Institut d’Etudes Politiques de Toulouse Mémoire présenté par Clémence Lachater Directeur du mémoire : M. Nicolas Foucras, professeur au Tecnológico de Monterrey Année universitaire 2012/2013 Thème : Perspective de genre et processus de migration de retour au Mexique : la migration comme facteur d’empowerment des femmes Institut d’Etudes Politiques de Toulouse Mémoire professionnel presenté par Clémence Lachater Directeur du mémoire : M. Nicolas Foucras, professeur au Tecnológico de Monterrey Année universitaire 2012/2013 Thème : Perspective de genre sur la migration de retour au Mexique : la migration comme facteur d’empowerment des femmes Je tiens à remercier M. Foucras, professeur au Tecnológico de Monterrey pour sa disponibilité et son aide à l’élaboration de ce mémoire. Mes remerciements vont aussi à Mme. Ofelia Woo, chercheuse de l’université de Guadalajara et membre du Collège de la Frontière Nord. Je tiens aussi à remercier l’équipe de l’organisation IMUMI (Institut des Femmes dans la Migration) pour son aide et plus particulièrement Victoria Kline. Avertissement : l’IEP de Toulouse n’entend donner aucune approbation, ni improbation dans les mémoires professionnels. Ces opinions doivent être considérées propres à leur auteur. Abréviations CAMyF: Centro de atención a Migrantes y sus Familias COLEF: el Colegio de la Frontera CIESAS: Centro de Investigaciones y Estudios Superiores en Antropología Social DIF: Desarrollo Integral de la Familia IMUMI: Instituto de las Mujeres en la Migración A.C IMSS: Instituto Mexicano del Seguro Social SEGOB: Secretaria de Gobierno SRE: Secretaria de Relaciones Exteriores UNAM: Universidad Nacional Autónoma de México WASP: White Anglo Saxon Protestants Sommaire Introduction Chapitre I- Les migrations internationales féminines d’origine mexicaine : causes ou conséquences des évolutions des rapports de genre ? Section A- Histoire des femmes mexicaines dans la migration aux Etats-Unis Section B- Le retour : mythe et réalités Section C- Une prise en compte du genre dans les politiques d’accueil des migrants de retour ? Chapitre II- Les conditions du retour Section A- L’intégration au marché du travail aux Etats-Unis, facteur d’amélioration du capital humain féminin ? Section B- La communauté transnationale : une « communauté imaginée » ? Section C- La stratégie de retour, une négociation familiale entre genre et génération Chapitre III- Les changements socioculturels induits par la migration de retour féminine ou une perception de changements socioculturels Section A- L’éducation comme source principale de reproduction du modèle patriarcal Section B- Sexualité et santé reproductive Section C- La participation politique des femmes migrantes de retour : conscience féministe ou « soumission désenchantée » « En Californie mon époux est comme un papillon (dans le sens de sensible, doux, responsable). De retour au Mexique, il prend ses distances et agit comme un macho ». Témoignage d’une femme migrante de retour au Mexique in Gender and US immigration, contemporary trends, Pierrette Hondagneu-Sotelo, University of California Press, 2003 Introduction a- La démarche de définition du sujet Ce mémoire a pour sujet le retour des femmes mexicaines ayant émigré aux Etats-Unis. Il cherche entre autres à analyser les changements socioculturels à l’intérieur des familles et de la société en général afin de déterminer si la participation des femmes au processus de migration donne lieu à une meilleure répartition des pouvoirs entre sexes. L’idée est aussi de considérer un nouveau sujet, l’impact de la migration de retour en dehors des schèmes traditionnels d’étude de la migration qui se concentrent sur les approches économiques et politiques. A partir de l’idée d’étudier la migration mexicaine aux Etats-Unis, nous nous sommes concentrés sur l’étude de la migration en y incluant la perspective de genre. L’étude de la migration féminine selon une perspective de genre est relativement récente à l’échelle internationale. Carmen Gregorio Gill1 de montrer que jusque dans les années 1960 la migration féminine est perçue comme un miroir de la migration masculine. Nul besoin d’étudier le phénomène per se. Au début des années 1970, les premiers travaux démontrent que les hommes migrent pour raisons économiques et les femmes pour raisons sociales. Puis toujours dans les années 1970, se développe la perspective historico-culturelle selon laquelle la migration est due aux changements des systèmes productifs et des relations sociales. Ce courant marxiste accuse le système capitaliste global et la division internationale du travail (entre économies centres et économies périphéries) d’être responsables des migrations. La migration féminine s’explique par la position même des femmes dans la structure sociale et dans le système économique international. Un troisième modèle théorique fait son apparition à partir des critiques des deux premiers. Ce modèle structure l’étude de la migration autour de la stratégie du groupe domestique dans un contexte international. Malgré la persistance de certains auteurs à utiliser ce modèle, il est dorénavant vivement critiqué. En effet avec la différenciation des migrations féminines associatives (familiales) et autonomes faite par Ivonne Szas dans Mujer, Género y población en Mexico2, le mythe de l’homogénéité familiale est détruit. En effet, aujourd’hui la majorité des chercheurs estiment que c’est la trajectoire de vie et ses changements qui conditionnent la migration. Cette perspective permet d’envisager la famille comme une entité changeante tout au long de la vie de ses membres. La migration dépend donc des configurations familiales diverses mais aussi de la sortie du foyer paternel, de l’entrée sur le marché du travail, du mariage ou du décès du conjoint. Les différences de genre dans la propension à migrer sont donc liées aux trajectoires de vie. Selon Pierrette Hondagneu-Sotelo3, la perspective antérieure, qui considérait le foyer comme entité homogène, omettait plusieurs paramètres. Au sein d’un foyer 1 Gregorio Gill Carmen, Migración femenina, Su impacto en las relaciones de género, Madrid, Editions Narcea,1998 2 Garcia Brigida (sous coordination), Mujer, Género y población en México, Mexico, El Colegio de Mexico sociedad mexicana de demografía, 2000 3 Hondagneu-Sotelo Pierrette, Gendered Transitions, Mexican Experiences of Immigration, Los Angeles, University of California Press, 1994 familial les intérêts multiples, les hiérarchies de pouvoir, la distribution inégale des ressources et les capacités individuelles des membres à prendre des décisions génèrent des négociations constantes entre ces derniers. Dans un second temps, nous avons précisé le thème général de migration et perspective de genre en choisissant la migration de retour. C’est en réalité un article de Françoise Lestage intitulé « Circulation des populations et processus de reconstruction socioculturelle sur la frontière mexicoétats-unienne »4 traitant des impacts socioculturels de la migration féminine de retour dans une communauté indigène de l’Etat de Oaxaca qui nous a aidés dans ce processus. L’approche de l’auteure explique comment la langue, les costumes traditionnels mais aussi les habitudes alimentaires de toute la communauté ont été modifié avec le retour de femmes migrantes. Ajoutons à cela que, plus que l’originalité de l’approche c’est la réflexion générale sur l’évolution des rapports de genre qui a su attiré mon attention. Cependant la littérature sociologique et anthropologique sur la migration féminine de retour est quasi inexistante. En effet les auteurs partent du constat que les femmes, à l’inverse des hommes, ont tendance à souhaiter une immigration plus longue voire définitive aux Etats-Unis. Les auteurs attribuent cette volonté au fait que la migration permet aux femmes d’entrer sur le marché du travail, c’est-à-dire de « s’émanciper » en quelques sortes de la tutelle masculine et surtout de sortir de la sphère privée. A contrario, les chercheurs identifient le phénomène inverse chez les migrants mexicains de sexe masculin. En effet, il semblerait que les hommes migrants ne puissent pas satisfaire leurs besoins de reconnaissance sociale dans le pays de destination ce qui renforce leur appartenance au lieu d’origine. Vient renforcer ce sentiment leur position sur le marché du travail aux Etats-Unis ainsi que la discrimination raciale et sociale dont ils sont parfois les objets. En résumé les migrants mexicains aux Etats-Unis perdent de l’influence dans la sphère publique. De plus, il nous a été possible de constater que les études de genre sur la migration féminine se réalisent selon le schéma essentialiste critiqué par Bourdieu. Si les femmes migrantes ont accès à la sphère publique, leur domaine de prédilection reste la sphère privée. Certains auteurs identifient la construction de l’identité féminine à la recherche de stabilité du groupe familial. Les thèmes abordés 4 Lestage Françoise, « Circulation des populations et processus de reconstruction socioculturelle sur la frontière mexicoétats-unienne »4 in Guerassimoff Eric (sous direction), Migrations internationales, mobilités et développement, Paris, 2004. lors de l’étude du processus de migration féminine se confinent à la famille, la santé, l’éducation des enfants et la prise en charge des personnes âgées. En résumé, la majorité des auteur(e)s qui traitent de la question de la migration féminine ont une approche essentialiste de la question du genre. Une des difficultés rencontrées pour l’élaboration de ce mémoire réside justement dans le fait que l’information sur l’implication des femmes dans la sphère publique, notamment en politique, est moindre. De plus, lorsque la majorité des auteurs étudient la migration sous une perspective féminine et non pas de genre. Si des thèmes tels que l’asymétrie de pouvoir, les effets du travail féminin ou encore la possibilité d’« empoderamiento »sont abordés, les visions masculines sont la plupart du temps exclues. C’est donc à partir de ce constat que se définit la problématique de ce mémoire. Il tente de discerner l’influence de la migration sur l’évolution des rapports de genre au Mexique et cherche à proposer des pistes d’étude de la perspective de genre dans le processus de migration de retour. b- La problématique L’étude des rapports de genre dans la migration mexicaine aux Etats-Unis est très récente pour preuve la création de l’IMUMI (Institut des Femmes de la Migration) date uniquement de 2006. Or l’IMUMI est la seule organisation de la société civile d’ampleur nationale qui traite du thème. En juillet 2013, l’organisation publie un article5 qui dénonce le fait que la migration féminine soit passée sous silence. En effet, seulement 10% du traitement de la migration dans les médias mexicains ont pour sujet des femmes migrantes. Ofelia Woo de publier un article en 1995, s’intitulant “L’invisibilité du processus migratoire : les femmes migrantes »6. Ce mémoire tente dans la mesure du possible de sortir les femmes migrantes de cette invisibilité. Or en ce moment même est discutée une Réforme migratoire aux Etats-Unis qui pourraient changer biens des paramètres pour les migrants et les migrantes. Le sexe c’est la différence physique qui caractérise les personnes en tant que femme ou homme 5 « IMUMI : 95% de las mujeres migrantes, « subrepresentadas » en la información », Miércoles 31 de julio de 2013, http://www.jornada.unam.mx/2013/07/31/index.php?section=sociedad&article=039n2soc&partner=rss 6 Woo Ofelia, « La invisibilidad en el proceso migratorio: las mujeres migrantes", el Colegio de la Frontera Norte, Tijuana 1995 selon Gonzalo Monsitu7. Cependant sans vouloir entrer dans une polémique qui n’est pas le sujet de ce mémoire, précisons qu’en dehors de ces catégories existent des personnes transgenres et transsexuelles. Force est de constater que la reconnaissance officielle par l’Etat allemand d’un troisième sexe qui autorise les parents à reconnaitre un sexe indéterminé à leur enfant fait débat. Le genre selon une définition des Nations-Unies c’est «la construction socioculturelle des rôles féminins et masculins et des relations entre les femmes et les hommes»8. Le genre selon Gonzalo Monsitu se construit à travers l’interaction avec les autres et dans des contextes socioculturels divers. Le concept crée des attentes différentes en fonction du genre tant en terme d’activités que de positions dans la société. Cette différenciation à la fois biologique et socioculturel permet de « déterminer l’accès aux opportunités et aux ressources et imposent des attentes et des limites aussi bien aux femmes qu’aux hommes ». Cette division établie et intégrée par toutes et tous justifie en apparence des différences psychologiques et sociales entre hommes et femmes. Ces différences sont à l’origine des rôles différents attribués aux deux sexes, ces rôles qui eux-mêmes influencent les relations entre eux et la façon dont ils se perçoivent eux-mêmes. Selon Bourdieu9cette différenciation établie a donné lieu à une « violence symbolique » qui «s’exerce par les voies purement symboliques de la communication et de la connaissance ». Dans la domination masculine, Bourdieu d’expliquer : « La préséance universellement reconnue aux hommes s’affirme dans l’objectivité des structures sociales et des activités productives et reproductives, fondées sur une division sexuelle du travail de production et de reproduction biologique et sociale qui confère à l’homme la meilleure part, et aussi dans les schèmes immanents à tous les habitus : façonnés par des conditions semblables, donc objectivement accordés, ils fonctionnent comme matrices des perceptions, des pensées et des actions de tous les membres de la société, transcendantaux historiques qui, étant universellement partagées, s’imposent à chaque agent comme transcendants. En conséquence, la représentation androcentrique de la reproduction biologique et de la reproduction sociale se trouve investie de l’objectivité d’un sens commun, entendu comme consensus pratique, doxique, sur le sens des pratiques, doxique, sur le sens des pratiques. Et les femmes elles-mêmes appliquent à toute 7 Musitu Gonzalo (sous coordination), Mujer y migración, Los nuevos desafios en America Latina, México, Trillas, 2012 8 http://www.pnud.org.ma/guide/concepts_cadre_travail/con-concepts-integration.html 9 Bourdieu Pierre, La domination masculine, Paris, Points, 1998 réalité, et en particulier, aux relations de pouvoir dans lesquelles elles sont prises, des schèmes de pensée qui sont le produit de l’incorporation de ces relations de pouvoir et qui s’expriment dans les oppositions fondatrices de l’ordre symbolique ». Le processus de socialisation des individus rend possible l’incorporation des valeurs dominantes. Il tend à la reproduction et à la perpétuation des valeurs et des rôles différenciés qu’il engendre. Interviennent dans ce processus la famille, la communauté, les média mais les institutions politiques, économiques, culturelles, éducatives et religieuses. L’éducation en tant que processus spécifique d’intégration des individus à la société est la base de la reproduction de ce schéma. Cependant il faut insister sur le fait que l’individu n’est pas un récepteur passif des normes et que par là même il intervient dans la définition de son genre. Si Bourdieu s’appuie sur l’étude de la société kabyle dans l’écriture de la Domination masculine, force est de constater que les perceptions du genre varient d’une société à une autre. Ce mémoire n’a en aucun cas pour objectif d’analyser la différence de perception du genre et des relations de genre entre la société mexicaine et la société nord-américaine. L’histoire même de la migration mexicaine aux Etats-Unis suffit à prouver qu’on ne peut plus parler de processus d’assimilation ou d’acculturation mais plutôt de transnationalisation. L’interprétation ethnocentrique selon laquelle, l’évolution des rapports de genre est une conséquence du contact entre deux sociétés et deux modèles culturels, dont l’un est souvent qualifié de « traditionnel » et l’autre de « moderne » n’a pas lieu d’être. La migration féminine peut mettre à mal, sans que cela soit un automatisme le schéma traditionnel du genre. En effet elle peut être synonyme d’inclusion dans la sphère publique, de transfert de pouvoirs dans les relations inégalitaires entre genres, de développement personnel et par là même de promotion d’un changement social. Ce mémoire cherche à comprendre comment le processus de migration en lui-même et le processus d’intégration dans un autre pays que celui d’origine peut être un facteur d’ « empowerment » ou d’ « empoderamiento » des femmes à l’heure de la migration de retour. Si tel est le cas, comment s’exprime cette prise de pouvoir au sein de la sphère privée et de la sphère publique ? Ces changements impliquent-ils d’autres changements dans les structures sociales des communautés de retour ? c- Méthodologie et difficultés rencontrées En ce qui concerne la méthodologie de ce mémoire, précisons qu’il s’appuie à la fois sur des lectures sociologiques et anthropologiques et sur des entretiens avec des chercheurs et des membres d’organisations de la société civile spécialistes de la migration. En effet, mon stage professionnel m’a permis d’approcher des acteurs spécialisés dans l’étude de la migration féminine telle que l’organisation IMUMI. De plus, la tenue d’un séminaire internationale du 6 au 7 mai 2013 sur la migration de retour m’a permis d’approfondir mes recherches et de côtoyer des chercheurs spécialistes du thème. Ce séminaire organisé par l’Université Nationale Autonome Nationale du Mexique a été l’occasion de mettre à jour mes recherches et de réaliser des entretiens auprès des intervenants. Ce mémoire comporte en annexe, la systématisation d’ateliers que nous avons eu l’occasion de faire dans deux villages de l’Etat de Puebla. Il ne comporte aucun entretien en tant que tel de migrant, femme ou homme, revenue dans sa ville natale de Mexico. Cela s’explique par la nature même de la littérature sur la migration féminine et la migration de retour. En effet l’approche sociologique et anthropologique du phénomène est essentiellement qualitative, c’est-à-dire qu’elle se base sur des témoignages individuels pour forger une théorie. Dans la mesure où à travers du stage et de ce séminaire nous eu accès à des chercheurs spécialistes du thème, leurs approches a été utilisé en complément des lectures. Citons notamment la chercheuse Ofelia Woo de l’université de Guadalajara qui étudie entre autres le thème de la condition de genre dans la migration de retour en provenance des Etats-Unis. Elle se spécialise sur l’analyse des femmes migrantes de retour qui s’installe à Guadalajara, qu’elles en soient natives ou non. La difficulté de traiter ce thème réside donc dans le fait qu’il a été peu étudié et pratiquement toujours de manière qualitative. Cependant, le parti pris de ce mémoire est de s’approprier la théorie de Massey expliquant les aspérités de l’immigration pour étudier la migration de retour volontaire. Autre difficulté rencontrée est celle de la différence entre la perception des changements socioculturels et les changements socioculturels. Les migrants internationaux de retour au Mexique peuvent avoir une influence importante, du fait notamment de leur poids économique, mais ils et elles ne sont pas les seul(e)s responsables des changements socioculturels et politiques de la communauté. En effet, n’oublions pas l’impact que peuvent avoir les médias, l’introduction de l’économie capitaliste et les migrations internes sur l’évolution d’une communauté. Dans ce cas, difficile de faire la différence entre changements issus de la migration de retour et les changements de la société per se. La définition même du sujet de genre représente en elle-même une difficulté majeure. Nous prendrons donc le parti pris de Riley Greenhalgh, cité par German Vega Briones 10 pour qui le genre doit être pensé comme un processus continu qui est sans cesse recréé. L’auteure souhaite penser le genre comme une figure aux multiples facettes qui pourrait être défini de manière différentiel en fonction des cultures et qui par là même pourrait avoir des implications différentes en fonction des contextes. Autre problème posé par la question du genre c’est que, comme le dit Bourdieu, « nous risquons donc de recourir, pour penser la domination masculine, à des modes de pensée qui sont eux-mêmes le produit de la domination ». D- Bref énoncé du principal résultat obtenu et annonce des différentes parties du plan En essayant d’approcher les problématiques des changements socioculturels induits par la migration de retour, nous nous sommes aperçus qu’il était impossible de dissocier l’influence anglo-saxonne de l’empowerment des femmes par le processus migratoire. La migration peut éventuellement remettre en cause et donc renégocier les rapports de genre et la division sexuelle du travail mais ces évolutions n’ont rien d’automatiques. Nous verrons qu’il existe peu d’études de l’impact de la migration de retour féminine sur les structures socio-culturelles des communautés d’origine. Une étape importante dans l’analyse des changements induits par les femmes migrantes dans les relations de genre c’est l’analyse de la migration féminine aux Etats-Unis. Ce mémoire explique comment elles s’intègrent dans la société de destination afin de rendre lisible la théorie de Pierrette Hondagneu-Sotelo pour qui les femmes cherchent dans la majorité des cas à rester aux Etats-Unis. En réalité ce postulat a limité l’investigation du phénomène de la migration féminine de retour et par là même des conséquences de cette migration sur la communauté. Mon plan se divise en trois parties, la première tente d’identifier les liens entre évolution des rapports de genre et migration internationale féminine. Cette première partie donne un aperçu général de l’histoire de la migration mexicaine aux Etats-Unis qui au début était presque exclusivement masculine puis s’est féminisée avec le temps. Ce chapitre explique aussi le mythe du retour et la réalité de ce phénomène. Dans le second chapitre nous étudierons les conditions du retour des femmes migrantes dans leur communauté d’origine mais aussi la différence 10 Vega Briones German, La migración mexicana a Estados Unidos desde una perspectiva de género, el Colegio de la Frontera Norte, 2002. qu’entretiennent homme et femme avec leurs réseaux sociaux. Nous verrons comment l’intégration de ces femmes au marché du travail, leurs denses réseaux dans le pays d’origine leur confèrent un poids plus important lors des négociations familiales qui décident du retour au Mexique. La troisième partie de ce mémoire tente d’analyser les changements socio-culturels induits par la migration de retour dans les familles voire dans la communauté. Chapitre I- Les migrations internationales féminines d’origine mexicaine : causes ou conséquences des évolutions des rapports de genre ? Section A- Histoire des femmes mexicaines dans la migration aux Etats-Unis a. 1- Une émigration à dominante masculine En effet, ce manque d’analyse de la migration des femmes mexicaines aux Etats-Unis se doit en partir au fait que jusqu’aux années 1960-1970, le phénomène était un évènement isolé. Luis HerreraLasso11considère que la migration mexicaine aux Etats-Unis commence avec la guerre de 18461848. Le Mexique perd avec le Traité de Guadalupe Hidalgo la moitié de son territoire c’est-à-dire la Californie et le Nouveau-Mexique (actuels : Arizona, Colorado, Californie, Nevada, NouveauMexique et Utah). Selon l’auteur, la plupart des 1000 familles vivant alors en Californie et les 7000 du Nouveau-Mexique deviennent citoyens américains. Cependant Cecilia Imaz Bayona12montre que la première demande officielle de main d’oeuvre de la part des Etats-Unis a lieu entre les années 1870-1890. Cette main d’œuvre sert essentiellement à la construction du chemin de fer du Sud-Ouest et à l’agriculture. Nul besoin de préciser que cette main d’œuvre est exclusivement masculine. De plus, cette migration est à vocation temporelle, peu de cas de réunification familiale sont dénombrés. Puis à partir des années 1891, les lois américaines restreignent la migration mexicaine. Il faut préciser cependant que la forte demande de main d’œuvre durant la première guerre mondiale force à contracter des étrangers : est mis en place le premier programme « Bracero » entre 1917 et 1921. Cette période marque déjà les premières dénonciations des abus desquels sont victimes les travailleurs mexicains cependant aucune mesure n’est prise pour y mettre fin. Les années 1920 marquent un tournant autoritaire dans la politique migratoire américaine. En effet, en 1920 le gouvernement installe une patrouille à la frontière chargée d’empêcher toute migration non autorisée. Durant la Grande Dépression, un nombre important de mexicains est rapatrié de 11 12 Herrera-Lasso Luis, Mexico, pais de migración, Mexico, editores Siglo XXI 2009 Imaz Bayona Cecilia, La nación mexicana transfronteras, Impactos sociopolíticos en México de la emigración a estados Unidos, Universidad Nacional Autónoma de México, 2008 force. Précisons que certains des expatriés possédaient la nationalité américaine. Le nombre d’expulsés durant cette période fait toujours débat : le plus petit chiffre fait état de 400 000 personnes et le plus grand montre qu’il y en aurait eu plus de 500 000. Le début des années 1940 voit apparait le Programme Bracero négocié conjointement par les deux gouvernements, et qui ne disparaitra qu’en 1964. Le besoin de main d’œuvre se concentre essentiellement dans le secteur agricole. Il est estimé que les migrants du programme Bracero ont favorisé une migration illégale dont le flux aurait été égal ou supérieur. Force est de constater que cette émigration illégale a eu pour conséquence les premières déportations massives. Victor Espinosa13 montre que l’autorisation obtenue par les Braceros leur permettait de rester plus longtemps aux Etats-Unis et de faire venir leur famille. Espinosa d’expliquer les conséquences du programme Bracero selon trois stratégies : ceux qui ont de la famille dans le pays d’accueil désertent les champs et vont chercher à s’installer en ville, d’autres parviennent à obtenir des documents grâce à l’aide de leur patron et la troisième catégorie décide que la famille doit venir vivre dans une ville frontalière. En résumé, le programme Bracero a favorisé l’installation « définitive » des travailleurs mexicains voire leurs familles entières. La fin du programme qui a favorisé l’entrée de 3 ou 4 millions de travailleurs a pour conséquence l’augmentation de la migration féminine aux Etats-Unis. La majorité des auteurs considèrent que les femmes qui migrent entre les années 1940 et 1970 le font dans une perspective de réunification familiale. Pierrette Hondagneu-Sotelo établie, dans le but de comprendre les causes de l’émigration et les modalités d’intégration dans la société d’origine une différence systémique entre les femmes qui ont migré avant les années 1960 et les autres. Victor Espinosa d’expliquer grâce à l’étude de la famille migrante de San José de la Laja (Jalisco), que cette différence est due au fait que lors de l’industrialisation du Mexique dans les années 1960 et 1970 les femmes sont entrées sur le marché de l’emploi. A partir de cette époque la migration des jeunes hommes devient un rite de passage étant donné qu’il montre l’ascendant de celui-ci sur son père et l’acquisition de son autonomie. Si jusqu’à lors les migrants de retour étaient mal perçus dans leurs communautés d’origine, le programme Bracero qui voit augmenter l’importance du flux des remises de fonds change la donne. Certains percevaient la migration comme un facteur de dissolution des mœurs et la présence de 13 Espinosa Victor, El dilema del retorno, migración, género y pertenencia en un contexto transnacional, El Colegio de Michoacan, el Colegio de Jalisco, 1998 femmes mariées abandonnées par leurs époux ne les aidaient pas à changer d’avis. Mais la fin du programme met en évidence un retour massif de migrants ayant augmenté leur capital financier et qui profitent alors d’une certaine mobilité sociale dans leurs communautés d’origine. Inspirés par cette réussite beaucoup de personnes décident de tenter leur chance au Nord grâce au soutien des réseaux transnationaux. A partir de ce moment, les auteurs commencent à parler de communautés transnationales que la loi IRCA fortifie pour Espinosa. En effet en 1986, la loi IRCA (Immigration and Control Reform Act) régularise deux millions de résidents non autorisés et impose des sanctions aux patrons qui emploient des sans-papiers. Le Mexique renforce enfin la protection consulaire de ses ressortissants. Lors de cette période les migrants de seconde génération et les « chicanos » se confrontent aux nouveaux arrivés dans le but de savoir qui est le plus mexicain. Si pour Espinosa, la loi IRCA accélère le processus de transnationalisation pour Luin Goldring14 cette loi a pu fragiliser les liens avec la communauté d’origine. En effet si dans certaines communautés d’origine les pratiques transnationales comme l’entraide sont institutionnalisées, cette démarche n’est pas systématique dans toutes les communautés. Dans les communautés « rancheras » plus individualistes, la migration a fragmenté le tissu social et créé des conflits socioculturels et politiques. Cela explique le fait que certains migrants doivent sans cesse renégocier leur appartenance à leur localité d’origine. Cecilia Imaz Bayona prouve que les années 1990-1999 sont une étape paradoxale dans les relations Mexique-Etats-Unis. En effet le Traité de Libre Echange est supposé améliorer ses relations et pourtant les Etats-Unis augmentent considérablement les contrôles à la frontière. Une mesure importante est la réforme constitutionnelle du 28 mars 1998 qui permet la ratification de la loi de non perte de la nationalité mexicaine. A partir de cette date, les migrants mexicains aux Etats-Unis peuvent posséder la nationalité américaine sans craindre de perdre leur nationalité mexicaine. Le poids économique des migrants augmente de manière exponentielle entre 2000 et 2005, à tel point que les remises de fonds dépassent dorénavant les revenus du tourisme. L’année 2003 connait aussi une réforme politique importante pour la communauté mexicaine transnationale. Le 30 juin 2005 entre en vigueur le décret qui permet aux mexicains hors du pays de voter pour les élections 14 Espinosa Victor, El dilema del retorno, migración, género y pertenencia en un contexto transnacional, El Colegio de Michoacan, el Colegio de Jalisco, 1998 présidentielles. Le massacre de 72 migrants à San Fernando dans l’Etat de Tamaulipas en 2010 choque la société civile mexicaine et permet une prise de conscience générale des risques de la migration. Mariliana Montaner dans Mujeres que cruzan fronteras de préciser que les droits fondamentaux ont été proclamé comme universels depuis 1789 et qu’ils ont été inscrits dans les Constitutions et les Codes civils. Le thème de la migration fait lumière sur le fait qu’être une personne humaine ne constitue pas une condition suffisante de la possession de ces droits. Cela est dû selon elle au fait que ces droits se sont constitués comme des droits de citoyenneté dans les pays les plus développés, augmentant par-là la dépendance des pays en voie de développement. La migration a fait se contredire les droits de l’Homme et les droits de citoyenneté. En guise de conclusion, citons Luis Herrera pour qui « Quatre mexicains sur dix sont directement liés ou participent quotidiennement à ce processus migratoire : les migrants, ceux qui reçoivent l’argent des migrants, ceux qui travaillent d’une forme ou d’une autre avec eux : les autorités, les banques, les ONG et même ceux qui font du trafic d’humains. Tous, d’une manière ou d’une autre vivent du phénomène migratoire ». Force est cependant de constater que la migration mexicaine a été à ses début une migration presqu’exclusivement masculine. Or si pour certains auteurs cette migration masculine est synonyme « d’empowerment » des femmes restées dans les communautés d’origine, cela n’est pas toujours le cas. a. 2- Conséquences de la migration masculine sur les femmes Un grand nombre de femmes qui restent dans les communautés d’origine, alors que leurs époux travaillent aux Etats-Unis, sont victimes d’abus ou de restrictions selon Mariliana Montaner15.Elles ont le choix entre retourner vivre chez leurs parents ou vivre chez leurs beaux-parents. En effet, les constructions culturelles, les institutions sociales et les relations de pouvoir ne permettent pas toujours aux femmes de migrants, et ce surtout dans les régions rurales, de disposer d’une plus grande liberté qu’avant la migration de l’époux. 15 Montaner Mariliana, Mujeres que cruzan fronteras, ciudad de México UNIFEM, 2006 Si nous partons du principe que l’époux contribuent de manière régulière aux dépenses du ménage à travers l’envoie de remises de fonds, les femmes de migrants n’ont pas toujours autorité sur ces revenus. Il a par ailleurs été démontré que les migrants hommes sont moins réguliers que leurs homologues féminines dans l’envoie de remise de fonds. Cela peut s’expliquer en partie par la formation d’un nouveau foyer familial dans le lieu de destination. Il existe aussi des cas d’abandon de foyer de la part de migrants partis travailler aux Etats-Unis. Ce principe c’est ce que Cardenas appelle la « double moralité »16. Cardenas prouve qu’au début des années 1980, alors que les femmes restées au Mexique sont soumises à un fort contrôle social, les relations hors mariages sont permises pour les hommes migrants. La conduite morale et la fidélité des femmes de migrants sont surveillées par toute la communauté. Force est de constater que la migration masculine n’est pas forcément un facteur d’empowerment pour les femmes restées dans la communauté d’origine. Dans le cas où le migrant n’est pas régulier dans les remises de fonds, la femme doit alors générer des fonds c’est-à-dire trouver une source de revenus. Or dans les communautés rurales, elles se confrontent à plusieurs difficultés : le manque d’emplois rémunérés ainsi que le contrôle social de la sexualité et des règles de parenté. Mummert17de montrer que même si la femme est obligée de sortir de la sphère privée afin de subvenir aux besoins de sa famille, la division des tâches entre genre n’est jamais remise en question. Il précise cependant que cette situation de double travail de la femme, à la fois dans la sphère privée et dans la sphère publique dépend du statut marital de celle-ci. Gonzalo Monsitu évoque même une triple charge de travail : travail productif, reproductif et le fait de n’avoir pas de réseau familial à qui transférer une partie du travail reproductif. Les auteurs sont unanimes pour dire que cette situation concerne plutôt les femmes mariées. Il n’y a pas de remise en cause de la division sexuelle du travail dans le cas des femmes mariées mais le simple fait que la migration soit permise pour les jeunes filles prouve que la réalité est en train de changer. La migration massive dans certaines communautés peut, selon les cas, avoir des conséquences sur la sphère domestique (changements des relations de pouvoir intergénérationnelles notamment) et sur le marché du travail régional (substitution de la main d’œuvre masculine). Lorsqu’il n’y a pas de substitution de la main 16 Vega Briones Germán, La migración mexicana a Estados Unidos desde una perspectiva de género, el Colegio de la Frontera Norte 2002. 17 Ibid d’œuvre masculine par les femmes, celles-ci se spécialisent dans l’économie informelle qui peut les vulnérabiliser encore plus. Dans El dilema del retorno18, Espinosa évoque le cas de la grand-mère Rochas qui dans sa jeunesse est exploitée et maltraitée par ses beaux-parents. Las de cette situation elle fuit rejoindre son époux à Los Angeles. Si ce cas précis date des années 1930, cette situation est souvent évoquée dans la littérature quant aux motifs de la réunification familiale. Thadani y Todaro évoquent19 le fait que la migration féminine ait souvent été motivé par un mariage. Il peut s’agir d’une stratégie familiale de faire migrer la fille à travers un réseau connu dans le lieu d’origine dans le but de la marier. Cependant cette stratégie d’assignation de ressources pour les jeunes filles est remise en cause par les changements des schémas matrimoniaux classiques et par la capacité des femmes à choisir leur mariage. En effet la diminution des formes de production agricoles a créé une perte de l’autorité des chefs de famille et par là même une modification des choix des lieux de résidence (plus de modèle patrivirilocal). En résumé, une perte de contrôle des familles sur les trajectoires de vie des jeunes filles. La section suivante se propose d’analyser d’une manière plus générale les causes de la migration féminine. Nous écarterons le sujet que nous venons de traiter : la réunification familiale et la migration pour mariage. a. 3- Les causes socioculturelles et historiques de la migration féminine Si nous excluons la migration féminine pour raison de réunification familiale, nous constatons que la migration féminine mexicaine « autonome » vers les Etats-Unis a été favorisé par la migration interne. En effet le phénomène de migration au Mexique est très hétérogène et compte à la fois des migrations entre zones rurales (pour période déterminée) et des migrations vers les zones urbaines. Ofelia Woo dans Mujer, Género y población en México montre l’impact qu’à eu l’industrialisation du pays des années 1930 aux années 1970. Cette période est marquée par une migration intense vers les zones urbaines : dans ce processus les femmes ne sont pas reste. Les villes 18 Espinosa Victor, El dilema del retorno, migración, género y pertenencia en un contexto transnacional, México, El Colegio de Michoacán, el Colegio de Jalisco, 1998 19 García Brigida, Mujer, Género y población en México, coordinadora, El Colegio de México sociedad mexicana de demografía, 2000. voient naitre les classes moyennes et donc de nouveaux besoins dans le secteur des services. Or ces femmes de classe moyenne qui travaillent dans la sphère publique ne peuvent pas garder leurs enfants, faire à manger, faire le ménage…etc. Des jeunes filles célibataires issues des communautés rurales sont alors embauchées dans les villes pour les tâches reproductives. Puis dans les années 1980, s’installent à la frontière Nord du pays des usines d’assemblage qui préfèrent la main d’œuvre féminine réputée docile et peu chère. Ce flux migratoire s’il est constitué essentiellement de jeunes filles célibataires diffère du premier. En effet, ces jeunes filles viennent en majorité de zones urbaines et ont un meilleur niveau scolarité que les jeunes de milieu rural. Encore à cette époque, les jeunes filles célibataires sont minoritaires dans le flux migratoire vers les EtatsUnis. La décennie 1990 inverse la tendance : ces dernières viennent à représenter un quart de ce flux migratoire. Pour Hondagneu-Sotelo, ces femmes sont conditionnées par la forte présence de réseaux sociaux féminins au Nord composés de femmes qui en déplaçant le noyau familial ont rendu permanente leur migration. Les diverses migrations féminines internes au Mexique, se faisaient souvent sous la houlette des chefs de famille. Ces migrations ont donné une certaine indépendance à ces femmes et ont par conséquent préparé le terrain d’une émigration massive vers les Etats-Unis. Dans Mujer y Migración, los nuevos desafíos en América latina, les auteurs essaient d’ériger des causes universelles des migrations féminines. Remarquons dans un premier temps que les causes de la migration qu’elle soit masculine ou féminine sont souvent multiples. En effet le schéma dit classique selon lequel les hommes migrent pour des raisons essentiellement économiques et les femmes pour des raisons sociales c’est-à-dire familiales ne représente plus la réalité de la migration mexicaine vers les Etats-Unis depuis les années 1960. A partir de cette époque, les causes de la migration féminine sont autant sociales qu’économiques et culturelles. Pour Gonzalo Monsitu l’augmentation à l’échelle internationale de la migration des femmes est une des conséquences directe des politiques d’ajustement structurel qui ont fragilisé les populations les plus vulnérables dans les pays concernés. La féminisation de la migration relève donc de la stratégie de survie familiale. Un des facteurs de la migration féminine selon l’auteur est la volonté d’échapper aux restrictions de liberté. En effet, les normes sociales qui déterminent des espaces propres aux hommes et d’autres aux femmes, le contrôle de la sexualité féminine et la place dans la famille (obligations, systèmes asymétriques de pouvoir et d’autorité) affectent les possibilités de migration en même temps qu’elles les développent. Pouvoir étudier, trouver un emploi, participer à la prise de décisions qui les concernent, choisir un conjoint sont autant de raisons de migrants dans des endroits où elles ne subiront plus autant de restrictions. La migration peut aussi permettre d’échapper au mariage forcé et d’échapper à la violence physique et aux abus sexuels. Jones Arizpe de montrer cependant que dans certains cas la migration ne permet pas d’échapper au contrôle social de la sexualité : les chefs de famille veillent même au respect de l’intégrité des femmes. En résumé, la migration peut permettre d’échapper aux situations de conflit et de persécution en tout genre. Dans des cas particuliers tels que le statut de veuvage, de mère-fille ou d’abandon du conjoint, la migration permet d’éviter la stigmatisation. Les femmes à travers la migration sont libres de choisir leur trajectoire de vie et donc d’intégrer par exemple des espaces qualifiés de masculins comme le marché du travail. Cette théorie de la trajectoire de vie, comme nous l’avons précisé auparavant permet d’expliquer l’influence de différents facteurs dans la décision de la migration. Elle permet de sortir de la dichotomie : l’homme décide de sa migration, la femme est victime de la migration. La volonté d’indépendance économique n’étant pas l’apanage des hommes, elle est à prendre en compte dans les facteurs de la migration féminine. En résumé, l’état civil, la situation familiale et maritale, la présence et le nombre d’enfants, le type de structure familiale, les relations de pouvoir entre genres et intergénérationnelles ainsi que les étapes de la trajectoire de vie sont des dimensions à prendre en compte pour expliquer la migration féminine. Si ce mémoire a pour objectif de comprendre les conséquences de la migration de retour sur les relations de genre, il semble évident que les conséquences de l’émigration féminine aux Etats-Unis est un facteur important de l’évolution des rapports de genre. En effet lors du trajet les femmes sont plus exposées aux risques notamment d’atteinte à l’intégrité de leur personne. Le rapport 2011 sur la situation générale des droits des migrant(e)s et de leur famille réalisé dans le cadre de la venue de Felipe Gonzalez de la Commission Interaméricaine des Droits de l’Homme montre que six femmes sur dix qui traversent la frontière seraient victimes de viol20. En réalité ce chiffre serait plus élevé. 20 Informe sobre la situación general de los derechos de los migrantes y de su familia, elaborado en ocasión de la visita a México del señor comisionado Felipe González de la Comisión Interamericana de Derechos Humanos, México julio de Certaines femmes sont contraintes d’avoir des rapports sexuelles non désirés contre des services : la protection durant le voyage, un emploi ou un logement une fois arrivée à destination. Le témoignage recueilli par Jorge Durand 21montre comment une femme, Marta Aguilar Orozco dans le but d’avoir un interprète pour parler à son patron est contrainte d’avoir des relations sexuelles avec l’employé qui traduit et lui enseigne l’anglais. De la même manière que les hommes, les femmes peuvent souffrir de stress et d’anxiété dus au déracinement familial et social, au choc culturel ou encore au manque de ressources financières dont elles disposent…Nous aborderons ultérieurement les thèmes du marché du travail et de l’amélioration de l’auto-estime. A l’heure de la décision du retour, les femmes migrantes ont acquis une meilleure confiance en elles par le simple fait d’avoir migré. Section B- Migration de retour : mythe et réalités B- Typologie et raisons du retour b. 1- Typologie du retour Le ou la migrant(e) de retour c’est celle ou celui qui après avoir résidé aux Etats-Unis revient au Mexique afin d’y rétablir sa résidence, ce qui implique un double changement de résidence. Cette définition de Luis Herrera-Lasso22évoque l’aspect éphémère de la migration qu’elle ait pour destination les Etats-Unis ou le Mexique. Dans Migrants des Sud23, Jorge Durand tente de définir une typologie de la migration de retour. Il explique que parfois le retour dans un pays dit du Sud est énigmatique voir incompréhensible mais qu’il faut considérer cet acte comme celui de départ. Il distingue plusieurs types de migration de retour : le premier type consiste en une migration de retour définitive et volontaire qui en général a lieu après un long séjour à l’étranger voire même après obtention de la nationalité du pays d’accueil. Il semble important de préciser qu’en aucun cas une migration peut être caractérisée comme définitive mais la volonté qu’elle le soit permet de définir ce premier type. Elle concerne en majorité 2011. http://iniciativaciudadana.org.mx/images/stories/informemigrante.pdf 21 Durand Jorge, Rostros y rastros, entrevistas a trabajadores migrantes en Estados Unidos, El Colegio de San Luis, Mexico 2002 22 Herrera-Lasso Luis, Mexico, pais de Migración, éditions Siglo XXI, Mexico 2009 23 Baby-Collin Virginie (sous direction), Migrants des Sud, Montpellier,IRD éditions, 2009 des personnes âgées à la retraite ou des personnes d’âge intermédiaire qui rentrent quand les conditions économiques du pays d’origine s’améliorent. Le second type de migration de retour prend en compte les travailleurs temporaires dont l’exemple le plus significatif reste celui des visas H2a et H2b pour les « jornaleros », travailleurs temporaires de l’agriculture et des services. Le troisième type est une migration de retour transgénérationnelle c’est-à-dire que ce n’est plus la personne migrante elle-même qui revient mais sa descendance. Dans le cadre de pays européens dont les indices de fécondité sont bas, cette migration est favorisée dans la mesure où le migrant possède une origine ethnique, une langue et/ou une identité culturelle similaire au pays d’accueil. Le quatrième type touche fortement la population Latina et les mexicain(e)s aux Etats-Unis puisqu’il s’agit de la migration forcée. Les expulsions depuis les Etats-Unis ne cessent d’augmenter et elles vont de pair avec le durcissement des lois migratoires. Un cinquième type de migration est celle de l’échec c’est-à-dire la migration des personnes qui n’ont pas pu collecter le capital financier qu’elles s’étaient fixé comme objectif par exemple. Les migrant(e) qui connaissent le chômage ou sont incapables de s’adapter, à cause du racisme et de la discrimination par exemple, se voient contraint(e)s de revenir. Le dernier type donne à connaitre la migration de caractère officiel tel celle des pieds-noirs français après la Guerre d’Algérie. Ce mémoire se propose essentiellement d’étudier la première catégorie c’est-à-dire la catégorie des migrants qui reviennent a priori de manière définitive. Nous aborderons aussi la migration subie mais une grande partie de ce travail se concentre sur l’étude des causes et conséquences du retour. Force est de constater que dans cette typologie, Jorge Durand omet dans la seconde catégorie des migrants de retour temporaire les migrants qui reviennent voir la famille (vacances, fêtes patronales). De plus la catégorie du retour « non choisi » devrait être intégrée par les migrants qui reviennent pour maladie ou décès des proches. Un rapport de BBVA Research 24 de juillet 2012 montre que : 24 Rapport de BBVA research, Situación Migración, análisis económico, Julio 2012 Mexico : Immigration de mexicain(e)s selon motif (%) 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 90.7 92.7 90.8 87.9 90.0 88.6 90.8 -Travail 22 24 16 30 28 23 28 -Mariage ou union avec 12 0.5 0.9 0.9 0.4 28 14 -Problèmes de santé 10 0.7 0.7 12 0.4 0.4 12 -Etudes 0.9 0.8 0.7 12 0.4 0.4 12 -Autre(s) motif(s) 4.0 3.0 5.4 6.3 5.6 5.4 3.0 -Réunification familiale un(e) conjoint(e) Ce que révèle ce graphique c’est que le facteur qui pèse le plus le poids dans la décision du retour c’est la réunification familiale. Vient ensuite la migration pour raisons de travail. Néanmoins manque dans ce tableau la migration de retour pour raisons d’échec (notamment chômage, problème d’adaptation à la société d’accueil). Dans la plupart des cas, les migrant(e)s ont honte d’avouer leur échec surtout s’ils ou elles sont issu(e)s de communautés ayant une longue tradition de migration et ont donc grandi avec l’image du modèle du migrant de retour qui connait une mobilité sociale. Le tableau n’indique pas combien de personnes reviennent pour cause d’insécurité publique c’est-à-dire la peur constante de se faire arrêter et donc rapatrier. Ces données peuvent être incluses dans la catégorie « autre motif » mais en tant que telles elles ne figurent pas dans l’étude. De la même façon, le rapatriement de cadavres et considérée comme faisant partie intégrante de la migration de retour. En réalité, les conditions du retour sont soit structurelles (chômage) soit personnelles mais ce tableau n’inclut presque que des conditions personnelles. Pour Jorge Durand le « dilemme peut être résumé dans beaucoup de cas à un choix entre la qualité de vie et le niveau de vie, entre des revenus économiques plus importants ou un rythme et une pression de travail moindres, davantage de temps de repos, un environnement connu et le contact avec la famille ». En réalité, nous verrons dans le chapitre deux que cette question a à voir avec la proportion des migrants à revenir une fois leurs objectifs de départ atteints. Si les auteurs évoquent le « mythe du retour » c’est parce que dans la communauté d’immigré(e)s les pensées et les discussions sur le retour sont omniprésentes. Certains nourrissent le rêve de revenir pour leur retraite alors que d’autres pensent profiter du capital économique accumulé pour gagner une ascension sociale dans leur communautés d’origine. Nous verrons dans le second chapitre comment cela explique que la grande majorité de la population migrante ne coupe pas les liens avec le lieu d’origine. Le mythe du retour peut subsister à travers plusieurs générations et peut même devenir une vraie obsession. La nostalgie est donc un facteur important dans la décision de migrer cependant Espinosa montre que certains, essentiellement des hommes, idéalisent leur lieu d’origine. Il n’est pas rare que ces derniers fassent un tableau des Etats-Unis comme un pays désolé, sans chaleur humaine et où leur vie est celle d’un esclave alors que le Mexique est synonyme de tranquillité et de liberté. a. 2- La théorie du rendement décroissant Dans Migrants des Sud25, Jorge Durand montre qu’une migration de retour choisie s’explique par le concept économique du rendement décroissant. Pour la théorie néoclassique, les disparités régionales et notamment les disparités salariales sont la source principale de migration. A l’échelle micro, cette même théorie affirme que la décision de migrer est rationnelle et dépend du calcul coûtbénéfices. Au moment de la migration de retour le calcul est le même mais la perspective, le moment, l’accumulation d’informations et la situation du migrants sont différents. Cette démarche du calcul coûts-bénéfices se fait en connaissance de causes : le migrant « sait par expérience directe ce que signifie vivre et travailler à l’étranger ; il est conscient du coût personnel que rester de manière définitive implique. En somme le coût psychologique de l’absence, la nostalgie, la solitude 25 Baby-Collin Virginie (sous direction), Migrants des Sud, Montpellier,IRD éditions, 2009 et les difficultés que suppose l’adaptation à un environnement étranger ne peuvent être compris dans leur totalité que lorsque l’individu les a éprouvé en personne ». La perspective qui est envisagée dans le pays de destination influence aussi le calcul coûts-bénéfices d’un point de vue économique. Si la disparité salariale entre pays d’origine et pays de destination est une source même de la migration, dans le cas de la migration de retour il n’a plus lieu d’être car le pays d’origine cesse d’être le point de repère. Les possibilités de mobilité sociale pour les migrant(e)s sont faibles dans les pays de destination. La majorité des migrants peine à dépasser le salaire minimal : c’est la théorie du marché du travail segmenté. Le secteur secondaire dans lequel évoluent la plupart des migrant(e)s les empêchent de sortir de cette situation. Si le domaine du tertiaire peut représenter une possibilité de mobilité sociale, le phénomène est loin d’être généralisé. Durand cherche à démontrer que le succès économique n’est pas synonyme d’installation définitive dans le pays d’accueil. Cette situation est aussi documentée par Victor Espinosa dans El dilema del retorno. Dans son ouvrage il analyse la trajectoire ou les trajectoires migratoires d’une famille à Los Angeles. Or on constate que le débat concernant le retour est constant en dépit des deux restaurants qu’ils possèdent dans la ville. Dans tous les cas, que la migration soit perçue comme un succès ou un échec, le retour est assimilé par les migrants comme une possibilité de mobilité sociale. Selon Saskia Sassen, cité par Durand, c’est le facteur le plus pris en compte au moment du calcul coûts-bénéfices. Une fois que le ou la migrant(e) a payé sa dette de voyage, épargné, investi dans sa communauté d’origine, il (elle) a gagné son autonomie. Sassen de préciser que la mobilité sociale dont jouit le migrant à son retour est exprimée par des indicateurs externes de richesse matériel. Cette remarque a aussi été faite lors de la tenue d’un atelier sur la migration de retour dans le village de Tulcingo dans l’Etat de Puebla (annexe 1). En effet dans les années 1970, les premiers migrants du village avaient pour seul objectif d’épargner de l’argent afin d’acheter un terrain et de construire une maison. Ces mêmes hommes, précurseurs en leur temps, pensent qu’aujourd’hui les migrants de retour attachent plus d’importance au luxe. Les indicateurs externes de la mobilité sociale ne sont plus un terrain et une maison mais une voiture ou camionnette et un téléphone portable de dernière génération. Signalons que plus le différentiel salarial entre le pays d’origine et pays d’accueil est élevé, plus la possibilité de mobilité sociale est élevée et donc le retour probable. Entre dans ce calcul les taux de change entre les deux pays, taux de change qui peuvent provoquer un départ mais aussi un retour rapide. Un facteur n’a cependant pas été évoqué : celui de la volonté de revenir au départ. Différencions le migrant qui n’a pour seul objectif de revenir sera plus prompt à travailler le double et à épargner. Lors d’un atelier sur la migration de retour à Chinantla (annexe 2), Puebla une femme avoue qu’elle exerce deux professions. Cet atelier comme le précédent a eu lieu dans le cadre d’un diagnostic sur la migration de retour de l’organisation Iniciativa Ciudadana para la Promoción de la Cultura del Diálogo. Citons une conseillère municipale pour qui “Il y a beaucoup de personnes qui font cela, elles travaillent le double là-bas avec l’idée d’épargner et de construire une maison ici. Et cela arrive même lorsqu‘elles ont la nationalité américaine ». Nous pouvons considérer que la majorité des migrant(e)s appartient à cette catégorie. D’autres choisissent, souvent après leur arrivée, de ne pas revenir. Nonobstant il faut considérer que ces réalités peuvent changer. L’exemple précédent montre que ces choix « ont leur transposition dans la pratique sous la forme d’efforts et de sacrifices de la vie quotidienne à travers le choix d’usage de transferts monétaires ». Les migrants qui choisissent de ne pas revenir peuvent continuer notamment grâce aux nouvelles technologies de la communication, leurs relations interpersonnelles avec le pays d’origine. Jorge Durand d’expliquer la migration de retour volontaire grâce au « principe de rendement décroissant » qui est à l’origine une théorie de l’économiste français A.R.J Turgot. La migration a souvent été expliqué à travers des métaphores issus d’autres domaines d’études : la théorie du push and pull (Gonard 1928), les théories néoclassiques des disparités régionales (Todaro) et la théorie des décisions rationnelles (Borjas). Cette métaphore économique explique le phénomène de la migration de retour à travers l’adage « la baisse tendancielle du taux de profit est en relation directe avec le facteur temps ». Cette théorie part du principe qu’il y aurait « une tendance à la baisse dans les rendements des migrants ». Dans le domaine économique le ou la migrant(e) connait à son arrivée une phase d’enchantement car il ou elle compare ses revenus à la monnaie de son pays d’origine. Puis vient la phase de désenchantement lors de la prise de conscience que son salaire lui confère un statut social au plus bas de l’échelle. C’est la comparaison avec le lieu d’origine où son salaire lui aurait conféré une mobilité sociale et une acquisition de prestige qui permettent d’arriver à cette phase de désenchantement. Cette théorie des rendements décroissants s’appliquent aussi aux domaines sociaux, politiques et culturels. Selon Jorge Durand « l’intégration à la société de destination présente une limite difficile à dépasser, le rythme d’apprentissage de la langue décroissant alors même que les efforts et le stoïcisme initial perdent de leur raison d’être ». Vient la prise de conscience d’être arrivé à une limite parce que le succès est présent ou parce qu’il est impossible d’avoir de meilleurs revenus. Cette prise de conscience peut parfois générer un nouveau calcul coûts-bénéfices de la migration. A partir de ce calcul le ou la migrant(e) prend conscience que l’acquisition d’un capital humain, social et monétaire constitue un facteur important pour un retour en bonnes conditions. C- Les réalités ou le « Dur retour à la réalité » Dans un premier temps il est bon de rappeler que l’expérience migratoire de certain(e)s peut être brisée rapidement en fonction de leur statut : les migrant(e)s en situation irrégulière ont tendance à s’enfermer chez eux après le travail ou encore à faire attention à ne pas commettre d’infraction au code de la route. En effet, beaucoup de témoignages montrent que ces petites infractions du quotidien mènent à un contrôle d’identité. Selon le rapport de BBVA Research de juillet 2012 : Nombre de déporté(e)s mexicain(e)s en milliers depuis les Etats-Unis par année : 1200 1000 800 600 400 200 0 1995 1998 2001 2004 2007 2010 Histogrammes 3D 1 En 2011 et 2010, 405 et 461 milles de mexicain(e)s ont été déporté. Ce qui représente une baisse conséquente par rapport à 2009 avec 601 milles de déporté(e)s. Rappelons également que malgré la crise économique aux Etats-Unis, il n’y a pas eu augmentation conséquente du flux migratoire de retour. Cependant une réduction du flux aller a été remarqué. Jorge Durand avait évoqué la forte composante du genre dans la migration de retour à travers la théorie du calcul coûts-bénéfices. Selon lui, à l’heure du bilan les femmes ont plus à perdre qu’à gagner dans le retour. Il évoque le cas d’un couple mexicain : « J’ai dit à Paulino qui était en train de construire une cruche : Paulino, que crois-tu qui es le mieux, être là-bas à Bethléem, Pennsylvanie ou bien ici à San José Tateposco ? Et pendant qu’il continuait à faire sa cruche, il a répondu : Je crois que qu’il est mieux d’être ici à Tateposco. Et quand je lui ai demandé pourquoi il pensait cela, il m’a répondu qu’il y avait ici davantage de liberté. Ensuite, j’ai demandé la même chose à son épouse, qui malaxait la glaise pour Paulino. Et sans cesser de travailler, elle m’a immédiatement répondu que là-bas il y avait davantage de liberté, qu’il fallait seulement tourner le bouton pour allumer le gaz et qu’ici il fallait aller chercher du bois de chauffage dans la coline. » Ce graphique du BBVA Research différencie par sexe (en %) les migrant(e)s de retour. 90 80 70 60 50 Hommes 40 Femmes 30 20 10 0 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 Nous constatons que les femmes sont largement minoritaires dans les flux de la migration de retour. Cependant à partir de l’année 2008, elles comptent pour 20, 4% de la population de ce flux. A partir de cette date, elles ne descendront pas la barre des 20% allant même jusqu’à représenter plus de 22% de cette population en 2010. Force est de constater que 2010 qui est l’année où le flux de retour a été le plus haut depuis 1930, les femmes étaient sur-représentées par rapport aux années précédentes. Faut-il pour autant tirer la conclusion qu’elles ont été plus affectées par la baisse de l’économie américaine de par les emplois qu’elles occupent ? En réalité, le mythe du retour est mis à mal par cette étude de BBVA Research qui montre que si les migrant(e)s trouvent pour la majorité un emploi dans les trois mois qui suivent leur retour, ces emplois sont loin d’être enviables par rapport à ceux qu’ils occupaient aux Etats-Unis. En majorité, les migrants de retour ont entre 18 et 24 ans, sont des hommes mariés avec un niveau d’éducation qui dépasse rarement l’éducation primaire. Cette situation explique les difficultés qu’ils rencontrent : 35% gagnent le salaire minimum. L’étude montre aussi que 80% des « retornados » ne bénéficient pas de prestations sociales ce qui signifie qu’ils sont surtout employés dans le secteur informel. En réalité, ils n’occupent pratiquement jamais les mêmes postes qu’ils ont occupés aux Etats-Unis. Dans le cas où ils auraient été lésé dans leurs emplois aux Etats-Unis (facteur de la migration), ils peuvent faire appel à la justice sociale une fois leur retour effectué. Cependant peu d’entre eux sont informés de cette procédure. L’enquête montre aussi une augmentation chez cette population des emplois de subordonnés : en 2005, ce type d’emplois représentait 57,4% du total des emplois qu’exerce cette population mais en 2011, il représente 63,4%. Le nombre de « retornados » qui travaillent à leur compte a ostensiblement baissé entre 2005 et 2011 passant respectivement de 26,4% à 17,3% du total des emplois occupés. Un migrant de retour du village de Tulcingo (annexe 1) de dire que «C’est difficile de trouver du travail ici parce que la société et le Gouvernement n’acceptent pas les migrants (comprendre de retour). Ici dans ce pays, au lieu de favoriser les gens qui ont de l’expérience ou qui à cause de leur âge avancé ont acquis des expériences, on leur ferme la porte au nez. On n’ouvre pas la porte aux personnes d’expérience. Et aussi, les employeurs mettent trop de conditions pour savoir qui ils embauchent. Ils demandent trop de papiers, ce qui n’est pas le cas là-bas. (…) Cela favorise le retour aux Etats-Unis. » En conclusion, nous pouvons dire que malgré le mythe du migrant de retour qui jouit d’une mobilité sociale et d’une reconnaissance plus importante qu’avant son départ, force est de constater que la réalité est loin du mythe. L’insertion sur le marché du travail est rapide mais cela s’explique par le type d’emplois qu’acceptent les migrants de retour. Il n’existe pas de données précises concernant le genre des migrant(e)s de retour et de leur insertion sur le marché du travail. Ce tableau des réalités met à jour la difficile réinsertion dans le pays d’origine. Or cette réinsertion est conditionnée aux politiques qui dispensent des aides au retour. Section C- Une prise en compte du genre dans les politiques d’accueil des migrants de retour ? c. 1- Une Evaluation du Programme Paisano Nous l’avons vu le marché de l’emploi ne favorise pas particulièrement les migrant(e)s de retour. Ils et elles sont aussi confronté(e)s à la discrimination de la part de la population de leur lieu d’origine. Ils et elles doivent faire face à un processus de réintégration voire parfois dans certaines communautés « rancheras » ou indigènes, montrer par des rituels leur appartenance au groupe. Face à ce flux importants de retour, les autorités tentent de répondre aux demandes de documents d’identité par exemple. Cependant, si certains programmes d’aide aux migrants son relativement connus tel le 3x1, d’autres peinent à trouver leur place et à répondre aux nécessités des migrants. Le programme Paisano est créé en 1989 face à la demande de leaders d’organisations sociales, commerciales, politiques et religieuses du Mexique et des Etats-Unis. L’objectif général du programme c’est d’éliminer les risques de maltraitance, extorsion, vol et corruption exercés par les fonctionnaires du Gouvernement Fédéral envers la population de migrant(e)s de retour. Les mesures d’amélioration des services publics s’appliquent aux frontières et dans les principaux aéroports du Mexique. Au départ, elles ne s’appliquent que lors des périodes de vacances puis elles finissent par être étendues à toute l’année. Néanmoins le programme développe des mesures spéciales lors des périodes de vacances étant donné que le flux de migrants peut aller juqu’à 1 million de personnes. L’opération « Operativo Verano 2013 » par l’intermédiaire du Programme26 route sûre offre des services tels qu’une attention médicale et une attention mécanique . Douze ministères publiques participent du 26 http://www.eluniversal.com.mx/nacion-mexico/2013/inm-migracion-operativo-934744.html programme: la Secretaría de Relaciones Exteriores (Affaires Etrangères), la Secretaría de Hacienda y Crédito Público (Finances et Economie Publiques), la Secretaría de la Función Pública (Fonction publique), la Secretaria de Seguriad Publica (Sécurité publique), la Secretaría de Turismo (Tourisme), la Secretaría de Salud (Santé), la Procuraduría General de la República, la Secretaría de Comunicaciones y Transportes (Communication et Transport), la Secretaria de Desarrollo Social (Développement Social), la Secretaria de Trabajo y Prevision Social, la Secretaria de Educacion Publica, la Secretaria de Economia ainsi que et le DIF, el IMSS, el Instituto Federal de Defensoria Publica, la Procuraduria Agraria et la Procuraduria Fderal de Proteccion al ambiente. Ces ministères et institutions publiques sont sous la houlette d’une Commission interministérielle. Précisons qu’à l’origine le programme avait autant pour objectif de favoriser le développement touristique et les exportations que d’assurer la sécurité des personnes de retour. Le Plan National de Développement 1995-2000 modifie en partie la mission de « Paisano »27. Son but devient alors de s’assurer que les citoyens qui sortent, transitent ou rentrent au Mexique reçoivent un traitement digne. Le travail se fait à travers la sensibilisation de ces personnes à leurs droits (simplification des démarches administratives) mais aussi à la protection de leurs biens ou au processus de dépôt de plainte etc… Par la suite, le programme s’intègre aux autres programmes de l’Institut National de la Migration et se fait connaitre aux Etats-Unis à travers le réseau consulaire à Los Angeles, Chicago et Houston. Il existe aussi 31 comités du programme Paisano dans les Etas de la République Fédérale. La nouveauté du programme en 2013 c’est la collaboration du Ministère de la Santé qui réalisera une campagne de vaccination mais aussi d’inscription au « Seguro Popular ». Victoria Kline (annexe 3), lors d’un entretien nous a avoué qu’il n’existait pas d’approche de genre dans le cadre de ce programme. Selon ses dires, la méthodologie du programme même est en cause. En effet, il favorise les actions de sensibilisation rapides à la frontière. Et pourtant « Paisano » compte un service d’aide à certaines populations vulnérables comme les enfants et les personnes âgées. Les réseaux de traite de personnes sont pourtant bien présents à la frontière. 27 http://www.paisano.gob.mx/index.php/programa-paisano/mision-vision-y-objetivos A cela il faut ajouter les résultats d’une enquête réalisée en 2009 par SEGOB, INM, la Secretaria de Relaciones Exteriores , la Secretaria de Previsión Social et le Collège de la Frontière Nord. Cette enquête a pour objectif d’évaluer les résultats du Programme Paisano 20 ans après sa naissance. Depuis 2002, le COLEF réalise l’évaluation du programme Paisano qui a entre autres pour objectif d’aider les migrants de retour dans l’obtention de documents d’identité. L’enquête évalue la connaissance du programme par les migrants aux Etats-Unis et au moment de revenir au Mexique. L’impact du programme n’est pas seulement mesuré en fonction de sa connaissance par les migrants mais aussi par son utilisation. Entre octobre et décembre 2009 : 313 534 mexicaines et mexicains ont passé la frontière pour revenir dans leur pays d’origine. Ils sont principalement des hommes (seulement 97 000 femmes) entre 30 et 39 ans. De ces voyageurs, 233 501 ont entendu parler du programme, surtout à la radio ou à la télévision. Si les 2/3 des voyageurs estiment connaitre les prérequis pour rentrer sur le territoire national, moins de la moitié connait les marchandises qu’elle est autorisée à faire rentrer sans payer d’impôts. Ce qui est préoccupant c’est que seulement 106 755 disent voyager sans aucune préoccupation quant à leur sécurité. De plus si la majorité des voyageurs ont entendu parler du programme aux EtatsUnis, ils n’ont en grande majorité (148 856) pas reçu plus d’informations à leur arrivée. Environ 80 000 personnes n’ont jamais entendu parler de « Paisano ». Un questionnaire plus détaillé est rempli durant cette même période de l’année 2009 par 233 501 personnes qui traversent la frontière par voies terrestres. La majorité des personnes qui ont cherché de l’information ou ont utilisé le programme « Paisano» l’ont fait dans le cadre de démarches administratives, souvent des demandes de documents d’identité. Plus de la moitié des personnes à destination du Mexique lors de cette période n’a pas cherché à obtenir de l’infomation concernant les marchandises autorisées ou des recommandations dans le but d’éviter les extorsions par exemple. Finalement l’enquête révèle que 118 347 personnes n’ont pas cherché d’informations sur le programme et donc ne l’ont pas utilisé. Quant à la question du l’utilité du programme en lui-même : 69 925 le considère comme très utile ou utile. En réalité de celles-ci seulement 18 852 pensent qu’il est très utile. Puis 27 191 personnes l’estiment peu utile et 9493 pensent qu’il n’a aucune utilité. Vingt ans après son lancement l’impact du programme Paisano est moindre dans la mesure où il se revendique comme « un système intégral d’information actualisée et efficiente » mais que seulement 75% des concerné(e)s en ont entendu parler. Or s’ils sont 66% à dire connaitre les prérequis de leur entrée sur le territoire mexicain, seulement 52% ont une connaissance approfondie des informations et services dispensés par « Paisano ». Si le Collège de la Frontière Nord analysait auparavant l’impact du programme, aucune étude n’a été faite depuis 2009. Le panel de personnes ayant répondu à l’enquête montre que seulement 29% des interviewés le considère comme utile ou très utile. Si depuis 2009, le programme a connu des améliorations : l’impact de celles-ci sur la connaissance du programme par les migrants de retour est inconnu. Aucune étude officielle de l’Institut National de la Migration ne montre si les améliorations répondent à un réel besoin de la part des migrants et migrantes de retour. De plus le programme ne compte aucune approche genre. Nous pouvons donc conclure en précisant que cette politique publique d’accueil des migrants de retour est largement insuffisante. c. 2-De la nécessité de créer des politiques publiques d’accueil des migrant(e)s de retour Augustin Escobar Latapi, chercheur du CIESAS (Centre d’Investigation et d’Etudes Supérieures en Anthropologie Sociale) lors d’un séminaire international sur la migration de retour 28 donné à la UNAM fait part d’une investigation sur l’intégration et la réintégration des migrants dans la société d’accueil et la société d’origine. Sa présentation s’intitule “Una política pública para el retorno a México » (annexe 4). Cette investigation à laquelle ont participé 28 chercheurs tant américains que mexicains pointe du doigt le manque criant de politiques d’accueil notamment des politiques de genre et générationnelle. De plus, il estime que ces politiques doivent être mises en œuvre bilatéralement. A partir des résultats de la recherche, Augustin Escobar de préciser qu’il faut mettre en place des mécanismes d’attention bilatérale afin de répondre aux nécessités des citoyens et citoyennes qui résident dans un autre pays que le leur. Or s’il existe une Commission binationale Mexico-EtatsUnis depuis 1996 elle ne siège plus depuis 2005. En 2002 cette Commission change de nom pour celui de Commission de Sécurité et Frontière. Puis en 2005, suite aux critiques répétées du Gouvernement mexicain face aux violations des accords par les Etats-Unis, ses membres ont cessé de se réunir. Cette approche de la migration de retour comme étant un thème de sécurité nationale ne garantit en rien l’accueil des migrants dans leur pays d’origine. Dans le but de répondre aux nécessités de cette population, devrait exister des discussions binationales sur les problématiques 28 http://www.cisan.unam.mx/avisos/migracionRetorno_06052013.pdf sociales et l’intégration entre les deux pays. Or si la Réforme migratoire vient à être votée, elle pourra en partie remédier à cette situation de brèche entre ces deux pays ainsi qu’entre les migrant(e)s de retour et le reste de la population. Cette politique binationale favorisant l’accueil des migrants de retour devra, selon le chercheur, prendre en compte le fait que l’ampleur de la migration de retour n’est pas moindre. Entre 2005 et 2010, le flux de a été de 1 Million 400 000 personnes voire de 1,6 Millions si nous considérons les personnes nées aux Etats-Unis. La diversité de cette population pose problèmes pour la définition de ses nécessités : si en 2005, beaucoup de retraités venaient se réinstaller dans leur pays d’origine, la tendance évolue en 2010. L’augmentation du nombre de mexicain(e)s né(e)s aux Etats-Unis et qui viennent s’installer au pays de leurs parents devrait aller de pair avec une politique publique qui cible leur besoin. Le taux de chômage élevé aux Etats-Unis n’est pas favorable aux migrants, en particuliers les latinos. Selon l’investigation menée à bien au CIESAS, les nécessités de la population migrante touchent avant tout le secteur de la santé et de l’information. Les migrant(e)s de retour ont un accès inférieur à la sécurité sociale (Seguro Popular) que le reste de la population. Agustin Escobar de préciser que malgré le Programme Paisano, un grand nombre de fonctionnaire exclue la population de retour de l’accès aux services publics auxquels elle peut prétendre. Précisons que cette étude qui montre le manque de politiques publiques d’attention eux besoins de la population de retour fait un panorama de la situation au niveau Fédéral. La capitale du pays compte en effet depuis 2009 avec un programme « Ville hospitalière, interculturelle et d’attention aux migrants. Or ce programme répond aux demandes des Organisations Internationales en termes de défense des migrants en particulier des populations vulnérable comme les femmes et les enfants. Le terme de populations migrantes est entendu dans le sens de migrants nationaux, migrants en transit et migrant(e)s de retour. Dans le cadre de ce programme, les demandes de documents d’identité et d’aide juridique sont facilitées. L’analyse de la population qui en 2009 effectue le plus souvent ses démarches montre que les femmes sont majoritaires : soit elles effectuent les demandes pour un membre de la famille aux Etats-Unis, soit elles le font lors de leur retour29. 29 Caminando con los migrantes, La experiencia del Gobierno del Distrito Federal, SEDEREC, CAMyF et Alternativas de Desarrollo en el Campo y la Ciudad A.C, México 2011 Pour conclure cette première partie, nous pouvons dire que si les politiques publiques d’accueil des migrants de retour existent bel et bien elles se caractérisent souvent par un manque d’efficacité. Malgré l’hétérogénéité des personnes de retour, elle n’inclut aucunes spécificités pour les femmes qui pourtant sont en plus en proie que leurs homologues masculins de devenir des victimes du trafic de personnes. Le dernier exemple montre bien que les décisions peuvent se prendre au niveau étatique en fonction des volontés politiques et donc favoriser un meilleur accueil des migrants et migrantes de retour. En pied-de-nez à Fred Constant pour qui (L’enjeu mondial, les migrations, Sciences Po les presses, Paris 2009) le glissement des politiques migratoires vers moins de répression se fera à travers une prise de conscience de la société civile à l’échelle mondiale, nous pensons que cette tâche doit avant tout passer par une réflexion sur les apports locaux des migrations sans perdre pour autant l’idée qu’elles sont régionales et mondiales. Chapitre II- Conditions du retour des femmes migrantes au Mexique Nous l’avons vu les conditions du retour ne sont pas toujours idéales pour les migrants. Nous avons voulu comprendre quelles étaient les raisons qui les poussaient à revenir dans le cadre de la migration de retour choisie mais aussi les conditions de ce retour. Victor Espinosa dans el Dilema del retorno montre que Durand et Massey ont dressé une liste de cinq facteurs qui influencent la migration de retour. Le premier facteur est l’accumulation de capital matériel (possession de terres dans la communauté d’origine), en effet comme nous l’avons déjà précisé les migrants qui pensent revenir se fixent des objectifs comme la construction d’une maison, l’installation d’un petit commerce ou d’une voiture pour l’activité de taxi…etc. Ces deux auteurs mettent à jour l’étude des conditions économiques de la communauté réalisée par les migrant(e)s à l’heure de la prise de décision. La diversification de l’économie du lieu d’origine peut être considérée comme un facteur « pull». Le troisième facteur à prendre en compte est celui des conditions macroéconomiques des deux pays : fluctuation des indices d’inflation et calcul des taux d’intérêt au Mexique. Ce chapitre traitera avec plus de détail les deux autres facteurs évoqués par les auteurs : le capital humain, c’està-dire les connaissances et les capacités acquises par les migrant(e)s mais aussi le capital social accumulé. Le chapitre se terminera par la démonstration que la négociation de la migration de retour dans le cadre familial montre une évolution ou plutôt une redéfinition des rapports de genre. Section A- L’intégration au marché du travail aux Etats-Unis, facteur d’amélioration du capital humain féminin ? a. 1- L’insertion des femmes sur le marché du travail aux Etats-Unis Nous l’avons vu l’insertion de la population migrante de retour sur le marché de travail mexicain est loin d’être idéale. Le rapport de BBVA Research ne montre pas l’insertion de ces migrantes sur ce marché du travail. Précisons que la main d’œuvre féminine migrante est très appréciée aux EtatsUnis car elle correspondrait aux stéréotypes de genre qui feraient d’elle une main d’œuvre docile (moins prompte à créer des syndicats) et peu chère. Pierrette Hondagneu-Sotelo montre l’importance du réseau pour trouver un travail, notamment un travail d’employé domestique. Or ce travail reproduit la division genrée du travail qui veut que les femmes se spécialisent dans les tâches de reproduction considérées comme moins nobles. Il renforce l’isolement et donc la vulnérabilité de ces travailleuses. Plus de la moitié des femmes migrantes travaillent, majoritairement dans les manufactures, puis vient en second lieu vient le secteur des services et ensuite l’agriculture. Certaines femmes migrantes se voient obligées par leurs époux de quitter leurs emplois une fois qu’il peut subvenir seul aux besoins de la famille. Si certaines refusent, d’autres considèrent le fait de ne pas devoir travailler comme un privilège. Cette idée de retour à ce que les hommes considèrent comme la division normale du travail est une manière de montrer leur richesse. Cette situation n’est pas uniquement synonyme de la perte d’autonomie financière mais aussi de la perte d’un levier, d’une forme de pouvoir lors des négociations familiales concernant le retour. Ce panorama des mauvaises conditions de travail desquelles les migrantes sont victimes aux Etats-Unis est dû à un marché de l’emploi très genré, à leur statut migratoire parfois irrégulier, à leur manque de connaissance de l’anglais, à la peur et l’angoisse des femmes migrantes autonomes…etc. Gonzalo Monsitu dans Mujer y Migración, los nuevos desafíos explique que ces inégalités genrées dans le monde du travail découlent aussi bien des structures sociales des sociétés patriarcales que des barrières que les femmes se posent parce qu’elles les ont intégrées comme étant des caractéristiques propres à leur sexe. Dans un premier temps, l’auteur explicite les différentes barrières externes à l’égalité homme-femme sur le marché du travail. La ségrégation verticale est un phénomène discriminant qui fait que les femmes se concentrent dans des professions dites féminines (et donc moins rémunérées). La ségrégation horizontale quant à elle prouve la difficulté pour une femme d’obtenir des postes de responsabilités. A ces deux barrières externes c’est-à-dire des structures sociales, s’ajoute la double journée des femmes qui se divise entre activités productives et reproductives. Il existe aussi selon l’auteur un certain nombre de barrières externes parmi lesquelles on peut compter la faible auto-estime qui est un comportement socialement appris. Or cette même faible auto-estime constitue un obstacle à l’apprentissage de nouvelles capacités, les femmes auront tendance à attribuer cet échec à un manque de capacité et pas à un manque de temps ou d’effort. Ce phénomène s’explique en effet par l’attribution d’un succès à des facteurs externes et l’attribution d’un échec à des facteurs internes à la personne. Or les hommes appliqueraient la tendance inverse. Ces barrières fondent en quelques sortes une discrimination sociale de genre dont les conséquences directes se font ressentir sur le marché de l’emploi. Précisons que ces barrières s’appliquent au contexte mexicain comme au contexte nord-américain. Nous nous demanderons si les migrantes de retour peuvent à travers le processus migratoire, s’affranchir d’une ou plusieurs de ces barrières afin de bénéficier d’une mobilité sociale dans leur lieu d’origine. a. 2- L’insertion des migrantes sur le marché du travail mexicain Jorge Durand lorsqu’il dresse un tableau des facteurs qui conditionne la migration de retour évoque le capital humain qu’il définit comme les connaissances, les aptitudes, les talents et expériences qu’accumule une personne et qui conditionne son travail et l’évaluation de son travail. Pour Jorge Durand, « le séjour à l’étranger est l’occasion pour le migrant d’acquérir certains savoirfaire qui permettent de réaliser le retour au pays dans de meilleures conditions ». L’apprentissage de l’anglais permet de trouver un emploi dans le secteur de l’éducation, du commerce et des services parmi lesquels citons les call-center. Le séjour à l’étranger est l’occasion de se familiariser avec des outils et des machines de pointe qui en théorie permettent l’obtention d’un meilleur emploi ou la mise en place d’une activité propre au retour. L’exemple le plus significatif est sans doute celui des mécaniciens automobiles qui grâce à la migration sont capables de réparer les systèmes de transmission automatique très courants aux Etats-Unis. Ce capital humain et surtout la prise de conscience de l’amélioration du capital humain est considéré comme un facteur de retour important. Maria Eugenia d’Aubeterre dans un article intitulé “Empezar de nuevo: migración femenina a Estados Unidos. Retornos y reinserción en la Sierra Norte de Puebla, México »30 étudie les processus de retour de femmes migrantes entre la Caroline du Nord et le village indigène et métisse de l’Etat de Puebla, Pahuatlán. Elle recueille les données suivantes : Comparaisons des conditions de la migration de retour des femmes métisses de la « cabecera municipal » Modalité de Age Permanence retour Année de Lieu de Emploi aux Emploi à retour provenance Etats-Unis Pahuatlan en 2010 Employée Seule 18 mois 2003 Virginie scierie Au foyer Ouvrière, En couple 39 5 ans 2001 Car. Nord employée de Commerçante magasin, (commerce de nourrice pièces détachées) Employée de Seule 33 2 ans 2001 Texas Au foyer papeterie Employée du Célibataire 40 2 ans 2001 Texas étudiante Gouvernement du DF Seule Célibataire 30 23 49 9 ans 9 ans 2007 2007 Car. Nord Car. Nord Vendeuse Vendeuse de informelle de vêtements, nourriture, location nourrice d’appartements Aide à vente Etudiante et nourriture vendeuse de d’Aubeterre Maria Eugenia, “Empezar de nuevo: migración femenina a Estados Unidos. Retornos y reinserción en la Sierra Norte de Puebla, México », revista Norteamericana del CISAN, 2012. vêtements Vendeuse de En couple En couple En couple 19 29 29 7 ans 1 an 3 ans 2008 2002 2010 Car. Nord Californie Etudiante nourriture Cueilleuse Vendeuse de fraises informelle Mac Donalds Foyer, sans Maryland emploi, dit continuer ses études Visite au fils Seule 28 1an 2010 Texas retraite Visite au Célibataire 54 1 an 2010 Texas Institutrice à la Etudiante frère Commerçante Seule 19 4 ans 2004 Car. Nord Au foyer Ménage dans En couple En couple En couple 28 8 ans 4 ans 1 an 2010 2008 2006 Virginie Californie Car. Nord Foyer hôtel Cuisinière Foyer (et restaurant marché local) Nourrice Foyer Comparaisons des situations des migrantes de retour : trois localités indigènes Pahuatlan de l’Etat de Puebla (20082010) Modalité Appartenance de retour ethnique Seule Nahua Atla Age Permanence Provenance Emploi aux Emploi à Motif du EUA Pahuatlan retour Propriétaire d’épicerie, commerce de bières Attention au fils adolescent resté avec sa grand-mère Ouvrière dans une usine de Tshirts Attention à la fille adolescente restée avec ses grands-parents Problèmes d’alcoolisme de son époux. Déportés après tentative d’aller en Caroline du Nord 31 2001-2004 Caroline du Nord Récolte de tabac, nettoyage de bureau, caissière 28 2006-2008 Texas Restaurant Fast-Food 31 1997-2008 Caroline du Nord 27 2003-2005 Floride Ménage dans hôtel Au foyer, nettoyage de maraicher Accidentée, perte de son emploi, attention à ses enfants adolescents restés avec la grand-mère 25 2002-2008 Caroline du Nord Hamburgers et blanchisserie Au foyer Son époux a été déporté Nahua En couple Xolotla Otomi En couple San Pablito Usine de cartons, usine pièces de voiture, garde maternelle, employer domestique Artisanat avec du papier amate Nahua En couple Xolotla Nahua En couple Atla On remarque que la migration féminine s’effectue grâce aux réseaux de femmes locales déjà sur place : a priori en Caroline du Nord et au Texas. Les deux cadres montrent que ces femmes migrantes aux Etats-Unis font partie d’une « économie politique du travail domestique dans et hors du foyer » (Pessar, Sassen). En effet les femmes migrantes sont employées dans des secteurs où les emplois sont mal rémunérés et précaires qui se caractérisent par une intense rotation. La plupart des femmes au moins deux activités génératrices de revenus. Si l’on compare les activités des femmes et celles des hommes de cette communauté, nous constatons que les hommes travaillent dans des secteurs tels que la construction ou l’agriculture et en aucun cas dans des activités dites reproductives de ménage, de cuisine ou de surveillance des enfants. Citons Bourdieu pour qui : « L’ordre social fonctionne comme une immense machine symbolique tendant à ratifier la domination masculine sur laquelle il est fondé : c’est la division sexuelle du travail, distribution très stricte des activités imparties à chacun des deux sexes, de leur lieu, leur moment, leurs instruments ». En effet, au retour des Etats-Unis, la division des tâches n’a pas changé en ce qui concerne le domaine de la sphère publique. Avant le départ, les métisses sont celles qui comptent avec une éducation plus longue cependant cette longévité ne change en rien le type d’emplois qu’elles occupent aux Etats-Unis. Rosa Cobo évoque la catégorie des travailleuses génériques (interchangeables) comme les indigènes en opposition aux métisses qui ont plus de ressources et donc plus d’autonomie (travailleuses autoprogrammables). En réalité, l’ethnie, le genre et le statut migratoire sont des facteurs de discrimination aux Etats-Unis mais aussi au Mexique. L’appartenance ethnique par exemple est un marqueur négatif qui freine l’accès aux ressources matérielles et symboliques et donc traduit une différence de classe. Ces facteurs nous permettent de comprendre les différences d’insertion sur le marché du travail local au Mexique des migrantes de retour. Il existe aussi une certaine stigmatisation envers les migrant(e)s de retour qui ont été déporté(e)s. Les raisons du retour que révèle cette étude montre l’importance de la réunification familiale de ce côté de la frontière aussi. On peut imaginer que ces migrantes ont atteint les objectifs économiques fixés au départ. Elles ont pu épargner pour s’assurer un retour dans de bonnes conditions. Pour le cas des métisses : elles migrent dans l’espoir de revenir pour financer leurs études universitaires ou pour installer un commerce dans le lieu d’origine. Certaines poursuivent même leurs études alors qu’elles ont déjà des enfants. A contrario, l’arrêt des études pour les femmes indigènes est considéré comme définitif. Les cas d’achat de terres sont très rares chez cette population métisse. A la différence des métisses, les femmes indigènes avaient déjà réalisé au moins une migration interne, souvent au District Féderal, avant de tenter leur chance avec la migration internationale. Cela explique pourquoi, l’âge des métisses lors de la migration est moins avancé que celui des femmes indigènes. Ajoutons à cela que pour les femmes qui travaillaient en tant qu’ouvrières, le retour dans leurs communautés d’origine rend impossible l’utilisation du capital humain qu’elles ont accumulé. Si certains couples ont déjà une maison construite dans leur village grâce au remises de fonds, les perspectives d’emploi sont les mêmes que les personnes qui n’ont pas migré. Cette situation peut être différente lorsque le village a connu une diversification de son économie (industrialisation, développement du commerce). Or si la cabecera municipal offre des emplois de ce type, les indigènes y ont un taux d’insertion très bas. Les femmes célibataires ont aussi l’opportunité de migrer à Mexico ou à Tulancingo. En guise de conclusion, nous pouvons préciser que la migration aux Etats-Unis est une phase d’accumulation de capital mais lui correspond une certaine flexibilité du lieu géographique du foyer. En effet, l’incertitude caractérise cette migration. En réalité, plus le retour aurait été préparé (même en cas d’expulsion), plus il sera facile. Le retour implique non seulement de trouver un toit, un travail ou une activité économique avec revenues, une école mais aussi la construction d’une identité différente tant au point de vue administratif que culturel. L’exemple ici analysé ne vaut pas pour l’ensemble du territoire mexicain où les perspectives quant au retour sont très homogènes. a. 3- L’autre travail des femmes : les tâches domestiques Nous reviendrons rapidement sur les changements dans les relations de genre et la division des tâches domestiques induites par la migration. Dans cette optique il est important de rappeler que c’est le processus de la migration en lui-même qui permet ces évolutions et en aucun cas une assimilation des valeurs anglo-saxonnes. Dans les pays de l’OCDE, environ 60% des activités reproductives est assuré par les femmes en plus de leurs activités productives. C’est donc plus la confiance en elles-mêmes qui permet aux femmes migrantes de changer la perspective quant à la division sexuée du travail. PierretteHondagneu-Sotelo 31 montre que Les familles dites nucléaires dont les membres ont tous migré ensemble sont caractérisées par une structure patriarcale moins rigide que les familles dont les 31 Hondagneu-Sotelo Pierrette, Gendered Transitions, Mexican Experiences of Immigration, Los Angeles, University of California Press, 1994 membres ont migré par étapes après 1965. Dans les premières, la prise de décision se fait entre les deux conjoints. Or le fait de pouvoir faire migrer tous les membres de la famille en une seule fois à un coût que toutes les cellules familiales ne peuvent se permettre. On constate donc que les familles dont les membres ont migré par étapes, les hommes ont endossé la responsabilité de certaines tâches domestiques. Le degré d’influence de la femme dans la prise de décision dépend aussi du fait que la migration ce soit faite grâce à ses réseaux personnels. Paradoxalement, lorsque les hommes ont migré seuls avant 1965, la division genrée des tâches domestiques tend à être moins orthodoxe. En effet, ces migrants ont dû vivre seuls ou en communauté mais sans femme et ont donc appris à réaliser ces tâches domestiques. Leurs épouses restées dans un premier temps au pays ont aussi acquis une certaine autonomie. Lors d’un entretien avec une famille migrante, l’auteure aperçoit l’homme en cuisine. L’épouse, Rebecca Carvajal d’ajouter : « Ça c’est exactement qui nous sommes, comment nous vivons, comment nous fonctionnons ». Victor Espinosa aussi montre que Quico Correa participe aux tâches dites domestiques mais surtout celles de jeu et d’accompagnement des enfants (le bain). Ces transformations dans la division des tâches domestiques entre homme et femme sont modestes si l’on en juge d’un point de vue de l’idéal féministe d’égalité mais restent significatif dans un contexte patriarcal. Selon l’auteure « les hommes évitent le travail pénible et invisible et s’emparent du travail qualifié et visible ». Ils cherchent la reconnaissance immédiate. Ofelia Woo32 de préciser que dès qu’un homme s’empare d’une activité dire « reproductive » donc appartenant à la sphère privé, la tâche devient en elle-même noble. Ce n’est pas tant le fait que la tâche reproductive comme la cuisine sorte de la sphère privée qui va garantir sa reconnaissance mais plutôt son appropriation par l’homme. 32 Poggio Sara et Woo Ofelia, Migración femenina hacia Estados Unidos, cambio en las relaciones familiares y de género como resultado de la migración, México, Edamex, 2000. Section B- La communauté transnationale : une « communauté imaginée » ? b. 1- Qu’est-ce qu’une communauté transnationale ? Le transnationalisme selon la définition classique de Schiller cité par Cristobal Mendoza 33, c’est les « processus à partir desquels les migrants construisent des champs sociaux entre leur pays d’origine et de destination. ». Selon lui, le concept de communauté transnationale implique une remise en cause de l’Etat-nation ou d’après le titre de l’œuvre de Bertrand Badie : « la fin des territoires ». Les réseaux transnationaux prendraient part dans une sorte de « troisième espace » ou «d’hyper espace ». Nous retrouvons donc là le concept de communauté imaginée de Benedict Anderson pour qui ces espaces réunissent des gens qui ne se connaissent pas nécessairement mais qui éprouvent un fort sentiment d’appartenance à une même communauté. On peut donc distinguer les localités transnationales, espaces qui existent et sont situés dans des Etats-nations connectés par des espaces « neutres » d’interrelation où circulent les biens, les personnes, les idées et les capitaux. Cette notion de transnationalisme s’est développée essentiellement à partir des années 1990 qui ont vu se moderniser des réseaux de transport et de communication. Précisons que dans le cas des relations entre les Etats-Unis et le Mexique, la proximité géographique des deux pays ont favorisé les transports terrestres. Puis la téléphonie mobile et enfin internet ont accéléré le rythme des échanges de ces réseaux transnationaux. Néanmoins, si l’on recentre l’idée de communauté transnationale sur celles des réseaux sociaux transnationaux qui nous l’avons dit seraient d’après Massey un facteur de la migration de retour, nous pouvons dire qu’il existe différents types de réseaux en fonction de leur durée et de leur intensité. Reprenons la typologie de Faist pour qui un réseau de faible durée et de faible intensité favorisent une dispersion et par la même une assimilation rapide à la société de destination (rupture avec les origines). Au contraire un réseau court mais intense favorise les échanges et la réciprocité transnationale : il y a souvent retour pour la première génération de migrants. Les réseaux de longue durée quant à eux favorisent, quand ils sont de faible intensité l’utilisation de liens sociaux transnationaux dans certains domaines comme le commerce, la religion, la politique. Les réseaux de forte intensité et de longue durée favorisent la création de communautés transnationales sans localisation concrète, entre l’origine et la destination. Dans cette typologie, Faist a omis d’inclure l’échelle des réseaux (individus, famille, foyer et communauté). Il 33 Mendoza Cristobal, « Espaces frontalier et articulation d’espaces sociaux entre Mexique et Etats-Unis » in Baby&Collin, Migrants des Sud, Paris, IRD Editions, 2009 . semble donc évident que la migration favorise le fractionnement des unités familiales qui doivent être conçues non pas comme des entités homogènes mais plutôt comme des foyers poly-nucléiques qui entretiennent un contact permanent. L’exemple le plus significatif doit sans doute être celui de Quico Correa, le père de la famille analysée par Espinosa, qui dans le but de faciliter son retour mais aussi de préparer sa possible élection en tant que maire communique en permanence avec sa communauté d’origine. C’est cette transnationalité, ce contact permanent entre l’origine et la destination qui rend difficile la définition de l’acculturation et de l’assimilation. Les valeurs, les biens, les personnes sont tellement en mouvement dans l’espace qu’on peut plutôt parler d’hybridation. Cette transnationalité ou « double appartenance » selon Espinosa a créé une arène de confrontation et de négociation pour le pouvoir entre différents groupes. La mobilité sociale, but ultime du migrant, a fait apparaitre de nouveaux acteurs politiques qui parfois ont plus d’influence sur leur lieu d’origine que ceux qui y résident. Une autre manifestation de ce transnationalisme c’est le concept de la « simultanéité culturelle » qu’expérimentent un bon nombre de migrants devant la possibilité de se déplacer, d’habiter et d’appartenir à deux endroits à la fois. Ce processus a été développé par la massification des moyens de communication et de transport. Cependant il a aussi généré des tensions et des conflits culturels au niveau communautaire et individuel. Ces tensions ont obligé les migrant(e)s à renégocier les appartenances de genre et de groupe. C’est le cas d’Ana Maria Correa dans l’étude d’Espinosa, elle se sent sans cesse angoissée face à sa double appartenance. En résumé, ils ont dû crée une sorte de « versatilité culturelle » dans le but de pouvoir transiter entre ces mondes culturels. Dans le but de faire comprendre l’intensité des flux de biens, personnes, capitaux, informations à travers les réseaux sociaux, Jorge Durand utilise la métaphore du « circuit intégré de courant alternatif ». Cela oblige donc à analyser les interactions entre migration interne et migration internationale au Mexique. Selon Jorge Durand, « les migrants qui pensent au retour maintiennent leurs liens avec le lieu d’origine, ils entretiennent leurs relations et augmentent avec le temps leur capital social. Il est utile de signaler ici que le capital social peut servir autant à entreprendre une aventure migratoire (Massey) qu’à revenir au lieu d’origine. La théorie de Massey de la causalité cumulative peut aussi être prise en compte pour expliquer un retour. Plus l’expérience accumulée de retour dans la famille, la communauté et/ou le pays d’origine est grande, plus la personne migrante est tentée par le retour. A ce niveau, un parallèle peut être fait avec le migrant qui avec son succès à l’étranger incite son entourage familial mais aussi sa communauté à émigrer. L’idée du retour peut aussi être un argument lors d’une négociation familiale concernant la migration d’un ou plusieurs de ses membres. Pour Ofelia Woo malgré le fait que les femmes aient souvent tendance à migrer sur des périodes plus longue voire à vouloir s’installer définitivement dans le pays d’origine, elles ne cessent de participer au processus d’intégration transnationale. Ce processus se fait par le lien affectif, socioculturel et économique qu’elles développent des deux côtés de la frontière. Cette transnationalité impose des changements dans la vie quotidienne des femmes. La construction de l’identité féminine est liée pour certains auteurs à la recherche de la stabilité et la continuité de la cellule familiale, ce phénomène a joué un rôle primordial entre les deux pays. b. 2- La confirmation de l’appartenance à la société d’origine : la journée des migrants en opposition à l’ancrage de la famille dans la société de destination. Constatons dans un premier temps que la majorité des auteurs réaffirment le fait que les femmes ont plutôt tendance à vouloir s’installer définitivement dans la société de destination. Elles développent elles aussi leurs réseaux sociaux et ancrent la famille de manière définitive dans cette société. Pierrette Hondagneu-Sotelo34 révèle que les femmes s’adaptent souvent mieux que les hommes à la société de destination : elles en maîtrisent les habitus et la langue généralement plus vite qu’eux. Leur participation accrue au marché du travail et leur bonne maîtrise de l’anglais les désignent immédiatement responsables des démarches administratives tels que le paiement des factures, les inscriptions scolaires, la recherche d’un nouveau logement voire même d’un nouveau restaurant dans le cas de Maria Correa analysée par Espinosa35. N’oublions pas que Pierrete Hondagneu-Sotelo révèle l’importance du réseau migratoire des femmes qui parfois est utile à leur mari. Elles ont alors un levier de plus dans l’arène des négociations sur la décision de revenir au Mexique. Elles assument souvent le contrôle total des affaires du ménage et traitent avec les institutions sociales. Inutile de préciser que ces demandes sociales ancrent la famille sur son territoire d’accueil. De plus, les activités extra scolaires des enfants que Maria Correa a payé sans demander la permission à son époux servent à faire passer le message que tous les revenus de la famille ne sont pas destinés à l’amélioration de la ferme à San José. Quico Correa de dire « en 34 Hondagneu-Sotelo Pierrette, Gendered Transitions, Mexican Experiences of Immigration, Los Angeles, University of California Press, 1994 35 Espinosa Victor, El dilema del retorno, migración, género y pertenencia en un contexto transnacional, México, El Colegio de Michoacán, el Colegio de Jalisco, 1998 réalité mon épouse est celle qui fait tout parce que depuis le début elle parle anglais. (…) Ici mon épouse est l’homme et moi je suis la femme ». Cette renégociation des tâches dans le couple implique un changement pour l’homme qui doit redéfinir son identité de genre. Or tous les hommes n’acceptent pas de passer par ce processus. En réalité cette transnationalité n’est pas vécue par Ana Maria comme un rejet de sa culture d’origine : paradoxalement elle voudrait être femme au foyer mais pense qu’elle regretterait son autonomie. Dans un second temps, nous nous proposons d’analyser toutes bienséances auxquelles se plient les hommes dans le but de développer leur capital social dans la communauté d’origine. Ce capital social est un moyen de faciliter le retour et dans le cas de Quico Correa qui pense se présenter aux élections municipales, ce processus de socialisation est indispensable. L’exemple le plus significatif reste sa participation à la journée des migrants de son village natale. En réalité l’identité ranchera de San José créé un climat de méfiance envers les migrants réputés amener des vices comme le sexe hors mariage et l’athéisme. Tous les 25 décembre a lieu la journée des migrants afin que ceux-ci prouvent leur fidélité au village. Les migrants se réunissent et rédigent un essai sur leur condition puis ils prient avec l’équipe de la Pastorale puis vint l’heure du pèlerinage. Ce pèlerinage met en garde les migrants contre les vices dans lesquels ils peuvent tomber aux Etats-Unis : l’alcool, le divorce, la pornographie. Ce pèlerinage a autant pour objectif de montrer aux habitants la fidélité des migrants à l’Immaculée conception que de dissuader les jeunes de migrer. Finalement si le développement du capital financier, humain et social des migrants est une condition sine qua non pour la réussite du retour, force est de constater qu’il n’impose en rien ce retour tant que les négociations familiales n’ont pas eu lieu. Section C- La stratégie de retour, une négociation familiale entre genre et génération c. 1- La négociation familiale : renégociation de la hiérarchie des pouvoirs dans la sphère privée Attachons nous à comprendre les processus qui mènent à décision de la migration de retour de l’unité familiale. En effet si Massey et Durand nous ont explicité quelques facteurs qui influencent les choix ou plutôt le calcul coûts-bénéfices qui mène à cette décision, force est de constater que ce mode de calcul rationnel n’est pas le seul facteur à prendre en compte. Les processus de migration féminins ont permis à la femme mexicaine d’expérimenter, parfois pour la première fois, le monde du travail. Cette sortie de la sphère privée et l’indépendance économique qui en découle ont favorisé les renégociations des rapports de genre. Inutile de préciser que, même si cela n’est en rien automatique, les femmes ont eu un peu plus de poids dans la prise de décisions qui concernent la famille. Ofelia Woo remarque lors d’entretien avec des migrantes qu’elles assument beaucoup de responsabilités mais qu’à la question qui commande, elles répondent toutes ce qu’elles pensent qu’il y a de plus correct à répondre : leur époux. Ana Maria de la famille Correa est dans cette même situation : elle fait tourner les deux restaurants de tacos seule et s’occupe de la famille lors des longs et nombreux voyages de Quico Correa à San José mais s’il veut partir c’est son devoir d’épouse de le suivre. Mais Ana Maria comme beaucoup d’autres femmes qui ne veulent pas rentrer utilise la stratégie de la rupture/assimilation. Elle a des capitaux économiques, éducatifs et associatifs accumulés qui lui donnent la capacité de négocier. Cette stratégie s’oppose à celle des maris qui veulent investir tout dans une propriété ou un terrain dans le village d’origine et étend son capital social de deux côtés de la frontière. Ils ne se contentent pas d’envoyer des remises de fonds aux proches mais visitent le village et se font de nouveaux contacts. La constitution de ces réseaux se fait aussi à travers la solidarité entre personnes du même village qui tentent leur chance aux EtatsUnis : les familles nucléaires peuvent se retrouver temporairement en situation une famille étendue. Dans le cas de la famille Correa étudié par Victor Espinosa, les décisions se font systématiquement entre le couple. Les enfants ne sont officiellement pas partis pris dans ces négociations. En réalité, ils ont tous un avis sur la question. La petite dernière Vanessa pleure lorsqu’elle étend ses parents évoquer ne serait-ce que la possibilité d’un retour. Les deux fils de Quico et Ana Maria partagent paradoxalement leur vision romantique du Mexique et de la culture ranchera alors qu’un s’oppose au retour et que l’autre y est favorable. En effet pour Paco le Mexique est synonyme de vie simple, innocence, beauté mais aussi violence et manque de liberté. Dès son plus jeune âge il a quitté un travail qu’il aimait dans le restaurant de ses parents afin d’éviter que son père n’utilise son salaire pour des travaux d’amélioration du ranch. Ernie quant à lui dit qu’il ne veut pas avoir la vision manichéiste et simpliste de son frère sur le Mexique en général et sans José en particulier. Il évoque la probabilité d’aller vivre au Mexique en cas de crise économique. Il est conscient du fait qu’il y a des avantages et des inconvénients à s’y installer. Jeannette quant à elle ne parle presque pas espagnol et s’investit énormément dans ses études. Elle a très vite été amenée à fréquenter des milieux bourgeois essentiellement WASP. En réalité si le couple tente l’aventure du retour, ils n’amèneront que Vanessa qui est âgée de 15 ans mais Ana Maria s’y oppose car elle ne veut pas la séparer de ses frères et sœurs. Les dynamiques de négociation dans cette famille particulière ne sont pas que des dynamiques de genre, elles sont aussi générationnelles. S’il n’y a pas de discussion ouverte sur le sujet entre enfants et parents, tout le monde connait les opinions des autres membres de la famille. Il faut aussi considérer le fait que Quico Correa ne prend pas en compte les changements qu’a connu son village pendant son absence : les relations de genre ont aussi été modifié. Le modèle patriarcal, autoritaire est en processus de changement. Ce processus commencé dans les années 1980 n’est pas seulement dû à la migration internationale mais aussi à l’entrée des femmes sur le marché du travail. La construction imaginaire de Quico Correa de sa communauté est bien évidement érronée. En réalité cette théorie de la négociation familiale grâce aux avancées des relations de genre montre crée une séparation entre migrants dont le statut est en règle et les autres. Ces derniers doivent définir la plupart du temps une stratégie familiale d’urgence face à la déportation d’un ou de plusieurs des parents. c. 2- Les stratégies familiales lors d’un retour non voulu La séparation familiale est parfois voulue par des parents : ils les envoient au Mexique afin qu’ils apprennent l’espagnol, connaissent leur culture d’origine ou encore évite de tomber dans les affres du pandillerismo. Cependant le nombre important de déportations de migrants sans-papiers est un facteur de séparation familiale or si les familles ont des droits, peu osent exiger leur respect. En 2012, 400 000 personnes toutes nationalités confondues ont été déporté du territoire nord-américain. Cela représente le double des déportations effectuées en 2002. Du total des personnes déportées, 98% viennent d’Amérique latin et des Caraïbes et 88% sont des hommes. Pendant longtemps, le simple fait que la majorité des expulsés soit des hommes ne posait pas la question des enfants à charge. Pour les cas de femmes déportées, la question se posait systématiquement. Encore une fois les autorités reproduisent une vision patriarcale de la famille et ne prennent pas en compte les situations de familles monoparentales qui ont des hommes à leur tête par exemple. Selon l’IMUMI, actuellement il y a augmentation du nombre de séparations familiales involontaires ce qui veut dire que pour la famille en question, il n’y a aucune possibilité de planifier son futur. Selon l’investigation menée par l’organisation de la société civile, il y aurait eu entre 2010 et 2012, 205 000 pères de famille déportés ayant des enfants nés aux Etats-Unis. Ce chiffre on le sait est en deçà de la réalité car par peur les personnes sans-papiers ne disent pas toute la vérité. Cette réalité implique que les enfants soient place sous la tutelle d’un membre de la famille, d’un ami, d’un voisin ou de l’Etat. Le Pew hispanic Center estime que 5, 5 millions d’enfants viennent de famille mixte où il existe un risque de perte de la garde pour les parents s’ils ne planifient pas leur possible arrestation. Le projet Unidad Familiar donne l’information et soutient les parents. Une information essentielle transmise par ce programme c’est le fait que n’importe quel(le) migrant(e) peut aller faire une déclaration officielle chez un notaire afin de déterminer la personne chez qui son enfant pourra rester vivre en cas d’expulsion. Parfois, un enfant peut se retrouver sous tutelle de l’Etat à cause de la détention et la déportation de ses parents. La récupération de la garde de l’enfant par les parents est un processus long et compliqué : la SRE mexicaine doit gérer la communication entre les autorités nord-américaines et le DIF. Une fois la garde de l’enfant récupérée, les difficultés d’insertion persiste. L’accès aux services publics requiert des papiers d’identité et des actes de naissance par exemple. Ces démarches administratives peuvent aussi être chères. Ce que revendique IMUMI c’est en particulier le droit des familles de choisir leurs trajectoires de vie mais aussi que le droit des hommes migrants à la garde de leurs enfants. Victoria Kline ne répondra pas directement à ma question sur le profil genré des personnes qui viennent chercher des conseils juridiques afin de récupérer la garde de leurs enfants restés aux Etats-Unis. Elle avoue qu’il n’y a pas de chiffres officiels même si elle a perçu une augmentation du nombre de grands-parents qui viennent réclamer la garde de leurs petits-enfants. Elle insiste sur le fait que lors de la déportation d’un couple c’est un peu plus souvent la femme qui se charge des démarches administratives pour récupérer l’enfant. Parfois quand l’enfant ne parle pas espagnol les parents décident de le renvoyer vers les Etats-Unis afin qu’il suive une scolarité normale. Il manque une reconnaissance du phénomène par les autorités mexicaines et par là même la capacitation des fonctionnaires qui travaillent dans les instances binationales sur ce sujet. Dans ce type de situation d’urgence, le concept de famille est entendu au sens large par les parents déportés par exemple mais ils se confrontent, lorsqu’ils n’ont pas choisi de tuteur légal par exemple, à des situations où pour les autorités prime le concept de famille nucléaire. Nous l’avons vu de par le processus migratoire en lui-même, les femmes ont connu un processus d’empowerment et ont donc impulsé une redéfinition des rapports de genre. La prochain chapitre se propose d’ étudier l’impact de ces évolutions des rapports de genre. Chapitre III-Des changements socioculturels dus à la migration ou une perception de changements socioculturels ? Laurent Faret dans les territoires de la mobilité36 de nous mettre en garde contre la différence entre les changements issus de la migration et notamment de la migration de retour et les changements perçus de cette migration. Ce chapitre se propose d’analyser les changements à travers quelques exemples comme l’éducation, la sexualité et la santé reproductive. Or l’auteur remarque qu’à Tepatitlan, les types de changements les plus remarqués sont dans l’ordre, les changements concernant : les pratiques de travail (46,3%), les pratiques alimentaires (43, 7), l’opinion sur l’action des pouvoirs publics (43, 2%), les pratiques de santé (41%) puis l’éducation des enfants. Il semblerait donc que selon la perception des changements des pratiques, l’éducation des enfants n’est pas beaucoup évoluée alors au contraire des pratiques de santé et des pratiques politiques. Ce chapitre a pour objectif de prouver ou réfuter ces propos. Section A- L’éducation comme source principale de reproduction du système patriarcal Le processus d’acquisition des structures sociales de genre commence dès l’enfance. L’enfant à travers les modèles familiaux observe que le père et la mère remplissent des rôles différents. En même temps, il s’inscrit dans un groupe de référence avec des caractéristiques propres en fonction de son sexe dans le but de construire son identité. Ce processus de construction d’identité passe à la fois par le système scolaire et les savoirs relayés par la structure familiale. a. 1- Le retour aux salles de classe L’éducation peut être un facteur push pour migrer vers les Etats-Unis où s’applique l’éducation gratuite. Les possibilités de poursuite d’étude au collège, au lycée voire même à l’université représentent un facteur attrayant de la migration. Dans les communautés de longue tradition migratoire, les enfants ne cherchent plus à étudier et à apprendre un métier. Ils attendent d’avoir 10 36 Faret Laurent, Les territoires de la mobilité, Espaces migratoires et communautés transnationales entre le Mexique et les Etats-Unis, Paris, CNRS Editions 2002. ou 12 ans pour pouvoir migrer. Le modèle diffusé par les cholos attire les plus jeunes. Le cholismo c’est selon Lopez : « une conduite sociale déviante, manifestation extérieure d’un conflit social initié aux Etats-Unis parmi les secteurs marginalisés de Chicanos et de Mexicains conduisant à une négation des normes et une révolte contre certaines valeurs de la société englobante ». Les cholos diffusent une culture urbaine plutôt américanisée qui s’articule notamment autour de la vente et de la consommation de drogue. Ces cholos inspirent les plus jeunes lorsqu’ils reviennent dans leur communauté d’origine. Une femme de commenter lors de l’atelier sur la migration de retour à Chinantla (annexe 2) « les jeunes par exemple, après avoir vu ceux qui reviennent, veulent avoir les mêmes vêtements et les mêmes tatouages ». En sens inverse, la séparation familiale voulue et la migration de retour pour le jeune homme est une obligation afin qu’il ne tombe pas dans le pandillerismo. Dernièrement, la migration autonome de jeunes voire très jeunes garçons a considérablement augmenté. Les possibilités de mobilité sociale offertes par l’émigration sont devenues plus attrayantes que celles promues par l’éducation. Nul besoin de préciser que ces jeunes personnes, essentiellement des garçons ignorent tous des dangers de la migration. Si nous revenons aux difficultés que rencontrent les enfants des migrants de retour, nous pouvons dire qu’elles sont multiples. De la même façon que la personne migrante qui s’installe aux EtatsUnis, les enfants de migrants connaissent un temps d’adaptation. Cette adaptation est plus difficile s’ils sont nés aux Etats-Unis et qu’ils ne parlent pas l’espagnol. Les mineurs qui reviennent au Mexique et continuent leurs études peuvent être divisés en cinq catégories : ceux qui sont nés au Mexique, les migrants internationaux qui viennent au Mexique pour la première fois, ceux qui ont une expérience scolaire d’un an aux Etats-Unis (la moitié des mineurs de retour dans l’Etat de Morelos), ceux qui ont déjà étudié 2 ou 3 ans (1/5 pour Morelos) et ceux qui ont quatre ans ou plus d’expérience scolaire. (Betsabé Román y Víctor Zúñiga Universidad de Monterrey): Retornos recientes, niños y adolescentes retornando a Morelos entre 2010 y 2012)37. 37 http://www.cisan.unam.mx/migracionRetorno/RetornosRecientesZunigaRoman.pdf Il est démontré que les enfants nés aux Etats-Unis ont tendance à faire des études plus longue que les autres. La majeure difficulté rencontrée par les mères de famille qui s’occupent en général des enfants et donc de leurs inscriptions administratives à l’école, c’est l’obtention du document de revalidation du niveau scolaire. A priori, le programme Paisano devrait faciliter cette démarche mais en réalité elle est très longue et peut même être assez coûteuse. Cela explique pourquoi certains parents ne réussissent pas à inscrire leurs enfants : pour l’Etat de Morelos, ils sont 7% de left behind. La difficulté de cette démarche est accentuée lorsque la demande de validation se fait pour l’accès à l’enseignement supérieur, comme c’est le cas de Moises du groupe Los Otros Dreamer38. Ce jeune homme se fait déporté alors qu’il ne lui restait plus qu’un semestre pour finir ses études à l’université. Il tente de continuer son cursus universitaire à Mexico mais rencontre des difficultés administratives. Los Otros dreamers sont des jeunes migrants qui ont grandi aux Etats-Unis sans statut migratoire légal et qui ont été déporté ou qui ont fait le choix de revenir. Le groupe se propose d’appuyer les démarches administratives des jeunes « retornados » qui connaissent la même situation qu’eux. L’enquête réalisée par le CONACYT et l’université de Zacatecas 39 dans les écoles primaires de l’Etat de Michoacán montre que les enfants mexico-américains ou américains préfèrent le système éducatif des Etats-Unis. Cela se doit à deux raisons principales : l’invisibilité de laquelle ils sont victimes tant aux yeux du système éducatif que des professeurs qui dans bien des cas ne savent même pas que ce sont des migrants de retour et le manque d’investissement des parents vis-à-vis de la scolarité de leurs enfants. En effet, le système d’enseignements beaucoup plus ludique aux EtatsUnis leur permettait de participer en cours or faute de soutien scolaire pour apprendre l’espagnol, ils sont perdus et ne suivent pas les cours. Le manque d’investissement des parents se doit aussi au fait qu’aux Etats-Unis l’école surveille les absences des enfants et leurs problèmes comme leurs écarts de conduite sont rapportées aux parents. 38 39 http://www.kickstarter.com/projects/756486278/los-otros-dreamers-the-book El retorno y la llegada de niños transnacionales a las escuelas de Michoacán, de Mtra. Alethia Danae Vargas Silva et Dra. Ana Maria Mendez Puga http://www.cisan.unam.mx/migracionRetorno/CISAN_Presentacion_Caleidoscopio.pdf Pour Lucia E. Mc.Keon de l’université Pédagogique Nationale, dans les deux contextes il existe des difficultés de reconnaissance de leur différence culturelle40. La scolarité transnationale ne se résume pas à l’apprentissage d’une autre langue mais inclut aussi l’acquisition d’habilités précieuses pour leur future comme la capacité de comprendre et de négocier des codes scolaires différents voire parfois contradictoires, la capacité d’établir une communication interculturelle réussies et la capacité de s’adapter à des contextes différents. Ce que révèle au grand jour la chercheuse c’est que l’école n’a pas qu’une fonction d’apprentissage de connaissances mais qu’elle joue un rôle social important. Certains professeurs ne les considèrent plus comme mexicains car ils les tutoient, « ne tiennent pas en place », refuser de porter l’uniforme, sont irrespectueux…Ces pensées négatives véhiculées par les professeurs touchent indéniablement les autres élèves de la communauté scolaire. a. 2- L’éducation parentale comme vecteur de (re)définition de l’identité genrée Ana Maria Correa dans El dilema del retorno41 montre l’importance qu’elle accorde à l’Eglise et à la religion catholique. Tous ces enfants sans exception ont fait du catéchisme afin qu’on leur enseigne « la honte, la pudeur, la dignité » mais aussi la peur de Dieu. A l’époque la politique de l’Eglise catholique est une politique d’assimilation : elle ne donne aucune messe en espagnol afin que les migrants s’insèrent le plus rapidement possible dans la société d’accueil. Evidemment elle ne fera pas respecter ces valeurs religieuses de la même façon à ses filles qu’à ses fils. Le dernier fils par exemple évoque souvent ces nombreuses conquêtes amoureuses et sort systématiquement tous les soirs après le travail. Paradoxalement il veut se marier à une femme mexicaine car elles sont plus vertueuses. Ana Maria n’a jamais revendiqué son appartenance à un mouvement féministe, au contraire elle dit qu’elle a été bien élevée. Par là il faut comprendre que le bonheur se résume à se marier, avoir des enfants, s’en occuper et faire des promenades le dimanche avec son mari. Cependant il faut rappeler que la versatilité culturelle des migrants devant un double processus d’exclusion est de renégocier son identité en fonction du contexte dans lequel il se trouve. Le fait 40 La experiencia escolar de retorno para los niños migrantes binacionales y la dificultad de la convivencia. http://www.cisan.unam.mx/migracionRetorno/RODRIGUEZLucia%20Ponencia.pdf 41 Espinosa Victor, El dilema del retorno, migración, género y pertenencia en un contexto transnacional, México, El Colegio de Michoacán, el Colegio de Jalisco, 1998. d’avoir deux nationalités n’a jamais constitué un problème non plus sauf dans le cadre des EtatsNations qui cherchent à vous définir selon l’étiquette X ou Y. Pourtant les migrants sont capables d’exercer une autonomie et une auto-détermination liées aux structures sociales qui essaient de le contrôler. Le premier fils des Correa Paco est l’exemple type de comment la seconde génération de migrants a réussi à interpréter créativement et réadapter les valeurs culturelles transmises par ses parents dans un contexte transnational qui implique un rapprochement géographique et culturel entre la diaspora et le lieu d’origine. Il écoute de la musique norteña et la diffuse auprès de ces amis tout en apprenant énormément sur les cultures de ces autres amis immigrants. Les enfants des Correa ont grandi au sein de la société nord-américaine et se sont intégrés à des degrés divers. Signalons qu’ils ont grandi dans un contexte transnational qui se nourrit d’héritages, de valeurs, de styles de vie et de symboles culturels qu’il est de plus en plus difficile d’identifier comme patrimoine d’une seule et même culture. C’est dans un cadre hybride que les identités de genre doivent se composer et se redéfinir. Force est de constater que les migrantes de première génération ont déjà réussi à redéfinir ces rôles. Leurs filles qui ont grandi dans un contexte transnational devront choisir leurs valeurs et l’importance qu’elles donnent au remaniement des relations patriarcales de genre. Section B- Sexualité et santé reproductive d. 1- La conception de la virginité Les migrant(e)s sont souvent associés à la perte des valeurs traditionnelles et au libertinage dans les communautés d’origine. Le statut de la double moralité qui autorise aux hommes migrants des relations extraconjugales n’est pas le seul coupable. En effet, le phénomène même de la migration permet parfois de réaffirmer le système patriarcal mais il est aussi l’occasion de le remettre en cause. Dans Gender and US Immigration42, Gloria Gonzalez Lopez analyse la conception de la virginité que transmettent les mères mexicaines à leurs filles. (Gender and US immigration, Contemporary Trends, coordination Pierrette Hondagneu-Sotelo, University of California Press, 2003) A partir 42 Hondagneu-Sotelo Pierrette (sous la direction), Gender and US immigration, contemporary trends, edited by Pierrette Hondagneu-Sotelo, University of California Press, 2003 d’entretiens auprès des mères, elle établit une différence entre les mères d’origine urbaine, la ville de Mexico et celles qui proviennent de communautés rurales de l’Etat de Jalisco. Les différences socioéconomiques entre les deux régions expliquent en partie le comportement des mères de famille. En réalité, l’article cherche à démontrer que la sexualité est une construction sociale dont les pratiques et les significations se transforment en fonction du temps et l’espace dans lesquels se trouvent chaque individu. La thèse de l’auteur est que l’enseignement prodigué par les mères sur la sexualité et la virginité reflète les relations générationnelles, le système patriarcal régional et les expériences de migration de celles-ci. L’auteur cherche à montrer le poids important de la doctrine Catholique qui prône l’abstinence avant le mariage : la différence se situe entre le profane et le sacré. Pour les mères, la virginité est une valeur sociale, une garantie de qualité de vie (life-enhancing resource). C’est pour cette même raison que la perte de la virginité n’est pas associée au plaisir mais danger à cause de deux dynamiques : la dynamique du respect de la famille (respecto a la familia) et celle de diminution du machisme dans le mariage. Dans le premier cas, les mères de famille ont peur qu’une grossesse hors mariage attire la honte et par là même occasion un mariage forcé. Dans le second cas, les hommes dont les femmes n’étaient pas vierges au mariage (même en cas de viol ou d’inceste) le leur reproche tout au long de leur vie commune. Les mères associent la parte de la virginité avant le mariage au plaisir et à l’autonomie (liberté sexuelle) mais elle peut aussi être associée à des sentiments négatifs tels que la désobéissance familiale, la honte, la peur, un sentiment d’échec. Cette échelle des conséquences de la perte de la virginité continue avec le fait de tomber enceinte hors mariage, puis finalement viennent les cas extrêmes de femmes pour qui cette expérience est liée à un viol. L’auteure constate cependant un renversement de cette dynamique qui s’explique par le phénomène migratoire et par les relations qu’entretiennent les filles avec leurs mères. En réalité ce que cherchent ces mères c’est à protéger leurs filles de l’oppression sexuelle, à protéger leurs opportunités de choisir leurs trajectoires de vie mais aussi leur permettre d’avoir une vie sexuelle épanouissante. Ces objectifs sont atteints de manière différente selon les cas particuliers. Certaines femmes veulent à tout prix éviter à leurs filles de connaître les mêmes inégalités de genre qu’elles ont connu : elles favorisent alors l’abstinence. D’autres favorisent l’autonomie sexuelle en cherchant des informations sur le thème à travers la littérature ou l’éducation. Force est de constater qu’il existe bel et bien une influence de la culture protestante sur les familles migrantes : plus le temps depuis lequel la famille est installée aux Etats-Unis est long, plus la perte de la virginité est associée au plaisir. En réalité, Gloria Lopez Gonzalez met en évidence le fait que la virginité est un capital féminin qui peut être échangé contre une situation financière stable et un heureux mariage. Cependant cette croyance est plus grande chez les femmes qui ont une plus faible éducation c’est-à-dire celles originaires de l’Etat de Jalisco. La préservation de la virginité est une forme de capital social que seules les femmes possèdent sur le « marché matrimonial » dans une société patriarcale. Les hommes mais aussi les femmes considèrent la virginité comme un gage d’une meilleure qualité de vie. Les origines de cette croyance sont mexicaines : la virginité féminine est synonyme de vertu morale, de bon statut socioéconomique et d’honneur familial. La virginité est perçue comme une marchandise de transaction : plus les inégalités de genre sont fortes dans une société, plus grande est la valeur de la virginité comme capital humain. La majorité des femmes de l’Etat de Jalisco prônent l’abstinence jusqu’au mariage dans le but de protéger leurs filles de l’oppression qu’elles sont elles-mêmes souvent subies. Si la plupart d’entre elles étaient vierges jusqu’au mariage, certaines ont aussi subies des viols et des attouchements. Ces mères cherchent à transmettre à leurs filles la peur que leurs époux ne les respectent pas si elles ne sont pas vierges au mariage. Le témoignage de Juanita Loreto prouve que les conséquences d’un mariage alors que la jeune fille n’est plus vierge sont multiples : « Quand une fille n’est plus vierge, un homme…même quand elle devient sa femme, ne la traitera pas bien parce qu’il la traitera comme una puta. Il dira « Tu as été avec d’autres hommes avant ». C’est une excuse pour se battre, pour se disputer pour divorcer si ce n’est pire que cela. » Selon Oliva M. Espin, le fait d’apprécier l’acte sexuel pour une femme d’origine latine peut être interprété comme un manque de vertu. L’auteure d’évoquer le cas de trois femmes qui, victimes de viol durant leur enfance, n’ont jamais confessé à leurs époux leur situation. Elles expliquent les situations de violence conjugale qu’elles vivent par le fait qu’elles n’étaient pas vierges au mariage. Victimes d’un système de relations de genre inégalitaires, la seule solution qu’elles ont trouvé pour que leurs filles ne revivent pas les mêmes situations c’est de protéger leur virginité. En l’occurrence, elles utilisent la connaissance acquise de leur propre expérience en réaffirmant leur devoir de soumission et non en luttant pour faire évoluer les choses. Bourdieu de dire « lorsque les dominés appliquent à ce qui les domine des schèmes qui sont le produit de la domination, ou, en d’autres termes, lorsque leurs pensées et leurs perceptions sont structurées conformément aux structures mêmes de la relation de domination qui leur est imposée, leurs actes de connaissances sont, inévitablement, des actes de reconnaissance, de soumission ». Ces femmes vivent dans l’anxiété que les compagnons de leurs filles soient machistes et donc deviennent violents. Gloria Lopez Gonzalez explique que la perception de la virginité chez les femmes migrantes et donc l’éducation sexuelle dispensée aux filles dépend des inégalités de genre qu’elles ont expérimenté elle-même. Mais l’hétérogénéité des milieux desquels proviennent ces femmes migrantes montrent des différences dans la perception même de la virginité. En général, les femmes originaires de la ville de Mexico, qu’elles aient préservé leur virginité jusqu’au mariage ou pas, sont plus promptes à favoriser l’autonomie sexuelle de leurs filles. Si elles favorisent l’autonomie, elles cherchent cependant à préserver leurs enfants de certains risques (grossesse non désirée, MST et HIV/SIDA). Elles créent et promeuvent une moralité sexuelle basée sur la connaissance acquise grâce aux éducateurs sexuels et des classes d’éducation sexuelle pour parents dispensées dans les écoles et les hôpitaux. Enfin ces femmes ne respectent pas autant que les autres l’importance de la moralité religieuse, des valeurs traditionnelles de la famille et du machisme dans la définition de la sexualité. L’auteure explique les différences perçues entre les femmes de Jalisco et celles de Mexico par la dichotomie : machisme rural et machisme urbain. Les expressions du machisme rural seraient plus explicites selon elle. Constatons en effet que le milieu urbain permet aux femmes une insertion sur le marché du travail et l’accès à l’éducation qui leur donne les moyens de repenser ce système. De plus, elles ont plus facilement accès aux moyens contraceptifs et à l’éducation sexuelle. Les mères de famille urbaines elles-mêmes sont responsables de la perception bien informée de leurs filles sur la sexualité. Azucena Bermudez représente l’exemple le plus significatif de la transition générationnelle de la vision de la sexualité et de la virginité: « J’ai changé…Par exemple, j’ai été éduqué par ma mère d’une certaine manière et maintenant j’essaie d’éduquer ma fille pour qu’elle soit plus libre mais pas libertine non plus. En d’autres termes, je lui explique les choses sans lui dire que la perte de la virginité est une mauvaise chose pour une femme. A l’époque, si vous n’étiez pas vierge au moment du mariage, vous étiez mauvaise, vous étiez sale. Ça c’est la vieille tradition. Aujourd’hui les mères sont mieux éduquées en ce qui concerne ce problème et c’est ce qu’elles veulent transmettre à leurs enfants. » D’autres mères prodiguent la même éducation à leurs filles tout en leur rappelant qu’elles souhaiteraient personnellement qu’elles restent vierges jusqu’au mariage. Elles contrôlent les « fréquentations » de leurs filles et ne s’opposent pas aux rapports sexuels s’ils ont cours dans une relation exclusive et monogame. Tant les mères de famille de Jalisco que celle de Mexico respectent la sexualité de leurs filles si celle-ci est l’expression de leur amour. Elles sont aujourd’hui plus inquiètes que leurs filles tombent enceintes involontairement ou soient atteintes de MST que de la perte de leur virginité. La migration a, comme nous l’avons vu reconfigurer les relations intergénérationnelles dans la famille ce qui implique un meilleur degré de confiance pour aborder ces thèmes qui ne sont plus tabous. De plus ces femmes ont pris conscience que la virginité n’est pas un capital féminin échangeable contre un bon mariage dans la société américaine. Cette donnée est une source de soulagement pour elles car elle laisse le choix à leurs filles. A partir de ce constat, elles commencent à critiquer les hommes mexicains qui selon elles « ne cherchent pas à satisfaire leur partenaire ». En définitive la morale des hommes mexicains concernant la sexualité est conditionnée par leur ethnie, leur culture d’origine et le temps passé aux Etats-Unis. Elles constatent en effet que les jeunes hommes mexicains qui ont grandi aux Etats-Unis sont plus tolérants quant aux relations prémaritales de leur conjointe. L’enquête montre que les femmes s’adaptent leurs perceptions acquises en fonction des structures socioculturelles de leur communauté d’origine aux standards masculins. Les femmes font l’éducation sexuelle de leurs filles en fonction des perceptions qu’elles ont des évolutions de la sexualité féminine. Or ces évolutions ne sont pas l’apanage du phénomène d’acculturation, elles sont le résultat d’un processus social plus complexe qui prend en compte des facteurs socioéconomiques, la vie de la communauté migrante et les réseaux sociaux. Certaines femmes précisent qu’elles se sentent en position de pouvoir grâce aux connaissances acquises sur la sexualité : elles ont pu bien que partiellement se défaire de la honte et de la peur qui leur étaient imposées par les structures sociales de leurs communautés. Cependant la prise de conscience de l’inégalité des rapports de genre n’amène pas systématiquement changements des relations ou de la division sexuelle du travail. Ce sont bel et bien les femmes qui doivent faire l’éducation sexuelle des filles, les hommes en sont totalement exclus. En réalité, ces femmes continuent d’articuler la perte de la virginité à leur vision du mariage et de la famille mais elles résolvent les problèmes des inégalités entre genre à travers l’éducation de leurs filles. Hirsch43 de montrer que ces filles valorisent plus l’attention personnelle que le respect à la famille et donc associent les relations sexuelles n’ont plus uniquement à la procréation mais aussi à l’intimité et à la confiance. Aujourd’hui les jeunes hommes ne voient plus le désaccord de leurs épouses comme une attaque à leur autorité ou à leur virilité. L’auteure précise cependant grâce à l’étude de deux générations de femmes migrantes que le contexte historique plus que la migration internationale a transformé les relations de genre. Il semble évident qu’étant donné que les femmes entretiennent leur capital social avec leur lieu d’origine voire qu’elles retournent s’y installer, leur changement de perception est connu des autres femmes. Dans les territoires de la mobilité, Laurent Faret montre qu’il est difficile de faire la différence entre les transformations socioculturelles dues à la migration et les perceptions de ces changements. Il étudie le village de Tepatitlán dans l’Etat de Jalisco dont la moitié des habitants estime en 2001 que la migration n’a pas donné lieu à des changements significatifs dans les pratiques individuelles ou familiales. Cette affirmation « qu’en dehors d’un cadre général où tout le monde reconnait le fort impact de la migration, la façon dont celle-ci affecte chacune des familles est beaucoup plus difficilement observée ». En ce qui concerne les changements perçus, 49% de la population estime que les migrants de retour ont surtout influencé les pratiques de santé. L’enquête réalisée en 2001 tend à démontrer que les changements induits par la migration de retour en termes de santé sont essentiellement l’accès à des moyens contraceptifs qui permettent une meilleure planification des naissances. Pour l’auteur l’anthropologie sociale et la sociologie ne se sont pas intéressé aux liens qu’entretiennent les migrants avec leurs proches en différents lieux, afin de tenter d’expliquer comment « les dispositifs transnationaux participent à la production d’un mode spécifique d’organisation sociale a donné lieu à un réexamen des constructions identitaires et culturelles qui les sous-tendent ». Les quelques analyses qui traitent du thème, évoquent les thèmes des changements de pratiques alimentaires et vestimentaires notamment dans les lieux où ils sont les plus flagrants : les communautés indigènes du Mexique et des néocommunautés qui se créent aux Etats-Unis. Rouse étudie essentiellement les associations politiques transnationales, Françoise Lestage quant à elle se spécialise dans la transnationalisation de la religion (saints) mais aucun des 43 Briones Vargas Vega, La migracion mexicana a Estados Unidos desde una perspectiva de género, el Colegio de la Frontera Norte, 2002 deux n’aborde ces problématiques en fonction du genre. Encore une fois l’invisibilité des femmes dans le processus migratoire est renforcée par la littérature. b.2- Les problématiques de santé reproductive causées par la migration Lors d’une étude44 sur sexualité et migration de retour dans des communautés indigènes du Michoacán, les hommes considèrent les femmes qui ont vécu le plus longtemps aux Etats-Unis comme des Américaines, c’est-à-dire qu’elles sont plus libérées et exigent systématiquement l’utilisation du préservatif. Au contraire les femmes qui n’ont fait que de courts séjours aux EtatsUnis sont considérées comme toutes les autres femmes de la communauté : avec plus de « décence ». Si les pratiques sexuelles des migrants sont risquées par manque de connaissances ou mauvaises interprétations des MST et du SIDA. Dans ces communautés, la majorité des interviewés pense que les relations hétérosexuelles sont sans risques. Cela empêche la communication dans les couples. Les hommes, migrants de retour même s’ils ont eu des relations extraconjugales aux EtatsUnis (principe de double moralité) n’en informent pas leurs partenaires. Si celles-ci viennent à avoir un doute, elles ne peuvent exiger l’usage du préservatif sous peine de faire passer le message à leurs conjoints qu’elles acceptent leurs relations extraconjugales. Ce résultat correspond aux études de Salgado de Snyder qui montre que les femmes considèrent les relations sexuelles comme une obligation matrimoniale sur laquelle elles n’ont pas le pouvoir. Les relations de genre dans ces communautés rendent les femmes vulnérables. Elles sont dans l’impossibilité de s’approprier leurs corps et par là même d’exiger le respect. Les migrant(e)s qui reviennent infecté(e)s par le VIH/SIDA sont discriminé(e)s et se voient obligé(e)s de s’exiler. Or le manque d’infrastructures de santé empêche la détection du VIH/SIDA dans les communautés rurales. Le taux d’infection du virus du SIDA chez la population adulte est de 0, 6% aux Etats-Unis alors qu’il ne dépasse pas les 0,3% au Mexique. Lors de la période 1995-2008, 42 042 personnes ont été diagnostiqué comme atteinte mais à des différents taux selon la répartition géographique : Mexico District Féderal (18, 6%), Veracruz (12,09%) et Baja California (5,1%) sont les Etats les plus touchés. 44 Garcia Morales Fabiola, Etudes ethnographiques sur la santé sexuelle de deux communautés de l’Etat de Michoacán qui présentent un fort indice de migration aux Etats-Unis in Mujeres afectadas por el fenomeno migratorio en Mexico, una aproximacion desde la perspectiva de género, Instituto Nacional de las Mujeres, Mexico 2007. http://cedoc.inmujeres.gob.mx/documentos_download/100912.pdf Le programme « Vete Sano, Regresa Sano »45 tente de réduire la vulnérabilité des migrant(e)s par des actions de promotion de la santé dans les lieux d’origine, de transit et de destination de la migration. Le programme compte quatre stratégies d’action parmi lesquelles figurent le renforcement des actions de promotion de la santé, prévention et contrôle de maladies par group d’âge et sexe pour une gestion des maladies personnelles par la suite, la capacitation sur la santé et les styles de vie à risque. Il vise aussi à promouvoir l’assurance maladie binationale. Depuis sa naissance en 2001, on estime que le programme a surtout bénéficié aux femmes (57%). Lors des vacances de semaine sainte, le programme accentue ses efforts étant donné que beaucoup de migrants reviennent dans leurs communautés d’origine. Cependant le thème de la santé reproductive n’est que secondaire. Cependant ce dont les migrant(e)s de retour se plaignent le plus après le manque d’infrastructures matérielles c’est les documents nécessaires qu’il faut fournir afin d’être soigné. Durant l’atelier sur la migration de retour au village de Chinantla, une dame fait remarquer « Le problème ici c’est que si je tombe malade de l’estomac ou que j’attrape la grippe, si la clinique est ouverte on me demande ma carte d’identité (CURP). Je n’ai pas de CURP, je n’ai pas tous les papiers qu’ils demandent donc ils ne me soignent pas. Je dois alors trouver un docteur particulier à qui je dois payer la consultation. Parfois c’est un problème parce que je n’ai pas assez d’argent et les consultations médicales sont chères ». En réalité, cette femme n’a pas de sécurité médicale au Mexique malgré sa double nationalité et cela lui pose des problèmes lorsqu’elle revient visiter sa famille. Ce manque d’information sur la propagation du SIDA/VIH et sur les changements de pratiques sexuelles induites plus ou moins directement par la migration prouve que les politiques publiques en matière de santé reproductive sont insuffisantes. Au Guatemala, les femmes qui pensent émigrer se prépare psychologiquement à être molestée pendant le voyage. Le Gouvernement leur donne même des pilules contraceptives pour faire ce voyage. Tant que les autorités ne reconnaitront pas l’ampleur des phénomènes liés à la santé reproductive, elles ne pourront pas y faire face efficacement. 45 Tercer Reporte Cuatrimestrial en Migracion Puebla, Salud Migrante en Puebla: Vete sano, regresa sano, Observatoria Ciudadano sobre Politicas Publicas para Migrantes Puebla, Iniciativa Ciudadana marzo-junio 2013 Section C- La participation politique des femmes migrantes de retour : conscience féministe ou « soumission désenchantée » Peu d’études traitent de la participation politique des migrants dans la société d’origine ou de destination en analysant l’impact de la perspective de genre sur celle-ci. L’introduction de ce mémoire dresse un tableau de la littérature existante sur la perspective de genre dans la migration de retour. Or nous remarquons que lorsque ce phénomène est étudié, il est étudié sous la forme de la migration féminine exclusivement ce qui induit une étude très essentialiste du phénomène. Les deux premières parties de ce chapitre, sur l’éducation et la santé participent de cette vision dans la mesure où nous étudions le genre selon en réalité une perspective « femme » et les changements des tâches qui lui sont attribuées, les tâches reproductives. e. 1- La distribution des rôles dans l’Association des Clubs de Zacatecas Et pourtant Cecilia Imaz Bayona46montre l’importance des associations de migrants dans la création et la mise en œuvre de politiques publiques qui les concernent. Deux exemples sont cités : la réforme constitutionnelle mexicaine pour les émigrés qui permet aux mexicain(e)s d’acquérir la nationalité américaine sans perdre la nationalité mexicaine et la reconnaissance du droit de vote aux élections présidentielles. Dans le chapitre « Gender Status and the State in Transnacional Spaces” de Gender and US Immigration47, Luin Goldring étudie la division des tâches dans les associations de migrant(e)s. Il évoque à la fois les activités politiques dont les migrants sont les leaders et celles menées par l’Etat. Cependant l’enquête de Luin Goldring réalisé entre Los Angeles et le Mexique (Zacatecas et Jalisco) date de 1995, rien n’indique que le panorama n’a pas changé depuis cette date. Le transnationalisme dirigé par les migrants eux-mêmes se compose de deux catégories : le transnationalisme familial et le transnationalisme collectif comme les groupes d’entraide mutuelle et les organisations de la diaspora (hometown organizations). Les migrant(e)s mexicain(e)s ont une longue histoire de collecte de fonds et de gestion de projets collectifs pour leurs communautés 46 Imaz Bayona Cecilia, La nación mexicana transfronteras, impactos sociopolíticos en México de la emigración a Estados Unidos, Mexico, Universidad Nacional Autónoma de México, 2008 47 Hondagneu-Sotelo Pierrette (sous la direction), Gender and US immigration, contemporary trends, edited by Pierrette Hondagneu-Sotelo, University of California Press, 2003 d’origine comme la rénovation de l’Eglise, l’amélioration de la structure de transports, mise en place d’un réseau électrique, construction d’écoles mais aussi d’équipements sanitaires ou administratifs, embellissement urbain, distribution de cadeaux de Noël pour les enfants les plus démunis et moins fréquemment des projets productifs dans les secteurs de l’agriculture et du commerce. Les associations qui mènent à bien de tels projets sont caractérisées par l’auteur comme transnationalisme collectif mené par les migrant(e)s. Les clubs ou « hometown organizations » qui réalisent ces projets n’ont pas cessé de se multiplier depuis 1993 et ce phénomène est dû à la politique gouvernementale d’ouverture du Mexique. La plupart de ces clubs ou organisations caritatives (pour les plus importants) sont registrés dans les consulats mexicains aux Etats-Unis. Ces clubs sont devenus des acteurs politiques pour le Gouvernement mexicain. A partir des années 1980, le Gouvernement mexicain cherche à rétablir les liens avec ses compatriotes vivant sur un autre territoire. La campagne présidentielle de Cuauhtémoc Cardenas en 1988 aux Etats-Unis est l’occasion de créer des liens économiques et politiques avec la population mexicaine sur ce territoire. En 1991, le Gouvernement instaure le Programme pour les Communautés Mexicaines de l’Extérieur est l’exemple le plus significatif de cette tentative de reconnexion : il inclut le programme 2 pour 1 (remises de fonds) qui promet de donner 2 dollars pour chaque dollar que verse les clubs dans un projet communautaire. Zacatecas est la seule région où ce programme a continué d’une manière institutionnalisée grâce à la Fédération de Clubs Zacatecas. Nous l’avons expliqué auparavant, les hommes migrants voient leur utilité publique diminuée et vivent une perte de leur autorité de genre. L’érosion des privilèges du à leur statut de patriarcat dans les familles favorisent leurs relations avec leurs communautés d’origine dans le but de préparer leur retour. Les femmes quant à elles ont plus tendance à vouloir expérimenter la migration sur le long terme. Des études montrent que l’intérêt et les raisons de vouloir maintenir une relation avec la communauté d’origine, c’est-à-dire de maintenir l’espace transnational, diffèrent selon le genre. Goldring ajoute à cela que les femmes peuvent petit à petit perdre l’intérêt pour le maintien de ces relations collectives transnationales. L’étude de la Fédération de Clubs Zacatecas montre que le processus du programme 2*1 (devenu 3*1) est dominé par les hommes qui y voient un moyen d’améliorer leur statut social dans les communautés d’origine. En réalité l’auteur montre que ce schéma d’action est une reproduction du schéma mexicain et notamment de l’Etat de Zacatecas où la parité politique est loin d’être une réalité. A travers le programmme 2*1, la Fédération reproduit les privilèges masculins : la prise de décision quant aux projets à financer est mixte mais la mise en place de ces derniers se veut exclusivement masculine. Les femmes sont alors chargées de lever des fonds et d’accueillir le public. Les femmes subissent une division des tâches qui s’apparentent à celle entre tâches reproductives et tâches productives. Les femmes sont autorisées à aller au meeting mais le Club est systématiquement représenté par un homme. Le comité de direction des clubs se compose presque exclusivement d’hommes. L’auteur d’expliquer cette situation selon trois raisons. La première raison c’est que ces pratiques de citoyenneté impliquent des meetings politiques, des évènements officiels et des négociations avec les autorités publiques mexicaines. Or le fait est que les positions de pouvoir appartiennent aux hommes. Lors de ces meetings, les relations intergenres prédominent ce qui ne favorise pas la prise de pouvoir des femmes. Une autre excuse invoquée pour la nonparticipation des femmes est qu’elles doivent avant tout s’occuper de leurs enfants. Dans un second temps, nous pouvons dire que cette situation découlerait du fait que les femmes qui essaient de promouvoir un autre agenda dans l’association se voient marginalisées. L’auteur de préciser qu’une épouse d’un des leaders avait essayé avec un groupe d’amies de former leur propre club pour promouvoir les échanges culturels. Elles finirent par renoncer parce qu’elles étaient complètement ignorées. Un autre obstacle à la participation des femmes réside dans le fait que l’implémentation d’un projet exige un grand nombre de négociations dont la plupart ont lieu au Mexique. La contrainte du voyage est plus difficile à accepter pour une femme qui « doit » remplir son rôle domestique. De plus le réseau est basé sur des relations d’amitié masculine (compadrazgo). A l’origine le programme 2*1 conçu par les autorités publiques ne visait pas à reproduire les privilèges masculins mais a fini par remplir cette tâche. Selon Goldring, il ne fait que reproduire des relations de genre, idéologies, division du travail et hiérarchies déjà existantes. Ils reproduisent une culture politique où les réseaux de pouvoir genrés écartent les femmes des positions de pouvoir. En réalité l’Etat devrait aussi être rendu responsable de cette division des pouvoirs étant donné que le programme pour les Communautés Mexicaines de l’Exterieur a été construit grâce aux associations déjà existantes dominées par les hommes. Le programme n’a pas fait un pas pour une plus grande participation des femmes. Nous retrouvons ce qu’Espinosa avait exposé dans el Dilema del retorno : Quico qui veut se présenter aux élections municipales doit revenir au Mexique avec sa femmes afin d’être un candidat légitime. Sa femme a valeur de faire valoir, de plus comme le veut la tradition, s’il vient à être élu, elle prendra la tête du DIF. 2 - La participation politique locale des femmes migrantes aux Etats-Unis Dans cette étude de l’Association des Clubs, Luin Goldring explique que si les femmes trouvent l’exercice de leur citoyenneté transnationale trop limité, elles s’attachent alors à étendre la citoyenneté sociale pour les membres de leur famille aux Etats-Unis. Cette tendance montre encore une fois la division genrée des tâches : les femmes s’occupent des enfants et de la famille. Si nous avons vu que les femmes rencontrent des difficultés à avoir une participation politique formelle, elles se rejoignent dans des réseaux informels. Cet esprit critique vis-à-vis des autorités se retrouve dans les perceptions de la communauté d’origine sur les changements individuels des migrant(e)s de retour (à hauteur de 43%). Hondagneu-Sotelo48 de démontrer que ces organisations informelles de femmes en réseaux qui s’attache à faire valoir leur revendications politiques ne se définissent pas comme féministes. Malgré tout, après analyse des femmes du quartier de Oakview à Los Angeles, l’auteure montre que les buts auxquels sont parvenus ces femmes ont une teinte féministe. Hondagneu-Sotelo insiste sur le fait que ces changements ne sont pas dus à l’influence anglosaxonne sur les modes de vie étant donné que ces femmes vivent dans des communautés d’immigrants bien définies. Même si l’influence de la culture anglosaxonne est moindre, nous ne pouvons pas dire que les pratiques du passé ont toujours cours. De plus, on note une différence entre les familles mexicaines à haut revenus et les autres en ce qui concerne l’idéologie féministe. L’auteure de préciser que lorsqu’il y a évolutions des rapports de genre et de la division du travail, cela est dû aux adaptations structurelles que font les couples. En effet durant son enquête, aucune femme ne s’est identifiée au mouvement féministe ni à aucune organisation féministe. Pour la plupart de ces femmes, les formes d’oppression expérimentées à cause de la classe sociale, de l’ethnie ou encore du statut légal sont plus importantes que l’oppression due à leur statut de femme. 48 Hondagneu-Sotelo Pierrette, Gendered Transitions, Mexican Experiences of Immigration, Los Angeles, University of California Press, 1994. Néanmoins la tenue en octobre 1991 de la Première Conférence Nationale des femmes migrantes et réfugiées qui a attiré de nombreuses organisations de la société civile latines et mexicaines. La Conférence avait pour objectif de favoriser les échanges de connaissances et de bonnes pratiques concernant les violences domestiques, les droits du travail, les modèles de leadership et les soins de santé. L’auteure remarque cependant que la participation à ce type d’organisations n’est pas si courante que cela chez la population latina mais cette dernière prend part à des campagnes de plaidoyer concernant les coopératives de travail domestique, des groupes de prières, des associations de vendeurs de rue, des projets de construction d’habitats et des coopératives de garde d’enfants. Il existe aussi des organisations de développement de l’estime personnel et d’apprentissage des capacités de leadership politiques. Une de ces associations se situe à Boston, Mujeres Unidas y Activas propose de dispenser des cours d’Anglais mais aussi des ateliers d’information sur la santé (notamment reproductive) ainsi que des conseils pour la carrière et les études de ces femmes migrantes. L’organisation participe à la politique communautaire. Néanmoins l’exemple de l’Association de Clubs de Zacatecas montre que malgré les connaissances politiques et l’habileté de certaines femmes : elles n’ont aucune influence sur la prise de décision et les négociations. La capacitation politique est-elle suffisante à pallier ce manque ? Si ces organisations montrent la difficulté pour les personnes migrantes, pauvres et de sexe féminin d’être incluses dans les processus classiques d’incidence politique, les réseaux qu’elles possèdent leur permettent de jouer le rôle de connecteur. Même si dans certains cas l’envie de s’investir en politique à l’échelle locale découle du rôle de mère de ces migrantes, leur action est une riche source de soutien pour des changements dans d’autres types de domaines. Ces réseaux formels d’entraide et de capacitation des femmes sont complétés par des réseaux informels qui souvent s’établissent à travers un point commun : la situation géographique de la communauté d’origine. Ces deux types de réseaux interconnectés favorisent le devenir des mexicaines comme acteurs politiques influents. Laurent Faret dans Les territoires de la mobilité, montre bien que dans le village qu’il a étudié Tepatitlan, 43% des personnes estiment que les opinions des migrants sur l’action des pouvoirs publics mexicains ont changé. Nous retrouvons cette idée dans les témoignages collectés lors de l’atelier sur la migration de retour du village de Chinantla. Pour beaucoup les migrants de retour sont « plus extrovertis et expriment plus leurs opinions. Ils et elles sont plus à l’aise pour dire ce qui se passe dans le but d’améliorer les choses ». Une migrante de retour, par ailleurs membre du Conseil Municipal avoue qu’elle n’aurait pas osé avoir ce rôle avant de migrer. Elle travaillait en tant que femme de ménage à New York et avec ses collègues elles ont initié une demande d’augmentation de leurs salaires. Elle regrette qu’au Mexique les relations entre société civile et pouvoir, surtout l’échelle Fédérale, soient si mauvaises. « Malheureusement le Mexique est comme il est. Je fais partie du Conseil Municipal et avec la Présidence Municipale nous essayons de construire un Centre Culturel où nous pourrions avoir des machines à coudre, faire des ateliers de musique etc. Mais le Gouvernement impose beaucoup de conditions et nous freine. Ces conditions sont faites pour qu’on arrête de demander. Il y a une mauvaise relation de confiance envers les autorités à cause de leur mauvaise administration c’est-à-dire que la plupart du temps les projets se font là où ils sont visibles. Ici dans notre village, nous sommes des oubliés. Ce qui nous empêcher d’exiger au Gouvernement c’est que la gouvernance se fait du haut vers le bas et non le contraire. » Pour conclure, nous pouvons dire que la participation politique transnationale des femmes mexicaines est limitée par le fait que les réseaux politiques formels soient dominés par les hommes. Or ces migrants en mal de reconnaissance sociale ne laissent pas les femmes s’investir. Elles jouent le rôle de « femme de » quand il s’agit de se présenter aux élections municipales au Mexique ou de collectrices de fonds. Elles assument un rôle de communicatrice c’est-à-dire un rôle purement social qui s’inscrit dans la continuité des activités reproductrices de la sphère privée. En soi, la division sexuelle du travail n’est pas remise en cause. Cela explique en partir pourquoi elles sont si promptes à établir des stratégies d’installation aux Etats-Unis où leur participation politique à l’échelle locale est entendue. Etant donné qu’elles ne considèrent pas le besoin de s’engager dans des mouvements féministes pour, à long terme, remédier à cette situation et participent à la vie politique locale aux Etats-Unis. Elles sont donc loin de ce que Bourdieu appelle la « soumission désenchantée » car par les petites actions qu’elles mènent au quotidien elles améliorent le quotidien de leur communauté et crée sans aucun doute un terreau propice à la naissance d’associations féministes de migrantes dans le futur. Cette approche de la participation politique des femmes migrantes aux Etats-Unis a un pouvoir d’empoderamiento dans la mesure où lorsqu’elles reviennent dans leurs communautés d’origine elles cherchent à améliorer les choses, voire à participer à la vie politique. Conclusion En guise de conclusion, nous pouvons dire que le processus de migration peut résulter en un empowerment des femmes mais que cela n’est en rien systématique. Nous pouvons aussi dire que la littérature manque sur ce thème. En effet les études du thème sont essentiellement qualitatives et s’attache à montrer les changements dans les relations de genre et les relations générationnelles. De plus si les études s’attachent à préciser que l’empowerment des femmes n’est pas dû à l’influence du système anglo-saxon, elles montrent bien que les influences dans les communautés d’origine quant à la nourriture, aux habitus, aux opinions politiques sont bel et bien issues de l’influence des EtatsUnis ou plutôt de l’hybridation entre cette culture et la culture des migrants. S’il semble prématuré de proclamer la fin du système patriarcal et le triomphe de l’égalité de genre dans les familles mexicaines migrantes, nous pouvons dire qu’il y a eu et qu’est en train de se produire une évolution significative dans ce sens. Ofelia Woo montre bien qu’en réalité l’étude de la migration féminine mexicaine ne peut être que partielle. Elle devrait inclure une vision régionale qui prend en compte à la fois l’Amérique centrale et le Canada. Bibliographie Ouvrages Bourdieu Pierre, La domination masculine, Paris, Points, 1998 Hondagneu-Sotelo Pierrette, Gendered Transitions, Mexican Experiences of Immigration, Los Angeles, University of California Press, 1994. Hondagneu-Sotelo Pierrette (sous la direction), Gender and US immigration, contemporary trends, edited by Pierrette Hondagneu-Sotelo, University of California Press, 2003. Espinosa Victor, El dilema del retorno, migración, género y pertenencia en un contexto transnacional, México, El Colegio de Michoacán, el Colegio de Jalisco, 1998. Baby-Collin Virginie (sous la direction), Migrants des Sud, Montpellier, IRD éditions, 2009. Faret Laurent, Les territoires de la mobilité, Espaces migratoires et communautés transnationales entre le Mexique et les Etats-Unis, Paris, CNRS Editions 2002. 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Nos lleva a ciertas interrogantes: ¿A quién llamamos migrantes de retorno? ¿Cómo registramos esta población? ¿Qué pasa con la población que nació, creció o residió en EUA que se vinieron a vivir a México? ¿Qué hacemos con los que la crisis dejo sin empleos o con migrantes cuyos hijos no pueden seguir estudiando? No podemos contestar a todas las peguntas. El objetivo de la presentación es incorporar la mirada desde la perspectiva de género en el análisis de la migración de retorno. El documento tiene 4 secciones: breve contexto internacional y nacional de la migración de retorno, datos específicos de Jalisco y de la zona metropolitana de Guadalajara, enfatizar la condición de género para intentar analizar las especificidades de las mujeres y por último me voy a enfatizar sobre la situación de las mujeres en este proceso de retorno. Fernando Guzmán nos da cuenta de un estudio muy exhaustivo sobre cómo ha sido planteada la migración de retorno en Europa. Hay dos condiciones que se están produciendo también en México: se está constituyendo muchas tipologías de retornados y uso de marcos teóricos conceptuales que tradicionalmente se aplican a los Mexicanos en EUA. La condición de retorno también va relacionado con la visión de género y de allí uso el estudio que se hizo sobre los migrantes de retorno en Europa y ver las cosas que dan cuenta que la migración de retorno no es solamente una migración de los no adaptados en EUA, de los fracasados sino también implica una migración de población con alto nivel educativo por ejemplo (composición diversa en su nacionalidad). ¿Qué pasa con la migración de retorno en México? El retorno es parte de la Historia de México. Varios autores se han enfocado en la migración temporal circular que caracterizo por mucho tiempo la migración de los mexicanos a EUA. Algunos estudios se enfocaban sobre todo en los impactos económicos. La migración de retorno en la actualidad es más visible por su registro en los censos de población pero también los registros sobre los deportados. ¿Cómo se registra a esta población, con que metodología? Al nivel nacional, de acuerdo al censo de población y vivienda se ubican entre 120 000 y 122 000 migrantes de retorno. Solo por Michoacán y Sonora, de las personas que regresaron 83% son hombres y 17% son mujeres. Entre los motivos de retorno encontramos: -por cuestiones personales 70% -por forcejo -por falta de trabajo (5% de los hombres) -por deportación (6% de hombres y 3% mujeres) Estos datos duros nos dan cuenta de unas razones de retornar pero cuando hacemos estudios cualitativos, entrevistas nos damos cuenta de que unas razones que se dicen en las encuestas no son las principales razones y que dependen mucho de la condición de género y del ciclo de vida del individuo. ¿Qué impacto tiene la condición de género en este proceso entonces? Investigadores que trabajan sobre condición de género enfatizan sobre la importancia que tiene para las mujeres el permanecer por tiempo prolongado en EUA. El hecho de que haya una diferencia entre los deseos de retornar, lo podemos entender a partir de la perspectiva de género. En el caso de las mujeres y hombres mexicanos que han migrado a EUA: los hombres tienen sueño de regresar algún día, en cambio las mujeres a pesar de irregular prefiere quedarse en EUA. Los hombres están en una situación diferente a la de las mujeres ya que pierden estatus. En EUA es donde los hombres inmigrantes pueden ocupar por primera vez en su vida una posición subordinada dentro de la jerarquía de clase, raza y ciudadanía. Espinoza encuentra el caso del migrante mexicano que dicen que extrañan su vida social, sus relaciones familiares y comunitarias en su sociedad de origen. En cambio las mujeres dicen que extrañan la comida, la familia pero dicen vivir a gusto en EUA. Estudios sobre migración femenina han planteado que las mujeres prefieren permanecerse en EUA porque tienen acceso al mercado laboral aun reconociendo que son trabajos precarios, informales y porque se sienten con mayor protección institucional para acceder a la educación y salud de la familia e inclusive cuando son sujetas de violencia intrafamiliar. Eso es importante porque a pesar de las carencias que hay y de toda esta política anti inmigrante en EUA, las mujeres sienten que ellas y sus familias tienen mejores oportunidades. La cuestión educativa es importante porque dicen que la educación es mejor en México en cuanto a los contenidos pero en EUA es gratis (e inclusive les dan desayuno a los niños en la escuela). También cuando no lo llevo a la escuela, puedo tener problemas. Aquí hay una situación interesante del cómo se vive la cuestión de género intergeneracional: como son las mujeres que tienen que resolver las cuestiones domésticas entonces eso es importante para ellas. Las mujeres que permanecen en EUA son mujeres que por cuestiones de reunificación familiar han formado familias de primera y segunda generación. Las mujeres han aprendido a integrarse a la nueva sociedad, la mayoría trabaja y tiene hij@s naciid@s en EUA y se han debilitado los lazos que las unen a sus lugares de origen. Han formado capital social y redes sociales sólidas. Por otro lado tenemos a mujeres jóvenes que forman su familia en EUA: tienen hij@s que nacieron en ambos países y consideran su vida personal, laboral y familiar con mejores condiciones que en su lugar de origen. El retorno voluntario o involuntario: Las estancias prolongadas en la sociedad receptora o el retorno están relacionados con varios factores lingüísticos, culturales, capital social y capital humano o sea de las condiciones estructurales de las sociedades de destino o de origen. Espinosa decía que el retorno era un proyecto siempre posible cuando hay jóvenes que en la zona metropolitana dicen “desde que te vas, piensas en el retorno”. Eso es por jóvenes varones, no necesariamente van mujeres. En nuestra investigación hemos encontrado mujeres que retornan por decisión del marido o porque el marido se encuentra sin trabajo, tuvo problemas con la justicia o fue deportado. Pero ellas no querían regresar. Tenemos también el caso de mujeres jóvenes indocumentadas que migraron por aventura, por conocer o por decisión de los padres. Migran con redes sociales de Iglesia y permanecen en EUA temporadas cortas de uno o dos años. -Migracion femenina y migracion familiar: La migración femenina y familiar es un fenómeno social que tiene explicaciones al nivel individual, familiar e institucional tanto en el ámbito social, económico, cultural, político del país de origen y del país de destino. Este desconocimiento nos plantea el reto dirigir nuestro estudio en varias agendas pendientes y reflexionar si los marcos analíticos planteados hasta ahora nos permiten explicar el proceso migratorio del retorno. El retorno voluntario o forzado pone las familias en proceso de división e vulnerabilidad por su compleja estructura. No siempre retornan en su lugar de origen en varias ocasiones prefieren quedarse en zonas metropolitanas como la zona metropolitana de Guadalajara donde aparentemente les “ofrece mejores oportunidades y condiciones de vida para su integración a la sociedad de su país”. En este proceso de retorno los jóvenes y niños son más vulnerables porque en algunas ocasiones no existe un sentimiento de pertenencia, tampoco un manejo adecuado del español. Su incorporación al proceso de socialización, educación y/o laboral es un reto no solo para la familia sino para el Estado que deberá proveerle los medios para incorporarse a la sociedad mexicana. Hay que considerar las indicaciones de la migración, su retorno, conocer cómo se define la relación de género generacional tanto en México como en EUA y los efectos de las leyes anti inmigrantes que están separando las familias. Sin duda algunas agendas están atendiéndose por algunas organizaciones sociales e investigaciones sin embargo poco atención de las instituciones públicas y del Gobierno. -Pregunta sobre cambio de los roles de las mujeres que retornan: En cuanto a los cambios de los roles de las mujeres que retornan es muy interesante porque en un primer acercamiento, existe todavía el reconocimiento del valor del jefe proveedor sobre todo cuando regresan algunos trabajando y otros no. Regresan a actividades remuneradas que no son muy complacientes para ellas. Si existe un cambio en cuanto a la participación de las mujeres en los recursos de la familia y son habilidades que adquieren en EUA. Acabo de entrevistar a una mujer que se retornó y planteo todos los recursos que pudo generar para que sus hijos sean inscritos aquí. Hay como un reconocimiento que las mujeres pueden tener mayor autonomía pero también tienen mayores recursos en el proceso de reintegración de la sociedad receptora al menos de las sociedades urbanas. Eso es muy distinto en las sociedades rurales en la interpretación de roles. Pero todavía es difícil decir cuánto es el avance y el reconocimiento de las posiciones de género. Annexe 2 Présentation lors du séminaire international sur la migration de retour, 6 et 7 mai, UNAM -Victoria Kline y Lorena Morrow (IMUMI): Separación familiar por las Políticas Migratorias en los EUA y su impacto en México Este estudio se realizó en el marco del proyecto de Unidad Familiar de IMUMI. En una época de endurecimiento de las políticas migratorias en los EUA, familias transnacionales con raíces en los EUA han estado enfrentando el fe nómeno de riesgo de separación familiar debido al aumento de la detención y deportación. Aunque la migración siempre ha implicado en una forma de separación familiar, ahora vemos más situaciones de separación involuntaria, lo que quiere decir es que para las familias en dicha situación, no se les ofrecía una elección o la habilidad de planear para el futuro de sus familias. Las familias deben de tener derecho a mayor información para poder tomar decisiones sobre cómo organizarse; la detención o de portación interviene en estos procesos, quita personas de su ámbito social, y rompe la tela comunitaria, lo que está hecho por diversas formas de unidades familiares. De 2010 a al final de 2012, 205 000 de padres con hijos nacidos en EUA fueron deportados (los que reportaron tener hijos en detención y no cuenta los que por temor no lo reportaron). Eso significa que estos niños son dejados a la custodia de otro padre, familiar, conocido o del Estado. Nosotros hemos identificado a los actores gubernamentales o no gubernamentales quienes atienden familias y entrevistando padres en situación de separación a modo de ver sus experiencias con las autoridades. Nos enfocamos en 3 poblaciones: aNiños que se quedan bajo la custodia de tutores con padres/madres retornados o deportados a México. Según el Pew son 5.5 millones de niños en familias mixtas pero existe riesgo de que padres pierden la custodia por falta de planificación y de asesoría jurídica. En muchas jurisdicciones, el hecho de que el padre o la padre este en México dificulta la reunificación familiar. bNiños que se quedan en custodia de oficinas estatales de protección del menor (A veces por detención o deportación de padres) En muchas jurisdicciones de EUA, el hecho de que un padre o una madre esté en México presenta complicaciones para la reunificación familiar. La SRE tiene que manejar la comunicación entre las autoridades en EUA y el DIF. Pero también las OSC apoyan a las familias en situación de separación. cFamilias retornadas que logran reunificación familiar en México pero su integración en la comunidad se hace difícil por dificultad de acceso a servicios por ejemplo. Requisitos de documentación de identidad, como actas de nacimiento apostillados, una vez en México, pueden ser procesos muy costosos para las familias, especialmente las que viven en áreas rurales. En los casos de que los niños no hablen español, a veces los padres deciden mandarlos seguir los estudios en EUA lo que causa separación familiar. En conclusión se puede decir que las familias deben de tener el derecho, en la mayoría de los casos, de decidir cuál es el interés superior de su familia, y cómo es que quieren seguir adelante en la luz de una interrupción por políticas y prácticas migratorias. Anexe -Agustín Escobar Latapí (CIESAS Occidente): Una política pública para el retorno a México Reporte final de una investigación a la cual participaron 28 investigadores en EUA y México y cuyo tema central abarca el Bienestar de los migrantes. Los conceptos manejados son los de la integración y reintegración de quienes regresan y de sus familias. Tenemos mucho trabajo sobre regreso, sobre todo en los capítulos sobre población, trabajo, educación, salud, miedo e inseguridad en EUA y México y sobre programas sociales. Quiero hablar de 2 observaciones finales: 1Creemos que es fundamental crear un mecanismo de atención bilateral que atienda los problemas de los ciudadanos (no hablar necesariamente de migración sino de poblaciones que residen en otro país, de comunicación y de servicios de ambos Gobiernos). Queremos que la Comisión binacional México-EUA incide en el tema pero nos dimos cuenta que la Comisión no se reúne desde 2005 (existía del 1966). A partir de su creación ambos Gobiernos se les fueron dando importancia pero en 2002 se vuelve Comisión de Seguridad y Frontera. En 2005, el Gobierno Mexicano se queja dado que no respectaban los acuerdos previos y nunca más se reúne. Necesidad de que haya comunicación sobre asuntos sociales y de integración entre los dos países. 2No esta escrita pero en caso de que se dé la Reforma Migratoria en EUA, tendrá aspectos positivos para los migrantes pero es insuficiente para cerrar las brechas de integración entre los Mexicanos y EUA pero también entre los retornados y el resto de la población. El énfasis de los estudios de la migración de retorno hasta el 2005 va hacia la discusión del desarrollo local y regional en México. A partir del 2008, estamos comenzando a ver quiénes son los retornados y considerarlos como factor de desarrollo. En 2005: 230 000 mexicanos reportaron que 5 años antes vivían en EUA y en 2010 son 980 000. La cantidad de retornados en 2010 es mayor que en ningún otro momento de nuestra historia. Hay que agregar a esta población, la población de nacidos en EUA en 2010, también es la más grande de nuestra historia (738 000). Les quiero agregar porque por la mayor parte son familiares de los retornados. Cuando un trabajador pierde un empleo en EUA y se regresa a México por temor o es deportado, la familia cae en la pobreza en EUA. El conjunto es un conjunto muy amplio de regreso muy alto: 1 millón 400 000 de 2005 a 2010. Si lo pensamos con los nacidos en EUA serian 1, 6 millones es decir la mayor población recientemente regresado de EUA. El tema no es muy viejo pero la óptica es nueva. Tenemos que desarrollar el tema para poder incidir: ¿Que queremos que los Gobiernos en EUA y en México hagan con esta población? Es una población caída y muy diversa. En 2005, había muchos ciudadanos seniors que estaban llegando de EUA y ahorra ya no es el caso. En gran mayoría, las necesidades de esos grupos son acceso a la información y acceso a la salud. Este retorno no ha sido nocivo (ha llegado menos gente por año) pero al sumar todos los retornados si tenemos al mayor número de nuestra historia. El capítulo de salud del estudio: si hay un acceso inferior de los retornados al seguro popular en México. Pero no es escandalosamente terrible. La propuesta con la cual quiero terminar es sobre políticas públicas: ¿Que política pública queremos? Hay que apoyar los funcionarios públicos que están buscando hacer reintegración es decir que tengan acceso a todos los servicios sociales a los cuales deben tener acceso. Hay un conjunto de servidores públicos por razones de restricciones económicas o por una conciencia muy fuerte que está excluyendo una parte importante de retornados. Hay que impedir eso y que se respete la ley. El obstáculo es la descentralización del Estado Mexicano que hace que cada secretaria de salud estatal defina (o no) sus estándares. Tenemos que tener una política pública para hijos de mexicanos (los nacidos en EUA que puedan mostrar las dos actas de nacimiento de sus padres tengan acceso a servicios). Por último en caso de que se dé la Reforma, México y EUA tienen que colaborar y tiene que haber presupuesto para capacitar a los mexicanos para que se beneficien de la Reforma. Esta Reforma es la más compleja. Anexe Sistematización Grupo focal Chinantla 18 de mayo de 2013 ¿Quiénes conforman el grupo? ¿Familiares de migrantes, miembros de la comunidad sin familiares retornados? ¿Ha observado una mayor cantidad de migrantes retornados? 1- Técnica: del árbol Duración: 1 hora Dividir al grupo en 2 Material: dibujo de árbol en portafolio FACILIDADES AL RETORNO En las raíces: • ¿Han observado algo que les haga más fácil estar en su comunidad y reintegrarse a la vida de ésta? ¿Conocen a alguien que le haya ido “bien”? -Si conocemos familias que regresen a establecerse. -Las familias enteras regresan pero tienen nacionalidad norteamericana. -Algunas familias regresen porque no les gusto aunque les fue bien pero son pocas. -Es más fácil retornar con el apoyo de la familia y de los amigos. -Hay veces en las cuales se regresan y se adaptan pero hay veces que siguen viviendo como allá. -Los migrantes de retorno son bien recibidos acá es cuando empiezan a hacer sus travesuras que a nosotros no nos parece. -Los habitantes de Chinantla quieren estar allá en los Estados Unidos y no en el pueblo y eso es triste porque se fueron para ayudar a su familia aquí. Después de un tiempo se acostumbran a vivir allá. Pero cuando se regresan y ponen un negocio, si le van muy bien. Facilitador: ¿La comunidad los asimila? ¿O se esconde? -Si nos asimilan bastante pero tampoco se hacen proyectos en conjunto. -Los jóvenes por ejemplo, después de ver los que regresan quieren tener la misma ropa, los mimos tatuajes o cosas así que los retornados. En el tronco • ¿Por qué le fue “bien”? Explorar que recursos y fortalezas tienen (características de personalidad, vínculos, habilidades sociales, capacitación laboral, recursos económicos) -Aclimatarse es complicado pero nos adaptamos: Eso tiene que ver tanto con el clima (Hace mucho más frio en Nueva York que en Chinantla) que con el idioma. Allá como acá costó trabajo adaptarse. -Ir a conocer a EUA. Hay Muchos paisanos allá que dicen que uno puede venir (facilidad a migrar con las redes) -Porque mis hermanos me convencieron -Unidad familiar. Tenemos casa en Chinantla pero vivimos más pobres. A veces se prefiere ganar menos y estar acá con la familia. -Estar con la familia. -No reciben la misma atención que los que no se han ido a los Estados Unidos. -Con todo y papeles, hay gente que se queda aunque son pocos. Eso está bien porque les sale más fácil cruzar la frontera para ir a visitar familiares que irse por vías ilegales. -Al final allá como acá conseguir trabajo depende de las redes (incluso redes familiares). También las familias pueden avisar de no cruzar las fronteras tomando en cuenta el gran número de muertos. Pueden avisar de lo que está cambiando. -Para dos de ellos, no les fue difícil encontrar un nuevo trabajo (a los que trabajan en el sector de la seguridad). En los Estados Unidos no trabajaban en el sector de la seguridad. También existe el caso de gente que aplica lo que aprendió en los Estados Unidos. En las ramas • Observando a los migrantes de retorno, ¿viven mejor que antes de irse a los EEUU? -Doble trabajo=doble ahorro. Hay muchas personas que hacen eso, trabajan el doble allá con la idea de ahorrar y hacer una casa acá aunque tienen la nacionalidad estadounidense. -Si por el buen trato a las personas (generosidad). • Observando a los migrantes de retorno, ¿tienen un mejor trabajo y salario que antes de irse a los EEUU? -Unos abrieron negocio -Aprendieron a ser buen administrador DIFICULTADES AL RETORNO En las raíces • ¿Qué problemas han encontrado los retornados para integrarse a la comunidad? Ustedes con ellos, ellos con la comunidad. -Ha costado mucho trabajo el regreso. -Como madre deje a mi familia en EUA. Facilitador/a: Lamentablemente a consecuencia de las deportaciones, los hijos se quedan allá porque ya son ciudadanos norteamericanos pero los padres no. Entonces si hay una división de las familias. Por eso los paisanos están peleando para que haya una reforma migratoria para que las familias no estén separadas. Ahora lo que pasa es que a los niños aunque son muy chicos les manden allá en donde algún familiar para que siguen estudiando. Además a veces los niños no conocen bien el español. -Mis papas me llevaron. -Yo me fui a EUA en el 1985. Me regresé porque la familia esta acá. Pero casi estamos en la misma situación financiera que no es tan buena. Ya no quiero regresar a EUA. Cuando regresamos, fuimos campesinos y desde hace 8 años estamos viviendo en el Estado de la República y soy policía. No se recibe ningún apoyo del Gobierno o del municipio en cuanto a las tierras para sembrar por ejemplo. -Este gobierno está quitando los apoyos a las comunidades. Va a quitar el 50% de los apoyos y eso afecta un poco la migración porque los papas tendrán más gastos para escolarizar sus niños. ¿Cómo lo hacemos con todo el desempleo que hay acá? Eso no facilita el retorno. -Eso no facilita la inversión: si dan tierras pero que preferimos plata. Facilitador/a: ¿De qué manera podemos generar un mecanismo de inversión? La idea es ayudar a los migrantes de retorno (ya que las políticas públicas no lo hacen) y también a las familias que no tienen mucho dinero. Si el gobierno no nos apoya para crear negocios o algo, ¿Que van a hacer las personas? El peligro es que si no hay empleo en la comunidad, los jóvenes se salen pero la frontera se volvió muy peligrosa y cuesta más dinero migrar. Volvemos a un círculo vicioso en donde la familia se endeuda para pagar el viaje y van allá y no tienen trabajo. • ¿Cuáles? ¿En qué aspectos? Nos hace daño la comida de Chinantla. Ya que nos acostumbramos a la comida de EUA: Aunque nos gustan nuestros platos de acá, los organismos ya se acostumbraron a la comida y a otro trato higiénico. Este es un asunto de salud. En Chinantla, la clínica de salud no hace nada al respecto. -Fronteras segurizadas -Falta de apoyos gubernamentales -No hay atención médica -Trabajos mal pagados -Falta de trabajo -Falta de maestros bilingües -Ya no se acostumbran a México En el tronco • ¿Por qué le fue “mal”? Explorar que recursos y fortalezas tienen (características de personalidad, vínculos, habilidades sociales, capacitación laboral, recursos económicos) -Necesitaba aire cuando llegué a EUA -Indemnización por accidentes: Eso es bueno y malo. Existen casos muy extremos: gente que se queda paralizada, que pierde sus facultades mentales. El hecho de que este bueno o malo depende del caso. Es tanto negativo como positivo. -Habilidades de trabajo adquiridas en los Estados Unidos no empleadas en México -Por malas conductas en Estados Unidos -Escuadrón de la muerte (pandillismo) En las ramas • Observando a los migrantes de retorno, ¿viven mejor que antes de irse a los EEUU? -Bajos salarios en México: En los estados Unidos cuando uno trabaja logra pagar su renta, su comida y hasta para comprar ropa. Allá no hay empleo y cuando los hay los salarios son mínimos y no alcanzamos para nada. Las expectativas también disminuyen. -Enfermedades adquiridas en Estados Unidos -Vicios (alcohol, droga) -Escuadrón de la muerte • Observando a los migrantes de retorno, ¿tienen un mejor trabajo y salario que antes de irse a los EEUU? -No porque hay desempleo en Chinantla y que los salarios son más bajos. -Los árboles son el resumen de como ustedes ven a la migración. Las raíces son los problemas, el tronco es toda nuestra experiencia y las ramas de cómo se resuelven los problemas. 2- Experiencia de vivir el retorno del familiar Técnica: Sociodrama (video) preguntas y respuestas en rotafolio, el facilitador/a las escribe. Duración: 40 minutos La historia es la de un señor en una comunidad del Estado de Puebla que como no tiene dinero por cultivar su tierra su compadre le propone irse con él a los Estados Unidos porque allá hay más oportunidades. El señor decide migrar pero también hay otras dos opciones: una es abrir un negocio junto con él y la otra es cultivar otras cosas que dan más dinero que el maíz o el frijol (diversificar la siembra). Después nos cuenta la historia del camino. Llegando a Estados Unidos se pone a trabajar en una fábrica y una de la persona de la fábrica sufrió una lesión y el patrón le pide que se retire. La solución es que una de las compañeras conoce a una organización que defiende los derechos laborales allá y le explica que no importa que la persona no tenga documentos, si sufre algún accidente o algún problema de falta de pago sobre sus horas adicionales, el patrón es obligado a indemnizar esta persona. La orienta sobre sus derechos laborales y eso le pasa a muchos de nuestros paisanos. No tener documentos no significa no tener derechos. Después cuenta que el compadre con el cual se fue, se la pasa mucho de fiesta y él dice prefiere trabajar para pagar su deuda (del viaje). Por último, trata de migrantes cuando regresa a su casa y pretende empezar una actividad económica en su pueblo (poner un negocio o cultivar la tierra). Trata un poco de la historia de un migrante, cualquiera de nosotros, que se fue por un tiempo a Estados Unidos y que decide regresar. Trata de iniciar nuevamente su vida con la familia que abandono en México. • ¿Qué piensan del regreso de usted mismo o de su familiar? -Mucho gusto por la reunificación familiar en México. Tengo años allá y fue un placer grande reunificarme de nuevo con la familia (el esposo, la madre etc…). -Tristeza por no encontrar a las personas que dejaron cuando se fueron. Yo tenía 5 años de estar allá y mi mama falleció, fue a partir de este momento que me regresé. • ¿Sus familiares son diferentes de cuándo se fueron? -Son más extrovertidos en sus opiniones. Sienten una mayor fluidez para decir lo que está pasando para mejorarlo. A veces pierden un poco la timidez allá. -Siguen siendo humildes respeto al trato a sus familias y miembros de su comunidad. -Para mí es igual, siempre nos hemos llevado bien y así seguimos. Cambiaron ya que mejoraron económicamente o sea en cuestiones materiales pero al nivel personal no cambiaron. -Cuando vamos a decirles a las autoridades que allá tenían luz, servicios y puestos de salud, nos dicen que eso fue allá y que ahora estamos aquí. -Hay personas que vienen a arreglar su ramo de flor en la Iglesia porque la Iglesia está sucia y eso le toca a la Presidencia. Siempre hay una exigencia. Yo les ayudo a limpiar allí ya que tengo una camioneta. Acá cada quien desempeña su labor. -Algunos de nosotros como mexicanos, allá nos portamos bien y acá nos portamos mal. Hay personas que van con esta finalidad de trabajar y tienen mucho cuidado en cuanto al laboral porque hay unos que se van y los detienen. Por eso se portan bien porque saben que si los detienen, los pueden deportar. La gente tiene miedo y acá entonces se sienten más libres. Es igual con los niños que allá están encerrados en sus cuartos y aquí vienen y pueden jugar donde quieran. Eso se debe también a que allá la autoridad es más estricta. Además allá cuando uno ve un policía sabe que si te detiene te vincula con migración y te pueden expulsar. En cambio aquí nada más te anota y te deja libre. -Creo que nuestros hijos nacidos allá se sientan acá también con más libertad. Allá obedecemos las órdenes, respetamos las leyes. La gente de Chinantla no la conozco excepto por los familiares que tienen en los Estados Unidos. Además allá, entre mexicanos nos ayudamos a encontrar trabajo. Facilitador/a: ¿Ustedes sienten que somos iguales de luchones acá que allá o aquí nos falta algo para ser igual de luchones? -Aquí hay que pedir fábricas con máquinas de coser y sacar el material por afuera. Si habría eso no tendríamos que irnos pero como no la hay tenemos que irnos por otro lado. Tuvimos que cambiar nuestra forma de vida ya que la tierra no nos da de comer como antes. -Lamentablemente así es México. Yo soy en el consejo municipal y en conjunto con la Presidencia Municipal estamos tratando de construir un Centro Cultural donde podríamos tener máquinas, talleres de música etc. en fin Actividades para los jóvenes. Pero el Gobierno tiene muchos requisitos para este tipo de proyecto y nos detiene. Estos requisitos son para que no sigas pidiendo. Hay una desconfianza de las autoridades por su mala administración o sea muchas veces los proyectos se hacen nada más en donde se visibilizan. Pero aquí estamos olvidados en nuestros pueblitos. Lo que nos impide exigir es que el gobierno es de arriba hasta abajo y no lo contrario. -Hay una casa de los abuelitos en donde se les ensena a bordar y a coser. Las personas que se van para los Estados Unidos les sacamos su material y resulta que estas personas se están manteniendo ellas mismas. Una mitad queda para comprar material y la otra mitad para ellas. Pero no tenemos ayuda de nadie. Yo trato de promoverlos y vender sus productos en los Estados Unidos. -Realmente los apoyos faltan (del Gobierno sobre todo). Lo que nos preocupa es que estas personas de la tercera edad no estén entretenidas, estén conviviendo juntas. El hecho de tener ganancias las estimula. Facilitador/a: En Puebla hay muchos reyes, el rey de la tortilla, el rey de la semilla, el rey de los quesos en los Estados Unidos. ¿Ustedes ven que estas personas que tuvieron éxito económico están preocupadas por sus comunidades? -Si apoyan pero no para proyectos productivos más bien dan para las fiestas. Apoyan para las fiestas patronales como la de hoy que es la de San Isidro. Pero no apoyan el proyecto de la tercera edad por ejemplo. -Deberíamos pedir a los que ayudan por las fiestas patronales de ayudar más bien para comprar 4 o 5 máquinas de coser. Si les decimos que con eso, algunas personas van a tener fuente de empleo, seguro lo van a hacer. Eso muestra que hay una falta de comunicación. Si no hay comunicación, no hay entendimiento y no pueden colaborar. -Los migrantes cuando retornan dicen “Y porque no cambiamos eso” y como tienen mayor capacidad de organización, lo hacen. Por ejemplo hicieron la renovación de la Iglesia. Facilitador/a: Lo que hay que trabajar es la comunicación y la organización. Estos proyectos que tienen podrían ser viables si empieza la colaboración de los migrantes. 3- Dinámica: Salud Facilitadora: Les voy a repartir unas hojas para apuntar sus respuestas. • ¿Se han generado problemas de salud ya sea como migrantes o familiares de migrantes? (lo negativo) -El sol y el calor afectan a mi salud. Tuve que readaptarme al calor ya que me había acostumbrada al frio de allá. También padecimos por el agua que hay en México (agua de pozo, agua clorada): el agua de la llave hace daño al estómago por ejemplo o sea genera enfermedades gastrointestinales. Antes se podía tomar agua de los pozos pero ya no. Eso se fomenta porque el agua de la llave se tiene que filtrar para tomarla y también en las llaves principales llegan muchos animales. Facilitadora: ¿Eso también sucede en los Estados Unidos? -No porque allá hay filtros. • ¿Qué creen que sucede en el tema de salud (pero que no afectaría en nada a sus familiares). ¿Qué otra diferencia ven entre el tema de salud en México y en Estados Unidos? -También el hecho de que el agua esté de otro tipo genera enfermedades. Cuando mis hijos que viven en los Estados Unidos me vienen a visitar en Chinantla, tengo que comprarles agua en botella no porque se enfermen sino porque prefieren el sabor. • ¿Ven que es distinta la atención que les den los centros de salud allá en comparación de acá? -Allá los centros de salud atienden sea sin o con dinero, el gobierno ayuda. Por cualquier enfermedad si no pueden, no van a trabajar. Acá por ejemplo si hay una emergencia y que uno pide ayuda médica cuando van a cerrar la clínica, no lo atienden. Acá no hay muy buen servicio. -A la gente que trabaja, les hacen un control médico también (MEDICARE). También existe el Medicare para las personas de la tercera edad y todos los servicios completos nos están dando. • Acá no atienden bien, los horarios no son tan extendidos…etc. ¿Qué sentimientos les provoca la situación de acá? -El problema de aquí es que si me enfermo del estómago o de una gripa por ejemplo, si está abierta la clínica porque no tengo CURP, no tengo no sé qué papeles no me atienden. Entonces tengo que buscar un doctor particular pero entonces tengo que pagarle. A veces es un problema porque no tengo tanto dinero y pagar por un médico es mucho. A modo de resumirlo, la falta de atención medica en las clínicas de salud públicas se debe principalmente al no tener seguro médico en México. -Eso es una de las mayores preocupaciones que tenemos • ¿Este sentimiento lo comparten todos o nada más algunos? Todos yo creo porque cuando hay una emergencia no abren la clínica. Obviamente eso nos preocupa mucho. Tenemos la necesidad de tener ese doctor. • Se han generado problemas de salud emocional (ansiedad, depresión, retraimiento)/ (sur afiche) ¿Que sentimientos implico el regreso en el aspecto de salud? ¿Existe también eso en el sentido de estar nostálgico de México cuando uno está allá? -Tristeza, enojo, frustración por la falta de atención médica oportuna -Lejanía geográfica de las clínicas de atención especializadas -Prepotencia y mala atención por parte del personal médico de las clínicas -Si pero allá nos atienden para este tipo de problemas. Aquí se mueren y nadie les atiende. Allá no les dejan llevar a un familiar a menos de qué esté bien y acá es todo lo contrario. -Los servicios de allá son más atendidos. -También hay racismo, si hay un enfermo que ya es muy enfermo pero que está trabajando allá, no lo atienden. • ¿Hay cambios como el cambio climático que están afectando a su salud aquí? -Si el cambio climático afecta. Antes la tierra la laborábamos y nos daba productos en cambio ahora ya ante la sequedad, los ríos no salen como antes, sale poquito maíz…etc. El agua es muy escasa y eso genera problemas por ejemplo, antes los pozos daban suficientemente y ahora hay que comprar el agua que hace falta. Pero no siempre se puede.