L`église Saint-Pierre

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Bordeaux
L’église Saint-Pierre
Villes et Pays d’art et d’histoire
1. L. Drouyn. Le quartier Saint-Pierre. Détail du plan
de Bordeaux en 1450
2. Façade de l’église Saint-Pierre avant
sa restauration. AMBx. 4018-M-9 (2)
église Saint-Pierre
« Restaurer un édifice, ce n’est pas l’entretenir ou le refaire, c’est le rétablir
dans un état complet qui peut n’avoir jamais existé. » Eugène Viollet-le-Duc
La paroisse Saint-Pierre, une des plus
anciennes de la ville de Bordeaux,
a été créée au XIIe siècle. Elle était
bornée au nord par la rue du Pont-dela-Mousque, au couchant par la rue
Sainte-Catherine, au midi par la rue
du Loup et au levant par la Garonne.
La proximité du fleuve, du port et
du palais de l’Ombrière, siège de
l’autorité ducale, en a fait dès le début
un quartier industriel et populaire où
cohabitaient le peuple, les marchands,
les notables et les parlementaires.
L’église que nous connaissons
aujourd’hui a été largement refaite à
la fin du XIXe siècle. Mais elle garde
encore des vestiges architecturaux de
l’église gothique bâtie au XIVe et XVe
pour remplacer des édifices cultuels
plus anciens
La première église Saint-Pierre
L’existence à Bordeaux d’un sanctuaire
dédié au premier apôtre et premier
pape de la chrétienté est avérée au
VIe siècle. Cette église primitive,
située dans le castrum gallo-romain,
à proximité du chenal permettant
d’accéder depuis la Garonne au port
intérieur, est connue grâce aux écrits
du prélat et historien saint Grégoire
de Tours (vers 538-vers 594). Dans le
livre I de son De gloria martyrum, au
chapitre consacré à saint Etienne, il fait
le récit de l’apparition miraculeuse de
ce saint martyr, ruisselant des eaux de
la Garonne, à une matrone « accablée
d’années mais soutenue par une foi
sincère » enfermée par mégarde « dans
la basilique du bienheureux apôtre
Pierre ». La courte description qu’il fait
de cette basilique permet de dire que
c’était un bâtiment surélevé pourvu
d’une assez vaste crypte mi-enterrée,
mi-saillante. Grégoire de Tours conclut
qu’il tient cette histoire miraculeuse de
la bouche même de l’évêque bordelais
Bertechramnus (vers 570-585).
De cette première église rien ne reste.
3. Façade latérale de l’église avant sa restauration.
AMBx. 4018-M-9 (3)
Premières mentions historiques
au Moyen Âge
Une église romane dédiée à saint Pierre,
disparue également, a été construite
au début du Moyen Âge. La plus
ancienne mention de cette église date
de 1173 et se trouve dans une bulle
du pape Alexandre III qui cite une
église « Saint-Pierre de Candello »
dans l’énumération des possessions du
chapitre de Saint-André. Moins d’un
siècle plus tard, en 1262, un autre
texte mentionne la place Saint-Pierre
sur laquelle l’église est implantée et le
port à qui elle a donné son nom. Son
emplacement exact est encore discuté.
La nouvelle église gothique
A partir du milieu du XIVe siècle,
après l’édification de la troisième
enceinte de Bordeaux, l’église est
entièrement reconstruite à proximité
immédiate de cette nouvelle muraille,
sur l’emplacement occupé naguère
par le bassin Navigere, l’ancien port
intérieur de la Burdigala antique, dans
un lacis de rues étroites et dans une
agglomération de maisons dérobant
aux regards la vue d’ensemble de sa
façade (ill. 1).
4. Saint Pierre, Voussure (détail)
Son plan adopte celui de l’église
halle composée d’une nef centrale
prolongée par un chevet* profond
et deux collatéraux*. A l’ouest, la
façade, sans décor, est percée d’une
baie flamboyante et d’un portail central
datant du début du XVe siècle. De
forme ogivale, ce portail est un bel
exemple du gothique flamboyant. Il
présente trois rangs de voussures dont
deux ornées d’anges, de prophètes
et d’apôtres (ill. 4). La disparition
du tympan, de la sculpture du
pied-droit et des statues des niches
latérales ne permet malheureusement
pas de reconnaître le programme
iconographique (ill. couv.). Sur son
flanc sud, en face de l’actuelle rue
des Bahutiers, s’ouvre ce qui était à
l’époque l’entrée principale. Datant
sans doute du tout début du XVIe
siècle, cette porte est surmontée d’un
gable* aigu décoré d’une rose en spirale
extrêmement raffinée (ill. 9). A la
suite de cette porte se trouvaient des
chapelles et un baptistère.
Centre religieux d’un quartier industriel
à forte densité humaine, l’église
Saint-Pierre abrite alors plusieurs
confréries dont celle des orfèvres,
5. Pierre tombale de Johan Scot bourgeois de Bordeaux. XIVe. MA. inv. 12595
placée sous le patronage de saint
Yves et de saint Eloi, celle des pilotes
et marins sous le patronage de saint
Pierre et celle de Notre-Dame de la
Chandeleur pour les pâtissiers et des
rôtisseurs.
Son cimetière s’étendait au nord
et à l’est. A partir de 1152, dès le
rattachement de l’Aquitaine à la
couronne anglaise, la paroisse devient
le lieu de résidence des marchands
et notables anglais. Plusieurs d’entre
entre eux s’y font enterrer comme
en témoigne la plaque tombale,
aujourd’hui exposée dans les salles
médiévales du musée d’Aquitaine, du
marchand anglais Johan Scot et de son
épouse (ill. 5).
Les campagnes de restauration
A partir des années 1840, la
Commission des Monuments
historiques ne considère plus les
édifices religieux du Moyen Âge
uniquement comme des lieux de
recueillement mais aussi comme des
monuments historiques qu’il faut
préserver. Pour l’église Saint-Pierre, la
première phase de valorisation est son
dégagement (ill. 6-7). En 1848, à la
demande des propriétaires riverains,
une place permettant enfin de dégager
sa façade occidentale est ouverte. En
1861, l’architecte Charles Burguet
signale au maire que la « façade
principale est dans le plus fâcheux
état ; elle est sillonnée de fissures ; il
en de même des murs de l’escalier qui
conduit à la tribune et aux clochers...
Les voûtes du collatéral nord sont
brisées et disloquées ». Devant cet
état de délabrement, la ville n’exclut
pas alors une « réédification totale ».
En 1863, le projet d’une nouvelle
église néogothique en pierre et fonte
de l’architecte parisien Louis-Auguste
Boileau, accueilli favorablement par
le conseil de fabrique de Saint-Pierre,
est finalement rejeté par le conseil
municipal. Quinze années plus tard,
après l’intervention des Monuments
historiques et une étude de l’édifice
menée par les architectes de la ville,
une reconstruction couplée d’une
restauration partielle est finalement
préférée. L’architecte bordelais JeanJules Mondet est choisi. Avant le début
des travaux, il réalise une campagne
des relevés précis, élévations, plans,
permettant de connaître l’édifice
6. Eglise Saint-Pierre
avant 1835.
AMBx. Fi X-K-24
7. Mialhe frères. Eglise Saint-Pierre, 1835
gothique tel qu’il était (ill. 2-3).
A l’extérieur, le collatéral nord est
totalement reconstruit et un nouveau
campanile implanté hors œuvre. Pour
la façade occidentale, à l’exception du
portail, tout le décor flamboyant est
recréé avec l’agrandissement de la baie
centrale et le rajout d’un oculus* et
l’ouverture de deux portails latéraux.
Pour le reste de l’édifice, seuls sont
maintenus les élévations du chevet*
qui est complètement dégagé des
constructions parasitaires ainsi que le
portail sud qui est déplacé. A l’intérieur,
la structure du chœur est préservée
tandis que la nef est complètement
refaite. Les travaux de sculpture sont
confiés au sculpteur ornemaniste Jean
Mora qui refait les chapiteaux, les
pinacles*, les fleurons*, les gargouilles
et les choux* des pignons.
Les vitraux figurés qui habillent
toutes les baies sont contemporains de
cette reconstruction. Ceux du chœur,
consacrés à la Vierge consolatrice
(vitrail central) et à l’histoire de saint
Pierre (vitraux latéraux), sont l’œuvre
des grands maîtres bordelais Joseph
Villiet (1823-1877) et Henri-Pierre Feur
(1837-1926).
8. Projet de reconstruction.
AMBx.4018-M-9
Le programme iconographique
Les destructions successives n’ont
pas épargné le programme décoratif
de l’église Saint-Pierre. Pour le décor
architectural de l’intérieur un petit
nombre de chapiteaux à feuillages
découpés du XIVe siècle ont échappé
à la destruction et sont conservés au
musée d’Aquitaine. L’église a gardé
cependant quelques belles pièces d’un
retable* baroque du XVIIe siècle
qui ornait le maître-autel* et que
la tradition a longtemps attribué à
la famille des maîtres menuisiers et
sculpteurs Brunet. Le tableau de Pierre
Nantiac peint en 1664 Saint Pierre
recevant les clefs du ciel qui se trouve
aujourd’hui dans une petite chapelle
située à gauche à la base du clocher, en
occupait le centre (ill. 10). De part et
d’autre se trouvaient les deux grandes
statues polychromes en bois de saint
Pierre et de saint Paul et le tableau en
haut-relief représentant en buste Dieu
le Père. Une piéta en bois du XVIIe,
groupe principal d’un autre retable,
a été placée dans le chœur de l’église,
derrière l’autel.
9. Entrée sud. Détail du décor
L’église Saint-Pierre aujourd’hui
Classée au Monuments historiques en
1908, l’église Saint-Pierre est un des
pôles d’attraction de ce quartier du
« Vieux Bordeaux » si pittoresque,
remanié au XVIIIe et XIXe siècles
mais gardant encore de très beaux
témoignages architecturaux des
époques précédentes. Cette église qui a
bénéficié d’une importante campagne
de restauration extérieure au début des
années 2000, est devenue le passage
obligé de ceux qui découvrent ces rues
et ruelles animées portant des noms si
typiques, témoignages des activités de
ses anciens habitants. Dédiée au culte
catholique, elle est aussi ouverte aux
visiteurs qui découvrent son intérieur
et les œuvres d’art remarquables
qu’elle recèle.
Lexique*
Chevet : fond de la grande nef d’une église.
Chou : motif d’ornementation employé au
XVe et XVIe siècles.
Collatéral : bas-côté ou nef latérale des
églises, ordinairement au nombre de deux.
Fleuron : ornement sculpté en forme de
fleurs ou de bouquets de feuilles stylisées.
Gâble : fronton triangulaire utilisé dans
l’architecture romane et gothique.
Maître-autel : autel principal de l’église
placé au fond du chœur et face à l’entrée
principale.
Oculus : petite ouverture de forme circulaire
servant à donner du jour.
10. P. Nantiac. Saint Pierre recevant les clés du ciel.
(détail) 1664
Church of St Peter
It has been shown that a church dedicated
to the apostle St Peter was founded in the
6th century. From writings, we have learnt
that a Roman church existed at the start
of the Middle Ages. From 1152, when
Aquitaine was joined to the English crown,
the parish became the place of residence
for English nobles and merchants. Many of
them were buried in the cemetery here, as
is shown by the tomb plaque of the English
merchant Johan Scot and his wife, currently
on display in the medieval rooms of the
Museum of Aquitaine.
From the middle of the 14th century, the
current church was built on the former site
of the inner port of ancient Burdigala. The
building complex was greatly reconstructed
by the Bordelais architect Jean-Jules Mondet
from 1882. The chevet and the western
door have, nevertheless, been retained. The
interior of the building did not escape later
destruction.
The church does, however, retain some
beautiful works: a Baroque 17th century
altarpiece and a wooden 17th century Pietà.
Listed as a historic monument in 1908,
the Church of St Peter, which benefited
from an important programme of exterior
restoration at the beginning of the 21th
century, is today one of the key attractions
of this area of «Old Bordeaux».
Iglesia de Saint-Pierre
La existencia de una iglesia dedicada al
apóstol San Pedro está documentada desde
el siglo VI. Diversos escritos indican que
existía a comienzos de la Edad Media una
iglesia románica. A partir de 1152, desde la
anexión de Aquitania a la corona inglesa, la
parroquia se convirtió en lugar de residencia
de los mercaderes y notables ingleses. Varios
de ellos fueron enterrados en su cementerio,
como demuestra la lápida del comerciante
inglés Johan Scot y su esposa, hoy expuesta
en las salas medievales del Museo de
Aquitania.
Desde mediados del siglo XIV, la iglesia
actual empieza a construirse sobre el espacio
anteriormente ocupado por el puerto
interior de la antigua Burdigala.
El edificio en su conjunto fue ampliamente
reformado desde 1882 por el arquitecto
bordelés Jean-Jules Mondet. Sin embargo,
la cabecera y el pórtico occidental fueron
conservados. El interior del edificio no se
libró de las destrucciones sucesivas.
La iglesia conserva, sin embargo, algunas
hermosas piezas de un retablo barroco del
siglo XVII y una piedad de madera del XVII.
Registrada en 1908 como Monumento
Histórico, la iglesia de Saint-Pierre, que a
comienzos de la década de 2000 fue objeto
de una importante campaña de restauración
exterior, es hoy uno de los polos de
atracción del barrio del «Viejo Burdeos».
Pinacle : petit clocheton en forme de cône ou
de pyramide effilée.
Retable : décoration d’autel formé d’un
panneau au centre duquel se trouve un
tableau ou un bas-relief flanqué de niches
contenant des statues.
Texte : Anne Guérin
Crédits photos
Couv., 1, 4, 5, 7, 9, 10 : © Mairie de
Bordeaux, F. Deval ; L. Gauthier
2, 3, 6, 8 : © Archives municipales de
Bordeaux, B. Rakotomanga
Couv. Décor du portail (détail)
En 2007, l’UNESCO a distingué Bordeaux l’inscrivant ainsi au Patrimoine mondial en tant qu’ensemble urbain exceptionnel. Le patrimoine est une
composante capitale de la ville et de ses habitants, élément constitutif d’une identité urbaine et de notre histoire commune. Préserver, partager
et transmettre cette histoire est essentiel pour les générations futures. Elle nous aide à construire l’avenir en s’appuyant sur nos racines. Je vous
souhaite une excellente visite dans ces lieux porteurs de mémoire.
In 2007, Bordeaux was recognized by UNESCO and added on the World Heritage List as an exceptional urban ensemble. Heritage is an essential
element of the city and its residents, a fundamental component of our urban identity and collective history. To preserve, present and share this
history is essential for future generations. Our history helps us shape a future built on our roots.
I wish you an excellent visit in this site that perpetuates our memories
En 2007, la UNESCO declaró la ciudad de Burdeos Patrimonio mundial como conjunto urbano excepcional. El patrimonio es una parte importante
de la ciudad y de sus habitantes, elemento constitutivo de una identidad urbana y de nuestra historia común. Preservar, compartir y transmitir esta
historia es esencial para las futuras generaciones. Nos ayuda a construir el futuro apoyándose en nuestras raíces.
Le deseo una excelente visita en estos sitios portadores de memoria.
Alain Juppé, maire de Bordeaux / Mayor of Bordeaux / Alcalde de Burdeos
Premier vice-président de la Communauté urbaine de Bordeaux /
First vice-president of the Urban community of Bordeaux / El primer vicepresidente de la Comunidad urbana de Burdeos
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