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Anne-Lise Barbanés, Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Diego Gelmírez (1100-1140) et de l’ Historia Compostellana

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Rives méditerranéennes
Varia | 2003
Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au
XIIe siècle : le cas de Diego Gelmírez
(1100-1140) et de l’
Historia Compostellana
Anne-Lise Barbanès
Édition électronique
URL : http://journals.openedition.org/rives/85
DOI : 10.4000/rives.85
ISSN : 2119-4696
Éditeur
TELEMME - UMR 6570
Édition imprimée
ISBN : 979-10-320-0093-9
ISSN : 2103-4001
Référence électronique
Anne-Lise Barbanès, «
Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Diego Gelmírez (1100-1140) et de
l’
Historia Compostellana », Rives méditerranéennes [En ligne], Varia, mis en ligne le 14 août 2014, consulté
le 20 avril 2019. URL : http://journals.openedition.org/rives/85 ; DOI : 10.4000/rives.85
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Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
Écrire l’histoire d’un évêque et de
son Église au XIIe siècle : le cas de
Diego Gelmírez (1100-1140) et de
l’
Historia Compostellana
Anne-Lise Barbanès
1
QUALIFIÉE
de « joyau de l’historiographie latine péninsulaire » par Claudio Sánchez Albornoz1, l’
Historia Compostellana
constitue l’une des sources fondamentales pour l’histoire médiévale hispanique. Cette
œuvre de la première moitié du XIIe siècle, composée en latin par des chanoines de
l’Église de Saint-Jacques-de-Compostelle, offre un point de vue original sur l’histoire du
célèbre sanctuaire à travers les grandes réalisations de son premier archevêque: Diego
Gelmírez
2
. Relativement peu connue hors de la péninsule ibérique, l’Historia Compostellana
n’a fait l’objet, à ma connaissance, que d’une seule publication en langue française,
traitant d’un aspect très spécifique de cette source
3
. Pierre Bonnassie et Jean Gautier-Dalché la mentionnent dans leurs travaux, mais
uniquement à titre d’exemple, le premier pour étayer son propos sur la féodalité en
Galice
4
, le second pour illustrer son histoire urbaine de la Castille et du Léon5
. L’essentiel de la production scientifique de ces vingt dernières années sur l’
Historia Compostellana
se concentre dans la péninsule ibérique, à l’exception d’une étude allemande6
et de la monographie de R. A. Fletcher sur Diego Gelmírez7.
Rives méditerranéennes , Varia
1
Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
2
La première édition véritablement critique de l’Historia Compostellana8,
sur laquelle s’appuie la présente étude, n’a vu le jour qu’en 1988. Jusque là, les chercheurs
devaient recourir à l’édition d’E. Florez publiée en 1765 dans le volume XX de la collection
España Sagrada9. En effet, si Sánchez Albornoz entreprend d’éditer l’Historia Compostellana
avec une équipe de collaborateurs, dans les années 1930, il doit interrompre cette tâche
pour cause de guerre civile. Seule une traduction en espagnol du texte établi par E. Florez
en 1791, paraît en 1950
10
, contribuant à faire connaître l’œuvre aux hispanophones. Plusieurs auteurs (J. Campelo
et L. Vones entre autres) soulignent alors la nécessité d’une édition critique. C’est E.
Falque Rey qui la mène à bien dans les années 1980, à partir de la collation de sept des
dix-huit manuscrits, conservés à ce jour, qui nous ont transmis l’
Historia Compostellana.
Une œuvre de commande
3
Composée de trois livres précédés chacun d’un prologue, l’édition de l’
Historia Compostellana
d’E. Falque a conservé la division en chapitres établie par E. Florez au XVIIIe siècle 11
. Les trois prologues présentent une constante: leurs auteurs insistent sur le fait que leur
œuvre est une commande de l’évêque Gelmírez en personne
12.Topos
littéraire ou réalité? Au XIIe siècle, il paraît indispensable pour des chanoines rédigeant
l’histoire de leur Église de se placer sous le patronage de leur évêque. Leur texte semblera
d’autant plus digne de foi qu’il est cautionné par une plus haute autorité même si cette
dernière n’est pas à l’origine du projet
13
. Dans le cas de l’Historia Compostellana
, l’initiative vient très certainement de Diego Gelmírez: le lien entre l’œuvre et son
protagoniste principal est manifeste. Mais que savons nous de ce commanditaire? Fils
d’un
miles
galicien du nom de Gelmirio, qui tenait de l’évêque d’Iria-Compostelle, Diego Pelaez, le
castellum Honesti
, le jeune Gelmírez se forme à l’école de la cathédrale compostellane
avant d’aller parfaire son éducation à la cour du roi de Castille-Léon, AlphonseVI. De
retour en Galice, Diego Gelmírez intègre la curie de l’évêque Diego Pelaez et devient
chanoine de Saint-Jacques. Raymond de Bourgogne, gendre d’Alphonse VI et bénéficiaire
d’une délégation du pouvoir royal sur la Galice, remarque ce « jeune homme perspicace,
ayant de bonnes mœurs et doué d’un esprit vif »
14
dont il fait son « chancelier » et son secrétaire. La confiance dont l’honore le
« gouverneur » de la Galice vaut à Diego Gelmírez d’être nommé vicaire du diocèse de
Compostelle lors d’une vacance du siège, de 1093 à 1094. Il occupe à nouveau cette charge
de 1096 à 1100. Et c’est naturellement vers le chanoine Gelmírez, si bien au fait de
l’administration du diocèse, que s’oriente le choix d’Alphonse VI, de Raymond de
Bourgogne et du
clerus et populus
Rives méditerranéennes , Varia
2
Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
de Compostelle, lorsqu’il s’agit d’élire un nouvel évêque pour la cité de l’apôtre Jacques,
en 1100. Aux yeux des auteurs de l’
Historia Compostellana
, Diego Gelmírez s’avère un évêque providentiel pour l’Église de Saint-Jacques dont il
assure le redressement, tant au niveau spirituel que temporel
15
. Le principal titre de gloire de Diego Gelmírez : l’élévation du siège de Saint-Jacques au
rang de métropole, obtenue à titre provisoire en 1120 et de manière définitive en 1124.
4
Si l’impartialité des auteurs de l’Historia Compostellana
laisse parfois à désirer, comme nous le verrons plus loin, la qualité de l’information
détenue par ces derniers ne saurait être mise en doute. Tous les auteurs identifiés
appartiennent à l’entourage direct de l’évêque et occupent une place éminente dans le
chapitre cathédral. Très souvent investis de missions de confiance par Diego Gelmírez, ils
connaissent parfaitement les affaires de leur Église et les activités de leur prélat. Ainsi
Nuño Alfonso, l’auteur présumé du noyau initial de l’
16
Historia Compostellana
, a-t-il occupé la charge de trésorier du chapitre compostellan. Élu évêque de Mondoñedo
en 1112, il abandonne vraisemblablement la rédaction de l’
Historia Compostellana
, commencée vers 1107, en 1113, année de sa consécration épiscopale. Lemagister
Gérald, autre chanoine de Saint-Jacques, succède alors à Nuño Alfonso dans la
composition de l’
Historia Compostellana.
Identifié au maître de rhétorique dont Diego Gelmírez s’adjoint les services vers 1102,
Gérald aurait appartenu à la
gens gallicadont se réclame l’auteur duGuide du pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle 17
, son contemporain. Gérald accomplit plusieurs missions d’importance pour Diego
Gelmírez, en particulier une ambassade à Rome en 11
18
, afin de solliciter la dignité archiépiscopale pour le siège compostellan. Les chercheurs L.
Vones et F. Lopez Alsina
18s’accordent pour attribuer à Gérald la paternité du livre I de l’Historia Compostellana
à partir du chapitre 46, ainsi que celle de la majeure partie du livre II. La rédaction du
troisième livre et la définition de la structure finale de l’œuvre, longtemps mises au crédit
de Gérald, tendent, à l’heure actuelle, à être attribuées à un ou plusieurs autre(s) auteur
(s) non encore identifié(s).
5
En ce qui concerne les dates de rédaction de l’Historia Compostellana
, la plus grande partie de l’œuvre a été composée dans les années 1107 à 1130, c’est-à-dire
du vivant de Diego Gelmírez, et seule la fin du troisième livre – probablement à partir du
chapitre 45 – est postérieure à 1140
19
.
Rives méditerranéennes , Varia
3
Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
L’élaboration de l’Historia Compostellana
: méthodes et objectifs
Développements rhétoriques et précisions techniques dans les
prologues de l’Historia Compostellana
Sous l’impulsion de Bernard Guénée, les médiévistes français s’intéressent, depuis les
années 1980, au parti que l’on peut tirer d’une étude des préfaces d’œuvres historiques
pour l’histoire de l’histoire. Une préface, en effet, est le lieu où l’auteur prend de la
distance par rapport à son œuvre, explique son projet et justifie la tâche entreprise.
Michel Sot
6
20
a montré l’importance des conventions rhétoriques dans les préfaces où les indications
techniques s’avèrent généralement peu abondantes. « Ce que les historiens du IXe au XIIe
siècle veulent signifier dans leurs préfaces, ils l’expriment au moyen de formules de la
rhétorique », conclut-il au terme de son exposé. La rhétorique occupe une place non
négligeable dans les prologues de l’
HistoriaCompostellana
. Cela n’a rien de surprenant si l’on considère que deux d’entre eux sont attribués à
Gérald, le
magister de doctrinaeloquentie. Dans la catégorie des prologues de l’HistoriaCompostellana
il convient aussi d’inclurelesVerba auctoris
(probablement de Nuño Alfonso) assurant la transition entre les chapitres 3 et 4 du livre I,
et le chapitre 61 du livre II, ancien prologue qui aurait été dicté par Diego Gelmírez en
personne. Ces cinq prologues serviront de base à notre étude.
7
Le terme employé par les auteurs de l’HistoriaCompostellanapour désigner leur œuvre est «
registrum
». Il apparaît dans les prologues des livres I et III ainsi que dans le titre du premier
chapitre du livre II. C’est Diego Gelmírez, lui-même, qui nous éclaire sur la signification
de ce mot au chapitre 61 du livre II. Il nous propose une étymologie de
registrumpuisée à la meilleure source: Isidore de Séville21.
8
« Quant
à la fonction de ce livre, elle s’accorde bien avec l’étymologie de son nom, puisqu’il est
appelé, avec raison,
registrumdu fait qu’il contient les choses faites antérieurement [retrogesta
] et les choses faites [res gestas]. »22
9
Les auteurs de l’HistoriaCompostellana
ont donc pour mission de se conformer à la définition d’Isidore de Séville selon laquelle«
historia est narratio rei gestae »23
. En l’occurrence, il s’agit de narrer les « choses faites antérieurement » par les
prédécesseurs de Diego Gelmírez sur le siège d’Iria-Compostelle
24
et, surtout, les « choses faites » par le prélat Gelmírez, ainsi que nous l’explique Gérald
dans le prologue du livre I:
Rives méditerranéennes , Varia
4
Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
10
11
« C’est pourquoi, le révérend évêque du siège de Compostelle, Diego II, imitant la coutume
des anciens dans la composition d’un
registrum
, recommanda que soient rappelés et écrits, depuis les origines de son siège apostolique,
les actes de ses prédécesseurs tels qu’il les avait vus de ses propres yeux, d’une part, et
tels qu’il les connaissait de manière véridique, d’autre part, pour les avoir entendus
fréquemment d’hommes importants et faisant autorité… Il veilla aussi à ce que ses actions
fassent suite à celles de ses prédécesseurs dans ledit
25
registrum… »
Dans ce passage, Gérald fait état de l’une des sources sur lesquelles se fondent le texte de
l’
HistoriaCompostellana
: le témoignage oral, en particulier celui de Diego Gelmírez. Parmi les sources de
l’historien du IXe au début du XIIe siècle, l’autorité la plus solide appartient au
témoignage direct de celui qui a vu et entendu
26
. Ce recours à la tradition orale se justifie par l’exemple du livre d’histoire par excellence,
la Bible. N’est-ce pas en interrogeant ses pères que Moïse a pu mettre par écrit le récit de
la Création que la mémoire collective avait porté jusqu’à eux? Par conséquent, celui qui a
vu doit être cru. A plus forte raison quand il s’agit d’un évêque, investi de l’
auctoritasconférée aux successeurs des apôtres. Ainsi, les auteurs de l’HistoriaCompostellana
prennent-ils soin de préciser souvent qu’ils ont vu les événements dont ils rendent
compte ou bien qu’ils en tiennent le récit de personnes dignes de confiance.
12
13
14
Un autre aspect, caractéristique de la production historique médiévale, se dégage
clairement des prologues de l’
HistoriaCompostellana
: l’ambition didactique de l’œuvre. Héritiers de l’historiographie classique et, plus
particulièrement, de la conception cicéronienne de l’histoire comme «
27
magistra vitae » , les auteurs de l’HistoriaCompostellana
ne doutent pas que l’histoire doive montrer la voie à suivre. Ainsi Diego Gelmírez a-t-il
voulu, d’après Gérald, que soient mises par écrit les actions de ses prédécesseurs et les
siennes afin que:
« ce que le lecteur attentif trouverait digne d’être loué et imité dans celles-ci, il se donnât
la peine de le louer et de l’imiter avec empressement et, au contraire, s’il y découvrait
quelque chose de blâmable et de répréhensible, qu’il ne cessât de blâmer et de censurer
pour la correction et l’édification d’autrui »
28
.
L’histoire s’apparente donc à un recueil desexempla
donnés par les hommes illustres du passé dont les vertus doivent être imitées par ceux
qui leur succèdent. Dans le cas de l’
HistoriaCompostellana
, c’est Diego Gelmírez qui est présenté comme l’exemple à suivre par ses successeurs sur
le siège de Compostelle, dans leur action pastorale. Ayant travaillé pour son Église
« comme un bon agriculteur dans sa vigne », le prélat a su aussi la protéger contre les
« persécutions » de « puissants tyrans »
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5
Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
29
. Se défendant du péché de vanité, Diego Gelmírez donne au récit de ses « bonnes
œuvres » une fin toute pastorale:
15
« Notre Seigneur et Rédempteur, voulant diriger nos pas dans le droit chemin, nous
enseigne à nous qui, par le soin pastoral, devons instruire les autres de l’exemple des
bonnes actions, que nous ne devons cacher, en aucune occasion, les bonnes œuvres que
nous faisons, dissimulant la lampe sous le boisseau: “Personne – dit-Il – n’allume la lampe
et la met sous le boisseau”. »
30
16
Afin d’étayer leur propos, les auteurs de l’HistoriaCompostellana
n’hésitent pas à puiser images et citations dans la Bible, et l’on ne sera pas surpris de
trouver, dans le prologue du livre I, le célèbre passage de l’Épître de saint Paul aux
Romains: « Ce qui a été écrit, l’a été pour notre enseignement »
31
. Le fait de mettre par écrit les actes de Diego Gelmírez dénote aussi, chez les auteurs et le
commanditaire de l’
HistoriaCompostellana
, la volonté d’en préserver la mémoire contre les méfaits de l’oubli. Cette préoccupation,
partagée par nombre d’auteurs médiévaux, se retrouve avec une grande constance tout
au long de l’œuvre et donne lieu à maints développements rhétoriques. Le prologue du
livre I annonce que le
registrum
entrepris a pour objet d’éviter que les actes du premier archevêque de Compostelle et de
ses prédécesseurs « ne tombent dans la trappe de l’oubli »
32
, car, nous affirme-t-on dans le prologue du livre II, « il ne convient, en aucune manière,
de recouvrir les gloires humaines avec le nuage de l’oubli»
33
. Et le prologue du livre III n’est pas en reste qui met en garde: « les hauts faits et les
mérites des hommes illustres ne sont nullement préservés de la mort de l’oubli, s’ils ne
sont confiés à la mémoire par l’écriture ou quelque autre moyen… »
34
.
Le recours à l’écrit comme auxiliaire privilégié de la mémoire suppose une évolution des
mentalités médiévales, très attachées à la tradition orale. D’après Bernard Guénée
17
35
, le XIIe siècle correspond à l’époque où l’écrit prend, de façon décisive, le relais de l’oral.
Toutefois, la conviction de la valeur de l’écrit était déjà bien enracinée dans les régions
héritières de la tradition romaine comme c’est le cas de la Galice. La rhétorique, nous
venons de le voir, fleurit dans les prologues de l’
HistoriaCompostellana
au moment d’expliquer le dessein de ses auteurs. Qu’en est-il des considérations plus
« techniques » ? Elles concernent essentiellement la structure de l’œuvre. A l’origine,
Nuño Alfonso entend simplement rappeler les
gestades prédécesseurs de Diego Gelmírez puis se consacrer à celles du prélat. Dans les
Verba auctoris
qui concluent les chapitres 2 et 3 du livre I, dédiés au récit des actions les plus
marquantes des prédécesseurs de Gelmírez, Nuño déclare:
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Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
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« Obéissant de bon gré et avec zèle à l’ordre du seigneur Diego II, évêque du siège de
Compostelle, j’ai mis jusqu’ici par écrit les actes de ses prédécesseurs de la manière la plus
véridique que j’ai pu. Et maintenant, je vais entreprendre, avec l’aide de la grâce divine,
de décrire et de rappeler aux générations à venir les réussites que le révérend évêque a
obtenues et les adversités qu’il a supportées avec courage, dans l’exercice de sa charge… »
36
19
L’organisation ultérieure de l’HistoriaCompostellana
en deux livres aurait été voulue par Diego Gelmírez, afin de prendre acte de sa plus
grande réussite: le transfert de la dignité métropolitaine de Mérida à Compostelle. Gérald
écrit à ce propos dans le prologue du livre I, qui fait office de préface générale: « [Diego
Gelmírez] a ordonné que ce
registrumsoit divisé en deux livres, l’un s’intitulantDel’épiscopatet l’autre,De l’archiépiscopat
»37. C’est, en effet, après 1120 que l’HistoriaCompostellana
prend toute son ampleur et que sont rédigés les prologues où les auteurs définissent leur
projet. L’ajout d’un troisième livre, dont il n’est question ni dans le prologue du livre I ni
dans celui du livre II, ne se justifie par aucun événement décisif dans la vie de Diego
Gelmírez ou de son Église. Il s’agit en fait d’une simple continuation du livre II,
s’intitulant aussi « De l’archiépiscopat », et de moindre extension par rapport aux deux
livres précédents (57 chapitres contre 117 pour le livre I et 94 pour le livre II).
Les finalités d’un registrum
20
Le domaine d’utilité revendiqué par les auteurs de l’HistoriaCompostellana
dans leurs prologues est essentiellement moral. L’œuvre prétend éclairer ses lecteurs sur
la « discipline des mœurs » et les inciter à la pratique du bien
38
, tout en contribuant à l’instruction pastorale des successeurs de Diego Gelmírez. Michel
Sot remarque à ce sujet: « Le domaine moral est au XIIe siècle, encore, le seul domaine
d’utilité clairement affirmé dans les préfaces »
39
. Il n’en reste pas moins que les préoccupations premières des auteurs de l’Historia
Compostellana
doivent être recherchées dans des domaines beaucoup plus pragmatiques, comme nous le
montre l’étude des méthodes de composition du
registrum.
21
La méthode employée par Nuño Alfonso, le trésorier, consiste à décrire un événement
important et à retranscrire, à sa suite, le texte des documents s’y rapportant. Le plus
souvent, la partie narrative sert de simple introduction aux documents et, parfois, ne fait
qu’assurer un lien entre eux. L’attention de Nuño se porte donc, en priorité, sur les
documents: cela n’a rien de surprenant de la part du gardien du trésor de l’Église de
Compostelle, familier avec les originaux conservés dans des cartulaires ou dans d’autres
types de recueils. La continuation du
registrum
par Gérald présente des caractéristiques distinctes. Le maître de rhétorique accorde une
place prépondérante à la narration et concentre le matériel documentaire dans des
chapitres intermédiaires, lorsqu’il ne renvoie pas le lecteur au trésor de l’église, pour y
consulter personnellement les actes ayant trait aux acquisitions de Diego Gelmírez. Ce qui
importe avant tout à Gérald, c’est le récit des hauts faits de son évêque
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. La fin duregistrum,
en revanche, renoue avec l’inclusion systématique de documents (de la correspondance,
le plus souvent) dans le corps du texte.
22
Ces différentes conceptions de la composition de l’HistoriaCompostellana
permettent de mettre en évidence les fonctions concrètes assignées à l’œuvre. La mission
initiale de ses auteurs consiste à faire mémoire des actes de Diego Gelmírez et de ses
prédécesseurs. Dans la pratique, l’
HistoriaCompostellana
retrace, avant tout, l’œuvre en faveur de l’Église de Compostelle de Diego Gelmírez, son
protagoniste principal. Seuls deux chapitres (sur un total de 268!) sont consacrés aux
évêques l’ayant précédé sur le siège d’Iria-Compostelle depuis Théodomire, l’évêque
témoin de l’
inventio
du tombeau de l’apôtre Jacques, au IXe siècle. Ces chapitres semblent principalement
destinés à établir la continuité de la lignée épiscopale dans laquelle se situe Diego
Gelmírez. Ils offrent, de plus, quelques figures d’« évêques-repoussoirs », comme les
nomme M. Sot
41, qui contribuent à renforcer l’image exemplaire de l’évêque Gelmírez.
23
Dans le noyau initial de l’HistoriaCompostellana,Nuño Alfonso
s’attache plus particulièrement aux biens temporels et aux privilèges ecclésiastiques
obtenus par le prélat au profit de son Église. Le dessein du trésorier paraît clair: en
retranscrivant les documents relatifs à ces acquisitions et en les intégrant dans un récit
circonstancié, il établit leur légitimité. Il entend ainsi délimiter le patrimoine de la
cathédrale de Compostelle et fonder solidement les droits et les possessions de celle-ci sur
l’autorité d’actes émanant des chancelleries royale ou pontificale. Dans un contexte de
réorganisation des structures ecclésiastiques et de redéfinition des limites diocésaines en
lien avec le processus de la Reconquête, on imagine aisément l’intérêt d’un tel écrit en cas
de conflit avec une autre juridiction épiscopale. En l’occurrence, la concurrence entre
Saint-Jacques-de-Compostelle et les sièges de Tolède et de Braga tend à s’exacerber en
cette première moitié du XIIe siècle
42
. Dans le même ordre d’idées, l’ajout d’uneTranslatio sancti Iacobiet d’un récit de l’inventio
du sépulcre de saint Jacques, en tête de l’HistoriaCompostellana43
, doit être mis en relation avec la volonté d’affirmer, devant la Chrétienté, l’authenticité
des reliques vénérées à Compostelle. Authenticité d’autant plus importante aux yeux de
Diego Gelmírez que ses ambitions pour son Église reposent fondamentalement sur la
nature apostolique de son siège. Que l’
HistoriaCompostellana
contribue à fixer la tradition de la translation du corps de l’apôtre Jacques le Majeur de
Jérusalem à la Galice, en reprenant un texte des IXe-Xe siècles
44
, ne doit donc pas nous surprendre.
24
L’ambition fondamentale de l’œuvre, particulièrement sensible dans la narration de
Gérald, pourrait se résumer par cette formule du maître de rhétorique à l’adresse de
Diego Gelmírez, en conclusion du prologue du livre II:
25
« Que Celui qui dispense tous les biens vous accorde de vivre longtemps dans la félicité et
d’être longtemps et avec bonheur à la tête de votre Église, et, à moi, qu’Il m’accorde
d’écrire votre louange. »
45
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Les auteurs de l’HistoriaCompostellana
ont en effet cherché à faire vivre longtemps la mémoire de leur prélat et à célébrer sa
louange en exaltant ses réussites et ses mérites. Il s’ensuit que les actions de Diego
Gelmírez bénéficient souvent d’un éclairage favorable. Le chapitre
15
du livre I nous en donne un exemple significatif. Intitulé « Translation des saints
Fructueux, Sylvestre, Cucufat et de la vierge et martyre Susanne à Compostelle », le
chapitre relate un vol de reliques, accompli dans plusieurs églises de Braga, par Diego
Gelmírez et quelques uns de ses clercs, au cours d’un voyage officiel dans le comté du
Portugal. L’auteur, le chapelain Hugo, ayant pris part à l’entreprise, présente l’acte de son
évêque comme un «
pius latrocinius », motivé par le fait que les reliques n’auraient pas reçu des Portugais, «
gens indisciplinata », le culte qui leur étaient dû46
. Nous le constatons avec cet exemple précis, l’écriture de l’HistoriaCompostellana
a pu aussi être mise à profit pour légitimer certaines actions de Diego Gelmírez. La
partialité dont font preuve les auteurs de l’
HistoriaCompostellana
, en plusieurs occasions, doit être prise en compte au moment d’étudier le contenu de
l’œuvre. Elle était sans doute assez inévitable sous la plume d’hommes appartenant à
l’entourage immédiat du prélat et engagés dans les événements qu’ils évoquent.
Toutefois, elle n’amoindrit en rien l’intérêt historique du texte qui nous informe avec
précision sur bien des aspects de la vie politique, sociale ou économique du nord-ouest de
la Péninsule ibérique au XIIe siècle.
27
Quel impact a eu l’HistoriaCompostellana
et quel public a été le sien? Si l’on se fonde sur les critères énoncés par B. Guénée 47
pour mesurer le succès d’une œuvre au Moyen Age, celui de l’HistoriaCompostellana
devra être qualifié de « limité » ou « faible », puisque seuls neuf manuscrits antérieurs à
la fin du XVIe siècle nous ont transmis ce texte. Il convient néanmoins de nuancer cette
appréciation. L’œuvre, d’une part, a connu un succès constant: elle a été copiée du XIIIe
au XVIIIe siècle. D’autre part, il faut considérer sa destination. En tant que récit des
gesta
du premier archevêque de Compostelle, et en tant qu’instrument juridique destiné à
défendre les intérêts de cette Église, l’
HistoriaCompostellana
intéresse avant tout le clergé compostellan à qui il importe qu’elle ne quitte pas la cité
épiscopale. Ainsi, l’avertissement qui précède le prologue du livre I de l’
HistoriaCompostellana
signale-t-il à tout lecteur que « Diego, archevêque du siège de Compostelle, par la grâce de
Dieu, a ordonné que soit fait ce livre et qu’il soit gardé dans le trésor de Saint-Jacques »
48
. Et quiconque oserait dérober ou détruire l’œuvre se voit menacé – comme il se doit – de
partager le sort de Judas, Datan et Abiram, voués à la damnation éternelle.
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L’HistoriaCompostellana
ne pouvait donc être consultée que dans le trésor de la cathédrale de Saint-Jacques. On
peut penser que, de ce fait, son public potentiel s’est trouvé limité au clergé et aux
habitants de la cité épiscopale. Mais ce serait oublier la foule des pèlerins qui afflue alors
vers Compostelle. Et même s’il est impossible de déterminer le nombre de ceux qui, parmi
eux, ont approché le texte, celui-ci a pu contribuer à accroître le prestige des prélats de
Saint-Jacques – celui de Diego Gelmírez, en particulier – aux yeux de bien des pèlerins.
C’est d’ailleurs pour ces derniers que l’on conçoit, durant l’archiépiscopat de Diego
Gelmírez, le fameux
Guide du pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle
. Ce livre s’insère dans une œuvre de plus grande envergure, leLiber sancti Iacobi
, qui fait l’objet d’une troisième compilation dans les années 1130 à 1150,
vraisemblablement à l’instigation de Diego Gelmírez
49
. Participant de l’entreprise d’exaltation de saint Jacques et de son Église, l’œuvre semble
réaliser, avec l’
HistoriaCompostellana,
un programme historiographique voulu par le prélat, afin de fonder les théories sur
lesquelles s’appuient les ambitions de l’Église de Compostelle depuis le XIe siècle.
L’originalité de l’HistoriaCompostellana
dans l’historiographie latine ibérique
Une source documentaire
29
D’après Claudio Sánchez Albornoz, l’HistoriaCompostellana
constitue à elle seule « une véritable collection diplomatique d’une valeur inappréciable »
50
. L’œuvre nous a transmis près de 180 documents, copies d’originaux dont beaucoup
auraient été perdus sans cela, au gré des désastres ayant affectés les archives de SaintJacques. Il est à remarquer que la plupart des documents ainsi retranscrits n’émanent pas
du
scriptorium
de la cathédrale de Compostelle: dans près de cinquante pour cent des cas, ils
proviennent de la chancellerie romaine. Les 82 documents pontificaux, recensés par E.
Falque à la fin de son édition
51, se composent d’une unique bulle d’Urbain II (Et decretum sinodalium
) et de lettres des cinq papes ayant occupé le Saint-Siège durant les années d’épiscopat et
d’archiépiscopat de Diego Gelmírez: Pascal II, Gélase II, Calixte II, Honorius II et Innocent
II. Ces papes ont en effet émis un certain nombre de bulles-privilèges destinées à
confirmer le temporel de l’Église de Compostelle et à reconnaître les pouvoirs
juridictionnels de son évêque. Leurs lettres peuvent aussi concerner le règlement d’un
litige, la convocation à un concile, ou bien encore, l’envoi d’instructions pastorales, quand
il ne s’agit pas de simples extraits de leur correspondance avec Diego Gelmírez.
30
Dans l’HistoriaCompostellanafigurent aussi en bonne place
les documents émis par les souverains de Castille-Léon, Urraca et son fils Alphonse VII. Il
s’agit, en priorité, de copies de chartes de donation, de traités de paix qualifiés de
Rives méditerranéennes , Varia
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Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
pacta, ou bien dejuramenta
, serments de type féodo-vassalique. Par ailleurs, les copies de lettres adressées à Diego
Gelmírez incluses dans l’œuvre permettent d’établir l’existence de relations épistolaires
entre le prélat et l’archevêque de Tolède, Bernard de Sédirac, l’abbé Pons de Cluny, le
Patriarche de Jérusalem, le duc d’Aquitaine, Guillaume IX, ou la comtesse de Flandres
(tante paternelle d’Alphonse VII). Quant aux actes émis par Diego Gelmírez et/ou par son
chapitre cathédral, ils comprennent, entre autres, le serment d’obéissance prêté par les
chanoines de Compostelle à leur évêque en 1102
52
et une série de décrets promulgués par Diego Gelmírez en vue de protéger lespauperes
dans le territoire placé sous sa juridiction53.
31
L’HistoriaCompostellana
offre donc la reproduction d’une grande variété de documents. Ces derniers présentent,
toutefois, une difficulté majeure pour la critique moderne qui se trouve dans
l’impossibilité de déterminer s’ils ont été manipulés ou non par les auteurs de l’œuvre,
lorsque les originaux font défaut. Quoiqu’il en soit, le fait d’intégrer des transcriptions de
documents à un récit à vocation historique distingue sans nul doute l’
HistoriaCompostellana
du reste de la production de son époque, dans les royaumes hispaniques.
Une œuvre contemporaine des faits qu’elle relate
32
Nombreux sont les passages de l’HistoriaCompostellana
où ses auteurs affirment avoir été témoins – voire acteurs – des événements qu’ils portent
à la connaissance du lecteur. Ce témoignage direct et bien informé, qui irrigue tout le
texte
,constitue l’un des aspects les plus intéressants de l’œuvre. L’HistoriaCompostellana
, en tant que discours sur l’histoire contemporaine, se présente comme un cas particulier
dans l’horizon historiographique péninsulaire. Un cas particulier, mais pas unique. R.
Menéndez Pidal
54
55
rapproche cette œuvre d’un autre texte du XIIe siècle, l’HistoriaRoderici
. Composé entre 1144 et 1147, ce texte retrace, quelques quarante ans après sa mort, la vie
de Rodrigo Diaz de Vivar, plus connu comme « le Cid ». Son auteur, un clerc anonyme,
aurait appartenu à la suite du célèbre conquérant de Valence. Menéndez Pidal considère
que l’
HistoriaCompostellanaet l’HistoriaRoderici
apportent un vent de nouveauté dans l’historiographie espagnole qui, du Xe siècle au
début du XIIe siècle, a essentiellement produit des chroniques de rois
56
énumérant les événements les plus marquants de chaque règne. Les deux œuvres, en
effet, s’attachent non pas à des rois mais à des personnages éminents de leurs royaumes:
le premier archevêque de Compostelle et le héros de la Reconquête. Elles leur consacrent
des récits plus développés, incluant des documents
57
, et composés du vivant de leurs protagonistes principaux ou dans les années qui suivent
leur disparition. Dans cette perspective, l’
HistoriaCompostellanaet l’HistoriaRoderici
sont significatives d’une évolution de l’intérêt historique dans le nord de la péninsule
ibérique.
Rives méditerranéennes , Varia
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Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
33
L’Historia Compostellana
s’inscrit dans une période d’essor de la production historique hispanique qui connaît un
développement précoce et brillant au XIIe siècle, aussi bien dans le royaume de CastilleLéon avec la rédaction de deux histoires de la péninsule ibérique (l’
HistoriaSilenseet leLiberCronicorum) qu’en Navarre avec leLiber regum,
ou encore en Catalogne avec lesGesta comitum Barcinonensium58. Il semble donc que l’
HistoriaCompostellana
ait participé du « moment d’extraordinaire épanouissement de l’histoire » que connaît
l’Occident médiéval, d’après B. Guénée
59, entre la fin du XIe siècle et le milieu du XIIe siècle.
Conclusion
34
L’analyse de la composition de l’HistoriaCompostellana
s’avère riche d’enseignements sur les fonctions assignées au discours historique par le
commanditaire de l’œuvre, l’évêque Diego Gelmírez, et ses auteurs, des chanoines
recrutés dans l’élite du chapitre de Saint-Jacques-de-Compostelle. Récit circonstancié des
grandes réalisations du premier archevêque de Compostelle, l’
HistoriaCompostellana
entend également fonder les droits et les possessions de l’Église compostellane en
s’appuyant sur la reproduction d’actes juridiques. Mais surtout, l’
HistoriaCompostellana
permet d’appréhender un personnage complexe. Prélat influent et soucieux d’accroître le
prestige de son Église en mettant à profit ses liens avec Cluny, Rome et les souverains de
Castille-Léon, Diego Gelmírez apparaît aussi comme un seigneur féodal, à la tête du
temporel de l’Église de Compostelle et disposant de ressources et de pouvoirs qui le
situent parmi les grands laïcs galiciens, en cette première moitié de XIIe siècle
60
. Telle n’est pas la moindre qualité de notre source, rédigée à une époque où très rares
sont les évêques hispaniques à avoir suscité la mise par écrit de leurs actions
61
.
NOTES
1. #Notes#
Cl. SANCHEZALBORNOZ,Españoles ante la historia, Buenos Aires, 1977, p. 76.
2.
Diego Gelmírez est évêque de Compostelle de 1100 à 1120, puis archevêque de ce même siège de
1120 jusqu’à sa mort, survenue en 1139 ou 1140.
3.
M. MOLLAT,« Note sur la vie maritime en Galice au XII esiècle d’après l’Historia Compostellana»,
Anuario de Estudios Medievales I, 1964, p. 531-540.
Rives méditerranéennes , Varia
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Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
4.
P. BONNASSIE, «Du Rhône à la Galice: genèse et modalités du régime féodal»,
Structures féodales et féodalisme dans l’Occident méditerranéen (X e-XIIIesiècles)
, Rome-Paris, E. de Boccard, 1980, p. 36-38.
5. J. GAUTIER-DALCHE,Historia urbana de León y Castilla en la Edad Media, Madrid, 1979.
6. L. VONES,DieHistoria Compostellana und die Kirchenpolitik des nordwestspanischen Raumes.1070-1130,
Cologne-Vienne, 1980.
7.
R. A. FLETCHER,Saint James’s catapult: the life and times of Diego Gelmírez of Santiago de Compostela
, Oxford, 1984.
8.
Historia Compostellana,éd. par E. FALQUEREY
, Corpus Christianorum, Continuatio Medievalis, 70, Brepols, 1988.
9.
E. FLOREZ,
Historia Compostellana sive de rebus gestis D. Didaci Gelmirez, primi Compostellani archiepiscopi,
Madrid, 1765 (rééd. en 1791).
10.
M. SUAREZ- J. CAMPELO,
Historia Compostellana sea Hechos de D. Diego Gelmirez, primer arzobispo de Santiago,
Santiago de Compostela, 1950.
11.
Le livre I compte 117 chapitres, le livre II, 94 chapitres et le livre III, 57 chapitres. Je recourrai
désormais à l’abréviation
HC
pour désigner ma source, le chiffre romain qui la suit faisant référence au livre et le chiffre arabe
au chapitre de l’œuvre, d’après l’édition d’E. F
ALQUE.
12.
Cf.HCI, prol., p. 3:Didaci Dei gratia Compostellane sedis archiepiscopus iussit hunc librum fieri.
Voir égalementHCII, prol., p. 219 etHCIII, prol., p. 419. Toutes les traductions sont de l’auteur.
13. Cf. B. GUENEE,Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval, Paris, Aubier, 1980, p. 338.
14. Cf.HCII, 2, p. 222.
15.
Cf. A.-L. BARBANES,
Images et pouvoirs de Diego Gelmírez, évêque de Compostelle de 1100 à 1140, d’après l’Historia
Compostellana,
mémoire de maîtrise sous la direction de L. Verdon, Université de Provence, 2001, p. 44-65.
16. À savoir, les chapitres 1 à 45 du livre I de l’HC.
17. Cf. LeGuide du pèlerin de Saint-Jacques-de-Compostelle, éd. par J. VIELLIARD, Paris, 1978.
18.
Cf. L. VONES,DieHistoria Compostellana…, p. 63-64 et F. LOPEZALSINA, «
En torno a la Historia Compostellana»,Compostellanum, 32, 1987, p. 443-502.
19. Je renvoie pour plus de détails à mon mémoire,Images et pouvoirs de Diego Gelmírez…,p. 16-18.
20.
Cf. M. SOT, «Rhétorique et technique dans les préfaces des gesta episcoporum (IX e-XIIesiècles)»,
Cahiers de civilisation médiévale, 28, 1985, p. 181-200.
21. ISIDORE DESÉVILLE,Etymologiae, I, 43.
22.
HCII, 61, p. 340:
Bene autem officium huius libri cum ethimologia sui concordat vocabuli, cum sane hac de causa
« registrum », quod « retrogesta » vel « res gestas » continat, appeletur.
23. ISIDORE DESEVILLE,Etymologiae, I, 44.
24.
Le transfert du siège épiscopal d’Iria à Compostelle est sanctionné par Rome en 1095, avec la
bulle d’Urbain II,
Et decretum sinodalium, retranscrite enHCI, 5, p. 19-20.
Rives méditerranéennes , Varia
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Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
25.
HCI, prol., l. 24-30:
Reverendus itaque Compostellane sedis episcopus Didacus secundus antiquorum Patrum consuetudinem in
registri compositione imitatus predecessorum suorum gesta, quorum partem ipse propriis oculis viderat,
partem vero a personatis et authoritatis viris frequenti auditione veraciter didicerat, ab exordio huius
apostolice sedis scribi et ad memoriam revocari commendavit…;
et l. 39-40:Sua quoque gesta suorum predecessorum gestis in hoc registro subnotari curavit…
26. Cf. M. SOT,« Rhétorique et technique…», p. 195.
27. Cf. B. GUENEE,Histoire et culture historique…, p. 27.
28.
HCI, prol., l. 30-34, p. 4-5: …
ut quicquid in eis laudabile et immitabile diligens lector inveniret, laudare et studiose immitari satageret,
et e contrario, si quid in eisdem vituperabile et reprehensibile inspiceret, vituperare et reprehendere ad
aliorum correctionem et emendationem non cessaret.
29. HCII, prol., p. 219, l. 22 etHCI, prol., p.5, l. 42-43.
30.
HCII, 61, l. 3-7, p. 339:
Dominus ac Redemptor volens iter nostre operationis inoffenso pede dirigere docet nos, ne, qui ad
exemplum bone actionis pastorali cura ceteros debemus instruere, aliquando bona, que agimus, occultantes
lucernam sub modio convincamur abscondere: « Nemo - inquit - accendit lucernam
et ponit sub modio ».(Matt. 5, 15).
31.
HCI, prol., l. 23-24:Quecumque scripta sunt, ad nostram doctrinam scripta sunt
. D’après B. Guénée, cette citation apparaît fréquemment dans les préfaces médiévales.
32. HCI, prol., l. 7-8:ne… in foveam oblivionis labefierent.
33. HCII, prol., l. 8-9:Humanas laudes oblivionis nube obtegere opere pretium neutiquam arbitramur.
34.
HCIII, prol., l. 5-7, p. 419:
virorum illustrium gesta et probitates ab interitu oblivionis nequaquam defenduntur, nisi per scripturam
aut alio modo memorie commendentur…
35. B. GUENEE,Histoire et culture historique…, p. 361.
36.
HCI, 3,Verba auctoris(p. 17)
: Preceptis domini Didaci secundi Compostellane sedis episcopi libenti et devoto animo obtemperans ipsius
predecessorum gesta, quam veridissime potui, hucusque pagine commendavi. Nunc vero ipsius reverendi
episcopi successus, quos in hoc honore habuit, et adversa, que in eodem pertulit… describere et ad
posterorum memoriam revocare divina preveniente gratia aggrediar.
37.
HCI, prol., l. 49-51: …
[Didacus Gelmirides] hoc registrum fieri iussit duobus voluminibus comprehensum, quorum unum de
episcopatu, alterum vero de archiepiscopatu intitulatur.
38.
HCI, prol., l. 18-19: …
auditorum mentes et vite doctrina et morum disciplina instruuntur et ad bonarum operationum studia
excitantur…
39. M. SOT,«Rhétorique et technique…», p. 193.
40.
Au début du chap. I, 46 (p. 84), Gérald s’adresse au lecteur désireux de connaître toutes les
hereditates, ecclesiae et villaeacquises par le prélat, en ces termes:
eum ad scripturarum cognitionem in thesauro beati Iacobi ecclesie repositam et reservatam ire precipimus.
41.
M. SOT,Gesta episcoporum, gesta abbatum
, Typologie des Sources du Moyen Age Occidental, 37, Brepols, 1981, p. 18
42. Cf. A.-L. BARBANES,Images et pouvoirs de Diego Gelmírez…, p. 74-80.
43. Cf.HCI, 1, p. 7-8 et I, 2, p. 9.
44.
Cf.Dictionnaire d’archéologie chrétienne et de liturgie, dir. par CABROLet LECLERCQ
, Paris, 1903-1953, tome V, p. 412.
45.
HCII, prol., l. 28-31:
Vobis autem diu et feliciter vivere et ecclesie vestre diu feliciter preesse, michi quoque de vobis laudem
scribere omnium bonorum tributor tribuat.
Rives méditerranéennes , Varia
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Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
46.
Cf.HC
I, 15, p. 31-36. Dans le discours que le chapelain prête à Diego Gelmírez, le prélat s’adresse à ses
clercs en ces termes:
Si ergo vestra nobis consuluerit prudentia, hoc emendare curabimus et quedam pretiossorum corpora
sanctorum, quibus nullus hic exhibetur cultus, ad Compostellanam sedem transferre studebimus.
47. B. GUENEE,Histoire et culture historique…, p. 248-274.
48.
Cf.HCI, prol.; l. 5-6, p. 3:
Didacus Dei gratia Compostellane sedis archiepiscopus iussit hunc librum fieri et in thesauro beati Iacobi
reponi…
49.
Cf. M. C. DIAZ Y DIAZ, «Le Liber sancti Iacobi»,
Saint-Jacques-de-Compostelle. Mille ans de pèlerinage en Europe,
dir. par CAUCCI VON SAUCKEN, Desclée de Brouwer, 1993, p. 52. D’après l’auteur, les notes de
voyage ayant servi de base à la rédaction du
Guideont été prises vers 1130 et le texte est achevé avant 1150.
50. Cité dansHC, p. XXVII.
51. Cf.HC, p. 559-562.
52. Cf.HCI, 20, p. 47-49.
53. Cf.HCI, 96, p. 155-160.
54. R. MENENDEZPIDAL,La España del Cid,Madrid, 1969, p. 919-920.
55.
Ce texte a lui aussi été édité par E. Falque. Cf.Historia Roderici, éd. par E.FALQUEREY, dans
Chronica hispana saeculi XII, CCCM, Brepols, 1990.
On pense, par ex., auxChroniques asturiennes, rédigées entre la fin du IX eet le début du Xe
56.
siècle afin de légitimer la royauté asturienne. Cf. A. RUCQUOI,
Histoire médiévale de la Péninsule ibérique, Paris, Point Seuil, 1990, p. 160.
57.
Dans l’HistoriaRoderici
se trouvent retranscrites des lettres du comte de Barcelone, Raymond Béranger III.
, Paris, Hachette, 1996, p. 158 et
58. Cf. D. MENJOT,Les Espagnes médiévales
A. RUCQUOI,Histoire médiévale
…, p. 326.
59. B. GUENEE,Histoire et culture historique…, p. 359.
60. Cf. A.-L. BARBANES,Images et pouvoirs de Diego Gelmírez…, parties II et III.
61.
Cf. P. LINEHAN,History and historians of Medieval Spain
, Oxford, Clarendon Press, 1993, p. 245-248.
RÉSUMÉS
L’Historia Compostellana
constitue une source fondamentale de l’histoire médiévale hispanique. Composée de trois livres
précédés chacun d’un prologue, il s’agit d’une œuvre de commande, réalisée par deux chanoines
de la cathédrale de Compostelle durant la première moitié du XIIe siècle à la demande de
l’archevêque Diego Gelmirez. Qualifié de
registrum
par ses auteurs, l’ouvrage se conforme, dans sa composition et ses objectifs, à la définition de
l’Histoire exposée par Isidore de Séville dans les
Rives méditerranéennes , Varia
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Écrire l’histoire d’un évêque et de son Église au XIIe siècle : le cas de Die...
Etymologies
: il s’agit à la fois de narrer les « choses faites antérieurement » par les prédécesseurs de Diego
Gelmirez mais surtout de conserver la mémoire des « choses faites » par le prélat, campé comme
un modèle à suivre. Toutes les ressources de la rhétorique et les méthodes de l’historiographie du
XIIe siècle sont alors mises en œuvre pour répondre à ces deux objectifs et faire de cet ouvrage
un élément fondamental du Trésor de Compostelle.
TheHistoria Compostellana
represents an essential source for Hispanic medieval history. Made up of three books, each
introduced by a prologue, it was a commissioned work realised by two canons from the Cathedral
of Compostella during the first half of the 12th century at the request of the archbishop, Diego
Gelmirez. Described by its authors as a registrum, the work conforms in terms of its composition
and its objectives to the definition of history given by Isadora of Seville in the Etymologies: it
entails both narrating “things carried out previously” by Diego Gelmirez’s predecessors and
above all conserving the memory of “things carried out” by the prelate, put forward as a role
model. All the resources of rhetoric and 12th century historiography are used to meet these two
objectives and make the work a key element in the Compostella Treasury.
INDEX
Mots-clés : histoire, Église
Index chronologique : Moyen Âge
Index géographique : Espagne
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