalitaire, entre pairs, « la participation à la conversation de l'humanité », et donc sur une conception coopérative de la formation. Pour l'auteur, « le postulat fondamental de l'ouvrage, qui est la reconnaissance et le respect de l'autonomie de l'adulte », constitue u n état ultime, non atteint par un grand n o m b r e d'individus. Si l'on fait de la télématique u n outil convivial, celle-ci peut devenir u n outil éducatif, u n outil d'émancipation qui permettra d'atteindre à la véritable autonomie. UN LIVRE RÉSOLUMENT OPTIMISTE D u fait d u m a n q u e d'évaluation systématique des actions de formation à distance, on dispose encore de peu de résultats concernant son efficacité réelle. Malgré cela, et en dépit des difficultés d'ordre économique o u organisationnel qu'elle rencontre, la formation à distance sort de sa marginalité. D a n s u n e visée prospective, ce livre précise les conditions de son développement. Il propose u n modèle dont on appréciera la cohérence, bien qu'il soit composé de contributions rédigées par divers auteurs. C e modèle repose sur l'emploi massif de nouvelles technologies qui apparaissent aux auteurs c o m m e devant favoriser la participation, la coopération, la démocratisation, mais également l'indépendance et l'autonomie des populations visées. C e modèle repose aussi sur une conception h u m a niste de l'éducation. D e l'aveu des auteurs, il se situe plutôt d u côté des « utopistes ». Il a néanmoins le mérite de faire nettement apparaître les liens entre les différents niveaux concernés : le politique, l'économique, l'organisationnel, la pédagogie, les médias, Revue de publications 152 dans une vision complète de ce que peut devenir la formation à distance. U n peu globalisant cependant à certains égards, l'ouvrage ne cherche qu'épisodiquement à mettre en avant la différenciation des publics et des contextes d'apprentissage. L'étudiant tend à devenir une entité quelque peu abstraite, u n apprenant « m o y e n » qu'il conviendrait sans doute de mieux décrire. L a richesse des niveaux d'analyse, la pertinence de certaines pistes ouvertes permettront en tout cas de formuler certaines grandes questions qui resteront à étudier plus avant : les processus d'apprentissage à l'œuvre dans les différents contextes de formation, les liens entre les contextes, les situations et les différents types d'apprenants, publics actuels et à venir de l'enseignement à distance, et, finalement, l'analyse des situations que, souligne-t-on, « les décideurs et les planificateurs dans le domaine de la formation à distance sont m a l préparés à faire ». Qui participera à ces recherches? Quels chercheurs, notamment en France, pourraient poursuivre dans la voie ouverte par cet ouvrage ? Les deux auteurs, en véritables médiateurs, lancent ainsi u n défi qu'il nous appartiendra de relever. Nicole M E R C I E R , Institut pour le développement et l'aménagement des télécommunications et de l'économie, Montpellier (France) Notes i. J. Daniel, M . Stroud, R . Thompson (dir. publ.), Learning at a distance: a world perspective, Edmonton, Athabasca University, I C C E , 1982, 338 p. 2. A . Kaye, G . Rumble (dir. publ.), Distance teaching for higher and adult education, Londres, Croom Helm, 1981, 342 p. 3. N . Mercier, J . - C . Marot, F . Planche. Télématique et enseignement — inventaire d'expériences, Montpellier, I D A T E , 1987, 180 p. 4. N . Mercier, De nouveaux outils pour les téléconférences : les structures de communication de groupe à distance, Montpellier, I D A T E , 1986, 65 p. Publications de l'Unesco : agents de vente ALBANIE : « Ndermarrja e perhapjes se librit », B U L G A R T E : H e m u s , Kantora, Literatura, bd Rousky 6, SoFijA ; Librairie de l'Unesco, Palais populaire TIRANA. de la culture, 1000 SOFIJA. A L G É R I E : Institut pédagogique national, 11, rue AliHaddad, A L G E R . B U R K I N A F A S O : Librairie Attie, B . P . 64, O U A G A D O U - Publications seulement : E N A L , 3 , bd ZiroutYoucef, A L G E R . Périodiques seulement : E N A M E P , G O U ; Librarie catholique « Jeunesse d'Afrique », OUAGADOUGOU. C A M E R O U N : Librairie des éditions Clé, B.P. 1501, Y A O U N D E ; Librairie Saint-Paul, B.P. 763, A L L E M A G N E ( R É P . F E D . ) : S. Karger G m b H , VerY A O U N D E ; Commission nationale de la Répulag Engerhofstr. 9, Postfach 2 , D-8034 G E R M E R I N G / M Ü N C H B N . Pour « Le courrier de l'Unesco » blique du Cameroun pour l'Unesco. B.P. 1600, Y A O U N D E ; Cameroon Book Centre, P.O. Box 123, (éditions allemande, anglaise, espagnole et franL I M B E ; Librairie « Aux messageries », avenue de çaise) : M . Herbert B a u m , Deutscher Unescola Liberté, B.P. 5921, D O U A L A ; Centre de diffusion Kurier Vertrieb, Besalstrasse 57, 5300 B O N N 3. du livre camerounais, B.P. 338, D O U A L A ; Librairie Pour les cartes scientifiques seulement : G E O Center, « Aux frères réunis », B.P. 5346, D O U A L A ; Buma Postfach 800830, 7000 S T U T T G A R T 80. Kor and Co., Bilingual Bookshop, Mvpg-Ada, A N G O L A : Distribuidora Livros e Publicaçôes, B.P. 727, Y A O U N D E . C P 2848, L U A N D A ; Casa Progresso/Secçâo Angola Media, Calcada de Gregorio Ferreira 30, C P 10510, C A N A D A : Renouf Publishing Company Ltd, 61 Sparks Street, O T T A W A , Ontario KiP 5A6. L U A N D A B6. ANTILLES NÉERLANDAISES : Van Dorp-Eddine N . V . , CHILI : Editorial Universitaria S.A., Departamento P.O. Box 200, W I L L E M S T A D (Curaçao, N . A . ) . de Importaciones, M . Luisa Santander 0447, casilla 10220, SANTIAGO ; Editorial Andrés Bello, ARABIE SAOUDITE : Dar al-Watan for Publishing and Av. R . Lyon 946, casilla 4256, SANTIAGO DE CHILE. Information, Olaya Main Street, Ibrahim Ben Sulaym Building, P.O. Box 3310, R I Y A D H . CHINE : China National Publications Import and Export Corporation, P.O. Box 88, BEIJING. ARGENTINE : Librería El Correo de la Unesco, Edilyr, S.R.L.,Tucumán 1685,1050 BUENOS AIRES. C H Y P R E : « M A M », Archbishop Makarios 3rd AveAUSTRALDÎ : Livres : Educational Supplies Pty. nue, P . O . Box 1722, NICOSIA. C O L O M B I E : Instituto Colombiano de Cultura (ColLtd., P . O . Box 33, BROOKVALE 2100, N . S . W . cultura), carrera 3A, n° 18/24, B O G O T Á ; Limes : Périodiques : Dominie Pty., Subscriptions Dept., Librería Buchloz Galería, avenida Jiménez de P . O . B o x 33, B R O O K V A L E 2100, N . S . W . SousQuesada 8-40, B O G O T Á . agents : United Nations Association of Australia, P . O . Box 175, 5th Floor, Ana House, 28 Elizabeth C O M O R E S (Rép. féd. islamique) : Librairie Masiwa, Street, M E L B O U R N E 3000 ; Hunter Publications, 4, rue Admed-Djoumoi, B.P. 124, M O R O N I . 58A Gipps Street, C O L L I N G W O O D , Victoria 3066. C O N G O : Commission nationale congolaise pour l'Unesco, B.P. 493, BRAZZAVILLE ; Librairie Maison A U T R I C H E : Gerold and C o . , Graben 31, A - i o n de la Presse, B.P. 2150, BRAZZAVILLE ; Librairie WIEN. Populaire, B.P. 577> BRAZZAVTLLE. B A H A M A S : Nassau Stationers Ltd., P . O . Box N 3138, COSTA RICA : Livres : Librería Cooperativa UniNASSAU. versitaria, Ciudad Universitaria Rodrigo Fació, B A N G L A D E S H : Bangladesh Books International Ltd., S A N JOSÉ. Périodiques : Librería Trejas SA, AparIttefaq Building, I . R . K . Mission Road, Hatkhola, 20, rue de la Liberté, A L G E R . D A C C A 3. tado 1313, S A N JOSÉ. B A R B A D E S : University of the West Indies Bookshop, Cave Hill Campus, P . O . Box 64, B R I D G E T O W N . B E L G I Q U E : Jean D e Lannoy, 202, avenue du Roi, CÔTE-D'IvorRE : Les Presses de l'Unesco, Commission nationale ivoirienne pour l'Unesco, 01 BP V 297, 1060 B R U X E L L E S . B É N I N : Librairie nationale, B . P . 294, P O R T O N O V O ; C U B A : Ediciones cubanas, O'Reilly n° 407, L A Ets Koudjo G . Joseph, B . P . 1530, C O T O N O U J Librairie Notre-Dame, B.P. 307, C O T O N O U . B I R M A N I E : Trade Corporation no. (9), 550-552 Merchant Street, R A N G O O N . BOLIVIE : Los Amigos del Libro, casilla postal 4415, L A P A Z ; avenida de las Heroínas 3712, casilla 450, COCHABAMBA. B O T S W A N A : Botswana Book Centre, P . O . Box 91, D A N E M A R K : Munksgaard Export and Subscription Service, 35 N0rre S0gade, D K 1370 K O B E N - GABORONE. B R É S I L : Fundaçâo Getúlio Vargas, Serviço de Publicaçôes, C P 9.052-ZC-05, Praia de Botafogo 188, Río DE JANEDIO (RJ). ABU)JAN 01. HABANA. HAVN K . EGYPTE : Unesco Publications Centre, 1 Talaat Harb Street, CAIRO. ÉMIRATS ARABES UNIS : Maktabat al-Maktaba, P . O . Box 15408, Al-Aîn, A B U D H A B I . E Q U A T E U R : Toutes les publications : Casa de la Cultura Ecuatoriana, Núcleo del Guayas, Pedro Moncayo y 9 de Octubre, casilla de correos 3542, G U A Y A Q U I L ; Casa de la Cultura Ecuatoriana, Avenida 6 de Diciembre N . ° 794J casilla 74> Q U I T O . Pério- diques seulement : Dinacur Cia. Ltda., Santa Frisca I N D E : Orient L o n g m a n Ltd : Kamani M a r g . Ballard Estate, B0MBAY-400038 ; 17 Chittaranjan N . ° 269 y Pasaje San Luis, Ofic. 101-102, casilla Avenue, C A L C U T T A 13 ; 36A A n n a Salai, M o u n t 112-B, Q U I T O , y avenida 6 de Diciembre N . ° 794, Road, M A D R A S 2 ; 5-9-41/1 Bashir Bagh, H Y D E casilla 74, Q U I T O ; Livres : Nueva Imagen, 12 de R A B A D 500001 (AP) ; 80/1 M a h t m a Gandhi Road, Octubre y Roca, Edificio Mariano de Jesus, Q U I T O . BANGALORE-560001. Sous-dépôts : Oxford Book E S P A G N E : Mundi-Prensa Libros S.A., apartado 1223, and Stationery C o . , 17 Park Street, CALCUTTA Casteüó 37, M A D R I D - I ; Ediciones Liber, apar700016 ; Scindia House, N E W D E L H I IIOOOI ; tado 17, Magdalena 8, O N D A R R O A (Vizcaya) ; Publications Section, Ministry of Education and Donaire, Ronda de Outerio 20, apartado de corSocial Welfare, 511, C - W i n g , Shastri Bhavan, reos 341, L A C O R U N A ; Livres : Librería Castells, N E W D E L H I IIOOOI. Ronda Universidad 13 y 15, B A R C E L O N A 7. É T A T S - U N I S D ' A M É R I Q U E : Unipub. 205 East 42nd St., INDONÉSIE : Bhratara Publishers and Booksellers, 29 Jl. Oto Iskandardinata III, J A K A R T A ; InN E W Y O R K , N . Y . 10017. Commandes de livres et de périodiques : P . O . Box 1222, A N N A R B O R M I 48106. dira P . T . , Jl. Dr Sam Ratulangi 37, JAKARTA PUSAT. ETHIOPIE : Ethiopian National Agency for Unesco, I R A N : Commission nationale iranienne pour l'Unesco, P.O. Box 2996, A D D I S A B A B A . 1188 Enghelab avenue, Rostam Give Building, F I N L A N D E : Akateeminen Kirjakauppa, Keskuskatu 1, P . O . Box 11365-4498, 13158 T É H É R A N . SF0010 H E L S I N K I 10; Suomalainen Kirjakauppa I R L A N D E : Périodiques : T h e Educational Company Oy, Koivuvaarankuja 2, 01640 V A N T A A 64. of Ireland Ltd., P . O . Box 43a, Walkinstown, D U F R A N C E : Librairie de l'Unesco, 7, place de Fontenoy, B L I N , 12. 75700 PARIS ; Unesco U P P / V - i , rue Miollis, 75015 ISLANDE : Snaebjörn Jonsson & C o . , H . F . , T h e PARIS. English Bookshop, Hafnarstraeti 9, REYKJAVIK. G A B O N : Librairie Sogalivre, à L I B R E V I L L E , P O R T G E N T I L et F R A N C E V I L L E ; Librairie Hachette, ISRAËL : Steimatsky Ltd., Literary Transactions, Inc., B.P. 3923, LIBREVILLE. Citrus House, 22 Harakevet Street, P . O . Box 628, T E L Aviv. G H A N A : Livres : Presbyterian Bookshop Depot Ltd., P . O . Box 195, A C C R A ; Ghana Book Suppliers Ltd., ITALIE : Licosa (Librería Commissionaria Sansoni S.p.A.) via Lamarmora 45, casella postale 552, P . O . Box 7869, A C C R A ; T h e University Bookshop 50121 F I R E N Z E , et via Bartolini 29,20155 M I L A N O ; of Ghana, A C C R A ; T h e University Bookshop of F A O Bookshop, Via délie Terme di Caracalla, Cape Coast ; T h e University Bookshop of Legon, P . O . Box 1, L E G O N . Périodiques : Fides Enter- 00100 R O M A ; I L O Bookshop, Corso Unità d'Italia, 125, T O R I N O . prises, P . O . Box 14129, A C C R A . G U A D E L O U P E : Librairie Carnot, 59, rue Barbes, J A M A H D U Y A A R A B E L I B Y E N N E : Agency for Development of Publication and Distribution, P . O . Box 3497100 P O I N T E - À - P I T R E . 35, T R I P O L I . G R È C E : Librairie H . K a u f m a n n , 28, rue du Stade, A T H È N E S ; Librairie Eleftheroudakis, Nikkis 4, JAMAÏQUE : Périodiques : Sangster's Book Stores Ltd., A T H È N E S ; Commission nationale hellénique pour P . O . Box 366, 101 Water Lane, K I N G S T O N ; Unil'Unesco, 3, rue Akadimias, A T H È N E S ; John Mihaversity of the West Indies Bookshop, M o n a , K I N G lopoulos and Son, 75, Hermou Street, P . O . Box 73 STON 7. THESSALONIQUE. JAPON : Eastern Book Service, Inc., 37-3 Hongo G U A T E M A L A : Comisión Guatemalteca de Coopera3-chomo Bunkyo-ku, T O K Y O 113. ción con la Unesco, 3. a avenida 13-30, zona 1, JORDANIE : Jordan Distribution Agency, P . O . B . 375, apartado postal 244, G U A T E M A L A . A M M A N . Périodiques : Jordan Book Centre P . O . G U I Ñ E E : Commission nationale guinéenne pour Box 301, Al Jubeiha, A M M A N . l'Unesco, B.P. 964, CONAKRY. H A Ï T I : Librairie « A la Caravelle », 26, rue Roux, B.P. in, PORT-AU-PRINCE. H O N D U R A S : Librería Navarro, 2. a avenida N . ° 201, Comayaguela, T E G U C I G A L P A . H O N G K O N G : Federal Publications ( H K ) Ltd., 2 D Freder Centre, 68 Sung W o n g Toi Road, Tokwawan, K O W L O O N ; Swindon Book C o . , 13-15 Lock Road, K O W L O O N ; Hong Kong Government Informations Services, Publications Section. Périodiques : Beaconsfield House, 6th Floor, Queen's Road Central, VICTORIA. H O N G R I E : Kultura-Buchimport-Abt.,P.O.B. 149-H1389, B U D A P E S T , 62, K E N Y A : East African Publishing House, P.O. Box 30571, NAIROBI ; Africa Book Services Ltd., Quran House, Mfangano St., P . O . B . 45245 NAIROBI. K O W E Ï T : The Kuwait Bookshop Co. Ltd., P . O . Box 2942, K U W A I T . L E S O T H O : Mazenod Book Centre, P.O. Mazenod, MASERU. LIBAN : Librairies Antoine A . Naufal et Frères, B.P. 656, BEYROUTH. LIBÉRIA : National Bookstore, Mechlin and Carey Streets, P.O. Box 590, M O N R O V I A . LIECHTENSTEIN : Eurocan Trust Reg., P.O. 9494 SCHAAN. Box 5, L U X E M B O U R G : Livres : LibrairiePaul Brück, 22, GrandRue, L U X E M B O U R G . Périodiques : Messageries Paul Kraus, B.P. 2022, L U X E M B O U R G . M A D A G A S C A R : Commission nationale de la Républi que démocratique de Madagascar pour l'Unesco, B.P. 331, A N T A N A N A R I V O . MALAISIE : Federal Publications San. Bhd., Lot 8238 Jalan 222, Petaling Java, S E L A N G O R ; University of Malaya Co-operative Bookshop, K U A L A L U M PUR 22-11. M A L A W I : Malawi Book Service, Head Office, P . O . Box 30044, Chichiri, BLANTYRE 3. M A L I : Librairie populaire du Mali,P.B. 28, B A M A K O . M A L T E : Sapienzas, 26 Republic Street, VALLETTA. M A R O C : Librairie « Aux belles images », 282, av. M o hammed-V, R A B A T ; Librairie des Écoles, 12, av. Hassan-II, CASABLANCA ; Société chérifienne de distribution et de presse, SOCKEPRESS, angle rues de Dinant et Saint-Saëns, B.P. 683, CASABLANCA 05; Commission nationale marocaine pour l'Unesco, 19, rue Oqba, B . P . , R A B A T A G D A L . MARTINIQUE : Hatier Martinique, 32, rue Schoelcher, B.P. 188, 97202 FORT-DE-FRANCE. M A U R I C E : Nalanda Co. Ltd., 30, Bourbon Street, PORT-LOUIS. MAURITANIE : G R A . L I . C O . M A , 1, rue du Souk-X, av. Kennedy, N O U A K C H O T T . M E X I Q U E : Librería « El Correo de la Unesco », Actipán 66 (Insurgentes/Manacar), Colonia del Valle, M E X I C O 12 D . F . M O N A C O : British Library, 30, boulevard des M o u lins, M O N T E - C A R L O . M O Z A M B I Q U E : Instituto Nacional do Disco e do Livro (INDL), avenida 24 de Julho 1921, r/andar, M A PUTO. N É P A L : Sajha Prakashan, Polchowk, K A T H M A N D U . NICARAGUA : Librería Cultural Nicaragüense, calle 15 de Septiembre y avenida Bolívar, apartado 807, M A N A G U A ; Librería de la Universidad Centroamericana, apartado 69, M A N A G U A . Trade Centre, Mulgrave Street (Head Office), Mail Orders, Private Bag, W E L L I N G T O N ; Retail, 159 Hereford Street, Mail Orders, Private Bag, CHRISTCHURCH ; Retail, Princes Street, Mail Or- ders, P . O . Box 1104, D U N E D I N . O U G A N D A : Uganda Bookshop, P.O. Box 7145, K A M - PALA. PAKISTAN : Mirza Book Agency, 65 Shahrah Quaid-iA z a m , P . O . Box 729, L A H O R E ; Unesco Publications Centre, R O B D A P , P . O . Box 8950, K A R A C H I 29. P A N A M A : Distribuidora Cultura Internacional, apartado 7571, zona 5j P A N A M A . PAYS-BAS : Livres : Keesing B . V . , Hogehilweg 13, P . O . B . 1118, 1000 B C A M S T E R D A M . Périodiques : D & N Faxon B . V . , Postbus i97j 1000 A D AMSTERDAM. P É R O U : Librería Studium, Plaza Francia 1164, apartado 2139, L I M A ; Librería La Familia, Pasaje Peñaloza 112, apartado 4199, L I M A . PHILIPPINES : National Book Store Inc., 701 Rizal av., MANILA. P O L O G N E : Ars Polona-Ruch, Krakowskie Przedmiestcie 7, 00-068 W A R S Z A W A ; ORPAN-Import, Palac Kultury, 00901 W A R S Z A W A . PORTUGAL : Dias & Andrade Ltda., Livraria Portugal, rua do Carmo 70-74,1117 LISBOA. RÉPUBLIQUE ARABE SYRIENNE : Librairie Sayegh, im- meuble Diab, rue du Parlement, B.P. 704, D A M A S . RÉPUBLIQUE DE C O R É E : Korean National Commission for Unesco, P.O. Box Central 64, SEOUL. RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE A L L E M A N D E : Buchexport, Leninstrasse 16, 700 LEIPZIG. RÉPUBLIQUE DOMINICAINE : Librería Blasco, avenida Bolívar N . ° 402, esq. Hermanos Deligne, S A N T O DOMINGO. RÉPUBLIQUE-UNIE DE TANZANIE : Dar es-Salaam Bookshop, P.O. Box 9030, D A R ES-SALAAM. R O U M A N I E : Artexim-Export/Import, Piata Scienteii no. 1, P . O . Box 33-16, BUCURESTI. R O Y A U M E - U N I : H M S O , P . O . Box 276, L O N D O N S W 8 5 D T ; Government bookshops : London, Belfast, Birmingham, Bristol, Edinburgh, Manchester ; NIGERIA : The University Bookshop of Ife ; The Third World Publications, 151 Stratford Road, University Bookshop of Ibadan, P . O . Box 286, B I R M I N G H A M B I I I R D . Pour les cartes scientifiques : IBADAN ; The University Bookshop of Nsukka ; McCarta Ltd, 122 King's Cross Road, L O N D O N The University Bookshop of Lagos ; The Ahmadu W C i X 9DS. Bello University Bookshop of Zaria. N O R V È G E : Johan Grundt Tanum Bokhandel A / S , SÉNÉGAL : Librairie Clairafrique, B.P. 2005 DAKAR ; Librairie des Quatre-Vents, 91, rue Blanchot, P.O. Box 1177, Sentrum, O S L O I ; UniversitetsB.P. 1820, D A K A R . bokhandelen, Universitetssentret, Postboks 307, : N e w Service Ltd., Kinstate House, P.O. Blindera, Oslo 3. Périodiques : Narvesens A / SSEYCHELLES , Box 131, M A H É ; National Bookshop, P.O. Box 48, P.O. Box 6125, Etterstad, O S L O 6. MAHÉ. NOUVELLE-CALÉDONIE : Reprex S A R L , B.P. 1572, SIERRA L E O N E : Fourah Bay, Njala University ; Sierra NOUMÉA. Leone Diocesan Bookshops, F R E E T O W N . NOUVELLE-ZÉLANDE : Government Printing Office Bookshops : Retail Bookshop, 25 Rutland Street, SINGAPOUR : Righteous Enterprises, P . O . Box 562, Mail Orders, 85 Beach Road, Private Bag C . P . O . , Kallang Basin Post Office, SINGAPORE 9133A U C K L A N D ; Retail Ward Street, Mail Orders, SOMALIE : Modern Book Shop and General, P . O . P.O. Box 857, H A M I L T O N ; Retail, Cubacade World Box 951, M O G A D I S C I O . N I G E R : Librairie Mauclert, B.P. 868, N I A M E Y . ZAIRE : S O C E D I , B.P. 165-69, KINSHASA ; Commission nationale zaïroise pour l'Unesco, Commissariat d'État chargé de l'Éducation, B . P . 32, K I N S H A S A . SRI L A N K A : Lake House Bookshop, Sir ChittamZ A M B I E : National Educational Distribution C o . of palam Fardiner M a wa ta, P . O . Box 244, C O L O M B O 2. S U È D E : Toutes les publications : A / B C . E . Fritzes Zambia Ltd, P . O . Box 2664, L U S A K A . Kungl. Howbokhandel, Regeringsgatan 12, Box Z I M B A B W E : Textbook Sales (PVT) Ltd., 67 Union 16356, S-103 27 S T O C K H O L M 16. Pour les périodiques Avenue, H A R A R E . seulement : Wennergren-Williams A B , Box 30004, S-104 25 S T O C K H O L M . Pour «Le courrier de l' Unesco » seulement : Svenka FN-Förbundet Skolgränd 2 , SOUDAN : Al-Bashir Bookshop, P . O . Box in8j KHARTOUM. Box 150 50, S-104 65 S T O C K H O L M . SUISSE : Librairies Payot à Genève, Lausanne, Bâle, Berne, Vevey, Montreux, Neuchâtel, Zurich ; E u ropa Verlag, Ramistrasse 5, C H 8024 Z Ü R I C H . S U R I N A M E : Suriname National Commission for Unesco, P . O . Box 2943, P A R A M A R I B O . T C H A D : Librairie Abssounout, 24, av. Charles-deGaulle, B . P . 388, N ' D J A M E N A . T C H É C O S L O V A Q U I E : S N T L , Spalena 51, 113-02 P R A H A 1, Artia, V e Smeckach 30, P . O . Box 790, 111-27, P R A H A . Pour la Slovaquie seulement : Alfa Verlag, Hurbanovo, n a m 6, 893-31 BRATISLAVA. P N S - U E D , Jindrisska 14, P R A H A I. Slovart, Gottwaldovo N a m 6, 805 32 BRATISLAVIA. T H A Ï L A N D E : Nibondh and C o . Ltd., 40-42 Charoen Krung Road, Siyaeg Phaya Sri, P . O . Box 402, B A N G K O K ; Suksapan Panit, Mansion 9, Rajdamnern Avenue, B A N G K O K ; Suksit Siam Company, 1715 R a m a IV Road, B A N G K O K . TOGO : Librairie évangélique, B . P . 378, L O M É ; Librairie du Bon-Pasteur, B . P . 1164, L O M É ; Librairie universitaire, B.P. 3481, L O M É . T R I N I T É - E T - T O B A G O : National Commission for Unesco, 18 Alexandra Street, St Clair, T R I NIDAD W . I . T U N I S I E : Société tunisienne de diffusion, 5, avenue de Carthage, T U N I S . T U R Q U I E : Haset Kitapebi A . S . , Istiklâl Caddesi n° 469, Posta Kutusu 219, Beyoglu, I S T A N B U L . U R S S : Mezdunarodnaya Kniga, ul. Dimitrova 39, MOSKVA 113095. U R U G U A Y : Uruguay-Ediciones Trecho S . A . , M a l donado 1092, MONTEVIDEO. V E N E Z U E L A : Librería del Este, avenida Francisco de Miranda 52, Edificio Galipán, apartado 60337, CARACAS : D I L A E C A . , A L F A D I L EDICIONES S.A., Avenidas Los Mangos, Las Delicias, Edf. Dilae, Apartado 50304, Sabana Grande, CARACAS. C R E S A L C , Apartado Postal 62090, Edificio « Asovincar », Av. Los Chorras cruce calle Acueducto Altos de Sebucán, CARACAS 1060 A . Y E M E N (RÉPUBLIQUE DÉMOCRATIQUE) : 14th October Corporation, P . O . Box 4227, A D E N . YOUGOSLAVIE : Nolit, Terazije 13/VIII, nooo B E O GRAD ; Cancarjeva Zualozba, Zopitarjeva n° 2, 61001 LJUBLJANA; Mladost, Ilica 30/11, ZAGREB. Périodiques : Jugoslovena Kniga, P . O . Box 36, Yu 11001 B E O G R A D . Bulletins d'abonnement perspectives V o u s pouvez également envoyer le bon de c o m m a n d e à l'Unesco, U P P / V ) 1, rue Miollis, 75015 Paris (France), en y joignant la s o m m e correspondante sous forme de bons internationaux de livres Unesco, de mandat-poste international o u de chèque libellé en une monnaie convertible quelconque. P O U R vous A B O N N E R à l'édition anglaise, espagnole, arabe o u française de Perspectives, il vous suffit de remplir la formule ci-dessous et de l'envoyer par la poste, accompagnée d'un chèque ou d'un mandat dans votre monnaie nationale, à l'agent de vente pour votre pays dont l'adresse figure dans la liste donnée en fin de n u m é r o (pour connaître le tarif de l'abonnement dans votre monnaie nationale, consultez l'agent de vente). A l'agent de vente pour m o n pays (ou à l'Unesco, Service Ventes-Périodiques, U P P / V , i, rue Miollis, 75015 Paris, France) : Je désire souscrire u n abonnement à Perspectives (4 numéros par an). • Édition anglaise • Édition arabe • D Édition française Édition espagnole • i a n : 100 francs français (frais de port inclus) Ci-joint la s o m m e de (Pour connaître le tarif de l'abonnement en monnaie locale, consultez l'agent de vente pour votre pays.) Nom Adresse (Prière d'écrire à la machine ou en majuscules d'imprimerie) Signature A l'agent de vente pour m o n pays (ou à l'Unesco, Service Ventes-Périodiques, U P P / V , 1, rue Miollis, 75015 Paris, France) : Je désire souscrire u n abonnement à Perspectives (4 numéros par an). Q Édition anglaise • i a n : 100 francs français (frais de port inclus) O Édition arabe D Édition française D Édition espagnole Ci-joint la s o m m e de (Pour connaître le tarif de l'abonnement en monnaie locale, consultez l'agent de vente pour votre pays.) Nom Adresse (Prière d'écrire i la machine ou en majuscules d'imprimerie) Signature Dans les numéros précédents Vol. X V I I , n° 2, 1987 (62) Jalons POSITIONS/CONTROVERSES Peter Mittler L a collaboration parents-enseignants d'enfants handicapés : une nécessité You K. Babansky L a modernisation des méthodes de recherche pédagogique en U R S S DOSSIER L'ILLETTRISME D A N S LES PAYS INDUSTRIALISÉS : SITUATION ET ACTIONS Eugen Brand L'illettrisme dans les pays industrialisés Denis Kallen Échec et mauvais résultats scolaires : les nouveaux illettrés Tamas Terestyéni U n e enquête sur le rôle de l'écrit dans la communication culturelle en Hongrie Wolfgang Kreft Méthodes et matériel pédagogiques d'alphabétisation des adultes en R F A Jean-François Chosson Illettrisme et insertion professionnelle des jeunes en milieu rural en France Bendt Petersen Activités spéciales d'alphabétisation dans l'armée danoise Alan Wells Alphabétisation des adultes : son impact sur les jeunes au Royaume-Uni Józef Pólturzycki Être alphabétisé et le rester : l'expérience polonaise Jack C. Pearpoint « Frontier College » : ses activités d'alphabétisation depuis 1899 TENDANCES ET CAS Ibrahim Alladin L'Université de Maurice : contexte, évolution Joan Guitart i Agell L a normalisation linguistique de l'enseignement en Catalogne Vol. X V I I , n° 3, 1987 (63) Jalons POSITIONS/CONTROVERSES Gerhart Neuner Formation générale et disciplines d'enseignement DOSSIER L'INFORMATIQUE DANS L ' É D U C A T I O N I : Q U E L Q U E S P O I N T S CLÉS Tibor Vamos Éducation et informatique : priorité à l'homme George J. Papagiannis et Sande Milton L ' « alphabétisation » informatique au service du développement : une métaphore évolutive Jamesine Friend L'ordinateur dans l'enseignement : une rétrospective perspectives Dave F. Seweïl et David R. Rotheray Les applications de l'ordinateur dans l'enseignement Roland Lauterbach et Karl Frey Les logiciels éducatifs : bilan et perspectives Ben-Zion Barta L a formation des personnels de l'éducation à l'ère de la technologie de l'information Ed Jacobsen L e micro-ordinateur dans l'enseignement des mathématiques et des sciences : possibilités et défis Jonathan Anderson L'apprentissage des langues et l'ordinateur Paul Hurst Application de la micro-informatique à la gestion de l'éducation Jean-Claude Eicher Les coûts des nouvelles technologies de l'information dans l'éducation : que savons-nous ? TENDANCES ET CAS Olga Mitrofanova et Yulia Decherieva La langue maternelle : sources, limites et perspectives Vol. X V I I , n° 4 , 1987 (64) Jalons POSITIONS/CONTROVERSES George Vaideanu L'interdisciplinarité dans l'enseignement : un essai de synthèse Joào Batista Araujo e Oliveira O ù va l'enseignement supérieur en Afrique occidentale francophone ? DOSSIER L'INFORMATIQUE DANS L'ENSEIGNEMENT II. EXPÉRIENCES ET PROJETS Henri Dieuzeide Informatique et éducation : l'expérience française Haruo Nishinosono L'informatique dans l'enseignement général : le plan japonais Fidel Oteiza M . Informatique et éducation : la situation en Amérique latine Dragan Vasic L'enseignement de l'informatique au niveau primaire : une expérience en Serbie Andrei Petrovitch Ershov L'informatique, nouvelle matière dans l'enseignement secondaire en U R S S Benjamin M . Makau et Brian Wray L e microordinateur dans l'éducation : une expérience kényenne Kamal Datta L'informatique dans les écoles secondaires indiennes : le projet C L A S S Ferenc Papp L'ordinateur dans l'enseignement des langues étrangères : la recherche en Hongrie Mariel Leclerc, Louise Dubuc, Yves Bégin Évaluation de logiciels éducatifs au Canada TENDANCES ET CAS Richard Noonan et Jacques Hallak Les unités d'enseignement multi-âges dans les pays en développement