Bordeaux L’église Saint-Bruno Villes et Pays d’art et d’histoire 1. Anonyme. Vue du cimetière de la Chartreuse. MAD. inv. 739 2. Anonyme. Le cardinal de Sourdis examinant les plans de la Chartreuse. Début XVIIe Eglise Saint-Bruno « A cet endroit, les vénérables pères habitaient en d’autre temps une construction semblable à un palais… » Johanna Schopenhauer, 1804 L’église Saint-Bruno est le dernier témoignage architectural du prestigieux monastère des chartreux construit sous l’épiscopat du cardinal François d’Escoubleau de Sourdis, archevêque de Bordeaux de 1599 à 1628. Elle est le manifeste bordelais de l’église rénovée et triomphante de la ContreRéforme (ill. 1). Histoire des Chartreux à Bordeaux La première communauté de l’ordre des Chartreux a été fondée en 1084 par saint Bruno et six compagnons, quatre clercs et deux laïcs, dans le massif de la Chartreuse au nord de la ville de Grenoble. C’est un ordre contemplatif des plus austères. Fuyant les ravages de la guerre de Cent Ans les premiers chartreux, venant de Vauclaire en Périgord, arrivent à Bordeaux en 1383. Ils s’installent à l’extérieur de la ville, en aval du Château-Trompette (actuelle place des Quinconces) dans les marais de l’Audeyola, et fondent un ermitage. En 1453, après le rattachement de l’Aquitaine au royaume de France, Bordeaux établit des liens commerciaux avec les pays des Provinces-Unies (partie septentrionale des Pays-Bas). Des négociants hollandais puis flamands s’établissent à proximité du couvent des Chartreux pour acheter des cargaisons de vin et d’eaux-de-vie. Le quartier s’urbanisant, les Chartreux décident en 1579 de s’installer dans un endroit plus isolé. La construction du nouveau couvent Par son testament en date du 5 décembre 1605, Blaise de Gascq, sieur de Saint-Sulpice, qui s’est retiré en Calabre, au monastère des Chartreux de Saint-Etienne et de Saint-Bruno du Bois lègue tous ses biens à « l’ordre des Chartreux, aux fins de la fondation d’un couvent et église dudit ordre en notre ville de Bordeaux, en un lieu non beaucoup distant d’icelle, soubs le titre de Saint Bruno ». Le cardinal de Sourdis grand artisan à Bordeaux de la Réforme catholique, achète, le 13 janvier 1609, au lieu dit Pipas, un vaste terrain marécageux situé aux portes de Bordeaux (actuel quartier de Mériadeck). Le 16 mars suivant, il donne cette terre aux Chartreux à la condition que la future église soit consacrée à la Vierge et que sur le grand autel soient placées « les images de la Vierge immaculée, Sainct-Bruno et Sainct-François et le monastère appellé le monastère de Nostre Dame » (ill. 2). Après trois années de travaux pour assainir le sol, la première pierre de l’église est posée le 22 juillet 1611 par le cardinal de Sourdis, en présence de Henri II de Bourbon, prince de Condé, gouverneur de la province d’Aquitaine. Six années plus tard, le chantier dirigé par les maîtres maçons bordelais Jean Dapril, Marc Doucet et Pierre Villain est suffisamment avancé pour permettre la pose de la charpente et de la couverture en ardoise de l’église. En 1618, certaines parties du monastère élevé au sud et à l’est de l’église, sont construites et l’élévation du clocher de l’église achevée avec la pose d’une cloche d’un poids de 3. Eglise Saint Bruno. XIXe. AMBx. Fi 14-G-8 6000 livres. Le 29 mars 1620 l’église, placée sous le vocable de Notre-Dame de la Miséricorde, est consacrée. L’année suivante, les bâtiments conventuels quoique inachevés abritent les premiers pères chartreux. Entre la ville et le couvent, le cardinal de Sourdis qui admire la culture italienne, crée une magnifique promenade publique, une des premières réalisées en France. Il projette également de faire construire dans le chevet de l’église un retable monumental. Sa mort en février 1628 arrête le chantier. Les travaux reprennent en 1668 avec la décoration du chœur de l’église par les maîtres architectes Julien Foucré et Nicolas Merisson. L’année 1672 figurant au tympan des frontons de la façade indique la date de l’achèvement des travaux. Lors de la Révolution le monastère est partiellement détruit et les biens des Chartreux confisqués. Leur vaste enclos, réputé pour ses cabinets de verdure, son canal et ses ermitages, est transformé en cimetière municipal, le cimetière de la Chartreuse (ill. 1). En 1820, l’église, devenue depuis le Concordat une chapelle de 4. O. Lazeri. Saint Charles Borromée. XVIIe secours dépendant de Saint-André, est érigée en paroisse par le cardinal d’Aviau sous le vocable de SaintVincent et de Saint-Bruno. A la fin du XIXe siècle, le conseil municipal décide d’engager des travaux tout autour de l’église. Le projet, adopté en mars 1894, prévoit l’ouverture d’une nouvelle voie, l’actuelle rue François-de-Sourdis, le dégagement et la restauration de SaintBruno. Ce chantier prévoit également la démolition du vieux presbytère et son remplacement par un bâtiment neuf, l’élévation d’un nouveau clocher, l’agrandissement des sacristies, la restauration et la construction des portiques du parvis, le déplacement de la porte d’entrée du cimetière. La création d’un square (ill. 6-7), actuelle place du Onze-Novembre et la construction d’un groupe scolaire complètent ce vaste programme de restructuration. Une architecture influencée par l’art baroque romain L’église de l’ancien couvent des Chartreux est, à Bordeaux, le seul édifice cultuel d’essence baroque directement inspiré par l’architecture 5. Tombeau du marquis de Sourdis et de son épouse. 1691 (détail) religieuse romaine du XVIe et XVIIe siècles. Cette église de belles proportions possède une nef unique voûtée en berceau*. Sa façade est composée de trois niveaux richement décorés et d’un fronton courbe. Le rezde-chaussée est rythmé par des séries de pilastres*corinthiens. Au-dessus, un entablement*, reprenant l’usage romain, est formé d’une frise portant une inscription rappelant le nom du constructeur, la dédicace et la date de l’achèvement des travaux (1619). Au milieu du deuxième niveau, une grande niche abrite une statue d’une Vierge à l’Enfant. Au centre du dernier niveau figurent dans un cartouche les armes du cardinal de Sourdis. Un monumental décor de pierre et de marbre. Le fastueux décor du chœur est une réalisation artistique considérable qui rappelle les plus beaux ensembles religieux de la Rome pontificale. Un retable*, en pierre de Taillebourg et marbres polychromes, présente au centre de sa composition, une Assomption peinte en 1673 par Philippe de Champaigne (1602-1674). 6. Projet travaux d’urbanisme. (détail). AMBx. 4014-M-15 Les panneaux qui prolongent le retable sont creusés de niches abritant deux statues de marbre blanc représentant l’Annonciation. Elles ont été commandées et sculptées à Rome entre 1620 et 1622, à la demande du cardinal de Sourdis qui séjournait alors dans la capitale italienne, par les Bernin, Pietro pour la Vierge, Gian Lorenzo, dit le Cavalier Bernin, son fils, pour l’Ange. Les deux ailes en retour du chœur alternent tableaux et statues en ronde-bosse installées dans des niches. Elles représentent à gauche saint Jean-Baptiste et saint Charles Borromée, l’archevêque de Milan ; à droite saint Joseph et saint Bruno. Saint Charles Borromée et saint Bruno ont été sculptés au début du XVIIe par Otaviano Lazeri, artiste d’origine florentine (ill. 4). Saint Jean-Baptiste et saint Joseph ont été réalisés en stuc vers 1675 par le sculpteur Jean Girouard. Cet ensemble a été classé le 25 octobre 1905. Un mobilier et un décor théâtral A l’intérieur de l’église, le programme décoratif réalisé au XVIIe et XVIIIe a été dès le début fort admiré. 7. L. Drouyn. Eglise Saint-Bruno. 1892. MBA. Bx E 894 La Révolution ne l’a pas épargné. Cependant les boiseries encadrant la porte d’entrée, les stalles de la nef et les portes du sanctuaire, forment un ensemble rare. Quatorze stalles sur les cinquante installées à l’origine dans la nef et réalisées probablement par les maîtres Jean Thibaud et Claude Gaullier sont encore en place. Les autres ont été transportées à la cathédrale Saint-André. Les panneaux de chaque stalle sont ornés d’un cartouche comportant au centre le buste d’un saint personnage. Les attributs sculptés au-dessus permettent de les identifier. La voûte de la nef est recouverte de fresques en trompe-l’œil. Elles ont été exécutées en 1771-1772 par le peintre d’origine italienne, mort à Bordeaux en 1801, Juan Antonio Berinzago (ill. 8). L’artiste a signé deux fois son œuvre, sur le mur ouest au-dessus de la porte d’entrée et dans la voûte, côté nord. Il a représenté dans une savante composition en perspective très italianisante, des modèles architecturaux, portiques, colonnades corinthiennes, pilastres, balustrades, entablements peuplés de bustes et de médaillons. Altérées dès le début du XIXe siècle, ces peintures ont été restaurées à plusieurs reprises : en 1836 par le peintre décorateur Beauregard et en 1896 par les artistes Lemeire et Lavigne. Ce riche programme est complété par un ensemble de tableaux illustrant la vie de saint Bruno. L’église aujourd’hui Classée au titre des Monuments historiques en 1862, l’église SaintBruno et son exceptionnel mobilier fait partie des monuments suivis avec attention. Tout au long du XXe siècle, des campagnes ont été consacrées à la restauration de son architecture extérieure. En 1997, dans le cadre du Plan Patrimonial Bordelais, un ambitieux programme portant sur la restauration de ses décors intérieurs a été lancé. Au tout début des années 2000, des spécialistes italiens se sont attelés à cette délicate tâche qui a duré près de deux années. Depuis sa réouverture, ce magnifique décor en trompe-l’œil a retrouvé une grande partie de sa splendeur. Lexique* Berceau : voûte demi-cylindrique. Entablement : sur un édifice, partie horizontale composée d’une architrave, d’une frise et d’une corniche. Pilastre : pilier en saillie muni d’une base et terminé par un chapiteau. Retable : décoration d’autel formé d’un panneau au centre duquel se trouve un tableau ou un bas-relief flanqué de niches contenant des statues. Texte : Anne Guérin Crédits photos Couv., 3, 6 : © Archives municipales de Bordeaux, B. Rakotomanga 1, 2, 4, 5, 7, 8 : © Mairie de Bordeaux, F. Deval ; L. Gauthier Couv. : A. Bordes. Eglise de la Chartreuse. XIXe. AMBx. Fi XIV-G-40 rec 125 8. J. A. Berinzago. Fresque de la voûte (détail). 1771-1772 Church of St Bruno The Church of St Bruno is the last architectural example of the prestigious monasteries of the Carthusian monks built under the episcopacy of Cardinal François d’Escoubleau de Sourdis, archbishop of Bordeaux from 1599 to 1628. It is Bordeaux’s example of the renewed and triumphant Church of the CounterReformation. The first Carthusians arrived in Bordeaux in 1383. They settled outside the city walls and founded a hermitage. The area became more built-up and the Carthusians decided in 1579 to move somewhere more isolated. In 1609 Cardinal Sourdis bought a large, swampy piece of land by Bordeaux’s city gates (the present day Mériadeck area), on which he had the new church built (16111620) and laid out one of the first public walkways in France. The sumptuous decoration of the chancel, carried out after 1650, is of considerable artistic merit and recalls some of the most beautiful religious works of Papal Rome. The great painter, Philippe de Champaigne (1602-1674), the Bernini sculptors (Pietro and Giovanni Lorenzo, known as Cavalier Bernin) created an Annunciation, Jean Girouard, and also the painter Berinzago who created the trompe-l’oeil frescoes covering the entire ceiling of the church, are just some of the great artists who participated in the decorative programme that has been much admired since the 18th century. At the start of the 21st century, Italian specialists took on the difficult task of restoring the frescoes. The work lasted for almost two years. Iglesia de Saint Bruno La iglesia de Saint-Bruno es el último vestigio arquitectónico prestigioso monasterio de los cartujos construido bajo el obispado del cardenal François d’Escoubleau de Sourdis, arzobispo de Burdeos de 1599 a 1628. Es el manifiesto bordelés de la Iglesia renovada y triunfante de la Contrarreforma. Los primeros cartujos llegaron a Burdeos en 1383. Se instalaron en el exterior de los muros de la ciudad y fundaron una ermita. Al urbanizarse el barrio, los cartujos decidieron en 1579 instalarse en un lugar más aislado. En 1609, el cardenal de Sourdis compró un gran terreno pantanoso situado a las puertas de Burdeos (actual barrio de Mériadeck), en el que ordenó construir la nueva iglesia (1611-1620) y creó uno de los primeros paseos públicos realizados en Francia. La fastuosa decoración del coro, realizada después de 1650, es una realización artística considerable que recuerda a los más hermosos conjuntos religiosos de la Roma pontificia. El gran pintor Philippe de Champaigne (1806-1674), los escultores Bernini (Pietro y Giovanni Lorenzo, llamado Caballero Bernin), autores de una Anunciación, Jean Girouard o también el pintor Berinzago, autores de los frescos en trampantojo que cubren la totalidad de las bóvedas de la iglesia, figuran entre los grandes artistas que participaron en el programa decorativo, muy admirado desde el siglo XVIII. Al principio de la década de 2000, especialistas italianos emprendieron la delicada tarea de restaurar estos frescos. Los trabajos duraron casi dos años. En 2007, l’UNESCO a distingué Bordeaux l’inscrivant ainsi au Patrimoine mondial en tant qu’ensemble urbain exceptionnel. Le patrimoine est une composante capitale de la ville et de ses habitants, élément constitutif d’une identité urbaine et de notre histoire commune. Préserver, partager et transmettre cette histoire est essentiel pour les générations futures. Elle nous aide à construire l’avenir en s’appuyant sur nos racines. Je vous souhaite une excellente visite dans ces lieux porteurs de mémoire. In 2007, Bordeaux was recognized by UNESCO and added on the World Heritage List as an exceptional urban ensemble. Heritage is an essential element of the city and its residents, a fundamental component of our urban identity and collective history. To preserve, present and share this history is essential for future generations. Our history helps us shape a future built on our roots. I wish you an excellent visit in this site that perpetuates our memories En 2007, la UNESCO declaró la ciudad de Burdeos Patrimonio mundial como conjunto urbano excepcional. El patrimonio es una parte importante de la ciudad y de sus habitantes, elemento constitutivo de una identidad urbana y de nuestra historia común. Preservar, compartir y transmitir esta historia es esencial para las futuras generaciones. Nos ayuda a construir el futuro apoyándose en nuestras raíces. Le deseo una excelente visita en estos sitios portadores de memoria. Alain Juppé, maire de Bordeaux / Mayor of Bordeaux / Alcalde de Burdeos Premier vice-président de la Communauté urbaine de Bordeaux / First vice-president of the Urban community of Bordeaux / El primer vicepresidente de la Comunidad urbana de Burdeos Renseignements Mairie de Bordeaux Direction générale des affaires culturelles Place Pey-Berland - 33077 Bordeaux Cedex 05 56 10 53 00 - bordeaux.fr Office de Tourisme de Bordeaux 12, cours du XXX Juillet 33080 Bordeaux Cedex 05 56 00 66 00 - bordeaux-tourisme.com Bordeaux appartient au réseau national des Villes et Pays d’art et d’histoire. Le Ministère de la culture et de la communication, direction de l’architecture et du patrimoine, attribue l’appellation Ville et Pays d’art et d’histoire aux collectivités locales qui animent leur patrimoine. Il garantit la compétence des guides-conférenciers et des animateurs de l’architecture et du patrimoine et la qualité de leurs actions. Des vestiges antiques à l’architecture du XXIe siècle, les villes et pays mettent en scène le patrimoine dans sa diversité. Aujourd’hui, un réseau de 137 villes et pays vous offre son savoir-faire sur toute la France. Further information Bordeaux belongs to the national network of Villes et Pays d’art et d’histoire. The Architecture and Heritage department of the Ministry of Culture and Communication awards the title of Villes et Pays d’art et d’histoire to local authorities who actively promote their heritage. It guarantees the capability of the tour guides and the architecture and heritage event organisers as well as the quality of their work. From archaeological remains to the architecture of the 19th century, the towns and regions present their heritage in all its diversity. Today, 137 towns and regions across the whole of France belong to the network. Nearby Sarlat, Périgueux, Oloron-Sainte-Marie, Angoulême and Saintes have all been awarded the coveted Ville d’art et d’histoire label. Información Burdeos forma parte de la red nacional de Villes et Pays d’art et d’histoire. El Ministerio de Cultura y Comunicación, desde su dirección de Arquitectura y Patrimonio atribuye la apelación Villes et Pays d’art et d’histoire a aquellas entidades locales que organizan actividades de animación en torno a su patrimonio. Garantiza la profesionalidad de los guíasconferenciantes, de las personas que intervienen en las actividades de animación, y la calidad de sus acciones. De los vestigios de la antigüedad a la arquitectura del siglo XX, ciudades y territorios pone en escena el patrimonio en su diversidad. En la actualidad, una red de 137 ciudades y territorios ofrece su saber hacer a lo largo y ancho de Francia. En las proximidades Sarlat, Périgueux, Oloron-Sainte-Marie, Angoulême y Saintes cuentan ya con la apelación Villes d’art et d’histoire. A proximité Sarlat, Périgueux, Oloron-Sainte-Marie, Angoulême et Saintes bénéficient de l’appellation Villes d’art et d’histoire. bordeaux.fr