La fable antique, un matériau pour réfléchir aux relations entre fiction et allégorie Étude de quelques mythographies (XVIe -XVIIIe ½) Il ne s’agit pas d’une version rédigée ; je me permets de solliciter l’indulgence pour les différentes coquilles et autres erreurs qui seraient (encore) présentes. - Je voudrais rappeler quelques définitions de Furetière : allégorie, fiction, deux définitions données déjà par Françoise Lavocat, mais aussi fable. J’écarte la définition de mythologie qui est de peu d’utilité parce qu’elle regroupe à la fois le contenu des mythes et leur étude, en ce sens elle est révélatrice de l’absence de distinction entre texte narratif et sa glose. Allégorie : Figure de rhétorique qui est une métaphore continuée, quand on se sert d’un discours qui est propre à une chose, pour en faire entendre une autre. Le vieux Testament est une perpétuelle allégorie des mystères contenus dans le nouveau. Allégorique : qui tient de l’Allégorie. L’Ecriture a son sens littéral, & son sens allégorique. Il y a une nouvelle allégorie des troubles arrivés dans le royaume de l’éloquence. Allégoriser : parler par allégorie. Les Levantins se plaisent à allégoriser. Le gouvernement du Shiras fait ajouter à tous ses titres, Fleur de courtoisie, Muscade de consolation, & Rose de Plaisir. Allégoristes : auteur qui explique les choses par allégorie. Les anciens interprètes de l’Ecriture ont esté presque tous des allégorique. Saint Augustin, Saint Grégoire, Théophylacte, Origène, Denis le Chartreux, ont expliqué la Bible en Allégoristes, dans des sens allégoriques. Fiction : Mensonge, imposture. Il m’a parlé de cœur, et sans fiction. Tout ce qu’il dit est pure hablerie & fiction. Fictions, se dit aussi des inventions poétiques, & des visions chimériques qu’on se met dans l’esprit. Les anciens avaient le champ libre pour leurs fictions. Toutes les aventures de leurs dieux n’estoient que fictions, toutes les fictions et chimères que le malade se met dans l’esprit augmentent son mal. Fable : 1) Fiction d’un entretien de deux ou de plusieurs animaux, ou de choses inanimées, d’où on tire quelque moralité ou plaisanterie. Il y a de belles moralitez dans les Fables d’Esope, de Phedre &c. […] 2) Fable, se dit aussi de la fiction qui sert de sujet aux Poëmes Epiques & Dramatiques, & aux Romans. La belle disposition de la Fable est aussi necessaire dans un Poëme que celle des figures dans un tableau. 3) Fable, signifie aussi absolument, Fausseté. Tout ce que les Payens ont dit de leurs Dieux sont des fables. L’Histoire du Lyon baptisé par St. Paul, que quelques-uns attribuoient à St. Luc, est une fable, dit St. Hierosme de Script. Eccl. On dit proverbialement, qu’un homme est la fable du peuple, pour dire, qu’il est tourné en ridicule, méprisé dans toutes les compagnies où on parle de luy. Ce mot vient du Latin fabula, où il signifie aussi, Pact [sic], convention, pourparler, entretien, […]. Il ressort de ces définitions que : > Fable et fiction sont synonymes au sens de fausseté. Pour plus de clarté, j’emploierai le terme de « fable » pour désigner les textes antiques sur les dieux et les héros. > La fable antique est à la fois une fiction (au double sens de mensonge et de sujet d’œuvres écrites à partir des anciens) et l’objet de lectures allégoriques > support d’allégorèses. Définitions de Furetière attestent également de la désaffection, en 1690, pour la lecture allégorique des fables antiques : ceux-ci ne sont que des fictions, mensonges cf. section de la définition consacrée aux « faussetés ». Toutefois lecture allégorique des fables a fonctionné assez longtemps, en gros depuis l’Antiquité, et a permis de défendre les fables contre ceux qui les contestaient, arguant justement qu’elles n’étaient que des mensonges. C’est à cette histoire que je voudrais m’intéresser, sur la période récente : seconde moitié du XVIe jusqu’à la moitié du XVIIIe. => La fable apparaît donc comme un matériau pertinent pour essayer de saisir l’articulation entre allégorie et fiction. 1 - Rapide rappel historique : Antiquité > fin du MA : allégorie sauve la fable ! Présupposé opérant depuis Antiquité : les poètes auraient procédé à un encodage dont la fable/le muthos serait le résultat. Donc les allégoristes se donnent pour tâche de décoder les fables, qu’il s’agisse de l’argument de la fable ou de sa réalisation singulière dans l’œuvre d’un auteur particulier, en particulier les Métamorphoses d’Ovide. > retrouver sous l’écorce, sous l’enveloppe le vrai sens caché (métaphore fréquemment employée). Des survivances des 4 sens médiévaux observables dans plusieurs de ces recueils mythographiques renaissants. - Corpus : quelques mythographies, principalement françaises, mais pas seulement. De la Renaissance à la moitié du XVIIIe siècle (post médiéval donc post allégorie chrétienne). Corpus étendu chronologiquement car l’objet est de se demander ce qu’il advient de cette fiction particulière qu’est la fable antique : tout d’abord, quel est son statut lorsqu’elle est objet de lectures allégoriques, qui sont elles-mêmes variables selon les époques, puis quels sont les effets que produit sur elle l’abandon de cette approche allégorique. - Hypothèses : deux temps successifs. Il me semble que la lecture allégorique permet de dédouaner la fable des défauts de la fiction. Cette première hypothèse invite alors à se demander si le déclin de la lecture allégorique induit un discrédit conjoint de la fable dans les mythographies, ou, au contraire, permet l’autonomisation de la fable. - Méthode et plan : Plan chronologique pour suivre l’évolution, assez nette à mon avis, qui se dessine dans les mythographies. Plan simple, chronologique, en deux temps : Des années 1580’ aux premières années du XVIIe, puis jusqu’à la moitié du XVIIIe. I- Lectures allégoriques renaissantes : sauver la fable du mensonge. Interprétation allégorique et système analogique Corpus : Agustini (1537), Conti (1568), et son traducteur, Montlyard (1604, trad. de Conti) [inclure étude sur la version que donne du Tasse], et un continuateur, Baudoin (1627, 1632 2nde édition de la Jerusalem), Renouard (1617). Système dominant au Moyen-Âge si l’on se fonde sur l’Ovide moralisé [OM] en vers ou en prose est 1) que l’ouvrage reprend l’ordonnancement des Métamorphoses d’Ovide > structure de l’ouvrage demeure la structure adoptée par le poète antique, 2) que la lecture allégorique soit contiguë et détachée : elle suit le récit de la fable et passage de la fable à son interprétation est le plus souvent signalé explicitement, 3) enfin, dans certains cas l’allégorèse est encore plus longue que la fable. Il s’agit de résorber le plus possible le niveau 1 dans le niveau 2. À la Renaissance, après critique des humanistes, modification de la lecture allégorique ; je laisse ici de côté la condamnation religieuse de cette lecture allégorique. Pour les humanistes : 1) il n’est plus question de prisca theologia et 2) le texte du poète pris en compte pour lui-même, d’où intérêt nouveau pour les variantes. Voir étude de A. Moss et M. Jeanneret. Cas d’Agustini typique : traduction en vers de chacun des épisodes, interprétation allégorique suit, le plus souvent de tonalité morale. Cas particulier de Conti : le plus lu, une structure différente, un apparat critique très important. 2 1- Conti et ses commentateurs : l’allégorie comme principe de lecture de la fable a- L’ordonnancement du recueil latin et le projet allégoriste - Recueil latin a pour titre exact : Mythologiae, sive explicationum fabularum, libri X, in quibus omnia prope Naturalis & Moralis Philosophiae dogmata contenta fuisse demonstratur. Nuper ab ipso authore sexcentis locis aucti & locupletati, ut patebit cum antiquis conferentibus. Quibus accedunt libri quatuor venationum carmine ab eodem conscripti. Subsequitur index rerum memorabilium peramplus, praecedet operi urbium & locorum index, quae nomina a variis Heroibus acceperunt. Atque alius plantarum & animalium singulis Diis dicatorum. Le titre du recueil latin indique très clairement la visée didactique du projet de l’allégoriste (cf. terme employé par Furetière) : explicationum, dogmata [théories, opinions, croyances] philosophiae naturalis & moralis ; ce qui justifie la présence des index divers (noms mémorables, mais aussi lieux et villes, des plantes et des animaux. - Structure de l’ouvrage : en 10 livres, subdivisés en chapitres, traitant le plus souvent à un élément de la fable antique (un dieu, un héros), cette structure correspond à une approche « scientifique », « savante » de la fable qui vise dans le même temps à légitimer l’approche allégorique. Voir titre particulièrement éclairant du livre VI : « Quod aequo animus ferendum est si quid à Deo impetrare non possumus » [« Nous devons prendre patience et ne murmurer point contre Dieu, si nous lui demandons qq chose qu’il ne nous veuille donner »], et du dernier livre : « Quod omnia philosophorum dogmata sub fabulis continebantur » [« Que tous les preceptes& enseignements philosophiques s’enseignoient jadis par les fables »]. Titres des livres ne donnent pas le contenu mythologique mais soulignent l’apport moral => fables ne sont pas des mensonges puisque donnent à voir des principes analogues à ceux qui régissent le monde chrétien, naturel. - Cette prédominance de la visée allégorique induit un travail de sélection de la fable antique : Cf. début du chapitre II (1611, p. 3) : Car recherchans jusques au plus creux le vray sens des Fables, nous y devons descouvrir ce qu’elles enferrent de proufitable à la vie humaine, & de cette recerche & descouverte nous en remporterons un proufit admirable ; laissans courir d’autre costé ce que nous verrons n’estre point de nostre gibier, & ne nous apporter aucun avantage. C’est ainsi que l’on peut peut-être comprendre que certains personnages de la fable, comme Pyrame et Thisbé, issus des Métamorphoses d’Ovide ne soient pas évoqués. Le mythographe allégoriste s’assigne une tâche qui le rend analogue au médecin (id.) : Nous devons faire comme les Medecins, qui mesme des herbes & bestes venimeuses receuillent de bonnes & proufitables preceptes, & mettent à quartier tout ce qu’ils trouvent de bon en chacune : & par le moyen des temperamens qu’ils y apportent, font que ce qu’elles contiennent de malin & dangereux, devient propre & commode pour la recouvrance ou entretien de la santé. Loin d’être nocive, la fable est éminemment instructive à condition qu’elle soit expliquée par l’allégoriste. b- Les fables antiques : des fictions utiles La fable n’est plus une fiction dangereuse dès lors qu’elle est porteuse d’un sens utile, voire bénéfique non seulement pour la connaissance (allégorie physique ou naturelle), mais aussi pour la vertu et l’enseignement moral. > sauver la fiction en lui conférant le statut de niveau 1 d’une allégorie : elle n’est que la mise en récit de principes moraux et naturels. Proposer une rapide étude de la dédicace de Montlyard (à « Henry de Bourbon Prince de Condé », datée de Paris, novembre 1599, s. p.), dont le texte est donné dans l’exemplier. « La Poësie inventrice des Fables est la plus ancienne science qui soit [savoir, par opposition à mensonge]. Elle enseigne par ses inventions tout ce qui fait pour l’acquisition de la vertu, pour la reformation des mœurs & des affections humaines, les entremeslant de gayes & plaisantes jolivetez. Pour ce jadis les Poëtes seuls emportoient 3 le bruit d’estre sages. On leur donnoit des qualitez de saints Prophetes, d’Interpretes des mysteres divins, de Chantres sacrez. » Vertu éducative des fables car « trs propre pour l’institution de la Jeunesse ». « Mais comme nul ne peut estre bon Poëte s’il n’est homme de bien : aussi ne faut-il pas mettre à prix des Poëtes seulement par l’elegance de leurs dictions, ni par la mesure des syllabes & cadence de la rythme : ouy principalement, par la possession de cette maniere de vivre qu’ils ont les premiers recherchee, laquelle nous appelons Sagesse morale & civile.[vertu dans le docere] Comme de fait leur principal but estoit, de former les esprits des hommes en bonnes mœurs, & bien dresser la vie humaine : Car loüans en leurs poëmes les personnages illustres, & de renom, ils exhibent à la vertu la loüange qu’elle merite, & resveillent la Jeunesse pour l’induire à une loüable & vertueuse façon de vivre, & la rendre plus allegre & plus prompte à sa vacation. […] Ainsi donc de ces principes decoulerent ceux qui du commencement furent nommez Sages, puis d’un nom plus modeste & moins envieux, Philosophes, c’est-à-dire amoureux de la Sagesse : lesquels pour rendre leur art & doctrine d’autant plus admirable, l’affublerent de fictions, d’enigmes & fables non inutiles ne vaines (car esprits si choisis & augustes n’ont jamais rien dict par vanité) qui se peuvent approprier à toutes les arts, professions & sciences ausquelles l’esprit de l’homme peut arriver. Puis les proposerent a ceux qui de leur temps eussent autrement fait refus, voire rejetté tous autres simples & nuds preceptes de bien diriger leurs actions. [suite : description du projet] Mais dautant que ceux qui les lisent esparses & semmees emmi les escrits des Poëtes, & autres escrivains, ne peuvent tous d’eux mesmes concevoir l’intention des anciens en la composition d’icelles, joint que la plupart des meilleurs Auteurs, voire Poëtes, se lisent en nostre vulgaire : j’ay pensé faire chose agreable aux plus curieux des misteres de l’antiquité, qui n’ont cognoissance des langues, si je leur communiquois cette Œuvre d’autant plus recommandable en soy, qu’il ne se contente pas (comme d’autres qui ont escrit & mis en lumiere leurs imaginations en mesme sujet) de nous donner une simple & nue narration des anciennes inventions fabuleuses : ains les expose si doctement & avec tel artifice, qu’outre le plaisir qui nous chatouille & resveille l’ame en les lisant, il nous donne moyen d’en recueillir un profit admirable : nous y faisant descouvrir presque tous les commencemens de la Philosophie naturelle & morale, avec les trois parties de la vie humaine : sçavoir la Contemplative […]. La vie active, […]. Ce qui depénd de la troisiesme maniere de vivre se recueille par ci par la […]. » Pour Conti et Montlyard, les poètes sont d’abord des « philosophes » : ils ont procédé à un encodage des principes moraux => valorisation des « fictions, énigmes et fables » qui ne sont dès lors pas vaines puisque porteuses d’un enseignement. Elles ont été conçues dans un souci pédagogique : moyen le plus habile pour transmettre un savoir. Ce postulat d’un encodage justifie conservation, transmission et étude des fables selon la manière dont procèdent les mythographes. Le mythographe prévient aussi contre le delectare propre à la fable : art du poète n’est possible que parce que docere et morale sous-tendent son projet poétique. Dès lors lecteur ne doit pas non plus s’arrêter aux plaisirs d’un texte poétique réussi. Et Montlyard cherche à procéder de manière analogue aux poètes anciens et à Conti : parce que texte latin difficile d’accès, il a choisi de le traduire, dessein est de donner les fables de manière plaisante et avec le commentaire qui convient. => Même démarche pour les poètes anciens et les mythographes modernes : delectare permet de passer au docere, mais seul le docere justifie la fable. Niveau 2 prime du point de vue théorique. Lecture allégoriste (travail de décodage) justifie la narration de la fable. Cf. livre X : résumé, qui suit l’ordonnancement développé dans les neuf livres précédents, très bref, par personnages ou entités mythologiques principaux seulement en fonction du bénéfice allégorique (moral, historique, physique, naturel) que le lecteur peut en tirer. Réduction dans ce dernier livre de la fable à sa seule signification allégorique. Néanmoins, si ce dernier livre est le plus accessible de l’ouvrage parce qu’il est le plus court, il ne saurait totalement résorber ce qui précède. c- Une étude précise des textes poétiques anciens, complétée de commentaires du mythographe - À la différence des allégoristes médiévaux, les allégoristes renaissants prennent en charge les variantes des fables antiques et citent précisément les poètes, dans le cas de Conti souvent en langue originale (grec) tandis que Montlyard traduit généralement tout. 4 - Régime de l’analogie entre éléments de la fable et interprétation savante (physique ou naturelle). > Système d’analogie assez précis régit la narration. Exemple de Médée où le mythographe procède à une naturalisation du poison employé contre Créuse : il s’agir de « naphte », dont le mythographe décrit le fonctionnement. Le mythographe donne comme explication au feu qui embrase Créuse la présence de « naphte » sur les habits. Ensuite il fait une longue digression (1 page) au cours de laquelle il évoque les différents noms de ce poison que M a inventée (huile de M, feu de M, éphémère) et les différentes formes de ce poison : on peut en oindre des objets, on peut aussi être amené à le boire, et d’évoquer alors les possibles contre-poisons à base de lait de vache, de racine coupée et bouillie et de « feuilles de serpoulet ou de Poulliot cuittes au jus des intestins de Ferule » etc. Il étaie cette analyse par des renvois à des auteurs antiques (nommés comme Diphile Siphnien, ou non nommés) et par deux anecdotes tirées de la Vie d’Alexandre le Grand de Plutarque. Cette digression accrédite la véracité de la fable et est motivée par le souci d’instruire les lecteurs sur les propriétés de cette « merveilleuse drogue ». - À la lecture allégorique enchâssée dans la narration s’ajoutent les lectures allégoriques présentes à la fin de chaque fable, le plus souvent un sens moral et « physique ». > Deux temps successifs : fable rapportée ou résultat de l’encodage, avec partiel décodage rendu possible par la convocation de sources savantes, puis décodage seulement, qui est aussi long que la fable elle-même. Cette phase de décodage permet, en outre dans le cas de Médée à Corinthe, de justifier les crimes commis par celle-ci > résorber par l’allégorie la violence de la fable. Dans cette seconde phase de décodage, la relation analogique est nettement moins étroite : un précepte moral est dit être illustré par un épisode de la fable mais pas d’étroite correspondance. => interprétation allégorique est indissociable de la fable pour le lecteur ; les deux niveaux sont soigneusement entrelacés ou se succèdent de manière très proche. Lecteur a peu de marge d’interprétation tant le mythographe guide la lecture. La présence des variantes me paraît autoriser l’hypothèse suivante : vérité ne serait pas seulement dans la fable réduite à son intrigue, son argument au sens classique, mais aussi dans la fiction poétique singulière d’un auteur. => La fiction serait-elle alors dotée d’une dimension cognitive, celle-ci ne se trouvant pas seulement dans le mythe réduit à un ensemble de faits ? En tout cas, l’approche de Conti conduit à une valorisation de l’inventio du poète. d- De Conti à Montlyard : le statut des index Index chez Conti : Index en début d’ouvrage et en fin d’ouvrage. 1) En début d’ouvrage, trois index successifs, suffisamment importants pour figurer dans le titre latin, index sans référence de pages => index notionnels qui livrent de manière succincte les enseignements principaux, qui sont de trois ordres : les sources, les lieux géopgraphiques et les plantes et animaux. « index nominum variorum scriptorum & operum, quorum sententiae, vel verba in his libris mythologicis citantur » [sources] ; « regionum, urbium, locurumque nomina quae originem ceperunt a filiis variorum Deorum antiquorum » [lieux, géographie] ; « Quae plantae, & quae animalia quibus Diis fuerint antiquitus consecrata » [plantes, animaux] (lecteur ancien a traduit ce dernier en français). 2) Index de fin : « Tabula rerum memorabilium quae in myhologicis libris continentur » avec référence de pages. 5 Chez Montlyard, en 1604 soit un peu plus de 20 ans plus tard, index nettement moins nombreux puisqu’il ne reste que le dernier, au demeurant très raccourci (qui conserve le même titre : « Repertoire general des principales et plus memorables matieres soutenuës en la Mythologie de Noel le Comte »). > Hypothèse d’interprétation : disparition des sources antiques et des signes d’une concordance analogique entre monde antique et monde moderne (lieux, plantes et animaux) signifierait une atténuation du régime analogique qui correspondrait alors à une première forme d’émancipation de la fable par rapport à l’allégorie ? e- Baudoin et le Tasse ou l’usage de la lecture allégorique pour une fiction moderne : la Jerusalem délivrée - Baudoin, continuateur de Montlyard en 1627. - Traducteur et commentateur de La Jerusalem. Évidemment il ne s’agit pas d’une mythographie, mais intéressant de voir qu’il importe pour cette fiction le principe d’une lecture allégorique. - Évolution entre première et deuxième édition du Tasse Première traduction publiée en 1626, puis une deuxième traduction, publiée en 16321, soit après son ajout au texte de Montlyard en 1627, qui comporte un apparat critique avec 2 volets2 : 1) explication de certains points complexes du livre, répertoire des personnages et lieux principaux. Sorte de guide pour faciliter la lecture. 2) interprétation allégorique de l’ouvrage, strictement détachée. > Ouvrage savant, dimension didactique érudite soulignée. Bénéfice de la fiction affirmé : elle détient une signification morale. - À la diffce de la structure des mythographies de Conti ou Montlyard, l’interprétation allégorique de la fiction dans cet ouvrage est franchement détachée si bien qu’elle n’entache en aucun cas la lecture de la fiction ; sa longueur de surcroît implique qu’elle ne propose pas une stricte correspondance entre niveau 1 et niveau 2 mais seulement une explication morale général. On peut alors se demander si le Tasse ne s’est pas inspiré du principe présent dans les mythographies pour écrire ce texte ; on peut également penser que le texte du Tasse revêt un intérêt particulier pour son traducteur Baudoin, habitué aux mythographies. => Niveau 1 demeure premier et en importance (volume) et en intérêt. Le Tasse et Baudoin appellent donc « allégorie » ce qui ressemble davantage à une exposition du dessein moral et philosophique conféré à l’œuvre => allégorie ne semble plus induire un régime de correspondance analogique entre deux niveaux mais seulement le fait que l’on puisse assigner à la fiction une signification morale, c’est-à-dire qu’elle se résume au sens caché. Dès lors, dans une certaine mesure, tte fiction serait interprétable de manière allégorique… Sens très large est donc conféré au terme d’allégorie, et son usage est relativement peu contraignant, alors que le bénéfice est grand car cette interprétation nommée « allégorie du poème » permet de justifier la fiction. Cette diffusion de la lecture allégorique s’accompagne d’un affadissement du procédé luimême : faut-il voir là un paradoxe propre à la lecture allégorique ? Elle serait si convaincante et si efficace pour « sauver » la fiction qu’elle est généralisée et, par contrecoup, perd sa spécificité ? Ou bien ce texte adjoint par l’auteur de la Jerusalem delivrée, et conservé par le traducteur, est-il révélateur de l’évolution de l’allégorie : elle se résume à la présence d’un sens caché. 1 La Jerusalem de Torquato Tasso, seconde edition. Corrigée en divers endroits sur l’Original Italien, & augmentée d’un Recueil d’Observations necessaires ; Avec l’allegorie du Poëme. De la version de J. Baudoin, Paris, Guillemot, 1632 > titre intégral sur la page de garde. 2 Il s’agit en fait du texte du Tasse, qu’a commenté en détail Anne Duprat lors d’une séance du CLAM. 6 - Dans l’« Allégorie du poeme » placée au début de l’ouvrage3, le Tasse donne cette définition de la « poësie héroïque ». Je cite ici la traduction de Baudoin : La poésie est « comme un Animal en qui deux natures sont jointes ensemble, est composée [sic] de deux choses differantes, qui sont l’Imitation, & l’Allegorie. Par l’une elle attire les esprits & les oreilles des hommes, qu’elle charme d’une façon merveilleuse, & par l’autre elle les instruit en la vertu, ou en la science, ou en tous les deux ensemble. D’ailleurs ; comme l’imitation Epique est toujours une ressemblance, & une image de la vie humaine, ainsi l’Allegorie en est comme une figure. »4 La poésie est à la fois imitation et allégorie, c’est-à-dire qu’elle « considere les passions, les opinions, & les mœurs […] en leur estre interieur ». à l’imitation l’extérieur et le sens littéral, à l’allégorie l’intérieur et le sens caché. - Distinction « image »/ »figure » : Poésie héroïque est définie comme une « imitation épique » (= « image, ressemblance ») et comme une « allégorie », celle-ci étant la « figure » de la vie humaine, c’est-à-dire qu’allégorie serait alors son schéma, son condensé ? Il semble que l’allégorie ne préexiste pas à la fiction dans cette approche, mais qu’au contraire, fiction induise et la possibilité d’une lecture allégorique et la définition même de celle-ci . => Allégorie est seulement dans le niveau 2, niveau abstrait autant que niveau caché et complexe d’accès5 ; niveau 1 paraît relativement autonome, d’autant plus que le Tasse ne justifie pas les connexions qu’il opère entre les deux niveaux. Niveau 1 n’est dans ce contexte pas dévalué, existe en lui-même. - Alors que chez les mythographes comme Conti, la fable n’avait d’intérêt qu’en tant qu’elle permettait d’énoncer des principes allégoriques et n’était à aucun moment envisagée comme imitation (mais déplacement, encodage), ici le Tasse associe « imitation » et « allégorie ». À partir du moment où tte poésie est « composée de deux choses différentes », toute fiction est 3 Plan de l’ouvrage : 1) épître à Mr. Le duc de Chevreuse, pair de France, grand chambellan, grand fauconnier etc. de nombreuses comparaisons du dédicataire à des personnages célèbres : il est « sorti » de Godefroy, il est revenu de Hongrie « tel qu’un Achille ». comparable au héros de la Jerusalem. [en italique] 2) Advertissement. Intérêt de la 2nde édition. Recueil de remarques : « contiennent quantité de choses, qui sont, à mon advis, necessaires à l’intelligence de cet ouvrage ». Allégorie : « où vous verrez [lecteurs] avec combien d’art & d’industrie le Genie du Tasso a regné dans son sujet, & s’est tenu dans les regles des Anciens ; sans jamais y faillir, ny contre la bien-seance, ny contre l’ordre des choses qu’on appelle vray-semblables. » Puis ajoute un commentaire général sur le fait qu’inutile de louer plus l’ouvrage car tout le monde sait sa valeur. [en normal] 3) Advis touchant la perfection du poeme, tiré des paroles de l’Autheur au second discours de son art Poëtique. [en italique] 4) Observations generales sur la Jerusalem de Torquato Tasso. Éclaircir pour le lecteur certaines particularités « espineuses ». rappel sur l’époque/contexte historique des aventures rapportées dans l’ouvrage. Puis après ce rappel de 4 pages, passage à une sorte de dictionnaire, mais sans ordre alphabétique, avec pour chaque personnage ou ville impte (Antioche, Sion) une notice, de longueur variable. Texte assez long d’environ 15 p. [en normal] 5) Allegorie du poeme. [en italique] environ 10 p. 6) De l’argument du poeme epique, tiré de l’Autheur, en son premier discours de la Poësie en general 7) Traduction : Chaque couple de chant est précédé d’un résumé en quelques lignes des deux chants, une gravure d’une page pleine à droite en face de ce résumé placé à gauche. Gravure représente éléments principaux de l’épisode, mais sans l’aspect surnaturel/fantastique/merveilleux le plus souvent. 4 Ce passage a été soigneusement commenté par Anne Duprat. 5 Ambiguïté de B sur ce point : Dans le début du texte théorique, écrit que niveau allégorique ne peut être compris que de ceux « qui sçavent connoistre de bonne façon les proprietez & les secrets de la nature des choses », ce qu’il montre ensuite par son interprétation du texte : « Les armées d’Affrique & d’Asie, d’où s’ensuivent les désolations des combats ne sont autre choses que les ennemis de la vie humaine & les accidens de la fortune contraire ». Mais, ensuite, il interrompt l’interprétation allégorique en jugeant qu’il est facile au lecteur de la poursuivre : « il ne sera pas difficile de la trouver à qui la voudra chercher dans la voye de ces principes. » Deuxième étape allégorèse : pas les obstacles auxquels l’homme est confronté, mais les moyens d’y remédier. 7 alors redevable d’une interprétation allégorique. Hypothèse : si toute fiction est une imitation est-elle alors création d’un univers autonome ? => allégorie apparaît comme la caution « morale » de la fiction, complètement indépendante de la nature de celle-ci (mimétique ou allégorique c’est-à-dire produit d’un encodage). Inversement tout bon texte de fiction peut être désormais l’objet d’une lecture allégorique. Du texte du Tasse découlent 3 conclusions 1) bénéfice pour la fiction d’une lecture allégorique qui, en demeurant externe, n’entache pas le poème fictionnel, mais sert de caution à la fiction. 2) fiction imitative et allégorie pas antagonistes, ce sont deux facettes, deux modes d’appréhension différents du texte puisqu’il revient au lecteur de tirer de la lecture de la fiction son sens caché. 3) déperdition de sens pour la notion d’allégorie : seulement la présence d’un sens moral et didactique, au demeurant relativement vague, qui peut être déduit de la fiction. [> décrypter le sens allégorique de la fable semble alors davantage relever du plaisir d’exégèse de l’érudit qu’une nécessité propre au texte qui sans cela ne serait que mensonge [Conti], inintéressant ou compris de manière lacunaire [cf. le modèle du roman à clefs.] 2- Le recueil de Renouard : l’autonomisation de la fable ? - Comme chez Conti, les fables sont des fictions défendables car sous la feinte pointent l’histoire et la vérité. En atteste la préface de Renouard dont je résume les enjeux : Dans les Métamorphoses, le poète a « descrit avec un artifice inimitable, l’histoire du monde sous des feintes, & sous le voile subtil de ses fabuleux changements, nous a laissé les plus rares thresors de l’ancienne sagesse ». Le terme « deguisée » est employé plus bas > travail d’encodage auquel a procédé le poète. Auteur dit avoir fait lire ces textes d’Ovide à l’un de ses amis qui les a condamnés comme affreusement débauchés. D’où cette réponse de l’auteur : les fables ne sont pas à prendre pour des vérités, le cas échéant elles pourraient « offenser ». « Mais qui sont les âmes si grossieres, qui tiendroient pour verité, ce qui porte le nom de fable, & qui s’offenceroient de ce qu’ils croiroient n’avoir jamais esté ? Vous sçavez que ce n’est pas à l’escorce de l’invention fabuleuse, qu’il se faut arrester, & que si lon penetre plus avant, on trouve le tronc de quelques estrange & veritable evenement, ou un effect de la nature, ou quelque beau precepte moral, qui a servy de subjet à la feincte. 6 » Dessein de l’allégoriste comme du lecteur : « rechercher mes veritez cachées, soubs tant d’ombres ». - Toutefois, on peut légitiment faire preuve d’une certaine suspicion devant cette belle profession de fois allégoriste et se demander si cette préface n’est pas surtout un topos qui dédouane le traducteur. Pour deux raisons : * 1ère raison : On observe un contraste très net entre le titre général de l’ouvrage et l’ouvrage lui-même7 : Titre : Les Metamorphoses d’Ovide traduittes en Prose Françoise et de nouveau soigneusement corrigees. Avec XV Discours. Contenans l’explication Morale des Fables. Ensemble Quelques Epistres traduittes d’Ovide & divers autres Traictez’dont ceste impression a esté augmentée, Paris, l’Angelier, 1617. 6 Il s’agit du début de la préface des XV Discours sur les Metamorphoses d’Ovide, dans lesquels le secret des Fables est compris, donc préface du livre d’allégorèses. 7 Erreur au moment de la numérisation du volume par la BnF est significative… 8 Plan de l’ouvrage qui est en 2 volumes : Dans les volumes 1 et 2, texte des Métamorphoses. Chacune est précédée d’un petit résumé. I-XII dans 1, XIII- XV dans le volume 2 [numérotation continue pour les fables]. Puis un index « Table des fables, et des choses plus signalees contenuës ès Métamorphoses d’Ovide » ; Puis Le Jugement de Paris [numérotation nouvelle] ; Les Abeilles, metamorphose traduitte du IIII livre des Georgiques de Virgile [numérotation continue] ; Livre des remèdes contre l’amour. Traduict des vers Latins d’Ovide [numérotation continue] ; XV Discours sur les Metamorphoses d’Ovide contenant l’explication morale des Fables [numérotation nouvelle] ; [Puis table des matières des discours ; Puis Epistres traduittes d’Ovide. Avec quelques autres traictez de divers sujet. [numérotation nouvelle] : en fait, qqs héroïdes d’Ovide (Didon à E, Ariane à T, M à J) puis « Lettre d’Octavie à Marc-Antoine. Tirée de la vérité de l’Histoire, à l’imitation des Epistres d’Ovide » ; traduction d’un extrait du Roland furieux ; texte sur la mort de Henri IV.] => L’interprétation allégorique arrive fort tard, franchement séparée (cf. textes entre les deux, cf. numérotation). => Primat du niveau 1 pour le lecteur. * 2ème raison : l’interprétation allégorique. a) Contenu de la lecture allégorique : l’exemple de Pyrame et Thisbé (Discours IV, ch. III, vol. 2, p. 76-77). « C’est Pyrame & Thisbée, dont les amoureuses passions furent accompagnées d’autant de malheur, qu’elles eurent de constance & d’ardeur. Miserables amans, falloit-il que vous fussiez consumez de si bruslantes flames, pour estre par leur violence precipitez à une si deplorable ruine, qui vous a rendus aux siecles venus en suite du vostre, rares exemples d’amour, & ensemble tristes pourtraicts de l’infortune & de la misere ? Je ne puis en plaignant vostre trop pitoyable fin, que je ne louë la fermeté de vos courages, mais je ne puis que je blasme aussi l’indiscretion dont vostre feu fust accompagné. Ne deviez-vous pas, pour vostre contentement, davantage peiner à obtenir le consentement de ceux qui pouvoient vous rendre heureux en vous joignant ensemble ? [Exemple pour les filles de n’aymer ce que n’ayment leurs peres & meres.] Vos parents couvoient-ils tant d’inhumanité, qu’ils fussent du tout inexorables ? Ou il les falloit vaincre, ou peu à peu dompter l’ardeur de vos affections, qu’ils ne vouloient point authoriser. […] Ce peu de respect que vous rendistes à vos peres permist à vostre feu de vous aveugler, & vostre aveuglement vous perdit. Toutefois infortunez Amans, c’est trop, de vous charger seuls de toute la faute de vostre desastre : car vos parens ausquels vous manquastes, manquerent aussi en vostre endroict. Ils ne devoient poinct resister à vos flames, qui n’avoient rien d’illegitime, que le defaut de leur consentement. […]. [L’austere severité des peres resistant aux affections de leurs enfans est quelquefois dangereuse.] » Il en conclut que la faute est partagée même si les enfants sont un peu plus coupables et espère quelque effet de la fable : « Laissons leurs semblables recueillir en commun un tel fruict, que bon leur semblera de ceste fable ; les uns adoucissans leur rigueur, & se rendans plus ployables, les autres plus respectueux & soigneux de temperer l’excés de si violentes & perilleuses flames. » Il découle de ce texte plusieurs remarques : Cumule de topoi dans les manchettes, dont le texte est assez bref et de contenu passablement banal. => Cet affaiblissement du contenu allégorique peut-il être interprété comme le signe de sa dévalorisation ? b) Certains passages des Métamorphoses sont difficilement redevables d’une interprétation allégorique, alors que dans les mytho plus anciennes cela ne posait pas de problème. Cf. Cas de l’infanticide de Médée [différent sur ce point de l’OM autant que de Conti] Le chapitre IV, qui portait sur les Péliades s’achève ainsi : « Mais c’est trop nous entretenir de ceste impie & cruelle fille d’Aëte, laissons-luy prendre son vol sur l’aisle de ses Serpens, & ne la suivons-pas, pour voir ce qu’elle rencontrera, il n’y a rien qui ne soit du vulgaire & si commun, que nous n’en pourrions tirer qu’un regret de la perte du temps, que nous y employerions. » Pas d’interprétation pour l’épisode corinthien. Conclusion sur épisode athénien (ch. V) et la survie de Thésée « Ce sont les abysmes [= tombeau], dis-je, desquels la main souveraine tire ceux qui se rendans les fleaux du vice, sont subjects de cheoir tous les jours és pieges secrets des ennemis, que l’esclat de leurs vertus engendre. » 9 Cependant, la lecture allégorique demeure encore relativement contraignante pour le lecteur : chaque fable fait l’objet d’une interprétation. * Envisager une 3e raison : l’iconographie ? : Représentation non du sens allégorique (au contraire des emblèmes, au contraire de MarcAntoine Triton qui dans son édition de Conti en 1616 représente les dieux avec les objets qui leur sont associés conventionnellement etc.) mais de la fable. Mythologie ici apparaît sous les deux sens de fable selon Furetière, à la fois argument sujet de réécriture (ici réécriture iconographique), et propre à un commentaire. Conclusion partielle sur Renouard, en 1617 : Tension manifeste entre le discours théorique de Renouard, qui affirme que fable = mensonge et donc niveau 1 n’est défendable qu’en tant qu’il existe un niveau 2 ; et le résultat du travail auquel a procédé Renouard : cf. iconographie, cf. structure d’ouvrage qui met en valeur le niveau 1, cf. absence de lecture allégorique pour certains épisodes. Conclusion partielle - Niveau 1 semble primer dans la plupart des cas postérieurs à la version latine de Conti > la part relative du niveau 2 diminue considérablement et celui-ci est de plus en plus autonome du point de vue de la lecture si bien que niveau 1 s’impose au lecteur comme l’objet d’intérêt principal. - Vacillement du système analogique (Montlyard et index, Baudoin et Tasse, Renouard et M) ; sens allégorique paraît moins le résultat du décodage d’une fable encodée que le substrat moral et philosophique de l’œuvre (Renouard, surtout le Tasse dans la Jerusalem) => élargissement considérable de la signification du terme « allégorie » : seulement un « sens caché », pas un procédé particulier. > signe du déclin de la lecture allégorique « à l’ancienne » ? - Dans les textes considérés, la présence d’une lecture allégorique de la fable n’implique pas d’évacuer sa dimension fictionnelle. Adopter une lecture allégorique de la fable confère à celle-ci une dimension cognitive dont il semble que par extension tte fiction puisse ensuite être dotée. Il me semble donc qu’on peut émettre l’hypothèse d’un bénéfice en deux temps de la lecture allégorique : pour la fable d’abord, qui est ainsi sauvée de l’accusation de mensonge ou de danger, pour la fiction poétique en général ensuite. - La lecture allégorique érige le texte qui en est l’objet en fiction ; le contraire n’est pas certain, du moins jusqu’au Tasse : il semble qu’un changement important s’opère à ce moment car c’est la fiction qui paraît appeler la lecture allégorique. II- Le déclin de la lecture allégorique : une fable dédouanée, libérée ou condamnée ? 1- Bardi : une allégorèse de convention ? Titre du recueil : Metamorfosi di P. Ovidio N. Brevemente spiegate, e rappresentare con artificiose Figure, ed Allegorie, Venise, Libraro all’Insegna della Sapienza, 1674. Un ouvrage bref : 84 pages seulement (cf. « spiegate »), qui maintient lecture allégorique (cf. titre), structure de chaque page est la suivante : 1) une gravure (très soignée) représente la scène de la fable, suit le résumé de la fable (narration) puis une interprétation « allégorique ». 10 a- Banalisation du texte allégorique : Pas un système de correspondance entre les deux niveaux, mais un énoncé moral relativement banal, sur le mode du proverbe, relativement déconnecté. Ex. les 4 épisodes de la geste argonautique ont pour allégorie : - « Per Giasone, ch’acquista il Velo d’oro, si dinotano le virtuose imprese, con le quali l’Huomo perviene all’acquisto della vera gloria. » [En ce qui concerne J qui acquiert la toison d’or, on remarque les courageux exploits par lesquels l’Homme parvient à la conquête de la vraie gloire.] - « Per ringiovenir l’Huomo, è necessario spogliarlo de’vitii, potendo la sola virtù mantenerlo vivo per l’eternità. » [Pour rajeunir l’Homme, il est nécessaire de le dépouiller des vices, la seule vertu pouvant le maintenir en vie pour l’éternité.] - « Le gratie de’nemici sono sempre sospette, ed infauste. » [Les présents des ennemis sont tjs suspects et néfastes.] Remarquer que dans ce cas présent, il s’agit d’une variante d’un proverbe éminemment connu sur le danger des présents => banalité de l’énoncé allégorique qui est un lieu commun. - « Figura di quelli, che sotto finta amicitia machinano tradimenti. » [Figures de ceux qui, sous une amitié feinte, machinent des trahisons.] Remarquer que pas de jugement sur les crimes (ni positif, ni négatif) > niveau allégorique très détaché de l’intrigue que l’auteur ne cherche ni à décrypter, ni à justifier, pas d’analogie ; allégorie maintenue de manière conventionnelle par le H majuscule à « Huomo » > signaler ainsi que le général derrière le particulier… [> pas sans rappeler les recueils de « sentences » tirés des tragédies de Sénèque] => Primat du niveau 1, désaffection manifeste pour l’allégorie qui n’apparaît plus que comme un bref énoncé moral, relativement conventionnel et totalement autonome de la fable. En revanche, fable mise en valeur par sa présence sous « deux espèces » : iconographie et narration. b- Un fait étonnant : des fables sans allégorie 5 occurrences de fables sans allégorie : Fable XII : Giove irritato per la crudeltà usata da Giunone, et Argo contra Io convertita in Vacca, manda Mercurio suo figlio ad ucciderlo, quale facendo addormentare Argo con la dolcezza del suono della sua fistula, poi l’ammazza. » > Argos tué par Mercure Fable XV : Jupiter amoureux de Callisto fille de Lycaon, se transforme en Diane, 2 enfants. Callisto aimée de Jupiter. Fable XXVIII : « Bacco navigando in Nasso soura una Nave de Tirenni, e da questi tradito, vedendosi trasportare altrove, convertì gl’armizi della Nave in fiere, e serpenti, onde spaventati li Tirenni si precipitarono nel mare, e furono tramutati in Delfini. » métamorphose des tyrrhéniens en dauphins par Bacchus Fable XXX : « Mentre le Donne di Thebe facevano sacrificio à Bacco sola Alcitoe con le sorelle negando che Bacco fosse nato di Giove, stavano in casa favoleggiando. » Alcitoe Fable XXXI : Pyrame et Thisbé. À l’inverse de Conti qui préférait ne pas donner des fables inutiles, et ne donnait effectivement pas celle de Pyrame et Thisbé, Bardi rapporte des fables qui ne valent qu’en elles-mêmes puisque dépourvues de toute interprétation. [Contre argument que l’on pourrait avancer : il s’agit d’une traduction d’Ovide chez Bardi, pas chez Conti. Argument qui ne me paraît guère pertinent car Bardi procède lui aussi à un travail de sélection puisqu’il ne reprend pas toutes les métamorphoses > délibérément, il rapporte des fables qui n’auront pas d’allégorie.] Conclusion partielle : Plaisir que procure la fable suffit à justifier sa représentation (narration et iconographie), que la fable soit mensonge ou vérité apparaît finalement relativement secondaire. 11 Bilan partiel : * importance des « restes » est de plus en plus grande ; pas du tout comme dans l’OM où ces restes justifiés par la complexité de l’encodage et les lacunes de l’allégoriste. Dans les différentes mythographies postérieures à Conti, il ressort que progressivement un désintérêt de plus en plus manifeste pour la lecture allégorique qui n’est plus chez Bardi que convention détachée. * Inefficacité du niveau 2 à résorber niveau 1 ; convention niveau 2 et densité niveau 1 (tout le contraire d’une étroite correspondance) qui est le principal objet de plaisir et source d’imitation. 2- Le développement des dictionnaires de mythologie - 2 exemples représentatifs : Pierre Chompré, Dictionnaire abbrégé de la fable, pour l’intelligence des poètes, et la connoissance des tableaux et des statues, dont les sujets sont tirez de la fable, Paris, Vve Foucault, 1727. Anonyme, An historical, Genealogical, and classical Dictionary. Containing the Lives and Characters of all the Illustrious Personages in the Several Ages and Nations of the world, Londres, A. Millar, 1743. Notices, avec seulement les faits principaux. Ni détails, ni variantes Constitution d’un catalogue de références ordonnancées de manière « objective »8. Mythographies sont désormais un ensemble de noms, de lieux dégagés de tout référent analogique, de toute interprétation morale. La connaissance de la fable est nécessaire à l’intellection des œuvres parce qu’elles sont le sujet de nombre d’entre elles (poésie, peinture, sculpture) : ce sont les imitations qui rendent nécessaire la connaissance des fables. Principe du dictionnaire induit une fragmentation du matériau de la fable, tout le contraire donc d’une narration > rompre avec les fables antiques ? Visée didactique maintenue (cf. titre très explicit de Chompré), mais ces fables fonctionnent à présent de manière autonome et n’ont plus besoin d’être justifiées d’un point de vue moral etc. - Peut-on alors penser que les fables antiques, qui sont des arguments, des sujets pour des œuvres de différents genres, ne sont plus coupables d’être des fictions ? Autrement dit, émettre l’hypothèse que la disparition d’une lecture allégorique est le signe que la fable n’a plus besoin de la caution d’une interprétation morale ou savante ? Il n’en est rien : si Chompré écrit un dictionnaire, c’est justement pour éviter que les amateurs d’œuvres aient besoin de lire les fables antiques. Voir l’avertissement placé au début de l’ouvrage : « La mythologie est un tissu d’imaginations bizarres, un amas confus de faits sans chronologie, sans ordre, souvent même répétés sous differens noms ; enfin, un assemblage de contes misérables, destitués de toute vrai-semblance, & dignes de mépris. Cependant, comme la connoissance de ces chimères poëtiques & payennes est nécessaire pour entendre les Auteurs de l’Antiquité ; nous avons composé ce petit Ouvrage de ce qu’il y a de plus essentiel à sçavoir sur cette matiere, pour épargner aux jeunes gens d’aller puiser dans des sources empoisonnées, où, après une étude pénible & même dégoûtante, il n’y a rien à gagner pour la raison, & où il y a beaucoup à perdre pour le cœur. » Chompré est opposé à la lecture allégorique (cf. « imagination bizarres », seulement des textes « méprisables »), à la lecture historique (« sans chronologie », sans « vraisemblance »), mais connaissance de ces arguments nécessaires « cependant »… Fictions poétiques non seulement sont d’une lecture déplaisante, mais plus encore dangereuses > on retrouve condamnation traditionnelle de la fiction : danger pour le « cœur ». [pas pour la raison : parce que ce serait alors seulement un mauvais apprentissage qui résulterait de la fiction, ce qui serait encore accepter la lecture allégorique, or Chompré dénie tout à la fable antique tte dimension didactique] > Textes fictionnels 8 Différence d’avec le livre X de Conti : des notices de dictionnaires mais dans l’ordre de l’étude du mythographe et avec présence de la lecture allégorique dans la continuité, non détachée typographiquement. 12 antiques sont dangereux (au contraire des œuvres modernes qui reprennent les sujets antiques ?), et le danger n’est pas dans l’argument mais dans sa fictionnalisation, c’est-à-dire dans le texte lui-même. En ce sens, Chompré atteste par sa crainte des pouvoirs de la fiction. Loin de la vertu éducative pour la jeunesse qu’évoquait Montlyard pour justifier la traduction de l’œuvre de Conti en 1604. - Dans certains cas, même l’argument est dangereux. Aussi, pour écarter le danger, ne s’agit-il pas seulement d’éviter la lecture des textes anciens, mais également de glisser discrètement, dans le résumé de la fable, une interprétation. Ex. Médée est qualifiée de « détestable »9 : l’adjectif sert à orienter l’interprétation des lecteurs et à résorber le désordre manifeste dans les textes antiques où pas de condamnation/de punition de M, en émettant un jugement moral définitif. Pas de modification de la fable chez Chompré, mais interprétation du lecteur est discrètement et efficacement guidée. Ceci amène à faire l’hypothèse que les fictions antiques constituent bien un univers, un monde des possibles pour Chompré, mais un monde dangereux justement parce que fascinant, crédible pour le « cœur » des lecteurs. Chompré refuse la lecture allégorique parce qu’elle conférait à la fable la détention d’un savoir, minorant, voire annulant par là même le danger que constitue la fiction poétique antique. Autrement dit, pour Chompré, la lecture allégorique serait devenue un facteur d’émancipation de la fiction… => Chompré, en ce sens, confirme que lecture allégorique opère comme une caution de la fiction et que la dimension conventionnelle de cette lecture, très nette dans les années 1700’, a accentué ce phénomène au point que fable s’est émancipée pour devenir une « fiction positive ». Discrédit de l’allégorie induit, dans ce texte, une condamnation de la fiction, si virulente que la fable est réduite à un argument. [- Pour étayer cette interprétation, il m’a paru intéressant de consulter ce qu’a fait le continuateur de P. Chompré, Maurice-Étienne Chompré (Apologues ou Explication des attributs d’un nombre de sujets de la fable, par rapport aux moeurs & à la religion. Selon l’ordre alphabétique, pour servir de supplément au Dictionnaire abbrégé sur la meme matiere, Paris, F. G. Mérigot, 1764 [1744]). Or, celui-ci fait des ajouts qui portent exactement sur ce que le premier refusait puisque que le deuxième Chompré écrit à son tour des notices, en ordre alphabétique et adjoint à chacune une interprétation allégorique signalée par une typographie différente. Danger n’est cependant pas suffisamment résorbé puisqu’il procède à une censure dans certains cas : de Médée, il ne garde que l’aide à la conquête de la TdO10… 9 Texte de la notice sur Médée : « Medée, grande Magicienne, fille d’Oetés. Elle devint amoureuse de Jason, à qui elle facilita par ses enchantements la conquête de la Toison d’Or, & le suivit dans son pays. Pour retarder son pere qui la poursuivoit, elle sema le long du chemin les membres de son frere Absyste [sic]. Etant arrivée en Thessalie, elle rajeunit le viel [sic] Eson pere de Jason : & pour vanger son mari de la perfidie de Pelias qui l’avoit envoyé à la conquête de la Toison d’Or, esperant qu’il y periroit, elle conseilla aux filles de Pelias, d’égorger leur pere, & leur promit de le rajeunir. Ces filles crédules suivirent ce conseil & firent bouillir dans des chaudieres les membres de Pelias leur pere, comme Médée le leur avoit ordonné : mais ce fut inutilement. ///Jason indigné abandonna cette detestable femme et épousa Crëuse fille de Créon. Medée pour se vanger empoisonna le pere, la fille de Jason & deux enfants qu’elle avoit de lui ; ensuite elle se sauva par les airs sur un char traîné par deux dragons aîlez à Colchos, où elle remit son pere Oetés sur le trône, d’où on l’avoit chassé pendant son absence. » 10 Texte de Maurice-Étienne Chompré : « Medée, fille d’un roi de Colchos & petite fille du Soleil, étoit une fameuse Magicienne qui, lorsque le jeune Jason fut arrivé à la Cour de son pere avec les autres Argonautes dont il étoit chef pour la conquête de la Toison d’Or, devint si éprise d’amour pour ce Héros, qu’après avoir tiré promesse de lui de l’épouser, elle employa toute sa magie pour le faire réussir dans son entreprise ; de sorte que le jeune Prince surmonta tous les dangers & enleva la Toison tant vantée après avoir tué les monstres qui la gardoient. 13 Une réserve toutefois : si seulement une partie de la fable de M et J, n’est-ce pas seulement que les autres épisodes de M sont inallégorisables ? Mais dans ce cas, conclusion pas si différente : danger de l’argument est tel que nécessité de lui adjoindre un commentaire (éviter que lecteur interprète seul) et de supprimer ce qui est immoral. [Les deux Chompré souvent dans le même volume d’où, même si contradiction interne entre deux manières d’envisager la fable antique, une résorption complète des dangers de la fable : ni le texte antique, ni de liberté laissée au lecteur.]] Conclusion partielle Ce premier exemple de lecture non allégorique des mythes ne montre pas autonomie laissée à la fiction, bien au contraire : celle-ci paraît si susceptible de troubler le cœur des lecteurs qu’elle est omise au profit de son résumé – orienté – et sa fonction réduite : être un argument pour les œuvres modernes. La condamnation de la lecture allégorique motive et entraîne celle de la fiction qui la supportait. 3- La contestation de la lecture allégorique au nom de l’histoire : Gautruche et Banier a- Gautruche ou la dénonciation de la lecture allégorique comme mensonge des Païens - Texte important car très fréquemment réédité. - Fables sont résumées (dans le cas de M, pas de censure). Elles sont le produit d’une vision païenne du monde > non éclairés par la vraie religion, les anciens ont une vision erronée du monde, des dieux, des héros donc normal que leurs récits soient le plus souvent faux, inventés. > présentation hiérarchique (cf. plan de l’ouvrage11). Regard historique sur les fables : elles sont en quelque sorte un documentaire qui permet de comprendre quelles représentations les païens avaient du monde. - Pour Gautruche, le problème n’est pas que les fables soient mensongères, elles le sont nécessairement puisqu’elles ont été écrites par des Païens, mais que ces Païens aient cherché à faire croire qu’elles étaient des allégories de la vraie religion > ont inventé que décodage possible alors que pas d’encodage. Pas la fiction la première coupable, mais la lecture allégorique : elle est dangereuse car elle induit une représentation faussée, car elle est susceptible de tromper la raison des lecteurs. > Condamnation de la lecture allégorique des fables antiques comme mensonge, masque. Conclusion partielle : Abandon de la lecture allégorique induit une modification du statut de la fable : si l’allégorie est un mensonge dangereux, la fable en elle-même est un mensonge qui instruit sur une période historique dominée par l’erreur. Les Sages de l’Antiquité, pour donner l’explication de ce trait fabuleux, prétendent que par Medée petite fille du Soleil, on doit comprendre toute connoissance qui vient du pere des lumieres & que par Jason, il faut entendre ceux qui ont besoin de secours, comme ce dernier nom le signifie, parce que celui qui veut reprimer ses passions, doit toujours avoir recours aux bons avis, au moyen desquels il surmonte l’envie & dompte la fierté du cœur, vices signifiés par les monstres dont il est parlé dans cette fable. » 11 Structure de l’ouvrage de Gautruche (1664) : I- Principales divinités payennes (14 ch consacrés aux principaux dieux ; qqs chapitres de synthèse (« Les divinitez de la terre »)) ; II- Histoire des demi-dieux anciens (Principaux héros mytho (Hercule, Castor & Pollux, Thésée etc.). pas seulement demi-dieux cf. Antigone, Pâris, Ulysse, Enée => en gros, on trouve paux sujets mytho pour les œuvres. 22 ch.) ; III- Des Honneurs que les Payens rendoient à leurs Dieux (Statues, temples, sacrifices, fêtes, prêtres etc.) seulement 7 ch. 14 Fable mythologique avec lecture allégorique plus dangereuse que fable seule ; cela signifie, inversement, que allégorie crédibilise la fable, confère une autorité fallacieuse à la fable/mensonge païen. [pas l’allégorie en soi qui est fautive, mais l’usage de l’allégorie pour la fable : présupposer un encodage alors qu’il n’y en a pas pour masquer la fausseté de la fable]. b- Banier ou la défense d’une lecture historique au nom de la vérité des fables - Banier est probablement le mythographe le plus lu au XVIIIe siècle. - 2 ouvrages différents : [Antoine Banier], Explication historique des fables, où l’on découvre leur origine et leur conformité avec l’Histoire ancienne, & où l’on rapporte les époques des Héros & des principaux évenemens dont il est fait mention. Par M. l’abbé B***, Paris, F. Le Breton, 1711. Rééd. augmentée en 1715 (auteur non anonyme) : Explication historique des fables, où l’on découvre leur origine et leur conformité avec l’histoire ancienne, seconde édition augmentée d’un troisième volume, Paris, F. Le Breton, 1715. Antoine Banier, La Mythologie et les fables expliquées par l’histoire, Paris, Briasson, 1738-1740. * Anonymat abandonné dès 1715 > signe du succès de l’ouvrage ? * Des titres un peu différents > une simple variation ou signe d’un changement méthodologique ou encore d’une généralisation de la méthode ? Changement d’échelle auquel procède Banier, la matière de son étude gagnant en ampleur. Titres indiquent clairement méthode employée : lecture historique. * Troisième commentaire : « Explication historique » : Non pas que les fables n’aient pas besoin d’être expliquées, mais l’explication donnée par les allégoristes qui y trouvent n’importe quoi sous prétexte que texte fictionnel complexe et que poètes antiques ont obscurci délibérément la vérité qui y est présente est erronée. Voir premières lignes de la préface de 171112. Pour autant, cet obscurcissement n’est pas le fait d’un encodage. Il s’agit d’expliquer mais pas selon une méthode allégorique : il faut démêler le vrai du faux (\\ trouver le vrai caché sous le faux) > les poètes sont les « premiers historiens », mais ils « embellirent leurs sujets & mêlerent la vérité avec les vains ornemens de la Fable ». Les poètes postérieurs sont plus fautifs encore que les premiers car : « Ceux qui vinrent ensuite à traiter les mêmes sujets, & qui ne crurent pas les premiers Poëtes assez simples pour n’avoir voulu renfermer sous tant d’agréables fictions, que quelques véritez souvent peu interessantes, s’imaginerent qu’ils y avoient caché les sciences les plus sublimes, & par le droit & la liberté que l’Art Poëtique leur donnoit, ils y mêlèrent en même tems plusieurs autres circonstances par rapport à leur Philosophie & à leur religions ; ainsi les mêmes Fables qui n’étoient d’abord qu’Historiques devinrent dans la suite Morales, Theologiques & Physiques. » (idem) C’est pourquoi les mythographes, par facilité, se sont attachés à ces pseudo-sens cachés au lieu de s’intéresser à la vérité des fables, leur dimension historique : « Comme ces derniers sens sont plus aisez à developper que l’Histoire, les Mythologues s’y sont entierement attachez : […]. » => la tâche que s’est assigné Banier : « découvrir ce que les Fables ont d’historique pour les concilier avec l’histoire ancienne » ; ex. donnés de fables historiques : Jason, Hercule, Thésée, et méthode adoptée : 12 « Il est aisé de s’apercevoir en lisant les Fables, qu’elles renferment plusieurs sens ; ce sont autant d’enveloppes sous lesquelles les Anciens nous ont caché plusieurs veritez ; ainsi ceux qui se sont appliquez à nous en donner des epxlications se sont jettez dans differents partis : chacun y a découvert ce que son genie particulier & le plan de ses études l’ont porté à y chercher, & comme les voiles dont les Poëtes ont couvert les veritez qu’ils nous y enseignent, ont répandu sur leurs Fables une obscurité mystérieuse ; on y a trouvé tout ce qu’on a voulu. » cf. exemples du physicien, du politique, du philosophe et du chimiste 15 « Ces évenemens, quelques grands qu’ils soient, n’ont pas paru assez glorieux pour ces Héros aux Poëtes qui les ont chantez : ils y ont mêlé mille fictions ; ils les ont défigurez par des ornemens étrangers ; ils ont attribué au secours de leurs Dieux, ce qui n’étoit dû qu’à la valeur de ces illustres Grecs, & ont enseveli les événements sous les plus remarquables sous un pompeux fatras de fictions : c’est à les séparer, à les démêler, à voir ce qui peut y avoir donner lieu que l’on s’est uniquement attaché. » (idem) * Édition de 1738-1740 contient des développements plus amples que la première édition, même si globalement les mêmes idées. Voir le livre I « Qui contient les Questions préliminaires, dont l’intelligence est nécessaire pour l’étude de la mythologie », ch. II « Où l’on prouve que les Fables ne sont point de pures Allégories, & qu’elles renferment d’anciens événemens. » : « Les fables ne doivent être regardées que comme de belles enveloppes, qui nous cachent les vérités de l’Histoire ancienne, & quelque défigurées qu’elles soient par le grand nombre d’ornemens qu’on y a mêlés, il n’est pas absolument impossible d’y découvrir les faits historiques qu’elles renferment. » [Le mythologue doit distinguer le vrai du faux, l’histoire des ajouts et inventions des poètes. En matière de personnages par exemple, distinguer « parmi tous ces personnages poëtiques, ceux qui étoient réels, d’avec ceux qui n’étoient que métaphoriques ou allégoriques. » La lecture allégorique ne suffit pas à rendre les fables intéressantes et une fiction purement inventée pas suffisante non plus à susciter l’intérêt des lecteurs : « J’avoue que s’il n’y avoit dans les Fables des Poëtes que quelques allégories, je ne vois pas qu’on dût faire beaucoup de cas de leurs ouvrages : je ne trouverois rien de si froid. » Une des qualités des Grecs : même si « penchant infini » pour « les fictions », ils ne se « repaissoient pourtant pas de contes purement inventés ». ] Banier s’attache à démonter les arguments en faveur de la lecture allégorique sans pour autant que l’intérêt des fables en soit diminué : « Mais, dira’t-on, ne seroit-ce pas assez accorder si l’on disoit que les Fables renfermement la Philosophie & la Religion des Anciens ? Il est vrai qu’on y a mêlé quelques allégories qui y ont rapport ; mais le premier objet des Poëtes a été d’y renfermer l’histoire de leurs Heros ; & on s’éloigne de leur veritable but lorsqu’on ne s’attache qu’aux allégories. » Les allégories sont réduites à une figure de style, à un artifice formel : « des métaphores & des expressions figurées, qui ont été ajoutées pour marquer le caractere des personnes dont on veut parler. » Si, pour Banier, ttes les fables ont deux parties : « l’une historique, & l’autre métaphorique », si « Les Poëtes pour s’attirer des admirateurs, ont mêlé ces fictions amusantes aux histoires qu’ils vouloient raconter. », néanmoins cette part d’invention, cet art de la narration sont insuffisants à justifier le plaisir du lecteur. Les poètes, pour plaire, ont pris des éléments tirés de l’ »Histoire du monde » et ce sont eux qui constituent le fondement de « ces fictions ». Dès lors, la méthodologie de Banier est fort claire et logique : « […] il faut regarder le fond des Fables comme quelque chose de vrai & d’historique, & croire que tous les ornemens sont faux. Il faut se mettre bien avant dans la tête ce principe, que les Fables ne sont point tout-à-fait des fictions ; que ce sont des Histoires des temps reculés, qui ont été défigurées ou par l’ignorance des Peuples, ou par l’artifice des Prêtres, ou par le génie des Poëtes qui ont toujours préféré le brillant au solide. » > Défaut des allégoristes : « prendre pour la vérité ce qui n’est qu’une fiction ». - Allégorie réduite à une figure, le contraire d’un principe de déchiffrement ou d’une modalité heuristique. => Critique de Banier montre la dévalorisation complète de la lecture allégorique. - La dévalorisation de l’allégorie ne conduit pas à une valorisation de la fiction. Mais, à l’inverse de Chompré ou Gautruche, Banier ne condamne pas pour autant les fables comme fallacieuses : ce sont les premiers ouvrages historiques. Tout en déniant aux inventions des poètes qu’elles possèdent une dimension cognitive (en ce sens différent ce que fait Évhémère), Banier confère aux mythes une vérité historique : ils ne sont pas des mensonges mais des réalités transcrites à une époque où l’histoire n’était pas la discipline qu’elle est à présent. > Dès lors, le substrat de la fable, ce qui reste une fois les ornements ôtés, est vrai. Le discrédit de l’allégorie induit le discrédit de la fiction poétique, en tant que travail du poète, mais pas le discrédit de la fable qui se trouve, au contraire, libérée pleinement de 16 l’accusation de mensonge, de fiction. Autrement dit, si la fiction est mensongère, la fable est vérité. > distinction nette entre les deux notions. Se donnant pour tâche de distinguer le vrai du faux, Banier confère une vérité aux fables s’attache alors à démontrer leur authenticité (d’où la valorisation des premiers poètes comme Hésiode13, d’où la confrontation des récits des fables et du savoir savant sur période antique). Si Banier croit en une historicité de la mythologie, il me semble que cela montre aussi, quoi qu’il en ait, l’efficacité de la fiction14. Exemple : le cas de l’épisode corinthien : mensonge poétique (l’inventio) et vérité fictionnelle. Merci de bien vouloir m’excuser pour ce recours, quelque peu monomaniaque, à Médée, il me semble qu’il s’agit un exemple tout à fait intéressant. - Texte de 1711 : * fable classique ; * la couronne enduite d’une gomme facile à enflammer : « La Fable dit que Medée avoit envoyé à sa Rivale une couronne enduite d’une certaine gomme tres-aisée à enflammer, & que cette malheureuse Princesse l’aiant mise sur sa tête, le feu y prit & la fit perir miserablement ; ce qui peut être pris à la lettre, comme nous le dîmes hier de la tunique d’Hercule. » > écho du naphte de l’interprétation physique de Conti ? => retour à une interprétation allégorique ? Non, davantage souci de montrer que des éléments vrais, rationnels ds la fable. Pas besoin de donner d’explication pour montrer qu’analogie naphte/poison de M, pas besoin non plus de nommer le poison de son nom savant de « naphte ». Remarquer continuité entre tunique de Déjanire et poison de M : même effet dans les deux fables => les deux fables se confortent mutuellement => un univers commun aux fables antiques ce qui est gage de l’authenticité du poison pour l’historien, et signale aussi que fables forment un univers cohérent, de là à créer un univers… [* M fuit chez les Mèdes : Banier ne rappelle pas l’analogie habituelle (Medos pour fils d’où population des Mèdes) : est-ce parce que veut masquer proximité dans ce domaine entre lui et les allégoristes ? Souci d’exactitude historique ? Avoir le bénéfice de l’allégorie (coïncidence géo/fable) sans le défaut de la méthodologie allégoriste. Ce qui est intéressant, c’est que dans la version de 38, il parle explicitement de cette analogie dans la préface pour la condamner : « Hesiode dit que Jason eut de Medée, Medus, & ne dit rien de plus ; d’où je conclus que ce n’est qu’après lui qu’on a ajoûté à cette Fable, que ce Medus 15 étoit pere des Medes. » . Exactement l’inverse de précédemment (nom du fils pas du pays) > approche historique renforcée par une méthodo plus stricte (seulement les sources les plus anciennes) et refus d’un fonctionnement allégoriste analogique (nom de la fable/nom de la géo).] Historien montre à travers cette fable, et aussi à travers la structure adoptée dans le second ouvrage16, que les fables forment un univers cohérent (tout le contraire des § détachés de Hygin ou de Chompré) avec des filiations dynastiques, des continuités géographiques etc. 13 1738, livre I, ch. I, article II, p. 12-13. Longue méthodologie développée par Banier. De ce point de vue, Banier est pris au piège de la fiction, malgré lui, de manière un peu analogue à Don Quichotte ? 15 1738, livre I, ch. I, article II « Quels écueils il [le « mythologue moderne »] doit éviter ». 16 Une structure très hiérarchisée : pas seulement des « explications » avec des sections, mais des livres composés de parties subdivisées en chapitres eux-mêmes divisés en sections. Ouverture à des mytho non grecques, ordonnancement des diverses fables plus dense si bien que bcp plus de liens entre elles. 14 17 Conférer aux fables une dimension historique reviendrait ainsi à leur conférer une dimension mimétique, cette réalité imitée fût-elle ancienne et parfois déformée par les ornements poétiques. Fable : pas un monde autonome inventé de tte pièce par le poète, mais un monde mimétique. À partir du moment où fables portent en elles-mêmes vérités (\\ vérité cachée et encodée), elles constituent un univers cohérent. Paradoxalement, en voulant montrer que fables sont historiques, Banier parvient aussi à les constituer en fictions, au sens de monde possible. - Texte de 1738 : Plus de fratricide, plus d’infanticide… au nom des historiens. Ce sont des fictions inventées par les tragiques pour l’efficacité du théâtre. « On accuse, & c’est je crois, à juste titre, les Anciens tragiques d’avoir corrompu l’Histoire de cette Princesse, & d’en avoir entierement défiguré le caractere, comme on le verra dans la suite. Il faut à ces Poëtes du tragique, du pathétique & de ces crimes énormes, qui en formant leurs personnages odieux, sont susceptibles de ces coups de théâtre si propres à produire la pitié & la terreur. Autorisés par quelques traditions, qui étoient favorables à leurs desseins, quoique moins accréditées que d’autres qui n’auroient pu les servir à souhait, ils les saisissoient avidement, & sans s’embarrasser de l’exacte vérité, ils ont fait passer jusqu’à nous l’Histoire de Medée sous le caractere le plus odieux, & les Poëtes modernes n’ont pas manqué de les imiter. Tâchons de démêler la vérité d’avec le mensonge, pesons les autorités, & laissons au Lecteur la liberté de juger si cette Princesse a été aussi méchante qu’on le prétend. […] Medée & Jason demeurerent dix ans dans cette ville, où ils vêcurent dans une parfaite union, & eurent deux enfans. Mais l’infidélité de Jason, lui faisant perdre le souvenir des obligations qu’il avoit à son épouse, & des sermens qu’il lui avoit faits, il viola sans scrupule les loix sacrées de l’hymen, qui étoient alors fort respectées ; & étant devenu amoureux de Glaucé, fille de Créon, l’épousa & répudia Medée. Comme les anciennes Histoires sont toujours mêlées de fables, on publia que Medée pour se venger de sa rivale lui avoit envoyé une robe empoisonnée, qui semblable à la tunique que Dejanire avoit donnée à Hercule, ne fut pas plûtôt sur le corps de cette infortunée Princesse, qu’elle se sentit consumer par une flamme secrete, & mourut après avoir souffert les douleurs les plus cruelles. On ajoutoit qu’elle avait mis aussi le feu au palais de Créon qui y perit ; & enfin qu’après avoir mis en pieces ses deux enfans Pheres & Memercus, elle s’étoit retiré à Thebes auprès d’Hercule, esperant qu’il la vengreoit de la perfidie de Jason, s’étant engagé avec les autres Argonautes à lui garder le serment qu’il lui avoit fait en l’épousant, de n’avoir jamais d’autre femme qu’elle ; mais qui n’en ayant pu recevoir aucune satisfaction, elle s’étoit retirée à Athènes. C’est encore ici une nouvelle fiction dénuée de tout fondement. Je ne dis pas seulement qu’il est certain qu’Hercule n’étoit plus au monde dix ou douze ans après le retour des Argonautes, comme je l’ai prouvé ailleurs ; il y a ici quelque chose de plus. C’était une tradition constante que les Corinthiens eux-mêmes, ou pour venger la mort de Créon qu’on publioit que Medée avoit fait mourir, ou pour mettre fin aux intrigues qu’elle formoit pour assûrer la couronne à ses enfans, les avoient lapidés eux-mêmes. C’est Euripide, dans sa Tragedie de Medée, qui avoit donné cours à la Fable que je réfute, mystere qu’il est bon de développer. Le bruit qui s’étoit répandu de tous côtés au sujet de la cruauté qu’avoient exercée les Corinthiens contre les enfans de Medée, les avoit rendus odieux à toute la Grece. Ainsi lorsqu’ils apprirent qu’Euripide avoit dessein de mettre ce sujet sur la scene ; ils lui firent present de conq talens pour l’engager à mettre sur le compte de Medée le meurtre des jeunes Princes. Ils esperoient avec raison que cette Fable s’accrediteroit par la reputation du Poëte qui l’employeroit, & prendroit enfin la place d’une verité qui leur étoit peu honorable. Efficacité de la fiction d’E, usage de l’anecdote dramatique pour restaurer la « vérité ». Historien combat la fiction, mais confère à la fable antique une vérité si bien qu’elle se trouve pleinement libérée de l’accusation de fausseté. Conclusion partielle 1er niveau : le discours théorique de Banier : refus de l’allégorie au nom de l’histoire, décoder vs « démêler » > critique de la fiction/ornements et inventions des poètes/ comme déformation de la vérité historique, mais fable utile comme moyen de connaître les faits historiques. Fiction pas dangereuse mais mensongère > dévaloriser l’acte fictionnel et dénier aux poètes possibilité pour l’inventio d’être le moyen d’un savoir ; le vrai est l’histoire qui précède et préexiste à sa mise en fable. 18 2nd niveau : Banier en faisant des fables l’énoncé de l’histoire leur confère une dimension de vérité. Fables constituent un ensemble cohérent > Banier pris au piège de la fiction ? Conclusion Splendeurs (Renaissance) et misères (Lumières) de la lecture allégorique des fables. - Corpus des mythographies montre le bénéfice d’une interprétation allégorique pour permettre une valorisation de la fable : pas seulement fausseté, mais aussi pouvoir cognitif reconnu => lecture allégorique permet une défense de la fiction conçue comme encodage porteur d’une vérité à décoder. - Cette approche, toute allégorique qu’elle soit, ne réduit pas la fable : car allégories le plus souvent détachées, de contenu souvent conventionnel ou banal. => avant même que l’allégorie n’apparaisse plus que comme un topos de la mythographie (Renouard, Bardi), déjà une usure de l’allégorie : variété des niveaux 1 l’emporte sur le niveau 2 ; (ce que semblaient avoir perçu les gens d’église lorsque lors du Concile de Trente ils contestèrent la prisca theologia : uniformité des niveaux 2 rend lecture de l’allégorique chrétienne bien répétitive) => lecteur focalisé davantage sur niveau 1 (proche de ce point de vue des autos). - Régime allégorique est analogique / régime mimétique > histoire. > Deux régimes nettement divergents si l’on se fie aux travaux mythographiques. - Évolution du statut de la fable comme fiction : la fable est utile pour les allégoristes renaissants donc fiction positive et poète transmet un savoir (encodé donc à décoder), une fiction coupable car dangereuse et mensongère pour l’historien Chompré, non pas une fiction mais un récit historique pour Banier > fiction tjs coupable de mensonge, mais fable porteuse d’un récit crédible, cohérent qui permet de saisir l’univers antique dont elle donne une représentation mimétique même si fréquemment « défigurée ». 19 La fable antique, un matériau pour réfléchir aux relations entre fiction et allégorie 1 Fable, fiction, allégorie : étude de quelques mythographies – XVIe ²-XVIIIe ½ 1 Introduction Erreur ! Signet non défini. I- Lectures allégoriques renaissantes : sauver la fable du mensonge. Interprétation allégorique et système analogique 2 1- Conti et ses commentateurs : l’allégorie comme principe de lecture de la fable 3 a- L’ordonnancement du recueil latin et le projet allégoriste 3 b- Les fables antiques : des fictions utiles 3 c- Une étude précise des textes poétiques anciens, complétée de commentaires du mythographe 4 d- De Conti à Montlyard : le statut des index 5 e- Baudoin ou l’usage de la lecture allégorique pour une fiction moderne : la Jerusalem délivrée 6 2- Le recueil de Renouard : l’autonomisation de la fable ? 8 II- Le déclin de la lecture allégorique : une fable dédouanée, libérée ou condamnée ? 10 1- Bardi : une allégorèse de convention ? 10 a- Banalisation du texte allégorique : 11 b- Un fait étonnant : des fables sans allégorie 11 2- Le développement des dictionnaires de mythologie 12 3- La contestation de la lecture allégorique au nom de l’histoire : Gautruche et Banier 14 a- Gautruche ou la dénonciation de la lecture allégorique comme mensonge des Païens 14 b- Banier ou la défense d’une lecture historique au nom de la vérité des fables 15 Conclusion 20