CALIGULA. ALBERT CAMUS Albert Camus est né le 7 novembre 1913 en Algérie d'un père d'origine alsacienne et d'une mère d'origine espagnole. Son père est mort pendant la guerre de 1914−18, ainsi donc il est élevé par sa mère dans un quartier modeste d'Alger. En 1930, bachelier, il rentre à l'université de cette même ville pour réaliser des études de philosophie. En 1934 il épouse Simone Hié, il devra donc exercer plusieurs petits boulots pour financer ses études et les besoins du couple. Il formera part du Parti Communiste de 1935 à 1937. En 1936, alors qu'il est diplômé d'Etudes Supérieures de philosophie, il fonde le Théâtre du Travail et il écrit avec 3 amis « Révolte dans les Asturies », une pièce qui sera interdite. C'est à cette époque ci qu'il fait connaissance du philosophe Jean Grenier, celui−ci jouera un rôle très important dans sa formation d'étudiant. En même temps il entre au journalisme d'abord à Alger−Républicain où il devra notamment rendre compte des procès politiques algériens. Ensuite, lorsque la situation internationale se tend et le journal algérien cesse sa parution il se déplace à Paris pour exercer à Paris−Soir. C'est là qu'il divorcera avec Simone Hué et épousera Francine Faure. Durant la seconde guerre mondiale, il travaille pour le journal clandestin « Combat » dont il devient le rédacteur en chef en août 1944. Avant, en 1942, il publiait « L'Etranger » et « Le Mythe de Sisyphe » chez Gallimard . Ces deux livres enflamment les jeunes lecteurs et valent à Albert Camus d'accéder à la notoriété. Il continuera à militer en faveur de la lutte pour la liberté, notamment à propos de la peine de mort. En 1944 il fait rencontre avec Jean−Paul Sartre, ils auront des rapports amicaux pourtant sa relation va dégénérer jusqu'au point du non retour. En 1945, publication de « Caligula » et deux ans plus tard, « La Peste » qui aura un grand succès, il quitte à ce moment le journal « Combat ». Lorsque Camus publiera « L'Homme Révolté » il recevra critiques tantôt des surréalistes, de la main d'André Breton, comme des éxistentialistes, Sartre à la tête. Lorsque la situation algérienne s'aggrave Camus montre une grande commotion, il visitera Alger pour lancer, en vain, un appel à la réconciliation. En 1956, il publie « La Chute » une uvre qui dérange par son cynisme et son pessimisme. En 1957, Albert Camus reçoit le Prix Nobel de littérature, il a 43 ans. Ce prix fait hommage à « l'ensemble d'une uvre qui met en lumière, avec un sérieux pénétrant les problèmes qui se posent de nos jours à la conscience des hommes ». Trois années plus tard, le 4 janvier 1960, une fatalité du destin lui fait rencontrer la mort dans un accident de voiture. Il devait rentrer à Paris par le train, le billet se trouvait dans sa poche, mais Michel Gallimard lui offre de profiter sa voiture. CALIGULA (Pièce en quatre actes) Résumé L'action se déroule à Rome dans le palais de l'empereur. Caligula est absent depuis trois jours, ce qui inquiète fortement les sénateurs. Il semble en effet déséquilibré par la mort de sa sur et en même temps son amante, Drusilla. Dès son retour, il devient de plus en plus troublant. Assoiffé d'un pouvoir sans limites, il impose à tous la logique d'un empereur fou. Il est bien décidé à faire de son règne celui de l'impossible. La réplique suivante résume bien son état d'esprit : « Ce monde tel qu'il est fait n'est pas supportable. J'ai donc besoin de la lune, ou du bonheur, ou de l'immortalité, de quelque chose qui soit dément peut−être, mais qui ne soit pas de ce monde » (Acte I, scène 1 4) Trois ans plus tard, les sénateurs sont prêts à se révolter avec Cherea, à la tête de la conjuration. Ils en ont assez d'être ridiculisés par Caligula qui règne par la terreur. Dans ses actes cruels et sanguinaires, l'empereur ne recule pas devant le meurtre sauvage et gratuit. Pour cela, il est aidé de sa maîtresse, Caesonia, et d'Hélicon, un ancien esclave libéré. Scipion, jeune poète dont le père a été assassiné par Caligula, reste fasciné par cet homme qu'il déteste et plaint (éprouve de la compassion) en même temps. Victime de sa démesure, Caligula imite de manière grotesque les dieux et oblige les sénateurs à le vénérer. Il les pousse de plus en plus à la révolte. Lorsque Hélicon lui annonce qu'un complot est en train de se tramer contre lui, Caligula convoque Cherea. Il décide de détruire la tablette, preuve de la conspiration, il devient ainsi le seul maître de sa mort. Caligula se moque de l'art des poètes en organisant un concours de composition avec pour sujet la mort. Après avoir assisté au départ de Scipion, l'empereur décide d'étrangler Caesonia pour compléter sa sensation d'isolement, cela semble lui donner un goût de bonheur. Il va alors jusqu'au bout de sa logique et de sa liberté. Il se retrouve finalement seul, face à lui−même et dans un ultime dialogue devant son miroir, il contemple avec désespoir sa solitude et son échec avant que les conjurés ne l'assassinent. Caligula ira même jusqu'à nier sa propre mort en criant qu'il est encore vivant, il mène donc l'absurde à son plus haut degré. Analyse Caligula est achevé en 1941 dans une version romantique et lyrique, mais c'est en 1945 qu'elle est représentée pour la première fois au théâtre Hébertot, à Paris. Le texte est maintenant plus amer et politisé, Camus a vécu l'Occupation. Camus s'est inspiré de « La vie des douze Césars » de Suétone, pour rédiger cette uvre. Il réalise donc une conversion d'un matériel historique en une tragédie d'un homme heurté à soi même qui se comporte, tout en utilisant son pouvoir, d'une manière tyrannique qui déborde l'absurde. Si on contraste l'information apportée par Suétone, en principe rigoureux historiquement, et l'uvre de Camus on aperçoit beaucoup de similitudes néanmoins qu'il y a quelques divergences. Centrons nous d'abord dans le personnage de Caligula. Suétone le décrit comme une personne laide, grosse, de haute stature et complètement chauve, étant son corps très poilu. On croit que Camus ne respecte pas cette apparence physique à cause des acteurs qui l'ont représenté. La caractérisation du personnage coïncide davantage. Suétone dit de Caligula qu'il possède une rhétorique notable, qui aime les arts scéniques et le chant. En fait Camus nous montre un personnage semblant, qui aime représenter (Acte IV ; Scène IV), avec un don histrionique inné et possédant aussi une rhétorique remarquable. Ce comportement est en relation avec sa psychologie maladive proche à celle d'un fou. Les actions et le comportement du Caligula de Camus sont aussi semblables aux descriptions de Suétone. Notons sa conduite vers les sénateurs, il s'agit d'une relation vexatoire permanente. Il tue ses parents (Scipion), enlève ses femmes et biens (Octavius et Patricius), les nomme de forme ridicule (« ma chérie » au vieux patricien) et même arrive a tué ses enfants (Lépidus). Des épisodes concrets sont pris de Suétone. Voir l'assassinat de Mereia (Acte II ; Scène X), lorsqu'il prend la femme de Mucius (Acte II ; Scène V), lorsqu'il fait courir les sénateurs derrière sa carrosse (Acte II ; Scène I). Par contre on trouve des modifications comme dans le personnage de Cherea. Camus garde seulement le nom et le fait qu'il soit le chef de la conspiration. Son caractère est changé puisque Suétone l'a décrit avec une personnalité débile et même un peu efféminé. Camus crée dans cette uvre un Caligula complexe. Cet homme qui déjà dans la scène IV du 1er acte proclame que « les hommes meurent et ils ne sont pas heureux », cherche la félicité. Un fait le touche gravement au début de l'uvre, c'est la mort de sa sur et amante Drusilla. Cette rencontre avec la mort d'un être aimé le fait 2 réfléchir et changer. « Les choses telles qu'elles sont, ne sont pas satisfaisantes » (Scène IV, Acte I) dit−il, pour que ce monde soit supportable il aura besoin de choses qui seront peut−être démentes mais pas de ce monde. « La liberté absolue, sans normes, sans limites, l'expérience et l'affirmation tragique de la vie tenue jusqu'au dernières conséquences, cela est le royaume de Caligula» (Ramón Simó, directeur de Caligula au Teatre Nacional de Catalunya). Caligula aperçoit que les hommes meurent sans être heureux. Pour atteindre ce but seulement l'affirmation de la liberté absolue et de la révolte contre l'ordre ou la logique établie peut nous aider. Caligula va, avec ses actions, provoquer une insécurité existentielle à ceux qui l'entourent, il va leur donner un autre sens à leur vie. Ces sénateurs hédonistes pour qui l'argent était un des buts principaux dans leur vie, et voilà une claire reproche à la société du XXème siècle, vont maintenant apprendre à aimer la vie par soi même. Pour la conserver ils seront humiliés en applaudissant et dansant au rythme de l'absurde et la grotesque tyrannie de Caligula. L'uvre se déroule autour du personnage principal qui est Caligula. Les personnages peuvent être regroupés selon sa position vis−à−vis Caligula. D'abord, on trouve Hélicon et Caesonia qui, eux, offrent un support inconditionnel à l'Empereur. Ils ont des raisons distinctes pour cela. Hélicon représente une loyauté magnifique (voir affrontement avec Cherea. Scène VI, Acte IV) pourtant Caesonia reste fidèle à Caligula par amour. Tout au long de la pièce on peut trouver des allusions à cet amour. Les deux conservent sa fidélité, assument collaborer nonobstant on lit des passages où ils essayent de le convaincre pour retenir ses démarches. Ensuite on trouve Scipion qui, lui, jeune comme le protagoniste et ayant une relation mutuelle de séduction et admiration, reste dubitatif à l'heure de prendre part dans une position face Caligula. On retrouve des scènes où il le critique franchement cependant finalement il ne prend pas part de la conspiration. Enfin on trouve le groupe opposant, Cherea à la tête avec le reste des sénateurs vexés. Ce groupe là c'est celui qui forme la conspiration qui le tuera. Dans la scène VI de l'acte III Cherea face à Caligula explique les raisons du complot. Ils ont perdu la sécurité, Caligula leur fait trembler celle−ci et donc il est gênant pour que ceux−là puissent atteindre son bonheur. Un bonheur où l'absurde n'y est pas compris et règne le bon sens, la logique. Pour en conclure dire que cet uvre nous fera mettre en cause les procédés du personnage, des questions d'ordre morale. Nous pourrons sentir vis−à−vis de Caligula de la haine à cause de ses actions. Mais en même temps nous serons très bien capables de comprendre sa lutte à faveur de la liberté de l'homme, de la valeur de la vie humaine par−dessus de tout, et de la franchise, sans masques, entre les hommes (Scène VI, acte III). Citations concernant la liberté :Caligula : « (...) Les autres créent par défaut de pouvoir. Moi, je n'ai pas besoin d'une oeuvre : je vis... » (IV, 12) Caligula : « (...) Je vis, je tue, j'exerce le pouvoir délirant du destructeur, auprès de quoi celui du créateur paraît une singerie. » (IV, 14) 3