Algèbres et modules Cours et exercices DANS LA M~ME COLLECTION Les différentielles, par F. Pham. 1996, 152 pages. Algèbre linéaire, par R. Goblot. 1996, 288 pages. Calcul des probabilités. Cours et exercices corrigés, par D. Foata et A Fuchs. 1996, 320 pages. Problèmes corrigés d'analyse numérique, par J.-E. Rombaldi. 1996, 304 pages. Algèbre commutative. Cours et exercices résolus, par R. Goblot. 1996, 288 pages. Analyse de Fourier et applications. Filtrage, calcul numérique, ondelettes, par C. Gasquet et P. Witomski. 1995, 2e tirage, 368 pages. Analyse de Fourier et applications. Exercices corrigés, par R. Dalmasso et P. Witomski. 1996, 256 pages. Algèbre pour la licence. Cours et exercices corrigés, par M. Reversat et B. Bigonnet. 1997, 208 pages. Éléments d'analyse fonctionne/le, par F. Hirsch et G. Lacombe. 1997, 348 pages. Exercices de calcul intégral, avec rappels de cours, par J. Benoist et A Salinier. 1997, 224 pages. Théorie de Galois. Cours avec exercices corrigés, par J.-P. Escofier. 1997, 288 pages. Intégration pour la licence. Cours avec exercices corrigés, par J. Gapaillard. 1997, 256 pages. Enseignement des MATHÉMATIQUES Algèbres et modules Cours et exercices Ibrahim ASSEM Professeur agrégé à l'université de Sherbrooke, Canada MASSON Il Les Presses de l'Université Paris Milan Barcelone d'Ottawa DANGER LE PHOTOCOPILLAGE TUE LE LIVRE Ce logo a pour objet d'alerter le lecteur sur la menace que représente pour l'avenir de l'écrit, tout particulièrement dans le domaine universitaire, le développement massif du cc photocopillage », Cette pratique, qui s'est généralisée, notamment dans les établissements d'enseignement, provoque une baisse brutale des achats de livres, au point que la possibilité même pour les auteurs de créer des œuvres nouvelles et de les faire éditer correctement est aujourd'hui menacée. Nous rappelons que la reproduction et la vente sans autorisation, ainsi que le recel, sont passibles de poursuites. Les demandes d'autorisations de photocopier doivent être adressées à l'éditeur ou au Centre français d'exploitation du droit de copie: 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris. Tél. : 01 44 07 47 70. Les Presses de l'Université d'Ottawa tiennent à remercier le Conseil des Arts du Canada, le ministère du Patrimoine canadien et l'Université d'Ottawa pour le soutien constant qu'ils apportent à leur programme éditorial. Données de catalogage avant publication (Canada) Comprend des références bibliographiques et un index. Pour les étudiants du 2e cycle universitaire. Publ. en collab. avec: Masson. ISBN 2-7603-0461-2 (Presses de l'Université d'Ottawa). ISBN 2-225-83148-3 (Masson) 1. Algèbres non commutatives. 2. Algèbre homologique. 3. Modules (Algèbre). 4. Algèbres non commutatives Problèmes et exercices. S. Algèbre homologique - Problèmes et exercices. 6. Modules (Algèbre) - Problèmes et exercices. I. Titre. QA2Sl.4.A87 1997 Sl2'.24 C97-90114S-O Tous droits de traduction, d'adaptation et de reproduction par tous procédés, réservés pour tous pays. Toute reproduction ou représentation intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit des pages publiées dans le présent ouvrage, faite sans l'autorisation de l'éditeur, est illicite et constitue une contrefaçon. Seules sont autorisées, d'une part, les reproductions strictement réservées à l'usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective, et d'autre part, les courtes citations justifiées par le caractère scientifique ou d'information de l'œuvre dans laquelle elles sont incorporées (art. L. 122-4. L. 122-5 et L. 335-2 du Code de la propriété intellectuelle). ©Les Presses de l'Université d'Ottawa, 1997 ISBN Masson: 2-225-83148-3 ISBN PUO: 2-7603-0461-2 MASSONS.A. LES PRESSES DE L'UNIVERSITÉ D'Ü1TAWA 120, bd Saint-Germain, 75280 Paris Cedex 06 542, rue King Edward, Ottawa, Ont. Canada KIN 6N5 Table des matières Introduction 1 Chapitre I : Algèbres 3 1. Structure de K-algèbre 3 12 16 2. Morphismes d'algèbres Exercices du chapitre I Chapitre II: Modules sur une K-algèbre 19 19 25 28 34 37 40 1. Définition et exemples 2. Applications linéaires 3. Suites exactes 4. Théorèmes d'isomorphisme 5. Modules d'homomorphismes Exercices du chapitre II Chapitre III: Catégories de modules 47 2. Produits et sommes directes 47 53 3. Modules libres 4. Catégories linéaires et abéliennes 5. Produits fibrés et sommes amalgamées 60 66 75 6. Équivalences de catégories 80 Exercices du chapitre III 86 1. Catégories et foncteurs Chapitre IV: Foncteurs Hom, modules projectifs et injectifs 1. Exactitude de foncteurs 95 95 iii TABLE DES MATIÈRES iv 2. Modules projectifs 3. Modules injectifs 100 4. Extensions essentielles et enveloppes injectives 110 Exercices du chapitre IV. 115 Chapitre V : Produits tensoriels. Algèbres tensorielle et extérieure 103 119 1. Produit tensoriel de modules 119 2. Propriétés fonctorielles du produit tensoriel 126 3. Théorèmes de Watts 131 4. Algèbre tensorielle, graduations 136 5. Algèbre extérieure, déterminants 139 Exercices du chapitre V 146 Chapitre VI : Conditions de finitude. Modules simples et semisimples 151 1. Modules artiniens et noethériens 151 2. Algèbres artiniennes et noethériennes 154 3. Décomposition en blocs 160 4. Modules simples 165 5. Suites de composition, théorème de Jordan-Holder 166 6. Modules semisimples 170 7. Algèbres semisimples 173 Exercices du chapitre VI 179 Chapitre VII: Radicaux de modules et d'algèbres 183 1. Radical d'un module 183 2. Socle d'un module 188 3. Radical d'une algèbre 189 4. Modules artiniens et algèbres artiniennes 191 5. Radical d'une catégorie K-linéaire 194 6. Modules indécomposables 196 Exercices du chapitre VII 203 Chapitre VIII: Modules projectifs. Équivalences de Morita 205 1. Idempotents et projectifs indécomposables 205 2. Couvertures projectives 210 3. Équivalences de catégories de modules 212 TABLE DES MATIÈRES 4. Dualité et modules injectifs 5. Groupe de Grothendieck et matrice de Cartan Exercices du chapitre VIII Chapitre IX : Foncteurs Ext et Tor 1. Foncteurs d'homologie 2. Foncteurs dérivés 3. Foncteurs d'extension 4. Foncteurs de torsion. 5. Suites exactes courtes et extensions Exercices du chapitre IX Chapitre X : Dimensions homologiques de modules et d'algèbres 1. Dimensions homologiques de modules 2. Dimensions homologiques d'une algèbre Exercices du chapitre X Chapitre XI : Homologie et cohomologie des algèbres 1. Cohomologie de Hochschild d'une algèbre 2. Algèbres séparables Exercices du chapitre XI Chapitre XII : Algèbres héréditaires, tensorielles et auto-injectives 1. Algèbres héréditaires 2. Algèbres tensorielles 2. Algèbres auto-injectives Exercices du chapitre XII V 219 224 227 229 229 236 245 252 260 268 273 273 280 286 289 289 298 304 305 305 309 316 323 Bibliographie 325 Index 327 Introduction Pendant plusieurs années d'affilée, j'ai enseigné deux cours de deuxième cycle à l'Université de Sherbrooke. Ces cours, portant les titres respectifs d"'Algèbre non commutative" et de "Théorie des catégories", sont conçus comme des cours d'introduction pour étudiants postulant une maîtrise en algèbre. Je me suis alors trouvé confronté au problème constitué par l'absence de manuel de cours (a fortiori en français) reflétant exactement l'esprit de ces cours ainsi que mes propres goûts. J'en suis venu à rédiger mes notes de cours. Celles-ci, évoluant au fil des années, sont devenues le volume que voici. En le rédigeant, je m'étais fixé comme but de donner au. lecteur une base solide pouvant être employée aussi bien dans ma propre spécialité (la théorie des représentations des algèbres associatives) que dans plusieurs autres domaines de l'algèbre moderne, comme par exemple la théorie des anneau~, l'algèbre homologique ou la théorie des catégories. Le contenu de ce volume reflète ces choix. Si le fil conducteur en est l'étude des modules sur une K-algèbre (où K est un anneau commutatif, associatif et unifère), il se divise en trois parties. Les chapitres I à V contiennent les notions de base. Les chapitres VI à VIII sont consacrés aux grands théorèmes de structure. Enfin, les chapitres IX à XII portent sur les notions homologiques en théorie des modules. Ce volume pourrait être utilisé comme manuel pour deux cours différents d'un semestre chacun : un cours d'algèbre non commutative (basé sur les deux premières parties) et un cours d'algèbre homologique (basé sur la première et la troisième). Le contenu de ce volume n'est en rien original et a paru sous diverses formes dans plusieurs manuels, dont j'ai donné une liste partielle dans la bibliographie. Ma contribution se limite au choix et à la mise en forme du contenu. Conformément à une tendance bien établie dans mon domaine, l'approche choisie est résolument homologique, d'où l'introduction très tôt du langage catégorique. Cela permet d'unifier la présentation et de donner des preuves plus élégantes et intuitives des résultats de base. Je me suis efforcé de conserver à ce volume son caractère initial, celui de notes de cours. J'ai supposé que le lecteur connaissait déjà les notions d'algèbre ordinairement enseignées au premier cycle dans les universités (voir, par exemple, le premier volume d' Algebra de P.M. Cohn, cité dans la bibliographie). En particulier, 1 2 INTRODUCTION j'ai supposé qu'il connaissait le théorème fondamental de structure des groupes abéliens de type fini et qu'il avait une idée de ce qu'est un module sur un anneau commutatif (même si cette notion est reprise depuis le début). La section V.4 de ce livre n'est utilisée qu'au chapitre VII. Les sections V.3 et V.5 ne sont plus utilisées par la suite et ne sont incluses que pour leur intérêt intrinsèque. La section VIl.5 n'est utilisée que pour prouver VIIl.6.16 et VIll.6.17, qui ne sont plus utilisées par la suite. La section VIII.4 n'est utilisée que pour prouver V.2.14 qui, de même, ne servira plus par la suite. Je voudrais remercier tous ceux qui m'ont permis de mener ce travail à bien. Avant tout, je voudrais exprimer ma gratitude à ma femme Luci, qui m'a permis d'utiliser mes vacances pour rédiger ce volume. Je voudrais remercier mes étudiants Daniel Brodeur, Diane Castonguay, James Castonguay, Chantal Gauvreau, Jasée Hamel, François Huard et Jessica Lévesque, dont les commentaires m'ont permis de grandement améliorer ce texte et de dépister les erreurs qui s'étaient glissées dans une première version. Enfin, je voudrais remercier Sylvie Savage qui s'est acquittée avec compétence et efficacité de la tâche ingrate de dactylographier ce texte, ainsi que l'Université de Sherbrooke pour son soutien financier. Ibrahim Assem Sherbrooke, avril 1995 CHAPITRE 1 Algèbres L'étude de l'algèbre élémentaire se résume à celle des polynômes et des matrique l'on suppose généralement associatif, ces à coefficients dans un anneau commutatif et unifère. Ces deux ensembles ont en commun d'être munis d'une structure de K-module ainsi que d'une multiplication K-bilinéaire, en faisant ce qu'on appelle des K-algèbres ou algèbres sur K. La structure d'algèbre est une généralisation naturelle de celle d'anneau : on verra en effet que toute algèbre est en particulier un anneau tandis que, réciproquement, tout anneau peut être considéré comme une algèbre sur son centre (et, en fait, sur tout sous-anneau de son centre). Dans ce chapitre d'introduction, nous définissons la structure d'algèbre, étudions ses propriétés les plus élémentaires et présentons plusieurs exemples. K: 1. Structure de K-algèbre Nous commençons par rappeler brièvement les définitions d'un anneau commutatif, d'un module et d'une application linéaire. Un anneau K est un ensemble muni de deux opérations K x K --+ K notées respectivement + et ·, et appelées respectivement l'addition et la multiplication de l'anneau telles que (1) K muni de l'addition (a, b) 1-+ a+ b est un groupe abélien, c'est-à-dire vérifie les axiomes : (i) a+ (b + c) =(a+ b) + c pour tous a, b, c E K. (ii) a+ b = b +a pour tous a, b E K. (iii) Il existe un élément neutre 0 ou OK pour l'addition de K, c'est-àdire que pour tout a E K, on a a+O = O+a =a. {iv) À chaque élément a E K est associé son opposé, ou négatif (-a) K qui satisfait à a+ (-a) = (-a) +a = O. 3 E 1. ALGÈBRES 4 (2) La multiplication (a, b) 1-+ a· b ou ab de K est doublement distributive sur l'addition +, c'est-à-dire que l'on a a(b + c) = ab+ ac et (b + c)a = ba + ca pour tous a, b, c E K. Dans ces notes, on supposera toujours que K est un anneau associatif et unifère, c'est-à-dire que la multiplication de K satisfait aux axiomes : (i) a(bc) = (ab)c pour tous a, b, c E K. (ii) Il existe un élément neutre 1 ou lK pour la multiplication de K, c'està-dire que pour tout a e K, on a a·l=l·a=a. En d'autres termes, K muni de sa multiplication est un monoïde. L'élément 0 est appelé le zéro de K, l'élément 1 son identité. Si la multiplication de K est commutative, on dit que K est un anneau commutatif. Si tout élément non nul de K admet un inverse pour la multiplication, on dit que K est un corps commutatif. Par la suite, et sauf mention expresse du contraire, la lettre K désignera toujours un anneau commutatif. On peut donc par exemple prendre K égal à Z (anneau des entiers) ou bien à un corps commutatif tel que Q (corps des rationnels), ~ (corps des réels) ou C (corps des complexes). Un anneau qui n'est pas commutatif et dans lequel tout élément non nul admet un inverse pour la multiplication est appelé un corps gauche. Étant donné un anneau commutatif K, un K-module M est un ensemble muni de deux opérations, la première Mx M -+ M étant notée + et appelée l'addition, et la seconde Mx K-+ M étant notée·, et appelée la multiplication externe (à droite}, telles que : (1) M muni de l'addition (x, y) 1-+ x +y est un groupe abélien, c'est-à-dire vérifie les axiomes : (i) x +(y+ z) = (x +y)+ z pour tous x, y, z e M. (ii) x +y= y+ x pour tous x, y e M. (iii) Il existe un élément neutre 0 ou ÜM pour l'addition, c'est-à-dire que pour tout x E M, on a x+O = O+x =x. (iv) À chaque élément x E M est associé son opposé, ou négatif (-x) E M qui satisfait X + (-X) = (-X) + X = Ü. (2) M muni de la multiplication (x, a) 1-+ x ·a ou xa vérifie les axiomes : (i) x(ab) = (xa)b pour tous x E Met a, be K (associativité mixte). (ii) x · 1 = x pour tout x e M. (3) La multiplication externe est doublement distributive sur l'addition, c'est-à-dire que l'on a (i) x(a + b) = xa + xb pour tous x e Met a, be K. 1. STRUCTURE DE K-ALGÈBRE 5 (ii) (x + y)a = xa + ya pour tous x, y E Met a E K. Si K = Z, un K-module n'est donc autre qu'un groupe abélien, tandis que, si K est un corps commutatif, un K-module est un K-espace vectoriel. Pour deux K-modules Met N, une application f: M--+ N est dite K-linéaire (ou homomorphisme de K -modules, ou encore morphisme de K-modules) si, pour tous x, y E M et a, b E K, on a f(xa + yb) = f(x)a + f(y)b. Après ce bref rappel, nous en venons à la définition d'algèbre. DÉFINITION. On appelle K-algèbre (ou algèbre sur K, ou simplement algèbre lorsque aucune confusion n'est à craindre) un ensemble A muni de deux opérations internes, la première étant notée + et appelée l'addition, et la seconde étant notée · et appelée la multiplication, ainsi que d'une multiplication externe {à droite) A x K--+ A, également notée· et telles que: (1) A muni de son addition (a,b) ~a+ b et de sa multiplication externe (a, a) ~ a· a ou aa est doté d'une structure de K-module (à droite) c'est-à-dire vérifie les axiomes : (i) a+ (b + c) = (a+ b) + c pour tous a, b, c E A. (ii) a+ b = b + a pour tous a, b E A. (iii) Il existe un élément neutre 0 ou OA pour l'addition, c'est-à-dire que, pour tout a E A, on a a+O = O+a =a. (iv) À chaque élément a E A est associé son opposé, ou négatif (-a) E A qui satisfait à a+ (-a) = (-a) +a = O. (v) a(a/3) = (aa)/3 pour tous a E A et a, f3 E K. (vi) a· 1 =a pour tout a E A. (vii) (a+ b)a = aa + ba pour tous a, b E A et a E K. (viii) a(a + /3) = aa + a/3 pour tous a E A et a, f3 E K. (2) A muni de sa multiplication (a, b) ~ a· b ou ab satisfait les propriétés suivantes: (i) a(b + c) = ab + ac pour tous a, b, c E A. (ii) (a+ b)c =ac+ be pour tous a, b, c E A. (iii) (ab)a = a(ba) = (aa)b pour tous a, b E A et a E K. En d'autres termes, A est à la fois un K-module et un anneau, et le dernier axiome (2)(iii) exprime que ces deux structures sont compatibles. L'anneau K étant commutatif, une K-algèbre A est aussi munie canoniquement d'une structure de K-module à gauche : en effet, on définit une multiplication à gauche K x A--+ A par (a, a) ~ aa pour tous a E A et a E K. On dira simplement que A est un K-module. Lorsque le produit de A admet une identité, c'est-à-dire s'il existe un élément 1 ou lA dans A tel que a· 1 = 1 ·a = a pour tout a E A, on dit que A est une K -algèbre unifère. Lorsque le produit de A est associatif, c'est-à-dire si 1. ALGÈBRES 6 a(bc) = (ab)c pour tous a, b, c E A, on dit que A est une K-algèbre associative. Enfin, lorsque le produit de A est commutatif, c'est-à-dire si ab= ba pour tous a, b e A, on dit que A est une K -algèbre commutative. Notre objectif est l'étude des algèbres associatives et unifères. Par la suite, le terme "algèbre" désignera donc toujours une algèbre associative et unifère. On voit immédiatemment que l'anneau de base K ainsi que l'anneau K(t] des polynômes à une indéterminée t à coefficients dans K sont des exemples de K-algèbres. De même, l'ensemble à un élément {O} est évidemment muni d'une structure de K-algèbre, dite triviale. Ces trois exemples sont des exemples de K-algèbres commutatives. Nous verrons plus loin plusieurs autres exemples d'algèbres, commutatives ou non. Une K-algèbre étant en particulier un anneau et un K-module, toute propriété arithmétique d'une de ces structures est également valable dans une K-algèbre. On a ainsi, dans une K-algèbre A : (i) a{-b} = (-a)b =-(ab} pour tous a, b E A. (ii) (-a){-b) =ab pour tous a, b E A. {iii) a(b- c) =ab- ac et (a - b}c =ac - be pour tous a, b, c E A. (iv) DA· a= a· OA = OA pour tout a E A, et OA ·a= OA pour tout a E K. {v) a· OK = OA pour tout a E A. (vi} a· (-a)= (-a)· a= -(aa) pour tous a E A et a E K. {vii} Si {a.xheA et (.Bu)ueE sont deux familles d'éléments de K et {a.xheA et (bu }ueE sont deux familles d'éléments de A telles que les familles {a,xa.xh.eA et (bu.Bu)ueE d'éléments de A sont à support fini {c'est-à-dire telles que les ensembles {À E A 1 a,xa,x =F O} et {O' E E 1 bu.Bu =F O}, respectivement, sont finis}, alors on a les formules générales de distributivité: Les démonstrations des propriétés précédentes sont élémentaires et peuvent être laissées au lecteur. Une remarque importante doit être faite au sujet de (vii). Chaque fois que nous considérerons une somme de la forme x,x, il sera L .Xe A nécessaire de spécifier que la famille {x.xheA est à support fini, c'est-à-dire telle que l'ensemble {À E A 1 x.x =F O} est fini (ou, ce qui revient au même, telle que tous les x,x, sauf au plus un nombre fini, sont nuls). Cette condition est en effet x.x ait un sens . nécessaire pour que la somme L .XEA Si K est un corps commutatif, toute K-algèbre A est en particulier un Kespace vectoriel. On peut donc parler de sa dimension, notée dimK A, et définie comme étant la cardinalité d'une base du K-espace vectoriel A. L'algèbre A est dite de dimension finie si dimK A < oo. Si dimK A = n < oo et {e 11 e2 , ••• , en} est une base du K-espace vectoriel A, il existe une famille unique ht 11 ~ i,j, k ~ n} d'éléments de K tels que, pour chaque paire (i,j) avec 1 ~ i,j ~ n, 1. STRUCTURE DE K-ALGÈBRE 7 on a n eie; = L 1tek. k=l Les 1t sont appelées les constantes de structure de l'algèbre A par rapport à la base donnée {ei, e2, ... , en}, et les relations précédentes constituent la table de multiplication de A (relativement à cette base). Réciproquement, toute Kalgèbre de dimension n peut être réalisée, à un isomorphisme près (la notion, par ailleurs évidente, d'isomorphisme d'algèbres est définie rigoureusement dans la section 2), par un choix des 1t. Il s'ensuit que, pour tout corps commutatif K et tout nombre naturel n ;::: 1, le nombre cardinal de l'ensemble des classes d'isomorphisme de K-algèbres de dimension n est plus petit ou égal à (cardK)n8 • En particulier, il est fini si K est un corps fini. Notons, pour terminer, que les constantes de structure ne sont pas arbitraires : en effet, les relations d'associativité ei(e;ek) = (eie;)ek impliquent que l'on a, pour tous i,j, k etm n n l=l l=l 2: "Yf;1rtc = 2: r;k 1~. Afin d'éclaircir la relation entre une K-algèbre A et son anneau de base K, nous allons montrer que la donnée d'une structure de K-algèbre sur un anneau A équivaut à la donnée d'un homomorphisme d'anneaux de K dans le centre Z(A) ={a E A 1 ab= ba pour tout b E A} de A. Rappelons que, si K,K' sont deux anneaux, une application cp: K-+ K' est un homomorphisme d'anneaux si cp(a + .B) = cp(a) +cp(,B), cp(a.B) = cp(a)cp(,B) pour tous a, .B E K et cp(lK) = lK'. PROPOSITION 1.1. {i) Soit A une K-algèbre. L'application cp : K -+ A définie parcp: a 1-+ lA ·a (pour a E K) est un homomorphisme d'anneaux dont l'image est contenue dans le centre Z(A) de A. (ii) Soient A un anneau et cp: K-+ Z(A) un homomorphisme. La multiplication externe A x K-+ A définie par (a,a) 1-+ acp(a) {pour a E A, a E K) confère à A une structure de K -algèbre. DÉMONSTRATION. (i) Il est facile de vérifier que cp est un homomorphisme d'anneaux. Pour prouver que cp(a) E Z(A) pour tout a E K, prenons un a E A arbitraire, alors acp(a) = = = = = = a (lA ·a) (aa) · lA aa lA · (aa) (lAa) ·a cp(a)a. Notons qu'à la deuxième et à la cinquième égalité, on a utilisé la compatibilité des multiplications interne et externe de A. 1. ALGÈBRES 8 (ii) II est facile de vérifier que la multiplication externe donnée définit bien une structure de K-module. Il reste à montrer la compatibilité de cette structure avec la structure d'anneau de A. Soient donc a,b E A et a E K. On a a(ba) = = = a (bcp(a)) a (cp(a)b) (acp(a)) b (aa)b puisque cp(a) E Z(A). De même (ab)a = (ab)cp(a) a (bcp(a)) a(ba). D Par exemple, l'anneau commutatif Zn des entiers modulo n est une Z-algèbre : on prend l'homomorphisme cp : Z --+ Zn défini par a 1-+ a, la classe de a modulo n. Comme, avec les hypothèses de la proposition, on a cp (OK) = DA et cp (lK) lA, on peut identifier les zéros de K et de A, ainsi que leurs identités. On notera simplement 0 et 1, respectivement, ce zéro et cette identité. Il suit évidemment de la proposition que tout anneau A est une Z-algèbre (on définit cp: Z--+ Z(A) par n 1-+ nlA) et aussi que tout anneau est une algèbre sur (tout sous-anneau de) son centre. Observons également que si K est un corps, alors cp : K --+ A est nécessairement injective et donc K peut être identifié à un sous-anneau de A. Afin d'énoncer les définitions suivantes, on rappelle que, si M est un K:. module, une partie N Ç M en est un sous-module si N est elle-même un module pour les opérations héritées de M. = DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Une sous-algèbre B de A est un sousK-module de A, stable pour la multiplication de A et contenant l'identité de A. En effet, la multiplication de A induit alors, par restriction à B x B, une structure de K-algèbre sur B. Il est clair que toute intersection de sous-algèbres de A est une sous-algèbre de A. L'intersection des sous-algèbres de A contenant une partie donnée X Ç A est donc une sous-algèbre, dite engendrée par X. D'autre part, si A est commutative, il en est de même de toute sous-algèbre de A. DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Un idéal à droite (ou à gauche) 1 de A est un sous-K-module de A tel que x E 1 et a E A entraînent xa E 1 (ou ax E 1 respectivement). Un idéal bilatère 1 de A est une partie qui est à la fois un idéal à droite et un idéal à gauche. Considérant un anneau comme une Z-algèbre, on a là les définitions classiques d'idéal à droite, à gauche et bilatère d'un anneau. Il est important de remarquer que, pour toute K-algèbre A, la notion d'idéal à droite (ou à gauche, ou bilatère) 1. STRUCTURE DE K-ALGÈBRE 9 de l'anneau A coïncide avec la notion d'idéal à droite (ou à gauche, ou bilatère) de l'algèbre A : en effet, cela résulte de ce que, pour a E K et a E A, on a aa = a(l ·a) = {1 · a)a. Les idéaux {bilatères) 0 et A d'une K-algèbre A sont parfois dits impropres (tout autre idéal étant alors dit propre). Si (I.xheA est une famille d'idéaux à droite (ou à gauche, ou bilatères) de A, il en est de même de leur intersection n.xeA I.x et de leur somme h {laquelle est, par définition, l'ensemble des L .\EA sommes L x.x avec (x.xheA une famille d'éléments de A à support fini telle .\EA que x.x E I.x pour tout À E A). L'intersection des idéaux à droite (ou à gauche, ou bilatères) contenant une partie donnée X Ç A est donc un idéal à droite (ou à gauche, ou bilatère, respectivement) dit engendré par X et noté {X}. Soient 1, J deux idéaux bilatères de A. L'ensemble IJ des sommes x,xy,x (où L .\EA {x.xheA et (Y.xheA sont respectivement des familles d'éléments de 1 et J telles que (x.xy.xheA soit à support fini) est un idéal bilatère de A, appelé produit de 1 et J. EXEMPLES 1.2. (a) Soit K = R Mentionnons deux exemples importants de IR.-algèbres. L'algèbre C des complexes est la IR.-algèbre de dimension 2 munie d'une base {1, i} telle que i 2 = -1. L'algèbre llil des quaternions d'Hamilton est la IR.-algèbre de dimension 4 munie d'une base {1, i, j, k} telle que i 2 = j 2 = k 2 = -1, ij = -ji = k, jk = -kj = i, ki = -ik = j. Notons que C est commutative, alors que nn ne l'est pas. (b) Soit A une K-algèbre. On note Mn(A) l'ensemble des n x n matrices à coefficients dans A. Si on munit Mn(A) des opérations matricielles ordinaires, on voit immédiatemment que Mn(A) est une K-algèbre. Un rôle particulier est joué par les matrices ei; E Mn(A) définies par la condition que eij admet pour coefficient 1 à l'intersection de la ligne i et de la colonne j, et 0 partout ailleurs. En effet, si a= [ai;] E Mn(A), alors n a= L ei;ai; i,j=l (toute matrice est une combinaison linéaire des vérifie d'autre part de suite que l'on a e··ekl - { IJ - eil 0 ei;, à coefficients dans A). On si j = k Sij::f:k {où 0 désigne la matrice nulle). Soit A un corps, peut-être gauche. Alors {ei; l 1 ::::; i, j ::::; n} est évidemment une base de Mn(A) en tant que A-espace vectoriel. On a donc dimA Mn(A) = n 2 • En outre, dans ce cas, Mn(A) est une K-algèbre simple, c'est-à-dire n'admettant pas d'idéal bilatère propre. Soit en effet 1 un idéal bilatère de Mn(A). On suppose 1 ::/: 0 et on veut montrer que 1 = Mn(A). Prenons a= [akzl E Mn(A). 10 1. ALGÈBRES Comme I =F 0, il existe 0 =F b = [bki) El. Supposons br8 =F O. Pour toute paire {i,j) avec 1 :5 i,j :5 n, on a (puisque I est un idéal bilatère). Par conséquent n a= L e;,;ai; E I. i,j=l Par contre, sin > 1, l'algèbre Mn(A) admet des idéaux à droite {ou à gauche) propres : en effet, pour tout 1 :5 i :5 n, l'idéal à droite euMn(A) = {eiia 1 a e Mn{A)} est évidemment propre. De même, l'idéal à gauche Mn(A)eu est propre. {c) La partie Tn(A) de Mn(A) définie par Tn(A) = {a = [aï;] E Mn(A) 1 ai; = 0 pour j > i} est une sous-algèbre de Mn(A), dite algèbre des matrices triangulaires inférieures. Un autre exemple de sous-algèbre de Mn(A), dans le cas n·= 3, est fourni par l'ensemble muni des opérations matricielles ordinaires. En fait, B est aussi une sous-algèbre · de Ta(A). {d) Soit E un ensemble fini partiellement ordonné par$. L'algèbre d'incidence K E de E est l'ensemble des combinaisons linéaires des paires (i, j) E E x E avec j :5 i, à coefficients dans K, où le produit de deux telles paires est défini par (i ")(k l) = {(i,l) si j = k, '3 ' 0 sij:f:k et se prolonge aux autres éléments de K E par distributivité. Il est par exemple immédiat (en comparant avec {1.2)(b) plus haut) que si E = {1,2, ... ,n} est ordonné par l'ordre naturel, alors KE est isomorphe à l'algèbre Tn(K). (e) Soit G un groupe fini. L'algèbre du groupe KG est l'ensemble des combinaisons linéaires des éléments de G à coefficients dans K, où le produit de g e G par h e Gest leur produit gh dans G et s'étend aux autres éléments de KG par distributivité. En d'autres termes, si ga.9 et hf3h sont deux éléments de L L gEG hEG KG, on a (f) Soit Mun K-module. L'ensemble EndK M des applications K-linéaires de M dans lui-même (ou endomorphismes de M) admet une structure de K-algèbre 1. STRUCTURE DE K-ALGÈBRE 11 pour les opérations suivantes (f + g)(x) = f(x) + g(x) (/o:)(x) = f(x)o: (f g)(x) = f(g(x)) pour tous f,g E EndK M, x E M et o: E K. L'identité de EndK M est l'application identique lM : x 1-+ x (pour x E M). On définit sur M une multiplication externe (à gauche) EndK Mx M---+ M par(/, x) 1-+ f(x) {l'évaluation). Cette multiplication confère à M une structure de EndK M-module à gauche, laquelle est compatible avec la structure de K-module à droite f(xo:) = f(x)o: = (/{x))o: (pour x E M, f E EndK M, o: E K) puisque f est K-linéaire. (g) Soient Ai, A2, ... , An des K-algèbres. L'ensemble produit n II Ai= {{ai, a2, ... , an) 1 ai E Ai} i=l admet une structure de K-algèbre pour les opérations suivantes: (a1, a2, ... 'an)+ (bi, b2, ... 'bn) = (a1 + bi, a2 + b2, ... 'an+ bn) (a1, a2, ... , an) o: = (a10:, a2o:, ... , ana:) (ai, a2, ... 'an) (bi, b2, ... 'bn) = (a1b1, a2b2, ... 'anbn) n pour tous ai,bi E Ai {où 1 ~ i ~ n) et o: E K. On dit que II Ai est l'algèbre i=l produit de Ai, A2, ... , An. {h) Soient A une K-algèbre et 1 un idéal bilatère de A. Il est facile de voir que l'ensemble A/1 des classes résiduelles modulo 1 de la forme a+l = {a+x 1xE1} {où a E A) est muni d'une structure canonique de K-module par (a+ l)o: + (b + 1){3 = (ao: + b{j) + 1 (pour tous a, b E A et o:, {3 E K) et d'une structure canonique d'anneau par (a+ l)(b + 1) = ab+ 1 (pour tous a, b E A). Il se fait que ces deux structures sont compatibles, en effet, si a, b E A et o: E K, on a ((a+ l)(b + 1)) o: = = = = (ab+ l)o: (ab)o: + 1 a(bo:) + 1 (a+ l)(bo: + 1). De même, (a+l)(bo:+l) = (ao:+l)(b+l). Par conséquent, A/1 est muni d'une structure canonique de K-algèbre. On dit que A/1 est l'algèbre quotient de A par 1. 1. ALGÈBRES 12 (i) À toute algèbre A correspond son algèbre opposée A0 P qui est munie de la même structure de K-module que A (en particulier a le même ensemble sousjacent), mais dont la multiplication * est définie par a* b = ba (pour tous a, b E A). Il est clair que A est commutative si et seulement si elle coïncide avec son opposée. Il existe, bien entendu, beaucoup d'autres exemples. Nous en verrons quelques-uns dans les exercices. 2. Morphismes d'algèbres DÉFINITION. Soient A,B deux K-algèbres. Un morphisme, ou homomorphisme, de K -algèbres de A dans B est une application cp : A --+ B telle que : (i) cp (ai + aa) = cp (ai) + cp (a2) (ii) cp(aa) = cp(a)a (iii) cp (aia2) = cp (ai) cp (a2) (iv) cp(l) = 1 pour tous ai,a2 E A et a E K. En d'autres termes, cp est un morphisme de K-algèbres si et seulement si cp est K-linéaire et est un homomorphisme d'anneaux. Si A est une K-algèbre, un morphisme d'algèbres cp : A --+ A est parfois appelé un endomorphisme de A. Il est clair que l'identité lA : A--+ A est un morphisme d'algèbres et que la composition de deux morphismes cp : A --+ B et 'l/J : B --+ C de K-algèbres est aussi un morphisme de K-algèbres de A dans C, que l'on note ,,Pep ou 'l/J o cp. DÉFINITION. Un morphisme de K-algèbres cp: A--+ Best appelé un isomorphisme s'il existe un morphisme 'l/J : B --+ A tel que cp o 'l/J = ls et 'l/J o cp = lA. Les algèbres A et B sont alors dites isomorphes, ce que l'on note A.=. B. On voit que, si cp : A --+ B et 'l/J : B --+ A sont comme dans la définition précédente, alors 'l/J est aussi un isomorphisme et est uniquement déterminé par cp : en effet, si ,,P', ,,P": B--+ A sont des morphismes d'algèbres tels que 'f/J'cp = lA et cp'l/J" = ls, on a 'l/J 1 = 'f/J'ls = 1// (cp'f/J") = ('l/J' <p)1/J" = lA1/J11 = 1/J11 • L'isomorphisme 1/J : B --+ A est alors appelé l'isomorphisme inverse ou réciproque de cp. On vérifie immédiatemment que la composition de deux isomorphismes est un isomorphisme. Par conséquent, la relation .=. est réflexive, symétrique et transitive. Un isomorphisme de A avec elle-même est parfois appelé un automorphisme. LEMME 2.1. Soit cp : A --+ B un morphisme de K -algèbres. Alors cp est un isomorphisme si et seulement si cp est bijectif. 2. MORPHISMES D'ALGÈBRES 13 DÉMONSTRATION. La nécessité étant évidente, montrons la suffisance. Soit cp : A --+ B un morphisme bijectif. Pour montrer que cp est un isomorphisme, il faut et il suffit de montrer que l'application réciproque cp- 1 : B --+ A est un morphisme d'algèbres. Or on a, par exemple, pour bi, b2 E B, cp (cp- 1 (b1) 'P-l (b2)) = cp (cp- 1 (b1)) cp (cp- 1 (b2)) = blb2 et donc cp- 1 (b1) cp- 1 (b2) = cp- 1 (b1b2). Les autres propriétés se vérifient de même. D EXEMPLES 2.2. (a) Soient A, B deux K-algèbres, avec B une sous-algèbre de A. L'inclusion i : B --+ A, définie par b 1-+ b (pour b E B) est un morphisme, appelé inclusion ou injection canonique. (b) Soient A une K-algèbre et I un idéal bilatère de A. L'application 11': A--+ A/I, définie par a 1-+ a+I (pour a,E A) est un morphisme, appelé projection ou surjection canonique. Un morphisme de K-algèbres cp: A--+ B n'étant autre qu'un homomorphisme d'anneaux qui est aussi K-linéaire, les propriétés suivantes sont vérifiées : (i) Imcp = {cp(a) 1 a E A} est une sous-algèbre de B. (ii) cp(O) = O. (iii) cp(-a) = -ip(a) pour tout a E A. (iv) Si A est commutative, Imcp l'est aussi. (v) Le noyau Kercp ={a E A 1 cp(a) = O} est un idéal bilatère de A. (vi) Le morphisme cp est injectif si et seulement si Ker cp =O. Les démonstrations de ces propriétés sont élémentaires et peuvent être laissées au lecteur. Nous arrivons ainsi aux théorèmes d'isomorphisme. Nous aurons besoin de la convention suivante : si par la suite un énoncé affirme l'existence d'une application complétant un diagramme, celle-ci sera représentée en pointillé sur le même diagramme (c'est le cas pour le morphisme ëp dans le théorème suivant). THÉORÈME 2.3. Soit cp : A --+ B un morphisme de K -algèbres. Il existe un unique morphisme ëp : A/Ker cp --+ lm cp rendant commutatif le diagramme "' B iii Î' ---+ A/Kercp ----+ lmcp c'est-à-dire tel que cp = iëp11'. Ici, i: lmcp--+ B désigne l'inclusion canonique et 11' : A --+ A/ Ker cp la projection canonique. En outre, ëp est un isomorphisme (et donc A/Kercp=+ Imcp). DÉMONSTRATION. Posons I = Kercp. Un élément de A/I est de la forme a+ I = 7r(a), où a E A. On doit donc avoir ëp(a + I) = cp7r(a) = (icp7r)(a) = cp(a). 1. 14 ALGÈBRES Ceci montre l'unicité de ip. Son existence découle du fait que la formule précédente définit bien une application A/1 - lm cp : en effet, a+ 1 = b + I implique a - b E I et donc cp(a - b) = 0 (car I = Kercp), par conséquent cp(a) = cp(b). Il est facile de vérifier que ip est bien un morphisme d'algèbres. Comme il est clair que ip est surjectif, montrons qu'il est injectif. Si ip(a+l) = 0, alors cp(a) = O. Par conséquent, a E 1 et donc a+ 1 = 1. D En particulier, si cp: A - Best un morphisme surjectif, alors,,= ls, et donc ip définit un isomorphisme d'algèbres A/Ker cp .::+B. Le second théorème est une application directe du premier. Notons que si B est une sous-algèbre d'une K-algèbre A et 1 est un idéal bilatère de A, l'ensemble B + 1 = {b +X 1 b E B, X E 1} est une sous-algèbre de A, dont 1 est un idéal bilatère. D'autre part, B n 1 est un idéal bilatère de B. Les démonstrations de ces énoncés sont élémentaires et laissées au lecteur. THÉORÈME 2.4. Soient A une K -algèbre, B une sous-algèbre et 1 un idéal bilatère de A. On a un isomorphisme de K-algèbres (B + I)/1-=+B/(Bn1). DÉMONSTRATION. Il suffit, d'après (2.3), de construire un morphisme surjectif cp: B + I - B/(B n 1) dont le noyau est 1. Posons, pour b E B et x E 1, cp(b+x)=b+Bnl. Il faut vérifier que cette définition n'est pas ambiguë. Or b + x = b' + x' (avec b, b' E B et x, x' E 1) implique b - b' = x' - x E (B n 1) et donc b + (B n 1) = b' + (B n I). On vérifie immédiatemment que cp est un morphisme. Enfin, comme cp(b + x) = B n 1 si et seulement si b E (B n 1) Ç 1 si et seulement si b + x E I, on a bien Kercp = 1. D Une autre preuve de (2.4) partirait du morphisme 1/J: B - (B + 1)/1 donné par b 1---t b + 1, et consisterait à vérifier que 1/J est un morphisme surjectif de noyau Bnl. THÉORÈME 2.5. Soient A une K-algèbre, 1, J deux idéaux bilatères de A tels que 1 Ç J. Il existe un unique morphisme cp : A/1 - A/ J rendant commutatif le diagramme A /~ "' A/1 - - - - - - A/ J c'est-à-dire tel que cp7r1 = 'TrJ. Ici, 'TrJ et 'TrJ désignent les projections canoniques respectives. En outre, cp est surjectif et son noyau est l'idéal bilatère J / 1 de A/ I. Il induit donc un isomorphisme de K -algèbres (A/ I) / ( J / I) .::+A/J. 2. MORPHISMES D'ALGÈBRES 15 DÉMONSTRATION. Un élément de A/I est de la forme a+ I = 11"1(a) (où a e A). On doit donc avoir cp(a + I) = cp11'1(a) = 11'J(a) =a+ J. Ceci montre l'unicité de cp. Son existence s'explique par le fait que la formule précédente définit bien une application A/I --+ A/ J : en effet, a + I = b + I implique a - b E I Ç Jet donc a+ J = b + J. On vérifie facilement que cp est un morphisme d'algèbres. Comme il est clair que cp est surjectif, calculons son noyau. On a a+l e Kercp si et seulement si a+ J = J, c'est-à-dire a e J et donc a+ I e J / I. Cela montre que Ker cp = J / 1. Le dernier énoncé résulte de (2.3). D THÉORÈME 2.6. Soient A une K -algèbre, I un idéal bilatère de A et 11' : A --+ A/I la projection canonique. L'application J 1-+ 11'(J) est une bijection croissante de l'ensemble ordonné par inclusion des idéaux à droite (ou à gauche, ou bilatères} de A contenant I sur l'ensemble des idéaux à droite (ou à gauche, ou bilatères, respectivement) de A/I. La bijection réciproque est 11'- 1 • DÉMONSTRATION. Soit J un idéal à droite de A contenant I. Il est clair que 11'(J) = Jf I = {x + I 1 x E J} est un idéal à droite de A/I. En outre, on a que 11'-l (11'(J)) ;;;2 J. Montrons l'inclusion inverse. Un élément a e A appartient à 11'-l (11'(J)) si et seulement s'il existe x E J tel que 11'(a) = 11'(x), c'est-à-dire a - x E Ker11' = I Ç J, par conséquent a E J. Cela montre bien que 11'- 1 (11'(J)) = J. Réciproquement, si J est un idéal à droite de A/J, il est clair que 11'-l (J) = {x E A 1 x + I E J} est un idéal à droite de A contenant I = 11'- 1 (0). D'autre part, 11' étant surjectif, on a 11' (11'- 1 (J)) = J. On montre de même l'énoncé pour les idéaux à gauche ou bilatères. D On termine par un exemple classique. Soient K un corps, et K[t] l'algèbre des polynômes en t. Fixons un scalaire À e K. Le théorème de la division pour les polynômes implique que tout p e K[t] s'écrit p = (t - À)q + p(À) où q E K[t] est de degré plus petit que celui de p, et p(À) E K est l'évaluation du polynôme p en À. L'application K[t] --+ K définie par p 1-+ p(À) est un morphisme de K-algèbres, ainsi qu'il est aisé de le vérifier. Il est surjectif (car tout a E 1( est l'image du polynôme constant égal à a) et son noyau est l'idéal de K[t] engendré part - À. Il suit de (2.3) que l'on a K[t]/ (t - À}-=. K. D'autre part, étant un corps, K n'a pas d'idéaux propres. Par conséquent, il résulte de (2.6) que K[t] n'a pas d'idéaux propres contenant strictement (t - À} : on exprime cela en disant que (t - À} est un idéal maximal de K[t] (voir l'exercice 5). 1. ALGÈBRES 16 Exercices du chapitre 1 1. Soit A une K-algèbre associative et non unifère. Considérons l'ensemble A= A x K = {(a,a) 1 a E A,a E K} muni des opérations suivantes : (a, a)+ (b, .B) =(a+ b, a+ ,8) (a, a),8 = (a,8, a,8) (a,a)(b,,8) = (ab+a,B+ba,a,8) (où a, b E A et a, ,8 E K). Vérifier que A est une K-algèbre associative admettant (0, 1) comme identité. 2. Soit G un monoïde multiplicatif (c'est-à-dire un ensemble muni d'une opération associative notée multiplicativement et admettant un élément neutre 1). On considère l'ensemble KG des combinaisons linéaires d'éléments de G à coefficients dans K, où le produit de 91 1 92 E G dans KG est égal à leur produit 9 192 dans G, et se prolonge aux autres éléments de KG par distributivité. a) Montrer que KG est muni d'une structure de K-algèbre. b) Soit G le monoïde libre sur t, c'est-à-dire G = {tn 1 n E N} muni de l'opération définie par tm · tn = tm+n (pour m, n E N). Montrer que KG-=+ K[t). Le symbole N désigne l'ensemble des entiers naturels, c'està-dire des n E 7l tels que n ~ O. c) Soient A une K-algèbre et r.p: G-+ A un morphisme de monoïdes, c'està-dire une application telle que r.p (9192) = r.p (91) r.p (92) (pour 91, 92 E G) et r.p(l) = 1. Montrer qu'il existe un unique morphisme de K-algèbres Tp: KG-+ A prolongeant r.p, c'est-à-dire tel que cp(g) = r.p(g) pour tout 9EG. 3. Soit G un groupe cyclique d'ordre n < oo. Montrer que KG-=+ K[tJ/ (tn - 1). 4. Soient K un corps de caractéristique 2 et G = {1, 9, h, 9h} le groupe de Klein. Montrer que le morphisme r.p : K[s, t] -+ KG défini par r.p(s) = 1 + 9, r.p(t) = 1 + h est surjectif de noyau (s 2 , t 2 ) et en déduire que KG-=+ K[s, tJ/ (s 2 , t 2 ). 5. Soit I un idéal bilatère d'une algèbre A. On dit que I est maximal si I =/: A et, pour tout idéal bilatère J tel que I Ç J Ç A, on a J = I ou J = A. a) Montrer que I est maximal si et seulement si A/I est un corps (non nécessairement commutatif). b) Montrer que toute algèbre admet des idéaux maximaux. EXERCICES DU CHAPITRE I 17 6. Soit {lÀheA une famille d'idéaux à droite (ou à gauche, ou bilatères) d'une h est égal à l'idéal à droite (ou à gauche, ou bilatère algèbre A. Montrer que ÀEA respectivement) engendré par UÀEA h. L 7. Soit {lÀheA une famille d'idéaux à droite (ou à gauche, ou bilatères) d'une algèbre A, que l'on suppose totalement ordonnée par inclusion (c'est-à-dire telle lÀ est un idéal à droite que, si À =F µ, on a lÀ Ç 1µ ou 1µ Ç lÀ)· Montrer que ÀEA (ou à gauche, ou bilatère, respectivement) de A. LJ 8. Soient 1, J deux idéaux à droite (ou à gauche, ou bilatères) d'une algèbre A. Montrer que lUJ est un idéal à droite (ou à gauche, ou bilatère, respectivement) si et seulement si 1 Ç J ou J Ç 1. 9. Soit 1 un ensemble non vide d'une algèbre A. Montrer que 1 est un idéal bilatère de A si et seulement si, pour tous xi. x2 E 1 et ai, a2, b1, b2 E A, on a a 1x1b1 + a2x2b2 E 1. Quel est l'énoncé correspondant pour les idéaux à droite? 10. Soit E = {1, 2, 3} muni de l'ordre partiel défini par 1 ::; 3, 2 ::; 3. Montrer que KE est isomorphe à l'algèbre 11. Montrer que l'ensemble des matrices de la forme 0 0 0 0 0 où ai,a2, ... ,an E K, muni des opérations matricielles ordinaires, est une sousalgèbre de Tn(K), isomorphe à K[tJ/(tn}. 12. Soient n, m deux entiers tels que m divise n. Montrer que l'on a un isomorphisme de Zr-algèbres 13. Soit Kun corps. Montrer que l'on a un isomorphisme de K-algèbres K[s,t]/(s- t} ..=:.K[t]. 14. Soient A, B deux K-algèbres, cp: A--+ Bun morphisme, 1, J des idéaux bilatères respectifs de A et B tels que cp(l) Ç J. Montrer qu'il existe un unique 18 1. ALGÈBRES morphisme de K-algèbres ëp: A/I--+ B/J rendant commutatif le diagramme -"' B lw' ijS ----+ c'est-à-dire tel que 7r 1cp = ëp7r. Ici, respectives. 7r et 7r1 B/J désignent les projections canoniques 15. Soient A une K-algèbre et AMA un (A-A)-bimodule (voir (II) Exemple (1.3}(h)). On définit une multiplication sur le K-module A EB M par (a,x)(b,y) = (ab,ay+xb) (où a, b E A et x, y E M). Montrer que : a) AEBM muni de cette loi devient une K-algèbre (appelée extension triviale de A par M et notée A ~ M). b) Il existe des morphismes de K-algèbres <T : A --+ A ~ M et 7r: A~ M--+ A tels que 7r<T = lA. c) M se plonge en un idéal bilatère 0 EB M de A~ Met (0 EB M) 2 =O. 16. Soient A une K-algèbre commutative et A[t) la K-algèbre (commutative) des polynômes en t à coefficients dans A. Montrer que, pour toute K-algèbre commutative B, tout morphisme cp : A --+ B et tout élément b E B, il existe un unique morphisme de K-algèbres cp: A[t] --+ B tel que ëp(a) = cp(a) pour tout a E A, et cp(t) = b. 17. Soient A, B deux K-algèbres, et X Ç A un ensemble de générateurs de A contenant 1. On se donne une application cp: X--+ B telle que cp(x 1 + x2) = cp(x1) +cp(x2) pour tous xi, x2 E X ; cp(x1x2) = cp(x1)cp(x2) pour tous xi, x2 E X et cp(l} = 1. Montrer qu'il existe un unique morphisme de K-algèbres ëp: A--+ B prolongeant cp. CHAPITRE II Modules sur une K-algèbre La notion de module est une généralisation fructueuse et naturelle des notions de groupe abélien, de groupe avec opérateurs, d'idéal et d'espace vectoriel. Elle apparaît entre autres en théorie des représentations des groupes finis. Soient K un corps et G un groupe fini. Une représentation K-linéaire de G est par définition un homomorphisme du groupe G dans le groupe des automorphismes d'un K-espace vectoriel. On démontre que la classification des représentations de Gest équivalente à la classification des modules sur l'algèbre du groupe KG (voir (I.1.2)(a)). Or, c'est cette dernière qui s'exprime de la manière la plus élégante. En fait, la notion de représentation est définie de façon semblable pour plusieurs autres structures algébriques, et leur étude se ramène à l'étude de modules sur une algèbre. Notre objectif par la suite sera d'étudier les modules et les applications entre eux. Comme toujours, K désignera un anneau commutatif et toutes nos algèbres seront des K-algèbres. 1. Définition et exemples La définition d'un module sur une K-algèbre est la même que celle d'un module sur un anneau. Nous croyons utile néanmoins de la donner de nouveau. DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Un A-module à droite est défini par la donnée d'un groupe abélien M, noté additivement, et d'une opération externe Mx A__. M notée (x, a) 1-+ xa et appelée multiplication externe, telles que (i) x(ab) = (xa)b (ii) X• 1 =X (iii) x(a + b) = xa + xb (iv) (x + y)a = xa + ya pour tous x,y E Met a,b E A. Par analogie avec les espaces vectoriels, on appelle parfois les éléments de M des vecteurs et ceux de A des scalaires. On définit de même la notion de A-module à gauche. On écrira MA (ou AM, respectivement) pour indiquer que M est un A-module à droite (ou à gauche, respectivement). Il existe une façon naturelle de ramener l'étude des modules 19 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE 20 à gauche à celle des modules à droite et réciproquement : soient en effet A0 P l'algèbre opposée de A (voir (I.1.2)(i)) et M un A-module à gauche ; on définit sur M une structure de A0 P-module à droite en posant X*a=ax (pour x E M et a E A). Il suffit en effet de vérifier l'axiome (i) de la définition précédente : x *(a* b) = (a* b)x = (ba)x = b(ax) = (x *a)* b pour x e M et a, b e A. Cette remarque nous permet de ne considérer par la suite que des A-modules à droite, sauf dans les questions où interviennent simultanément des modules à droite et des modules à gauche. Bien sûr, si A est commutative, la distinction entre module à droite et module à gauche n'est qu'une question d'écriture. Il suit directement de la définition que tout A-module M est également muni d'une structure de K-module à droite, par xa = x(l ·a) où x e M, a e K et 1 désigne l'identité de A. Comme K est commutatif, M est aussi un K-module à gauche. Notons que, par suite de l'axiome (i) de la définition précédente, (ax)a = a(xa) = x(aa) pour x e M, a e K et a E A. Quand nous travaillerons sur un A-module M, deux éléments zéro paraîtront dans nos discussions : le zéro scalaire (celui de A) et le zéro vecteur (celui de M). Nous les noterons tous deux O, sauf s'il est nécessaire de les distinguer, auquel cas on les notera OA et OM respectivement. Le module M ne contenant que l'élément 0 est appelé le module nul et noté O. On a les propriétés suivantes : (i) (ii) (iii) (iv) xOA =DM pour tout x e M. OMa = DM pour tout a E A. x(-a) = -(xa) = (-x)a pour tous x e M et a e A. Si (x..\heA et (Y..\heA sont deux familles d'éléments de M à support fini, on a (~xA) + c~YA) ~ ~(x>+Y>)· (v) Si (x..\heA est une famille d'éléments de M à support fini et a e A, on a ( Lx") a = L ..\EA (x..\a) . ..\EA Les démonstrations sont aisées à faire et peuvent être laissées au lecteur. Une définition équivalente de module fait intervenir la notion de représentation d'une algèbre. 1. DÉFINITION ET EXEMPLES 21 DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Une représentation K-linéaire de A est la donnée d'une paire {M,p), où M est un K-module, et p: A---+ EndK Mun morphisme de K-algèbres. LEMME 1.1. Soient A une K-algèbre et M un K-module. La donnée d'une représentation (M, p) de A équivaut à la donnée d'une structure de A-module à droite sur M. DÉMONSTRATION. Supposons donnée une représentation {M, p). Alors p : A ---+ EndK M est un morphisme d'algèbres. On peut définir une opération externe M x A ---+ M par xa = (x)p(a) pour x E M et a E A, où l'on note l'action des endomorphismes à droite (de sorte que (x)p(a) désigne l'image de x E M par p(a) E EndK M). Il est aisé de vérifier que cela munit M d'une structure de A-module à droite. Réciproquement, si M est un A-module à droite, on définit pour a E A une application K-linéaire p(a) : M ---+ M par p(a) : x 1--+ xa. Il ne reste plus qu'à vérifier que p: A---+ EndK M est un morphisme d'algèbres, ce qui se fait sans aucune difficulté. D DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et Mun A-module. Une partie N de M est appelée un sous-module de M si N est lui-même un A-module pour les opérations induites de celles de M. Il est manifeste que tout A-module M contient deux sous-modules au moins, à savoir 0 et M. Ces deux sous-modules sont parfois qualifiés d'impropres, tout autre sous-module étant alors dit propre. On a la caractérisation suivante. LEMME 1.2. Soient A une K -algèbre, M un A-module et N une partie non vide de M. Les conditions suivantes sont équivalentes : (i) N est un sous-module de M. (ii) N est un sous-groupe additif de M et x EN, a E A entraînent xa EN (ce que l'on note NA Ç N). (iii) Pour tous x, y EN et a, b E A, on axa+ yb EN. DÉMONSTRATION. Facile à faire et laissée au lecteur. D EXEMPLES 1.3. (a) Si A est un corps (peut-être gauche), la notion de module (à droite) se confond avec celle d'espace vectoriel (à droite), celle de sous-module avec celle de sous-espace. La théorie des modules généralise donc celle des espaces vectoriels. (b) Tout groupe abélien peut être considéré comme un Z-module: six E M et n E Z, on définit en effet xn comme suit : si n ~ 0, par récurrence au moyen de x · 0 = 0 et x(n + 1) = xn + x, et sin < 0 au moyen de xn = (-x)(-n). La notion de sous-module coïncide alors avec celle de sous-groupe. La théorie des modules généralise donc celle des groupes abéliens. (c) Soit A une K-algèbre. Le produit de A définit une structure de A-module à droite sur A de façon évidente : l'opération A x A ---+ A est donnée par (a, b) 1--+ ab (pour a, b E A). Ce module est noté AA. Les sous-modules de AA ne sont autres que les idéaux à droite de A, ainsi qu'il résulte de (1.2). De même, le produit de A induit une structure de A-module à gauche sur A, que l'on note AA. Les II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE 22 sous-modules de AA ne sont autres que les idéaux à gauche de A. Il est évident que, si A est commutative, ces deux notions coïncident et coïncident avec celle d'idéal bilatère. (d) Soient K un corps commutatif, E un K-espace vectoriel et u : E -+ E une application linéaire. On donne à E une structure de K[t]-module à gauche de la façon suivante : soient x E E et p(t) = ao + a 1t + · · · + adtd un élément de K[t], on définit p·x = = (aolE+a1u+ .. ·+adud)(x) aox + a1u(x) + · · · + adud(x). L'étude de cette structure est particulièrement importante pour la description des modules sur les domaines d'intégrité principaux (cette classe importante d'algèbres sera définie en (IV.3}}. (e) Soient A une K-algèbre, n > 0 et An= {(xi, ... ,xn) 1 Xi E A} le produit de n copies de A (voir (I.1.2}(g)). On donne à An une structure de Mn(A)module à droite comme suit : six= (xi. ... ,xn) E An et a= [ai;] E Mn(A}, on pose x ·a= (txiail, ... , txiain) · i=l i=l (En d'autres termes, le produit x ·a n'est autre que leur produit en tant que matrices.) (f} Soient A une K-algèbre, Mun A-module, et N un sous-module de M. Construisons le groupe abélien quotient M/N : c'est l'ensemble des classes résiduelles de la forme x + N = {x +y 1 y E N} (où x E M) muni de la loi (x + N) + (x' + N) = (x + x') + N (où x, x' E M}. On en fait un A-module en posant (x + N)a = xa + N (où x E M et a E A). Cette opération est définie sans ambiguïté, en effet x + N = x' + N entraîne x - x' E N et donc (comme N est un sous-module de M}, pour tout a E A, nous avons xa-x'a = (x-x')a EN, d'où xa+N = x'a+N. La vérification (immédiate) des axiomes montre que M/N est un A-module, dit module quotient de M par N. Par exemple, supposons que I est un idéal bilatère de A. On définit MI comme étant l'ensemble des sommes X>.a>., où (x>.heA est une famille d'élé>.eA ments de M, (a>.heA une famille d'éléments de I telle que (x>.a>.heA est à support fini. On voit tout de suite que MI est un sous-module de M. On peut donc former le A-module quotient M/MI comme plus haut. En outre, M/MI admet une structure naturelle de A//-module définie par L (x + MI)(a+ J) = xa +MI (où x E Met a E A). 1. DÉFINITION ET EXEMPLES 23 (g) Soient A, B deux K-algèbres et cp : A --+ B un morphisme. Alors tout B-module admet une structure naturelle de A-module: en effet, on définit une multiplication des éléments de MB par ceux de A au moyen de xa = xcp(a) (où x E M et a E A). On dit alors que la structure de A-module de M est induite de celle de B-module par changement des scalaires. Il existe deux cas particuliers importants. Le premier est celui où A est une sous-algèbre de B, et cp l'inclusion. Le second est celui où B = A/1, pour un idéal bilatère l de A, et cp : A --+ A/I est la projection canonique : dans ce dernier cas, l'action de A sur le A/1-module M est donnée par xa = x(a + 1) (où x E M, a E A). (h) Soient A, B deux K-algèbres. Un ensemble M muni à la fois d'une structure de A-module à gauche et d'une structure de B-module à droite est un (A - B)-bimodule si ces deux structures sont compatibles, c'est-à-dire si a(xb) = (ax)b pour a E A, x E Met b E B. On note alors AMB. Par exemple, tout A-module à droite est un (K -A)-bimodule. Tout idéal bilatère de A est un (A-A)-bimodule. En particulier, A a lui-même une structure naturelle de (A - A)-bimodule. Soient A une K-algèbre et M un A-module. On note S(M) l'ensemble des sous-modules de M ordonnés par inclusion. Soit (M.xheA une famille de sousmodules de M. Il suit de (1.2) que n.xeA M.x est un sous-module de M : c'est évidemment le plus grand sous-module de M contenu dans tous les M,x. La M.x notion duale de l'intersection est celle de somme. On définit la somme L .\EA de la famille (M.xheA comme l'ensemble des sommes de la forme L x,x où .\EA (x.xheA est une famille d'éléments de M à support fini telle que x,x E M.x pour tout À E A. Il est facile de vérifier que L M.x est bien un sous-module de M .\EA et, en fait, le plus petit sous-module contenant les M,x. LEMME 1.4. L'ensemble S(M) des sous-modules du A-module M ordonné par inclusion est un treillis complet, admettant 0 comme plus petit élément, M comme plus grand élément et satisfaisant la propriété modulaire : si Mi, M2, Ma E S(M) sont tels que Mi Ç M2, alors M2 n (M1 +Ma) = M1 + (M2 n Ma). DÉMONSTRATION. En effet, on vient de montrer que toute famille (M.xheA M.x dans d'éléments de S(M) admet un infimum n.xeA M.x et un suprémum L .\EA S(M). Donc S(M) est un treillis complet. Il est évident que 0 est le plus petit élément de S(M) et M son plus grand élément. Il ne reste plus qu'à prouver la modularité. Soient Mi, M2, Ma E S(M) tels que M1 Ç M2, alors M1 Ç M2 n (M1 +Ma) et M2 n Ma Ç M2 n (M1 +Ma) donnent M1 + (M2 n Ma) Ç M2 n (M1 +Ma). 24 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE Réciproquement, soit x2 = xi+ xa un élément de M2 n (M1 +Ma) (où xi E Mi,x2 E M2,xa E Ma}. Alors xa = X2 - xi. Comme xi E Mi Ç M2, on a x2 - x 1 e M2 et donc xa E M2 n Ma. Par conséquent, x2 = xi + xa E Mi + (M2 n Ma). D Soit maintenant X une partie quelconque du A-module M. On vient de voir que l'intersection de tous les sous-modules de M contenant X est un sous-module de M contenant X. Ce sous-module est noté (X) et est dit engendré par X, ou admettre X comme ensemble de générateurs. Nous allons maintenant montrer que (X) est en fait égal à l'ensemble X A des combinaisons linéaires d'éléments de X, c'est-à-dire des sommes de la forme xÀaÀ où (xÀheA est une famille ÀEA d'éléments de X, et (aÀheA une famille d'éléments de A telles que (xÀaÀheA soit à support fini. L LEMME 1.5. Soit X une partie d'un A-module M. Alors (X)= XA. DÉMONSTRATION. En effet, (X) doit contenir, avec toute famille d'éléments de X, toute combinaison linéaire de ceux-ci, par suite de (1.2), donc (X) d XA. L'inclusion inverse provient de ce que X A est évidemment un sous-module de M contenant X. D Par exemple, si X ne contient que le seul élément x, alors (1.5) entraîne que {X) = xA = {xa 1 a E A}. Un tel sous-module est dit cyclique engendré par x et est encore noté (x). De même, si (MÀheA est une famille de sous-modules de M et si X = UÀeA MÀ, alors XA = MÀ. Si, pour une partie X de M, ÀEA on a X A = M, on dit que X engendre M ou est un ensemble de générateurs pour M. Un A-module M tel qu'il existe un ensemble fini de générateurs pour M est dit être un module de type fini. Si M = ({xi. ... ,xn}) (ce qu'on note L n plus simplement M = (x1, ... ,xn)), on a alors M = L:x,A. Par exemple, tout i=l A-module cyclique est de type fini. Les modules de type fini joueront un rôle très important dans la suite. Le premier résultat que nous montrons à leur sujet est l'existence de sous-modules maximaux : un sous-module N de M est dit maximal si N =FM et si Lest un sous-module de M tel que N Ç L Ç M, alors L= N ou L =M. PROPOSITION 1.6. Soit M un A-module de type fini. Tout sous-module strictement contenu dans M est contenu dans un sous-module maximal. En particulier, M a des sous-modules maximaux. DÉMONSTRATION. Soient M = (x1, ... , Xm) et N ~ M un sous-module. Notons e l'ensemble des sous-modules propres de M contenant N. Alors e =/: 0 car N E e. Cet ensemble est inductif : si (NÀheA est une chaîne de sousmodules danse, il s'ensuit que UÀeA NÀ est un sous-module de M ; supposons UÀEA N À = M, alors, pour chaque 1 ~ i ~ m, il existe Ài tel que Xi E N Ài ; prenons Nµ. le plus grand des NÀ; (un tel Nµ. existe puisque (NÀheA est une chaîne) alors le fait que xi ... , Xm appartiennent à Nµ. entraîne M = Nµ., ce qui 25 2. APPLICATIONS LINÉAIRES contredit le fait que, par définition, Nµ ~ M ; par conséquent, UÀEA NÀ =/: M est un sous-module propre et e est bien inductif. D'après le lemme de Zorn, e a un élément maximal, qui est le sous-module cherché. O COROLLAIRE 1. 7. Soit A une K -algèbre non nulle. Tout idéal à droite distinct de A est contenu dans un idéal à droite maximal. En particulier, A a des idéaux à droite maximaux. DÉMONSTRATION. En effet, AA = (1} est de type fini (et même cyclique). O 2. Applications linéaires De même que les espaces vectoriels s'étudient par le biais des matrices, de même les modules s'étudient par le moyen des applications linéaires. Soit A une K-algèbre. DÉFINITION. Soient M, N deux A-modules à droite. Une application f : M--+ N est appelée application linéaire (ou application A-linéaire, ou morphisme de A-modules, ou homomorphisme de A-modules) si: (i) f(x +y) = f(x) + f(y) pour tous x, y E M. (ii) f(xa) = f(x)a pour tous x E M,a E A. Nous voyons tout de suite que les deux conditions de la définition se laissent condenser en une seule : f(xa + yb) = f(x)a + f(y)b pour tous x, y E M et a, b E A. Cette remarque peut être généralisée : soient (xÀheA une famille d'éléments de M et (aÀheA une famille d'éléments de A telles que (xÀaÀheA soit à support fini, alors la somme xÀaÀ est par L ÀEA définition une combinaison linéaire d'éléments de M, et une récurrence immédiate sur la formule précédente donne f (L: ÀEA xÀaÀ) =L f (xÀ) aÀ. ÀEA Autrement dit, une application f : M --+ N est linéaire si et seulement si elle préserve les combinaisons linéaires. Il est à remarquer aussi que toute application A-linéaire f : M --+ N est K-linéaire, puisque f(xa) = f(x(l ·a)) = f (x)(l · a) = f (x)a pour x E M et a E K. Une application linéaire f : M--+ M est parfois appelée un endomorphisme de M. Il est clair que l'identité lM : M--+ M est une application linéaire et que la composition de deux applications linéaires f : L --+ M et g : M --+ N est une application linéaire g f ou g o f de L dans N. 26 Il. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE DÉFINITION. Une application A-linéaire f : M --+ N est appelée isomorphisme s'il existe une application A-linéaire g : N --+ M telle que f o g = lN et go f = lM. Les A-modules Met N sont alors dits isomorphes, ce qu'on note M..::+N. Si f : M --+ N et g : N --+ M sont comme dans la définition précédente, alors g est aussi un isomorphisme et est uniquement déterminé par f : en effet, si g',g": N--+ M sont des applications linéaires telles que g'f = lM et fg" = lN, alors 9 1 = g'lN = g'{fg") = (g' f}g" = 1M911 = g". L'isomorphisme g: N--+ M est alors appelé l'isomorphisme inverse, ou réciproque, de f. On vérifie sans peine que la composition de deux isomorphismes est un isomorphisme. Par conséquent, la relation ...::+ est réflexive, symétrique et transitive. Un isomorphisme d'un module M avec lui-même est parfois appelé un automorphisme. LEMME 2.1. Une application A-linéaire f : M--+ N est un isomorphisme si et seulement si elle est bijective. DÉMONSTRATION. La nécessité étant immédiate, montrons la suffisance. Pour ce faire, il faut montrer que si f est une application linéaire bijective, alors 1- 1 est aussi linéaire. Or on a, pour x E M et a E A On montre de la même façon que 1- 1 préserve les sommes. D EXEMPLES 2.2. (a) Si A est un corps, nous avons là la notion classique d'application linéaire entre espaces vectoriels. (b) Si A = Z, la définition précédente se ramène à celle d'homomorphisme de groupes (abéliens). (c) Pour tout A-module M, il existe une unique application linéaire du module nul 0 dans M : c'est celle définie par 0 1-+ O. De même, il existe une unique application linéaire M--+ 0, définie par x 1-+ 0 pour tout x E M. On les appelle toutes deux applications nulles et on les note O. (d) Soit N un sous-module de M. L'inclusion jN : N --+ M définie par jN(x) = x pour x E N est une application linéaire. On l'appelle l'inclusion ou l'injection canonique. (e) Soit N un sous-module de M. L'application PN : M --+ M/N définie par PN(x) = x + N pour x E M est une application linéaire (par définition de la structure de module sur M/N). On l'appelle la projection ou la surjection canonique. (f) Soient A, B deux K-algèbres, M, N deux (A - B)-bimodules. Un homomorphisme de groupes abéliens f : M--+ N tel que f(axb) = af(x)b (pour tous a E A, x E M, b E B) est A-linéaire et B-linéaire: on dit que c'est un morphisme de (A - B)-bimodules. 2. APPLICATIONS LINÉAIRES 27 Quelques propriétés découlent immédiatement des définitions. En effet, si --+ N est linéaire, on a : f :M (i) /(0) =o. {ii) f(-x) = -f(x) pour tout x E M. {iii) L'image lm/= {f(x) 1 x E M} est un sous-module de N. {iv) Le noyau Ker f = {x E M 1 f(x) = O} est un sous-module de M. (v) f est injective si et seulement si Ker f = (0). Les démonstrations de ces propriétés se font aisément et peuvent être laissées au lecteur. Il existe une terminologie associée aux applications linéaires. DÉFINITION. Soit f: M--+ N une application A-linéaire: {i) f est appelée un monomorphisme si fg = 0 implique g =O. {ii) f est appelée un épimorphisme si gf = 0 implique g =O. LEMME 2.3. Soit f : M --+ N une application A-linéaire : (i) f est un monomorphisme si et seulement si elle est injective. {ii) f est un épimorphisme si et seulement si elle est surjective. (iii) f est un isomorphisme si et seulement si elle est un monomorphisme et un épimorphisme. DÉMONSTRATION. {i) Supposons que f est un monomorphisme. Alors l'inclusion j : Ker f --+ M satisfait certainement à la condition f j = O. Par suite, on a j = 0, c'est-à-dire Ker f = 0 : cela montre bien que f est injective. Réciproquement, si f est injective, supposons f g = O. Alors pour tout x dans le domaine de g, les égalités 0 = (f g)(x) = f(g(x)) entraînent que g(x) = O. Donc g =O. (ii) Supposons que f est un épimorphisme. La projection p : N --+ N /lm f satisfait alors certainement à la condition pf =O. Mais alors p = 0, c'est-à-dire N /lm f = 0 : cela montre que N = lm f et donc f est surjective. Réciproquement, si f est surjective, supposons que gf = O. Alors, pour tout y dans le domaine N de g, il existe x E M tel que y = f (x). Mais alors g(y) = g(f(x)) =O. Donc g =O. (iii) Découle de (i), (ii) et de {2.1). D L'intérêt de ce qui précède réside dans le fait qu'on a énoncé deux propriétés ensemblistes (injectivité et surjectivité) en termes d'applications (monomorphisme et épimorphisme). Comme on le verra, cela permettra de rendre les démonstrations plus transparentes. C'est la première étape d'un programme qui nous amènera à étudier les catégories. Il suit de la démonstration du lemme que le module quotient N /lm f de N joue dans la partie (ii) un rôle analogue à celui du sous-module Ker f de M dans la partie (i). Cela nous amène à la définition. DÉFINITION. Soit f: M--+ N une application A-linéaire. Le module quotient N /lm f est appelé conoyau de f et noté Coker f. La projection canonique N --+ N /lm f est appelée le morphisme conoyau de f et notée coker J. II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE 28 De même que f est un monomorphisme si et seulement si son noyau est nul, de même f est un épimorphisme si et seulement si son conoyau est nul : en effet, f: M-+ N est surjective si et seulement si N =lm/, c'est-à-dire N/lmf =O. Soit N un sous-module de M. Nous savons que le noyau de la projection canonique PN : M-+ M/N est égal à N. De même, comme l'inclusion canonique iN : N -+ M induit un isomorphisme N .=. lmjN, le conoyau de l'inclusion n'est autre que Coker iN .=. M/N. Nous verrons plus loin d'autres propriétés des conoyaux. 3. Suites exactes DÉFINITION. Une suite de A-modules et d'applications A-linéaires fi M i-1 --+ ... . . . --+ M i+ 1 fi+1 --+ M i --+ est dite exacte en Mi si lm /i+1 = Ker k chaque Mi. Elle est dite exacte si elle l'est en Notons que, si la suite précédente est exacte en Mi, alors /di+l = 0 (ce qui équivaut à lm fi+i Ç Ker fi)· Une suite comme plus haut telle que fifi+i = 0 pour tout i est appelée un complexe. Il est évident que toute suite exacte est un complexe, mais l'inverse n'est pas vrai. Les propriétés suivantes d'une application linéaire f : MA -+ NA découlent directement de la définition : (i) f est un monomorphisme si et seulement si 0--+ ML N est une suite exacte. (ii) f est un épimorphisme si et seulement si M L N--+ 0 est une suite exacte. (iii) f est un isomorphisme si et seulement si 0 --+ M L N --+ 0 est une suite exacte. (iv) La suite 0 --+Ker f __}__. M L N, où j est l'inclusion canonique, est exacte. (v) La suite ML N ...!..+ Coker f--+ 0, où p est la projection canonique, est exacte. (vi) Avec jet p comme dans (iv), (v) respectivement, la suite 0 --+Ker f __}__. M L N ...!..+ Coker f --+ 0 est exacte. Les démonstrations se font aisément et peuvent être laissées au lecteur. PROPOSITION 3.1. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de A-modules et d'applications linéaires 0 ----+ L 1 lu 0 ----+ ! L' f !' g M ----+ lv lw g' M' N ----+ N' 29 3. SUITES EXACTES Il existe une unique application linéaire u : L --+ L' rendant le carré de gauche commutatif (on dit alors que u est déduite de v, w par passage aux noyaux). En outre, u est un monomorphisme si v l'est. DÉMONSTRATION. Si une telle application u : L --+ L' existait, la commutativité du carré de gauche donneràit f'u = vf. Afin de vérifier son existence, montrons que, pour tout x EL, on a vf(x) E lm/'. Or g'vf(x) = wgf(x) = 0 (puisque g'v = wg, par commutativité du carré de droite) donc vf (x) E Ker g' = lm/'. Comme f' est injective, on peut définir u(x) comme étant l'unique x' e L' tel que vf(x) = f' (x'). Pour s'assurer que u est linéaire, prenons xi, x2 E Let ai, a2 E A. Il existe xL x~ E L tels que vf (xi) = f' (xi) et vf (x2) = f' (x~). Mais alors on a !' (x~ ai + x~a2) !' (xD ai + !' (x~) a2 = vf (xi) ai + vf (x2) a2 = vf (xiài + x2a2). Par conséquent, u (xi ai + x2a2) = x~ ai + x~a2 = u (xi) ai + u (x2) a2. Enfin, le dernier énoncé découle évidemment de ce que f' u = v f. D = COROLLAIRE 3.2. Soit 0 --+ L ~ M -...!!...+ N une suite exacte de A-modules et d'applications linéaires. Il existe un unique isomorphisme u : L --+ Ker g rendant commutatif le diagramme L u! "'ZM K:rg _/; Ici, j désigne l'inclusion canonique. DÉMONSTRATION. La proposition donne une unique application linéaire u rendant commutatif le diagramme 0 -----+ L f -----+ 1 lu ! 0 -----+ Ker g M g -----+ N liM j -----+ M g -----+ N. En outre, u est un monomorphisme. Soit x E Ker g. Alors j(x) E M est tel que gj(x) = O. Donc il existe y E L tel que f(y) = j(x). Par suite de la définition de u, nous avons u(y) = x. Donc u est un épimorphisme. D PROPOSITION 3.3. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de A-modules et d'applications linéaires L f M g -----+ N ---+ 0 ---+ 0 . 1 wl L' !' -----+ g' M' -----+ ! N' 30 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE Il existe une unique application linéaire w : N -+ N' rendant le carré de droite commutatif (on dit alors que w est déduite de u, v par passage aux conoyaux). En outre, w est un épimorphisme si v l'est. DÉMONSTRATION. Supposons qu'une telle w existe et prenons z E N. Comme g est un épimorphisme, il existe y E M tel que g(y) = z. La commutativité du carré de droite donnerait alors w(z) = wg(y) = g'v(y). Or cette dernière formule définit bien une application, puisque g (Yi)= g (y2) donne Yi -y2 E Ker g =lm/ et il existe x E L tel que Yi - Y2 = f(x) d'où g'v (Yi) = g'v (y2) + g'vf(x) = g'v (Y2) + g' f'u(x) = g'v (y2) (par suite de la commutativité du carré de droite et de l'exactitude de la suite du bas). Il est facile de vérifier (comme dans (3.1)) que w est linéaire. Enfin le dernier énoncé suit évidemment de wg = g'v. D COROLLAIRE 3.4. Soit L ~ M ....!!...+ N --+ 0 une suite exacte de A-modules et d'applications linéaires. Il existe un unique isomorphisme w : N-+ Coker f rendant commutatif le diagramme N g/ 1 M/ iw p'\. ! Coker f Ici, p désigne la projection canonique. DÉMONSTRATION. La proposition donne une unique application linéaire w rendant commutatif le diagramme N ---+ 0 ---+ 0 . 1 lw ! Coker f En outre, w est un épimorphisme. Soit z EN tel que w(z) =O. Alors il existe y E M tel que z = g(y) et donc p(y) = wg(y) =O. Mais alors y E Kerp =lm/, donc il existe x EL tel que y= f(x). Par conséquent, z = g(y) = gf(x) =O. D DÉFINITION. Une suite exacte de la forme 0--+L~M..i!...+N--+O est appelée une suite exacte courte. Comme on l'a vu, tout épimorphisme g : M -+ N induit une suite exacte courte 0 --+ Ker g _.!__. M ....!!...+ N --+ 0 où j est l'inclusion, et tout monomorphisme f : L -+ M induit une suite exacte courte 0 --+ L ~ M ....!!..+ Coker f --+ 0 3. SUITES EXACTES 31 où p est la projection et Coker f .:=. M / L. Réciproquement, si 0 --+ L L M ....!.+ N --+ 0 est une suite exacte courte, f est un monomorphisme, g est un épimorphisme, L .:=. Ker g et N .:=. Coker f .:=. M / L. Par exemple, considérons la suite de Z-modules (groupes abéliens) où f est l'isomorphisme entre Z2 et l'unique sous-groupe propre 2Z4 de Z4, et g est la multiplication par 2. Il est évident que cette suité est exacte courte. Nous allons maintenant montrer deux lemmes fondamentaux sur les suites exactes, qui permettent de remplacer la construction explicite de morphismes par des raisonnements de nature visuelle. Le procédé que nous emploierons pour les prouver est connu sous le nom de diagmm chasing. LEMME 3.5 (LEMME DES 5). Soit un diagmmme commutatif à lignes exactes de A-modules et d'applications linéaires /4 sont des épimorphismes, alors /a est un épimorphisme. (ii) Si fi est un épimorphisme et fa, f4 sont des monomorphismes, alors fa est un monomorphisme. (iii) Si fs est un monomorphisme, fi est un épimorphisme et fa,f4 sont des isomorphismes, alors fa est un isomorphisme. (i) Si fs est un monomorphisme et fa, DÉMONSTRATION. (i) Soit Ys E Na. La surjectivité de /4 donne X4 E M4 tel que va(Ys) = /4(x4). Or V4V3 = 0 implique 0 = V4V3(ys) = v4/4(x4) = /5u4(x4). Comme fs est un monomorphisme, u4(x4) =O. Donc X4 E Keru4 = lm us, et il existe xa E M3 tel que X4 = u3(x3). On a V3/3(xs) = /4u3(x3) = f4(x4) = va(Ys). Donc Ys - fa(xs) E Ker va = lm v2, et il existe Y2 E N2 tel que Ys - fa(xs) = v2(Y2). Comme fa est un épimorphisme, il existe x2 E M2 tel que Y2 = fa(x2). Donc Ys - fa(xs) = v2fa(x2) = fau2(x2) et par conséquent Ys= fa(xs + u2(x2)). Cela montre bien que fa est un épimorphisme. (ii) Soit xa E Ms tel que fa(xs) = O. Alors f4ua(xs) = vafa(xs) = 0 donne ua(x 3) = 0 car f4 est un monomorphisme. Donc xa E Ker ua =lm u2, et il existe X2 E M2 tel que xa = u2(x2). Alors v2fa(x2) = fau2(x2) = fa(xs) = 0, ce qui donne fa(x2) E Kerv2 = lmvi. et il existe Yi E Ni tel que fa(x2) = vi(Yi). Comme fi est un épimorphisme, il existe xi E Mi tel que fi(xi) = Yi· Donc fa(x2) = vifi(xi) = faui(xi). Comme fa est un monomorphisme, on a x2 = ui(xi). Donc X3 = u2(x2) = u2ui(xi) =O. (iii) Résulte de (i), (ii). D II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE 32 LEMME 3.6 {LEMME DU SERPENT). Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de A-modules et d'applications linéaires L 11 0 L' ---+ u ---+ V M N ---+ gl u' ---+ ---+ 0 hl v' ---+ M' N' Il existe une suite exacte Ker f ~ Ker g ~ Ker h ~ Coker f ~ Coker g ~ Coker h où ui, v1 sont déduites par passage aux noyaux, u2, v2 sont déduites par passage aux conoyaux, et 6 sera explicitée plus bas. En outre : (i) Si u est un monomorphisme, il en est de même de u 1 • (ii) Si v' est un épimorphisme, il en est de même de v2. DÉMONSTRATION. Soient i : Ker f --+ L, j : Ker g --+ M, k : Ker h --+ N les injections canoniques et p : L' --+ Coker f, q : M' --+ Coker g, r : N' --+ Coker h les projections canoniques. On essaie de construire un diagramme commutatif à lignes et colonnes exactes : 0 l Ut Ker/ ---+ li L 6r - - - 10 1 ---+ 1.... ----+ 0 l Kerg u ---+ u' ---+ lp Coker f l 0 l V1 Kerh ---+ lj -lL - - - - L' 0 ---+ J - 9_ - M' - v' ---+ lq u2 ---+ Cokerg l 0 lk V M --- N - ---+ ..... 1 1 0 1 ~h- _ _ _ _ j N' lr 112 ---+ Cokerh l 0 (le tracé de la ligne en pointillé représentant 6 explique le nom du lemme). On sait déjà que les colonnes sont exactes. Les applications u 1, v1 sont déduites respectivement de u, u' et v, v' par passage aux noyaux, tandis que u 2, v2 sont déduites respectivement de u, u' et v, v' par passage aux conoyaux. Par conséquent, le diagramme est commutatif. Il reste donc à prouver les énoncés suivants : (1) La 1re ligne est exacte. En effet, kv1 u1 = vju1 = vui = 0 donne v1 u1 = 0, car k est un monomorphisme. Donc lm u1 Ç Ker v1. Soit donc x e Ker v1, alors vj(x) = kv1(x) = 0 donne j(x) e Kerv = Imu, et il existe x' e L tel que j(x) = u(x'). Comme on a 0 = gj(x) = gu(x') = u' f(x') alors 3. SUITES EXACTES 33 f(x') = 0 {car u' est un monomorphisme) et x' E Ker f = Irai : on a donc x' = i (x') d'où j(x) = u (x') = ui (x') = ju 1 (x'), qui donne x = u1(x') {car j est un monomorphisme). Donc x E Imu1. (2) La 4me ligne est exacte. La démonstration est semblable à la précédente et sera omise. (3) Il existe une application linéaire 6 : Ker h--+ Coker f. Pour x" E Kerh, il existe x E M tel que k(x") = v(x), puisque v est un épimorphisme. En outre, on a v'g(x) = hv(x) = hk(x") =O. Donc g(x) E Kerv' = Im u'. Comme u' est injectif, il existe un unique y' EL' tel que g(x) = u'(y'). On pose ô(x") = p(y') =y'+ Imf E Coker f. Il faut montrer que p (y') ne dépend pas du choix de x. Supposons que v(x1) = v(x2). Alors x1 - x2 E Ker v = Im u : il existe x' E L tel que x1 - x2 = u(x'). Donc g(x1) - g(x2) = g(x1 - x2) = gu(x') = u' f(x'). Soient y~, y~ correspondant à x 1, x 2 respectivement. Alors u' (y~ - y~) = u'(yD-u'(y~) = g(x1)-g(x2) = u' f(x') donne y~ -y~= f (x'), puisque u' est un monomorphisme. Par conséquent, p (yD = p (y~ + f (x')) = p (y~)+ pf (x') = P (y~). Nous avons donc bien défini une application 6: Ker h--+ Coker f. Pour montrer que 6 est linéaire, soient xf, xq E Ker h, a1, a2 E A et x" = xfa1 + xqa2. Soient x1,X2 E M tels que v(xi) = k(xf), v(x2) = k(xq). Alors v(x1a1 + x2a2) = k(x"). Soient YLY~ E L' tels que g(x1) = u'(yD, g(x2) = u'(y~). Alors + x2a2) = u' (y~ a1 + y~a2) 6 (x") = p (y~ a1 + y~a2) = p (yD a1 + p (y~) a2 = 6 (xq) a1 + g (x1a1 donne 6 (xq) a2. (4) La suite Ker g ~ Ker h ~ Coker f est exacte. a) Imv1 Ç Kerô. Supposons que x" = v1(x) pour un x E Kerg. Alors x" = k (x") = kv 1(x) = vj(x). On prendra donc j(x) E M. Or gj(x) = O. Donc y' = 0 et 6 (x") = p (y') = O. b) Ker 6 Ç Im v1. Soit x" tel que 6 (x") = O. Alors y' E Im f et il existe x' E L tel que y' = f (x'). Donc g(x) = u' (y') = u' f (x') = gu (x') et x - u (x') E Ker g : il existe xo E Ker g tel que x = xo + u (x"). On a donc k (x") = v(x) = v (xo) +vu (x') = v (xo) = vj (xo) = kv1 (xo). D'où x" = v1 (xo) puisque k est un monomorphisme. (5) La suite Ker h ~ Coker f ~ Coker g est exacte. La démonstration est semblable à la précédente et sera omise. {6) Si u est un monomorphisme, u1 l'est aussi. Cela découle de ui = ju1. (7) Si v' est un épimorphisme, v2 l'est aussi. Cela découle de v2q = rv'. D II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE 34 Une façon simple de se rappeler la construction de 6 est la suivante : pour x" E Kerh, 6 (x") = u'- 1gv- 1 (x") +lm f. Il faut néanmoins garder à l'esprit que, alors que u' est un monomorphisme (et donc u'- 1 est défini sans ambiguïté sur l'image de u'), v- 1 correspond au choix d'un antécédent quelconque. On verra plusieurs applications du lemme du serpent dans la suite, la plus immédiate étant le lemme suivant. LEMME 3.7 {LEMME DES 3 x 3). Soit un diagramme commutatif à colonnes exactes de A-modules et d'applications linéaires : 0 0 0 ---+ 0 ---+ 0 ---+ l l L l L" l0 L' ---+ ---+ ---+ 0 l l M l M" l0 M' ---+ ---+ ---+ l l N l N" l0 N' ---+ 0 ---+ 0 ---+ 0 {i) Si les deux lignes supérieures sont exactes, alors la ligne inférieure est exacte. (ii) Si les deux lignes inférieures sont exactes, alors la ligne supérieure est exacte. DÉMONSTRATION. Pour (i), on applique le lemme du serpent aux deux lignes supérieures, et pour (ii), on l'applique aux deux lignes inférieures. O 4. Théorèmes d'isomorphisme THÉORÈME 4.1. Soit f : MA --+ NA une application A-linéaire. Il existe une unique application A-linéaire J : M /Ker f --+ lm f rendant commutatif le diagramme J ---+ M/Kerf --ï N îj Imf c'est-à-dire telle que f = jfp, où j désigne l'inclusion canonique et p la projection canonique. En outre, J est un isomorphisme. DÉMONSTRATION. Si J existe, elle est uniquement déterminée : en effet, posant L = Ker f et prenant x = x + L E M / L, on doit avoir 7(x) = f(x + L) = fp(x) = f(x). 4. THÉORÈMES D'ISOMORPHISME 35 Or cette formule définit bien une application puisque, si xi, x2 E M satisfont à xi + L = x2 + L, alors xi - X2 E L = Ker f, donc f (xi - x2) = 0 et donc f (xi) = f (x2). Il est clair que 1 est linéaire, puisque, si xi, x2 E Met ai, a2 E A 1 (xi ai+ 'X2a2) 1 (xi ai+ x2a2 + L) = fp (xi ai+ x2a2) f (xi ai + x2a2) = f (xi) ai + f (x2) a2 (xi) ai + (x2) a2. = = 1 = 1 La surjectivité de f vient de ce que si y E lm f, il existe x E M tel que y = f(x) = f(x + L). Enfin, son injectivité vient de ce que, si, pour x E M, on a Ï(x+L) = O, alors f(x) = 0 et donc x E Ker f = L. Par conséquent x+L = L.O 1: L'isomorphisme M/ Ker f-=+ lm f construit dans le théorème s'appelle isomorphisme canonique. La décomposition de l'application linéaire f en l'épimorphisme p, l'isomorphisme 1 et le monomorphisme j est appelée la décomposition canonique de f. En particulier, si f : M--+ N est un épimorphisme, alors j = lN et donc 1 définit un isomorphisme M /Ker f -=+ N. Comme application immédiate de ce théorème, nous donnons une caractérisation des modules cycliques. PROPOSITION 4.2. Un A-module M est cyclique si et seulement s'il existe un idéal à droite 1 de A tel que M-=+AA/I. DÉMONSTRATION. Si 1 est un idéal à droite, alors A/I est évidemment cyclique, puisqu'il est engendré par 1+1. Réciproquement, soit MA = xA un module cyclique. L'application f: AA--+ MA définie par a 1--+ xa est A-linéaire et surjective. Soit IA =Ker f. Le théorème (4.1) donne MA -=+AA/I. D THÉORÈME 4.3. Soient M un A-module et L, N deux sous-modules de M. Alors (L + N)/L-=+N/(L n N). DÉMONSTRATION. On a un diagramme commutatif 0 ---+ LnN J ---+ N g ---+ à lignes exactes : N/(LnN) ---+ 0 ---+ 0 1 wl 0 ---+ L !' ---+ g' L+N ---+ ! (L + N)/L où u, v, f, f' sont les inclusions, et g, g' les projections canoniques. D'après (3.3), il existe une unique application linéaire w : N / (L n N) --+ (L + N) / L rendant le diagramme commutatif. Pour montrer que w est un monomorphisme, supposons que w(x +Ln N) = 0, avec x E N. Alors x + L = 0 donne x E L, c'est-à-dire x EL n N. Il reste à montrer que w est un épimorphisme. Soit (x +y)+ LE (L + N)/L (avec x EL, y EN). Alors (x +y)+ L =y+ L = g'(y) = g'v(y) = wg(y) donc w est surjective. D II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE 36 Ce théorème (dû à Emmy Noether) est appelé la loi du parallélogramme, car il s'exprime par le diagramme où les côtés opposés du parallélogramme représentent les modules quotients respectifs. Ces côtés opposés sont deux à deux isomorphes, et ils sont indiqués ici au moyen de barres semblables. Rappelons que dans le treillis modulaire S(M) des sous-modules de M, le suprémum et l'infimum de la partie {L, N} sont respectivement L + N et L n N. Notre troisième théorème d'isomorphisme peut être démontré sans difficulté comme l'énoncé correspondant pour les K-algèbres (I.2.5). Afin d'illustrer l'utilisation du lemme du serpent (3.6), nous en donnons une démonstration reposant sur l'emploi de ce dernier. THÉORÈME 4.4. Soient M un A-module, L et N deux sous-modules tels que L Ç N. Il existe une unique application linéaire f : M / L -+ M / N rendant commutatif le diagramme M ~!~ M/L - - - - - - + M/N c'est-à-dire telle que f PL = PN1 où PL1PN sont les projections canoniques. En outre, f est surjective de noyau N / L et induit un isomorphisme M/N..::. (M/L) j(N/L). DÉMONSTRATION. Considérons le diagramme commutatif à lignes exactes 0 0 - - - - - - L iL lj N M PL M 0 1 llM jN M/L If PN ! M/N 0 où j,jL,iN sont les inclusions canoniques. D'après (3.3), il existe une unique application linéaire f : M / L -+ M / N rendant le diagramme commutatif. Complétant ce diagramme en calculant noyaux et conoyaux, on obtient un diagramme à lignes et à colonnes exactes : 5. MODULES D'HOMOMORPHISMES 37 0 0 0 ---+ 0 ---+ l L ---+ 0 ---+ l M ---+ ---+ l l M/ L Ker/ - - - ---+ 0 ,-----~----i-----i-----0 ---+ l,... __ __. N ---+ M ---+ M/N l l ---+ l0 ---+ Coker f N/L 0 l l0 ---+ 0 ---+ 0 "'\ 1 1 1 1 ..) Le lemme du serpent donne donc Coker f = 0 et Ker f -:+ N / L. D THÉORÈME 4.5. Soient M un A-module, N un sous-module et p : M --+ M / N la projection canonique. L 'application L 1-+ p( L) est une bijection croissante de l'ensemble ordonné par inclusion des sous-modules de M contenant N sur l'ensemble des sous-modules de M / N. La bijection réciproque est p- 1 . DÉMONSTRATION. Soit L un sous-module de M contenant N. Il est clair que p(L) = L/N est un sous-module de M/N. En outre, p- 1 p(L) 2 L. Montrons l'inclusion inverse. Un élément x E M est dans p- 1p(L) si et seulement s'il existe y E L tel que p(x) = p(y), c'est-à-dire x - y E Kerp = N Ç L, par conséquent x E L. Cela démontre que p- 1p(L) = L. Réciproquement, si Lest un sous-module de M/N, il est visible que p- 1 (L) = {x E M 1 x +NE L} est un sous-module de M contenant N = p- 1 (0). D'autre part, pétant surjective, on a pp- 1 (L) = L. D 5. Modules d'homomorphismes Soient M,N deux A-modules. On note HomA(M,N) (ou Hom(M,N) si aucune ambiguïté n'est à craindre) l'ensemble des applications A-linéaires de M dans N. Nous allons définir des opérations dans HomA(M, N) comme suit : on définit la somme de f, g : M --+ N par (! + g)(x) = f(x) + g(x) (où x E M} et le produit de f: M--+ N par o: E K par (/o:)(x) = o:/(x) (où x E M). On aboutit au lemme suivant. LEMME 5.1. Avec les opérations précédentes, HomA(M, N) a une structure de K -module. 38 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE DÉMONSTRATION. On voit aisément que la somme et le produit externe définis plus haut sont bien des opérations sur HomA(M, N}, que la somme est commutative et associative, qu'elle admet l'application nulle 0 : M -+ N (définie par x 1--t 0 pour tout x E M) comme élément neutre et que, pour toute application linéaire f: M-+ N, l'application (-!} : M-+ N (définie par x 1--t -f(x) pour tout x E M) est l'opposée de f. D'autre part, on vérifie trivialement la double distributivité de la somme sur le produit externe, ainsi que f · 1 = f. Quant à l'associativité mixte, on a, pour tous x E M et a, (3 E K (! · (af3))(x) d'où f · (af3) = af3f(x) = {3af(x) = (3 · (fa)(x) = ((fa)f3)(x) = (fa)f3. D Nous avons employé de façon essentielle la commutativité de K. Il n'est donc pas toujours vrai que HomA(M, N) soit un A-module. Pour cela, on doit supposer l'existence de structures de bimodules. LEMME 5.2. Soient A, B deux K-algèbres. (i) Pour AMB et NB, HomB(M, N) est un A-module à droite par (fa)(x) = f(ax) {où f: M-+ N, x E M, a E A). (ii) Pour AMB et AN, HomA(M, N) est un B-module à gauche par (bf)(x) = f(xb) {où f: M-+ N, x E M, b E B). (iii) Pour AM et ANB, HomA(M,N) est un B-module à droite par (fb)(x) = f(x)b {où f: M-+ N, x E M, b E B). (iv) Pour MB et ANBI HomB(M,N) est un A-module à gauche par (af)(x) = af(x) {où f: M-+ N, x E M, a E A). DÉMONSTRATION. Très aisée à faire et laissée en exercice. D En particulier, si pour une algèbre A, on considère le (A-A)-bimodule AAA, nous en déduisons que, pour tout module MA, le K-module d'homomorphismes HomA(A, M) a une structure canonique de A-module à droite par (fa)(x) = f(ax) (où f : A-+ M, x E A et a E A). On a un isomorphisme utile. THÉORÈME 5.3. Soit MA un A-module. On a un isomorphisme de A-modules HomA(A, M) ..=.MA. 5. MODULES D'HOMOMORPHISMES 39 On définit une application cp : HomA(A,M) --+ M par /(1). Pour montrer que cp est linéaire, prenons fi,'2 e HomA(A,M) et a 11 a2 E A, alors DÉMONSTRATION. f ...... cp (fiai + '2a2) = = = = {fiai + '2a2) (1) fi (ai)+ h (a2) fi{l)ai + '2{l)a2 cp {fi) ai + cp (h) a2. On vérifie d'autre part que l'application 'l/J : M x ...... (a ...... xa) est la réciproque de cp. D --+ HomA(A, M) définie par Soient L, M, N trois A-modules, f, fi. h des éléments de HomA(L, M), g, gi, 92 des éléments de HomA(M, N) et o:i, 0:2 E K. On vérifie aussitôt les relations: (i) g 0 (fio:i + '20:2) = (g 0 fi) o:i + (g 0 '2) 0:2. {ii) (gio:i + 920:2) 0 f = (gi 0 !) O:i + (92 0 !) 0:2. (iii) g 0 ( - !) = (-g) 0 f = -(g 0 !). En particulier, ces relations, avec l'associativité de la composition des applications, définissent une structure de K-algèbre sur le K-module End MA, dont l'identité est lM. Cela implique que tout A-module M a une structure naturelle de (End M - A)-bimodule puisque la relation (f(x))a = f(x)a = f(xa) (pour f E EndM, x E Met a E A) résulte de la linéarité de f. Encore une fois, on s'intéresse au cas particulier où MA = AA. On a alors un isomorphisme d'algèbres. THÉORÈME 5.4. On a un isomorphisme de K -algèbres EndAA-=.A. DÉMONSTRATION. cp : EndA --+ On a construit en (5.3) un isomorphisme de K-modules A défini par f ...... /(1). Il reste à vérifier que cp préserve la multiplication. En effet, cp(f o g) = (! o g)(l) = /(g(l)) = /(1 · g(l)) = /(l)g(l) = cp(f)cp(g). D II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE 40 Exercices du chapitre II 1. Soient M un A-module et X Ç M une partie quelconque. On définit l' annulateur Ann X de X comme étant l'ensemble Ann X = {a E A 1 xa = 0 pour tout x E X}. (i) Montrer que Ann X est un idéal à droite de A. (ii) Montrer que, si X est un sous-module de M, alors AnnX est un idéal bilatère de A. (iii) Montrer que M admet une structure naturelle de A/ AnnM-module. (iv) Un module MA est dit fidèle si Ann M = O. Montrer que tout A-module M devient fidèle s'il est considéré comme A/ Ann M-module. 2. Soient A,B deux K-algèbres, BMA un (B - A)-bimodule. On considère l'ensemble R= [~ ~] = {[: ~] !aeA,beB,xeM} muni de l'addition ordinaire des matrices et de la multiplication induite de celles de A et B, et de la structure de bimodule de M. Montrer que Rest une Kalgèbre. Montrer que les idéaux à droite de R sont de la forme [.i ~]={[: ~]laeI,xeX,beJ} où IA est un sous-module de AA, JB un sous-module de BB et XA un sousmodule de MA tel que JM Ç X (où JM est l'ensemble des sommes finies de termes de la forme bx avec b E J et x E M). 3. (i) Soit MA un module de type fini. Montrer que toute image de M est de type fini. (ii) Soit 0 --+ LA --+ MA --+ NA --+ 0 une suite exacte de A-modules. Montrer que si L et N sont de type fini, M est alors de type fini. 4. Soient K un corps et t une indéterminée. Montrer que K[t], considéré comme un K-module, n'est pas de type fini. 5. Soient A une K-algèbre arbitraire et Mun A-module de type fini. Montrer que tout ensemble de générateurs de M contient une partie finie qui suffit pour engendrer M. 6. Soient M, N deux modules, et f :M -+ N une application linéaire. (i) Montrer que, pour tout sous-module M' de M, l'image f(M') = {f(x) 1 x e M'} est un sous-module de N. (ii) Montrer que, pour tout sous-module N' de N, la pr~image /- 1 (N') = {x E M 1 f(x) EN'} est un sous-module de M. 7. Soient U, V, W trois sous-modules de M. Montrer que si U +V= W +V, Un V = W n V et U Ç W, alors U = W. EXERCICES DU CHAPITRE II 8. Soient M un A-module, N un sous-module et x E M tel que x Montrer que M a un sous-module L maximal pour N Ç L et x ri L. 41 ri N. 9. Dessiner les treillis de sous-modules des Z-modules Zs, Z24, Z1s, Zao. 10. Soit f : M --+ N une application linéaire. Montrer que le noyau L de f est uniquement déterminé par la propriété suivante (dite universelle). (i) Il existe une application linéaire i: L--+ M telle que fi= O. (ii) Si i' : L' --+ M est une application linéaire telle que fi' = 0, il existe une unique application linéaire u : L' --+ L telle que i' = lu. L Ur L' ~ /r M _L, N 11. Soit f : L --+ M une application linéaire. Montrer que le conoyau N de f est uniquement déterminé par la propriété suivante (dite universelle). (i) Il existe une application linéaire g : M--+ N telle que gf =O. (ii) Si g' : M --+ N' est une application linéaire telle que g' f = 0, il existe une unique application linéaire v : N--+ N' telle que g' = vg. L-LM~N ""'g'" l V N' 12. Soient Mun A-module et a un élément du centre Z(A) de A. Montrer que l'application fa : M--+ M définie par x 1-+ xa est A-linéaire. 13. Soit f : M --+ N linéaire. (i) Montrer que f est un monomorphisme si et seulement si fg = fh implique g = h. (ii) Montrer que f est un épimorphisme si et seulement si gf = hf implique g= h. 14. Soient f : M --+ N un épimorphisme, L un sous-module de M et j : L M l'inclusion. Montrer que: --+ (i) Si Ln Ker f = 0, alors fj: L--+ N est un monomorphisme. (ii) Si L +Ker f = M, alors fj: L--+ N est un épimorphisme. 15. Soit n un entier positif. Montrer qu'il existe une suite exacte courte de Z-modules 0 ---+ Z ---+ Z ---+ Zn ---+ O. 16. Soit n = rs un entier positif. Montrer que la suite de Zn-modules 0 ---+ rZn -L Zn ~ sZn ---+ 0 Il. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE 42 (avec f l'inclusion et g la multiplication par s) est exacte. 17. Soit p un nombre premier. Construire une suite exacte de Z-modules : et en déduire une suite exacte infinie 18. Montrer que la donnée d'une suite exacte de modules ... --+ Mi+l /&+1 --+ 14" lV.li fi --+ 11 lV.li-1 --+ ... équivaut à la donnée pour chaque i d'une suite exacte courte 0--+ Ker fi--+ Mi--+ Ker fi-1--+ O. 19. Soient K un corps et Ei. E 2, Ea des K-espaces vectoriels tels que la suite soit exacte. Montrer que dimK E2 = dimK E1 +dimK Ea. En déduire que si l'on a une suite exacte de K-espaces vectoriels 0 --+ Eo --+ E1 --+ · · · --+ En --+ 0 n alors :~::)-l)idimKEi =O. i=O 20. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de modules et d'applications linéaires : L - 1l L' - Si -o M - M' -N'-o. gl N hl f, g sont des isomorphismes, montrer qu'il en est de même de h. 21. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de modules et d'applications linéaires 0 - L - 1l O - L' - M gl M' Sig, h sont des isomorphismes, montrer qu'il en est de même de f. EXERCICES DU CHAPITRE II 43 22. On considère un diagramme commutatif à lignes exactes de modules et d'applications linéaires : J ---+ !' L' ---+ M' g' ---+ N' Démontrer que lm v n lm/' = v(Ker wg) et Ker v + Ker g = v- 1 (lm f' u), et que lm/' n lm v _ Ker(wg) lm(vf) -+ Kerv +Ker g · 23. On considère un diagramme commutatif à lignes et colonnes exactes de modules et d'applications linéaires : 0 l 0 ---+ u'l 0 ---+ v'l 0 ---+ L" M' ---+ N' ---+ g M u" l N ---+ vl !" l g' ul J L ---+ l !' L' ---+ 0 0 M" g" v" l ---+ N" Montrer que lm(u/') = KergnKerv. 24. On considère un diagramme commutatif à lignes et colonnes exactes de modules et d'applications linéaires : L' u' l L v'l L" l0 !' ---+ J ---+ !" ---+ M' g' ---+ ul M g ---+ vl M" g" ---+ l0 Montrer que Ker( v" g) = lm u + lm f. N' ---+ 0 ---+ 0 ---+ 0 u" l N v"l N" l0 II. MODULES SUR UNE K-ALGÈBRE 44 25. On considère un diagramme commutatif à lignes et colonnes exactes de modules et d'applications linéaires : 0 L 11 ---+ gl u' ---+ H' ---+ u" ---+ H" l L" w ---+ hl 11' ---+ g'l l'l 0 L' M u" ---+ M' l N kl w' ---+ N' h'l M" g"l !" Hm u'" ---+ Lm l0 Montrer que u 111 est un monomorphisme. 26. Démontrer le lemme des 3 x 3 sans utiliser le lemme du serpent. 27. Soit un diagramme commutatif de modules et d'applications linéaires où f, g, h sont des isomorphismes. Si la ligne supérieure est exacte, montrer qu'il en est de même de la ligne inférieure. 28. Soit un diagramme commutatif de modules et d'applications linéaires 0 ---+ 0 ---+ L ---+ 0 ---+ 0 1l L' avec g un isomorphisme. Montrer que : (i) f est injective, et h surjective. (ii) f est surjective si et seulement si h est injective. 29. On considère le diagramme commutatif de modules et d'applications linéaires où les deux lignes sont exactes : 45 EXERCICES DU CHAPITRE II 0 "" L' 1 N /' Î "" M /' ln L 0 0 "" N' /' /' "" Montrer que Ker g .::. Coker f. 0 30. Soit un diagramme commutatif de modules et d'applications linéaires L f M ----+ ul L' g ----+ N ----+ 0 vl !' M' ----+ g' N' ----+ où la ligne du haut est exacte, et g' /' = O. Montrer qu'il existe une unique application linéaire w : N---+ N' telle que wg = g'v. 31. Soit un diagramme commutatif de modules et d'applications linéaires L' !' ----+ M' g' ----+ N' g ----+ N lv 0 ----+ L f ----+ M où la ligne du bas est exacte, et où g' f' = O. Montrer qu'il existe une unique application linéaire u: L' ---+ L telle que fu = vf'. 32. Soient M, M' deux A-modules, f : M ---+ M' une application linéaire, N,N' deux sous-modules de M et M' respectivement, tels que f(N) Ç N'. Montrer qu'il existe une unique application linéaire 1: M/N---+ M' /N' telle que le diagramme M M/N f ----+ 7 -----+ M' lp' M'/N' soit commutatif (où p,p' désignent les projections canoniques). 33. Soit A une K-algèbre commutative. Montrer que HomA(M, N) a une structure naturelle de A-module. CHAPITRE III Catégories de modules Pour avancer dans notre étude, nous introduirons maintenant un nouveau langage. Remarquons que l'algèbre étudie à la fois des ensembles munis d'une structure donnée et des applications préservant cette structure. Par exemple, l'étude des groupes implique celle des homomorphismes de groupes, alors que l'étude des espaces vectoriels implique celle des applications linéaires. D'autre part, dans une structure algébrique donnée, deux objets isomorphes ont les mêmes propriétés, et les êtres mathématiques à étudier ne sont pas les objets eux-mêmes, mais les classes d'objets isomorphes. Il paraît donc nécessaire de travailler dans un cadre où les raisonnements se font à isomorphisme près (et donc fournissent, en même temps qu'un objet, tout objet isomorphe). Ce cadre, qui est celui des catégories, permet d'utiliser de façon optimale les propriétés des applications sans supposer grand chose à leur sujet : il suffira de supposer l'existence de l'application identité et d'une composition associative (mais il ne sera pas même nécessaire de supposer qu'il s'agit d'applications au sens strict du terme). 1. Catégories et foncteurs Cette première section est entièrement consacrée à définir les notions de catégorie, de foncteur et de morphisme fonctoriel, puis à les illustrer sur des exemples. DÉFINITION. Une catégorie C est définie par la donnée: (i) d'une classe Co ou ObC, appelée classe des objets de C, (ii) pour chaque paire (X, Y) d'objets de C, d'un ensemble noté Homc(X, Y) ou Morc(X, Y) dont les éléments sont appelés morphismes (de C) de X vers Y tel que si (X, Y)# (X', Y'), alors Homc(X, Y) n Homc(X', Y') = 0, (iii) pour chaque triplet d'objets (X, Y, Z) de C, d'une application o: Homc(Y, Z) x Homc(X, Y)--+ Homc(X, Z) (où l'image du couple (g, f) est notée go fou simplement gf) appelée la composition des morphismes et satisfaisant aux deux conditions suivantes: 47 III. 48 (Cl) Si f E CATÉGORIES DE MODULES Homc(U, V), g E Homc(V, W), h E Homc(W,X), alors h(gf) = (hg)f. (C2) Pour chaque objet X de C, il existe un morphisme lx E Homc(X, X) appelé l'identité ou le morphisme identique sur X et tel que, si f E Homc(X, Y) et g E Homc(W, X), alors /lx = f et lxg = g. On n'examinera pas ici les fondements logiques de la théorie : le terme de "classe", comme celui d"'ensemble", sera pris comme notion première. On réservera cependant le terme d' "ensemble" aux classes assez petites pour avoir un nombre cardinal. Par contre, on parlera de la "classe" de tous les ensembles ou de tous les groupes. Si, dans une catégorie C, on a un morphisme f E Homc(X, Y), on notera --+ Y ou X .L Y. L'objet X est appelé la source de f, et l'objet Y son but. Il suit immédiatement de (ii) que tout morphisme détermine uniquement sa source et son but. Si X est un objet de C, le morphisme lx est défini de manière unique: en effet, si lx possède les mêmes propriétés, on a lx = lxlx =lx. On a donc une correspondance biunivoque X 1-+ lx entre la classe des objets de C et la classe des morphismes identité : on pourrait définir C uniquement en termes de morphismes et de compositions. On retiendra de ce qui vient d'être dit l'idée que, dans les constructions catégoriques, seuls les morphismes comptent. Un morphisme f : X --+ X est parfois appelé un endomorphisme de X. L'ensemble Homc(X,X) est alors noté EndcX. Un morphisme f : X --+ Y est appelé un isomorphisme s'il existe un morphisme f' : Y --+ X tel que f f' = ly et f'f = lx. Un tel morphisme f' est alors unique : si f' et f" sont· tels que f' f = lx et f f" = ly, alors f' = f'l y = f' (f !") = (!' f) !" = lx f" = f". On appelle f' le morphisme inverse ou réciproque de f et on le note 1- 1 • S'il existe un isomorphisme f: X--+ Y, les deux objets X et Y sont dits isomorphes, ce qu'on note X ~Y. On vérifie aisément que la composition de deux isomorphismes est un isomorphisme, et que la relation ~ est réflexive, symétrique et transitive. Un isomorphisme f : X --+ X est parfois appelé un automorphisme de X. f :X EXEMPLES 1.1. (a) La catégorie Ens des ensembles admet pour objets les ensembles, pour morphismes les applications et pour composition la composition usuelle des applications. (b) La catégorie Gr des groupes admet pour objets les groupes, pour morphismes les homomorphismes de groupes et pour composition la composition usuelle des applications. (c) La catégorie Ab des groupes abéliens admet pour objets les groupes abéliens, pour morphismes les homomorphismes de groupes et pour composition la composition usuelle des applications. (d) La catégorie Top des espaces topologiques admet pour objets les espaces topologiques, pour morphismes les applications continues et pour composition la composition usuelle des applications. 1. CATÉGORIES ET FONCTEURS 49 (e) Soit Kun anneau commutatif. La catégorie AlgK des K-algèbres admet pour objets les K-algèbres, pour morphismes les morphismes de K-algèbres et pour composition la composition usuelle des applications. (f) Soit A une K-algèbre. La catégorie ModA des A-modules à droite admet pour objets les A-modules à droite, pour morphismes les applications A-linéaires et pour composition la composition usuelle des applications. On définit de même la catégorie ModA0 P des A-modules à gauche (ces derniers en effet coïncident avec les A0 P-modules à droite). (g) Soit G un monoïde. On fait de G une catégorie C comme suit : C n'a qu'un seul objet X et Homc{X, X) = G, la composition des morphismes étant alors l'opération de G. (h) Un ensemble partiellement ordonné E peut être considéré comme une catégorie C dont les objets sont les éléments de E, et Homc(a, b) est un ensemble à un élément p~ si a:::; b et vide sinon. Il résulte alors de la transitivité de l'ordre partiel sur E que p~p~ = p~, ce qui définit la composition. {i) Soit Kun corps. On considère la classe e de tous les triplets (E, F, !) où E, F sont des K-espaces vectoriels et où f: E--+ Fest K-linéaire. On considère la catégorie dont la classe d'objets est e, et un morphisme (E, F, f) --+ (E', F', f') est une paire (u, v) où u : E --+ E' et v : F --+ F' sont K-linéaires et telles que f'u = vf. J !' E' ---+ F' Si on définit la composition de (u, v) : (E, F, !) --+ (E', F', f') et (u', v') : (E', F', f') --+ (E", F", f") par (u', v')(u, v) = (u'u, v'v), on est bien en présence d'une catégorie. Soit C une catégorie. La catégorie duale ou opposée C0 P de C est définie comme suit: les objets de C0 P sont ceux de C, et DÉFINITION. Homcop (X, Y) = Homc(Y, X) pour toute paire (X, Y) d'objets de C, le composé de f E Homcop(X, Y) et de g E Homcop(Y,Z) étant alors l'élément fg E Homc(Z,X) = Homcop(X,Z). Si par exemple C est construite à partir d'un monoïde G comme dans l'exemple {1.l)(g), alors C0 P est construite à partir du monoïde opposé G0 P. Une propriété de C0 P est dite duale d'une propriété de C si elle est obtenue à partir de cette dernière par inversion du sens des morphismes. Cette notion sera évidente dans chaque cas particulier. On remarque que (C 0 P) 0 P = C. DÉFINITION. Soient C, 'D deux catégories. On dit que 'D est une sous-catégorie de C si tout objet de 'D est un objet de C, si tout morphisme de 'D est un morphisme de Cet si la composition est la même dans 'D et dans C. Ainsi, si X, Y sont deux objets de 'D, on a Homv(X, Y) Ç Homc(X, Y). 50 III. CATÉGORIES DE MODULES Si cette inclusion est une égalité pour tous X, Y dans 'D, en d'autres termes si tout morphisme X -+ Y de C est aussi un morphisme de 'D, on dit que V est une sous-catégorie pleine. Une sous-catégorie de Ens (non nécessairement pleine) est parfois appelée une catégorie concrète. Dans l'exemple {1.1), {b) (c) {d) (e) montrent des catégories concrètes, dont aucune n'est pleine dans Ens. La catégorie Ab est une sous-catégorie pleine de la catégorie concrète Gr. De même, Alg K est une sous-catégorie de la catégorie concrète ModK, qui n'est pas pleine puisqu'un morphisme d'algèbres, en plus d'être K-linéaire, préserve produits et identité. L'idée d'une application préservant les structures se généralise aux catégories. Une catégorie étant définie par objets, morphismes et composition, il faudrait qu'à chaque objet ou morphisme de la première catégorie, on fasse correspondre un objet ou un morphisme de la seconde, et cette correspondance doit être compatible avec la composition des morphismes. DÉFINITION. Soient C, 'D deux catégories. 1. Un foncteur covariant F : C -+ V est défini par la donnée pour chaque objet X de C d'un objet F(X) ou FX de 'D, et pour chaque morphisme f: X-+ Y de C d'un morphisme F{f) ou Ff: FX-+ FY de V tel que: {Fl) Si gf est défini dans C, alors F(g)F(f) est défini dans V et F(gf) = F(g)F(f). {F2) Pour tout objet X de C, F {lx)= 1Fx· 2. Un foncteur contravariant F : C -+ 'D est défini par la donnée pour chaque objet X de C d'un objet F(X) ou F X de 'D, et pour chaque morphisme f : X -+ Y de C d'un morphisme F(f) ou Ff: FY-+ FX de V tel que: {Fl) Si gf est défini dans C, alors F(f)F(g) est défini dans V et F(gf) = F(f)F(g). {F2) Pour tout objet X de C, F {lx)= 1Fx· Un foncteur contravariant C-+ V n'est autre qu'un foncteur covariant C0 P-+ V ou qu'un foncteur covariant C -+ 'D0 P. Chaque fois que l'on parlera de foncteur sans autre précision, il s'agira d'un foncteur covariant. Un foncteur F : C-+ C est parfois appelé un endofoncteur. EXEMPLES 1.2. (a) Soit C une sous-catégorie de V. Il existe un foncteur naturel, dit d'inclusion, J: C-+ 'D défini pour tout objet X de C par J(X) =X et pour tout morphisme f de C par J{f) = f. Si, par exemple, C =V, le foncteur d'inclusion s'appelle foncteur identité et est noté le : C-+ C. (b) Si C = Gr,Ab,ModA,AlgK, il existe un foncteur U: C-+ Ens, appelé foncteur oubli, qui associe à chaque objet son ensemble sous-jacent, et à chaque morphisme l'application sous-jacente. De même, si A est une K-algèbre, il existe un foncteur oubli U: ModA-+ ModK. {c) Soient C, 'D, & trois catégories, et F : C -+ V et G : V -+ e deux foncteurs. Le foncteur composéGoF ou GF deC danse est défini par (GF)(X) = G(F(X)) pour tout objet X de Cet (GF)(f) = G(F(f)) pour tout morphisme f de C. {d) Soient C une catégorie et X un objet de C. Le foncteur Homc{X, -) : C-+ Ens associe à chaque objet M de C l'ensemble Homc{X, M) et à chaque mor- 1. CATÉGORIES ET FONCTEURS phisme f : M --+ N l'application Home(X, f) : Home(X, M) définie par Home(X, f)(g) = f g. 51 --+ Home(X, N) Ce foncteur est covariant. Un cas particulier à signaler est celui où C = Mod A, avec A une K-algèbre. Alors, pour un A-module X, le foncteur HomA(X, -) est un foncteur de ModA dans ModK (voir (II. 5.1)). (e) Soient C une catégorie et X un objet de C. Le foncteur Home(-, X) : C--+ Ens associe à chaque objet M de C l'ensemble Home(M, X) et à chaque morphisme f: M--+ N l'application Home(f,X) : Home(N,X) --+ Home(M,X) définie par Home(!, X)(g) = gf. Ce foncteur est contravariant. Un cas particulier digne de mention est celui où C = ModA avec A une K-algèbre. Alors, pour un A-module X, le foncteur HomA(-,X) est un foncteur de ModA dans ModK (voir (II. 5.1)). On exprime parfois la situation des exemples (d) et (e) ci-dessus en disant que Home(-,-) est un bifoncteur (ou foncteur de deux variables) covariant dans la seconde variable et contravariant dans la première. Afin de comparer deux foncteurs, nous aurons besoin d'une notion de morphisme entre eux. Soient C, 'D deux catégories. 1. Soient F, G : C --+ V deux foncteurs covariants. Un morphisme fonctoriel (ou transformation naturelle) cp : F --+ G est défini par la donnée pour chaque objet X de C d'un morphisme <px : FX--+ GX de 'D tel que, si f: X--+ Y est un morphisme de C, on a cpyF(f) = G(f)cpx, c'est-à-dire que le carré suivant est commutatif: DÉFINITION. FX F(f) 'PX ---+ l l FY GX 'PY ---+ G(f) GY 2. Soient F, G : C --+ V deux foncteurs contravariants. Un morphisme fonctoriel (ou transformation naturelle) cp: F--+ Gest défini par la donnée pour chaque objet X.de C d'un morphisme <px : FX--+ GX de 'D tel que, si f: X--+ Y est un morphisme de C, on ait <pxF(f) = G(f)cpy, c'est-à-dire que le carré suivant III. CATÉGORIES DE MODULES 52 est commutatif : FX 'l'X ---+ GX î F(/)î FY G(/) tpy ---+ GY . Soient F, G, H : C --+ 'D trois foncteurs covariants, ep : F--+ G et 1/J : G--+ H deux morphismes fonctoriels. Le morphisme fonctoriel composé .,Pep : F --+ H est défini par (.,Pep)x = 'l/Jxepx pour tout objet X de C. Pour tout foncteur covariant F: C--+ 'D, on définit un morphisme fonctoriel identité IF : F--+ F par la condition (lF)x = lFx· On définit de même les notions correspondantes pour les foncteurs contravariants. Soient F, G : C --+ 1J deux foncteurs et ep : F --+ G un morphisme fonctoriel. On dit que ep est un isomorphisme fonctoriel si ep x est un isomorphisme pour chaque objet X de C. On voit alors aisément que les morphismes epX.1 définissent un morphisme fonctoriel G --+ F noté ep- 1 et appelé l'inverse de ep. Donc ep : F --+ G est un isomorphisme fonct<:>riel si et seulement s'il existe un morphisme fonctoriel 1/J : G --+ F tel que ep'l/J = la et .,Pep = lF. Enfin, le composé de deux isomorphismes fonctoriels est aussi un isomorphisme fonctoriel. EXEMPLES 1.3. (a) Soit u: M --+ N un morphisme d'une catégorie C. On considère les foncteurs covariants Homc{M, - ), Homc(N, -) : C --+ Ens. On associe à u un morphisme fonctoriel Homc(u, -) : Homc(N, -) --+ Homc(M, -) comme suit: pour un objet X de C, Home(u, X) : Home(N, X) --+ Home(M, X) est défini par Home(u,X)(/) = fu. M~N ';;, 11 '\, X Il faut montrer que, pour tout morphisme commutatif Home(N,X) Homc(N,J) f: X--+ Y Homc(u,X) Home(M,X) l Home(N,Y) de C, le carré suivant est l Homc(M,J) Homc(u,Y) Home(M,Y) et cela résulte de ce que, pour tout g E Home(N,X), on a Home(u, Y) Home(N, f)(g) = fgu = Home(M, f) Home(u,X)(g). La composition commune Home(u, Y)Homc(N, f) =Home(M, !)Home(u, X) (où u : M --+ N et f : X --+ Y sont des morphismes de C) est une application de Home(N,X) dans Homc(M,Y), notée Home(u,f). Si L ....!..+ M ~Net X ~ Y ~ Z sont des morphismes de C, on a Home(v,g)Home(u,/) = Homc(uv,gf). 2. PRODUITS ET SOMMES DIRECTES 53 (b) De même, u : M -+ N définit un morphisme fonctoriel Home ( - , u) : Home(-, M)-+ Home(-, N) entre foncteurs contravariants. (c) En (a) et (b), on voit que Home(u, -) et Home(-, u) sont des isomorphismes fonctoriels si u est un isomorphisme de C. (d) Soient A une K-algèbre, F,G : ModA -+ ModA les foncteurs F = HomA(A, -) et G = lModA· Le morphisme fonctoriel cp : F -+ G défini par 'PM : HomA(A, M) -+ M, f 1-+ /(1) est un isomorphisme fonctoriel d'inverse 'l/J : G -+ F défini par 'l/JM : M -+ HomA(A, M), x 1-+ (a 1-+ xa). En effet, on sait déjà que, pour chaque M, 'PM et 'l/JM sont des isomorphismes inverses (II. 5.3). Il reste à vérifier la fonctorialité : soit donc u : M -+ N une application A-linéaire, on doit montrer que le carré suivant est commutatif : HomA(A,M) HomA (A,u) l HomA(A,N) Or, pour tout f E HomA(A, M), -l/)N on a 'PN HomA(A, u)(f) = 'PN(uf) = (u/)(1) = u(/(1)) = ucpM(/). 2. Produits et sommes directes La notion de produit existe dans les catégories d'ensembles, de groupes, d'espaces vectoriels, etc. Nous allons la formuler en termes catégoriques, c'està-dire, nous le rappelons, en termes d'objets et de morphismes. Soit {M.xheA une famille d'objets d'une catégorie C. Un produit de cette famille est la donnée d'un objet M et d'une famille de morphismes (p,x : M-+ M.xheA telle que, si (M', (p'.xheA) est la donnée d'un autre objet M' et d'une autre famille de morphismes (PÀ : M'-+ M.xheA• alors il existe un unique morphisme f : M' -+ M tel que p,xf = PÀ pour tout À E A. DÉFINITION. (M, (P.xheA) M ~ ,r fa 1 M.x PA M' On exprime cette propriété en disant que M est un objet universel {plus précisément, un objet universellement attirant). Il est utile de reformuler l'énoncé d'unicité dans la propriété universelle précédente comme suit : si f et g sont deux morphismes tels que p,xf = p,xg pour tout À E A, alors f = g. LEMME 2.1. Si une famille d'objets (M.xheA admet un produit, celui-ci est unique à isomorphisme près. III. CATÉGORIES DE MODULES 54 DÉMONSTRATION. Soient (M, {p>.heA) et (M', (P'.>.heA) deux produits de la famille (M>.) >.eA. Alors il existe des morphismes f : M' - M et f' : M - M' tels que P>.f = p). et p).f' = P>. pour tout À E A. M P>. ----+ T /1 1 M' p~ ----+ !' 1 M î lM>. T 1 M>. M>. î lM>. P>. ----+ M>. Il s'ensuit que P>.f f' = P>. pour tout À E A. Comme P>.lM = P>. pour tout À E A, l'unicité dans la définition donne If'= lM. De même, f'f = lM'· D Par abus de langage, on dit que M, s'il existe, est le produit de la famille n (M>.heA• ce qu'on note M = II M>.. Si A= {1, 2, ... , n}, on note M =II Mi >.eA i=l ou M = Mi x · · · x Mn. Si tous les M>. sont égaux à N, on note M = NA (ou Nn si A= {1,2, ... ,n}). Les (p>.: M- M>.heA sont appelés les projections canoniques. THÉORÈME 2.2. Soit A une K-algèbre. Toute famille (M>.heA de A-modules admet un produit dans ModA, unique à isomorphisme près. DÉMONSTRATION. M = {(x>.heA 1 X>. M par E Il suffit, d'après le lemme, d'établir l'existence. Posons M>.} et P>.: (xµ)µeA 1-+ X>.. On définit des opérations sur (x>.heA + (Y>.heA = (X>. + Y>.heA (x>.heA a= (x>.aheA pour (x>.heA et (Y>.heA dans M et a E A. Alors M est muni d'une structure de A-module et chaque P>. : M - M>. est A-linéaire. Soit {M', {p).) >.eA) comme dans la définition. Alors, pour x' E M', la formule f (x') = (p). (x')heA définit évidemment la seule application A-linéaire telle que P>.f = p). pour tout À E A.D La notion de somme directe, ou coproduit, est la notion duale de celle de produit, au sens où on l'a vu dans la section précédente. Soit (M>.heA une famille d'objets d'une catégorie C. Une somme directe, ou coproduit (M, (q>.) >.eA) de cette famille, est la donnée d'un objet M et d'une famille de morphismes (q>.: M>. - MheA telle que, si (M', (qÀheA) est la donnée d'un autre objet M' et d'une autre famille de morphismes (qÀ: M>. M')>.eA, alors il existe un unique morphisme f: M - M' tel que fq>. = qÀ pour tout À E A. DÉFINITION. 2. PRODUITS ET SOMMES DIRECTES 55 M 1 V M' On exprime cette propriété en disant que M est un objet universel (ou plus précisément universellement repoussant). L'unicité dans la propriété universelle précédente peut être reformulée comme suit : si f et g sont deux morphismes tels que fq>. = gq>. pour tout À E A, alors f = g. LEMME 2.3. Si une famille d'objets admet une somme directe, celle-ci est unique à isomorphisme près. DÉMONSTRATION. Duale de celle de {2.1) et laissée en exercice. O Par abus de langage, on dit que M, s'il existe, est la somme directe, ou le M>.. Si coproduit, de la famille (M>.heA· On note alors M = E9M>. ou >.eA >.eA Il A= {1, 2, ... , n}, on note M = n n i=l i=l E9 Mi, Il Mi, Mi E0 M2 E0 · · · E0 Mn, ou encore MiIIM2II·· ·IIMn. Si tous les M>. sont égaux à N, on note leur somme directe N(A) (ou N(n) si A= {1,2, ... ,n}). Les (q>.: M>. - MheA sont appelés les injections canoniques. THÉORÈME 2.4. Soit A une K-algèbre. Toute famille (M>.heA de A-modules admet une somme directe dans Mod A, unique à isomorphisme près. DÉMONSTRATION. Il suffit d'établir l'existence. Soit M le sous-ensemble de II M>. formé des (x>.heA dont le support est fini : on voit aisément que M est >.EA un sous-module de II M>.. On définit, pour chaque À E A, q>. : M>. - M par >.EA q>.(x) = (yµ)µEA où Y>. = x et Yµ = 0 pour µ ~ À. Il est évident que q>. est A-linéaire. Soient M' et (q).: M>. - M'heA comme dans la définition. Alors, q>. (x>.) (en effet, la somme a un sens pour (x>.heA E M, on a (x>.heA = >.EA q). (x>.) définit la seule car (x>.heA est à support fini). Donc f ((x>.heA) = >.EA application A-linéaire telle que fq>. = q). pour tout À E A. O L L On remarque que les définitions de produit et de somme directe (qui sont purement catégoriques) sont duales, mais que les constructions des objets correspondants de Mod A (qui, elles, dépendent des propriétés particulières de Mod A) ne le sont pas. Ce phénomène se présentera à plusieurs reprises dans l'étude de ModA et il s'exprime en disant que la catégorie ModA n'est pas autoduale (c'est-à-dire n'est pas identique à la catégorie opposée). Notons aussi que somme directe et produit coïncident lorsque l'ensemble d'indices est fini. III. CATÉGORIES DE MODULES 56 Soit (MÀheA une famille de sous-modules d'un module MA. On rappelle que MÀ est définie comme étant l'ensemble des sommes de la forme leur somme L ÀEA L xÀ où xÀ E MÀ pour tout A, et où la famille À E est à support {xÀheA ÀEA fini. Par la définition de somme directe appliquée aux injections canoniques Mµ ---+ L MÀ, il existe une application A-linéaire f : MÀ ---+ L MÀ définie œ par ÀEA ÀEA (xÀheA 1--+ ÀEA L xÀ. ÀEA En particulier, f est évidemment un épimorphisme. Si f est un isomorphisme, de telle sorte que MÀ .=. L MÀ, on dit que la somme L MÀ est directe. œ ÀEA ÀEA ÀEA PROPOSITION 2.5. Soit {MÀheA une famille de sous-modules d'un module M. Les conditions suivantes sont équivalentes : {i) La somme L MÀ est directe. ÀEA (ii) Pour tout À E A, on a MÀ n ( L Mµ) = O. µ'#À {iii) Si L xÀ = 0 avec (xÀheA une famille à support fini telle que xÀ E MÀ ÀEA pour tout À E A, alors xÀ = 0 pour tout À E A. (iv) Tout x E L MÀ s'écrit uniquement sous la forme x = ÀEA (xÀheA L xÀ avec ÀEA une famille à support fini telle que xÀ E MÀ pour tout À E A. DÉMONSTRATION. {i) implique (ii). Supposons la somme L MÀ directe et ÀEA soit xÀ = Lx,.,. E MÀ n (LM,.,.). Alors -xÀ +LXµ= O. Soit y= (Y11) 11eA µ'#À µ# µ'#À défini par yÀ = -xÀ et Yv = X11 pour v 1' À, alors f(y) = O. Comme f est un isomorphisme, y= 0 et donc xÀ =O. (ii) implique (iii). Si L xÀ = 0 alors, pour tout À E A, on a -xÀ = LXµ E µ'#À ÀEA MÀ n (LMµ) =o. µ'#À Donc XÀ =o. (iii) implique (i). En effet, (iii) exprime exactement que le noyau de f est nul. (iii) et (iv) sont équivalentes. En effet, si L xÀ = L yÀ avec (xÀheA ÀEA et (YÀheA ÀEA à support fini et telles que xÀ, yÀ E MÀ pour tout À E A, alors 2. PRODUITS ET SOMMES DIRECTES L 57 L (xÀ - yÀ) = 0 donne xÀ = yÀ pour tout À E A. Réciproquement, si xÀ = ÀEA ÀEA 0, l'unicité de l'écriture de 0 E M donne xÀ = 0 pour tout À E A. D Si un module M est la somme directe de deux sous-modules Mi et M2, on dit que Mi et M2 sont supplémentaires (dans M). D'après la proposition précédente, c'est le cas si et seulement si M =Mi +M2 et Mi nM2 =O. Enfin, on dit qu'un sous-module N de Men est un facteur direct s'il existe un sous-module L de M tel que M .=. N E9 L. THÉORÈME 2.6. Soient, dans une catégorieC, deux familles d'objets (MÀheA et (Na)aeE• (qÀ: MÀ---+ Ef)Mµ) µEA recte de la première famille, et (Pa : les injections associées à la somme diÀEA II Nw ---+ Na) weE les projections associées aEE au produit de la seconde famille. Alors il existe une bijection canonique Home (E9 MÀ, II Na) .=. II ÀEA donnée par f 1-+ aEE Home (MÀ, Na) (À,a)EAxE (pafqÀ)(À,a)eAxE· DÉMONSTRATION. En effet, le diagramme -/ p.,/q>. -----+ montre bien qu'on a affaire à une application. Elle est surjective, car si (gaÀ: MÀ---+ Na)(À,a)EAxE II II Home (MÀ, Na), alors, pour chaque À E A, la pro(À,a)EAxE priété universelle de Nw permet de définir un morphisme hÀ: MÀ---+ Nw est un élément de II tel que PahÀ = 9aÀ pour tout u E E, et puis la propriété universelle de E9 Mµ µEA permet de définir un morphisme f : E9 Mµ II Nw tel que f qÀ = hÀ pour ~E ~E ---+ µEA wEE tout À E A. On a bien 9aÀ = PahÀ = PafqÀ pour tous À E A et u E E. Enfin, cette application est injective, car si PafqÀ = Paf'qÀ pour tous À E A et u E E, l'unicité dans la définition du produit entraîne que fqÀ = fq). pour tout À E A et l'unicité dans la définition de la somme directe entraîne que f = f'. D III. CATÉGORIES DE MODULES 58 COROLLAIRE 2.7. SoientA uneK-algèbre, (MÀheA et(N.,.).,.e-r; deuxfamilles (qÀ : MÀ -+ E9 Mµ) de A-modules, µEA les injections associées à la somme di- ÀEA recte de la première famille et (p.,. : II Nw -+ N.,.) wE'E les projections associées aE'E au produit de la seconde famille. Il existe un isomorphisme de K -modules II II HomA (E9MÀ, N.,.) .::. HomA (MÀ,N.,.) ÀEA aE'E (À,a)EAX'E donné par f 1-+ (p.,.fqÀ)(À,a)eAx'E' DÉMONSTRATION. Il suffit d'établir que l'application donnée est K-linéaire, ce qui se fait aisément au moyen des formules de (11.5). D COROLLAIRE 2.8. les, Soient A une K-algèbre, (N.,.).,.e-r; une famille de A-modu- (p.,.: II Nw-+ N.,.) wE'E les projections associées à son produit et M un aE'E A-module. Il existe un isomorphisme de K-modules HomA (M, II N.,.) aE'E donné par f 1-+ II HomA (M, N.,.) aE'E (p.,.J).,.e-r;· D COROLLAIRE 2.9. les, -=. Soient A une K -algèbre, (MÀ) ÀEA une famille de A-modu- (qÀ : MÀ-+ E9 Mµ) µEA les injections associées à sa somme directe et N ÀEA un A-module. Il existe un isomorphisme de K -modules HomA (œ MÀ, ÀEA donné par f 1-+ (f qÀ) ÀEA · N) .: . ÀEA II HomA (MÀ, N) D Notons que le foncteur covariant HomA(M, -) préserve les produits et que le foncteur contravariant HomA (- , N) transforme les sommes en produits. Il existe un cas particulier dont l'étude nous permettra d'utiliser une notation matricielle. Soient M11 ... , Mm et N11 ... , Nn des A-modules. On note H = (HomA (M;, Ni)] = HomA (Mi, Ni) [ HomA (Mi,N2) HomA (Mi,Nn) HomA (M2, Ni) HomA (M2, N2) HomA (Mm, Ni)] HomA (Mm, N2) HomA (Mm, Nn) 2. PRODUITS ET SOMMES DIRECTES 59 l'ensemble des n x m matrices de la forme [J,,··]- fu /12 [ h1 : h2 fim] hm fnl fn2 fnm : où fi;: M;--+ Ni est A-linéaire. Si on définit, pour [fi;], (gi;] EH et a,{3 E K [fi;]a + [gi;]/3 = [fi;Ot. + 9i;/3] il est clair que H est muni d'une structure de K-module. COROLLAIRE 2.10. Avec les notations précédentes, on a un isomorphisme de K-modules n donné par f 1-+ [pifq;] où Pi : EJ1Nk m q; : M; --+ --+ Ni est la projection canonique et k=l E9 Mt l'injection canonique. l=l DÉMONSTRATION. En tant que A-modules, on a n n i=l i=l EJ1 Ni = II Ni. Il ne reste plus qu'à appliquer (2.6) en retenant que H est isomorphe (en tant que Kmodule) au produit HomA (M;, Ni).D II (i,j) Le corollaire précédent revêt toute son importance si les M; coïncident avec les Ni. Dans ce cas, on a un isomorphisme de K-modules H-=. HomA ($ $ M;) = EndA M;, 3=1 3=1 ($ M;) . 3=1 Or le terme de droite est une K-algèbre. Nous allons montrer que H est aussi une K-algèbre et que l'isomorphisme précédent est un isomorphisme de K-algèbres. En effet, on peut définir une multiplication dans H comme on le fait ordinairement pour les matrices, c'est-à-dire par la règle m où hi;= L9ikfk; E HomA (M;, Mi)· k=l PROPOSITION 2.11. Avec les définitions précédentes, H est une K-algèbre isomorphe à EndA ($ 1=1 M;) . III. CATÉGORIES DE MODULES 60 DÉMONSTRATION. Il est facile de vérifier que H est une K-algèbre. Pour montrer le deuxième énoncé, il faut montrer que l'isomorphisme de K-modules tp: EndA ($M;) -+ H défini dans (2.10) par f 1-+ [pdq;] est un morphisme 3=1 d'algèbres. Pour cela, observons que les Pi et q; satisfont aux identités Q1P1 + + · · · + QmPm = lœM; 1 P;Q; = lM; pour tout j et PiQi = 0 pour i ~ j. On voit donc immédiatement que tp {lœM;) = [piq;] est la matrice identité. Soient Q2P2 donc /, g E EndA ($ M;) . Alors 3=1 ip(gf) = [Pi9/q;] = [Pi9 (2:;;'=1 QkPk) fq;] = [2:;;'=1 (pigqk) (pkfq;)] = [Pi9Qk] = COROLLAIRE ip(g)ip(f). D 2.12. Soient A une K-algèbre, M un A-module, alors EndA ( M(n)) ..; Mn (EndA(M)). COROLLAIRE [Pkfq;] 0 2.13. Soient A une K-algèbre, Mi, ... , Mm des A-modules tels queHomA(Mi,M;)=Opouri~j. AlorsEndA(~Mi)..; fiEndAMi. 0 3. Modules libres Soit M un A-module. Un ensemble (xÀheA d'éléments de M est dit libre ou linéairement indépendant si, pour toute famille (aÀheA d'éléments de A telle que (xÀaÀheA soit à support fini, la relation L xÀaÀ = 0 entraîne aÀ = 0 pour tout ÀEA A. Un ensemble X qui n'est pas libre est dit lié ou linéairement dépendant. Une base d'un module M est par définition une famille libre d'éléments de M qui engendre ce dernier. Bien sûr, il n'est pas vrai que tout module ait une base. Par exemple, si M est un groupe abélien d'ordre fini n, toute famille non vide d'éléments est liée (car, pour x dans cette famille, on a xn = 0), donc M n'a pas de base. La notion de base est liée à la propriété universelle suivante. À E DÉFINITION. Soit X un ensemble. Un A-module libre sur X est la donnée d'un A-module L(X)A et d'une application jx : X-+ L(X) telle que, si M est un A-module et si f : X -+ M est une application, alors il existe un unique morphisme de A-modules 1: L(X) -+ M tel que f jx = f. X ~ L(X) ~ 11 M Il est utile de reformuler l'unicité comme suit : si /, g : L(X) applications linéaires telles que f ix = gjx, alors f = g. -+ M sont deux 3. MODULES LIBRES LEMME 3.1. Soit X un ensemble. unique à isomorphisme près. 61 Un module libre sur X, s'il existe, est DÉMONSTRATION. Nous avons déjà utilisé ce raisonnement (voir (2.1)), nous allons néanmoins le répéter. Soient L, L' deux modules libres sur X et j : X-+ L, j' : X -+ L' les applications correspondantes. Il suit de la définition qu'il existe des applications A-linéaires f : L -+ L' et f' : L' -+ L telles que j' = fj et j = f'j'. X lx j ---+ 1 j' X lx 1 X Mais alors ld = j = f' fj ---+ j ---+ et l'unicité donne L 11 L' l1' L f' f = lL. De même, f f' = lL. D THÉORÈME 3.2. Pour tout ensemble X, il existe un A-module libre sur X, unique à isomorphisme près. DÉMONSTRATION. Il suffit d'établir l'existence. Soit L(X) = A~x) (à savoir une somme directe de copies du A-module AA, indexée par X (voir la section 2)) et jx : X -+ L(X), À 1--+ eÀ = (e~) µEX où e~ = 1 tandis que e~ = 0 siµ =f. À. En particulier, tout élément de L(X) s'écrit L eÀaÀ avec (aÀhex une famille ÀEX d'éléments de A à support fini. Si f est une application de X dans un A-module, la seule application linéaire 7: L(X)-+ M telle que lix = f est définie par Comme çette dernière formule définit bien une application linéaire, la démonstration se trouve achevée. D Par abus de langage, on appellera L(X) le module libre sur X. Un module L est dit libre s'il existe un ensemble X tel que L ..::+ L(X). Donnons un exemple. Un élément du module libre L(N)K = K(N) est une suite (xn)neN d'éléments de K telle que Xn = 0 sauf pour un nombre fini de n, ce qui revient à dire qu'il existe no E N tel que n ~ no entraîne Xn = O. Comme par ailleurs les opérations de K(N) se font par coordonnées, on en déduit un isomorphisme de K-modules K(N) ..::+ K[t]. Comme nous l'avions dit, la notion de module libre est liée à celle de base. THÉORÈME 3.3. Un A-module Lest libre si et seulement s'il possède une base. III. CATÉGORIES DE MODULES 62 DÉMONSTRATION. Si L = L(X) pour un X, alors L..::.A<x>. On affirme que l'ensemble des éléments eÀ = ( e!) µEX définis par e~ = 1 et e! = 0 si À =F µ, constitue une base de L. Comme tout élément de L(X) s'écrit sous la forme eÀaÀ avec (aÀhex une famille d'éléments de A à support fini, alors les eÀ ÀEX engendrent L. Quant à l'indépendance linéaire, on observe que eÀaÀ = 0 ÀEX signifie que (aÀhex = 0 dans A(X) Ç Ax. Donc aÀ = 0 pour tout À. L L Réciproquement, si L admet une base notée (eÀ) ÀEX' on affirme que L..::.L(X). Soit en effet j : X --+ L donnée par À 1-+ eÀ. Si f est une application de X dans un A-module M, on prend, pour chaque i E L, sa décomposition (unique par définition) en combinaison linéaire des termes de la base i = eÀaÀ. Alors 7 ÀEX donnée par L ](i) = 7 (L ÀEX eÀaÀ) = 7 (L L (lj) (.X)aÀ j(À)aÀ) = ÀEX ÀEX est la seule application A-linéaire telle que ]j = X = L f(.X)aÀ ÀEX f ~L ~17 M.O On voit que, si L = L(X) est un module libre sur X, alors X s'identifie à une base de L. La propriété universelle définissant un module libre consiste en ce qu'une application linéaire dont la source est un module libre est uniquement déterminée par les valeurs qu'elle prend sur une base de celui-ci. C'est ce qu'on appelle en algèbre élémentaire le théorème du prolongement linéaire. Nous avons un théorème classique d'existence. PROPOSITION 3.4. Soit A un corps (peut-être gauche). Si X engendre le Amodule M et E est une partie libre contenue dans X, alors il existe une base B de M telle que E Ç B Ç X. e e DÉMONSTRATION. On considère l'ensemble des parties E' de M qui sont libres et telles que E Ç E' Ç X. Cet ensemble est ordonné par inclusion et non vide (car E E &). Si :Fest une chaîne contenue danse et E" = UYe:F Y, alors E" est libre (car toute partie finie de E" est dans un Y), donc E" est un majorant pour :F. Le lemme de Zorn entraîne que a un élément maximal B. Comme B est libre, il reste à montrer que B engendre M, et pour cela il suffit de montrer (puisque X engendre M) que tout x E X est une combinaison linéaire d'éléments de B. Six E B, il n'y a rien à prouver. Six</. B, la maximalité de B entraîne que BU {x} n'est pas libre, donc il existe une combinaison linéaire e 3. MODULES LIBRES 63 +L xÀaÀ = 0 avec 0 =F a E A, aÀ E A et xÀ E B. Par conséquent À x = - ExÀaÀa-i. D xa À COROLLAIRE 3.5. Soit A un corps (peut-être gauche). Tout A-module est libre. D Dans cette situation, tout A-module est un A-espace vectoriel et on vient de montrer que tout A-espace vectoriel admet une base. PROPOSITION 3.6. Tout A-module M est quotient d'un A-module libre L. En outre, si M est de type fini, L peut aussi être choisi de type fini. DÉMONSTRATION. Soient MA un A-module et X une partie de M qui engendre celui-ci (par exemple X= M). L'inclusion i: X-+ M induit un morphisme f : A (X) -+ M rendant commutatif le diagramme X ~ A(X) ~ M. 11 Comme tout x E M est une combinaison linéaire des éléments de X (et l'image de f contient X), alors f est un épimorphisme. Si M est de type fini, et engendré par {xi, ... , Xn}, on peut appliquer le même raisonnement avec L = A(n) de base {ei. ... , en}· Le morphisme f est alors défini par f (ei) = Xi (où 1 ~ i ~ n) et la propriété universelle de A (n). D Lo COROLLAIRE --+ M --+ 0 3.7. Soit M un A-module. Il existe une suite exacte Li --+ avec Lo et Li libres. DÉMONSTRATION. On applique la proposition successivement à M et au noyau de l'épimorphisme Lo-+ M. D Une telle suite exacte s'appelle une présentation libre de M. Si en outre Lo et Li sont de type fini, on dit que M est de présentation finie. S'il est évident que tout module de présentation finie est nécessairement de type fini, la réciproque n'est pas vraie : si M est de type fini, on peut, d'après {3.6), choisir Lo de type fini, mais le noyau de Lo -+ M n'est généralement pas de type fini et par conséquent Li non plus n'est généralement pas de type fini. Ce point sera traité plus longuement au chapitre VI. Une présentation libre d'un module peut être considérée comme une approximation de ce module par des modules libres. L'existence de présentations libres est utile quand un calcul s'opère plus facilement sur un module libre que sur un module arbitraire, à condition, bien sûr, que ce calcul soit compatible avec le passage aux conoyaux. Nous verrons plusieurs exemples de tels calculs. Il existe un procédé standard d'utilisation de la propriété universelle définissant un module libre pour construire un foncteur Ens -+ Mod A. Ce procédé s'appelle la Jonctorisation. 64 III. CATÉGORIES DE MODULES Soient X, Y deux ensembles et f: X-+ Y une application. Il suit de la propriété universelle définissant les modules libres qu'il existe un unique morphisme de A-modules L(f) : L(X) -+ L(Y) rendant commutatif le carré X jx -----+ L(X) lL(!) 1 il y jy -----+ L(Y) Il est évident que L(lx) = lL(X)· Soient d'autre part deux applications f : X -+ Y et g : Y -+ Z. On a un diagramme commutatif : X jx -----+ L(X) lL(!) 1 il y jy -----+ L(Y) lL(g) 1 gl z jz ----+ L(Z) Donc L(g)L(f)jx = jzgf = L(gf)jx et, par suite de l'unicité, L(gf) = L(g)L(f). Ainsi L: Ens-+ ModA est un foncteur covariant. Cela nous permet d'énoncer de façon élégante la propriété universelle : en effet, celle-ci dit que, pour tout A-module M et tout ensemble X, on a une bijection HomEns(X, M)..::. HomA(L(X), M) où, à gauche, M est considéré comme un ensemble (c'est-à-dire est l'image du Amodule M par le foncteur oubli ModA-+ Ens). Cela nous amène à la définition. DÉFINITION. Soient C, 'D deux catégories, F : C -+ 'D et G : 'D -+ C deux foncteurs. On dit que F est adjoint à gauche de G ou que G est adjoint à droite de F, ou que la paire (F, G) est une paire adjointe si, pour chaque objet X de C et chaque objet M de 'D, il existe une bijection 'PX,M: Homc(X,GM)..::. Homv(FX,M) et si celle-ci est fonctorielle en chaque variable. Si par exemple F et G sont covariants, la dernière phrase s'explicite en disant que, si f : X -+ Y est un morphisme de C et si u : M -+ N est un morphisme de 'D, les diagrammes suivants sont commutatifs: Homc(X,GM) Homc(/,GM) î Homc(Y,GM) 'PX,M ----+ Homv(FX,M) î Hom'D(Fl,M) 'PY,M ---+ Homv(FY,M) 3. MODULES LIBRES Homc(X,GM) Homc(X,Gu) l Homc(X,GN) 65 'PX,M ---+ Homv(FX,M) l Homv(FX,u) 'PX,N ---+ Homv(FX,N) On a vu plus haut que le foncteur module libre L : Ens -+ Mod A est adjoint à gauche du foncteur oubli (la démonstration de la fonctorialité est un exercice facile laissé au lecteur). Nous verrons d'autres exemples d'adjonctions plus loin. Pour clore cette section, nous montrerons que l'on peut définir une notion d'objet libre dans la catégorie des K-algèbres, de la même façon que nous avons défini la notion de module libre. DÉFINITION. Soit X un ensemble. Une K-algèbre libre sur X est la donnée d'une K-algèbre K(X) et d'une application j : X -+ K(X) telle que, si A est une K-algèbre et si f : X -+ A est une application, alors il existe un unique morphisme de K-algèbres J: K(X)-+ A tel que fj = f. ~K(X) X ~il A THÉORÈME 3.8. Pour tout ensemble X, il existe une K-algèbre libre K(X) sur X, unique à isomorphisme près. DÉMONSTRATION. L'universalité garantissant l'unicité, il suffit de montrer l'existence. Soit M(X) l'ensemble des mots sur l'alphabet X = {x..\ 1 À E A}, à savoir l'ensemble des suites finies d'éléments de X, y compris la suite vide (notée 1). On définit K(X) comme étant le K-module libre de base M(X) : donc K(X) = K(M(X)) en tant que K-module. Si on note Xu = X,\ 1 • • • X..\m pour toute suite d'indices a= (..Xi. ... , Àm}, chaque élément de K(X) s'écrit uniquement x = LXuau, où la somme porte sur toutes les suites finies a d'éléments U de A, et (au )u est une famille d'éléments de K à support fini. On définit la multiplication de deux vecteurs de base par juxtaposition : si a= (..Xi, ... , Àm) et p = (pi, ... , Pn) alors XuXp = Xup où ap = (..X1 1 ••• , Àm, pi, ... , Pn) et on prolonge par bilinéarité : si x = L Xuau et y = L Xp{Jp, alors xy = L Xupauf3p· U p u,p Il ne reste plus qu'à vérifier la propriété universelle. On prend évidemment j égale à l'inclusion canonique de X dans K(X). Si la paire (A,!) est comme dans la définition, le seul morphisme de K-algèbres J : K (X) -+ A tel que fj = f est donné par J ( ~ Xuau) a au = f (xu) = f (X,\ f (x..\ 1) 2) • • • = ~ auau où, pour a = (..Xi, ... , Àm) f (x..\m). D Par abus de langage, on dira encore que K (X) est l'algèbre libre sur X. 1 on 66 Ill CATÉGORIES DE MODULES Par exemple, si X= {t}, alors K(X} = K[t). Notons que, six et y sont deux éléments distincts de X, alors xy-:/:- yx dans K(X} : par conséquent, K(X} n'est pas commutative si card X > 1. 4. Catégories linéaires et abéliennes DÉFINITION. Soit K un anneau commutatif. Une catégorie C est dite K linéaire (ou simplement linéaire, si aucune confusion n'est à craindre) si : {Ll) Pour toute paire d'objets X, Y de C, l'ensemble Homc{X, Y) est un Kmodule. {L2) La composition de C est compatible avec la structure de K-module des ensembles de morphismes (c'est-à-dire est K-bilinéaire) : 9 0 (/10:1 + /20:2) = (9 0 fi) 0!1+(90 h) 0!2 (91/31 + 92/32) 0 f = (91 0 !) /31 + (92 0 !) /32 si /,fi, h : X-+ Y, 9, 9i. 92 : Y-+ Z et o:i, 0:2, /3i. /32 E K. {L3) Toute famille finie d'objets de C admet un produit et une somme directe dans C. Une catégorie Z-linéaire est dite additive. Donc, pour tout K, une catégorie K-linéaire est additive. Soit X un objet d'une catégorie K-linéaire C. Il suit de {Ll) et {L2) que le K-module Endc X est une K-algèbre. Cette remarque nous sera d'un grand service par la suite. EXEMPLES 4.1. (a) Pour toute K-algèbre A, ModA est K-linéaire. {b) Ens et Gr, comme Top, ne sont pas linéaires. (c) On sait que Ab{= ModZ) est Z-linéaire. Soit DivZ la sous-catégorie pleine de Ab formée des groupes abéliens divisibles, c'est-à-dire des groupes G tels que nG = G pour tout n e N. Alors Div Z est aussi Z-linéaire : il suffit de vérifier que toute famille finie de groupes divisibles a une somme directe et un produit qui sont divisibles. Soient G, H deux groupes divisibles. Alors nG = G et nH = H pour tout n EN. Soient 9 E G, h EH. Pour tout n EN, il existe 9 1 e G et h' e H tels que 9 = n9', h = nh'. Donc 9 + h = n(9' + h') e n(G œH) et G œH Ç n(G œH). Comme l'inclusion inverse est triviale, on a l'égalité. De même pour le produit. {d) On considère, pour un corps K, la catégorie des triplets (E,F,f) où E,F sont deux K-espaces vectoriels et f: E-+ Fest linéaire (voir exemple {1.l){h)). Cette catégorie est K-linéaire. (e) Soient K un corps et I un ensemble ordonné fini. Un espace vectoriel filtré est la donnée d'un K-espace vectoriel E muni d'une famille de sous-espaces (Ei)iel compatible avec l'ordre de I, c'est-à-dire telle que i:::; j entraîne Ei Ç E;. Un morphisme f : {E, (Ei)iel) -+ (F, (Fï)iei) est une application K-linéaire f: E-+ F telle que f (Ei) Ç Fi pour tout i et la composition est la composition usuelle des applications. Cela donne une catégorie I-Esp qui est K-linéaire. {f) Si C est K-linéaire, C0 P l'est aussi. 4. CATÉGORIES LINÉAIRES ET ABÉLIENNES 67 La notion naturelle de foncteurs entre catégories linéaires est évidemment celle qui préserve la structure de K-module des ensembles d'homomorphismes. DÉFINITION. Soient K un anneau commutatif et C, V deux catégories Klinéaires. Un foncteur F : C -+ V (covariant ou contravariant) est dit K -linéaire si, pour chaque paire de morphismes f, g : X -+ Y de Cet chaque paire d'éléments a,{3 E K, on a F(fa + g{3) = F(f)a + F(g){3. En d'autres termes, un foncteur covariant (ou contravariant) F: C-+ V est Klinéaire si et seulement si, pour chaque paire d'objets X, Y de C, l'application de Home (X, Y) dans Homv (F X, FY) (ou Homv (FY, F X), respectivement) définie par f 1-+ Ff est K-linéaire (c'est-à-dire est un morphisme de K-modules). Par exemple, si C est une catégorie K-linéaire et Mun objet de C, les foncteurs C -+ Mod K définis par Home(M,-): X-+ Home(M,X), f Home(-, M) : X -+ Home(X, M), f 1-+ 1-+ Home(M,f) Home(!, M) (voir exemple (1.2)(e)) sont K-linéaires. À moins d'indication contraire, tous les foncteurs entre catégories K-linéaires que nous verrons par la suite sont K-linéaires. Venons-en à l'axiome (L3) qui affirme l'existence de sommes et de produits finis. Si on applique l'axiome (L3) à la famille vide, on voit que le produit de cette famille (unique à isomorphisme près) est un objet F tel que, pour tout X dans C, il existe un unique morphisme X-+ F (qui, d'après (LI), est nécessairement le morphisme nul) : F est appelé objet final. De même, la somme directe de la famille vide est un objet I tel que, pour tout Y dans C, il existe un unique morphisme I-+ Y (nécessairement nul) : I est appelé objet initial. Donc toute catégorie K-linéaire contient un objet initial et un objet final (nous verrons plus loin qu'ils sont isomorphes). Par exemple, dans ModA, l'objet 0 est à la fois initial et final. Par analogie, on appelle objet nul (et on note 0) l'objet initial et final d'une catégorie linéaire. Nous avons déjà vu que, dans Mod A, la somme directe et le produit d'une famille finie coïncident. Nous montrerons qu'il en est de même dans toute catégorie linéaire (ce qui entraînera qu'objet initial et objet final coïncident). Pour ce faire, nous aurons besoin d'une définition. DÉFINITION. Soit {Xi,X2, ... ,Xn} une famille finie d'objets d'une catégorie linéaire C. Un biproduit de cette famille est la donnée d'un objet X et de morphismes Pi: X-+ Xi, qi: Xi-+ X (où 1 ~ i ~ n) tels que (1) Q1P1 + q2P2 + ·· · + qnPn =lx (2) PiQj = 0 si i i j Piqi = lx, pour tout i. Notons que cette notion est auto-duale (c'est-à-dire est identique à sa duale). III. CATÉGORIES DE MODULES 68 n Par exemple, si C = ModA, où A est une K-algèbre, on prend X= IJ Xi= i=l n œxi avec Pi : X --+ Xi, et qi : Xi --+ X, respectivement la projection et i=l l'injection canoniques. THÉORÈME 4.2. Soient C une catégorie linéaire et {X1, ..• , Xn} une famille finie d'objets de C. Alors (x, (pi)l::5i::5n) est un produit des Xi si et seulement s'il existe des morphismes (qi: Xi--+ X) 1::5i::5n tels que (X, (pi, qi)l::5i::5n) soit un biproduit des xi. DÉMONSTRATION. Nécessité. Afin de définir les qi, on considère pour 1 ::;; j ::;; n, les morphismes Ôji : Xi --+ X3 définis par Ôii = lx, et Ô3;, = 0 si i f:. j. Par définition du produit, il existe un unique morphisme q;, : Xt. --+ X tel que p3q;, = Ôji• n n Il reste à montrer que LqiPi = lx. LPjqiPi = i=l n i=l L ô3;,Pi = p3 = P3 · lx pour chaque 1 ::;; j ::;; n, et l'unicité dans la définition du i=l n produit donne bien L q;,pi = lx. i=l Suffisance. Il suffit de vérifier que {X, (p;,)i) satisfait à la propriété universelle. Or, si{/;,: Y--+ Xi)i<i<n est une famille donnée de morphismes et si f: Y--+ X est tel que pif = /~ ~our tout i, alors nécessairement f = (t i=l n Réciproquement, f = L qifi satisfait à p3/ = fj pour tout j. D i=l q;,pi) f = 4. CATÉGORIES LINÉAIRES ET ABÉLIENNES 69 THÉORÈME 4.3. Soient C une catégorie linéaire et {X1 , ••• , Xn} une famille finie d'objets de C. Alors (X, (qi)i:::::;i:::::;n) est une somme directe des Xi si et seulement s'il existe des morphismes (pi : X soit un biproduit des Xi. --+ Xi) l:5 i:5 n tels que (X, (Pi, qi) 1:5i:5n) DÉMONSTRATION. Duale de la précédente et laissée au lecteur. O On déduit de ces deux théorèmes le corollaire suivant : COROLLAIRE 4.4. Soit C une catégorie linéaire. Pour toute famille finie d'objets de C, le produit et la somme directe sont isomorphes. En particulier, l'objet initial et l'objet final de C sont isomorphes. O Ce résultat justifie d'appeler objet nul de C (et de noter 0) tout objet initial et final de C. Il est clair que, si F : C --+ V est un foncteur linéaire entre deux catégories linéaires C, V, on a F{O) =O. La terminologie employée pour les applications linéaires s'applique manifestement aux morphismes d'une catégorie linéaire. DÉFINITION. Soit C une catégorie linéaire. {i) Un morphisme f de C est un monomorphisme si f g = f h implique g = h ou, de façon équivalente, si f g =::= 0 implique g = O. (ii) Un morphisme f de C est un épimorphisme si gf = hf implique g = h ou, de façon équivalente, si gf = 0 implique g =O. Ces notions sont évidemment duales l'une de l'autre. EXEMPLES 4.5. (a) Dans Mod A, les monomorphismes (ou les épimorphismes) coïncident avec les morphismes injectifs (ou surjectifs, respectivement) (voir (II. 2.3)). Plus généralement, dans une catégorie concrète, les morphismes injectifs (ou surjectifs) sont des monomorphismes (ou des épimorphismes, respectivement), mais la réciproque est fausse comme le montre l'exemple suivant. (b) On considère la catégorie Z-linéaire Div Z de l'exemple {4.l){c). Il est aisé de voir que Q est un objet de Div Z et que, si G est un groupe abélien divisible, alors tout quotient de G en est un aussi (par exemple, Q/Z est divisible). Le morphisme canonique p : Q --+ Q/Z est un monomorphisme dans Div Z. En effet, si f : G --+ Q est un morphisme non nul, alors il existe a E G tel que f(a) = ; =f. 0 et s =f. ±1 (sinon, en effet, lm/ Ç Z, qui n'est pas divisible, alors que lm/ l'est). Soit b E G tel que rb = a. Alors rf(b) = f(a) = ; donne f(b) = Par conséquent (pf)(b) =f. O. On a montré que f =f. 0 implique pf =f. 0: p est bien un monomorphisme, mais n'est pas injectif. (c) Pour les lecteurs quelque peu familiers avec les groupes topologiques, on prend C la catégorie dont les objets sont les groupes abéliens topologiques séparés, et les morphismes sont les homomorphismes continus. Cette catégorie est Zlinéaire. On affirme qu'un morphisme f : X --+ Y de C est un épimorphisme si et seulement si lm/ est dense dans Y. En effet, si la fermeture Y' de lm/ est distincte de Y, le quotient Y/Y' est un objet de C. Soit g : Y --+ Y/Y' l'application canonique. Comme Y' =f. Y, on a g =f. O. Mais gf = 0, donc f n'est pas un épimorphisme. Réciproquement, supposons que Z est un objet de !· 70 III. CATÉGORIES DE MODULES C et que g : Y ---+ Z est tel que gf = 0 =Of. Alors les applications continues g et 0 coïncident sur Im f qui est dense dans Y. Donc g = O. Par conséquent, considérons l'inclusion Q---+ ~- On vient de montrer qu'elle est un épimorphisme. Elle est aussi un monomorphisme, mais, bien sûr, pas un isomorphisme. Les propriétés suivantes des monomorphismes et épimorphismes sont faciles à vérifier. {i) Si fg est un monomorphisme, g en est un aussi. {ii) Si f et g sont des monomorphismes et si fg existe, alors fg est un monomorphisme. (iii) Si fg est un épimorphisme, f en est un aussi. (iv) Si f et g sont des épimorphismes et si fg existe, alors fg est un épimorphisme. (v) Si f est un isomorphisme, alors f est un monomorphisme et un épimorphisme. La démonstration est laissée au lecteur. Notons que la réciproque de (v) n'est pas vraie en général, comme le montrent les exemples (4.5){b){c). Elle est cependant vraie dans la catégorie Mod A, où A est une K-algèbre. DÉFINITIONS. Soit X un objet d'une catégorie linéaire C. Un sous-objet de f : Y ---+ X un monomorphisme. Un objet quotient de X est une paire (Z,g) telle que Z soit un objet de C et g : X ---+ Z un épimorphisme. X est une paire {Y,!) telle que Y soit un objet de C et Ces notions sont encore duales l'une de l'autre. Si par exemple C = Mod A, on retrouve les notions usuelles de sous-module et de module quotient. De même, on peut définir des notions de noyau et de conoyau dans une catégorie linéaire. DÉFINITION. Soit f : X ---+ Y un morphisme d'une catégorie linéaire C. Un noyau de f est une paire (U, u), où U est un objet de C et u : U ---+ X un morphisme tel que : i) fu =O. ii) Si u' : U' ---+X est un morphisme tel que fu' = O, il existe un unique morphisme g: U'---+ U tel que u' = ug. U u ---+ X f ---+ Y î /. g 1 u U' Il n'est pas évident qu'un morphisme donné fait un noyau dans C mais, si tel est le cas, celui-ci est unique (par un raisonnement maintenant familier) à isomorphisme près. On note alors U = Ker f et u = ker f. Dans Mod A, on a vu (exercice {II.10}} que cette notion coïncide avec la notion classique de noyau. Si (U, u) est un noyau de f : X ---+ Y, alors il est un sous-objet de X : en effet, pour montrer que u : U ---+ X est un monomorphisme, supposons uv = 0 avec v : V ---+ U. Alors uv = 0 = uO donne, par l'unicité, v = O. 4. CATÉGORIES LINÉAIRES ET ABÉLIENNES 71 La notion duale est la suivante. DÉFINITION. Soit f : X -+ Y un morphisme d'une catégorie linéaire C. Un conoyau de f est une paire {U, u), où U est un objet de C et où u : Y -+ U est un morphisme tel que : i) uf =O. ii) Si u' : Y -+ U' est un morphisme tel que u' f = 0, il existe un unique morphisme g : U -+ U' tel que gu = u'. X__!__ Il n'est pas évident qu'un morphisme donné fait un conoyau dans C mais, si tel est le cas, celui-ci est unique à isomorphisme près. On note alors U = Coker f et u = coker f. Dans ModA, on a vu (exercice (11.11)) que cette notion coïncide avec la notion classique de conoyau. Enfin, on montre aisément que tout conoyau de f : X -+ Y est un objet quotient de Y. LEMME 4.6. Soit C une catégorie linéaire. (i) f est un monomorphisme si et seulement si Ker f =O. (ii) f est un épimorphisme si et seulement si Coker f =O. DÉMONSTRATION. Résulte immédiatement des définitions. D Pour arriver à la notion de factorisation canonique d'un morphisme, nous devons d'abord définir la notion d'image (ainsi que la notion duale). DÉFINITION. Soient C une catégorie linéaire et f : X -+ Y un morphisme de C. On définit l'image lm f et la co-image Coim f de f par : lm/= Ker{coker /), Coim f = Coker{ker !) . Ces objets n'existent pas toujours mais, s'ils existent, ils sont uniques à isomorphisme près. On affirme que dans le diagramme résultant : Ker/ u -----+ X f -----+ V -----+ Coker f îj pl Coim/ y 7 ---+ lm/ {où p: X -+ Cokeru, j : Kerv-+ Y sont les morphismes dont l'existence est assurée respectivement par la définition du conoyau et par celle du noyau) il 72 III. CATÉGORIES DE MODULES existe un unique morphisme f: Coim/--+ lm/ tel que f = jfp. Le morphisme f est dit canonique, et la factorisation f = jfp est appelée la factorisation ou la décomposition canonique de f. En effet, comme vf = 0, il existe un morphisme h: X--+ lm/ tel que f = jh (car j = kerv). Alors jhu = 0 donne hu = 0 car j est un monomorphisme. Donc il existe f : Coim/ --+ lm/ tel que fp = h (car p = cokeru). On a bien jfp = jh = f. Cela donne l'existence. L'unicité vient de ce que j est un monomorphisme et p un épimorphisme. Par exemple, si C = Mod A, alors Coker(ker /)-=+X/Ker f tandis que Ker(coker !) = f(X) et il résulte de (II. 4.1) que f est un isomorphisme. Cela nous conduit à donner la définition. DÉFINITION. Une catégorie K-linéaire C est dite K -abélienne (ou simplement abélienne, si aucune confusion n'est à craindre) si : (Abl) Tout morphisme de C admet un noyau et un conoyau. (Ab2) Pour tout morphisme f de C, le morphisme canonique f est un isomorphisme. Par exemple, Mod A est abélienne. Le lemme suivant montrera que Div Z ne l'est pas. D'autre part, une catégorie C est abélienne si et seulement si C0 P l'est aussi. Dans une catégorie abélienne, si f : X --+ Y est un monomorphisme, on note souvent Y/ X le conoyau de f. LEMME 4. 7. Soient C une catégorie abélienne et f un morphisme de C qui est à la fois un monomorphisme et un épimorphisme. Alors f est un isomorphisme. DÉMONSTRATION. Si f est un monomorphisme, alors Ker f = 0 et lx : X --+ X est le morphisme canonique p : X --+ Coim f. De même, 1y est le morphisme canonique j: lm/--+ Y. L'unicité de f donne f = f, et donc f est un isomorphisme. 0 La notion de suite exacte se définit comme dans une catégorie de modules : une suite d'objets et de morphismes dans une catégorie abélienne · · · -+ X Hl J.+1 -+ xi -fi+ xi-1 - + · · · est un complexe si fdï+i = 0 pour tout i. Elle est dite exacte en Xi si lm /i+ 1 = Ker k Enfin, elle est dite exacte si elle est exacte en chaque Xi. Notons que cette définition a du sens dans des catégories telles que seul l'axiome (Abl) est satisfait (existence de noyaux et de conoyaux) : de telles catégories sont parfois dites pré-abéliennes. 4. CATÉGORIES LINÉAIRES ET ABÉLIENNES EXEMPLES 4.8. (a) La suite 0--+ X si L 73 Y est exacte en X si et seulement f est un monomorphisme. {b) La suite X L Y --+ 0 est exacte en Y si et seulement si f est un épimorphisme. (c) La suite 0 --+ X L Y --+ 0 est exacte si et seulement si f est un isomorphisme. {d) Une suite exacte de la forme o-x...l..+y...!.....+z-o est dite courte. Pour une telle suite, f est un monomorphisme, g un épimorphisme et X-=. lm/= Kerg (de même, Z-=. Coker !). On dit aussi que cette suite est une extension de X par Z. (e) Soient X, Z deux objets d'une catégorie abélienne C, q1 : X --+ X œZ, q2 : Z --+ X œZ les injections canoniques et P1 : X œZ --+ X, P2 : X œZ --+ Z les projections canoniques. On affirme que la suite o-x ~xœz ~ z-o est exacte. En effet, il suit de p1q1 = lx que q1 est un monomorphisme et de P2q2 = lz que P2 est un épimorphisme. Il reste à montrer que X-=. Ker P2· On a p2q1 =O. Soit f : Y --+ X œZ tel que P2f = O. Alors f = lxœz/ = (q1p1 + q2p2) f = q1pif = q1 (pif) avec pif: Y--+ X. Le dernier exemple peut être généralisé. DÉFINITION. Soit C une catégorie linéaire. {l) Un morphisme f : X --+ Y est appelé une section de C s'il existe un morphisme g: Y--+ X de C tel que gf =lx. (2) Un morphisme f: X--+ Y est appelé une rétraction de C s'il existe un morphisme g: Y--+ X de C tel que f g = ly. Ces deux notions sont duales. Toute section est un monomorphisme et toute rétraction est un épimorphisme. Tout isomorphisme est à la fois une section et une rétraction. Dans l'exemple (4.B){e), q1 et q2 sont des sections tandis que Pl et P2 sont des rétractions. En fait, nous montrerons que ces notions sont étroitement liées à celle de somme directe. DÉFINITION. Soit C une catégorie abélienne. Une suite exacte courte o-xLy...!.....+z-o est dite scindée s'il existe un isomorphisme h : Y 0 0 -----+ X lx l -----+ X J -----+ 91 -----+ y lh xœz --+ g -----+ P2 -----+ X œZ tel que le diagramme z -----+ llz z -----+ 0 0 74 III. CATÉGORIES DE MODULES soit commutatif, où q1 : X - X E9 Z et P2 : X E9 Z - Z désignent respectivement l'injection et la projection canoniques. THÉORÈME 4.9. Soit 0 ---+ X L Y _!!__., Z ---+ 0 une suite exacte courte dans une catégorie abélienne C. Les conditions suivantes sont équivalentes : (i) La suite est scindée. (ii) f est une section. (iii) g est une rétraction. DÉMONSTRATION. On prouve l'équivalence de (i) et de (ii), celle de (i) et de (iii) se montrant dualement. Nécessité. Supposons la suite donnée scindée, notons q1 : X - X E9 Z, q2 : Z - X E9 Z les injections canoniques et Pi : X E9 Z - X, P2 : X E9 Z - Z les projections canoniques. Alors f' : Y - X définie par f' = p1h satisfait à f' f = P1hf = P1Q1 =lx. Donc f est une section. Suffisance. Soit f' : Y - X telle que f' f = lx. On considère 1y - f f' : Y Y. On a (ly - ff') f = f - f =O. Comme g = coker f, il existe un unique g': Z - Y tel que ly - ff' = g'g. Il suffit de montrer que (Y,f,g',f',g) est un biproduit de X et Z (d'après (4.3) ). Or on a f' f = lx, gf = O. D'autre part, lzg = g = gly = g(ff' +g'g) = gg'g. Comme g est un épimorphisme, gg' = lz. Enfin, g' = lyg' =(if'+ g'g)g' = ff'g' + g' donne ff'g' = 0 donc f' g' = 0, car f est un monomorphisme. O Si la suite exacte 0 - X - Y Z 0 est scindée, on a Y-=+ X E9 Z. On dit qu'un sous-objet X de Y dans C en est un facteur direct s'il existe un sous-objet X' de Y tel que X E9 X'-=+ Y. Si une suite exacte courte est scindée, ses termes extrêmes sont isomorphes à des facteurs directs du terme médian. Afin de montrer à quel point les calculs dans les catégories abéliennes ressemblent à ceux dans les catégories de modules, nous concluons cette section en donnant une version catégorique (et très simplifiée) du lemme des cinq (11.3.5). Elle nous sera utile en (5.4) et (5.9) plus bas. LEMME 4.10. Soit, dans une catégorie abélienne C, un diagramme commutatif à lignes exactes 0 ---+ X 1 U ---+ 1 0 ---+ X' u' ---+ Y gl Y' V ---+ v' ---+ Z ---+ 0 ---+ 0 hl Z' . Si f eth sont des isomorphismes, il en est de même de g. DÉMONSTRATION. Soit w : W - Y tel que gw = O. Alors 0 = v' gw = hvw donne vw = 0 puisque h est un isomorphisme. Donc il existe w' : W - X tel que w = uw'. Mais alors u' f w' = guw' = gw = O. Comme u', f sont des monomorphismes, w' = 0 et donc w = O. Cela montre que g est un monomorphisme. Supposons maintenant w : Y' - W tel que wg = O. Alors 0 = wgu = wu' f donne wu' = 0 puisque f est un isomorphisme. Donc il existe w' : Z' W tel que w = w'v'. Mais alors w'hv = w'v'g = O. Comme v, h sont des 5. PRODUITS FIBRÉS ET SOMMES AMALGAMÉES 75 épimorphismes, w' = 0 et donc w = O. Cela montre que 9 est un épimorphisme. Par le lemme (4. 7), 9 est un isomorphisme. D Donnons une application directe. Si, dans la définition d'une suite exacte scindée (voir plus haut), il existe un morphisme h : Y --+ X œZ rendant le diagramme donné commutatif, alors h est nécessairement un isomorphisme. 5. Produits fibrés et sommes amalgamées Dans toute cette section, C désigne une catégorie K-linéaire. DÉFINITION. Soient fi : X1 --+ X, h : X2 --+ X deux morphismes de C. Un produit fibré de fi eth est la donnée d'un objet Pet de deux morphismes Pl : P--+ Xi. P2 : P--+ X2 tels que (i) fip1 = f2p2, (ii) pour tout objet Y et toute paire de morphismes 91 : Y--+ Xi, 92: Y--+ X2 tels que fi91 = /292, il existe un unique morphisme 9 : Y --+ P tel que P19 = 91 et P29 = 92· Il résulte de l'universalité dans la définition que, si un tel produit existe, il est unique à isomorphisme près. EXEMPLES 5.1. (a) Soit f: X--+ Y p un morphisme. Le diagramme -- lp X J -- 0 1 y définit un produit fibré si et seulement si (P,p) est un noyau de f : les noyaux sont donc des cas particuliers de produits fibrés. (b) Soient Xi,X2 deux objets et Pl: X1 x X2--+ Xi, P2: X1 x X2--+ X2 les projections canoniques. Le diagramme -P2 ----+ définit un produit fibré : les produits sont donc des cas particuliers de produits fibrés. III. CATÉGORIES DE MODULES 76 Nous montrerons que, réciproquement, tout produit fibré peut être construit à l'aide de produits et de noyaux. THÉORÈME 5.2. Soit C une catégorie linéaire dans laquelle tout morphisme admet un noyau. Alors toute paire de morphismes de C admet un produit fibré. DÉMONSTRATION. Soit fi: X1-+ X, h: X2-+ X une paire de morphismes. Notons ici ?r1 : X1 x X2-+ X1et11"2: X1 x X2-+ X2 les projections canoniques. Nous montrerons que le noyau (P,p) de fi7r1 - f27r2 : X 1 x X2 -+X définit le produit fibré cherché. P P2 ',P P>l \. X1 X1 /wi ~ X X2 "> X2 lh X fi Posons Pl= 7r1P et P2 = 7r2P· On a bien (/111"1 - h7r2)P = 0, donc fip1 = /i7r1P = h1r2P = hP2· Supposons (Y, gi, g2) comme dans la définition. Il existe un unique u: Y-+X1 X X2 tel que 11"1 u = g1, 7r2u = g2. Donc fig1 = f2g2 entraîne (/111"1 - f27r2) u = 0, d'où un unique g : Y -+ P tel que pg = u. Par conséquent, p1g = 7r1pg = 7r1 u = g1 et de même p2g = g2. Enfin, si P19 = p1g' et p2g = p2g', alors Pl (g - g') = 0 et P2 (g - g') = 0 donnent 7r1P (g - g') = 0 et 7r2P (g - g') = O. Par conséquent, p (g - g') = O. Comme p est un monomorphisme, g - g' = 0 et g = g'. D COROLLAIRE 5.3. Dans une catégorie abélienne, toute paire de morphismes admet un produit fibré. D Par exemple, dans Mod A, toute paire de morphismes (/i. h) admet un produit fibré P et la construction précédente donne P = {{xi,x2) E X1 x X2 I fi (x1) = h (x2)} et pi, P2 ne sont autres que les restrictions à P des projections canoniques de X 1 x X 2 sur X1 et X2 respectivement. LEMME 5.4. Soient C une catégorie abélienne et P2 ---+ un produit fibré de fi et fa. Alors : (i) Si fi est un monomorphisme, P2 l'est aussi. (ii) Si fi est un épimorphisme, P2 l'est aussi. 77 5. PRODUITS FIBRÉS ET SOMMES AMALGAMÉES DÉMONSTRATION. (i) Si u : U --+ P est tel que P2U = 0, alors fip1u = f2P2u = 0 donne P1 u = 0, car fi est un monomorphisme. L'unicité donne alors u=O. (ii) Soit la suite 0 ---+ P -E..... X1 x X2 --!...+ X 0 ---+ où v = fi7r1 - /27r2 (comme dans la démonstration de (5.2), 7r1 : X1 x X2--+ X1 et 7r2 : X1 x X2 --+ X2 désignent les projections canoniques) et p = kerv. Elle est exacte, car v est un épimorphisme (si en effet 11:1 : X1 --+ X1 x X2 désigne l'injection canonique, alors v11: 1 = fi est un épimorphisme) et d'autre part p est le noyau de v. Soit w : X2 --+ W tel que wp2 = O. Alors P2 = 7r2P donne W7r2P = O. Par conséquent, il existe g : X --+ W tel que gv = W7r2. Or gfi = gv11:1 = W7r211:1 = O. Comme fi est un épimorphisme, g = O. Mais alors W'Tr2 = 0 donne w = 0, puisque 7r2 est un épimorphisme. D THÉORÈME 5.5. Soit C une catégorie abélienne. À un diagramme X2 0 - Xo 0 - Xo 112 - - Io X 0 avec la ligne du bas exacte correspond un diagramme commutatif à lignes exactes 0 - l PO P2 p Pll 0 X2 121 - - - - 0 - 0 lxo Io Xo fi X1 X où (P,p1,P2) est un produit fibré de fi et f2. Réciproquement, tout diagramme commutatif à lignes exactes 0 0 - - - - - p; p~ Xo lxo l Xo Io P' X2 lp~ 112 fi X1 X 0 est de cette forme : il existe un isomorphisme f : P'..; P tel que Po = Pd = Vt1 P2f = P~· DÉMONSTRATION. Soit un diagramme fp~, à ligne exacte X2 - Io O - Xo - 112 X - 0. Pour compléter ce diagramme comme requis, on utilise le fait que, par (5.4), P2 est un épimorphisme, et la propriété universelle de P appliquée à f o : Xo --+ X 1 et 78 III. CATÉGORIES DE MODULES au morphisme nul Xo --+ X2. Il reste à prouver que Po = ker P2· Par construction, P2Po = O. Soit u : U -+ P tel que P2U = O. Alors fiP1 u ='= f2p2u = O. Donc il existe u' : U -+ Xo tel que fou' = P1 u. On a P2Pou' = 0 = p2u et P1Pou' =fou'= P1U. Par l'unicité, pou'= u. Cela montre l'existence de u'. Son unicité vient de ce que, p 1po = f o étant un monomorphisme, Po l'est aussi. Pour la réciproque, on note que le diagramme commutatif à lignes exactes Po P2 o~r1-~-L~ ~r\.~o ~ ,;,;~ 12 ,//,~ Io ,/ P li h ,/ J: 0----+ Xo X1 X----+ 0 et la propriété universelle du produit fibré donnent un morphisme f : P' -+ P tel que pif = Vi. et P2f = P2· D'autre part, P1 (fp0) = P!Po = fo = P1Po et P2 UPO) = P2Po = O = P2Po d'où, par l'unicité, f Po = Po· Le diagramme ci-dessus est donc commutatif. D'après (4.10), f est un isomorphisme. D La notion duale de celle de produit fibré est la suivante : DÉFINITION. Soient fi : X -+ X1 1 h : X -+ X2 deux morphismes d'une catégorie linéaire C. Une somme amalgamée de fi eth est la donnée d'un objet Q et de deux morphismes q1 : X1 -+ Q, q2 : X2 -+ Q tels que : (i) qif1 = q2h1 (ii) pour tout objet Y et toute paire de morphismes g1 : X1-+ Y, g2: X2-+ Y tels que gif1 = g2/2, il existe un unique morphisme g : Q -+ Y tel que gq1 = g1 et gq2 = g2. X 1il _!!_. X2 192 Si la somme amalgamée de deux morphismes existe, elle est unique à isomorphisme près. On montre que conoyaux et sommes directes sont des cas particuliers de sommes amalgamées. En outre, on a le théorème suivant. THÉORÈME 5.6. Soit C une catégorie linéaire dans laquelle tout morphisme admet un conoyau. Alors toute paire de morphismes admet une somme amalgamée. DÉMONSTRATION. Soient K1 : X1 -+ X1 E9 X2, K2 : X2 -+ X1 E9 X2 les injections canoniques. Une démonstration duale à celle de (5.2) montre que Q est fourni par le conoyau de Ki/1 - K2h : X-+ X 1 E9 X2. D 5. PRODUITS FIBRÉS ET SOMMES AMALGAMÉES 79 COROLLAIRE 5. 7. Dans une catégorie abélienne, toute paire de morphismes admet une somme amalgamée. D Par exemple, dans Mod A, toute paire de morphismes admet une somme amalgamée, et la construction de (5.6) donne Q = (X1 ffJ X2) /X' avec X' = {[ !i!c;>] E X1 ffJX2 I x EX}· LEMME 5.8. Soient C une catégorie abélienne et 12 ---+ une somme amalgamée de fi et f2. Alors: {i) Si h est un épimorphisme, q1 l'est aussi. (ii) Si h est un monomorphisme, qi l'est aussi. DÉMONSTRATION. Duale de celle de (5.4) et laissée au lecteur. D THÉORÈME 5.9. Soit C une catégorie abélienne. fi ---+ X1 Io ---+ A un diagramme X 0 --> 0 avec la ligne du haut exacte correspond un diagramme commutatif à lignes exactes 0 ---+ X 121 0 ---+ X2 li ---+ X1 1 Io ---+ ---+ Q ---+ 0 ---+ 0 1 lxo qi q2 Xo qo ---+ Xo où (Q,q11q2) est une somme amalgamée de fi eth· Réciproquement, tout diagramme commutatif à lignes exactes 0 ---+ X 121 0 ---+ X2 li ---+ q~ ---+ X1 1q~ Q' Io ---+ Xo ---+ 0 ---+ 0 1 lxo q~ ---+ Xo est de cette forme, il existe un isomorphisme f : Q ..=. Q' tel que qo = q6f, f qi = q!, f q2 = q~. DÉMONSTRATION. Duale de celle de (5.5) et laissée au lecteur. D III. CATÉGORIES DE MODULES 80 6. Équivalences de catégories Dans cette dernière section, nous considérons la notion d'équivalence entre catégories. Celle-ci correspond à la notion d'isomorphisme entre objets. Il existe une généralisation évidente de cette dernière notion : deux catégories C et V sont dites isomorphes s'il existe un foncteur F: C-+ V admettant un inverse (à savoir un foncteur G: V-+ C tel que FG = lv et GF =le}. Malheureusement, cette définition est trop restreinte pour la plupart des applications que nous avons en vue, car elle ne tient pas compte du fait essentiel qu'à l'intérieur d'une catégorie, deux objets isomorphes devraient être à toutes fins utiles interchangeables. Pour expliquer ce point, considérons une catégorie C : on appelle squelette de C une sous-catégorie pleine S de C dont la classe d'objets contient un objet et un seul de chaque classe d'objets isomorphes dans C. Par exemple, si C est la catégorie des espaces vectoriels de dimension finie sur un corps commutatif K, un squelette de C est fourni par la sous-catégorie pleine formée des K-espaces vectoriels de la forme Kn (avec n EN). Il suit de l'axiome du choix que toute catégorie C admet un squelette. D'autre part, deux squelettes de C sont isomorphes. Si on veut travailler à isomorphisme près, une catégorie C et un squelette S de C devraient avoir les mêmes propriétés. Or S n'est généralement pas isomorphe à C, car un isomorphisme induirait une bijection entre les classes d'objets de Cet de S. Par contre, C et S sont équivalentes au sens de la définition suivante. DÉFINITION. Deux catégories C et V sont dites équivalentes s'il existe deux foncteurs F : C -+ V et G : V -+ C et deux isomorphismes fonctoriels FG...:; lv et G F...:; le. Les foncteurs F et G sont alors dits quasi-inverses. Notre objectif est de donner un critère permettant d'établir quand deux catégories sont équivalentes. Pour cela, nous avons besoin de quelques définitions. On sait que tout foncteur covariant F : C -+ V induit, pour chaque paire d'objets X, Y de C, une application F : Home{X, Y) -+ Homv(FX, FY} définie par f 1-+ F f. Le foncteur F est dit fidèle {ou plein) si cette application est injective (ou surjective, respectivement). Il est dit dense si, pour chaque objet M de V, il existe un objet X de C tel que M ...;px. Un exemple permettra d'illustrer notre propos. Soient A, B deux K-algèbres, et <p: A-+ Bun morphisme d'algèbres. On définit un foncteur F: ModB-+ ModA comme suit: à tout B-module M, on associe un A-module FM ayant la même structure de K-module que M, mais où la multiplication par les éléments de A est définie par xa = x<p(a) (pour x E M, a E A). Ce foncteur est parfois appelé foncteur de changement des scalaires (voir {Il.1.3}{g)). Un cas particulier important est celui où <p est surjectif: c'est le cas si et seulement si B...:; A/1, pour 1 un idéal bilatère de A. On a le lemme suivant : LEMME 6.1. Soit <p: A-+ B un morphisme d'algèbres, et soient M, N deux B-modules. 6. ÉQUIVALENCES DE CATÉGORIES 81 (a) Si f : M -+ N est B-linéaire, alors f : M -+ N est aussi A-linéaire. Si cp est surjectif, le foncteur de changement des scalaires induit une bijection HomA(M, N) .=. Homs(M, N). (b) Si Ns est un sous-module de Ms, alors NA est aussi un sous-module de MA. Si cp est surjectif, les treillis de sous-modules de Ms et de MA sont égaux. D La démonstration, facile à faire, est laissée au lecteur. En particulier, si cp est surjectif, on voit que le foncteur de changement des scalaires Mod B -+ Mod A est plein et fidèle. Il est toutefois évident que ce foncteur n'est généralement pas dense : ÂA n'est isomorphe à aucun B-module muni de la structure induite ; en effet, si c'était le cas, il suivrait de (b) que Ker cp = 0 et donc A.=. B. Nous arrivons au critère cherché. THÉORÈME 6.2. Soient C, V deux catégories. Un foncteur F : C -+ V est une équivalence si et seulement si F est fidèle, plein et dense. DÉMONSTRATION. Nécessité. Il est trivial que F soit dense : si G : V -+ C est un quasi-inverse de F, on n'a qu'à poser pour un objet M de V, X = GM, et alors on a FX .=.M. Montrons la fidélité. Soient fi, fa : X -+ Y deux morphismes de C tels que F fi = F fa. Alors G F .=. le donne des isomorphismes cp x : G F X .=. X et cpy: GFY .=.Y tels que li= cpy (GFli) cp··i/ et fa= cpy (GF/2) cp''i/. GFX "''l'X ---+ GF/;l GFY "''/'Y -----+ X l/; y Par conséquent, li= cpy(GF/1)cp'}/ = cpy(GFh)cp')/ =fa. Donc Fest fidèle. De même, G l'est aussi. Soit u: FX-+ FY un morphisme de V. Pour Gu: GFX-+ GFY, on pose f = cpy(Gu)cpX-1 : X-+ Y. GFX "''l'X ---+ X 1 1/ "''l'Y ---+ ! y Comme G F f = cpY, 1 f cp x = Gu et G est fidèle, u = F f. Donc F est plein. De même, G est plein. Suffisance. Soit F : C -+ V plein, fidèle et dense. Pour montrer que F est une équivalence, il faut construire un foncteur quasi-inverse G: V-+ C. Soit Mun objet de V. Il existe X dans C tel que M .=.FX. On se fixe un isomorphisme 'PM : M.=. FX et on pose X = GM. Soient u : M -+ N un morphisme de V, X= GM et Y= GN. On cherche f: X-+ Y tel que Gu=/. On veut III. CATÉGORIES DE MODULES 82 que la famille (cp M) définisse un morphisme fonctoriel. On doit avoir un carré commutatif ...., 'PM M---t FGM lFGu=Ff ...., 'PN N---t YFGN AJ. et donc F f = cp NW.P Comme F est plein, il existe un tel f. Comme F est fidèle, f est unique. Cela définit bien G. Il faut maintenant vérifier que Gest un foncteur, c'est-à-dire que G(vu) = G(v)G(u) où u : L --+ M et v : M --+ N sont deux morphismes de 'D. Puisque Fest fidèle, il suffit pour cela de vérifier que FG(vu) = F[G(v)G(u)], ce qui se fait au moyen du diagramme commutatif ...., 'PL "''PM 1JU FX lFGu FY FG(vu) lFGv ,,, 'PN FZ Par définition de G, la famille (cpM) définit un isomorphisme fonctoriel de lv dans FG. Il reste à définir un isomorphisme fonctoriel GF-=. le. Soit M = F X, où X est un objet de C. Il existe un isomorphisme 'PM : M-=. FY, où Y= GM. Puisque Fest plein et fidèle, il existe un unique morphisme 1/Jx : X --+ Y = GF X tel que F'l/Jx ='PM· On prouve que 1/Jx est un isomorphisme: soit, en effet, l'inverse cp].l de cp M, comme F est plein et fidèle, il existe un unique morphisme 1/J'x : Y --+ X telqueF'l/J'x = 'P°'i,/. AlorsF('l/Jx'l/J'x) = F'l/Jx·F'l/J'x = 'PM'P/.l = lFY = F(ly). Comme Fest fidèle, 1/Jx'l/J'x = ly. De même, 1/J'x'l/Jx =lx. Enfin, on doit vérifier que, pour tout morphisme f: X--+ Y, le diagramme ,,, 'l/Jx x- 11 y GFX lGFJ ,,, 'l/Jy - GFY est commutatif. Comme F est fidèle, il suffit de vérifier que FGF(f)F.,Px = F.,Py ·Ff, c'est-à-dire que FGF(f) ''PFX = 'PFY ·Ff, et cette égalité résulte de la commutativité du carré - "''PM ,,, 'PN N - où M = F X, N = FY et f = Fu. D FX lFGu=FGFJ FY 6. ÉQUIVALENCES DE CATÉGORIES 83 Pour mieux saisir ces concepts, voyons un exemple en détail. EXEMPLE 6.3. Soit K un corps commutatif. On considère la catégorie C dont les objets sont les triplets (E, F, !) avec E, F deux K-espaces vectoriels et f : E --+ F une application K-linéaire. Comme on l'a vu en (4.l)(d), cette catégorie est K-linéaire. On peut en fait démontrer qu'elle est abélienne. Nous montrerons que C est équivalente à la catégorie des modules sur l'algèbre de matrices triangulaires A= T2(K) =[~~]=Hi~] I a,b,c E K}. Notons d'abord que les matrices eu = [â 8J, e22 = [8 ~]et e21=[~81 forment une K-base de A, que 1 = eu + e22 et que eu eu eu e22 0 e21 e21 e22 e21 0 0 e22 e21 0 0 est la table de multiplication de la base. Soit MA un A-module, on a une égalité de K-espaces vectoriels M = Meu œMe22 : en effet, tout X E M s'écrit x = x · 1 = xeu + xe22 1 et xeu = ye22 donne xeu = xe~ 1 = ye22eu = O. Posons E = Me22 et F =Meu, on a alors une application K-linéaire f: E--+ F définie par f (xe22) = (xe22) e21 = (xe21) eu. Pour un morphisme de A-modules u : M --+ N, où M donne (E, F, !) et où N donne (E', F', /'), on a, pour x E M, u(x) = u (xeu + xe22) = u(x)eu + u(x)e22 avec u(x)eu E F' et u(x)e22 E E'. On a donc deux applications K-linéaires définies comme les restrictions de u à E et F : w = ulF : F --+ F' et v = ulE : E --+ E'. Il faut montrer que le carré suivant est commutatif. -f E' !' - - F' Or, pour xe22 E E, on a (f'v) (xe22) = f' (v(x)e22) = u(x)e21 et (wf) (xe22) = w (xe21) = u(xe21) = u(x)e21· Par conséquent, f'v = wf et (v,w): (E,F,f)--+ (E',F',f') est bien un morphisme de C. On pose donc il>(M) = (E, F, !) et il>(u) = (v, w). Il est évident que cela donne un foncteur Mod A --+ C. On démontrera que c'est une équivalence. Montrons d'abord qu'il est plein et fidèle. Si u: M--+ N est tel que il>(u) = (v,w), alors, pour tout x E M, x = xeu + xe22 donne u(x) = u (xeu + xe22) = u (xeu) + u (xe22) = w (xeu) + v (xe22). Or cette formule donne une unique application K-linéaire u : M --+ N, dont il reste à montrer qu'elle est A-linéaire. Pour ce faire, il suffit de montrer que u(x)eu = u (xeu), u(x)e22 = u (xe22), u(x)e21 = u (xe21). La première égalité suit de u (xeu) = w (xe 11 ) e 11 = u(x)eu. De même pour la seconde. Quant à la troisième, u(x)e21 = v (xe22) e21 = (f'v) (xe22) = (wf) (xe22) = w (xe22e21) = III. CATÉGORIES DE MODULES 84 w (xe21 ) = u (xe21 ) (où f et f' représentent respectivement les applications structurelles de <P{M) et <P{N}). Il reste à montrer que <P est dense. Soit (E, F, !) un objet de C. On munit le K-espace vectoriel M = F œE d'une structure de A-module par xeu = (z, y)eu = z, xe22 = (z, y)e22 = y et xe21 = (z, y)e21 = f (y) pour x = (z, y) E M (où z E F et y E E). Donc, pour x = (z,y) E Met !i ~] E A, on a (z, y) [~ ~] = (za + f(y)b, yc). Il est clair que <P{M) ..=. (E, F, !). Nous terminerons cette section avec l'étude des notions d'idéal et de quotient d'une catégorie K-linéaire, lesquelles nous permettront de démontrer un analogue du théorème d'isomorphisme pour les K-algèbres. DÉFINITION. Soit C une catégorie K-linéaire. Un idéal bilatère Ide C est défini par la donnée pour chaque paire X, Y d'objets de C d'un sous-K-module I(X, Y) de Homc{X, Y) tel que : {i} f E I(X, Y) et g E Homc(Y, Z) entraînent gf E I(X, Z), {ii) f E I(X, Y) eth E Homc(W,X) entraînent fh E I(W, Y). En d'autres termes, I est stable à gauche et à droite pour la composition des morphismes. Étant donné un idéal bilatère I de C, on définit la catégorie quotient C/I : c'est la catégorie dont les objets sont les mêmes que ceux de C, et les morphismes de X vers Y sont donnés par Homc1z(X, Y) = Homc{X, Y)/I(X, Y). Enfin, la composition des morphismes est induite de celle de C. On vérifie sans peine que C/I est bien une catégorie K-linéaire et que le foncteur F: C--+ C/I (dit de projection) appliquant chaque objet sur lui-même et chaque morphisme f E Homc{X, Y) sur sa classe f + I(X, Y) E Homc1z(X, Y) est un foncteur K-linéaire, plein et dense (mais évidemment non fidèle). Soient par exemple C, 'D deux catégories K-linéaires et F: C--+ 'Dun foncteur K-linéaire. On définit le noyau de F comme étant l'idéal Ker F de C formé de tous les morphismes f tels que F(f) = O. On voit aisément que Ker F est bien un idéal bilatère de C. Par exemple, si I est un idéal bilatère de C, le noyau de la projection C--+ C/I est égal à I. PROPOSITION 6.4. Soient C, 'D deux catégories K-linéaires et F : C --+ 'D un foncteur K -linéaire, plein et dense. Alors il existe une unique équivalence F' : C/Ker F ..=. 'D telle que F' P = F où P : C --+ C/Ker F est la projection. 6. ÉQUIVALENCES DE CATÉGORIES 85 F C----+ V pl // / / F' C/KerF DÉMONSTRATION. Il est évident que si F' est un foncteur tel que F' P = F, alors, pour tout objet X de C/KerF, c'est-à-dire de C, on a F'X = FX, et, pour tout morphisme f E Homc(X, Y), on a F' (!+(Ker F)(X, Y)) = Ff. Comme ces relations définissent évidemment un foncteur K-linéaire et que celuici est manifestement plein et dense (parce que F l'est}, il reste à montrer que F' est fidèle. Mais F' (!+(Ker F)(X, Y)) = 0 donne Ff = 0, et donc f E (Ker F)(X, Y). Cela achève la démonstration. O III. CATÉGORIES DE MODULES 86 Exercices du chapitre III 1. Montrer que dans Ab, les épimorphismes sont les morphismes surjectifs et les monomorphismes sont les morphismes injectifs. 2. Soit, dans une catégorie C, une relation d'équivalence,....., définie sur chaque ensemble Homc(X, Y) et compatible avec la composition (c'est-à-dire que si f,....., g et f',....., g', alors ff',....., gg', si ces compositions existent). Montrer comment former une catégorie quotient Cf,.....,, dont les objets sont ceux de C et dont les morphismes sont les classes d'équivalence de morphismes de C. 3. Montrer que Ens a un objet initial et un objet final, mais pas d'objet nul.4. Supposons que toutes les faces du cube suivant (d'une catégorie K-linéaire), excepté peut-être celle du haut, sont commutatives Xi X2 f\.-f"x. \_r\1 X1-----+Xs et que X4 --+ Xs est un monomorphisme. Montrer que la face supérieure est commutative. 5. Montrer que, dans Alg K, un nombre fini d'objets admet un produit. 6. Soient M un A-module et f E End M tel que J2 = f (on dit que f est idempotent). Montrer que M = lm f EB Ker f. Réciproquement, s'il existe une décomposition M = Mi EB M2 avec Mi -::/: 0, montrer que la composition f de la projection de M = Mi EB M2 sur Mi avec l'inclusion Mi --+ M satisfait à lm/..:::. Mi, Ker f..:::. M2 et J2 = f. 7. Soit (M.\heA une famille de sous-modules d'un module M. Montrer que M = M.\ si et seulement si œ .\EA (i) M =LM.\, et .\EA (ii) M.\o n (M.\ 1 + · · · +M.\,.) et Ào f/. {Ài. ... , Àn}· = 0 pour toute partie finie {Ài. ... , Àn} de A 8. Soit A une K-algèbre commutative. Montrer que deux bases d'un A-module libre ont un même cardinal. 9. Supposons que M = LEBN et L ç L' ç M. Montrer que L' = LEB(L' n N). 10. Soient (L.\heA• (M.\heA• (N.\heA trois familles de A-modules telles que, EXERCICES DU CHAPITRE III 87 pour chaque À E A, il existe une suite exacte 9" N !>. M >. ---+ L >. ---+ >. . Montrer que les suites 11 L >. L 11 M,,. _!_.. 11 N >. >.EA et >.EA >.EA ffi I' ffi g' ffi '17 L >. ---+ '17 M >. ---+ '17 N >. >.EA >.EA >.EA (où f, g, f', g' sont induites de f>., 9>. et des propriétés universelles) sont exactes. 11. Pour un entier positif n = rs, montrer que la suite exacte de ModZn 0 ---+ rZn ...!_. Zn -2.... sZn ---+ 0 (! l'inclusion, g la multiplication par s) est scindée si et seulement si r et s sont copremiers. 12. Montrer qu'une suite exacte courte de modules 0 ---+ L L M _!_.. N ---+ 0 est scindée si et seulement s'il existe des morphismes g': N-+ Met tels que f f' + g'g = lM. f': M-+ L 13. (Petit lemme des cinq.) Soit, dans une catégorie abélienne C, un diagramme commutatif à lignes exactes 0 --+ X 11 0 --+ X' u --+ y 11 --+ gl u' --+ Y' z --+ 0 --+ 0 hl 11' --+ Z' Montrer que, si f, h sont des monomorphismes (ou des épimorphismes), il en est de même de g. 14. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de Mod A 0 --+ L 11 0 --+ L' u --+ M 11 --+ gl u' --+ --+ 0 --+ 0 hl 11' M' N --+ N' Montrer que, étant donné f et h, le morphisme g est uniquement déterminé modulo un morphisme arbitraire N -+ L'. 15. Soient L, N deux sous-modules d'un module M. Montrer qu'il existe des suites exactes courtes 0---+ LnN---+ LœN L L+N---+ o III. CATÉGORIES DE MODULES 88 0-+ M/LnN-+ M/LœM/N ...!....+ M/(L+N)-+ 0 où f ([:]) = x -y et g(x + L,y + N) = (x -y)+ (L + N). 16. Soient L, N deux sous-modules d'un module M. Montrer que, si L et L n N sont de type fini, alors L et N sont aussi de type fini. +N 17. Soient l, J deux idéaux à droite d'une K-algèbre A tels que I + J = A. Montrer que I œJ ~Aœ (In J). 18. Soient L, N deux sous-modules de M tels que L n N est facteur direct de Let N. Montrer que Ln N est facteur direct de L + N. 19. Soient L, N deux sous-modules de M. Montrer que le diagramme 0 0--+ 0--+ 0--+ 1 1 N 1 N/(LnN) 1 LnN 0 0 --+ --+ --+ 1 L 1 M 1 M/L 1 0 0 --+ --+ --+ 1 1 M/N 1 M/(L+N) 1 L/(LnN) --+ 0 --+ 0 --+ 0 0 avec tous les morphismes induits des inclusions et des projections, est commutatif et à lignes et colonnes exactes. 20. Soit C une catégorie linéaire. Montrer que si f, g sont deux morphismes tels que fg est une rétraction (ou une section), alors f est une rétraction (ou g est une section, respectivement). 21. Soit C une catégorie linéaire. Montrer que si f, g sont des sections (ou des rétractions) de C, alors fg l'est aussi (s'il existe) mais que la réciproque est fausse. 22. Soit C une catégorie linéaire. Montrer que toute section (ou rétraction) est un noyau (ou conoyau, respectivement). 23. Soit M un A-module. Montrer que tout épimorphisme MA --+ AA est une rétraction, mais qu'il existe des monomorphismes AA--+ MA qui ne sont pas des sections. 24. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de A-modules et d'applications linéaires EXERCICES DU CHAPITRE III 0 u ---+ L ---+ V M ---+ 0 hl u' ---+ L' N ---+ gl 11 89 v' ---+ M' N' ---+ 0 Montrer que, si f est une rétraction et g est une section, alors h est une section. 0 ---+ 25. Formuler_ et résoudre le dual de l'exercice précédent. 26. Soit un diagramme à lignes exactes de Mod A 0 0 L ---+ ---+ L' ---+ M ---+ N ----+ 0 ----+ 0 l f ---+ M' ~ N' avec M libre. Trouver des morphismes M --+ M' et L --+ L' rendant le diagramme commutatif. Si /i./2 sont deux tels morphismes M--+ M', montrer qu'il existe h : M --+ L' tel que fi - fa = f h. 27. Soit Mun A-module. Montrer qu'il existe une suite exacte · · · ----+Ln ----+ Ln-t ----+ • • • ----+Li ----+Lo ----+ M ----+ 0 avec les Li des modules libres. 28. Montrer que Q n'est pas un Z-module libre. 29. Si cardX > 1, montrer que le centre de K(X) est égal à K. 30. Montrer que, dans K(s, t), les éléments stn engendrent une sous-algèbre qui est libre sur ces générateurs. 31. Si les M>. et les Na sont des bimodules, montrer que l'isomorphisme de (2.7} est un isomorphisme de modules sur les K-algèbres appropriées. 32. Soient M un A-module de présentation finie, et (N>.)>.eA une famille arbitraire de A-modules. Montrer que l'on a un isomorphisme fonctoriel de Kmodules HomA (M, E9N>.) -.::+ E9HomA(M,N>.)· >.eA >.eA 33. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de Mod A g f 0 ---+ L ---+ 0 -----+ L' ---+ !' ---+ M' g' ---+ N' ---+ 0 ---+ O . Démontrer l'exactitude de la suite 0 ----+ M x L' 3!..+ M x M' ~ N' ----+ 0 III. CATÉGORIES DE MODULES 90 où cp (x, x') = (x, v(x) + f' (x')) et 'l/J (y, y') = wg(y) - g' (y'). 34. Soit G un groupe noté multiplicativement. On note G' le sous-groupe de = x- 1 y- 1 xy G dont les éléments sont des produits finis de commutateurs [x, y] avec x,y E G. (a) Montrer que G' est un sous-groupe distingué de G et que G/G' est abélien. On note Pa : G -+ G / G' la surjection canonique. (b) Montrer que, pour tout homomorphisme f : G -+ A avec A un groupe abélien, il existe un unique homomorphisme 1 : G/G' -+ A tel que fpa = f. (c) Construire un foncteur F : Gr -+ Ab tel que F(G) = G/G' pour tout groupe G. (d) Montrer que Fest adjoint à gauche du foncteur inclusion Ab-+ Gr. 35. Soient A une K-algèbre arbitraire, et I l'idéal bilatère de A engendré par les éléments de la forme ab- ba (où a, b E A). (a) Montrer que A/I est une K-algèbre commutative. On note 7r : A -+ A/I la surjection canonique. (b) Montrer que, pour tout morphisme de K-algèbres cp : A -+ B, avec B une K-algèbre commutative, il existe un unique morphisme de K-algèbres rp : A/I -+ B tel que cp7r = cp. (c) Construire un foncteur F de la catégorie Alg K dans la catégorie Algc K des K-algèbres commutatives, tel que F(A) = A/I. (d) Montrer que Fest adjoint à gauche du foncteur d'inclusion AlgcK-+ AlgK. 36. Soient C, V deux catégories, et F : C -+ V, G : V -+ C deux foncteurs tels que (F, G) est une paire adjointe. Démontrer l'existence de morphismes fonctoriels FG --+ 1v et le ---+ G F. 37. Soit C la catégorie dont les objets sont les morphismes de ModA, un morphisme (! : L-+ M) -+ (!': L'-+ M') étant une paire d'applications linéaires (u, v) telle que u : L-+ L' et v : M-+ M' satisfont à vf = f'u. Montrer que Ker et Coker définissent des foncteurs C -+ Mod A. 38. Soit C une catégorie K-linéaire et f: M-+ N un morphisme. (a) Montrer que (L, i) est un noyau de f : M-+ N si et seulement si la suite de K-modules Homc(L',t) 0---+ Home(L',L) Homc(L',f) Home(L',M) Homc(L',N) est exacte pour tout objet L' de C. (b) Montrer que (Q,q) est un conoyau de f: M-+ N si et seulement si la suite de K-modules Homc(q,Q') 0----+ Home (Q,Q') ----+ Homc(f,Q') Home (N,Q') est exacte pour tout objet Q' de C. ----+ Home (M,Q') EXERCICES DU CHAPITRE III gf kh 91 39. Soit X _..!__. Y ~ Z une suite dans une catégorie abélienne. Montrer que = 0 si et seulement s'il existe un monomorphisme h : Im f --+ Ker g tel que = j, où j : Im f --+ Y et k : Ker g --+ Y sont les morphismes canoniques. 40. Démontrer (5.6) (5.7) (5.8) (5.9). 41. Soit un diagramme de A-modules et d'applications A-linéaires P' v' ----+ 11· L V p ----+ lg' f ----+ M u lu g ----+ N Montrer que, si (P, v, g') est un produit fibré de u, g et (P', v', f') est un produit fibré de g',f, alors (P',vv',f') est un produit fibré de u,gf. Montrer ensuite que, si (P',vv',f) est un produit fibré de u,gf et si v est un monomorphisme, alors ( P', v', !) est un produit fibré de g' et f. 42. Formuler et résoudre le dual de l'exercice précédent. 43. Soit Pl ----+ -h un produit fibré de ModA avec fi,h des monomorphismes. Montrer que l'on peut identifier P à Min M2. En outre, dans ce cas, il existe une somme amalgamée M ----+ M/Mi l M/M2 l M/(Mi +M2) ----+ 44. Soit p Pt P2 ----+ l M2 112 !1 Mi ----+ M un produit fibré de Mod A. Si fi est le noyau d'un morphisme f : M montrer que P2 est le noyau de f h: M2--+ N. 45. Formuler et résoudre le dual de l'exercice précédent. 46. Montrer que, si f -- M g ----. M N --+ N, III. CATÉGORIES DE MODULES 92 est un produit fibré de Mod A, alors f est un monomorphisme. 47. Formuler et résoudre le dual de l'exercice précédent. 48. Soient f, g : M Montrer que -+ N deux morphismes d'une catégorie K-linéaire C. h l M (1,g) ----+ (1,J) MxN est un produit fibré si et seulement si (L, h} est un noyau de f - g. 49. Formuler et résoudre le dual de l'exercice précédent. 50. On considère le diagramme commutatif à lignes et à colonnes exactes de ModA 0 ----+ L ----+ p ----+ V ----+ 0 11 l lv 0 ----+ L ----+ M ----+ N ----+ 0 Montrer que v se factorise par M si et seulement si la ligne supérieure est scindée. 51. Formuler et résoudre le dual de l'exercice précédent. 52. On considère la catégorie C formée des quadruplets (E, F, u, v) où E, F sont deux espaces vectoriels sur un corps K et u, v : E -+ F deux applications linéaires. Un morphisme (E,F,u,v)-+ (E',F',u',v') est la donnée d'une paire (f,g) d'applications K-linéaires f: E-+ E', g: F-+ F' telles que u'f = gu, v'f = gv. La composition de (f,g) : (E,F,u,v) -+ (E',F',u',v') et (f',g') : (E',F',u',v')-+ (E",F",u",v") est donnée par (f',g') (f,g} = (f'f,g'g). Montrer que C est abélienne. 53. Montrer que la catégorie C de l'exercice précédent est équivalente à la catégorie des A-modules, où A= [%a i] avec l'addition matricielle et la multiplication définie par [(b~c) ~] [w:~) ~,] = [(ba',ca')a~'(db',dc'} d~1] • 54. Soient C, V des catégories, F, F' : C -+ V et G, G' : V -+ C des foncteurs covariants avec F ..=. F', G ..=. G'. Montrer que si F et G sont des équivalences quasi-inverses, il en est de même de F' et G'. 55. Soit F: C-+ V une équivalence de catégories K-linéaires. Montrer qu'un morphisme f de C est un monomorphisme (ou un épimorphisme) si et seulement si Ff en est un. EXERCICES DU CHAPITRE III 93 56. Soient A une K-algèbre et I un idéal bilatère de A. On note A(I) la souscatégorie pleine de ModA formée des A-modules M tels que MI= O. Montrer que A(I)-=+ Mod (A/ I). 57. Soient A, B, C des catégories, Fi, F2, Fa : A - B et Gi, G2 : B - C des foncteurs. Montrer que : (a) Si cp : Fi - F2, 1/; : F2 - Fa sont des (iso)morphismes fonctoriels, il en est de même de 1/;cp: F 1 - Fa, et de cp- 1 : F2 - F 1 (où cp- 1 est défini par (cp-1)x = 'Px1). (b) Fi -=+ F2, G1 -=+ G2 entraînent G1F1 -=+ G2F2. 58. Soient C, V deux catégories K-linéaires, F, G : C - V deux foncteurs K-linéaires, avec F covariant et G contravariant. (i) Si M = Mi œ · · · œ Mn dans C avec injections qi, q2, . .. , qn et projections Pi.P2, ... ,pn, alors F(M) est une somme directe de F (M1), F (M2), ... , F (Mn) avec injections F (q1), F (q2), ... , F (qn) et projections F (p1), F (p2), ... , F (Pn)· (ii) Avec la même hypothèse, G(M) est une somme directe de G (M1), G (M2), ... , G (Mn) avec injections F (p1), F (p2), ... , F (pn) et projections F (q1), F (q2), ... , F (qn)· (iii) Supposons que C et V sont abéliennes et posons que 0 --+ L --+ M --+ N --+ 0 est une suite exacte et scindée de C. Montrer que les suites induites 0--+ FL--+ FM--+ FN--+ 0 et 0 --+ GN --+ GM --+ GL --+ 0 sont exactes et scindées dans V. CHAPITRE IV Foncteurs Hom, modules projectifs et injectifs Il est naturel de se demander quels foncteurs préservent l'exactitude d'une suite. Un tel foncteur est dit exact. On pourrait s'attendre qu'un foncteur qui "se comporte bien" soit exact. Malheureusement ce n'est pas le cas, et nous verrons que les foncteurs les plus naturels, les foncteurs Hom, ne préservent qu'une partie de l'exactitude. Afin de corriger cette situation, nous sommes amenés à considérer les modules ayant la propriété que le foncteur Hom covariant (ou contravariant) correspondant est exact. De tels modules sont appelés projectifs (ou injectifs, respectivement). Ainsi que nous le verrons dans les chapitres suivants, l'étude des modules projectifs et injectifs est très utile pour la compréhension de la catégorie des modules. 1. Exactitude de foncteurs DÉFINITION. Soient C, 1J deux catégories abéliennes. Un foncteur linéaire covariant (ou contravariant) F: C--+ 1J est dit exact si l'exactitude de la suite x-Ly~z de C implique l'exactitude de la suite induite de V F X .!.f.+ FY (ou F Z .!.!.+ F Z .!.!.+ FY .!.!.+ F X, respectivement). Par exemple, tout isomorphisme fonctoriel est exact. Un autre exemple de foncteur exact est le foncteur oubli Mod A --+ Mod K. Malheureusement, les foncteurs exacts sont relativement rares, et nous serons obligés de considérer des propriétés plus faibles. DÉFINITION. Soient C, 1J deux catégories abéliennes et F: C--+ V un foncteur linéaire. (1) Si F : C --+ V est covariant, F est dit exact à gauche si l'exactitude de la suite de C 95 96 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS implique l'exactitude de la suite induite de 'D F X .!..!..+ FY 0- .!.!.+ F Z. De même, Fest dit exact à droite si l'exactitude de la suite de C xLv~z-o implique celle de la suite induite de 'D F X .!..!..+ FY .!.!.+ F Z - O. (2) Si F : C --+ 'D est contravariant, F est dit exact à droite si l'exactitude de la suite de C o-xLv~z implique celle de la suite induite de 'D FZ .!.!.+ FY .!..!..+ FX - O. De même, F est dit exact à gauche si l'exactitude de la suite de C xLv~z-o implique celle de la suite induite de 'D 0- FZ .!.!.+ FY .!..!..+ FX. On voit donc qu'un foncteur covariant Fest exact à gauche si et seulement s'il préserve les noyaux, c'est-à-dire que, pour tout morphisme g de C, on a F(ker g) = ker F(g) ; il est exact à droite si et seulement s'il préserve les conoyaux, c'est-à-dire que, pour tout morphisme f de C, on a F(coker !) = coker Ff. De même, un foncteur contravariant F est exact à gauche si et seulement s'il transforme les conoyaux en noyaux, c'est-à-dire que, pour tout morphisme f de C, on a F(coker !) = ker Ff ; il est exact à droite si et seulement s'il transforme les noyaux en conoyaux, c'est-à-dire que, pour tout morphisme g de C, on a F(ker g) = coker Fg. Il est raisonnable de penser qu'un foncteur est exact si et seulement s'il est exact à la fois à gauche et à droite. C'est ce qu'affirme la proposition suivante, que nous ne formulerons et ne montrerons que dans le cas covariant, le cas contravariant étant laissé au lecteur. Un foncteur covariant F : C --+ 'D sera dit préserver les suites exactes courtes si pour toute suite exacte courte o-xLv~z-o de C, la suite exacte courte induite 0- FX .!..!..+ FY .!.!.+ FZ - 0 de 'D est exacte. PROPOSITION 1.1. Soient C, 'D deux catégories abéliennes et F : C foncteur covariant. Les conditions suivantes sont équivalentes : (i) F est exact. --+ 'D un 1. EXACTITUDE DE FONCTEURS 97 (ii) F préserve les suites exactes courtes. (iii) F est exact à gauche et à droite. DÉMONSTRATION. Il est trivial que (i) implique (ii) et que (ii) implique (iii). Il reste à montrer que (iii) implique (i). Soit donc une suite exacte de C, xLy~z. Alors lm F f = Ker( coker F !) = Ker F( coker !) = F(Ker( coker !) ) F(Im/) = F(Kerg) =Ker Fg. D L'exemple le plus important de foncteur exact à gauche est le foncteur Hom. THÉORÈME 1.2. Soient A une K -algèbre et 0-+LLM~N une suite de A-modules. Cette suite est exacte si et seulement si, pour tout module XA, la suite induite de K -modules o-- HomA(X,L) HomA(X,/) HomA(X,g) HomA(X,M) HomA(X,N) est exacte. DÉMONSTRATION. Nécessité. On démontre d'abord que HomA(X,f) est un monomorphisme: soit u: X --+ L tel que HomA(X, f)(u) = fu = 0 ; comme f est un monomorphisme, on a bien u = O. D'autre part, gf = 0 implique HomA(X,g)HomA(X,f) = HomA(X,gf) = 0, donc lmHomA(X,/) Ç KerHomA(X,g). Enfin, si v : X --+ M est telle que 0 = HomA(X,g)(v) = gv, la propriété universelle de L = Ker g donne un morphisme u : X --+ L tel que v = f u = HomA(X, f)(u). Suffisance. Pour montrer que f est un monomorphisme, on prend X = Ker f et j = ker f : X --+ L l'inject~on canonique. Alors 0 = fj = HomA(X, f)(j) et l'injectivité de HomA(X, f) do~nent j = 0 et donc X= O. On a gf = 0 : en effet, prenons X = L et h E HomA(L, L). Alors gf = HomA(X,g) HomA(X, !) (lL) = O. Enfin, pour montrer que f = kerg (ce qui achèvera la démonstration), soit v : X --+ M tel que gv = O. Alors v E KerHomA(X,g) = ImHomA(X,/), et il existe u: X--+ L tel que v = fu. Comme f est un monomorphisme, u est unique. On a bien f = ker g. D La suffisance se montre aussi en posant XA = AA et en utilisant l'isomorphisme fonctoriel cp : HomA(A, -)-'.:dModA de (11.5.3) : en effet, on a un diagramme commutatif à ligne supérieure exacte, dans lequel les flèches verticales sont des isomorphismes : IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS 98 HomA(A,/) 0 --+ HomA(A,L) --+ HomA(A,g) ~M 12 ~L 12 0 HomA(A,M) f L ~N 12 g M HomA(A,N) N Par conséquent, la ligne inférieure est exacte. Cette seconde démonstration, simple et conceptuelle, présente cependant un inconvénient : la démonstration correspondante de l'énoncé dual utilise la notion de cogénérateur injectif et elle ne pourra être faite avant la fin de la section 3. Il suit immédiatement du théorème que le foncteur HomA(X, -) est exact à gauche, pour tout A-module X. Ce foncteur n'est généralement pas exact à droite, et donc pas exact : posons A = Z, X = Z2, M = Z, N = Z2 et f : Z -+ Z2 l'épimorphisme canonique ; on a Homz (Z2, Z) = 0 tandis que Homz (Z2, Z2) '=/: 0, de sorte que Homz (Z2, f) : Homz (Z2, Z) -+ Homz (Z2, Z2) ne peut être un épimorphisme. On a toutefois. COROLLAIRE 1.3. Soit A une K -algèbre. Une suite de A-modules 0--+L~M~N--+O est exacte et scindée si et seulement si, pour tout A-module X, la suite induite de K -modules 0----+ HomA(X,L) HomA(X,/) HomA(X,M) HomA(X,g) HomA(X,N)----+ 0 est exacte. DÉMONSTRATION. Suffisance. Par suite du théorème (1.2), la suite 0 --+ L ~ M ~ N est exacte. Prenant X = N, il existe v : N -+ M tel que lN = HomA(N,g)(v) =gv. Doncgestunépimorphismeetmêmeunerétraction. Nécessité. Il suffit de montrer que HomA(X,g) est un épimorphisme. Comme g est une rétraction, il existe v: N-+ M telle que gv = lN. Pour tout u: X-+ N, on a vu: X-+ Met HomA(X,g)(vu) = gvu = u. D Notons qu'avec les hypothèses du corollaire la suite induite est également scindée, puisque gv =IN implique HomA(X,g)HomA(X,v) = luomA(X,N)· On a les duals des résultats précédents. THÉORÈME 1.4. Soient A une K -algèbre et L~M~N--+O une suite de A-modules. Cette suite est exacte si et seulement si, pour tout module XA, la suite induite de K-modules HomA (g,X) 0----+ HomA(N,X) est exacte. HomA (/,X) HomA(M,X) HomA(L,X) 1. EXACTITUDE DE FONCTEURS 99 DÉMONSTRATION. Nécessité. On démontre d'abord que HomA(g, X) est un monomorphisme : soit u : N -+ X tel que ug = 0 ; comme g est un épimorphisme, on a bien u =O. D'autre part, gf = 0 implique HomA(/,X)HomA(g,X) = HomA(gf,X) = 0, donc ImHomA(g,X) Ç KerHomA{/,X). Enfin, si v: M-+ X est telle que 0 = HomA(/, X)(v) = vf, la propriété universelle de N = Coker f donne un morphisme u: N-+ X tel que v = ug = HomA(g,X)(u). Suffisance. Pour montrer que g est un épimorphisme, on prend X = Coker g, et p = cokerg: N-+ X la projection canonique. Alors 0 = pg = HomA(g,X)(p) et l'injectivité de HomA (g, X) font que p = 0 et donc X = O. On a gf = O. En effet, soient X = N et IN E HomA(N, N). Alors gf = HomA(/,X)HomA(g,X) (IN) = O. Enfin, pour montrer que g = coker f (ce qui achèvera la démonstration), soit v : M -+ X tel que vf = O. Alors v E KerHomA(/,X) = ImHomA(g,X) et il existe u : N -+ X tel que v = ug. Comme g est un épimorphisme, u est unique. On a bien g = coker f. O Notons que cette démonstration est exactement duale de celle du théorème {1.2). On voit donc que le foncteur contravariant HomA{-, X) est exact à gauche. Il n'est généralement pas exact à droite (et donc pas exact) : soient A = Z, X = Z, L = Z, M = Q et f : Z -+ Q l'inclusion. On sait que Homz{Q, Z) = 0 (en effet, si g : Q -+ Z est un morphisme non nul, ag (~) = g(I) pour tout 0 =Fa E Z fait que tout 0 =Fa E Z divise g(I) E Z, une absurdité), tandis que Homz(Z, Z)..::; Z =F 0, de telle sorte que Homz(/, Z) : Homz(Q, Z) -+ Homz(Z, Z) ne peut être un épimorphisme. COROLLAIRE 1.5. Soit A une K-algèbre. Une suite de A-modules 0 -----+ L L M ...!!...... N -----+ 0 est exacte et scindée si et seulement si, pour tout module XA, la suite induite de K-modules est exacte. DÉMONSTRATION. Duale de celle du corollaire {1.3) et laissée au lecteur. O Encore une fois, cette suite induite est alors scindée. Il existe une relation fondamentale entre les foncteurs exacts à gauche et les foncteurs exacts à droite. THÉORÈME 1.6. Soient A, B deux K -algèbres et F : Mod A -+ Mod B, G : Mod B -+ Mod A deux foncteurs covariants tels que {F, G) soit une paire adjointe. Alors F est exact à droite et G est exact à gauche. L'énoncé dit que, pour toute paire de modules MA et XB, on a un isomorphisme fonctoriel 'PM.X : HomB(F M, X)..::; HomA (M, GX). Soit donc une suite exacte de A-modules DÉMONSTRATION. L L M --L N -----+ o. 100 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS Il suit de la fonctorialité de l'isomorphisme précédent que le diagramme suivant est commutatif pour tout B-module XB : Homn(Fg,X) 0--+ Hom 8 (FN,X) 'PN,X l Homs(FJ,X) HomB(FM,X) z 'PM.X l z HomA(g,GX) 0 --+ HomA(N,GX) HomB(FL,X) 'PL,X l z HomA(J,GX) HomA(M,GX) HomA(L,GX) Comme Hom A ( - , G X) est exact à gauche, la ligne inférieure est exacte. Comme les flèches verticales sont des isomorphismes, la commutativité assure l'exactitude de la ligne supérieure. Étant donné que X B est arbitraire, la suffisance dans le théorème (1.4) donne l'exactitude de la suite FL .!.L FM~ FN-+ 0, c'est-à-dire l'exactitude à droite de F. On montre de même l'exactitude à gauche deG. D 2. Modules projectifs Soit A une K-algèbre. Il est naturel d'essayer de caractériser les cas où le foncteur Hom est exact, c'est-à-dire les modules XA tels que HomA(X, -) (ou HomA ( - , X)) soit un foncteur exact. DÉFINITION. Un A-module PA est dit projectif si le foncteur HomA(P, -) est exact. Explicitons cette définition. Comme on sait que le foncteur HomA(P, -) est de toute façon exact à gauche (préserve les noyaux, c'est-à-dire les monomorphismes), il est exact si et seulement s'il est exact à droite (préserve les conoyaux, c'est-à-dire les épimorphismes) donc si et seulement si, pour toute suite exacte MLN-+O de A-modules, la suite induite HomA(P,J) HomA(P,M) HomA(P,N)-o de K-modules est exacte. On a prouvé : LEMME 2.1. Un A-module P est projectif si et seulement si, pour tout épimorphisme / : M -+ N et tout morphisme u : P -+ N, il existe un morphisme v : P -+ M tel que u = / v 2. MODULES PROJECTIFS 101 Il importe de noter que le morphisme v (dont on dit parfois qu'il relève u, ou qu'il est un relèvement de u) n'est généralement pas unique, comme le montre bien la démonstration du lemme suivant. LEMME 2.2. Tout A-module libre est projectif DÉMONSTRATION. Soit en effet (eÀheA une base du A-module libre P. On se donne un épimorphisme f : M -+ N et un morphisme u : P -+ N. Comme f est surjective il existe, pour chaque .>. E A, un élément xÀ E M tel que f (xÀ) = u (eÀ)· On définit le relèvement v: P-+ M par v (eÀ) = xÀ pour chaque .>. E A, et on le prolonge par linéarité, c'est-à-dire en appliquant la propriété universelle d'un module libre. D Par exemple, PA= AA est un A-module projectif. Comme tout module libre est une somme directe de copies de AA, cela nous amène à formuler la proposition suivante. PROPOSITION 2.3. Soit (PÀheA une famille de A-modules. La somme directe EE) PÀ est projective si et seulement si chaque PÀ est projectif ÀEA DÉMONSTRATION. Nécessité. Supposons que EE) PÀ est projectif et montrons ÀEA que chaque PÀ (où .>. E A) est projectif. Notons qÀ : PÀ -+ EE) Pµ et PÀ : µEA EE) Pµ -+ PÀ l'injection et la projection canoniques respectivement. Soient f : µEA M -+ N un épimorphisme et u : PÀ -+ N un morphisme. 1 PÀ 11 / / / 'U /! M---+N-o Il existe un morphisme w : EE) Pµ -+ M tel que fw = upÀ. Mais alors fwqÀ = µEA upÀqÀ = ulp,. = u. Si on pose v = wqÀ, on a bien v: PÀ-+ M tel que fv = u. Suffisance. Posons P = EE) PÀ. Supposons que chaque PÀ est projectif. ÀEA Soient f : M -+ N un épimorphisme et u : P -+ N un morphisme. Notons encore qÀ : PÀ -+ P l'injection canonique. Pour tout .>., il existe vÀ : PÀ -+ M tel que fvÀ = uqÀ. 102 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS P>. lq~ ffiPµ /µEA v// ,/ f lu M-N---+O Par la propriété universelle de Pµ, il existe un unique œ V : µEA œPµ -+ M tel µEA que vq>. =V>.. Donc fvq>. = uq>. pour tout À E A. Par conséquent, fv = u. D Le théorème suivant caractérise complètement les modules projectifs. THÉORÈME 2.4. Soit PA un A-module. Les conditions suivantes sont équivalentes: (i) P est projectif. (ii) P est facteur direct d'un A-module libre. (iii) Toute suite exacte courte de la forme O--+M-1......N~P--+0 est scindée. DÉMONSTRATION. (i) implique (iii), puisque la définition d'un module projectif implique l'existence d'un morphisme v: P-+ N p V/// f ,/ l lp g 0---+M-N-P---+O tel que gv = lp, de sorte que g est une rétraction. (iii) implique (ii) : en effet, tout module, en particulier P, est quotient d'un A-module libre : il existe donc une suite exacte courte 0 ---+ Ker f ---+ L _..!___. P ---+ 0 avec L libre. Par hypothèse, elle est scindée. (ii) implique (i) : cela résulte en effet de (2.2) et (2.3). D La condition (iii) du théorème peut être reformulée comme suit : tout épimorphisme de but projectif est une rétraction. Par exemple, si A est un corps (peut-être gauche), tout A-module est libre (111.3.5), donc projectif. Nous verrons plus loin (en (VI.7.1)) une caractérisation des algèbres ayant la propriété que tout module est projectif. Il est naturel, étant donné (2.2) et la condition (ii) du théorème, de se demander s'il existe des modules projectifs qui ne sont pas libres. Soient A =T2(K) = [ ~ ~ J l'algèbre des 2x2 matrices triangulaires inférieures, et eu = [à 8J, e22 = [g YJ les idempotents matriciels. On a A= euA œe22A, 3. MODULES INJECTIFS 103 donc euA et e22A sont des A-modules projectifs. Par contre, ils ne sont pas libres : en effet, la dimension d'un A-module libre qui est de K-dimension finie doit être un multiple de dimK A= 3, et on a dimK (euA) = 1 et dimK (e 22 A) = 2. Il est à remarquer que si A= Z, les A-modules projectifs (donc les groupes abéliens projectifs) coïncident avec les A-modules libres. Nous montrerons en fait plus loin (en (XII.1.5)) que, si A est un domaine d'intégrité principal, tout sousmodule d'un A-module libre est lui-même libre. Par conséquent, tout A-module projectif est libre. PROPOSITION 2.5. · · · --+ P.n Pour tout A-module M, il exi.ste une suite exacte fn --+ P.n-1 --+ · · · --+ p 1 --+ fi RO --+ fa M --+ 0 avec les Pi des A-modules projectifs. DÉMONSTRATION. Par récurrence sur n. Pour n = 0, l'existence de l'épimorphisme Io : Po --+ M résulte de ce que, d'après {III.3.6), tout A-module est quotient d'un A-module libre et de ce que tout module libre est projectif. Pour n > 0, on applique le même raisonnement à Ker fn-1· D Une suite comme celle de la proposition s'appelle une résolution projective du A-module M. Une résolution projective à deux termes Pi --+ Po --+ M --+ 0 s'appelle une présentation projective de M. Les résolutions et les présentations projectives d'un module peuvent être considérées comme des approximations de ce module par des modules projectifs. Elles sont utiles dans les cas où un calcul s'effectue plus facilement sur un module projectif que sur un module arbitraire et qu'il est compatible avec le passage au conoyau. 3. Modules injectifs La notion duale de celle de module projectif est celle de module injectif. DÉFINITION. Un A-module IA est dit injectif si le foncteur HomA(-,I) est exact. Cette définition équivaut à dire que le foncteur HomA { - , I) (qui est contravariant) est exact à droite, c'est-à-dire qu'il transforme les noyaux en conoyaux ou encore les monomorphismes en épimorphismes, ce qui est le cas si et seulement si, pour toute suite exacte de A-modules 0--+L-LM, la suite induite de K-modules HomA(M,l) HomA(f,I) HomA(L,l)---+ 0 est exacte. On exprime cela par le lemme suivant. 104 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS LEMME 3.1. Un A-module lA est injectif si et seulement si, pour tout monomorphisme f : L --+ M et tout morphisme u : L --+ I, il existe un morphisme v : M --+ I tel que u = vf f 0 - - - + L ____... M ul /~ / I ./ .o Encore une fois, le morphisme v (dont on dit parfois qu'il prolonge u ou qu'il est un prolongement de u) n'est généralement pas unique. Bien que la notion d'injectif soit duale de celle de projectif, il est trop tôt pour donner ici des exemples de modules injectifs. Nous le ferons plus loin. En attendant, nous montrons l'énoncé dual de (2.3). Bien que la démonstration soit également duale, nous la donnons au complet. PROPOSITION 3.2. Soit (IÀheA une famille de A-modules. Le produit 11 JÀ ÀEA est injectif si et seulement si chaque I À est injectif. 11 JÀ est injectif. Notons pÀ : DÉMONSTRATION. Nécessité. Supposons que 11 Iµ --+ IÀ et qÀ : µEA h --+ 11 Iµ ÀEA respectivement la projection et l'injection µEA . canoniques. Soient f: L--+ Mun monomorphisme et u: L--+ IÀ un morphisme. Il existe alors un morphisme w: M--+ Iµ tel que wf = qÀu. 11 µEA f 0---+ L ---+ M qAl î PA 11 Iµ µEA Mais alors v = pÀw satisfait à vf = pÀwf = pÀqÀu = u. Suffisance. Supposons que chaque h est injectif et notons encore pÀ : h la projection canonique. Il existe pour chaque À IÀ tel que vÀf = pÀu 11 Iµ --+ µEA E A un morphisme vÀ : M--+ 3. MODULES INJECTIFS 105 l)t. Par suite de la propriété universelle, il existe un unique v : M-+ IIIµ. tel que µ.6A p)t.V = V)t. pour tout À. Mais alors p)t.vf = V)t.f = p)t.U pour tout À. Par l'unicité, on a bien vf = u. D Il n'existe pas pour les modules injectifs de théorème de structure dual au théorème (2.4). Cependant, on peut montrer qu'un module I est injectif si et seulement si tout morphisme de source I est une section. THÉORÈME 3.3. Un A-module lA est injectif si et seulement si toute suite exacte courte de la forme 0--+ILM~N-o est scindée. DÉMONSTRATION. Nécessité. L'injectivité de I implique l'existence d'un morphisme v : M-+ I qui prolonge 11 : I-+ I, c'est-à-dire tel que vf = 11. Ainsi, f est une section. Suffisance. Soient f : L -+ M un monomorphisme et u : L -+ I un morphisme arbitraire. Posons N = Coker f. Construisons la somme amalgamée Q de f et u. D'après (III.5.9), on obtient un diagramme commutatif à lignes exactes 0 ---+ L ul 0 ---+ I f ---+ --h ---+ h' M ---+ N ---+ 0 ---+ N ---+ 0 lv Q Par hypothèse, la suite du bas est scindée, donc il existe h' : Q -+ I tel que h'h = 11 . Mais alors h'v: M-+ I satisfait à (h'v) f = h'(vf) = h'hu = u, ce qui montre bien que I est injectif. D THÉORÈME 3.4 (CRITÈRE DE BAER). Un A-module IA est injectif si et seulement si, pour tout idéal à droite JA de A et tout morphisme v : JA -+ IA, il existe un morphisme w: AA-+ IA dont la restriction à J égale v. DÉMONSTRATION. La nécessité étant évidente, il reste à montrer la suffisance. Soient I satisfaisant à la condition donnée, f : L -+ M un monomorphisme et u : L -+ I un morphisme arbitraire. Comme f est un monomorphisme, on peut regarder L comme un sous-module de M. On considère donc l'ensemble f, des 106 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS paires (L', u') où L ç L' Ç Met u' : L' (L,u) E -+ e. 0 ~ L I prolonge u. Alors f ', ul ; e ':F 0 puisque M /' L' / /u' I ,/ On ordonne e par (L', u') ~ (L", u") si et seulement si L' Ç L" et u" prolonge Il est évident que l'on a là un ordre partiel et le lecteur vérifiera aisément que e est inductif pour cet ordre. Le lemme de Zorn permet de conclure à l'existence d'une paire maximale (Lo, uo) dans e. Si Lo = M, on a fini. On va donc supposer que Lo i M et arriver à une contradiction. Soit x E M\Lo. On pose J ={a E A 1 xa E Lo}: alors J est évidemment un idéal à droite de A. On définit v: J-+ I par v(a) = uo(xa) pour a E J. Il suit de l'hypothèse qu'il existe une application A-linéaire w: A-+ I qui prolonge v. Considérons maintenant le sous-module Li = Lo+ xA de M (qui contient proprement Lo). On définit un morphisme ui : Li -+ I par ui (xo + xa) = uo (xo) +w(I)a pour x 0 E Lo et a E A. Il faut montrer que cette définition n'est pas ambiguë. Mais si xo + xa = x~ + xa' (avec xo, x~ E Lo et a, a' E A), on a xo - x~ = x (a' - a) E Lo et donc a' - a E J. Par conséquent, uo(x(a' - a)) et v(a' - a) sont définis, et on a uo(xo -x~) = uo(x(a' -a)) = v(a' - a) = w(a' -a). Donc uo (xo) + w(I)a = uo (x~) + w(I)a': On a prouvé que ui : Li -+ I est un morphisme. Comme il prolonge uo, la paire (Li. ui) est danse et est strictement plus grande que la paire maximale (Lo, u0 ), une contradiction. Donc Lo= Met I est injectif. D u'. On a vu que tout module est quotient d'un A-module projectif (ce qui suit de (2.5), ou plus directement de {2.1) et {IIl.3.6)). L'énoncé dual, à savoir que tout module est sous-module d'un module injectif, est également vrai, mais plus difficile à démontrer. Pour ce faire, nous commençons par donner des exemples de A-modules injectifs. On remarque d'abord que la définition d'un groupe abélien divisible peut être généralisée de façon évidente. DÉFINITION. Un A-module M est dit divisible si, pour tout x E M et tout a E A non nul qui n'est pas un diviseur de zéro, il existe un y E M tel que X =ya. Rappelons que Q et Q/Z sont deux exemples de Z-modules divisibles. Notre objectif est d'abord de caractériser les groupes abéliens injectifs. Nous donnons en fait une caractérisation valide pour tout domaine d'intégrité principal (c'est-à-dire une algèbre commutative, intègre et dont tous les idéaux sont principaux : c'est par exemple le cas pour la Z-algèbre '1l. et la K-algèbre K[t] des polynômes en t à coefficients dans un corps K). THÉORÈME 3.5. Tout A-module injectif est divisible. Réciproquement, si A est un domaine d'intégrité principal, tout module divisible est injectif. 3. MODULES INJECTIFS 107 DÉMONSTRATION. Soit I un A-module injectif. Prenons x E I et a E A non diviseur de zéro. On considère le sous-module aA de AA et on définit u : aA --+ I par u(ab) = xb (où b E A). On note que u est définie sans ambiguïté car a n'est pas un diviseur de zéro. Comme I est injectif, il existe v : A --+ I qui prolonge u et donc x = u(a) = v(a) = v(I)a. o-aA-A l /-;, / u I/ Réciproquement, soient A un domaine d'intégrité principal et DA un Amodule divisible. Afin d'appliquer le critère de Baer {3.4), on considère un idéal à droite non nul JA de A et un morphisme u: J--+ D. Comme A est principal, il existe a E A non nul tel que J = aA. Comme a n'est pas un diviseur de zéro, il existe d E D tel que u(a) =da. On définit v : A--+ D par v(b) = db (où b E A). Alors v prolonge bien u, puisque v(ac) = dac = u(a)c = u(ac) pour tout c E A o-J-A u l /-;, / D/ .o Le théorème entraîne immédiatement qu'un groupe abélien est divisible si et seulement s'il est injectif. Par exemple, Q et Q/Z sont des Z-modules injectifs. DÉFINITION. HomA(M, Q) LEMME Un A-module injectif Q est appelé un cogénérateur injectif si '# 0 pour tout A-module non nul MA· 3.6. Q/Z est un cogénérateur injectif de Mod Z. DÉMONSTRATION. Soit M un groupe abélien non nul. On prend x E M non nul. Si x est d'ordre infini, on définit u : x'll --+ Q/Z par u(x) = ~ + Z. Si x est d'ordre fini n, on définit u : x'll--+ Q/Z par u(x) = ~ + Z. Par l'injectivité de Q/Z, le morphisme non nul u : x'll --+ Q/Z se prolonge en un· morphisme v : M --+ Q/Z, lequel est évidemment non nul aussi. D PROPOSITION 3.7. Soit QA un cogénérateur injectif de ModA. Pour tout A-module M, il existe un monomorphisme M--+ QA pour un ensemble A. DÉMONSTRATION. Posons A = HomA(M, Q) et définissons f : M --+ QA par f(x) = (u(x))ueA· C'est évidemment une application A-linéaire. Si x E M est non nul, il existe un morphisme non nul u' : xA --+ Q (car Q est un cogénérateur injectif), donc il existe un morphisme non nul u : M --+ Q qui prolonge u'. En particulier u(x) '# 0 et donc f(x) '#O. L'application f est bien un monomorphisme o-xA----+M / u'Q/ l /~ .o 108 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS Comme QA est injectif, étant produit de modules injectifs (3.2), il suit de la proposition que l'existence d'un cogénérateur injectif dans Mod A entraîne que tout A-module est sous-module d'un A-module injectif. En particulier, nous venons de voir que Q/'ll. est un cogénérateur injectif de Mod 'll.. Donc tout groupe abélien est un sous-groupe d'un groupe abélien injectif ( = divisible). Nous allons maintenant établir l'existence d'un cogénérateur injectif dans une catégorie de modules arbitraire. Soit donc A une K-algèbre. On considère A comme un (A - 'll.)-bimodule et le foncteur de changement des scalaires Homz (AAz,-): Mod'll.-+ ModA (en effet, il suit de (II.5.2) que ce foncteur donne à tout groupe abélien une structure de A-module). LEMME 3.8. Pour une K-algèbre A, le foncteur de changement des scalaires Homz (AAz, - ) : Mod '1l. -+ Mod A est un adjoint à droite du foncteur oubli U: ModA-+ Mod'll.. DÉMONSTRATION. Pour un A-module MA et un groupe abélien G, il faut montrer qu'il existe un isomorphisme cp : Homz (U M, G) ..:::. HomA (M, Homz (AAz, G)) fonctoriel en Met en G. On définit cp par f 1----+ (x 1--+ (a 1--+ f(xa))) (pour f E Homz (U M, G), x E M, a E A) et un morphisme 1/; : HomA (M, Homz (AAz, G)) -+ Homz (U M, G) par u 1----+ (x 1--+ u(x)(l)) (pour u E HomA(M,Homz(AAz,G)), x E M). Alors cp et 1/; sont bien des isomorphismes inverses l'un de l'autre, puisque (cp o 1/;)(u) = cp('l/;(u)) et cp('l/;(u))(x)(a) = 'l/;(u)(xa) = u(xa)(I) = u(x)(a) (pour u, x, a comme plus haut). On a donc bien (cp o 1/;)(u) = u pour tout u. Par conséquent, cp o 1/; = 1. De même, 1/; o cp = 1. Enfin, la fonctorialité est un exercice facile laissé au lecteur. O PROPOSITION 3.9. Soit A une K-algèbre. Le A-module Homz (AAz, Q/'ll.) est un cogénémteur injectif pour Mod A. 3. MODULES INJECTIFS 109 DÉMONSTRATION. On sait que Q/Z est un Z-module injectif. Par conséquent, le foncteur Homz,{-, Q/Z} est exact. L'isomorphisme fonctoriel de {3.8} donne alors l'exactitude du foncteur HomA (-, Homz, (AAz, Q/Z}} ..=. Homz{-, Q/Z). Donc Homz, (AAz, Q/Z) est un A-module injectif. D'autre part, pour un Amodule M, le même isomorphisme de foncteurs donne un isomorphisme HomA (M, Homz, (AAz, Q/Z)) ..::. Homz,{M, Q/Z) où, à droite, M est vu comme un groupe abélien. Comme Q/Z est un cogénérateur injectif pour ModZ, on a Homz,{M,Q/Z) =/: 0, d'où l'énoncé. D Il résulte immédiatement de la proposition et des remarques suivant (3. 7) que tout A-module est sous-module d'un A-module injectif. Nous réécrirons maintenant cet énoncé sous la forme plus forte suivante. PROPOSITION 3.10. Pour tout A-module M, il existe une suite exacte de la forme Io L0 ---+ fi I 1 ---+ • • • ---+ l n ln+l l 0 ---+ M ---+ ---+ n+ 1 ---+ · • ' où les li sont des A-modules injectifs. DÉMONSTRATION. Duale de celle de {2.5} et laissée au lecteur. D Une suite exacte comme celle de la proposition s'appelle une résolution injective du A-module M. Une résolution injective à deux termes 0 ---+ M ---+ Io ---+ 11 s'appelle une présentation injective de M. Les résolutions et les présentations injectives d'un module peuvent être comprises comme des approximations de ce module par des modules injectifs. Avant de clore cette section étudions une propriété intéressante des cogénérateurs injectifs, que nous utiliserons au chapitre VI. LEMME 3.11. Soit Q un cogénérateur injectif de ModA. modules Une suite de A- LLM~N est exacte si et seulement si la suite induite de K -modules HomA(N, Q) HomA(g,Q) HomA(M, Q) HomA(/,Q) HomA(L, Q) est exacte. DÉMONSTRATION. Comme la nécessité résulte de l'injectivité de Q, il reste à montrer la suffisance. Pour prouver que gf = 0, soit x E L tel que gf(x) =F O. Comme Q est un cogénérateur injectif, il existe u: N--+ Q tel que u(gf(x)) =F O. Mais alors ugf =/: 0 donne la contradiction Hom A(!, Q) Hom A(g, Q) =/: O. On a démontré que gf = O. Supposons maintenant que x E Ker g et que x ri. lm f. Soit p : M --+ Coker f la projection canonique. Il suit de l'hypothèse que p(x) = x +lm f =/: O. Comme Q est un cogénérateur injectif, il existe u : Coker f --+ Q tel que up(x) =F O. 110 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS Comme pf = 0, on a upf = 0, et donc up E KerHomA(/,Q) = ImHomA(g,Q). Par conséquent, il existe v : N--+ Q tel que up = HomA(g, Q)(v) = vg: f -----+ L M __!_ N 1 lv Coker f l Q V. ---+ Mais alors on obtient la contradiction 0 1 up(x) = vg(x) = v(O) =O. Cela montre que lm f 2 Ker g et donc établit l'énoncé. D Comme application immédiate de ce lemme, nous tenons une promesse faite à la section 1 en présentant une démonstration simple de la suffisance en (1.4) : en effet, l'hypothèse de {1.4) implique que, si Q est un cogénérateur injectif de Mod A, alors la suite 0----+ HomA(N,Q) HomA (g,Q) ---+ HomA(M,Q) HomA (f,Q) ---+ HomA(L,Q) est exacte, et le lemme précédent entraîne, comme prévu, l'exactitude de la suite LLM~N-o. 4. Extensions essentielles et enveloppes injectives Nous allons maintenant démontrer que l'on peut trouver un "plus petit" module injectif E contenant un module donné M. Afin de justifier notre première définition, remarquons que si E' est un sous-module injectif non nul de E, il en est un facteur direct par suite de (3.3), dès lors E' n M = 0 entraînerait que M se plonge dans E / E', ce qui contredirait la minimalité de E : on a donc besoin d'un module injectif Etel que M coupe tout sous-module (injectif) non nul de E. On arrive ainsi à la définition suivante. DÉFINITION. Soit Mun A-module. Une extension essentielle Ede M est un module E contenant Met tel que si N est un sous-module non nul de E, alors N n M f O. On dit aussi que M est un sous-module essentiel de E. Par exemple, il est facile de voir que Q est une extension essentielle de Z. Il est utile d'exprimer la notion d'extension essentielle en termes de morphismes. DÉFINITION. Soient M,E deux A-modules. Un monomorphisme f : M --+ E est dit essentiel si, pour tout morphisme h : E --+ F tel que hf est un monomorphisme, on a que h est lui-même un monomorphisme. Les deux propriétés suivantes sont immédiates. LEMME A-modules. 4.1. Soient f : L --+ M et g : M --+ N deux monomorphismes de 4. EXTENSIONS ESSENTIELLES ET ENVELOPPES INJECTIVES 111 {i) Sig et f sont essentiels, alors gf : L-+ N est aussi un monomorphisme essentiel. (ii) Si gf: L-+ N est un monomorphisme essentiel, alors g est essentiel. DÉMONSTRATION. (i) En effet, gf est évidemment un monomorphisme, et hg/ monomorphisme implique successivement hg monomorphisme (car f est essentiel) et h monomorphisme (car g est essentiel). {ii) Si hg est un monomorphisme, il en est de même de hg/. Comme gf est essentiel, h est un monomorphisme. O PROPOSITION 4.2. Un monomorphisme f: M-+ E est essentiel si et seulement si E est une extension essentielle de f(M). DÉMONSTRATION. Nécessité. Soit en effet N un sous-module de Etel que Nnf(M) =O. Alors la composition de f: M-+ E avec la projection canonique p: E-+ E/N est un monomorphisme puisque x e Ker(p/) donne f(x) E Kerp = N donc f(x) E N n /{M) = 0 et x = 0 puisque f est un monomorphisme. Comme f est essentiel, p est un monomorphisme. Donc N = O. Suffisance. Soit h : E -+ F tel que hf est un monomorphisme, et supposons que N = Ker h =/= O. Alors N n f (M) =/= 0 donne un x E M non nul tel que f(x) E N. Donc hf(x) = 0, ce qui est une contradiction. Par conséquent, N=O. 0 Le résultat suivant montre que l'on peut caractériser l'injectivité par l'absence d'extensions essentielles propres. LEMME 4.3. Un A-module M est injectif si et seulement s'il n'a pas d'extensions essentielles propres. DÉMONSTRATION. Nécessité. Supposons que M est injectif et que M ~ E. D'après {3.3), M est un facteur direct de E : il existe N ~ E tel que N =/= 0 et E = M œN. En particulier, M n N = 0 et E ne pouvait être une extension essentielle de M. Suffisance. Soit M un module sans extensions essentielles propres. On veut montrer que M est injectif. Par suite de {3.10), il existe un A-module injectif E contenant M. Le lemme de Zorn affirme d'autre part l'existence d'un sousmodule N de E maximal pour la propriété que Mn N =O. Notons j: M-+ E l'inclusion, et p : E -+ E/N la projection canonique. Comme Mn N = 0, on a que pj : M-+ E/N est un monomorphisme. D'autre part, E/N est une extension essentielle de M, puisque, si 0 =/= L / N Ç E / N, alors L ~ N et la maximalité de N entraînent Ln M =/= 0 et donc (L/N) n M =/=O. L'hypothèse entraîne que pj est un isomorphisme. Donc j est une section et M est facteur direct de l'injectif E. Par conséquent, M est injectif. 0 On dira qu'une extension essentielle E d'un module M est maximale si M n'admet pas d'extension essentielle E' telle que E ~ E'. Le théorème suivant montre que ce sont les modules que nous cherchions. THÉORÈME 4.4. Soient M Ç E deux A-modules. Les conditions suivantes sont équivalentes: IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS 112 (i) E est une extension essentielle maximale de M. (ii) E est une extension essentielle de M et est injectif. (iii) E est injectif et il n'existe pas de module injectif I tel que M Ç I ~ E. En outre, pour tout A-module M, il existe un A-module E satisfaisant aux conditions équivalentes précédentes. DÉMONSTRATION. (i) implique (ii). D'après (4.l)(i), la relation "est une extension essentielle" est transitive. Par conséquent, l'hypothèse implique que E n'a pas d'extension essentielle propre. D'après (4.3), E est injectif. (ii) implique (iii). En effet, s'il existait un tel I, son injectivité entraînerait l'existence d'un module non nul I' Ç Etel que E = I œI'. Comme M Ç /,on aurait M n I' = 0, ce qui est une contradiction. (iii) implique (i). Par suite de (3.10), pour un module M donné, il existe un Amodule injectif I contenant M. On note l'ensemble des extensions essentielles de M contenues dans I. Il est clair que f, f: 0, puisque M E ê. Il est facile de voir que l'ensemble ê, ordonné par inclusion, est inductif. D'après le lemme de Zorn, contient un élément maximal E. On affirme que E est une extension essentielle maximale de M. Supposons que ce n'est pas le cas, et soit E' une extension essentielle de M telle que E Ç E'. Comme I est injectif, l'inclusion j : E - t I se prolonge en un morphisme f : E' - I e e 0 ---+ E jl i ---+ / E' /1 I/ On affirme que f est un monomorphisme. En effet, E et E' sont toutes deux des extensions essentielles de M et E Ç E'. Par suite de (4.l)(ii), E' est une extension essentielle de E donc l'inclusion i : E - t E' est essentielle. Comme fi= j est un monomorphisme, il en est de même de f. Cela montre que f (E') est une extension essentielle de M contenue dans I. La maximalité de E donne f (E') = E, et donc f induit un isomorphisme entre E et E'. Ce qui démontre que E est une extension essentielle maximale de M et en particulier, est un module injectif. Mais alors, par hypothèse, E = I. Enfin, l'existence de E résulte de la construction. D Ainsi, on a établi l'existence d'un plus petit module injectif contenant un module donné, qu'on a caractérisé par les propriétés équivalentes du théorème (4.4). Il est utile de pouvoir également le caractériser comme suit. DÉFINITION. Soit M un A-module. Une enveloppe injective de M est une paire (I,j), où I est un A-module injectif et j: M - t I est un monomorphisme tel que, si (I', j') est une autre paire, avec I' un A-module injectif et j' : M - t I' un monomorphisme, alors il existe un monomorphisme f : I - t I' tel que f j = j'. 4. EXTENSIONS ESSENTIELLES ET ENVELOPPES INJECTIVES 113 Par abus de langage, on dit souvent que I est l'enveloppe injective de M. On note qu'avec les notations de la définition, f: I-+ l'étant un monomorphisme de source injective est une section : cela montre que l'enveloppe injective d'un A-module M est un facteur direct de tout injectif contenant M. Montrons maintenant que cette notion coïncide avec celle d'extension essentielle maximale. THÉORÈME 4.5. Pour tout A-module M, il existe une enveloppe injective, unique à isomorphisme près. Celle-ci est isomorphe à une extension essentielle maximale de M. DÉMONSTRATION. Existence. Soient I une extension essentielle maximale de Met j : M-+ I l'inclusion. Par suite de (4.4), I est injectif. Soit donc (I',j') une paire comme dans la définition. L'injectivité de I' donne un morphisme f : I -+ I' tel que fj = j'. Comme j' est un monomorphisme et j est essentiel (d'après (4.2)), f est un monomorphisme. Unicité. On a vu que la paire (J,j) avec I une extension essentielle maximale de M, et j: M-+ I l'inclusion satisfait à la propriété cherchée. Soit (I',j') une autre paire satisfaisant à cette propriété. Alors il existerait un monomorphisme g : I' -+ I tel que gj' = j. Comme I' est injectif, il existerait I" Ç I tel que I" -# 0 et I = I' œI". Mais alors I' n J" = 0 et M Ç I' donneraient Mn J" = 0, ce qui contredit l'hypothèse que I est une extension essentielle de M. D COROLLAIRE 4.6. Soit j : M -+ I un morphisme de A-modules. Les conditions suivantes sont équivalentes: (i) (I,j) est une enveloppe injective de M. (ii) j est un monomorphisme avec I une extension essentielle maximale de M. (iii) j est un monomorphisme essentiel et I est injectif DÉMONSTRATION. Il suit du théorème (4.5) que (i) équivaut à (ii) et du théorème (4.4) que (ii) équivaut à (iii). D Il y a tout lieu de se demander si les résultats duals sont valables pour les modules projectifs. La notion duale de celle de monomorphisme essentiel est celle d'épimorphisme superflu. Nous étudierons cette dernière au chapitre VII. La définition d'enveloppe injective peut être aussi dualisée aisément. Pour un A-module M, une couverture projective de M (voir chapitre VIII) est une paire (P,p) où PA est projectif et p: P-+ M est un épimorphisme tel que, si (P',p') est une autre paire avec P' projectif et p': P'-+ M un épimorphisme, il existe un épimorphisme f: P'-+ P tel que pf = p'. 114 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS P' }//t' P..!!.....M--+O l 0 Par conséquent, P est un facteur direct de tout projectif P' "couvrant" M. Cependant l'énoncé dual de (4.5) n'est généralement pas vrai : pour une algèbre quelconque, un A-module n'admet pas nécessairement de couverture projective. Comme nous le verrons plus loin, il sera nécessaire d'énoncer des hypothèses sur l'algèbre. EXERCICES DU CHAPITRE IV 115 Exercices du chapitre IV 1. Soient F : Mod A -+ Mod B un foncteur exact et covariant, M un A-module et Mi. M2 deux sous-modules de M. Montrer que F(M1 +M2) = F(M1)+F(M2) et F(M1 n M2) = F(M1) n F(M2). 2. Soit un diagramme de Mod A M J N ---+ où Pest projectif. Montrer qu'il existe h: P-+ M tel que fh = g si et seulement si Img Ç lm/. 3. Énoncer et prouver le dual de l'exercice précédent. 4. Dans le diagramme à ligne exacte de Mod A P' P" !'l 0 ---+ M' U ---+ M V ---+ M" 0 ---+ P', P" sont projectifs. Construire un module projectif P et des morphismes u', tels que l'on ait un diagramme commutatif à lignes exactes v', f 0 ---+ P' !'l 0 ---+ Montrer que, si f' u' ---+ v' ---+ P 1 1 M' u ---+ M et/" sont surjectifs, V P" ---+ 0 ---+ 0 li" M" . f l'est aussi. 5. Énoncer et prouver le dual de l'exercice précédent. 6. Soit un diagramme commutatif de Mod A J p ---+ L N' ---+ N l ____!!._ M ---+ N" l avec P projectif, gf = 0 et la ligne du bas exacte. Trouver un morphisme P -+ N' qui rende le diagramme commutatif. 7. Énoncer et prouver le dual de l'exercice précédent. 8. Soient A une K-algèbre, P un A-module projectif, et I un idéal bilatère de A. Montrer que P/PI est un A/J-module projectif. 9. Montrer que tout module de type fini est un quotient d'un module projectif de type fini. 116 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS 10. On considère un entier positif fixe n > 1 et le morphisme de Z-modules f : Z--+ Z défini par f(x) = nx. (i) Montrer que l'on a une suite exacte de Z-modules o--.zLz-Zn-o. (ii) Montrer que la suite précédente n'est pas scindée (et donc que Zn n'est pas projectif). (iii) En déduire qu'un Z-module (= groupe abélien) de type fini est projectif si et seulement s'il est libre. 11. Montrer que, si n = rs est un entier positif et si r, s rZn est projectif mais n'est pas libre. > 1, le Zn-module 12. Montrer le lemme de Schanuel: si o-~-A-M--.o~o-~-~-M-o sont deux suites exactes courtes, avec P1 et P2 projectifs, alors Ki EB P2 ..:::+ K2 EB P1. 13. Énoncer et prouver le dual de l'exercice précédent. 14. Montrer que, si PA est un A-module projectif engendré par m éléments, alors PA est un facteur direct de A~>. 15. Montrer le théorème de la base projective : un A-module P est projectif si et seulement s'il existe des familles (aÀheA d'éléments de P et (!ÀheA d'éléments de HomA(P,A) telles que: (i) Pour tout x E P, la famille (!À(x)heA soit à support fini. (ii) x = fÀ(x)aÀ pour tout x E P. L ÀEA Si Pest projectif, la famille (aÀheA peut être prise comme étant un ensemble quelconque de générateurs de P. 16. Soit A un domaine d'intégrité principal. Montrer que si Pest projectif, alors xa = 0 pour x E Pet a E A entraîne x = 0 ou a= 0 (on dit alors que P est sans torsion). 17. Soient A un domaine d'intégrité principal ayant Q pour corps des fractions et I un idéal non nul de A. Montrer que I est projectif si et seulement si I est inversible, c'est-à-dire s'il existe des éléments ai, a2, ... , an E I et qi, q2, ... , qn E Q tels que qil ÇA pour 1 :::; i :::; net E aiqi = 1. En déduire qu'un idéal projectif de A est nécessairement de type fini. 18. Montrer que si PA est projectif alors Homz (zPA, Q/Z) est un A0 P-module injectif. 19. Montrer que Pest projectif si et seulement si, pour tout épimorphisme --+ I" avec I injectif et tout morphisme u : P --+ I", il existe v : P --+ I tel que fv = u. f :I EXERCICES DU CHAPITRE IV 117 p ;//lu 1 ~ I" ----+ 0 20. Énoncer et résoudre le dual de l'exercice précédent. 21. Soient K un anneau commutatif, 1 un K-module injectif et A une Kalgèbre. Montrer que HomK(A, I) est un A-module injectif. 22. Soit K un corps. Montrer que tout K-espace vectoriel est un K-module injectif. 23. Soient p un nombre premier, f : Z ---+ Zp et g : Zp2 ---+ Zp les surjections canoniques. Montrer que le produit fibré de f et g est isomorphe à Z œZp. 24. Soient f : Z ---+ Q l'inclusion, et g : Z ---+ Z la multiplication par n. Montrer que la somme amalgamée de f et g est isomorphe à Q œZn. 25. Montrer que, si Mi. M 2 et Mi n M 2 sont des sous-modules injectifs d'un module M, alors Mi + M2 est injectif aussi. 26. Énoncer et résoudre le dual de l'exercice précédent. 27. Soient A un domaine d'intégrité principal et Q son corps de fractions. Montrer que QA est divisible (et donc injectif). 28. Soient A un domaine d'intégrité principal et Q son corps de fractions. Montrer que QA est l'enveloppe injective de AA. 29. Montrer que tout A-module à droite est injectif si et seulement si tout idéal à droite de A est facteur direct de A. 30. Soient M Ç E deux modules. Montrer que E est une extension essentielle de M si et seulement si, pour chaque x E E, soit x = 0, soit il existe a E A tel que 0 =/: xa E M. 31. Soient M Ç E deux modules et (E>.) >.eA une chaîne de sous-modules de E pour l'inclusion, chaque E>. étant une extension essentielle de M. Montrer que U>.eAE>. est une extension essentielle de M (Indication : se référer à l'exercice précédent). 32. Soient Mi. M2 deux modules d'enveloppes injectives respectives Ei. E2. Montrer que Ei œE2 est l'enveloppe injective de Mi œM2. 33. Soient C, V deux catégories, F: C---+ V un foncteur adjoint à gauche d'un foncteur G: V---+ C. Montrer l'existence de morphismes fonctoriels FG---+ lv et le---+ GF (qui ne sont pas nécessairement des isomorphismes fonctoriels). 34. Soient A une K-algèbre et e un idempotent de A (c'est-à-dire un élément e E A tel que e2 = e). Montrer que AA = eA œ(1 - e)A. En déduire que tout A-module de la forme eA est projectif. 118 IV. FONCTEURS HOM, MODULES PROJECTIFS ET INJECTIFS 35. Montrer qu'un A-module injectif QA est un cogénérateur injectif de Mod A si et seulement si le foncteur HomA(-, Q) est fidèle. CHAPITRE V Produits tensoriels. Algèbres tensorielle et extérieure Plusieurs problèmes font intervenir par exemple trois modules L, M, N et une application bilinéaire Lx M--+ N. Afin d'appliquer les procédés que nous connaissons, on aimerait pouvoir remplacer Lx M par un module T et l'application bilinéaire précédente par une application linéaire T --+ N. De même, on aimerait pouvoir remplacer un produit fini Mi x · · · x Mn par un module T, et une application multilinéaire M 1 x · · · x Mn --+ N par une application linéaire T --+ N. Le lecteur a sans doute vu que l'on a là l'énoncé d'une propriété universelle. Celle-ci permet de définir la notion de produit tensoriel de modules qui a pour objet de linéariser certaines applications bilinéaires ou multilinéaires. Nous étudierons la relation du produit tensoriel avec les modules d'homomorphismes, puis nous aborderons l'étude de diverses algèbres définies à l'aide de cette notion. 1. Produit tensoriel de modules Soit A une K-algèbre. On se donne deux modules LA et AM. Une application g du K-module produit L x M dans un K-module X est dite A-bilinéaire si g (x1a1 + x2a2, y)= g (xi. y) a1 + g (x2, y) a2 g (x, Y1/31 + Y2/32) = g (x, Y1) /31 + g (x, Y2) /32 g(xa, y) = g(x, ay) pour tous x,x1,x2 EL, y,y1,y2 E M, ai,a2,/3i./32 E K et a E A. DÉFINITION. Un produit tensoriel de LA et AM est défini par la donnée d'une paire (T, t), où T est un K-module et t : L x M --+ T est une application Abilinéaire, telle que, pour toute paire (X,g), où X est un K-module et g : L x M --+ X est une application A-bilinéaire, il existe une unique application K-linéaire g: T--+ X telle que gt = g. t LxM---+T ""' 9 ~ 119 :- !g X 120 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE En d'autres termes, le produit tensoriel transforme toute application bilinéaire de source L x M en une application linéaire de source T. THÉORÈME 1.1.. Soient LA et AM deux A-modules, il existe dans ModK un produit tensoriel de L et M, unique à isomorphisme près. DÉMONSTRATION. Il suit de l'universalité qu'il suffit de montrer l'existence d'un tel produit. Soit K(LxM) le K-module libre sur l'ensemble Lx M, c'est-à(x,x, y,x) a,x avec x,x E dire l'ensemble des combinaisons linéaires de la forme L .\EA L, y,x E M et a,x E K tels que (a.xheA soit à support fini, et soit R le sous- module de K(LxM) engendré par les éléments des formes suivantes: (xiai +x2a2,y)-(xi,y)ai -(x2,y)a2 (x, Yi/3i + Y2/32) - (x, Yi) /3i - (x, Y2) /32 (xa, y) - (x, ay) où x,xi.x2 E L, y,yi,Y2 E M, ai.a2,/311/32 E K et a E A. Posons T = R, et soit t la composition de l'injection canonique j : Lx M -+ K(Lx M) et de la projection canonique p: K(LxM) -+ T. Par définition de R, l'application t est A-bilinéaire. Soit (X,g) une paire comme dans la définition. Comme K(LxM) est un Kmodule libre, il existe un unique morphisme de K-modules g' : K(LxM) -+ X tel que g'j = g. Comme g est bilinéaire, g' s'annule sur les générateurs de R, et donc g'(R) =O. Par conséquent, g' se factorise par K(LxM) / R, c'est-à-dire qu'il existe un unique morphisme de K-modules g : K(Lx M) / R -+ X tel que gp = g'. Mais alors on a gt = 9pj = g' j = g. K(Lx M) / Lx M ~ ~ K(LxM) g'l X ~ K(LxM) /R ./ /; Enfin, 9 est uniquement déterminé par g, car si 9it = 9 2t, alors 9iPi = 9 2pj entraîne que 9iP et 9 2P coïncident sur une base du K-module libre K(LxM), donc sont égales. Comme p est un épimorphisme, 9iP = 9 2P implique 9i = 92 • D Par abus de langage, on dira que le K-module Test le produit tensoriel de L et M, et l'on notera T = L ®A M. Le K-module L ®AM est engendré par les éléments de la forme t(x, y)= x®y (où x EL, y E M) appelés des tenseurs. Par conséquent, un élément arbitraire de L ®AM est de la forme (x.x ® y,x) a,x, L .\EA . où (a,x) .xeA est une famille d'éléments de K à support fini. En outre, les relations suivantes sont satisfaites: (xi ai+ x2a2) ®Y= (xi® y) ai+ (x2 ®y) a2 X® (yi/3i + Y2/32) = (x ®Yi) /3i x®ay = xa®y + (x ® Y2) /32 1. PRODUIT TENSORIEL DE MODULES 121 pour x,x1,X2 EL, y,y1,Y2 E M, o:i,0:2,/3i./32 E K et a E A. Observons qu'alors que Lest un A-module à droite, M un A-module à gauche, le produit tensoriel L ®AM n'est muni que d'une structure de K-module. Si, cependant, A, B, C sont trois K-algèbres, BLA est un (B - A)-bimodule, et A Mc est un (A- C)-bimodule, alors le produit tensoriel L ®AM est muni d'une structure naturelle de (B - C)-bimodule par b(x ® y)c = (bx) ® (yc) (pour b E B, x EL, y E Met c E C). On laisse au lecteur le soin de vérifier les axiomes. Il importe de remarquer que le produit tensoriel de deux modules non nuls peut se réduire à zéro. Soient en effet m, n deux entiers copremiers, alors Zm ®z Zn= O. On sait qu'il existes, t E Z tels que ms+ nt= 1 (c'est ce qu'on appelle la relation de Bezout), donc, pour tous x E Zm, y E Zn, on a x ®y= ms(x ®y)+ nt(x ®y)= s(mx ®y)+ t(x ® ny) =O. Comme Zm ®z Zn est engendré par les éléments de la forme x ®y, on a bien Zm®zZn =0. Comme on l'a vu en (III.3), l'énoncé d'une propriété universelle mène à un processus de fonctorisation. Soient f : LA -+ LA et g : AM -+ AM' deux applications A-linéaires. Alors l'application f x g : Lx M -+ L' x M' définie par (f x g)(x,y) = (f(x),g(y)) (pour (x,y) EL x M) donne, par composition avec l'application canonique t' : L' x M' -+ L' ®AM' une application A-bilinéaire t'(f x g): Lx M-+ L' ®AM'. Par conséquent, il existe un unique morphisme de K-modules f ® g : L ®AM -+ L' ®AM' rendant le carré suivant commutatif LxM fxgl L' xM' t' -----+ L'®AM' Si f': LA-+ L~, g': AM'-+ AM" est une autre paire d'applications A-linéaires, il suit du même raisonnement que l'on a un diagramme commutatif LxM -----+ fxgl lf®g L'xM' J'xg' L" t' -----+ l X L®AM L'®A M' 11'®9' M" t" -----+ L" ®AM" L'unicité dans la propriété universelle entraîne alors : (!' ® g') (f ® g) = (!' !) ® (g'g). Si en particulier M = M' = M" et g' = g = lM, on a (!' !) ® lM = (!' ® lM) (f ® lM ). Avec l'équation évidente lL®M = lL ® lM, cela montre que 122 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE la correspondance - ®A M : L .__. L ®A M, f .__. f ® 1 M définit un foncteur covariant de ModA dans ModK. De même, la correspondance LA® - : M 1-+ L ®A M, g .__. lL ® g définit un foncteur covariant de Mod A0 P dans Mod K, de sorte que le produit tensoriel - ®A - : (L, M) ......, L ®AM, (!, g) 1-+ f ® g définit un bifoncteur de ModA x ModA0 P dans ModK, covariant en chaque variable. En fait, on a un résultat un peu plus général. PROPOSITION 1.2. Soient A, B deux K -algèbres, et AMB un (A - B)-bimodule. La correspondance - ®A MB : LA 1-+ L ®A MB, f 1-+ f ® lM définit un foncteur covariant de ModA dans ModB, et la correspondance AMB ® - : BN i-+ AM ®B N, g 1-+ lN ® g définit un foncteur covariant de Mod B 0 P dans ModA 0 P. DÉMONSTRATION. Il suffit de vérifier que, pôur toute application A-linéaire f : LA ---t L'..i_, l'application f ® lM : L ®AM ---t L' ®AM est B-linéaire, et cela résulte immédiatement de la définition de la structure canonique de B-module sur L®A Met L' ®A M. On montre de même le second énoncé. D En particulier, si A est une K-algèbre commutative, et Mun A-module, les foncteurs - ®A M et M ®A - sont des foncteurs covariants de Mod A dans ModA. PROPOSITION 1.3. (i} Soient A une K -algèbre commutative, et L, M deux A-modules. On a un isomorphisme fonctoriel en chaque variable (ii) Soient A, B deux K-algèbres et LA, AMB, BN trois modules. On a un isomorphisme fonctoriel en chaque variable L®A(M®BN) ~ (L®AM)®BN. DÉMONSTRATION. (i) L'application LxM ---t M®L définie par {x, y) 1-+ y®x (pour x E L, y E M) est A-bilinéaire et induit donc une application linéaire f : L ® M ---t M ® L telle que f(x ®y) = y® x. De même, on construit g : M ® L ---t L ® M telle que g(y ® x) = x ®y. Il est évident que f et g sont des morphismes fonctoriels et mutuellement inverses. {ii} Soit z un élément fixe de N. On définit un morphisme fz: M ---t M ®B N par /z(Y) =y® z (pour y E M}. Ce morphisme de A-modules à gauche induit un morphisme de K-modules 9z = IL ® fz : L ®A M ---t L ®A (M ®B N) tel que x ®y 1-+ x ®(y® z) (pour x E L). L'application 'P : (L ®AM) x N ---t L®A (M ®B N) définie par l(J(m,z) = 9z(m) (pour m E L®A M) est B-linéaire et donc induit un morphisme (L ®AM) ®B N ---t L ®A (M ®B N) qui est Klinéaire et tel que (x ®y)® z s'applique sur x ®(y® z). On construit de même un morphisme L®A (M ®B N) ---t (L ®AM) ®B N tel que x® (y®z) s'applique sur (x ®y) ® z. Il est évident que ces deux morphismes sont fonctoriels et mutuellement inverses. D 123 1. PRODUIT TENSORIEL DE MODULES THÉORÈME 1.4. Soit A une K-algèbre. Pour tous A-modules LA et AM, on a des isomorphismes fonctoriels DÉMONSTRATION. Les applications L ®A A -+ Let L -+ L ®A A définies respectivement par x®a 1-+ xa et x 1-+ x®l (pour x EL, a E A) sont A-linéaires, fonctorielles et mutuellement inverses. Cela montre le premier isomorphisme. Le second est prouvé de la même façon. O THÉORÈME 1.5. Soient (L>J >.EA une famille de A-modules à droite et (Mu)uEE une famille de A-modules à gauche. Alors il existe un isomorphisme fonctoriel DÉMONSTRATION. L'application définie par {(x>.heA, (Yu )uEE) 1-+ (x>. ®Yu )(>.,u)EAxE (pour X>. est A-bilinéaire, donc induit un morphisme tel que (x>.heA ® (Yu )uEE 1-+ L>., Yu E Mu) (x>. ®Yu )c>.,u)EAx'E' Pour construire la réciproque, on note q>, : L>. et q~u: L>.®AMu-+ E -+ E9 L 1.u q~ : Mu -+ µEA E9 E9 Mw wE'E (Lµ ®A Mw) les injections canoniques respectives. (µ,w)EAX'E On considère la famille de morphismes Par la propriété universelle de la somme directe, il existe un unique morphisme g: E9 (>.,u)EAxE (L>. ®Mu) -+ (E9 L>.) ®A (E9 Mu) ÀEA uE'E tel que gq~u = q>. ® q~. 124 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE Mais alors on a = L g( (À,a)EAxE = q~a L L (qÀ ®q~) (xÀ ® Ya)) (xÀ ®Ya) ÀEAaEE = L qÀ (xÀ) ® L ÀEA = q~ (Ya) aEE (xÀhEA ® (Ya)aEE · On voit bien que f et g sont mutuellement inverses. La démonstration de la fonctorialité est aisée et laissée au lecteur. D Ce théorème s'applique en particulier dans les deux cas suivants. Soient une famille de A-modules à droite et M un A-module à gauche, alors il existe un isomorphisme fonctoriel (LÀheA ( E9LÀ) ÀEA ®AM-4 E9(LÀ®AM). ÀEA De même, si Lest un A-module à droite, et (Ma)aeE une famille de A-modules à gauche, il existe un isomorphisme fonctoriel L ®A (œ Ma) -4 aEE E9 (L aEE ®A Ma). Un corollaire nous dit ce qui se passe pour un module libre. COROLLAIRE 1.6. Soient LA, AM deux A-modules et A un ensemble. On a des isomorphismes fonctoriels L ®A A (A) -4 L~A) et A (A) ®AM -4 AM(A). DÉMONSTRATION. (1.4) et (1.5). D Si, en particulier, A est un ensemble fini ayant n éléments, on a L®AA(n)4L~) et A(n)®AM..'.;AM(n). COROLLAIRE 1.7. Pour tous m,n > 0, on a A(m) ®A A(n) ..;A(mn). En particulier, si K est un corps et si E, F sont des K-espaces vectoriels de dimension finie, on a dimK(E ® F) = dimK E · dimK F. D En fait, si {xi.··· , Xm} est une base du K-espace vectoriel E et {yi. ... , Yn} est une base du K-espace vectoriel F, il suit de la définition du produit tensoriel que l'ensemble {xi® Y; l 1 :5 i :5 m, 1 :5 j :5 n} est un ensemble générateur de E ® F. Comme, d'après (1.7), sa cardinalité est égale à la dimension de E ® F, il en constitue une base. Ces considérations permettent de décrire la matrice du produit tensoriel de deux applications linéaires entre K-espaces vectoriels. Soient en effet E, E', F, F' 1. PRODUIT TENSORIEL DE MODULES 125 des K-espaces vectoriels munis respectivement des bases {xi, ... , Xm}, {xL ... , {yi, ... ,yn}, {yi, ... ,y~}, et soient f: E---+ E' et g·: F---+ F' deux applications linéaires ayant pour matrices respectives par rapport à ces bases a= [ai;] et b = [.Bi;]. On cherche la matrice de f ® g : E ® F ---+ E' ® F' par rapport aux bases {Xi ® Y; l 1 $ i $ m, 1 $ j $ n} et {xk ® Yé l 1 $ k $ p, 1 $ i $ q} respectivement. Or x~}, (f ® g) (xi® Y;) = f (xi)® g (y;) = ( = L (aki.Bt;) (xk ® Yé). ~ akiXk) ® (~ fit;Yé) k,t La matrice cherchée est donc la matrice [aki.Bt;](i,j)(k,t) qu'on appelle parfois produit tensoriel des matrices a et b et qu'on note a® b. Si par exemple f, g : R 2 ---+ R 2 sont données dans les bases canoniques par les matrices [~ ~] respectivement, alors f ® g : R4 ---+ aa' [ ad ca' cd et [a' c' b'] d' R 4 est donnée par ab' ad' cb' cd' ba' bd da' de' bb'] bd' bb' · dd' Nous montrerons, pour terminer cette section, qu'on peut définir également le produit tensoriel de deux algèbres. Soient en effet A, B deux K-algèbres. On sait que le produit tensoriel A®K Best muni d'une structure naturelle de K-module. Nous allons maintenant montrer qu'il est également doté d'une structure de Kalgèbre. THÉORÈME 1.8. Soient A, B deux K -algèbres. Alors A® K B est muni d'une structure naturelle de K -algèbre, qui est commutative si et seulement si A et B le sont. DÉMONSTRATION. Il suffit de définir le produit de deux éléments des formes ai, a2 E A et bi. b2 E B. On pose ai® bi et a2 ® b2 avec Le reste est une vérification facile laissée au lecteur. D Un cas particulier important est celui où B = Mn(K), avec Kun corps. On sait alors par l'exemple (I.1.2)(b) que B admet pour base sur K l'ensemble des matrices ei; avec 1 $ i,j $ n. Si A est une K-algèbre, il suit de (1.6) que A ®K B est un A-module libre ayant pour base l'ensemble des éléments de la 126 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE forme 1 ® ei; (pour 1 :5 i, j :5 n), où 1 désigne l'identité de A. En outre, il suit de la définition de la multiplication dans A ®K B =A ®K Mn(K) que l'on a A ®K Mn(K) -4 Mn(A). Si on a aussi A = Mm(K), le terme de droite devient Mn (Mm(K)) = Mmn(K), car les éléments de Mn (Mm(K)) ne sont pas autre chose que des n x n matrices dont les coefficients sont à leur tour des m x m matrices sur K. Ainsi, on obtient 2. Propriétés fonctorielles du produit tensoriel Le théorème fondamental suivant, qui n'est à proprement parler qu'une reformulation de la définition, rend compte du fait que le produit tensoriel est un adjoint à gauche du foncteur Hom. THÉORÈME 2.1 (D'ADJONCTION). SoientA,B deuxK-algèbres et LA, AMB, NB des modules. Il existe un isomorphisme de K -modules HomA (L, HomB(M, N)) -4 HomB (L ®A M, N) fonctoriel en chaque variable. Ainsi, - ®AM est un adjoint à gauche de HomB(M, -). DÉMONSTRATION. On considère les morphismes f : HomA (L, HomB(M, N)) ---+ HomB (L ®AM, N) défini par cp ..---. (x ®y ..---. cp(x)(y)) (pour cp E HomA (L, HomB(M, N)), x E L et y E M), et g : HomB (L ®AM, N) ---+ HomA (L, HomB(M, N)) défini par T/ ..---. (x ..---. (y..---. TJ(X ®y))) (pour T/ E HomB (L ®AM, N), x E L, y E M). Ils sont K-linéaires, mutuellement inverses et fonctoriels en chaque variable. D Si C, D sont deux autres K-algèbres telles que cLA est un (C -A)-bimodule et vNB est un (D - B)-bimodule, on vérifie de suite que l'isomorphisme est un morphisme de (D - C)-bimodules. On a, bien entendu, le résultat correspondant pour les A-modules à gauche, que nous citons à cause de son importance: si A, B sont deux K-algèbres et AL, BMA, BN sont des modules, il existe un isomorphisme de K-modules HomA (L,HomB(M,N)) -4 HomB (M.®A L,N) fonctoriel dans chaque variable ; ainsi, M ®A - est un adjoint à gauche de HomB(M,-). On arrive à l'exactitude des foncteurs produit tensoriel. Alors que (et parce que) les foncteurs Hom sont exacts à gauche, les foncteurs produit tensoriel sont exacts à droite : en effet, cela résulte de ce que le produit tensoriel est adjoint à gauche du foncteur Hom. 2. PROPRIÉTÉS FONCTORIELLES DU PRODUIT TENSORIEL THÉORÈME 127 2.2. Soit A une K -algèbre. Une suite de A-modules à gauche f AM' - g AM - AM'' ----+ 0 est exacte si et seulement si, pour tout A-module à droite LA, la suite induite lL®f 1L®9 L®AM' -L®AM-L®AM11 ----+0 est exacte (en particulier, le foncteur L ®A - est exact à droite). DÉMONSTRATION. La nécessité découle de (2.1) et de (IV.1.6), la suffisance résulte de (1.4) en posant LA = AA. O Il faut remarquer que le foncteur L ®A - n'est pas exact à gauche en général (et donc pas exact) : en effet, on considère, pour p premier, la suite exacte courte 0--+ZLZ--+Zp--+O où f : x 1-+ px (pour x E Z). Le foncteur Zp ®z - donne une suite exacte à droite lzp®/ Zp ®z Z - Zp ®z Z ----+ Zp ®z Zp ----+ O et même si Zp ®z Z ~ Zp f. 0, on a lzp ® f = 0, puisque, pour a E Zp et x E Z, (lzp ®/) (a®x) = a®f(x) = a®px = pa®x = O®x =O. En particulier, lzP ® f ne peut être un monomorphisme. COROLLAIRE 2.3. Soit A une K-algèbre. Une suite de A-modules à gauche 0----+ AM' - f AM g ---+ AM" ----+ 0 est exacte et scindée si et seulement si, pour tout A-module à droite LA, la suite lL®f 1L®9 0----+ L®AM' -L@AM-L®AM''----+O est exacte et scindée. DÉMONSTRATION. Supposons en effet que la première suite est exacte et scindée. Il existe /' : M --+ M' tel que /' f = lM'. Alors il résulte de (1L ® /') (IL ® !) = 1L ® lM' = 1L®M' que lL ® f est un monomorphisme et en fait une section. Réciproquement, si la suite du bas est exacte et scindée pour tout LA, le résultat découle de (1.4) en posant LA = AA. 0 THÉORÈME 2.4. Soit A une K -algèbre. Une suite de A-modules à droite ' f g Il LA -L A -L A ----+O est exacte si et seulement si, pour tout A-module à gauche AM, la suite induite I f®lM g®lM Il L ®AM-L®AM---+L ®AM----+0 est exacte (en particulier, le foncteur - ®AM est exact à droite). DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (2.2) et laissée au lecteur. O 128 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE Notons que le foncteur - ®AM n'est généralement pas exact à gauche (en effet, il suffit de considérer l'exemple qui suit (2.2), puisque Z est commutative). COROLLAIRE 2.5. Soit A une K-algèbre. Une suite de A-modules à droite 0- f L~ - g L~ - LA - 0 est exacte et scindée si et seulement si, pour tout A-module à gauche AM, la suite induite f®lM L' ®AM - 0- g®lM L ®AM - L'' ®AM - 0 est exacte et scindée. DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (2.3) et laissée au lecteur. O COROLLAIRE 2.6. Soient A une K-algèbre et I un idéal bilatère de A. (i) Pour tout A-module à droite LA, on a un isomorphisme fonctoriel L®AA/I-4L/LI défini par x ®(a+ I) i--+ xa +LI (pour x E L, a e A). (ii) Pour tout A-module à gauche AM, on a un isomorphisme fonctoriel A/I®AM-4M/IM défini par (a+ I) ®xi--+ ax + IM (pour x E M, a E A). DÉMONSTRATION. On se contentera de démontrer (i), la démonstration de (ii) étant semblable. Or la suite exacte de A-modules à gauche O----+ I ...!.....+A~ A/I----+ O (où j et p sont respectivement l'inclusion et la projection canoniques) induit, en appliquant L ®A-, un diagramme commutatif à lignes exactes L®AI li' 0 -----+ LI - lL®j j' L®AA 11 L - lL®P - L®AA/I - 0 - 0 lr p' L/LI où j' et p' sont respectivement l'inclusion et la projection canoniques, f' et f sont définies par x ® a 1--+ xa (pour x e L et a e I ou a e A respectivement) et f" est définie par passage aux conoyaux, donc f" (x ®(a+ I)) = xa +LI (pour x E L, a E A). Comme f est un isomorphisme et p1 un épimorphisme, le lemme du serpent (II.3.6) entraîne que Coker f" = 0, et donc f" est un épimorphisme. Comme LI est par définition engendré par les éléments de la forme xa (pour x E L, a E I), on a que f' est un épimorphisme. Par conséquent Ker f" -4 Coker /' = 0, et /" est bien un isomorphisme. O 2. PROPRIÉTÉS FONCTORIELLES DU PRODUIT TENSORIEL 129 En particulier, si A = Z et si n > 0 est arbitraire, on a que, pour tout groupe abélien L, le produit tensoriel L ®z Zn s'identifie canoniquement à L/nL. II est naturel de considérer les modules pour lesquels le produit tensoriel est un foncteur exact. DÉFINITION. Un A-module LA est dit plat si le foncteur L ®A - est exact. Comme L ®A - est toujours exact à droite, un module LA est plat si et seulement si, pour toute suite exacte 0 ----+ AM' ----+ AM de A-modules à gauche, la suite induite 0 ----+ L ®AM' ----+ L ®AM est exacte. On a vu plus haut que le Z-module Zp avec p premier n'est pas plat. LEMME 2.7. Soit (L>.heA une famille de A-modules. Alors E9L>. est plat si >.eA et seulement si chaque L>. est plat. DÉMONSTRATION. Soit f : AM' ---+ AM un monomorphisme. On a d'après (1.5) un diagramme commutatif où les flèches verticales sont des isomorphismes (~L>.) ®AM' (~L>.) ®AM li E9(L>. ®AM') 7 li -------+ >.eA E9(L>. ®AM) >.eA et où lest déduite des IL ... ®f par passage aux sommes directes. Par conséquent, IœL>. ® f est un monomorphisme si et seulement si f est un monomorphisme, et c'est le cas si et seulement si chaque IL>. ®f en est un (c'est-à-dire si chaque L>. est plat). D PROPOSITION 2.8. Tout module libre, ainsi que tout module projectif, est plat. DÉMONSTRATION. Démontrons d'abord que AA est un module plat. Si en effet f: AM'---+ AM est un monomorphisme, la commutativité du carré M' A@AM' J ----+ A@AM où les flèches verticales sont les isomorphismes fonctoriels de (1.4) amène à conclure que IA ® f est un monomorphisme. Il s'ensuit alors que tout module libre est plat, d'après (2.7). Comme tout module projectif est le facteur direct d'un module libre (IV.2.4), on a aussi, toujours d'après (2.7), que tout module projectif est plat. D 130 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE Nous montrerons dans le chapitre VI que, pour une classe très importante d'algèbres, la réciproque du deuxième énoncé est vraie, à savoir que tout module plat est projectif. COROLLAIRE 2.9. Pour tout A-module L, il existe une suite exacte n ln P.n-1 · · · ---+ .rn ---+ ---+ · • · ---+ fi R0 p 1 ---+ fo ---+ L ---+ 0 où les Pi sont des A-modules plats. DÉMONSTRATION. En effet, toute résolution projective (IV.2.5) de L satisfait à cette condition. D Une suite exacte comme celle du corollaire s'appelle une résolution plate de L. Nous laissons au lecteur le soin de formuler et de prouver les résultats relatifs à la notion de platitude pour les modules à gauche. Nous terminerons cette section avec la description de deux isomorphismes fonctoriels qui précisent encore les relations entre le produit tensoriel et le foncteur Hom. PROPOSITION 2.10. Soient A,B deux K-algèbres, PA un A-module projectif de type fini, BMA un bimodule et BN un B-module à gauche. Il existe un isomorphisme fonctoriel de K -modules défini par X@ f 1-+ (g 1-+ f(g(x))) (où x E P, f E HomB(M, N), g E HomA(P, M)). DÉMONSTRATION. Il est trivial de vérifier que la correspondance de l'énoncé définit bien un morphisme cp de K-modules, fonctoriel en chaque variable. C'est un isomorphisme si PA = AA puisqu'il est alors égal à la composition des isomorphismes A@AHomB(M, N)-=. HomB(M, N)-=. HomB (HomA(A, M), N). C'est donc encore un isomorphisme si PA= A~> (car les foncteurs donnés sont linéaires). Or tout A-module projectif de type fini Pest un facteur direct d'un module libre de type fini. L'énoncé découle alors de la commutativité des foncteurs de l'énoncé avec les sommes directes finies. D PROPOSITION 2.11. Soient A,B deux K-algèbres, PA un A-module projectif de type fini, BMA un bimodule et NB un B-module à droite. Il existe un isomorphisme fonctoriel de K -modules N @B HomA(P, M)-=. HomA (P, N @B M) défini par y®f ..._. (x 1-+ y@f(x)) (où y EN, f E HomA(P,M), x E P). DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (2.10) et laissée au lecteur. D 131 3. THÉORÈMES DE WATTS 3. Théorèmes de Watts Nous savons que les foncteurs produit tensoriel sont exacts à droite (d'après (2.2) et (2.4)) et préservent les sommes directes (d'après (1.5)). Nous établirons que réciproquement ces propriétés suffisent à caractériser le produit tensoriel. En outre, au moyen de l'adjonction (2.1), nous obtiendrons des caractérisations analogues du foncteur Hom. Commençons par le lemme suivant qui est en fait un corollaire d'un résultat catégorique connu, le lemme de Yoneda (que nous ne démontrerons pas ici). LEMME 3.1. Soient A une K -algèbre, M, N deux A-modules tels qu'il eX'iste un isomorphisme fonctoriel <p: HomA(M,-)..:::. HomA(N, -) (ou encore HomA(-,M)..:::. HomA(-,N)). Alors M -=.N. DÉMONSTRATION. On a un isomorphisme de K-modules l.fJN : HomA(M, N) ---+ HomA(N, N). Soit donc f: M---+ N tel que 1.fJN(f) = lN. On considère le carré commutatif 'PM HomA(M,M) --=-+ HomA(N,M) l HomA(N,f) HomA(M,f)l 'PN HomA(M,N) --=-+ HomA(N,N) Posons g ='PM (lM)· Alors on a lN = = l.{JN(f)=cpN(f·lM)=<pNHomA(M,f)(lM) HomA(N,J)cpM {lM) = HomA(N,J)(g) = fg. De même, le diagramme commutatif -1 HomA(N,N) "'N --=-+ HomA(M,N) l HomA(M,g) HomA(N,g)l -1 'PM HomA(N,M) --=-+ HomA(M,M) donne lM = = cp"ï./(g) = 'P°ï.l HomA(N,g) (lN) HomA(M,g)cpjV1 (lN) = HomA(M,g)(f) = gf. Cela démontre l'énoncé dans le cas covariant. Le cas contravariant se démontre de la même façon. D Nous prouvons maintenant la caractérisation cherchée des produits tensoriels. Le lecteur remarquera l'emploi d'une présentation libre en tant qu'approximation (dans la première partie de la démonstration). 132 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE THÉORÈME 3.2. Soient A, B deux K -algèbres et F : Mod A --+ Mod B un foncteur K -linéaire. Les conditions suivantes sont équivalentes: (i) F est exact à droite et préserve les sommes directes. (ii) Il existe un bimodule ATB tel que l'on a un isomorphisme fonctoriel p-=. - ®ATB (en outre, on peut choisir T = F (AA)). (iii) F admet un adjoint à droite. DÉMONSTRATION. (i) implique (ii). Posons en effet T = F (AA)· n faut faire de T un (A-B)-bimodule. Or le foncteur F induit un morphisme de K-algèbres <p: A-=. EndA--+ EndF(A) qui, à son tour, induit une structure de A-module à gauche sur le B-module TB= F(A)B par a· t = ip(a)(t) pour a E A, t ET. Comme, pour tout a E A, ip(a) est un endomorphisme de TB, cela fait de T un (A- B)-bimodule. Or, si M est un A-module arbitraire, il existe, d'après (III.3.7), des ensembles A et E et une suite exacte de A-modules A~A) - A~I:) MA - - o. Si on applique les foncteurs F et - ®A TB à cette suite, on obtient un diagramme commutatif à lignes exactes de Mod B : - M®ATB - 0 - F(M) - 0. On en déduit l'existence d'un isomorphisme M ®A TB~ F(M) dont on voit immédiatement la fonctorialité. {ii) implique {iii). On pose G = HomB(T, -) : Mod B --+ ModA et on applique (2.1). {iii) implique (i). D'après (IV.1.6), F est exact à droite. Pour montrer que F (œ M>.) >.eA ..=. E9 FM>., on note que, si G: ModB--+ ModA désigne l'adjoint >.eA à droite de F, ~ ..=. HomA (œ M>., ax) >.eA II HomA (M>., GX) II HomA (FM>.,X) >.eA ~ >.eA ~ HomB (E9FM>.,x) >.eA 3. THÉORÈMES DE WATTS 133 pour tout X, où on a utilisé (III.2.9). Il suit alors de {3.1) que l'on a bien F (œM>.)-=. œFM>.. >.eA >.eA o Par exemple, soient A une K-algèbre et I un idéal bilatère de A. On considère le foncteur F: ModA---+ Mod(A/I) défini sur les objets par F(M) = M/MI, et de façon évidente sur les morphismes. Il est facile de voir que F est exact à droite et préserve les sommes directes. Il résulte du théorème que F est isomorphe (en tant que foncteur) à - ®A F(A)A/I = - ®A (A/I), c'est-à-dire que pour tout A-module M, il existe un isomorphisme fonctoriel: M/MI-=.M ®A A/I. Nous obtenons ainsi les mêmes résultats qu'en {2.6). THÉORÈME 3.3. Soient A, B deux K -algèbres et F : Mod A ---+ Mod B un foncteur K -linéaire contravariant. Les conditions suivantes sont équivalentes: (i) F est exact à gauche, et transforme les sommes directes en produits. (ii) n existe un (A- B)-bimodule T tel que F-=. HomA(-, T). En outre, on peut choisir T = F(A). DÉMONSTRATION. Comme il est évident que (ii) implique (i), montrons la réciproque, c'est-à-dire que (i) implique (ii). Commençons par donner une structure de A-module à gauche au B-module à droite T = F(A). Le foncteur F induit un morphisme de K-algèbres cp : A-=. EndA ---+ EndF(A), qui, à son tour, induit une structure de A-module à gauche sur le B-module T = F(A) 8 par at = cp(a)(t) pour a E A et t E T. Comme cp(a) est un endomorphisme de TB, cela fait de T un (A - B)-bimodule. Or, si M est un A-module arbitraire, il existe d'après (III.3.7) des ensembles A et E et une suite exacte de A-modules A~> --+ A~E) -+MA -+o. Si on applique les foncteurs F et HomA(-, T) à cette suite, on obtient un diagramme commutatif à lignes exactes de Mod B 0 --+ HomA(M,T) --+ T~ 0 --+ F(M) --+ F(A)A l --+ lTA --+ On en déduit l'existence d'un isomorphisme HomA(M, T)-=. F(M), dont on vérifie aussitôt la fonctorialité. D Comme on le voit, la démonstration de ce deuxième théorème de Watts est semblable à celle du premier. Le troisième (qui traite du foncteur Hom covariant) est un peu plus difficile. 134 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE THÉORÈME 3.4. Soient A, B deux K -algèbres et F : Mod A -+ Mod B un foncteur K -linéaire covariant. Les conditions suivantes sont équivalentes: (i) F est exact à gauche et préserve les produits. (ii) F-=+ HomA(T, -) pour un (B - A)-bimodule BTA. (iii) F admet un adjoint à gauche. DÉMONSTRATION. (i) implique (ii). Soit lA un cogénérateur injectif de ModA. On pose JA = I~(I) (le produit de copies de IA indexées par F(J)). Par hypothèse, F(J) = F (JFU)) = F(J)F(I). On prend l'élément Y= (x)xeF(I) E F(J), et on définit ip: HomA(J,J)-+ F(I) par f >--+ F(f)(y) (pour f E HomA(J,J)). Alors ip est un épimorphisme: en effet, soient x E F(J) et Px : J-+ I la xième projection, alors ip (Px) = F (px) (y) = x puisque, F préservant les produits, F (px) : F(J) -+ F(I) est la xième projection. Nous voulons calculer le noyau de ip. Soit X un sous-module de J. Comme Fest exact à gauche, F(X) est un sous-module de F(J), qui peut être identifié à l'image de F(i) : F(X) -+ F(J) avec i : X -+ J l'inclusion. On définit T comme l'intersection de tous les sous-modules X de J tels que y E F(X). Il est clair que T est un A-module avec y E F(T). Alors f E Kerip si et seulement si 0 = cp(f) = F(f)(y), c'est-à-dire que y E Ker F(f) = F(Ker /), car F est exact à gauche. Par définition de T, cela donne T Ç Ker f. Soit maintenant j: T-+ J l'inclusion. On a f E KerHomA(j,J) si et seulement si 0 = HomA(j,J)(f) = fj, c'est-à-dire T = Imj Ç Ker f. La comparaison de ces deux résultats donne f E Ker ip si et seulement si f E Ker Hom A (j, /) c'est-à-dire Kercp = KerHomA(j,J). Comme I est un A-module injectif, l'application de HomA(-,J) à la suite exacte courte 0 - + T __!___. J ~ J /T - + 0 (où p est la projection canonique) donne une suite exacte courte qui est la ligne supérieure du diagramme 0 -+ HomA(JfT,I) HomA (p,J) HomA(J,I) HomA (j,J) HomA(T,I) -+ 0 ~i·· F(I) ~o et on a montré plus haut que ip = coker Hom A (p, !). Donc il existe d'après (II.3.4) un unique isomorphisme 1/J1 tel que <p = 1/J1 Hom A(j, !), c'est-à-dire que l'on a 1/J1(!) = F(f)(y). Il est facile de voir que 1/J : HomA(T, -) -+ F défini 3. THÉORÈMES DE WATTS 135 pour M par 1/JM : HomA(T,M) --+ F(M) donné par 1/JM(/) = F(f)(y) est un morphisme fonctoriel. ·Soit maintenant MA un A-module arbitraire. Il existe, d'après (IV.3.10), des ensembles A, E et une suite exacte Étant donné que F et HomA (T, - ) sont exacts à gauche, on en déduit un diagramme commutatif à lignes exactes 0 ---+ HomA (T, M) ---+ HomA (T, J)A ---+ FJA l1JiM 0 ---+ FM l ---+ HomA (T, J)E ---+ FJE l 1Ji1A 1/11E Comme .,P1A et 1/JJE sont des isomorphismes, il en est de même de 1/JM· Il ne reste plus qu'à vérifier que T admet une structure canonique de (B - A)-bimodule. On considère l'identité lT E EndT. Comme 1/JT: EndT-=+FT, et que FT est un B-module, on peut définir la multiplication de lT par b E B: et on pose, pour x E T, bx = {lT · b) (x). Cela donne bien une structure de B-module à gauche pour T, et on vérifie sans peine que cette structure fait de T un (B - A)-bimodule. (ii) implique (iii). En effet, on peut prendre pour adjoint à gauche le foncteur G = - ®B TA: ModB--+ ModA. {iii) implique {i). En effet, l'exactitude à gauche de F résulte de (IV.1.6). Soit G: ModB--+ ModA un adjoint à gauche de F, alors, pour tout B-module X, .=. HomA (ax, II M>.) >.eA ..::+ II HomA (GX, M>.) II HomB (X,FM>.) >.eA ..::+ >.eA .=. Hom 8 (x, II (II II FM>.) >.eA d'après (III.2.8). Par suite de (3.1), nous avons: F M>.) ..::+ >.eA >.eA FM>.. D 136 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE 4. Algèbre tensorielle, graduations On se propose, pour une K-algèbre A, d'associer à tout (A - A)-bimodule une K-algèbre, qui est aussi un (A - A)-bimodule et définie uniquement. Ce problème universel mène à la définition suivante. DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Pour un (A - A)-bimodule AMA, une algèbre tensorielle sur M est une paire (T(M), j) où T(M) est une K-algèbre et aussi un (A - A)-bimodule, et j : M -+ T(M) est un morphisme de (A - A)bimodules tel que, si (B, !) est une paire formée d'une K-algèbre B qui est aussi un (A - A)-bimodule, et f: M-+ Best un morphisme de (A -A)-bimodules, alors il existe un unique]: T(M) -+ B qui est un morphisme d'algèbres et de (A - A)-bimodules tel que ]j = f. M __!__. T(M) ~ i1 B THÉORÈME 4.1. Soient A une K-algèbre et AMA un (A - A)-bimodule. existe, à isomorphisme près, une unique algèbre tensorielle sur M. n DÉMONSTRATION. Il suffit de démontrer l'existence. On forme, par récurrence, le produit tensoriel de d copies de M avec lui-même sur A (ou d-puissance tensorielle de M): M®O =A, et M®d = M®(d-l) ®AM pour d;:::: 1. C'est chaque fois un (A - A)-bimodule. Il suit de l'associativité du produit tensoriel {1.3){ii) que l'on a, pour d, e ;:::: 0, un isomorphisme M®d ®A M®e ~ M®(d+e) défini par (où Xi E Met Y; E M pour 1$i$d,1 $ j $ e). Cet isomorphisme permet de définir une multiplication sur la somme directe En effet, tout élément de T(M) s'écrit uniquement sous la forme t = L td, d~O où td E M®d et (td)d~o est à support fini. Ici, td est appelée la composante 4. ALGÈBRE TENSORlELLE, GRADUATIONS homogène de degré d. Sis= 137 L Se, où Se E M®e et (se)e~O est à support fini, e~O on définit où le produit tdse est défini comme l'image de td ®Se E M®d ®A M®e dans M®(d+e) au moyen de l'isomorphisme précédent. Donc la composante homogène n de ts de degré n est égale à L tdsn-d· Il est facile de vérifier que ce produit d=O fait de T(M) une algèbre associative. On prend pour j: M--+ T(M) l'inclusion qui identifie M à M® 1 ç T(M). Il reste à montrer que (T(M),j) satisfait à la propriété universelle. Soit donc (B, !) une paire comme dans la définition. On définit J®d : M®d --+ B pour d:;:: 1 par Cela donne bien un morphisme de (A-A)-bimodules. Par la propriété universelle de la somme directe, on trouve un morphisme de (A-A)-bimodules 7: T(M)--+ B. Ce dernier est aussi un morphisme de K-algèbres, car si x = x1 ® · · · ® Xd E M®d, Y= Yt ® · · · ® Ye E M®e, alors f(x) = f (x1) · · · f (xd) et f(y) = f (y1) · · · f (Ye)· Par conséquent f(xy) Enfin, f = f (x1 ® · · · ® Xd ® Yt ® · · · ® Ye) f (x1) · · · f (xd) f (Y1) · · · f (Ye) = f(x)f(y). est uniquement déterminé par f, car il coïncide avec ce dernier sur M = M® 1, et ce dernier engendre T(M) en tant que K-algèbre. D Si A est une K-algèbre commutative, on peut évidemment remplacer "(A A)-bimodule" par "A-module" dans la définition et la construction précédentes. C'est en particulier le cas si A= K. Par la suite, nous considérerons surtout ce dernier cas. Par exemple, si A= K, X est un ensemble et M = K(X) {le module libre sur X), il suit de la construction précédente que T(M) est isomorphe à l'algèbre libre K(X) sur X (voir (111.3.8)). Si X= {t} n'a qu'un élément (c'està-dire, si M = KKK), on a donc T(M)-4K[t]. Ce dernier exemple suggère un langage qui est parfois utile dans le contexte précédent. Soit (Ad)dez une famille de K-modules indexée par Z. On identifie Ad à un sous-module de A = E9 Ad au moyen de l'injection canonique. dEZ DÉFINITION. Une K-algèbre A est dite graduée de type Z si le K-module sous-jacent A est égal à la somme directe E9Ad d'une famille de sous-modules dEZ (Ad)deZ telle que AdAe Ç Ad+e pour tous d, e E Z. Un élément du sous-module Ad, considéré comme élément de A, est dit homogène de degré d. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE 138 V. EXEMPLES 4.2. (a) A = K(ti, ... , tn] est une K-algèbre graduée: ici Ad = 0 pour d < 0 et si d ;::::: 0, alors Ad est le sous-module formé des polynômes homogènes de degré d. Si n = 1, A = K[t] et Ad = Ktd pour d ;::::: O. (b) T(M) est graduée par ses composantes homogènes M®d (ici aussi, M®d = 0 pour d < 0). (c) L'algèbre K[t, r 1] des polynômes de Laurent est un exemple d'algèbre graduée à composantes non nulles pour tout d E Z. (d) Le produit tensoriel de deux K-algèbres graduées (voir (1.8)) est encore Ad et B = alors A ®K B = une K-algèbre graduée : en effet, si A = E9 E9 Be, dEZ eEZ E9 E9 (Ad ®K Be-d)· Par exemple, c'est le cas pour K(t) ®K K(s]-=+ K(t, s]. dEZ eEZ LEMME 4.3. Soit A = E9 Ad une algèbre graduée. Alors Ao est une sous- dEZ algèbre de A. DÉMONSTRATION. On a d'abord AoAo Ç Ao par définition. Il faut montrer que 1 E Ao. Écrivons 1 = Lad avec ad E Ad. Supposons que x E Ae. Alors dEZ x = x · 1 = L xad. En comparant les composantes de degré e, on obtient x = dEZ xa0 • Par conséquent, x = xao pour tout x E A. En particulier, 1 = lao = ao. Donc Ao est une sous-algèbre de A. D DÉFINITION. Soient A = œ Ad une algèbre graduée, B une sous-algèbre et dEZ I un idéal bilatère de A. On dit que B est une sous-algèbre graduée et que I est un idéal gradué de A si B = (B n Ad) et si I = (J n Âd), respectivement. E9 E9 dEZ dEZ Il revient au même de dire que, si x =L Xd E B (ou x =L Xd E J) avec dEZ Xd E Ad pour tout d E Z, alors on a Xd E B (ou Xd E J, respectivement), pour tout d E Z. Ces deux notions sont liées comme d'habitude aux morphismes. Soient A= E9Ad et B = deux algèbres graduées. Un morphisme de K-algèbres E9Be dEZ eEZ cp : A --+ B tel que cp (Ad) Ç Bd pour tout d E Z est appelé un morphisme d'algèbres graduées. Le lecteur vérifiera sans difficulté que l'image d'un morphisme d'algèbres graduées est une sous-algèbre graduée et que son noyau est un idéal gradué. Réciproquement, étant donné une algèbre graduée A et un idéal gradué I de A, le quotient A/I est encore gradué et le morphisme canonique A--+ A/I est un morphisme d'algèbres graduées (on remarque en effet que A/I = (Ad/ (In Ad))). Enfin, notons que, si X est une partie de A formée E9 dEZ d'éléments homogènes, alors l'idéal bilatère engendré par X est gradué: en effet, 5. ALGÈBRE EXTÉRIEURE, DÉTERMINANTS 139 tout élément de cet idéal s'écrit comme une somme de termes de la forme axb, chacun se trouvant dans l'idéal, avec x E X et a, b E A homogènes. 5. Algèbre extérieure, déterminants Maintenant nous énoncerons une propriété universelle qui permettra non seulement d'enrichir notre banque d'exemples, mais aussi de retrouver des résultats classiques. Comme toujours, K(= A) désigne un anneau commutatif. DÉFINITION. Soit M un K-module. Une algèbre extérieure sur M est une paire (/\M, j) où /\M est une K-algèbre, et j : M -+ /\M est un morphisme de K-modules tel que j(x) 2 = 0 pour tout x E M, de telle sorte que, si (B,f) est une paire avec B une K-algèbre et si f : M -+ B est un morphisme de Kmodules tel que f(x) 2 = 0 pour tout x E M, alors il existe un unique morphisme de K-algèbres 7: /\M-+ B tel que fj = f. j M--+ /\M ~ 11 B THÉORÈME 5.1. Pour tout K-module M, il existe, à isomorphisme près, une unique K -algèbre extérieure sur M. C'est une K -algèbre graduée. DÉMONSTRATION. On prend /\M = T(M)/J, où J est l'idéal bilatère de T(M) engendré par les éléments de la forme x ® x, où x E M. De même, on prend j l'injection de M dans /\M déduite de l'injection M -+ T(M), c'est-àdire la composition de cette dernière avec l'application canonique T(M)-+ /\M. L'idéal J étant engendré par des éléments homogènes de degré 2, il est gradué, et donc /\M est gradué par les sous-modules /\ dM = M®d / (M®d n J). Le reste de l'énoncé est trivial. D Par abus de langage, on appelle /\M l'algèbre extérieure sur M. Notons que, pour des raisons de degré, M®o n J = 0 et M® 1 n J = O. On peut donc identifier K à /\ 0 Met M à /\ 1 M. L'image dans /\M de l'élément x 1 ®· · ·®xd de T(M) (où Xi E M) est notée x1 /\ · • · /\ Xd et appelée le produit extérieur des éléments x 1 , •.• , xd. Un élément de /\M est une somme finie d'éléments de cette forme. De l'égalité x /\ x = 0 pour tout x E M, on déduit les égalités 0 = (x +y)/\ (x +y) = X/\ X+ X/\ y+ y/\ X+ y/\ y = X/\ y+ y/\ x, et donc X/\ y = -y/\ X pour tous x,y E M. Cette propriété est parfois appelée l'anticommutativité de l'algèbre extérieure. On en déduit la remarque suivante qui nous sera utile dans l'étude des applications multilinéaires alternées. Soit d ~ 1 un entier. Le sous-module M®d n J de M®d est engendré par les éléments de la forme x1 ® · · · ® Xd (où Xi E M) tels qu'il existe un 1 ~ i < n avec Xi = Xi+l · Il est a fortiori engendré par les éléments x 1 ® · · · ®xd tels que, pour deux indices i, j avec i < j, on a Xi = x; : en effet, échangeant alors successivement x; avec les Xk pour i < k < j en vertu de l'anticommutativité, on voit que x 1 /\ · · · /\ xd = ( -1 )i+l-i · · · /\Xi/\ x; /\ · · · = O. 140 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE Dans la suite de cette section, on se concentre sur le cas où M est un K-module libre de base {e 1 , ... , en} (par exemple, M est un espace vectoriel de dimension finie sur un corps K). Soit l'ensemble des parties de {1, 2, ... , n }. On considère le K-module libre K(e): notre objectif est de montrer qu'il est possible de définir une multiplication sur K(e) qui fait de ce module une K-algèbre isomorphe à l'algèbre extérieure /\M. Cela fournira une seconde construction de /\M dans le cas où M est libre de type fini. Par définition, le K-module libre K(e) admet pour base l'ensemble des éléments de la forme el, avec I E Afin de définir une multiplication sur K(e), on définira une multiplication sur ces vecteurs de base, que l'on prolongera ensuite par bilinéarité. Soient donc I, 1' E e. On suppose que I = {ii. ... , ip} et I' = {ji, ... ,j9} sont disjoints et que les éléments de ces ensembles sont ordonnés de telle sorte que i 1 < · · · < ip et j1 < · · · < j 9. Si I et I' sont non vides, on note i (1, I') le nombre de paires fü,it) E I x 1' telles que it < ik : une telle paire s'appelle une inversion. Si I ou 1' est vide, on conviendra de poser i (1, 1') = O. On définit alors le produit de deux éléments de base el, el' (où I,I' E e) par e e. En particulier, on voit tout de suite que e0 opère comme l'identité sur les vecteurs de base. On convient donc de noter e0 = 1. Montrons que le produit ainsi défini est associatif, c'est-à-dire que el (e1•e111) = (e1el') el" pour tous I, I', J" E Cette égalité est évidemment vraie si les ensembles 1, 1', I" ne sont pas disjoints, car les deux termes de l'égalité sont nuls. Si par contre J, I' et I" sont disjoints, on a e. el (el'e1 11 ) = = (-1) i(l' '1") ele1 u1 11 = (-1) i(l' 'l")+i(l '1 Ul") e1U1 u111 (-1)i(1' ,l")+i(1,l')+i(1,1") elUl'Ul" 1 1 1 puisqu'il suit de la définition des inversions et du fait que I,I',1" sont disjoints, que i (I, 1' U 1") = i ( 1, I') + i (I, J"). De même, on vérifie que le terme de droite est égal à (elel') el"· Par bilinéarité, on définit le produit de deux éléments du K-module libre K(e) par (où a1 et /3J appartiennent à K pour tous 1, J E e). Comme le produit d'éléments de la base est associatif, il en résulte que le K-module A = K(e) est muni d'une structure d'anneau associatif, d'identité e0 = 1, et en fait de K-algèbre, puisque l'application a 1-+ a· 1 est un morphisme d'anneaux de K dans le centre de A (voir (I.1.1)). Notons qu'il suit de la définition du produit dans A que si I = { ii, ... , ip} avec i1 < · · · < ip, on a el= e{ii} · · · e{i1,}· 5. ALGÈBRE EXTÉRIEURE, DÉTERMINANTS 141 THÉORÈME 5.2. Soit M un K-module libre de type fini. L'algèbre A construite ci-dessus est isomorphe à AM. DÉMONSTRATION. On a évidemment un morphisme de K-modules h: M A défini par h ~ (~eiai) = ~e{i}ai {où ai E K). Nous allons montrer que la paire {A, h) satisfait à la propriété universelle définissant AM. Pour commencer, il suit de la définition du produit que h (ei) 2 = e{i}e{i} = 0 et par conséquent que h(x) 2 = 0 pour tout x E M. Soient maintenant B une K-algèbre, et f: M ~ B un morphisme de K-modules tel que f(x) 2 =O. On doit montrer qu'il existe un unique morphisme de K-algèbres A~ B tel que fh = f. 7: h M ___.A ~17 B Or, si 7 est un morphisme de K-algèbres tel que fh = f, on doit avoir 7 (e0) = 1, tandis que, si I = {ii, ... , ip} avec i1 < · · · < ip, alors e1 = e{ii} · · · e{ip} = h {ei1) · · · h {eip) entraîne que 7{e1) = f {ei1) · · · f {eip) . Cela assure l'unicité de f. Afin de démontrer son existence, on prouvera que l'application 7 ainsi définie est un morphisme de K-algèbres. Il suffit pour cela de montrer que 7 préserve les produits, et, par linéarité, il suffit de montrer que, pour tous l, I' E f., on a 7(e1el') = 7(e1) 7(el'). Cette égalité est vérifiée si In I' =/: 0, car alors e1e11 = 0, donc 7 (e1e1') = 0, et le terme de droite f (e1)f (e11) s'annule aussi, car, si I = {i 1, ... ,ip}, I' = {ji, ... ,jq} avec ii < · · · < ip, j1 < · · · < jq et ik = it on voit que, dans l'expression f {eii) · · · f {ei") f {e;i ) · · · f {e;q) , on peut ramener {avec un éventuel changement de signe) les termes f (eik ) et f (e;t) côte à côte de telle sorte que leur produit s'annule: f (eik) f (eit) = f (eik) 2 =O. Supposons donc que I n I' = 0. Afin de vérifier le résultat, on procédera par récurrence sur card I'. Si I' = {j}, I = { ii, ... , ip} avec i 1 < · · · < im-1 < j < im < · · · < ip, le nombre d'inversions i (I, I') est égal à p - m de telle sorte que e1e11 = {-l)P-me1u1 et 1 {-l)p-m f (eii) · · · f (ei,,._i) f (e;) f (eim) · · · f (ei,,) f (e1e1 1) = f (ei 1) · · · f {eim-1) f (eim) · · · f {eip) f (e;) = f(e1)f(eJ1). Si cardl' > 1, soit j le plus petit élément de I', et posons I" = 11 \ {j}. Il découle de l'hypothèse de récurrence que f(e1e1 1) = = f(e1e{j}e1") =f(e1u{j}e1 =f(e1U{j})f(e1 7(e1) 7{e{j}) 7(el' 1) = 7(e1) 7(e{j}u1 = 7(e1) 7(e1 1). D 11 ) 11 ) 11 ) COROLLAIRE 5.3. Soit Mun K-module libre de base finie {ei, ... , en}· L'algèbre extérieure AM est libre de type fini en tant que K -module, et une base en est fournie par l'ensemble des éléments de la forme eï 1 A·· ·A fi"' où 1 = {ii. ... , ip} 142 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE avec ii < ... < ip parcourt l'ensemble des parties convention : e0 = 1). e de {1,2, ... ,n} (avec la DÉMONSTRATION. On a prouvé l'existence d'un isomorphisme de K-algèbres h: A--+ AM tel que j = gh. Cet isomorphisme transporte la base (e1hee du K-module libre A= K(e) sur la base ci-dessus du K-module AM. D COROLLAIRE 5.4. Soient K un corps et E un K -espace vectoriel de dimension n. Alors dimK AE = 2n. D Soient maintenant M, N deux K-modules et m ~ 1 un entier. Une application f : Mm --+ N sera dite multilinéaire si elle est linéaire en chaque variable, c'està-dire si, pour tout 1 :5 i :5 m, f (xi, ... ,Xia+ x~/3, ... ,Xm)=f (xi. ... ,Xi, ... ,xm) a+ f (xi, ... ,x~, ... ,xm)/3 où a, f3 E K et xi, ... , Xi, x~, ... , Xm E M. Il suit de la définition du produit tensoriel M®m = M ®K ···®KM qu'il existe une bijection entre applications K-linéaires M®m --+ N et applications multilinéaires Mm --+ N définie par cp : g 1--+ gjm, où im : Mm --+ M®m est l'application canonique (xi, ... , Xm) 1--+ X1 @··· @Xm• Une application multilinéaire f : Mm --+ N sera dite alternée si f (xi, ... , Xm) = 0 pour tout (xi, ... ,xm) E Mm tel que Xi = x; pour i =f j. On notera Alt (Mm, N) le sous-module du K-module des applications multilinéaires de Mm dans N formé des applications multilinéaires alternées. Notons que, si f est multilinéaire alternée, on a /(xi, ... ,Xi, ... 1 x; 1 . . . ,xm) + /(xi, ... ,x;, ... = /(xi, ... ,xi+x; 1 . . . ,xi+x;, ... ,xm) =0 1 Xi 1 . . . 1 Xm) pour xi, ... ,xi, ... ,x;, ... ,xm E M. Soit J l'idéal de T(M) engendré par les éléments de la forme x ® x pour x E M, et soit f: Mm--+ N une application multilinéaire. On sait qu'il existe une application K-linéaire g : M®m --+ N telle que f = Yim· Dire que f est alternée revient alors à dire que g ( J n M®m) = O. Cette reformulation de la définition fournit la clé de la proposition suivante. PROPOSITION 5.5. Soit km : Mm --+ (xi. ... ,xm) M®m 1--+ --+ Am M donnée par xi A··· A Xm pour (xi, ... , xm) E Mm. C'est une application multilinéaire alternée et la correspondance g 1--+ gkm définit un isomorphisme de K -modules HomK (Am M, N) .::; Alt (Mm, N) pour tout N. DÉMONSTRATION. Le premier énoncé est trivial. En appliquant le foncteur HomK(-, N) à la suite exacte de K-modules 0---+ JnM®m-M®m ~AmM---+0, 5. ALGÈBRE EXTÉRIEURE, DÉTERMINANTS 143 on obtient une suite exacte O..-. HomK(AmM,N) HomK(Pm,N) HomK(M®m,N)---+ HomK(JnM®m,N). On sait d'autre part qu'il existe un isomorphisme entre HomK (M®m,N) et le K-module des applications multilinéaires Mm - N donné par g 1-+ gjm. Or, une application K-linéaire g : M®m - N induit une application K-linéaire Am M ..-. N si et seulement si g se factorise par Pm, ce qui est le cas si et seulement si g (J n M®m) = O. On a vu que cela équivaut à dire que gjm est alternée. Nous avons montré que l'image par l'isomorphisme précédent du sousmodule HomK (Am M, N) est égale à l'ensemble des applications multilinéaires alternées Alt (Mm, N). Comme km = Pmjm, la correspondance est bien celle de l'énoncé. D Soit M un K-module libre de base {ei, ... , en}· Il résulte de (5.3) que, pour tout entier m, Am M est un K-module libre ayant une base formée de (::i) = ml(:~m)! éléments. En particulier, le K-module libre AnM admet une base réduite au seul élément ei A··· A en. Par conséquent, si xi, ... , Xn E M, il existe a E K tel que Xi A .. · A Xn = (ei A .. · A en) a. DÉFINITION. L'élément a E K défini par l'équation précédente s'appelle le déterminant des n éléments xi, ... , Xn par rapport à la base ei, ... , en. On le note det {xi, ... , Xn)· LEMME 5.6. L'application de Mn dans K, définie par (xi, ... , Xn) 1-+ det (xi, ... , Xn) est l'unique application multilinéaire alternée prenant la valeur 1 en l'élément (ei,. .. , en) E Mn. DÉMONSTRATION. Il est évident que cette application satisfait à ces conditions. Elle est unique car Alt (Mn,K) ..:=.HomK (AnM,K) ..:=.HomK(K,K)..::.K par suite de (5.5) et à cause du fait que An M..::. K. D Soient M, N deux A-modules et f: M..-. N une application K-linéaire. Pour tout entier m 2::: 1, l'application (xi, ... , Xm) 1-+ f (xi) A · · · A f (xm) de Mm dans AmN est évidemment une application multilinéaire alternée. D'après (5.5), il existe une unique application K-linéaire g: AmM - AmN telle que g (xi A··· A Xm) = f (xi) A··· A f (xm). Cette application g est notée Am f et appelée la m ième puissance extérieure de f. Elle est donc telle que (Am/) (xi A .. · Axm) = f (xi) A .. · A f (xm) pour xi, ... ,xm E M. Supposons en particulier que N = M est un K-module libre ayant une base {ei, ... , en}· Si f: M - M est K-linéaire, la nième puissance extérieure An f est donc une application K-linéaire An M--+ An M. Comme An Ma une base réduite 144 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE au seul élément ei /\···/\en, on a que /\n f correspond à un endomorphisme du K-module KK et est donc un scalaire. DÉFINITION. Soit Mun K-module libre de base {ei, ... , en}. Le déterminant det(f) d'une application K-linéaire f : M -+ M est un scalaire tel que, pour tous Xi. ... , Xn E M, on a f (xi)/\ .. · /\ f (xn) = (xi /\ .. · /\ Xn) det(f). On en déduit la définition de déterminant d'une matrice. En effet, soit [ai;] une n x n matrice à coefficients dans K. À cette matrice correspond une application K-linéaire f : Kn -+ Kn par n f(ei) = L e;a;i j=l pour tout 1 :::; i :::; n, où {ei. ... , en} est la base canonique de Kn. On définit le déterminant det[ai;] de la matrice [ai;] comme celui de l'application f. 5.7. (i) det(lM) = 1. (ii) Si f,g: M-+ M sont K-linéaires, det(gf) = det(g)det(f). (iii) Si a E K et f : M -+ M est K -linéaire, det( af) = an det(f). PROPOSITION DÉMONSTRATION. (i) est triviale, (ii) suit de (xi /\ · · · /\ Xn) det(gf) (gf)(xi) /\ · · · /\ (gf)(xn) 9 [f (xi)] /\ · · · /\ 9 [f(xn)] [f(xi) /\ · · · /\ f(xn)] det(g) (xi/\ .. ·/\ Xn) det(f) det(g) = = = = pour tous xi. ... , Xn E M. (iii} se démontre de la même façon. D On retrouve la définition classique du déterminant. Notons encore {ei, e2 , ••• , en} la base canonique de M et [ai;] la matrice de f : M -+ M par rapport à cette base. On a donc, par multilinéarité, (ei /\···/\en) det(f) = f(ei) /\ · · · /\ f(en) = (t ei1ai1i) /\ "· /\ (.t einainn) in=i i1=i n :L: it, ... (ei1 "· · · "ein> ai1i ... ainn· 1Ïn=l Comme il suit de l'alternance que la somme porte sur les n! permutations de l'ensemble {1, 2, ... , n}, on a (ei /\···/\en) det(f) = (ei /\···/\en) L sgn(u)au(i),1 · · · au(n).n uESn 5. ALGÈBRE EXTÉRIEURE, DÉTERMINANTS 145 où Sn désigne le groupe symétrique sur {l, 2, ... , n} et sgn( a) la signature de la permutation a E Sn. On a bien la définition classique det{f) = L sgn{a)a:u(l),l · · · O:u(n),n· ueS,. On en déduit par exemple pour u- 1, comme sgn(u- 1) = sgn(a), L:: det{f) = sgn{a)a1.uc1>. · · an,u(n) ues.. det(Df) où Df: HomK(M,K) --+ HomK(M,K) désigne l'application transposée de f (c'est-à-dire, Df = HomK (!, K)) : en effet, on sait que la matrice de Df dans la base duale de {ei, ... , en} est la transposée de la matrice [ai;] de f). PROPOSITION 5.8. Soient K un corps, E un K -espace vectoriel de dimension finie n et x1, ... , Xm E M. Les vecteurs X1, ... , Xm sont linéairement indépendants si et seulement si x1 /\ · · · /\ Xm =/: O. Si en outre m = n, ces conditions équivalent à det(xi. ... , Xm) =/: 0, où ce déterminant est pris par rapport à une base {ei. ... ,en} de E. DÉMONSTRATION. Supposons x1, ... , Xm linéairement indépendants. Il existe une base xi, .•• ,xm,Xm+l• ••• ,Xn de E. Le fait que X1 /\ · · · /\ Xm =/: 0 résulte alors de (5.3). Réciproquement, supposons que x 1 /\ · · · /\ Xm =/: O. Si x10:1 + · · · +xmll:m = 0 avec les O:i dans K, on a 0 = {x10:1 + · · · +xma:m) /\x2 /\ • · · /\xm = (x1 /\x2 /\ · · · /\xm)a:1 et donc 0:1 =O. De même 0:2 = · · · = O:m =O. Enfin, si m = n, il suit de la définition même de déterminant de x1, ... , Xn que det{xi, ... , Xn) =/: 0 si et seulement si x1 /\ · · · /\ Xn =/: O. D 146 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE Exercices du chapitre V 1. Soient {e1,e2} et {/1,/a,fa} les bases canoniques de R 2 et Ra respectivement. Trouver les coordonnées de x ® y, où x = [ l J et y = [ ) 1 ] dans la base {ei ® f;} de R 2 ®a Ra. 2. Montrer que (i) Q®zQ~Q. (ii) Zm ®z Zn~ Zcm,n)> où (m, n) est le pgcd des entiers met n. (iii) G ®z Q = 0, pour tout groupe abélien fini G. 3. (Complexification d'un espace vectoriel réel). Soient E un R-espace vectoriel, et C considéré comme un R-espace. On pose Ec = E ®• C. Comparer une base de E à une base de Ec. Montrer que, si Ec est considéré comme un R-espace, alors E est (fonc~oriellement) isomorphe à un sous-espace de Ec. 4. Montrer qu'il peut y avoir, dans un produit L ®AM, un élément qui ne peut se mettre sous la forme d'un produit unique x ®y, quels que soient x EL, y E M (prendre A = K, L = M = K 2 ). 5. Montrer que R ®z Z[i] ~ C. 6. Soient Kun corps, et K(a) une extension de K engendrée par un élément a de polynôme minimal f sur K. Si K' est une extension arbitraire de K, montrer que K' ®K K(a) ~K'[t]/(f). 7. Soit M un K-module. Montrer que les éléments du K-module M ®K K(t] peuvent se mettre sous la forme de polynômes en t à coefficients dans M. 8. Soient A une K-algèbre, LA et AM des modules. Montrer que l'on a un isomorphisme fonctoriel L ®A M ~ M ®AoP L. 9. Soit A une K-algèbre. Montrer que l'application A--+ A ®K B définie par a 1-+ a® 1 (pour a E A) est un morphisme d'algèbres. 10. Montrer qu'il existe, pour un A-module à droite Met une famille (N>..heA de A-modules à gauche, une application fonctorielle qui n'est généralement pas un isomorphisme (prendre N>.. M=Q). 11. Montrer que, pour le monomorphisme j : Z2 --+ /Z.4 ®z Z2 est nul. --+ = /Z.2,., A = N et IZ.4 , le morphisme induit j ® 1 : Z2 ®z Z2 12. Prouver {2.2) et {2.4) directement (sans utiliser {IV.1.6)). EXERCICES DU CHAPITRE V 147 13. Soient A une K-algèbre et 0-+L~ ~LA ..L+L~ -+0 0-+ AM' ~AM~ AM" -+ 0 deux suites exactes de A-modules à droite et à gauche, respectivement. Montrer que g ® v : L ®AM - L" ®AM" est un épimorphisme de noyau lm(!® lM) + Im{lL ®u). 14. Soient A une K-algèbre, I un idéal à droite de A et J un idéal à gauche de A. Montrer que l'on a un isomorphisme de K-modules A/l®AA/J -=+A/(! +J). 15. Soient L, M deux K-modules. Trouver un morphisme L®zM - L®K M. Si K = Q, montrer que c'est un isomorphisme. 16. Soient L, M, N trois K-modules. Montrer que HomK (L, HomK(M, N)) .::+ HomK (M, HomK(L, N)). 17. Soient L, M deux K-modules et DL = HomK(L,K) le dual de L. On définit r.p : DL ®KM - HomK(L, M) par r.p(/ ® x)(y) = xf(y) {pour f E DL, x E M, y EL). (i) Montrer que r.p est un morphisme de K-modules. {ii) Montrer que r.p est un isomorphisme si L (ou M) égale Kn (où n est un entier). 18. Soient L, M deux K-modules, DL = HomK(L, K) et DM = HomK(M, K) leurs duals. Montrer qu'il existe un unique morphisme de groupes abéliens r.p : DL®K DM - D(L®K M) tel que r.p(f ® g)(x ®y) = f(x)g(y) (pour f e DL, g e DM, x EL, y E M). Si K est un corps et si L,M sont de dimension finie, montrer que r.p est un isomorphisme. 19. Soient A une K-algèbre commutative, Pet P' deux A-modules projectifs. Montrer que P ®A P' est projectif. 20. Si PA est un A-module projectif et B une K-algèbre qui est aussi un A-module à gauche, montrer que P ®AB est un B-module projectif. 21. Soient IA un A-module injectif et B une K-algèbre qui est aussi un Amodule à droite. Montrer que HomA (BBA,IA) est un B-module injectif. 22. Soient MA un A-module, LA un A-module libre et f : L - M un épimorphisme. Montrer que M est plat si et seulement si, pour tout idéal à gauche I de type fini de A, on a LI n Ker f =(Ker f)I. 148 V. PRODUITS TENSORIELS. ALGÈBRES TENSORIELLE ET EXTÉRIEURE En déduire qu'un Z-module M est plat si et seulement si, pour x E M, n E Z, on a que nx = 0 implique x = 0 (comme on l'a vu à l'exercice (IV.16), on dit alors que M est sans torsion). 23. On considère l'extension triviale A =A~ M d'une K-algèbre A par un (A -A)-bimodule M, c'est-à-dire l'algèbre de K-module sous-jacent A$ M avec la multiplication définie par (a,x)(a',x') = (aa',ax' +xa') (pour a, a' E A, x, x' E M) (voir l'exercice (I.15)). On définit une catégorie M(A) comme suit : les objets sont les paires (X, cp), où X est un A-module et où cp : X ®AM --+ X est A-linéaire, et tel que cp (cp ® lM) = O. Un morphisme (X,cp)--+ (X',cp') est une application A-linéaire f: XA--+ X~ telle que cp'(f ® lM) = fcp. Montrer que l'on a une équivalence de catégories M(A) .=. Mod A. 24. Considérons deux K-algèbres A, B, un bimodule BMA et l'algèbre triangulaire de matrices A = [ ~ ~] munie de l'addition des matrices et de la multiplication induite de la structure de bimodule de M. On définit une catégorie M(A) comme suit: les objets sont les triplets (X, Y,cp) où X est un A-module, Y un B-module et où cp : Y ®B M -+ X est A-linéaire. Un morphisme (X,Y,cp)--+ (X',Y',cp') est une paire (f,g) où f: XA--+ X~ est A-linéaire, où g : YB -+ Y}J est B-linéaire et où cp'(g ® lM) = fcp. (i) Montrer que si (X, Y, cp) est un objet de M(A), alors X$ Y devient un A-module par (x, y) [:i ~] = (xa + cp(y ® m), yb) (où x EX, y E Y, a E A, m E M, b E B). (ii) En déduire que l'on a une équivalence de catégories M(A) .=. Mod A. 25. Montrer le théorème suivant qui découle des résultats de Watts : pour deux algèbres A, B, un foncteur F : Mod A --+ Mod B est une équivalence si et seulement s'il existe des bimodules AUB et BVA tels que l'on a des isomorphismes de bimodules AU ® B VA .=. A et BV ®A UB .=. B, et un isomorphisme fonctoriel p.=. - ®AU 26. Soit cp : A --+ B un morphisme de K-algèbres, de sorte que l'on a des structures de bimodules BBA et ABB. On fait d'un B-module MB un A-module par ma= mcp(a) (pour m E M, a E A). Cela donne un foncteur F: ModB--+ Mod A. Montrer que et que 149 EXERCICES DU CHAPITRE V 27. Soit A = EB Ad une algèbre graduée. Montrer que A+ = EB Ad est un d<'.:O d<'.:1 idéal gradué. 28. Soient N Ç M deux K-modules. Montrer que T(M/N) est isomorphe au quotient de T(M) par l'idéal bilatère engendré par l'image de N par l'application canonique M -+ T(M). 29. Même exercice que le précédent pour l'algèbre extérieure. 30. Définir un foncteur "algèbre tensorielle" de la catégorie des K-modules dans celle des K-algèbres. 31. Soient M,N deux (A-A)-bimodules. Montrer que T(MœN) .=.r(M)®A T(N). 32. Soit Mun K-module de type fini ayant n générateurs. Montrer que /\M est un K-module de type fini et qu'en outre /\mM = 0 pour m > n. 33. Soient y un vecteur et {xi, x2, ... , Xn} une base de Kn. Montrer que les solutions ai de l'équation vectorielle E XïO:i = y sont données par {x1 /\ •.. /\ Xn)O:i = X1 /\ ••• /\ Xi-1 /\y/\ Xi+i /\ .•• /\ Xn· En déduire la règle de Cramer. 34. Soit E un K-espace vectoriel de base {ei, ... , en}. Si xi, ... , Xn E E sont tels que E Xi /\ ei = 0, montrer que Xi = E e;a;i avec O:ij = O:ji· 35. Soit M un K-module. L'algèbre symétrique sur M est la donnée d'une paire (S(M), s) où S(M) est une K-algèbre commutative et où s: M-+ S(M) est K-linéaire et telle que, si (B, !) est une paire avec B une K-algèbre commutative et si f: M-+ Best une application K-linéaire, il existe un unique morphisme de K-algèbres 7: S(M)-+ B tel que ]s = /. (i) Montrer que, pour tout K-module M, il existe une unique algèbre symétrique S(M) à isomorphisme près. (ii) Montrer que S(M) a une structure naturelle d'algèbre graduée. {iii) Soit M le K-module libre de base {ei, e2, ... , en}. Montrer que CHAPITRE VI Conditions de finitude. Modules simples et semisimples Soit A une K-algèbre. Afin de décrire efficacement les A-modules et les morphismes entre eux, il est naturel d'essayer d'imposer des conditions permettant de se limiter à une situation plus simple. Dans ce chapitre, on posera des conditions sur le treillis de sous-modules d'un module donné. Par exemple, on supposera que le treillis en question est tel que tout ensemble non vide d'éléments admet ou un élément maximal ou un élément minimal. On dit alors que le module est noethérien dans le premier cas et artinien dans le second. Il se fait que, si le module AA satisfait à l'une de ces conditions, alors tout A-module de type fini y satisfera également. Il est donc naturel d'étudier les propriétés des modules noethériens et artiniens de type fini. La coïncidence de ces deux conditions nous donnera notre premier théorème de structure : le théorème de Jordan-Hê)lder. On s'intéresse ensuite aux modules non nuls n'ayant pas de sousmodules propres: un tel module est dit simple, et on obtient une caractérisation complète des algèbres ayant la propriété que tout A-module est la somme directe de A-modules simples. Ce dernier résultat, connu sous le nom de théorème de Wedderburn-Artin, est d'une importance capitale : il montre en effet comment la structure d'une algèbre peut être décrite au moyen de propriétés de la catégorie de modules. 1. Modules artiniens et noethériens DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et Mun A-module. (a) M est dit artinien si tout ensemble non vide de sous-modules de M admet un élément minimal. (b) M est dit noethérien si tout ensemble non vide de sous-modules de M admet un élément maximal. Avant de fournir des exemples, donnons des conditions équivalentes. 1.1. Soient A une K-algèbre et M un A-module. (a) M est artinien si et seulement si, pour toute suite de sous-modules de M de la forme Mo 2 Mi 2 M2 2 · · ·, il existe i EN tel que M; =Mi pour tout j > i (on dit alors que la suite devient stationnaire). LEMME 151 152 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES {b) M est noethérien si et seulement si, pour toute suite de sous-modules de M de la forme Mo Ç Mi Ç M2 Ç · · · , il existe i E N tel que M; = Mi pour tout j > i (on dit alors que la suite devient stationnaire). DÉMONSTRATION. On donnera seulement la démonstration du cas noethérien (b), celle du cas artinien s'obtenant en inversant les inclusions. Supposons que M est noethérien, et soit Mo Ç Mi Ç M2 Ç · · · une suite de sous-modules de M. Cette suite définit un ensemble non vide (Mi)ieN de sous-modules de M, et donc elle doit contenir un élément maximal Mi {disons). Mais alors M; =Mi pour tout j > i. Réciproquement, supposons que la condition donnée est satisfaite et que e est un ensemble non vide de sous-modules de M sans élément maximal. Soit Mo E e. Comme Mo n'est pas maximal, il existe un sous-module Mi E e tel que Mo ~ Mi. Par récurrence, on construit une suite (Mi)ieN telle que Mo~ Mi ~ M2 ~ ···,ce qui contredit l'hypothèse que la condition donnée est satisfaite. D Cela nous amène à nos premiers exemples. Tout espace vectoriel de dimension finie est évidemment artinien et noethérien. On considère d'autre part le Zmodule Z: tout sous-module est de la forme aZ pour un entier a, et aZ Ç bZ si et seulement si b divise a ; comme tout entier a un nombre fini de diviseurs mais un nombre infini de multiples, Zz est noethérien mais pas artinien. Ce même raisonnement montre en fait que tout domaine d'intégrité principal (comme l'algèbre de polynômes K(t] sur un corps K) est noethérien. Les conditions du lemme sont appelées les conditions de chaînes. Ainsi, M est artinien (ou noethérien) si et seulement si toute chaîne décroissante (ou croissante) devient stationnaire : on dit que M satisfait à la condition des chaînes décroissantes (ou croissantes, respectivement). Supposons que le A-module M est artinien (ou noethérien), il y a lieu de se demander s'il en est de même de tout sous-module ou de tout quotient de M. Réciproquement, les conditions de chaîne sont-elles préservées par les extensions? Pour répondre à ces questions, nous aurons besoin d'un lemme. LEMME 1.2. Soient L et M' Ç M" trois sous-modules d'un A-module M. R existe une suite exacte courte o- M" n L M'nL - M" M' - M" + L M'+L -o. DÉMONSTRATION. Il suit du théorème d'isomorphisme (11.4.3) que l'on a des suites exactes courtes o- M' n L LM' - (M' + L)/ L - o et o -M"nL LM" - (M" +L)/L-o où j' et j" sont les inclusions canoniques. D'autre part, l'inclusion canonique M' --+ M" se restreint à l'inclusion M' n L --+ M" n L et donc induit par passage aux conoyaux le morphisme (M' + L)/L --+ (M" + L)/L défini par x' +y+ L 1--+ x' +y+ L (où x' E M', y E L) dont on voit de suite qu'il est 153 1. MODULES ARTINIENS ET NOETHÉRIENS injectif. On en déduit, d'après le lemme des 3 x 3 (voir (II.3.7)), l'existence d'un diagramme commutatif à lignes et à colonnes exactes : 0 0 0 ----+ 0 ----+ 0 ----+ 1 1 M"nL 1 M"nL M'nL M'nL 1 0 ----+ ----+ ----+ 1 1 M" 1 M" M' M' 0 ----+ ----+ ----+ 1 1 (M" + L)/L 1 M"+L (M' +L)/L 1 M'+L ----+ 0 ----+ 0 ----+ 0 1 0 0 .o THÉORÈME 1.3. Soit 0---+ L---+ M---+ N---+ 0 une suite exacte courte de A-modules. (a) M est un module artinien si et seulement si L et N le sont. {b) M est un module noethérien si et seulement si L et N le sont. DÉMONSTRATION. La nécessité résulte évidemment de ce que tout sous-module de Lest un sous-module de Met de ce que tout sous-module de N = M/L est un sous-module de M contenant L. La suffisance sera démontrée dans le cas artinien, la démonstration du cas noethérien de faisant de façon analogue. Soit donc Mo ~ M1 ~ Ma ~ · · · une suite décroissante infinie. On a une suite décroissante Mo n L 2 Mi n L 2 Man L 2 · · · de sous-modules de Let une suite décroissante (Mo +L)/L 2 {M1+L)/L2 {Ma +L)/L 2 ··· de sous-modules de M/L.:::+ N. Il suit de {1.2) qu'au moins une de ces deux suites est infinie. Cela montre que, si Let N sont artiniens, M l'est aussi. D COROLLAIRE 1.4. Soit {Mi, ... , Mm} une famille finie de A-modules. m E9 Mi est artinien. Chaque Mi est noethérien si et seulement si E9 Mi est noethérien. (a) Chaque Mi est artinien si et seulement si i=l {b) m i=l DÉMONSTRATION. la suite exacte courte La nécessité dans le cas m = 2 résulte du théorème et de 154 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES Pour m > 2, on utilise la récurrence et la suite exacte courte m 0 - - - - + (M1 E9 • • · E9 Mm-d - EB Mi --4 Mm --4 O. i=l Quant à la suffisance, elle découle de la récurrence et de la suite exacte courte 0 __. E9M; #i m --4 E9M; __.Mi__. O. D j=l Le critère suivant (très utile) montre que les modules noethériens sont liés de très près aux modules de type fini. THÉORÈME 1.5. Un A-module M est noethérien si et seulement si tout sousmodule de M est de type fini. DÉMONSTRATION. Nécessité. Soient M noethérien et N un sous-module de M. Soit l'ensemble des sous-modules de N de type fini. Alors =/: 0, puisque le sous-module nul 0 est danse. Comme M est noethérien, admet un élément maximal No. Supposons No =F N et soit x E N \ No. Le sous-module N 1 = No +xA est la somme de deux sous-modules de N de type fini, donc est lui-même un sous-module de N de type fini, c'est-à-dire Ni E ê. Mais d'autre part Ni contient proprement No et cela contredit la ma.ximalité de ce dernier. On a donc démontré que No= N. Par conséquent, N est de type fini. Suffisance. Supposons que tout sous-module de M est de type fini, et soit Mo Ç Mi Ç M2 Ç · · · une suite croissante de sous-modules de M. Posons que N = Mi. Alors N est un sous-module de M. Par hypothèse, N est de e e e LJ iEN type fini, c'est-à-dire qu'il existe des éléments xi, ... , Xm E M tels que N = (xi, ... , Xm}· Pour chaque 1 :::; j :::; m, il existe i; E N tel que x; E Mir Posons que io = ma.x{ii, ... , im}· Alors x; E Mio pour tout 1 :::; j :::; met par conséquent N Ç Mio· Comme d'autre part on a Mio Ç N, on en déduit que N = Mio. En particulier Mi = Mio pour tout i ;:::: io. On a montré que toute suite croissante de sous-modules de M devient stationnaire. D Il suit directement du théorème que tout module noethérien est de type fini. 2. Algèbres artiniennes et noethériennes DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. (a) A est dite artinienne à droite si AA est un A-module artinien. {b) A est dite noethérienne à droite si AA est un A-module noethérien. On formule de même les définitions d'algèbre artinienne à gauche et noethérienne à gauche. Par exemple, Z est une algèbre noethérienne (à droite et à gauche, étant commutative) mais pas artinienne, ainsi qu'on l'a vu dans la section précédente. Tout quotient d'une algèbre noethérienne ou artinienne à droite (ou à gauche) l'est aussi. Tout anneau {Z-algèbre) principal (par exemple Zn) est 2. ALGÈBRES ARTINIENNES ET NOETHÉRIENNES 155 noethérien. Toute algèbre de dimension finie sur un corps est artinienne ·et noethérienne à droite et à gauche. L'algèbre des matrices est artinienne et noethérienne à gauche, mais ni artinienne ni noethérienne à droite. Nous montrerons plus loin un théorème important, le théorème de Hopkins-Levitski, qui dit que toute algèbre artinienne à droite est aussi noethérienne à droite. Enfin, le théorème suivant permet de construire plusieurs exemples d'algèbres noethériennes. Remarquons qu'il suit de (1.5) qu'une algèbre A est noethérienne à droite si et seulement si tout idéal à droite de A est de type fini. THÉORÈME 2.1 (THÉORÈME DE LA BASE o'HILBERT). Soit A une K-algèbre noethérienne à droite. L'algèbre des polynômes A[t] est aussi noethérienne à droite. DÉMONSTRATION. Soit I un idéal à droite de A[t]. Pour chaque n EN, on note In l'ensemble des a E A tels qu'il existe un polynôme de I ayant atn comme terme de plus haut degré. Il est clair que In est un idéal à droite de A et que In Ç In+l pour tout n. La suite croissante Io Ç li Ç · · · devient stationnaire, puisque A est noethérienne à droite. Donc il existe no E N tel que In = Ino pour tout n > no. Pour chaque i ::::; n 0 , l'idéal à droite Ji est de type fini : il existe donc une famille finie {ail,ai2, ... ,aim;} d'éléments de A qui engendre h Pour chaque paire (i,j), avec i :::=;no et 1 :::=; j :::=;mi, soit Pi; un polynôme de I ayant ai;ti comme terme de plus haut degré. Nous affirmons que l'ensemble fini {pi; 10 :::=; i :::=;no, 1 :::=; j :::=;mi} engendre J, ce qui démontrera l'énoncé. Supposons que ce ne soit pas le cas et qu'il existe des polynômes de I qui ne peuvent s'écrire comme combinaison linéaire des Pi;· On choisit un tel polynôme de plus petit degré qu'on note p. Soit btd le terme de plus haut degré de p, de telle sorte que p(t) = btd + · · ·. Comme p E J, on ab Eh Si d :::=; n 0 , on peut md écrire b = L addb; pour des b; E A et alors le polynôme j=l m,1 q(t) = p(t) - LPd;(t)b; j=l est un élément de I de degré < d. Il suit de la minimalité du degré de p que q est une combinaison linéaire des Pi;. Mais alors il en est de même de p, ce qui m,.o est une contradiction. Si d >no, on peut écrire b = L j=l et alors le polynôme mTLO q(t) = p(t) - L j=l Pno;(t)td-nob; an0 ;b; pour des b; E A 156 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES est un élément de 1 de degré < d. Le même raisonnement que plus haut aboutit encore à une contradiction. D COROLLAIRE 2.2. Soit K un corps. Alors K[t1, ... , tn) est une K -algèbre noethérienne. DÉMONSTRATION. Elle découle directement du théorème et de la récurrence puisque K[t1, ... , tn) = K[ti. ... , tn-1Htn). D Dans ce qui suit, le terme artinien (ou noethérien) accompagné d'aucune précision veut toujours dire artinien (ou noethérien) à droite. Le théorème suivant montre que sur une algèbre artinienne (ou noethérienne), il est toujours possible de construire des modules artiniens (ou noethériens, respectivement). THÉORÈME 2.3. Soit A une K -algèbre. (a) Si A est artinienne, tout A-module à droite de type fini est artinien. (b) Si A est noethérienne, tout A-module à droite de type fini est noethérien. DÉMONSTRATION. On fera la démonstration du cas noethérien, celle du cas artinien se faisant de façon analogue. Soit MA un A-module à droite de type fini. On procède par récurrence sur le nombre de générateurs de M. Si M = xA est cyclique, alors il existe un idéal à droite lA de A tel que MA -=+AA/1 (voir (11.4.2)). Il suit alors de (1.3) que M est noethérien. Si M = (xi, ... , Xm} avec m ;:::: 2, posons N = (xi, ... , Xm-1}. Alors M/N = (xm + N} est cyclique et on a une suite exacte courte 0 ----t N ----t M ----t M/N ----t O. Comme N est noethérien en vertu de l'hypothèse de récurrence et que M / N est noethérien en vertu du cas m = 1 traité plus haut, il ne reste qu'à appliquer (1.3) D COROLLAIRE 2.4. Une K-algèbre A est noethérienne si et seulement si pour tout A-module M de type fini, tout sous-module de M est aussi de type fini. DÉMONSTRATION. En effet, supposons que A est noethérienne. Il suit du théorème que tout A-module de type fini est noethérien. L'énoncé découle alors de (1.5). Réciproquement, supposons la propriété donnée satisfaite. Si on applique cette propriété au module cyclique AA, on voit que tout idéal à droite de A est de type fini. D'après (1.5) encore, A est noethérienne. D On rappelle qu'une famille de modules injectifs a un produit injectif (IV.3.2). Si l'algèbre est noethérienne, la somme directe aussi est injective. COROLLAIRE 2.5. Soient A une K-algèbre noethérienne et (/>J>.eA une famille de A-modules injectifs. Alors 1>. est injectif EB >.eA 2. ALGÈBRES ARTINIENNES ET NOETHÉRIENNES 157 DÉMONSTRATION. On applique le critère de Baer (IV.3.4) : soit lA un idéal à droite de A, on considère le diagramme à ligne exacte où j est l'inclusion et f est A-linéaire: 0 ~A IA - 1l E9I>. >.EA Comme A est noethérienne, il suit du corollaire précédent (ou de (1.5)) que lA est de type fini, disons IA = (xi. ... , Xn). Pour chaque 1 ::; i :5 n, on a n f(xi) E E9 1>., où Ai est une partie finie de A. Soit LJ Ai = >.eA, m m m Alors f(I) Ç E9I>.,· Comme E9I>., i=l {Ài, ... , Àm} ÇA. i=l =II 1>., et le produit de modules injectifs i=l i=l est injectif (IV.3.2), l'énoncé s'ensuit. D Notre objectif est maintenant le suivant. Nous savons déjà que, sur toute K-algèbre A, tout module projectif est plat. Nous allons démontrer que, sur une algèbre noethérienne A, une réciproque partielle est valide, à savoir que tout A-module plat de type fini est projectif. Pour cela, nous aurons besoin de deux lemmes. LEMME 2.6. Soient A une K -algèbre noethérienne, et MA un A-module de type fini. Il existe m, n > 0 et une suite exacte de la forme A~m) ____.A~> ____. M ____.O. DÉMONSTRATION. En effet, M étant de type fini, il existe, d'après (III.3.6), un entier n > 0 et un épimorphisme p: A~) --+M. Comme N = Kerp est un sous-module du module (libre) de type fini A~), il suit de (2.4) que N est aussi de type fini. Donc il existe un entier m > 0 et un épimorphisme p': A~) --+ N. On a démontré l'existence d'une suite exacte A(m) -.!!..+ A(n) ~ M ____. 0 A A où q est la composition de p' et de l'inclusion N --+ A~). D Comme on l'a vu en (III.3) une suite exacte comme celle du lemme s'appelle une présentation (libre) finie. Le lemme (2.6) s'exprime en disant que, sur une algèbre noethérienne, tout A-module de type fini est de présentation finie. LEMME 2.7. Soient A, B deux K-algèbres, avec A noethérienne et soient LA, sMA, sl trois modules, avec LA de type fini et sl injectif. Alors il existe un isomorphisme fonctoriel défini par X® f 1-> (g 1-> f(g(x))) 158 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES (où x EL, f E HomA(M,l), g E HomA(L,M)). DÉMONSTRATION. Il suit de (2.6) qu'il existe deux entiers m, n > 0 et une suite exacte A~m} _,A~> _,LA _,O. Comme le produit tensoriel est exact à droite, on en déduit une suite exacte A(m} ®A HomA(M,l) _, A(n} ®A HomA(M,I) _, L®A HomA(M,l) _,O. D'autre part, le foncteur exact à gauche HomA(-, M) donne une suite exacte 0 _, HomA(L,M) _, HomA(A<n>,M) _, HomA(A<m>,M). Comme Bl est injectif, HomB(-, J) est exact, d'où une suite exacte HomB(HomA(A(m}, M), 1) _, HomB(HomA(A(n}, M), 1) _, HomB(HomA(L,M),I) _,O. On en déduit un diagramme commutatif à lignes exactes A{m) ®A HomA(M,I) 'P A(TR) -+ 11 Homa(HomA(A<"'l,M),I) A{n) ®A HomA(M,l) 'P A(n.) -+ -+ L®A HomA(M,l) 11 'PL Homa(HomA(A<">,M),J) -+ -+ 0 1 Homa(HomA(L,M),I) -+ 0 où 'PA<"'» 'PA<n> et 'PL sont les morphismes fonctoriels donnés. Or il résulte de (V.2.10) et du fait que tout module libre est projectif que ipA<"'> et ipA<n> sont des isomorphismes. Par conséquent, 'PL est aussi un isomorphisme d'après le lemme des 5 (voir (Il.3.5)). D THÉORÈME 2.8. Soit A une K-algèbre noethérienne. Tout A-module plat de type fini est projectif. DÉMONSTRATION. Soit P un A-module plat de type fini. Il faut montrer que le foncteur HomA(P, -) est exact à droite. Soit donc M _, N _, 0 un épimorphisme, on doit démontrer que le morphisme induit HomA(P, M) -+ HomA(P,N) est aussi un épimorphisme. On considère Met N comme des (ZA)-bimodules. Il suffit, d'après (IV.3.11), de montrer que, pour un cogénérateur injectif I de Mod Z (par exemple I = Q/Z), la suite 0--+ Homz(HomA(P,N),I) _, Homz(HomA(P,M),I) est exacte. Or, d'après (2.7), on a un diagramme commutatif avec les flèches verticales des isomorphismes --+ Homz(HomA(P,M),I) --+ P ®A Homz(M, J) ll La ligne du bas est exacte parce que Homz (- , J) est exact (puisque zl est injectif) ainsi que P ®A - (puisque PA est plat). Par conséquent la ligne du haut est exacte aussi, ce qui démontre l'énoncé. D 2. ALGÈBRES ARTINIENNES ET NOETHÉRIENNES 159 Notons que l'énoncé n'est pas vrai si le module en question n'est pas de type fini. En effet, le lecteur pourra démontrer à titre d'exercice qu'un Z-module est plat si et seulement s'il est sans torsion (c'est-à-dire si pour tout x E Met tout entier n =F 0, on a que nx = 0 implique x = 0) (voir l'exercice (V.22)). En particulier, Q est un Z-module plat, mais il n'est pas projectif (en effet, tout Z-module projectif est libre, et Q n'a évidemment pas de base, voir l'exercice (III.28)). Remarquons que Z est une algèbre noethérienne. Nous terminons cette section sur un exemple d'algèbre non noethérienne. Soit K un corps, l'algèbre A = K[ti, t2, ... ] de polynômes en une infinité dénombrable d'indéterminées ti. t2, ... n'est pas noethérienne: en effet, le module ÂA est cyclique {donc de type fini), mais l'idéal I = {ti, t2,. .. ) engendré par les indéterminées en est un sous-module qui n'est évidemment pas de type fini. La même algèbre fournit un exemple de module de type fini qui n'est pas de présentation finie (voir (2.6)). En effet, on a une suite exacte courte 0--+ I--+ A....!..+ A/I--+ 0 et A/I est cyclique {car il est l'image d'un module cyclique) et donc de type fini. Si A/I est de présentation finie, il existe une suite exacte Li ~ Lo -1.!!..+ A/I --+ 0 avec L 0 , Li libres de type fini. Alors M = lm fi est de type fini et on a une suite exacte courte 0--+ M--+ Lo~ A/I--+ O. Le lemme du serpent (II.3.6) donne un diagramme commutatif à lignes et colonnes exactes 0 0 l 0 0 ---+ ---+ M M ---+ ---+ i I ---+ l l ---+ Lo ---+ E l 0 l I l A ---+ 0 ----+ 0 lp /o A/I l 0 avec E le produit fibré de p, / 0 • Comme Lo et A sont libres, la ligne et la colonne du milieu scindent, de telle sorte que l'on a E..; A œM et E..; Lo œ!. Le premier isomorphisme entraîne que EA est de type fini {puisque A et M le sont) et le second que lA l'est aussi (car I est facteur direct de E), ce qui implique une contradiction. Donc, A/ I n'est pas de présentation finie. Le lecteur aura remarqué que l'on a prouvé et appliqué dans un cas particulier le lemme de Schanuel (exercice (IV.12)). 160 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES 3. Décomposition en blocs Dans cette section, nous montrons comment une K-algèbre artinienne ou noethérienne A se décompose en produit d'algèbres indécomposables (c'est-àdire qui ne peuvent être à leur tour décomposées en produit d'algèbres) de sorte que l'étude de la catégorie Mod A se ramène à l'étude de catégories plus petites. La notion de produit d'algèbres a déjà été introduite en {I.1.2). Bornons-nous à t la rappeler: soient Ai. ... , At des K-algèbres, le K-module A= II Ai acquiert i=l naturellement une structure de K-algèbre si on définit la multiplication par (ai. a2, ... , at)(bi. b2, ... , bt) = (a1bi. a2b2, ... , atbt) où ai, bi E A pour 1 :::; i :::; t. Observons que chaque Ai peut être considéré comme un idéal bilatère de A au moyen de l'injection canonique ai 1-+ (0, ... , O, ai, 0, ... , 0). Si on identifie Ai à son image, on voit que Ai A; = 0 si i =F j et A~ Ç Ai (ce qui exprime le fait que la multiplication s'opère par composantes). Notre propos est de caractériser autrement cette situation. Notons Ci l'image de l'identité de Ai par l'injection canonique Ai ---+A. Il est clair que l'identité 1 de A s'écrit comme suit: 1= C1 + C2 + ••• + Ct· Nous allons caractériser les Ci· DÉFINITION. Un élément e E A est appelé un idempotent si e2 = e. Un idempotente est dit central si e appartient au centre Z(A) de A. Deux idempotents e et f sont dits orthogonaux si e/ = fe =O. Par exemple, dans toute algèbre, 0 et 1 sont des idempotents centraux. Si e E A est un idempotent, 1 - e est aussi un idempotent, et est central si e l'est. En outre, 1 - e et e sont orthogonaux. La somme e + f de deux idempotents orthogonaux e et f est un idempotent, lequel est central si e et f le sont. Dans l'algèbre de matrices Mn(K), les matrices eii ayant 1 en position {i, i) et zéro partout ailleurs sont des idempotents deux à deux orthogonaux (et, sin > 1, non centraux). Dans Z12, les éléments 4 et 9 sont des idempotents orthogonaux (et évidemment centraux, puisque Z 12 est commutative). t LEMME 3.1. Soient Ai, ... , At des algèbres, A= II Ai et 1 = c1 +c2+· · ·+Ct i=l une décomposition de l'identité de A avec Ci E Ai· Alors les Ci forment un ensemble d'idempotents centraux deux à deux orthogonaux. En outre, Ci est l'identité de Ai. DÉMONSTRATION. On identifie Ai à un idéal de A. Pour tout ai E Ai, on a t = L:aiCj· j=l 3. DÉCOMPOSITION EN BLOCS 161 Comme aic; E Ai A;, on en déduit que aic; = 0 pour i ;/:- j et donc ai = aiCt pour tout i. De même ciai = ai pour tout i. Cela montre que Ct est l'identité de At, que les Ct sont des idempotents deux à deux orthogonaux (on prend ai= Ct dans aic; = 0 pour i ;/:- j et aiCt = ai)· Pour montrer que ci est central, soit . t a = La; E A avec a; E A; on a j=i Il se fait que, réciproquement, les propriétés établies suffisent à caractériser la décomposition d'une algèbre en produit. THÉORÈME 3.2. Soient A une K-algèbre, et une décomposition de l'identité de A de la forme 1 =ci +c2+· · ·+Ct où les Ct forment un ensemble d'idempotents centraux et deux à deux orthogonaux. Pour chaque 1 ~ i ~ t, on a que Ai= CtA t est un idéal bilatère de A et A .:; II Ai. i=i DÉMONSTRATION. Il est évident que le fait que Ci soit central implique que t CtA est un idéal bilatère. Il reste à montrer que A .:; II Ai. Mais on voit i=i immédiatement que a 1-+ (ci a, caa, ... , Cta) (pour a E A) et (a11 aa, ... , at) 1-+ ai+ aa + · · · + at (où ai E Ai pour 1 ~ i ~ t) sont des morphismes d'algèbres, inverses l'un de l'autre. D Par exemple, dans Zia, on a Ï = 4 + 9 donc Zia.:; 4Zi2 x 9Zi2 en tant que Z-algèbres. Or 4Zi2 = {O, 4, 8} et 9Zi2 = {O, 3, 6, 9} : notons que 4 est l'identité de 4Zi2 et 9 celle de 9Zi2· Enfin, 4Zi2.:; Z3 et 9Zi2.:; Z4 de telle sorte que l'on a un isomorphisme de Z-algèbres Zia.:; Z3 x Z4. On a montré qu'il existe une bijection entre décompositions d'une algèbre en produit d'algèbres, et décompositions de son identité en somme d'idempotents centraux deux à deux orthogonaux. Une première conséquence est que l'on peut utiliser cette bijection pour caractériser les algèbres qui ne peuvent se décomposer en produit d'algèbres. DÉFINITION. (a) Une K-algèbre non triviale A est dite connexe (ou indécomposable en produit), si A= Aix A2, avec Ai,A2 des K-algèbres, implique Ai = 0 ou A2 =O. (b) Un idempotent central c ;/:- 0 est dit centralement primitif si c = ci + ca avec ci, c2 idempotents centraux orthogonaux implique ci = 0 ou c2 = O. On a alors une conséquence évidente du théorème (3.2). COROLLAIRE 3.3. Une K -algèbre A est connexe si et seulement si 1 est un idempotent centralement primitif. D 162 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES Soit A une K-algèbre, une décomposition de l'identité 1 = ci + c2 + · · ·+ Ct en somme d'idempotents centraux deux à deux orthogonaux ayant pour propriété que le nombre t de termes de cette somme est maximal a nécessairement chaque terme c; centralement primitif (et donc chaque algèbre c;A est connexe). Nous allons montrer qu'une telle décomposition existe si A est une algèbre artinienne ou noethérienne. THÉORÈME 3.4. Soit A une K -algèbre artinienne ou noethérienne. Alors A est isomorphe à un produit fini d'algèbres connexes uniquement déterminées. DÉMONSTRATION. Supposons d'abord A noethérienne. Si A est connexe, il n'y a rien à prouver. Sinon, on considère la famille des idéaux bilatères propres I de A tels qu'il existe un idéal J satisfaisant A = I x J. Comme A est noethérienne, cette famille admet un élément maximal A~. Posons A = Ai x A~. Si A~ est lui-même connexe, on a fini. Sinon écrivons A~ = A2 x A2, où A2 est maximal parmi les idéaux bilatères strictement contenus dans A~. Par récurrence, on arrive à une décomposition A = Ai X ••• X At X A~. Comme A est noethérienne, la suite croissante d'idéaux bilatères (Ai x · · · x Ai)i;::i doit devenir stationnaire, c'est-à-dire qu'il existe un t ~ 1 tel que A~ =O. Chaque Ai étant connexe, on a ainsi la décomposition voulue de A. Cela montre l'existence dans le cas noethérien. Le cas artinien se traite en choisissant à chaque étape Ai minimal non nul : alors les A~ forment une suite décroissante qui doit aussi devenir stationnaire. Quant à l'unicité de la décomposition, supposons que A = Ai X ••• X At = Bi X ••• X B8 avec les Ai, B; des K-algèbres connexes. Alors on a: Comme Ai est connexe, il existe 1 :$ j :$ s tel que Ai = AiBi et AiBk = 0 pour k f:. j. Mais on a aussi Bj = ABj =(Ai X .•• X At)B; = (A1B;) X •.• X (AtB;) avec B; connexe. Par conséquent, B; = AiB; = Ai· On en déduit que II At~A/Ai = A/B; ~II B; t~i k~j et on achève par récurrence. D Si par exemple A est une algèbre de dimension finie sur un corps K, le théorème s'applique et on obtient que A est isomorphe à un produit fini d'algèbres connexes uniquement déterminées. 3. DÉCOMPOSITION EN BLOCS 163 t Si A est une K-algèbre noethérienne ou artinienne et si A~ IJ Ai avec les i=i Ai connexes, chaque Ai est appelé un bloc de A. Le théorème (3.4) est souvent appelé théorème de la décomposition en blocs. L'intérêt principal du théorème (3.4) est qu'il permet de ramener l'étude de la catégorie Mod A à l'étude des catégories Mod Ai avec Ai bloc de A. Si on s'intéresse à l'étude des catégories de modules, on peut donc toujours supposer que l'on a une algèbre connexe. DÉFINITION. Soient C, V deux catégories. On définit leur produit C x V comme la catégorie dont les objets sont les paires (X, M) avec X un objet de C et Mun objet de V, les morphismes de (X, M) dans (Y, N) sont les paires(!, u) avec f: X-+ Y un morphisme de C, et u: M-+ N un morphisme de 'D, la composition des morphismes est définie par composantes. Il est facile de vérifier que C x V est en effet une catégorie et qu'elle est K-linéaire (ou K-abélienne) si Cet V sont K-linéaires (ou K-abéliennes, respectivement). En outre, si C et V sont K-linéaires, on a des foncteurs d'inclusion C -+ C x V et V -+ C x V définis respectivement par X i-+ (X, 0) et M i-+ (0, M) et des foncteurs de projection C x V-+ Cet C x V-+ V définis respectivement par (X, M) i-+ X et (X, M) i-+ M. Avec ce langage, la proposition suivante affirme que, si A = Aix A2, la donnée d'un A-module équivaut à la donnée d'une paire formée d'un Ai-module et d'un A2-module. PROPOSITION 3.5. Soient A une K -algèbre et A = Aix A2 une décomposition de A, alors on a une équivalence de catégories ModA~ (ModAi) x (ModA2). DÉMONSTRATION. Soit en effet 1 = ci + C2 la décomposition de l'identité de A en somme d'idempotents centraux orthogonaux, associée à la décomposition A= Ai xA2. Soit Mun A-module. Il est évident que, pour i = 1, 2, MCi = {xCï 1 x E M} est un Ai-module. On a donc un foncteur Mod A -+ Mod Ai x Mod A2 donné par M i-+ ( M ci, M c2) : si en effet f : M -+ N est un morphisme de ModA, on a f(xci) = f(x)ci (pour x E M) donc la restriction de f à MCi est un morphisme de Mod Ai. Réciproquement, soit (Mi,M2) un objet de ModAi x ModA2. Alors M = Mi x M2 devient un A-module si on définit le produit par composantes : (xi,x2)(ai,a2) = (xiai,x2a2) où Xi E Mi, ai E Ai pour i = 1, 2. Si la paire (fi, '2) : (Mi. M2) -+ (Ni, N2) est un morphisme de Mod Ai x Mod A2, le morphisme f : Mi x M2 -+ Ni x N2 de Mod A se définit par /(xi. x2) = (/i (xi), f2(x2)), où Xi E Mi pour i = 1, 2. Cela définit un foncteur ModAi x ModA2 -+ ModA dont on voit immédiatement qu'il est l'inverse du précédent. D Nous terminons cette section avec une application. 164 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES THÉORÈME 3.6. Soient A une algèbre, li. ... , lt des idéaux bilatères, A, t A/li et f: A Alors: II Ai le morphisme défini par a 1-+ = (a+ Iih$i$t (pour a E A). i=i n t (a) f est injectif si et seulement si Ji =o. i=l (b) f est surjectif si et seulement si, pour tous i =F j, on a li + I; = A {les idéaux li et I; sont alors dits comaximaux ou étrangers). nh t DÉMONSTRATION. (a) Il est évident que Ker f = i=i (b) Supposons que f est surjective et que i :f:. j. Il existe ai E A tel que ai e Ji et 1 - ai E I; (c'est-à-dire a, = 0 mod li et ai = 1 mod I;). Alors 1 = ai + (1 - ai) E J, + I; et donc A = li + I;. Réciproquement, supposons que les li sont deux à deux étrangers et soit Bi= I;. Comme, pour chaque i > 1, on a J, +li =A, il existe ai Eli et n #i a~ E li tels que 1 = ai + a~. Par conséquent Comme a~··· a~ E Bi par définition, on a 1 E li +Bi et donc A = Posons donc 1 =ci+ bi avec ci Eli et bi E Bi. Alors De même, pour chaque i li +Bi. > 1, il existe bi E B, tel que Donc, pour tout ensemble {xi, ... ,xt} d'éléments de A, on a et f est bien surjective. D On déduit immédiatement du théorème que, si A est une algèbre et si li, . .. , lt t sont des idéaux bilatères, alors le morphisme f :A - II(A/ li) défini par i=i a 1-+ (a+Iih$i$t (pour a E A) est un isomorphisme si et seulement si les I, sont n t deux à deux étrangers et tels que J, = O. En outre, on a le corollaire suivant. i=i COROLLAIRE 3.7 (THÉORÈME CHINOIS). Soient mi, ... 'mt des entiers positifs deux à deux copremiers et ai, ... , at des entiers arbitraires. Il existe un entier x tel que x = ai mod mi pour tout 1 ::::; i ::::; t. 4. MODULES SIMPLES 165 DÉMONSTRATION. En effet, 1ni et m; sont copremiers si et seulement s'il existe des entiers s, t tels que sm, + tm; = 1 . Par conséquent, m, et m; sont copremiers si et seulement si Z = miZ + m;Z, ce qui équivaut à dire que miZ et m;Z sont des idéaux étrangers de Z. L'existence de x revient alors à la t surjectivité du morphisme Z --+ IJ Zm, défini par a 1-+ (a+ miZh:s;i:s;t {pour i=l a E Z). D 4. Modules simples Un module est dit simple lorsque son treillis de sous-modules est le plus simple possible. DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Un A-module non nul SA est dit simple si ses seuls sous-modules sont 0 et S. Il est clair qu'un idéal à droite IA d'une algèbre A est un A-module simple si et seulement si lA est minimal dans l'ensemble des idéaux à droite non nuls de A. Bien sûr, il n'est pas vrai que toute algèbre ait des idéaux à droite minimaux, et donc des sous-modules simples : en effet, une algèbre artinienne admet, par définition, de tels sous-modules, mais l'algèbre noethérienne Z n'en admet pas. Par contre, toute algèbre A admet, d'après (II.1.7), des idéaux à droite maximaux. La proposition suivante implique alors que, pour toute K-algèbre A, il existe des A-modules simples. PROPOSITION 4.1. Soient A une K-algèbre et SA un A-module non nul. Les conditions suivantes sont équivalentes: {i) SA est simple. {ii) S = xA pour tout 0 =f. x E S. (iii) Il existe un idéal à droite maximal I de A tel que S -=+ A/I. DÉMONSTRATION. (i) implique {ii). En effet, si 0 =f. x E S, alors xA est un sous-module non nul de S, donc est égal à ce dernier. {ii) implique (i). Si M est un sous-module non nul de Set si 0 =f. x E M, la condition donnée implique (puisque x ES) que S = xA Ç M, d'où S =M. {i) implique (iii). Il suit de l'équivalence de {i) et {ii) que S est cyclique. D'après (II.4.2), il existe un idéal à droite I de A tel que S-=+ A/I. Mais alors, la simplicité de S et le théorème d'isomorphisme (II.4.5) impliquent que I est maximal. (iii) implique {i). Cela résulte directement du théorème d'isomorphisme (II.4.5) et de la maximalité de I. D On voit donc qu'un module simple est une forme particulièrement forte de module cyclique puisque tout élément non nul l'engendre. Les modules simples sont souvent considérés comme des blocs permettant de bâtir les autres modules. Par exemple, il suit du théorème fondamental de structure des groupes abéliens de type fini, que tout groupe abélien {Z-module) fini s'obtient (en prenant des sommes directes et des extensions) à partir des Z-modules simples, et ces derniers 166 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES sont précisément les Z-modules de la forme Zp, avec p premier. Nous verrons à la section suivante comment généraliser cet énoncé. La propriété principale des A-modules simples est la suivante: LEMME 4.2 (LEMME DE SCHUR). Soit linéaire non nulle. f : MA --+ NA une application A- (a) Si M est simple, alors f est injective. (b) Si N est simple, alors f est surjective. DÉMONSTRATION. Comme f =F 0, on a Ker f =F M et lm f =F O. Par conséquent, si M est simple, on a Ker f = 0 tandis que, si N est simple, on a lm f = N.D COROLLAIRE 4.3. Soit SA un A-module simple, alors End S est un corps (peut être gauche). DÉMONSTRATION. Il suit en effet du lemme de Schur (4.1) que tout morphisme non nul f : S --+ S est un isomorphisme. D 5. Suites de composition, théorème de Jordan-Holder Il est naturel d'essayer de construire de nouveaux modules par extensions répétées de modules simples. Cela mène à la définition suivante. DÉFINITION. Soit M un A-module non nul. Une suite finie de sous-modules deM 0 = Mo Ç Mi Ç · · · Ç Mm = M est appelée une suite de composition de longueur m pour M si chaque Mi+i/Mi {où 0 ::; i < m) est un A-module simple. Ces quotients sont appelés les facteurs de composition de M. Il revient au même de dire que chaque terme de la suite est maximal dans le suivant. On remarque que la longueur m n'est autre que le nombre de facteurs de composition. EXEMPLES 5.1. (a) On considère le groupe abélien Zpm (avec m premier). On sait qu'il existe une suite de sous-groupes > 0, et p avec piZpm/pi+ 1Zp"'-.:::+ Zp simple. C'est donc une suite de composition. En fait le treillis de sous-groupes de Zp... est de la forme 5. SUITES DE COMPOSITION, THÉORÈME DE JORDAN-HÔLDER 167 Les facteurs de composition sont représentés par les segments verticaux, tous isomorphes à Zp. On remarque que IZp"' admet une unique suite de composition. (b) Le groupe de Klein V4 = /Z2 œ /Z2 admet trois suites de composition distinctes ((0, 0)) ~ ((0, Ï)} ~ V4, ((0, 0)) ~ ((ï, 0)) ~ V4 et ((0, 0)) ~ {(Ï, Ï)} ~ V4. Ici, le treillis de sous-groupes est de la forme ((O,I)) ((i,o)) On remarque que chaque facteur de composition est isomorphe à /Z2 • (c) Par contre, G = /Z4 œ::Es a un treillis de sous-groupes de la forme ((I,O)) ((0,i)) On a encore 3 suites de composition distinctes données par ((0,0} ~ ((2,0)} ~ ((ï,O)} ~ G, ((0, O} ~ ((2, 0)) ~ ((2, ï)) ~ G, ((0, O} ~ ((0, Ï)} ~ ((2, ï)} ~ G. On remarque que, dans chacune de ces suites, toutes de longueur 3, on a deux facteurs de composition isomorphes à /Z2 (indiqués par une barre simple) et un 168 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES facteur de composition isomorphe à Za (indiqué par une barre double}. Le but de cette section est d'expliquer ce phénomène. PROPOSITION 5.2. Un A-module M est artinien et noethérien si et seulement s'il admet une suite de composition. DÉMONSTRATION. Nécessité. En utilisant l'hypothèse que M est artinien, on construit une suite 0 = Mo ~ Mi ~ M2 ~ · · · de sous-modules de M telle que les quotients Mi+i/Mi sont simples. En effet, supposons que Mo, ... , Mi ont été construits et que Mi =/: M. On considère le A-module M/Mi. Il suit de (1.3) que M/Mi est artinien. Il existe donc un sous-module MHi de M contenant Mi tel que Mi+i/Mi soit un sous-module minimal de M/Mi (c'est-à-dire qu'il soit simple). Comme M est un A-module noethérien, la suite 0 =Mo ~ Mi ~ M2 ~ · · · doit devenir stationnaire. Notre construction implique donc l'existence d'un m tel que Mm= M. Suffisance. Supposons que M ait une suite de composition. On prouvera l'énoncé par récurrence sur la longueur minimale m de toutes les suites de composition pour M. Si m = 1, M est un A-module simple et donc est trivialement artinien et noethérien. Si m > 1, on considère une suite de composition 0 =Mo~ Mi~···~ Mm= M de longueur minimale m pour M. Alors Mm-i a une suite de composition de longueur m - 1, donc est artinien et noethérien, par l'hypothèse de récurrence. D'autre part, M/Mm-i est simple, donc aussi artinien et noethérien. On applique (1.3) à la suite exacte courte 0----+ Mm-i ----+ M ----+ M/Mm-i ----+o. D Il suit immédiatement de cette proposition et de (1.3) que si l'on a une suite exacte courte de A-modules 0 ----+ L ----+ M ----+ N ----+ 0 alors M admet une suite de composition si et seulement si L et N en admettent une. Nous arrivons au résultat principal de cette section, qui est qu'un module artinien et noethérien détermine uniquement ses facteurs de composition ainsi que leur nombre.(Par contre, l'ordre des facteurs de composition n'est pas uniquement déterminé, et donc la réciproque du théorème suivant n'est généralement pas vraie : deux modules non isomorphes peuvent avoir exactement les mêmes facteurs de composition et en nombre égal.) THÉORÈME 5.3 (THÉORÈME met deux suites de composition DE JORDAN-HOLDER). Si un A-module M ad- et 0 = No ~ Ni ~ · · · ~ Nn = M alors m = n et il existe une permutation a de {O, 1, ... , n -1} telle que Ni+i/Ni -=. Mu(i)+i/Mu(i) pour tout 0 :::; i <m. 5. SUITES DE COMPOSITION, THÉORÈME DE JORDAN-HÔLDER 169 DÉMONSTRATION. Par récurrence sur m. Sim= 0, alors M = 0 et n =O. Sim = 1, alors M est simple : sa seule suite de composition est évidemment o ç M, et donc n = 1. Sim> 1, on considère la suite de sous-modules: 0 = Non Mm-i Ç Ni n Mm-i Ç · · · Ç Nn n Mm-i = Mm-i = No Ç Ni + Mm-i Ç · · · Ç Nn + Mm-i = Mm = M. Comme M/Mm-i = Mm/Mm-i est simple, il existe un unique 0 :5 i + Mm-i < n tel que Mm-i=No+Mm-i=···=Nï+Mm-i ~ Nï+i+Mm-i=···=Nn+Mm-i=Mm·. D'autre part, d'après (1.2), on a pour tout 0 :5 j < n une suite exacte courte 0 ----+ N;+i n Mm-i N; n Mm-i - N;+i + Mm-i N; + Mm-i N;+i N; -- - ----+ O • En particulier, le terme médian de cette suite étant simple, un seul des termes extrémaux est isomorphe à ce module simple, tandis que l'autre est nul. Pour j = i, on a Mm _ Nï+i + Mm-i _ Nï+i - - ----+ ----+ - Mm-i Ni+ Mm-i Ni (et donc NHi n Mm-i .=Nin Mm-i) tandis que, pour j =/: i, on a N;+i n Mm-i N; nMm-i _ N;+i ----+ - - N; c'est-à-dire que N;+i nMm-i =/: N; nMm-i et que leur quotient est simple. Cela montre que la suite 0 = Non Mm-i ~ Ni n Mm-i ~ · · · ~ Nin Mm-i = Nï+i n Mm-i ~ Nn ~ ··· n Mm-1 = Mm-i· est une suite de composition pour Mm-i de longueur n - 1. En vertu de l'hypothèse de récurrence, m - 1 = n - 1 (et donc m = n) et il existe une bijection a : {0,1, ... ,i - 1,i + 1, ... ,n - 1} --+ {0,1, ... ,m - 1} telle que N;+i/N; ~ Mu(;)+i/Mu(j) pour j =/: i. On achève la démonstration en posant a(i) = m -1.D Il s'ensuit immédiatement que, pour tout A-module M artinien et noethérien, c'est-à-dire ayant une suite de composition, toutes les suites de composition ont la même longueur. Cette longueur est appelée longueur de composition de M et est notée l(M). On convient que si M = 0, alors l(M) = O. Un A-module M est simple si et seulement si l(M) = 1. Le Z-module Zpm (m > 0, p premier) est de longueur m, tandis que l(Z2 $Z2) = 2 et l(Z4 $Za) = 3 (voir (5.1)). On note que dire que M admet une suite de composition revient à dire que M est de longueur (de composition) finie ; nous emploierons de préférence cette dernière expression. COROLLAIRE 5.4. Soit M un A-module de longueur finie. type fini. Alors M est de 170 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES DÉMONSTRATION. En effet, si M est de longueur finie, il est noethérien, d'après (5.2). Il ne reste plus qu'à appliquer (1.5). D L'intérêt de ce corollaire est le suivant. Comme nous l'avons dit, nous allons démontrer que toute algèbre artinienne à droite est aussi noethérienne à droite. Soit donc M un module de type fini sur une algèbre artinienne à droite. Il suit de (2.3} que M est artinien et noethérien. D'après (5.2}, M est de longueur finie. Le corollaire (5.4} nous assure alors que toutes les conditions précédentes sont équivalentes. Nous montrerons ceci en (VII.4.12} plus loin. COROLLAIRE 5.5. Soit 0 -----+ L -----+ M de modules de longueur finie. Alors f(M) = f(L) -----+ N -----+ 0 une suite exacte courte + f(N). DÉMONSTRATION. On peut supposer que L Ç M et que N = M/L. Si Lo ~ Li ~ · · · ~ L 8 = L est une suite de composition pour L et si = Mo/L ~ Mif L ~ · · · ~ Mt/L = M/L = N en est une pour N, alors on vérifie immédiatement que la suite 0 = Lo ~ Li ~ · · · ~ L 8 = L = Mo ~ Mi ~ · · · ~ Mt = M est une suite de composition pour M. Par conséquent, f(M} = s + t = f(L) + f(N). D 0 0 = COROLLAIRE 5.6 (FORMULE DE GRASSMANN}. SoientL, N deux sous-modules de M, alors f(L + N) + f(L n N) = f(L) + f(N). DÉMONSTRATION. On considère les suites exactes courtes 0 -----+ L nN -----+ L -----+ n N) -----+ 0 + N) / N -----+ 0. L / (L et 0 -----+ N -----+ L +N -----+ ( L Comme L/(L n N) ~ (L + N)/N, on a, d'après (5.5} f(L + N) - f(N) = f((L + N)/N) = f(L/(L n N)) = f(L) -f(L n N) d'où l'énoncé. D 6. Modules semisimples DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Un A-module M est dit semisimple s'il est une somme (peut-être infinie) de A-modules simples. On convient de considérer le module nul comme semisimple, en tant que somme vide de modules simples. Il est clair que tout module simple est semisimple. Tout espace vectoriel sur un corps C (peut-être gauche} est semisimple en tant que C-module : en effet, un tel espace est la somme directe de copies de Cc, et comme dimCc = 1, on a que Cc est simple. Soit A = Z. Le module Z3o est semisimple puisque Z30 ~ Z 2 œZ3 œZs, et chacun des facteurs Z2, Z3 et Z5 est simple. Par contre, pour un nombre premier p arbitraire, Zp2 n'est pas semisimple: en effet, il a un unique sous-module non trivial Zp. On comparera utilement les treillis de sous-modules de Z30 : 171 6. MODULES SEMISIMPLES Si S1 =F S2 sont deux sous-modules simples de M, alors S1+S2 = S1 EBS2: en effet, si S1 n S2 =F 0, on aurait S1 = S1 n S2 = S2. Donc un module semisimple qui est une somme finie de modules simples est une somme directe. On est en droit de se demander s'il en est de même pour les sommes arbitraires de modules simples. Dans notre premier lemme, nous montrons que tout sous-module d'un Amodule semisimple en est un facteur direct. LEMME 6.1. Soient SA = L s)t., où chaque SÀ est un A-module simple, et ÀEA LA un sous-module arbitraire de S. Alors il existe E Ç A tel que S = L œ (E9sa) · aer: e DÉMONSTRATION. On considère l'ensemble des parties E de A ayant la propriété que la somme L + Sa est directe. Alors =F 0, puisque la partie aer: vide est un élément de ê. Comme il est clair que e, ordonné par inclusion, est un ensemble inductif, il suit du lemme de Zorn qu'il existe une partie E de A maximale pour la propriété que la somme M = L + Sa est directe. Il reste aer: à montrer que M =S. Commes= s)t., il suffit de démontrer que SÀ ç M L e L L ÀEA pour tout À E A. Mais si S)t. '/, M, comme S)t. est simple, S)t. nM = O. Par 172 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES conséquent, la somme M D + S>. est directe, ce qui contredit la maximalité de I::. THÉORÈME 6.2. Soit SA un A-module. Les conditions suivantes sont équivalentes: (a) SA est semisimple. {b) SA est la somme directe de A-modules simples. (c) Tout sous-module de S en est un facteur direct. DÉMONSTRATION. Si {b) implique (a) trivialement, il suit de {6.1) avec L = O que (a) implique {b). On a d'autre part, toujours d'après {6.1), que (a) implique (c). Il reste à montrer que (c) implique (a). On commence par montrer que tout sous-module non nul L de S contient un sous-module simple. Comme un tel sous-module non nul contient toujours un sous-module cyclique, on peut supposer que Lest cyclique. D'après (II.1.6), L contient un sous-module maximal M. D'après (c), il existe un sous-module N de S tel que S = M œN. Il suit alors de la loi modulaire (II.1.4) que L = (MœN)nL = Mœ(NnL). On en déduit que N n L .::::+ L/M est un sous-module simple de L, ce qui établit notre énoncé. Soit donc S' la somme de tous les sous-modules simples de S. D'après (c), il existe L tel que S = S' œL. Or, si L ":/:- 0, alors L contiendrait un sousmodule simple, lequel devrait aussi être un sous-module de S' (par définition de ce dernier) et on aboutirait à l'absurdité S' n L ":/:-O. Par conséquent L = 0 et S = S' est semisimple. D Il suit directement de {6.2) que toute somme directe de modules semisimples est semisimple. En outre, on a le corollaire suivant. COROLLAIRE 6.3. Soit SA = L S>. avec les S>. des A-modules simples. Si >.eA M est un sous-module de S, alors il existe E ç A tel que M.::::+ EE) Su. uEE DÉMONSTRATION. D'après (6.2), il existe un sous-module N tel que S MœN, et donc, d'après {6.1), on a une partie E ÇA telle que S = Nœ (œ = Su). uEE Donc M .::::+S/N .::::+ Ef)Su. D uEI: COROLLAIRE 6.4. Soit 0 --+ L --+ M --+ N --+ 0 une suite exacte de A-modules. Si M est semisimple, alors L et N sont semisimples. DÉMONSTRATION. En effet, L est un sous-module de M, donc en est un facteur direct d'après {6.2). Par conséquent, il existe un sous-module L' de M tel que M = LœL'. Or N.::::+M/L.::::+(LœL')/L.::::+L' donne que N est aussi 7. ALGÈBRES SEMISIMPLES 173 isomorphe à un sous-module de M. Il ne reste plus qu'à appliquer (6.3) à L et àN. D Si, dans la suite exacte de (6.4), L et N sont semisimples, il n'en est pas nécessairement de même de M, comme le montre la suite exacte de Mod Z 0 -----+ Zp2 ~ Zp L Zp -----+ 0 (oùpdésigne un nombre premier, f est l'inclusion deZp dans Zp2, et g = coker !). Si f : SA ---+ SA est un morphisme entre modules semisimples, il suit du lemme de Schur (4.2) que l'image d'un sous-module simple de S est un sous-module simple de S' qui lui est isomorphe. D'autre part, l'algèbre d'endomorphismes d'un module simple est, toujours d'après le lemme de Schur, un corps (peut-être gauche). On déduit de ces deux remarques et de (III.2.11) une description de l'algèbre d'endomorphismes d'une somme directe finie de modules simples. t ( n; PROPOSITION 6.5. Soit S = ~ ~ Sik ) avec les Sik simples et Sik .=. S;e si et seulement si i = j. Alors, posant Ki= EndSiki on a: n; DÉMONSTRATION. Posons Mi = œsik· Il suit des remarques précédentes k=l et de (III.2.11) que HomA(Mi, M;) = 0 pour if:. jet que End Mi= [HomA(Sïk,Su]ke.=.Mn,(EndSik) = Mn,(Ki) où Ki est un corps (peut-être gauche). Par conséquent, t t EndSA = [HomA(Mi,M;)]ï;.=. ITEndMi.=. i=l Par exemple, si A= Z et M = Za que œZa œZs, Il Mn,(Ki)· D i=l il résulte du calcul précédent 7. Algèbres semisimples DÉFINITION. Une K-algèbre A est dite semisimple si AA est un A-module semisimple. Le lecteur remarquera l'asymétrie virtuelle de cette définition: en effet, si AA est semisimple, rien n'indique que AA le soit aussi. C'est pourtant le cas, ainsi qu'on le verra plus bas. Commençons notre analyse des algèbres semisimples par quelques commentaires. Un idéal à droite de A qui est simple en tant que A-module est, bien sûr, minimal. Une algèbre semisimple est donc une somme directe d'idéaux à droite minimaux. D'autre part, si SA est un A-module simple arbitraire, alors SA est isomorphe à un quotient de A par un idéal à droite maximal, donc, d'après (6.4), 174 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES est isomorphe à un facteur direct de AA, lequel est donc un idéal à droite minimal de A. Nous avons montré que, si A est semisimple, les A-modules simples coïncident alors avec les idéaux à droite minimaux de A. Le théorème suivant, dû à Wedderburn, décrit complètement la structure des algèbres semisimples. THÉORÈME 7.1. Soit A une K-algèbre. Les conditions suivantes sont équiva- lentes: (a) A est semisimple. (b) Tout A-module à droite est semisimple. (c) Tout A-module à droite est projectif. ( d) Tout A-module à droite est injectif. (e) Toute suite exacte courte 0---+ LA---+ MA---+ NA ---+ 0 est scindée. {f) Tout idéal à droite de A est un facteur direct de A. t · (g) A-=. K. Il Mn,(Ki), où les Ki sont des sur-corps {peut-être gauches) de i=l DÉMONSTRATION. (a) équivaut à (b). En effet, si AA est semisimple, tout module libre est semisimple et donc un module arbitraire l'est aussi (d'après {6.4)). La réciproque est évidente. (a) équivaut à (f). En effet, si A est semisimple, {f) suit d'après {6.1)'. La réciproque suit d'après {6.2) puisque {f) dit que tout sous-module de AA en est un facteur direct. (c) équivaut à (e), lequel équivaut à {d). En effet, on applique (IV.2.4) et (IV.3.3). (a) implique (g) d'après {6.5). En effet, AA est égal à une somme directe finie de A-modules simples : écrivons AA = @>.S>. avec les S>. simples, on a 1 = e>. 1 + · · · + e>.t avec 0 -::/: e>., E S>., pour 1 ~ i ~ t. D'après (4.4), on a t S>., = e>., A. En outre, tout a E A s'écrivant a = 1 ·a = e>. + · · ·+ e>.t a E L S>.;, 1 i=l t on a bien A = $ S>.n et on peut appliquer {6.5). i=l (b) implique (e). Soit en effet 0---+ L---+ M---+ N---+ 0 une suite exacte courte de ModA. Si tout A-module est semisimple, il suit de {6.2) que Lest un facteur direct de M, et la suite est scindée. (e) implique {f). En effet, dire que toute suite exacte courte de ModA est scindée entraîne par exemple que tout idéal à droite de A en est un facteur direct. (g) implique (a). Comme il est clair qu'un produit fini d'algèbres semisimples est semisimple, il suffit de montrer que, si K' est un sur-corps (peut-être n gauche) de K, alors Mn(K') est semisimple. Posons Mn(K') = $li, où i=l li = eiiMn(K'). Nous montrerons que li est un sous-module simple de Mn(K') : cela établira que Mn(K') est semisimple. Si on considère li comme un K'module (c'est-à-dire un K'-espace vectoriel) à gauche, on a li..=. K'(n), l'action 7. ALGÈBRES SEMISIMPLES 175 de Mn(K') à droite pouvant être regardée comme celle de l'ensemble des endomorphismes du K'-module h Soit x E 1.t un élément non nul. Il existe une base '.B du K'-espace vectoriel li telle que x E '.B. Pour chaque y E li, cette base permet de construire une application K'-linéaire f : li --. li telle que y = f(x). On a donc xMn(K') =li pour chaque x E Ji tel que x =/:O. D'après (4.1), li est bien simple. D En particulier, tout sur-corps K' de K est une K-algèbre semisimple. Comme la condition (g) du théorème est symétrique, on peut ajouter au théorème d'autres conditions équivalentes avec "droite" remplacé par "gauche". En particulier, une algèbre est semisimple "à droite" si et seulement si elle l'est "à gauche" . Cela justifie notre omission du côté dans l'énoncé de la définition. On a montré au passage que toute algèbre semisimple est artinienne et noethérienne : en effet, on a prouvé {dans (a) implique (g)) que AA est égal à une somme directe finie de A-modules simples, donc AA est de longueur finie et, par conséquent, est un module artinien et noethérien (voir (5.2)). Il existe un cas particulier important, à savoir celui où K est un corps algébriquement clos. PROPOSITION 7.2. Soient K un corps, et A une K -algèbre de dimension finie. Pour tout a E A, il existe un unique polynôme unitaire ma E K[t] qui est irréductible et tel que: {a) ma(a) =O. {b) Si f E K[t] est tel que f(a) = 0, alors ma divise f (on dit que ma est le polynôme minimal de a E A). DÉMONSTRATION. Comme K[t] est un domaine d'intégrité principal, il suffit de démontrer l'existence d'un polynôme f E K[t] tel que f(a) = O. Or, comme A est un K-espace vectoriel de dimension finie, les éléments 1, a, ... , a"', ... de A ne peuvent être tous linéairement indépendants sur K. D COROLLAIRE 7.3. Soit K un corps algébriquement clos. Si K' est un surcorps de K et est de dimension finie sur K, alors K' = K. DÉMONSTRATION. Soit a E K' ; il existe un polynôme ma E K[t] irréductible et unitaire tel que ma(a) = O. Or, K étant algébriquement clos, on a ma(t) = t - a (pour un a E K). Donc 0 = ma(a) =a- a entraîne a= a E K. D COROLLAIRE 7.4. Soit A une K -algèbre de dimension finie sur un corps algét briquement clos K. Alors A est semisimple si et seulement si A..::+ Il Mn,(K). i=l DÉMONSTRATION. Il suffit, d'après {7.3) et (7.1), de montrer que l'algèbre d'endomorphismes d'un A-module simple S est de dimension finie sur K. Or un tel A-module simple S est isomorphe à un idéal à droite minimal de A, donc à un sous-espace vectoriel de AK. Par conséquent dimK S ~ dimK A < oo et dimK EndS < oo. D 176 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES Rappelons qu'une K-algèbre A=/: 0 est dite simple si ses seuls idéaux bilatères sont 0 et A. On a vu en (I.1.2), exemple (c), que, si K' est un sur-corps (peut-être gauche) de K, alors Mn(K') est simple. Le théorème suivant, dû à Wedderburn et Artin, montre que la réciproque est vraie dans le cas artinien. THÉORÈME 7.5. Soit A une K-algèbre artinienne à droite (ou à gauche) non nulle. Alors A est simple si et seulement s'il existe un sur-corps (peut-être gauche) K' de K et un n > 0 tels que A-=+Mn(K'). DÉMONSTRATION. Il suffit de montrer la nécessité. Comme A est artinienne à droite et non nulle, elle doit avoir des idéaux à droite minimaux, c'est-à-dire aS est un idéal bilatère non nul de des A-modules simples. Alors AS = L aEA A, pour tout A-module simple S. Par conséquent, L aS =A puisque A est aEA simple. Or, pour chaque a E A, il existe un épimorphisme SA---+ aSA défini par x 1--t ax (pour x E S). Comme S est simple, le sous-module aS de A est ou nul ou simple, et est dans ce second cas isomorphe à S. Par conséquent, AA est semisimple. D'après (7.1), A est un produit d'algèbres de matrices. Il ne reste plus qu'à appliquer encore une fois l'hypothèse que A n'a pas d'idéaux bilatères non triviaux. D COROLLAIRE 7.6. Soient K un corps algébriquement clos, et A une K -algèbre de dimension finie. Alors A est simple si et seulement s'il existe n > 0 tel que A-=+Mn(K). DÉMONSTRATION. Il suffit d'appliquer (7.5) et (7.3). D Les théorèmes (7.1) et (7.5) nous permettent de donner une description complète des modules de type fini sur une algèbre semisimple et artinienne. En effet, supposons d'abord que l'on a affaire à une algèbre simple et artinienne. PROPOSITION 7.7. Soit A= Mn(K') avec K' un sur-corps de K. Pour 1 i ~ n, posons que Si = eiiA. Alors : ~ n (a) AA-=+ œsi. i=l {b) Si est un sous-module simple de A. (c) Si-:+ S; pour tous i,j. DÉMONSTRATION. (a) est évidente, puisque les eii sont des idempotents deux à deux orthogonaux. (b) Il est clair que Si est simple ; il suffit, d'après (4.1), de prouver que si = xA pour tout X E si non nul. n Un tel X s'écrit X = L i=l eijXj et il existe 7. ALGÈBRES SEMISIMPLES 177 n 1 ~ jo ~ n tel que Xjo y =X (t '#o. Mais alors, pour un y= L eikYk E si, on a toujours k=l ejkXj 1Yk) E xA. Cela montre bien que si = xA. k=l (c) En effet, on considère le morphisme f : Si -+ Sj défini par x 1-+ ejiX· Il est non nul, puisque f(eii) = ejieii = ejjeji· Comme Si et S; sont simples, f est un isomorphisme (d'après (4.2)). D Comme les modules simples coïncident avec les idéaux à droite minimaux, il suit de (7.7) que Si est, à isomorphisme près, le seul A-module simple. On a montré qu'une algèbre simple et artinienne à droite n'admet, à isomorphisme près, qu'un seul module simple. COROLLAIRE 7.8. Soit A une algèbre semisimple et artinienne. Alors A n'a qu'un nombre fini de classes d'isomorphisme de A-modules simples. DÉMONSTRATION. Commençons par rappeler que, comme on l'a vu juste après la définition, un module simple sur une algèbre semisimple en est un fact teur direct. D'autre part, d'après (7.1), A= Il Ai avec chaque Ai= Mn,(Ki) i=l simple et artinienne (d'après (7.5), car A, étant semisimple, est artinienne et Ai en est un quotient). Chaque Ai n'admet, par suite de (7.7), qu'un seul module simple Si (à isomorphisme près). Il suit alors de (3.5) que {Si, S2, ... , St} est un ensemble complet de représentants des classes d'isomorphismes de A-modules simples. D Remarquons qu'avec les notations de la démonstration précédente, on a t - ffis(n;) A A-+'1:;7 i . i=l On en déduit la description de tout A-module M de type fini. En effet, un tel A-module M est semisimple (d'après (7.1)), donc égal à une somme directe finie de A-modules simples. Par conséquent il existe des mi ~ 0 (où 1 ~ i ~ t) tels t que MA = EB s~mi). i=l Terminons ce chapitre avec l'exemple d'une classe très importante d'algèbres semisimples qui se retrouve en théorie des représentations des groupes finis. THÉORÈME 7.9 (DE MASCHKE). Soient G un groupe fini et Kun corps commutatif dont la caractéristique ne divise pas l'ordre n de G. Alors KG est une K -algèbre semisimple. DÉMONSTRATION. Soient Mun KG-module et L un sous-module. Il suffit, d'après (6.2), de montrer que L est un facteur direct de M. Soit j : L -+ M l'inclusion. Comme j est K-linéaire et que L, M sont des K-espaces vectoriels, 178 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES il existe une rétraction K-linéaire p: M--+ L telle que pj = lL. Soit définie pour x E M par f: M--+ L (en effet, l'hypothèse entraîne que ~ E K). Il est clair que f est K-linéaire. Démontrons maintenant qu'elle est aussi KG-linéaire. Soient donc x E M et 90 E G. Alors f(x90) = ;:;:1 LP(x909- 1 )9 =;:;:1 LP(xh- 1 )h90 gEG heG (~ LP(xh- )h) 9o = f(x)90. 1 = gEG Cette relation et la distributivité entraînent que f est KG-linéaire. D'autre part, six EL, on a f(x) 1 = -n LP(x9- 1 )9 gEG 1 = -n L x9- 19 = x. gEG Par conséquent, fj = lL : on a montré que j est une section KG-linéaire. D Par exemple, pour tout groupe fini G, CG est une C-algèbre semisimple. EXERCICES DU CHAPITRE VI 179 Exercices du chapitre VI 1. Soient Mi, ... , Mn des sous-modules d'un A-module M. Montrer que, si m tous les M;. sont artiniens (ou noethériens), alors il en est de même de LM;.. i=l 2. Soient 11, ... , In des idéaux à droite d'une K-algèbre A. Montrer que l'on a un isomorphisme de A-modules AA..::; li$··· $ln si et seulement s'il existe un ensemble {ei, ... , en} d'idempotents orthogonaux de A tels que 1 = ei + · · ·+en et l;. = e;.A pour 1 $ i $ n. 3. Si e E A est un idempotent non nul, montrer que, pour tout x E A, e + ex{l - e) est aussi un idempotent non nul. En déduire que e est central si et seulement s'il commute avec tout idempotent de A. 4. Si A n'a pas d'élément nilpotent non nul, montrer que tout idempotent de A est central. 5. Soit A un domaine d'intégrité principal. Montrer que tout A-module à droite de type fini est noethérien. 6. Montrer que toute décomposition de l'identité d'une algèbre en somme d'idempotents centraux deux à deux orthogonaux ayant un nombre maximal de termes est unique. 7. Soient A une K-algèbre commutative et li. ... , In des idéaux deux à deux nh n étrangers. Montrer que 11 · · ·In = i=l 8. Soient A une K-algèbre commutative, e, f E A des idempotents. Montrer que e + f - ef est un idempotent et que l'idéal engendré par e et f est principal engendré pare+ f - ef. 9. Soit n un entier positif. (a) Trouver la longueur de composition .e(Zn) du Il-module Zn. (b) Caractériser les n pour lesquels Zn admet une suite de composition unique. 10. Donner des exemples de modules M tels que .e(M) = 2 et: (a) Ma une suite de composition unique, {b) M a exactement deux suites de composition, (c) Ma un nombre infini de suites de composition. 11. Montrer le théorème de raffinement de Schreier: si M est un module de longueur finie et M = Mo ;;:::? Mi ;;:::? • • • ;;:::? Mt = 0 est une suite de sous-modules de M, alors il existe une suite de composition M = M~ :::> Mf :::> • • • :::> M~ = 0 180 VI. CONDITIONS DE FINITUDE. MODULES SIMPLES ET SEMISIMPLES telle que chaque Mi soit égal à un des Mj. 12. Soient Si, 82 deux A-modules simples. Montrer que le treillis de sousmodules de 8 1 EB 82 est distributif si et seulement si 81 ;+ 82. 13. Trouver les A-modules simples si: (a) A= C(t], {b) A=[~~], où K est un corps. 14. Soient A un domaine d'intégrité qui n'est pas un corps et Q le corps des fractions de A. On considère Q comme un A-module. Montrer que EndA Q..:::. Q, mais que QA n'est pas simple. 15. Soient A une K-algèbre commutative et li. 12 deux idéaux de A tels que J 1 n J2 =O. Montrer que, si A/li et A/I2 sont noethériens, il en est de même de A/(I1 + 12). 16. Soit A une K-algèbre noethérienne à droite. Montrer que, pour tout A-module M de type fini, il existe une suite exacte · · · --+ Ln --+ Ln-1 --+ · · · --+ L1 --+ Lo --+ M --+ 0 avec chaque Li libre de type fini. 17. Soit A une K-algèbre noethérienne. On note modA la catégorie des A-modules de type fini. Pour une K-algèbre B, soit F : modA --+ modB un foncteur exact à droite. Modifier la démonstration du théorème de Watts (V.3.2) pour montrer qu'il existe un bimodule ATB et un isomorphisme fonctoriel p.=:. -®ATB. 18. Montrer que tout module semisimple de type fini est une somme directe finie de modules simples. 19. Soient A une algèbre et M un A-module. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes: (a) MA est semisimple. (b) Pour tout monomorphisme j : L --+ M et tout morphisme f : L existe un morphisme /' : M --+ L' tel que f' j = f. (c) Pour tout épimorphisme p : M --+ N et tout morphisme g : N' existe un morphisme g': N'--+ M tel que pg' = g. --+ L', il --+ N, il 20. Soit IA un idéal à droite minimal de l'algèbre A. Montrer que J2 = 0, ou bien il existe un idempotente E A tel que I = eA. 21. Soit C un corps, peut-être gauche. Montrer que deux Mn(C)-modules M et N qui sont de C-dimension finie sont isomorphes si et seulement si dime M = dimcN. 22. Soient A une algèbre semisimple et I un idéal bilatère propre de A. Montrer que A/I est semisimple. EXERCICES DU CHAPITRE VI 181 23. Montrer qu'une sous-algèbre d'une algèbre semisimple n'est généralement pas semisimple. 24. Soit (AÀheA une famille de K-algèbres. Montrer que II AÀ est semisim- ÀEA pie si et seulement si A est fini et chaque AÀ est semisimple. 25. Soient I un idéal minimal à droite de A et S un A-module simple. Montrer que SA !t lA entraîne SI = O. 26. 'frouver des conditions nécessaires et suffisantes pour que Zn soit semisimple. 27. Montrer qu'une K-algèbre commutative A est semisimple si et seulement si A est un produit fini de sur-corps commutatifs de K. t 28. Soient A semisimple, A= les idéaux bilatères de A. II Ai, chaque Ai étant simple. i=l 'frouver tous CHAPITRE VII Radicaux de modules et d'algèbres Les théorèmes de Wedderburn-Artin donnent une description complète des algèbres semisimples et des modules de type fini sur celles-ci. On en sait beaucoup moins sur la structure des algèbres non semisimples et de leurs modules, et cela même s'il s'agit d'algèbres de dimension finie sur un corps commutatif. Cela donne l'idée d'introduire la notion de radical : c'est le plus petit sous-module (ou idéal) tel que le module quotient (ou l'algèbre quotient, respectivement) soit semisimple. Le radical sert donc à mesurer le défaut de semisimplicité. Comme on le verra, l'étude du radical est particulièrement féconde dans le cas des modules de type fini sur les algèbres artiniennes. -·- .. 1. Radical d'un module On cherche à caractériser le plus petit sous-module d'un module donné tel que le quotient soit semisimple. Prenons l'exemple du Z-module M = Z3 œZ4 ( =+Z12 ). Ce module n'est évidemment pas semisimple (en effet, le sous-module N = Z3 œZ2 n'est pas un facteur direct de M). Son treillis de sous-modules est ((il,i)) ((i,ii)) (où une simple barre note un facteur de composition isomorphe à /E3 et une double barre un facteur isomorphe à Z 2 ). On voit de suite que le sous-module cherché est R = ((0,2)}, puisque M/R=+Z 2 œz3 . D'autre part, Rest l'intersection des sous-modules maximaux ((Ï, 2)} et ((0, Ï)}. Cela nous conduit à la définition suivante: DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et Mun A-module. On appelle radical (de Jacobson) de MA le sous-module de M qui est l'intersection de tous les sous183 VII. 184 RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES modules maximaux de M. Le radical de M est noté radM. Si radM = 0, on dit que M est sans radical. Par exemple, si M est simple, alors rad M = 0 : tout module simple est sans radical. Il peut se faire que M n'ait aucun sous-module maximal, auquel cas M = rad M. On peut dès lors reformuler la définition comme suit. LEMME 1.1. Soit M un A-module. Son radical rad M est égal à l'intersection des noyaux de tous les morphismes f : M --+ S, où SA parcourt l'ensemble de tous les A-modules simples. DÉMONSTRATION. Le lemme de Schur (VI.4.2) dit qu'un morphisme non nul --+ S, avec S simple, est un épimorphisme. Les théorèmes d'isomorphisme entraînent alors que le noyau d'une telle application est un sous-module maximal de M, et, réciproquement, tout sous-module maximal de M est le noyau d'un épimorphisme de M sur un A-module simple. D M PROPOSITION 1.2. Soient M, N deux A-modules et f: M--+ N une application linéaire. Alors /(rad M) Ç rad N. DÉMONSTRATION. Soit g : N --+ S une application linéaire avec S simple. Alors gf : M --+ S s'annule dans radM. Par conséquent, g s'annule dans /(radM). D PROPOSITION 1.3. Soit MA un A-module. (a) Pour tout sous-module N de M, on a rad(M/N) 2 rad~ +N. (b) Si N est un sous-module de M contenu dans radM, alors rad(M/N) = (radM)/N. (c) Le radical de M est le plus petit des sous-modules N de M tels que M / N soit sans radical. En particulier, rad(M/radM) =O. DÉMONSTRATION. (a) On applique (1.2) à la projection canonique f : M--+ M/N, en observant que /(radM) = (radM + N)/N. (b) Cela découle du fait que, si N Ç radM, la correspondance L 1-+ L/N définit une bijection entre sous-modules maximaux de M contenant Net sousmodules maximaux de M/N. (c) Si rad(M/N) = O, alors (a) donne radM + N = N, donc radM Ç N. En particulier, si N = radM, (b) donne rad(M/radM) = (radM)/(radM) = O. D Montrons maintenant que le radical se comporte bien vis-à-vis des sommes directes. 1. RADICAL D'UN MODULE 185 PROPOSITION 1.4. Soit (MÀheA une famille de A-modules. Alors rad (œMÀ) = E9radMÀ. ÀEA ÀEA DÉMONSTRATION. Pour chaque >. E A, l'injection canonique MÀ ---+ E9 Mµ µEA induit (d'après (1.2)) une injection radMÀ---+ rad (œMµ). Par conséquent, µEA (œ EB rad MÀ ç rad MÀ) . ÀEA ÀEA Réciproquement, soit x E rad (E0ÀeA MÀ). Pour chaque (œ (œ sous-module maximal de MÀ, alors NÀ E9 µ.,;.À E9 n >. E A, si NÀ est un Mµ) est un sous-module maxi- (œ MÀ. Donc, x E (NÀ E9 Mµ)) = (rad MÀ) E9 Mµ) · ÀEA N>. µ.,;.À µ.,;.À Si x = (xÀheA, alors xÀ E rad MÀ pour chaque >. E A. Cela montre bien mal de que x E E9radMÀ. Par conséquent rad (E9MÀ) Ç E9radMÀ, et l'égalité ÀEA ÀEA ÀEA s'ensuit. D Une conséquence directe de cette proposition est que tout module semisimple est sans radical (en effet, un module simple est sans radical, comme vu plus haut). Nous reviendrons sur cette remarque plus loin. Le résultat fondamental sur le radical est le lemme de Nakayama. Il nous sera particulièrement utile à la section (4) plus bas et au chapitre suivant. Vu l'importance de ce lemme, nous en donnerons plusieurs formulations. Quand on étudie le radical d'un module, il est naturel de se poser la question de l'existence de sous-modules maximaux d'un module donné. Or cette existence est assurée si on suppose que le module est de type fini. LEMME 1.5. Si M est un module non nul de type fini, alors rad M =/:- M. DÉMONSTRATION. En effet, il suit de (II.1.6) qu'un tel module contient toujours des sous-modules maximaux. D LEMME 1.6 (DE NAKAYAMA). Soient M un A-module de type fini et N un sous-module de M. Alors N Ç rad M si et seulement si, pour tout sous-module L de M tel que N + L = M, on a L = M. DÉMONSTRATION. Nécessité. Supposons que N Ç radM et que L est un sous-module de M tel que N + L =M. Supposons que L =/:-M. Comme M est de type fini, il existe (d'après (II.1.6)) un sous-module maximal L' de M contenant L, et alors on a N + L Ç rad M + L' Ç L' ~ M, ce qui implique une contradiction. 186 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES Suffisance. Si N Cf:. rad M, il existe un sous-module maximal M' ne contenant pas N (par définition du radical de M). Donc M' + N = M, mais M' '#-M. O On exprime parfois la propriété du lemme en disant que tout sous-module N de radM est superflu dans M. On verra que la notion de superfluité peut s'exprimer en termes de morphismes. D'autre part, le lemme lui-même s'exprime par le biais de morphismes. En effet, si f : M --+ N est une application linéaire, alors f (rad M) Ç rad N de telle sorte que f induit, par passage aux conoyaux, un morphisme f : M /rad M --+ N /rad N défini pour x E M par /(x + radM} = f(x) + radN. Si on note respectivement PM : M--+ M/radM et PN: N--+ N/radN les projections canoniques, alors 7 est l'unique morphisme de A-modules tel que le carré suivant soit commutatif : f ~ M/radM N/radN LEMME 1.7 (DE NAKAYAMA). Soient M,N deux modules de type fini. Un morphisme f : M --+ N est un épimorphisme si et seulement si le morphisme induit 7 : M /rad M --+ N /rad N est un épimorphisme. DÉMONSTRATION. La nécessité découle de la commutativité du carré précédent : f PM= PNf et du fait que PN et f sont des épimorphismes. Suffisance. Il suit de la définition de 7 que la surjectivité de 7 implique que N = f (M) + rad N. Mais rad N est superflu dans N, donc, d'après (1.6}, f(M) = N. On a montré ainsi que f est surjective. D Les considérations précédentes nous amènent à la définition. DÉFINITION. Soient M, N deux A-modules, un épimorphisme f : M --+ N est dit superflu si, pour tout morphisme h : L --+ M tel que f h : L --+ N soit un épimorphisme, on a que h lui-même est un épimorphisme. Cette notion est évidemment duale de celle de monomorphisme essentiel, introduite en (IV.4). Les deux propriétés suivantes (duales de celles de (IV.4.1}} sont immédiates. LEMME 1.8. Soient f : L--+ M et g : M modules. --+ N deux épimorphismes de A- (i) Sig et f sont superflus, alors gf : L--+ N est aussi un épimorphisme superflu. (ii) Si gf: L--+ N est un épimorphisme superflu, alors f est superflu. 187 1. RADICAL D'UN MODULE DÉMONSTRATION. (i) En effet, gf est évidemment un épimorphisme, et gfh épimorphisme implique successivement fh épimorphisme (par la superfluité de g) et h épimorphisme (par la superfluité de/). (ii) En effet, si fh est un épimorphisme, il en est de même de gfh. Comme gf est superflu, h est un épimorphisme. D Nous montrons maintenant que les épimorphismes superflus sont précisément ceux dont les noyaux sont des sous-modules superflus. Cela nous conduit à donner une troisième version du lemme de Nakayama. PROPOSITION 1.9. Soient M, N deux A-modules de type fini et f : M --+ N un épimorphisme de noyau L. Les conditions suivantes sont équivalentes: (a) f est superflu. (b) L ç rad M. (c) Le morphisme f: M/radM--+ N/radN induit de f est un isomorphisme. DÉMONSTRATION. (a) implique (b). En effet, si L g; radM, il existe un sousmodule maximal M' de M tel que L g; M'. Donc L+M' = M, et par conséquent la composition de l'inclusion j : M' --+ M avec f : M --+ N est un épimorphisme (puisque tout y E N s'écrit y= f(x' + x) avec x' E M' et x E L donc, comme L =Ker f, on a y= f(x')), tandis que j : M' --+ M n'en est pas un. (b) implique (c). Il suffit, d'après (1.7), de vérifier que 7 est un monomorphisme. Or, si PM : M --+ M/radM et PN : N --+ N/radN désignent les projections canoniques, on a fPM = PNf· Donc, six+ radM E Ker f, on a PNf(x) = fPM(x) = f(x + radM) = 0, d'où f(x) E radN. Or /(radM) = radN par (1.3)(b). Soit y E radM tel que J(x) = J(y). On a x -y E Ker f = L Ç rad M. Donc x E rad M. (b) implique (a). Soit en effet h un morphisme tel que fh soit un épimorphisme. Alors N = (Imh + L)/L, donc M = Imh + L. Comme L Ç radM, on en déduit que M = lm h, et h est bien un épimorphisme. (c) implique (a). Notons encore PM: M--+ M/radM et PN: N--+ N/radN les projections canoniques. Si f h est un épimorphisme, alors PN f h = fpMh en est un aussi. Comme f est un isomorphisme, PMh est un épimorphisme. Par le fait que (b) implique (a), on a que PM est un épimorphisme superflu. Donc h est un épimorphisme. D DÉFINITION. Soit M un A-module. Le quotient M /rad M s'appelle la coiffe de M. On a vu en (1.5) que, si M est un module non nul de type fini, alors la coiffe de M n'est pas nulle. En outre, par (1.3)(c) la coiffe d'un module est toujours sans radical. Enfin, il suit de (1.9) que, si M est de type fini, la projection canonique de M sur sa coiffe est un épimorphisme superflu. 188 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES 2. Socle d'un module On a vu que le radical d'un module M n'est autre que le plus grand sousmodule N de M tel que la projection canonique M --+ M / N soit un épimorphisme superflu. On est en droit de se demander quel est, dualement, le plus petit sousmodule L de M tel que l'injection canonique L --+ M soit un monomorphisme essentiel. Ce n'est pas autre chose que le socle de M, défini comme suit. DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et M un A-module. On appelle socle de M le sous-module de M qui est la somme de tous les sous-modules simples (minimaux) de M. Le socle de M est noté soc M. Il est évident qu'un module M est semisimple si et seulement si M =soc M. En fait, il suit de la définition que soc M est le plus grand sous-module semisimple de M. Par exemple, si A = Z et M = Za œZ4 ( ..;z12), il est clair que socM = ((ëi, 2)) œ((Ï, ëi)}..; Za œZ2. Enfin, notons que, si M n'a pas de sousmodules simples (c'est le cas du Z-module Z), alors socM =O. On peut reformuler la définition comme dans le lemme suivant, qui dualise (1.1). LEMME 2.1. Soit Mun A-module. Son socle socM est égal à la somme des images de tous les morphismes f : S--+ M avec SA parcourant l'ensemble des A-modules simples. DÉMONSTRATION. Évidente, puisque les images de tels morphismes coïncident avec les sous-modules simples de M. D PROPOSITION 2.2. Soient M, N deux A-modules et f : M tion linéaire. Alors f(socM) Ç socN. --+ N une applica- DÉMONSTRATION. En effet, l'image d'un sous-module simple de N est soit nulle, soit égale à un sous-module simple de N. D COROLLAIRE 2.3. Soient Mun A-module et L un sous-module de M. Alors soc L = Ln soc M. En particulier, soc(soc M) = soc M. DÉMONSTRATION. Soit j: L--+ M l'injection canonique. Il suit de (2.2) que socL Ç socM, donc socL Ç Ln soc M. D'autre part, Ln socM est un sousmodule du module semisimple socM, donc il est semisimple (VI.6.4). Comme L n soc M est aussi un sous-module de L, on a L n soc M Ç soc L. L'égalité s'ensuit. D LEMME 2.4. Soit M un A-module. Alors socM est l'intersection de tous les sous-modules L de M tels que l'inclusion L --+ M soit un monomorphisme essentiel. DÉMONSTRATION. Soit N cette intersection. Pour tout sous-module simple S de M, et tout sous-module L de M avec l'inclusion L--+ M essentielle, SnL '=/:- O, donc S Ç L. Cela montre que socM Ç Let donc socM Ç N. Pour montrer l'inclusion inverse, il suffit de montrer que N est semisimple. Soit N' un sous-module de N. Il résulte d'une application évidente du lemme de Zorn que l'on peut trouver un sous-module N" de M maximal pour la propriété 3. RADICAL D'UNE ALGÈBRE 189 N' n N" = O. Alors N' + N" = N' œN" est un sous-module de M, et l'injection canonique N' œN" --+ M est essentielle : en effet, si U est un sous-module non nul de M tel que Un (N' + N") = 0, alors N' n (N" + U) = 0 ce qui contredit la maximalité de N". Par conséquent N' œN" 2 N 2 N', et, en vertu de la loi modulaire (II.1.4) : N = Nn (N' œN") = N' œ (Nn N"). Ainsi, N'est un facteur direct de N. Il suit de (VI.6.2) que N est semisimple et donc que N Ç soc M. D THÉORÈME 2.5. Soit M un A-module artinien non nul. Alors soc M est le plus petit sous-module L de M tel que l'inclusion L --+ M soit un monomorphisme essentiel. DÉMONSTRATION. Il suffit, d'après le lemme, de montrer que socM i 0 et que l'inclusion soc M --+ M est essentielle. Or, l'hypothèse que M est artinien entraîne que socM i O. D'autre part, soit L un sous-module non nul de M. Alors L est lui-même artinien et donc soc L i O. D'après (2.3), L n soc M i O. Cela vérifie bien l'énoncé. D THÉORÈME 2.6. Soit M un A-module artinien non nul. Alors les enveloppes injectives de M et de son socle soc M sont isomorphes. DÉMONSTRATION. Notons E l'enveloppe injective de soc M. Il faut montrer que E est isomorphe à l'enveloppe injective de M, et pour cela il suffit, d'après (IV.4.6) de montrer qu'il existe un monomorphisme essentiel M--+ E. On considère le diagramme à ligne exacte 0 ---+ soc M __!__... M il / //f E ,/ où i, j sont les inclusions canoniques. Comme E est injectif, il existe f : M --+ E tel que f j = i. Comme i est un monomorphisme et que j est un monomorphisme essentiel, il en résulte que f est un monomorphisme. Comme, d'autre part, i = f j est un monomorphisme essentiel, f est essentiel aussi (d'après (IV.4.1)), ce qui achève la démonstration. D 3. Radical d'une algèbre LEMME 3.1. Soit A une K -algèbre non nulle. Alors rad AA est un idéal bilatère propre de A. DÉMONSTRATION. Soit a E A. Alors fa: x AA --+ AA. D'après (1.2), nous avons 1--+ ax est une application linéaire a(radAA) = fa(radAA) Ç radAA. Donc rad AA est un idéal bilatère de A. D'autre part, AA étant un A-module cyclique (donc de type fini), il existe, d'après (II.1.6), un idéal à droite maximal MA. Comme radAA Ç MA i AA, on a que radAA est propre. D 190 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES DÉFINITION. Le radical {de Jacobson) de l'algèbre A est l'idéal bilatère J = radAA. Par exemple, si K est un corps et si A=[~ J} ], il est facile de montrer {par exemple à l'aide de l'exercice (II.2)) que les idéaux à droite maximaux sont [ ~ 81 et [ J} J}]. Par conséquent, J est leur intersection, égale à l'idéal bilatère [ J} g]. Il y a lieu de remarquer que, même si on a montré que J est un idéal bilatère, il est défini par le biais de la structure de A-module à droite de A : il faut donc vérifier si cette définition est symétrique. THÉORÈME 3.2. Soit A une K-algèbre de radical J. Alors a E J si et seulement si 1 - ax admet un inverse à droite pour tout x E A. DÉMONSTRATION. Nécessité. Supposons que a E J. Alors, si x E A et si 1-ax n'admet pas d'inverse à droite, le sous-module (1-ax)A de AA est propre. Comme il est cyclique, il existe, d'après (II.1.6) un idéal à droite maximal MA tel que {1 - ax)A Ç MA ~ AA. Comme a E J, on a a E M, donc ax E M et alors 1 = {1 - ax) + ax E M, ce qui constitue une contradiction. Suffisance. Soit a E A tel que 1 - ax est inversible à droite pour tout x E A. On veut montrer que a appartient à tout idéal à droite maximal de A. Si ce n'est pas le cas, il existe un idéal à droite maximal M de A tel que a r/. M. Comme M est maximal, M + aA = A, donc il existe x E A tel que 1 - ax E M. Mais 1 - ax est inversible à droite, donc 1 E M, une contradiction. D COROLLAIRE 3.3. Soit A une K -algèbre de radical J. Alors J est le plus grand idéal bilatère I de A tel que 1 - x soit inversible pour tout x E I. DÉMONSTRATION. Commençons par prouver que six E J, alors 1 - x est inversible. Il suit de (3.2) qu'il existe y E A tel que (1 - x)y = 1. Donc z = 1 - y = -xy E J donne, toujours d'après (3.2), que 1 - z est inversible à droite. Donc il existe y' E A tel que 1 = {1 - z)y' = yy'. Comme y admet un inverse à droite et un inverse à gauche, ces deux inverses sont égaux, y est inversible et son inverse 1 - x = y- 1 l'est aussi. Montrons maintenant que J est le plus grand idéal bilatère satisfaisant à cette condition. Soient en effet I un idéal satisfaisant à cette condition et a E I. Alors ax E I pour tout x E A et donc 1 - ax est inversible. D'après (3.2), on a a E J. On a prouvé que I Ç J. D COROLLAIRE 3.4. rad(AA) = rad(AA)· DÉMONSTRATION. En effet, la condition de {3.3) est symétrique. D Un élément x E A est dit nilpotent s'il existe un entier positif m tel que xm = O. Un idéal I de A est dit nil si chaque élément de I est nilpotent. COROLLAIRE 3.5. Tout idéal nil de A est contenu dans le radical J. DÉMONSTRATION. Soit m tel que xm = O. Alors 1 - x est inversible car (1 - x){l + x + · · · + xm-l) = 1. On applique (3.3). D 4. MODULES ARTINIENS ET ALGÈBRES ARTINIENNES 191 Notons qu'il ne s'ensuit pas nécessairement que J est lui-même un idéal nil. Nous montrerons que c'est cependant le cas si A est artinienne (voir (4.7) plus loin). D'autre part, il ne s'ensuit pas non plus que tout élément nilpotent de A appartient à J: en effet, il peut exister des éléments nilpotents qui n'appartiennent à aucun idéal nil. On en verra un exemple à la section suivante. 4. Modules artiniens et algèbres artiniennes THÉORÈME 4.1. Soit MA un A-module. Alors MA est semisimple et de longueur finie si et seulement s'il est artinien et sans radical. DÉMONSTRATION. Nécessité. Tout module de longueur finie est artinien d'après (VI.5.2). D'autre part, si M = S>. avec chaque B>. simple, il en E9 ÀEA E9 Bµ. de M est maxi- découle que, pour chaque À E A, le sous-module N>. = mal. Donc radM ç n N>. 11.1'>.. =O. >..EA Suffisance. Supposons M artinien tel que rad M = O. On peut supposer que M =F O. Il existe un ensemble non vide (N>..heA de sous-modules maximaux tel que N>. = O. Comme M est artinien, il existe un sous-module Ni n · · · n Nt >..EA n minimal dans la famille des intersections finies des N >... On affirme que ce sousmodule minimal est nul. Si ce n'est pas le cas, il existe N>. tel que Nin·· -nNt g; N>. (puisque, si Nin··· n Nt Ç N>. pour tout À, alors Nin··· n Nt Ç nN>.. = À 0), d'où la contradiction Ni n · · · n Nt n N>. ~ Ni n · · · n Nt. Cela montre t bien que Nin··· n Nt =O. Définissons maintenant f : M--+ ffi(M/Ni) par n t x 1-+ (x + Ni)~=i · Il ressort clairement que Ker f = i=i Ni = O. Donc M est i=i t isomorphe à un sous-module du module semisimple de longueur finie ffi(M /Ni) : i=i il est donc lui-même semisimple et de longueur finie. D COROLLAIRE 4.2. Soit Mun A-module artinien. Alors M/radM est un Amodule semisimple de longueur finie. DÉMONSTRATION. Ce quotient est en effet artinien et, d'après (1.3), on a rad(M/radM) =O. D Nous avons montré que le radical d'un module artinien en est le plus petit sous-module tel que le quotient soit semisimple et de longueur finie. Nous verrons maintenant que le quotient d'une algèbre artinienne par son radical est semisimple. En effet, soit A une K-algèbre de radical J. On considère l'algèbre quotient A= A/J. Le lemme suivant est un cas particulier de (III.6.1). 192 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES LEMME 4.3. Tout A-module simple SA admet une structure naturelle de Amodule simple et réciproquement. DÉMONSTRATION. Soit SA un A-module simple. Pour x ES et a= a+J e A, on pose xa = xa. Cette définition n'est pas ambiguë : en effet, il faut montrer que xJ = 0, or fx : AA -+ SA définie par a>--+ xa (pour a E A) est A-linéaire, et J Ç Ker fx donne l'énoncé. Réciproquement, si S est un A-module, il est naturellement un A-module par le moyen de la projection canonique A -+ A (voir (III.6)). Il suit de (III.6.1) que, si S est un A-module simple, alors S est aussi un A-module simple. Il reste à montrer que, si S est un A-module simple, il est également simple en tant que A-module : soit en effet S' Ç S un sous-Amodule de S, alors S' est un sous-A-module de S (la A-structure de S' étant induite de la projection canonique A-+ A). Donc S' = 0 ou S' =S. D Il suit du lemme que tout A-module semisimple admet une structure naturelle de A-module semisimple et réciproquement. PROPOSITION 4.4. Soit A une K -algèbre artinienne à droite, alors A est une K -algèbre semisimple. DÉMONSTRATION. AA = AA/JA est un A-module artinien et rad(A/J) =O. Donc AA est un A-module semisimple d'après (4.1). D'après (4.3), A:;r est un A-module semisimple, et, en outre, A:;r et AA ont les mêmes sous-modules. Il s'ensuit que ÏI:;r est un A-module artinien et en outre rad(A:;r) =O. On applique encore (4.1). D Au vu de (Vl.5.2) et (VI.5.3), la conséquence suivante de (4.4) est d'une importance capitale pour la construction des modules sur une algèbre artinienne. COROLLAIRE 4.5. Soit A une K-algèbre artinienne à droite. Alors A n'a qu'un nombre fini de classes d'isomorphisme de A-modules simples. DÉMONSTRATION. Cela résulte de (4.3), de (4.4) et du fait que, d'après (Vl.7.8), une algèbre semisimple n'a qu'un nombre fini de classes d'isomorphisme de modules simples. D On déduit aussi de (4.4) un calcul explicite du radical d'un module sur une algèbre artinienne. THÉORÈME 4.6. Soient A une K-algèbre artinienne à droite et M un Amodule. Alors rad M = M J. DÉMONSTRATION. Pour tout x E M, l'application fx: a 1-+ xa (où a E A) est un morphisme AA-+ MA. Donc x(radA) = fx(radA) Ç rad M. Par conséquent MJÇ radM. Le module quotient M = M / M J est annulé par J, donc est un A-module. Comme A est une algèbre semisimple d'après (4.4), M est un A-module semisimple et, pour tout x = x + MJ e M tel que x ~ MJ, il existe f: M-+ S avec S simple tel que f(x) '#O. Composant f avec la projection canonique p: M-+ M, on a fp(x) = f(x) '# O. Donc, d'après (1.1), x ~ radM. Cela montre que radM Ç MJ. D 4. MODULES ARTINIENS ET ALGÈBRES ARTINIENNES 193 Un idéal bilatère I d'une algèbre A est dit nilpotent s'il existe n > 0 tel que 1n = O. Il est clair que tout élément x d'un tel idéal I est lui-même nilpotent, et donc tout idéal nilpotent est aussi nil. On a la caractérisation suivante du radical d'une algèbre artinienne. THÉORÈME 4.7. Soit A une K-algèbre artinienne à droite. Alors J = radAA est le plus grand idéal bilatère nilpotent de A. DÉMONSTRATION. Il suit de (3.5) que tout idéal nilpotent de A est contenu dans le radical. Il suffit donc de montrer que J est lui-même nilpotent. La suite J 2 J2 2 J 3 2 · · · étant décroissante, il existe n tel que Jn = Jn+l. Supposons in =/:- O. L'ensemble JV( des idéaux à droite M =/:- 0 de A tels que M J = M est non vide, puisque Jn E JVC. Donc JV( admet un élément minimal M. Comme M = MJ = · · · = MJn, il existe x E M tel que xJn =/:-O. xJn est un idéal à droite de A contenu dans M (puisque x E M) et tel que (xJn)J = xJn+l = xJn. La minimalité de M implique donc que M = xJn Ç xA Ç M. Donc M = xA e8t de type fini et (1.5) avec (4.6) donne la contradiction 0 =/:- M = MJ =rad M. D Il suit du théorème que tout élément du radical d'une algèbre artinienne est nilpotent. La réciproque, par contre, est fausse : il existe des éléments nilpotents qui n'appartiennent pas au radical. Par exemple, pour tout corps (gauche) Cet tout entier n > 1, Mn(C) a plusieurs éléments nilpotents (par exemple, les ei; avec i =f. j), mais, Mn(C) étant simple, on a radMn(C) =O. COROLLAIRE 4.8. Le radical d'une algèbre artinienne à droite A est l'unique idéal nil I tel que A/I soit une algèbre semisimple. DÉMONSTRATION. On sait que J =rad A a ces propriétés. Réciproquement, soit I un idéal nil tel que A/ I soit semisimple. D'après (3.5), on a I Ç J. Comme J est nilpotent, l'idéal J /Ide A/I l'est aussi. D'après (4. 7), J / I Ç rad( A/I). Or A/I est semisimple, donc sans radical (d'après (4.1)) et Jf I =O. Cela montre que I = J. D La caractérisation que nous venons de démontrer est particulièrement facile à appliquer. Par exemple, si K est un corps, et si A = [ ~ ~], alors A est artinienne (car de K -dimension finie). Il est facile de voir que B = [ {f ~ ] est un quotient de A et qu'il est semisimple (en effet, B-=+K x K). D'autre part, le noyau de la surjection évidente A---+ B, c'est-à-dire l'idéal bilatère J = [~ 81 est nil. Par conséquent J est le radical de A. COROLLAIRE 4.9. Pour tout idéal bilatère I d'une algèbre artinienne à droite A, on a rad(A/I) = (I + J)f I. DÉMONSTRATION. Comme J est nilpotent, (I +J)f I l'est aussi. D'autre part, on a A/I _ A _ A/J - - ---+ (I + J)f I l+J (I+J)fJ' -~-----+ -~-..,- Comme A/ J est une K-algèbre semisimple, le dernier quotient l'est aussi. On peut donc appliquer (4.8). D 194 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES Une conséquence remarquable de la théorie du radical est que toute algèbre artinienne est aussi noethérienne. Cela découle du théorème suivant. THÉORÈME 4.10 (DE HOPKINS-LEVITSKI). Soit A une K-algèbre artinienne à droite. Si MA est un A-module artinien, alors M est noethérien. DÉMONSTRATION. Comme J est nilpotent, il existe un plus petit n tel que M Jn = O. On prouve le résultat par récurrence sur n. Si n = O, alors M = MA = M J 0 = 0, et le module nul est noethérien. Si n = 1, la condition M J = O entraîne que M est un A/J-module, donc est semisimple (puisque, d'après (4.4), A= A/J est une K-algèbre semisimple). Donc M = œsÀ avec les SÀ simples. ÀEA On affirme que A est un ensemble fini : en effet, si ce n'est pas le cas, il existe une suite infinie de sous-ensembles de A de la forme A = Ao ~ Ai ~ A2 ~ · · · , et par suite SÀ ~ SÀ ~ SÀ ~ · · · donne une suite décroissante E9 E9 E9 ÀEAo ÀEA1 ÀEA2 infinie de sous-modules de M, ce qui contredit l'hypothèse que M est artinien. Cela montre que M est de longueur finie et donc noethérien (VI.5.2). Sin> 1, soit N = M Jn-l Ç M. Alors N est artinien et N J = 0 (donc le cas n = 1 doit faire conclure que N est noethérien). D'autre part, M/N est artinien et (M/N)Jn-l = O. L'hypothèse de récurrence donne M/N noethérien. Enfin la suite exacte courte 0 --+ N --+ M --+ M/N --+ 0 et (VI.L3} conduisent à affirmer que M est noethérien. O COROLLAIRE 4.11. Si A est artinienne à droite, alors A est noethérienne à droite. D Nous sommes maintenant en mesure de tenir une promesse faite en (VI.5). COROLLAIRE 4.12. Si A est artinienne à droite et si MA est un A-module, les conditions suivantes sont équivalentes : (a) M est artinien. (b) M est noethérien. (c) M est de type fini. (d) M est de longueur finie. DÉMONSTRATION. Il suit de (4.10) que (a) implique (b}, et de (VI.1.5} que (b) implique (c). Pour montrer que (c) implique (a), on observe que l'hypothèse que M est de type fini entraîne, d'après (III.3.6), l'existence d'un épimorphisme A~m) ~MA avec m > 0 un entier. Comme AA est artinien, M l'est aussi, par suite de (VI.1.3). Enfin, (a) et (b) équivalent à (d) d'après (VI.5.2). D 5. Radical d'une catégorie K-linéaire Nous montrerons maintenant comment la définition du radical d'une algèbre permet d'arriver à celle de radical d'une catégorie. Rappelons que le radical doit être un idéal bilatère. Si la définition originale du radical à la section 1 ne se généralise pas de manière évidente, la caractérisation de (3.1) donne immédiatement la définition suivante. 5. RADICAL D'UNE CATÉGORIE K-LINÉAIRE 195 DÉFINITION. Soit C une catégorie K-linéaire. Le radical rade de C est défini par la donnée, pour chaque paire (X, Y) d'objets de C, de l'ensemble rade(X, Y)={! E Home(X, Y) l lx - fg est inversible à droite pour tout g E Home (Y, X)}. Nous cherchons évidemment à démontrer que rade est un idéal de C. N'ayant pas à notre disposition les notions utilisées plus haut, nous ferons des manipulations arithmétiques simples. Commençons par le lemme suivant, inspiré de (3.3). LEMME 5.1. Si, dans une catégorie K-linéaire, le morphisme f est tel que lx - f g soit inversible à droite pour tout g, alors lx - fg est inversible pour tout g. DÉMONSTRATION. Fixons-nous un morphisme g. Par hypothèse, il existe h tel que (1 - f g)h = 1. Alors h = 1 + f gh = 1 - f g(-h) admet à son tour un inverse à droite k. Alors 1 = hk = (1 + f gh)k = k + f ghk = k + f g. Donc k = 1 - f g. Mais alors hk = 1 se lit h(l - f g) = 1 et h est aussi un inverse à gauche de 1- fg. D La réciproque du lemme étant évidente, on en déduit que rade(X, Y) est égal à l'ensemble des f E Home(X, Y) tels que lx - fg soit inversible pour tout g E Homc(Y,X). PROPOSITION 5.2. Soit C une catégorie K -linéaire. Alors rade est un idéal bilatère de C. DÉMONSTRATION. Il est clair que 0 E rade(X, Y) et que f E rade(X, Y) et a E K impliquent af E rade(X, Y). Démontrons que Ji, h E rade(X, Y) impliquent fi+ h E rade(X, Y). Pour ce faire, il faut montrer que, pour tout g: Y---+ X, le morphisme lx - (/1 + h)g est inversible à droite. Comme lx - fig admet un inverse (à droite) h1 et que lx - f2gh1 admet un inverse (à droite) h2, on peut considérer que h 1h 2 : X ---+ X. On affirme que c'est l'inverse (à droite) de lx - (/1 + h)g. En effet, (1 - fig)h1 = 1 implique (1 - f1g)h1h2 = h2, c'est-à-dire h1h2 - h2 = figh1h2. D'autre part, (1 - f2gh1)h2 = 1 donne h2 - 1 = f2gh1h2. Donc l'énoncé résulte de : (1 - (/1 + h)g)h1h2 = = h1h2 - figh1h2 - huh1h2 h1h2 - (h1h2 - h2) - (h2 - 1) = 1. Soit, enfin, f E rade(X, Y). De toute évidence, pour tout morphisme u: W---+ Y, on a que 1-(fu)g = 1- f(ug) est inversible à droite. Donc fu E radc(W, Y). Soit v : Y---+ Z. On doit montrer que vf E radc(X, Z) et donc que, pour tout morphisme g, on a 1 - (vf)g inversible à droite. Or, 1 - f(gv) est inversible à droite, donc inversible, et il existe h tel que h(l - f(gv)) = 1 = (1 - f(gv))h. Alors 1 + vhf g est l'inverse à droite de 1 - vf g : en effet (1 - vfg)(l + vhfg) = 1 + vhfg - vfg - vfgvhfg. VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES 196 Or (1- fgv)h = 1 donne fgvh = h- 1, d'où (1 - vfg)(l + vhfg) = 1 + vhfg - vfg - v(h- l)fg = 1. D LEMME 5.3. Soient C une catégorie K -linéaire, Xi. ...• Xm et Yi, . .. , Yn des m objets de C. Si f = [fi;] : œxi n -+ i=l f E rade (\~X,,~ Y;) E9YJ est un morphisme de C, alors j=l si et seulement si f;< E DÉMONSTRATION. Notons p~,q~ rade (X,, Y;) pour '""' i, j. respectivement les projections et injections m E9 Xi, et P;, q3, respectivement les pron jections et injections canoniques associées à la somme directe E9 Yj. L'énoncé canoniques associées à la somme directe i=l j=i découle alors du fait que rade est un idéal bilatère et des équations l;i = p3 fq~ et f ~ (t.q,p;) f (t,•:V:) ~ t,t,•;f;af,. D De même que l'on définit des puissances d'un idéal d'une algèbre, de même on peut utiliser la définition précédente pour définir les puissances du radical d'une catégorie K-linéaire. Soient X, Y deux objets de la catégorie K-linéaire C et m ~ 2, on définit rad~(X, Y) comme le sous-K-module de radc(X, Y) formé de toutes les combinaisons K-linéaires de morphismes f: X-+ Y admettant une factorisation de la forme X= Xo ..!.:...+Xi A X2--+ · · ·--+ Xm-i .!!!!.+ Xm = Y avec fie radc(Xi-i.Xi) pour tout 1 :5 i :5 m. Une récurrence immédiate sur m oblige à conclure que ce sont des idéaux bilatères de C. 6. Modules indécomposables Un module indécomposable est un module qui ne se laisse pas décomposer en somme directe. Nous montrerons que si M est un module artinien et noethérien, son indécomposabilité s'exprime par une propriété de son algèbre d'endomorphismes. En outre, tout module artinien et noethérien se décompose uniquement (à isomorphisme près) en une somme directe finie de modules indécomposables. DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Un A-module MA est dit indécomposable si M =f 0 et si M = M1 E9 M2 entraîne M1 = 0 ou M2 = O. Sinon, M est dit décomposable. Par exemple, tout module simple est indécomposable. Pour un nombre premier pet un n > 0, le Il-module Zp" est indécomposable, mais n'est simple que pour n = 1. Le Il-module Zi 5 ~ Z3 E9 Z5 est décomposable. Le Il-module Z est indécomposable : en effet, tout sous-module non nul de Z est de la forme aZ avec 0 =f a E N, et, pour 0 =f a, b e N, on a aZ n bZ 2 abZ =f O. 6. MODULES INDÉCOMPOSABLES 197 PROPOSITION 6.1. Soit MA un module artinien ou noethérien. Alors M se décompose en une somme directe finie de A-modules indécomposables. DÉMONSTRATION. Si M = 0, il n'y a rien à prouver (M est égal à la somme directe vide). Si M '# 0 est indécomposable, il n'y a rien à prouver non plus. Sinon, M admet au moins un facteur direct propre. Si M est artinien, alors M admet un facteur direct minimal non nul Ni : un tel facteur direct minimal non nul est évidemment indécomposable. Si M est noethérien, il admet un facteur direct maximal dont le complément est alors minimal non nul Ni et, par conséquent, indécomposable. Une récurrence immédiate donne alors M = Ni œMi = Ni œN2 œM2 = ... = (Ni œ... œNi) œM, avec les N; indécomposables et M; = N;+i œM;+i pour chaque j. Si M est artinien, on considère la suite décroissante M ~ Mi ~ M2 ~ · · · : il existe m m > 0 tel que Mm = 0 et alors M = E9 N;. Si M est noethérien, on considère j=i la suite croissante 0 ~ Ni ~ Ni m que M = E9N;. œN2 ~ · · · et on trouve encore un m > 0 tel D j=i COROLLAIRE 6.2. Soit A une K -algèbre artinienne. Tout module de type fini se décompose en une somme directe finie de A-modules indécomposables. DÉMONSTRATION. On applique {6.1) et (4.12). D On a prouvé l'existence de décompositions d'un module artinien ou noethérien en modules indécomposables, et il reste donc à en étudier l'unicité. Pour cela, on essaie d'abord de trouver un critère permettant de déterminer si un module est indécomposable. Rappelons qu'on a prouvé qu'il existe une bijection entre décompositions d'une algèbre en produit direct et décompositions de son identité en idempotents centraux deux à deux orthogonaux, et qu'une algèbre est connexe (indécomposable) si et seulement si son identité est un idempotent centralement primitif. On a des résultats semblables sur les modules. PROPOSITION 6.3. Il existe une bijection entre décompositions d'un A-module M en une somme directe finie et décompositions de l'identité de End M en une somme d'idempotents orthogonaux. DÉMONSTRATION. En effet, à M = Mi œ ... œMt correspond la décomposition lM = qipi + · · ·qtPt où Pi: M ___.Mi et qi : Mi___. M (pour 1 ~ i ~ t) désignent respectivement la projection et l'injection canoniques. Comme, pour chaque i, ei = qiPi est un idempotent, et eie; = 0 pour i '# j, on a bien une décomposition de lM en une somme d'idempotents orthogonaux. Réciproquement, si lM = ei + · · · + et est une décomposition de lM en une somme d'idempotents orthogonaux, posons Mi= lmei. Chaque Mi est un sousmodule de M, et on veut montrer que M =Mi œ· · · œMt. Pour x E M, on a VII. 198 t RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES t et donc x E LMi, ce qui donne bien M = LMi. Pour montrer l'unicité de i=l i=l l'écriture précédente de x, supposons que x = x1 + · · · + Xt, où Xi E Mi pour chaque 1 :5 i :5 t. Alors il existe des x~ E M tels que Xi = ei(xD pour chaque i, et donc ei(x) = ei (tx;) = ei (te;(xj)) = teie;(xj) = ei(xD =Xi· D 3=1 3=1 3=1 COROLLAIRE 6.4. Un A-module M est indécomposable si et seulement si les seuls idempotents de End M sont 0 et 1M. DÉMONSTRATION. En effet, si e E EndM est un idempotent, alors lM = e + (lM - e) est une décomposition de lM en idempotents orthogonaux. Cette décomposition est triviale si et seulement si e = lM ou si e = O. D Les résultats obtenus donnent l'idée de caractériser l'indécomposabilité d'un module en nous basant sur les propriétés de son algèbre d'endomorphismes. DÉFINITION. Une K-algèbre A est dite locale si elle n'a qu'un seul idéal à droite maximal. Cet unique idéal à droite maximal doit notamment égaler le radical. Donc une algèbre est locale si et seulement si son radical est un idéal à droite maximal. Observons que, si A est locale, alors 0 f=. 1 et donc A f=. O. Par exemple, tout corps est trivialement une algèbre locale. THÉORÈME 6.5. Soit A une K-algèbre, de radical J. Les conditions suivantes sont équivalentes : (a) A est locale. (b) L'ensemble des éléments non inversibles de A forme un idéal bilatère. (c) Pour chaque x E A, au moins un des éléments x ou 1-x est inversible. (d) A/ J est un corps. DÉMONSTRATION. (a) implique (b). Comme A est locale, son unique idéal à droite maximal est J. Six E J, alors xA Ç J ~A, et donc x n'est pas inversible. Réciproquement, six n'est pas inversible, alors xA f=. A donne xA Ç Jet x E J. Par conséquent, l'ensemble des éléments non inversibles de A est égal à l'idéal bilatère J. (b) implique (c). En effet, si ni x ni 1 - x n'est inversible, (b) entraîne que 1 = x + (1 - x) n'est pas inversible non plus, ce qui est une absurdité. (c) implique (d). Il suffit de montrer que, si x <f. J, alors x est inversible. Comme x </. J, il suit de (3.2) (et de sa version "à gauche") qu'il existe a, b E A tels que 1 - xa et 1 - bx ne sont pas inversibles. Il suit de l'hypothèse que xa et bx sont inversibles : il existe a', b' E A tels que x( aa') = 1 et (b'b )x = 1. Donc x est inversible. (d) implique (a). Comme le corps A/ J n'a pas d'idéaux à droite non triviaux, l'idéal à droite J de A est maximal, donc est le seul idéal à droite maximal de A.o 6. MODULES INDÉCOMPOSABLES 199 COROLLAIRE 6.6. Soient A une K -algèbre et MA un A-module tel que End M soit locale. Alors les seuls idempotents de End M sont 0 et lM. En particulier M est indécomposable. DÉMONSTRATION. Soit e E End M un idempotent. Alors e ou 1 - e est inversible. Dans le premier cas, e2 = e donne e = 1M. Dans le second, e - e2 = 0 donne e =O. D Notre but sera de montrer que la réciproque de (6.6) est vraie sous certaines conditions. Le lemme suivant généralise une propriété bien connue des espaces vectoriels de dimension finie. LEMME 6.7. Soient Mun A-module et f E End M. (a) Si M est noethérien et si f est un épimorphisme, alors f est un automorphisme. (b) Si M est artinien et si f est un monomorphisme, alors f est un automorphisme. DÉMONSTRATION. (a) On considère la suite croissante de sous-modules de M définie par 0 Ç Ker f Ç Ker f 2 Ç · · · . Comme M est noethérien, il existe > 0 tel que Ker fn = Ker jn+l. Comme f est surjective, fn l'est aussi, et donc Ker f = r(r)- 1 (Ker J) = r(Jn+i)- 1 (0) = r(Ker r+iJ = r(Ker rJ =O. (b) On considère la suite décroissante de sous-modules de M définie par M 2 J(M) 2 j2(M) 2 · · ·. Comme M est artinien, il existe n tel que r(M) = r+l(M). Si x E M, il existe y E M tel que r(x) = r+l(y). Comme f est l'est aussi, et X= f(y). Cela montre que f est surjective. D injective, n r Énonçons maintenant un premier corollaire inattendu de (6.7). COROLLAIRE 6.8. Soit A une K-algèbre noethérienne. Alors A~m) -:::+A~> si et seulement si m = n. En outre, tout ensemble {xi. ... , Xn} qui engendre A~> en est une base. DÉMONSTRATION. Supposons en effet que m > n et soient {ei, ... , em} et {Ji, ... , fn} deux bases du A-module libre L = A~m)-:::+ A~). Il existe un épimorphisme f : L --+ L défini par ei i-+ fi pour 1 :::; i :::; n. Évidemment, f est de noyau non nul (et engendré par {en+l • ... , em}). Mais, d'autre part, L =A~> est un module de type fini sur une algèbre noethérienne, donc LA est noethérien. Cela contredit (6.7). Donc m = n. La réciproque est triviale. Pour la seconde partie, soit {ei. ... , en} une base de L =A~>. On définit un épimorphisme f : L --+ L par ei i-+ Xi (pour 1 :::; i :::; n). Il suit encore de (6.7) que f est un isomorphisme. L'ensemble donné est donc une base. D Ainsi, le nombre d'éléments d'une base d'un A-module libre de type fini sur une algèbre noethérienne est uniquement déterminé : on l'appelle rang de ce module. Rappelons par exemple que Z est une Z-algèbre noethérienne, et on parlera ainsi de rang d'un groupe abélien libre. VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES 200 LEMME 6.9 (DE FITTING). Soient MA un A-module artinien et noethérien et f E End MA. Il existe n > 0 tel que M = lm r E0 Kerr. DÉMONSTRATION. Comme M est artinien, il existe un n > 0 tel que la suite M 2 f(M) 2 /2(M) 2 · · · devienne stationnaire après n étapes. Alors r(M) = pn(M). Donc r est un endomorphisme surjectif du module noethérien r(M). D'après (6.7), r est un automorphisme de r(M). Donc r(M) n Kerr= O. Soit x E M. Il existe y E M tel que r(x) = pn(y). Donc r(x - r(y)) =O. En écrivant X = r(y) + (x - r(y)) on voit bien que X E r(M) +Kerr. L'énoncé s'ensuit. D COROLLAIRE 6.10. Si M est un module artinien et noethérien qui est indécomposable, tout endomorphisme de M est nilpotent ou est un automorphisme. r DÉMONSTRATION. Si M est indécomposable, alors lm = 0 ou Kerr = o. Dans le premier cas, f est nilpotent. Dans le second, fn est un automorphisme, donc f en est un aussi. D La caractérisation que nous cherchions est la suivante. LEMME 6.11. Si MA est un A-module artinien et noethérien, alors M est indécomposable si et seulement si End M est locale. DÉMONSTRATION. Une implication est (6.6), l'autre est (6.5) combiné avec (6.10) : en effet, tout endomorphisme de M est soit nilpotent (donc dans le radical de End M), soit inversible. D COROLLAIRE 6.12. Soit A une K -algèbre artinienne. Un A-module de type fini M est indécomposable si et seulement si End M est une algèbre locale. DÉMONSTRATION. En effet, tout module de type fini sur une algèbre artinienne est artinien et noethérien, d'après (4.12). On applique alors (6.11). D Montrons maintenant le fameux théorème de décomposition unique, attribué à Remak, Krull, Schmidt et Azumaya. THÉORÈME 6.13 (DE DÉCOMPOSITION UNIQUE). Soient A une K-algèbre et M un A-module. Si m n M=E9Mi=E9N; i=l j=l où les EndMi et les EndN; sont des algèbres locales pour tous i,j, alors m = n et il existe une permutation u de {1,2, ... ,m} telle que Mi-=+Nu(i) pour tout 1~i ~m. 6. MODULES INDÉCOMPOSABLES 201 DÉMONSTRATION. D'après (6.6), les Mi et Ni sont tous indécomposables. On montrera le théorème par récurrence sur m. Si m = 1, alors Mi est indécomposable et il n'y a rien à prouver. Supposons que m > 1 et posons Mi. Notons respectivement q, q', p, p' les injections et projections que MI = oi . canoniques associées à la décomposition M =Mi œ M{ et qi,Pi (où 1:::; j:::; m) E9 n les injections et projections canoniques associées à la décomposition M = E9 Ni. j=i Ona Comme End Mi est locale, il existe j tel que v = pq;p;q soit inversible. À une permutation des indices près, on peut supposer que j = 1. Alors w = v-ipqi : Ni -+ Mi est tel que wpiq = 1M1 , et donc piqw E EndNi est idempotent. Comme EndNi est locale, il suit de {6.6) que piqw = 0 ou que piqw = 1N1 • Si piqw = 0, alors piq = 0 (car w est un épimorphisme), et c'est absurde, car v = pqipiq est inversible. Donc piqw = 1N1 et /11 = piq : Mi -+ Ni est un isomorphisme. Si on pose que N{ = E9N;, on peut regarder l'identité lM j>i comme un isomorphisme f : Mi œM{ ..::. Ni œNf sous forme d'une matrice avec /11 : Mi --+Ni, '12: Mf -+Ni, hi : Mi -+ N{, '22 : M{-+ N{. On sait que /11 est un isomorphisme. Le résultat découlera de l'hypothèse de récurrence si on peut montrer que Mi ..=. Nf. Or, comme f est un isomorphisme, il en est de même de _[- hdï/ 1 o]1 ['11 hi g- En particulier, '22 - '12] '22 [10 -/ï/1 '12] -_ ['110 hdïi.i '12 : Mf -+ '22 - o hdï/ '12 ]. N{ est un isomorphisme. O COROLLAIRE 6.14. Soit MA un module artinien et noethérien. Il existe une m décomposition directe de M de la forme M = E9 Mi, où chaque Mi est indécom- i=i posable. Cette décomposition de M est unique à isomorphisme près. D COROLLAIRE 6.15. Soit A une K-algèbre artinienne. Tout A-module de type fini s'écrit uniquement (à isomorphisme près) en une somme directe finie de modules indécomposables. O On termine ce chapitre avec une application utile au radical d'une catégorie K-linéaire. 202 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES PROPOSITION 6.16. Soient X, Y deux objets d'une catégorie K-linéaire C tels que Endc X et Endc Y soient des K -algèbres locales. Alors rade (X, Y) est égal à l'ensemble des non-isomorphismes de X dans Y. En particulier, si X f+ Y, alors radc(X, Y) = Homc(X, Y). DÉMONSTRATION. Si f E radc(X, Y), il est clair que f n'est pas un isomorphisme, car, s'il en était un, il suivrait de la définition du radical de C que 0 = 1 - f 1- 1 est inversible, ce qui est une absurdité. Réciproquement, soit f : X - t Y un non-isomorphisme non nul de C. On montrera que f E radc(X, Y). On commence par prouver que, pour tout morphisme g : Y - t X de C, l'endomorphisme fg : Y - t Y n'est pas inversible. En effet, si h est tel que f gh = 1, alors u = ghf est un idempotent de l'algèbre locale Endc X. D'après (6.6), u = 0 ou u = 1. Le premier cas aboutit à la contradiction 1 = 12 = (fgh)(f gh) = O. Donc u = 1 et ghf = 1 donne comme résultat que f est inversible, ce qui est une contradiction. Soit g : Y - t X un morphisme. Comme fg E Endc Y n'est pas inversible, 1 - f g l'est. Par conséquent f E radc(X, Y). D COROLLAIRE 6.17. Soient A une K-algèbre artinienne et M, N deux A-modules indécomposables de type fini. Alors rad(M, N) égale l'ensemble des nonisomorphismes de M dans N. En particulier, si M f+N, alors rad(M,N) = HomA(M,N). D 203 EXERCICES DU CHAPITRE VII Exercices du chapitre VII 1. Calculer le socle de chacun des Z-modules : (i) z. (ii) Zn. 2. Soient K un corps et A = [ ~ _&.]. (i) Calculer le socle de AA et de AA. (ii) Montrer que A a deux modules simples non isomorphes, mais que les facteurs directs simples de soc AA sont isomorphes. 3. Soit A= K[t]/(tn} (où K est un corps, et n et montrer que A est locale. ~ 1). Calculer le radical de A 4. Calculer le radical de chacune des algèbres suivantes. (i) z. (ii) Tn(K) = [~K ". KO] • où K est un corps et où n ... (iii) K[ti. ... , tn], où K est un corps et où n ~ ~ 1. 1. (iv) K[t]/(p}, où K est un corps et où p E K[t]. (v) [~ !1 (~) [~ ~ o ol ~ ,où K est un corps. K K ll ·où K est un co<pe (vii) Tn(K)/rad 2 Tn(K), où K est un corps et où n ~ 1. 5. Soit A une K-algèbre artinienne de radical J. Montrer que, pour tout idempotente de A, on a rad(eA) = eJ. 6. Soit A une K-algèbre artinienne. Montrer que radAA est égal à l'intersection des idéaux bilatères maximaux de A. 7. Soit A l'extension triviale de l'algèbre A par un bimodule AMA (voir l'exercice (I.15)). Montrer que radA = radA œM. 8. Soient A une K-algèbre artinienne et M un A-module. Montrer que socM = {x E M 1 x(radA) = O}. 9. Soit A une algèbre. Montrer que rad Mn(A) est l'ensemble des matrices E rad A pour tous i, j. [Indication : si a = [ai;], alors [aï;] telles que ai; n Lekiae;k = l·ai; (où 1 est la matrice identité), montrer que si l·b E radMn(A) k=l alors b E radA et que si b E rad A, alors ei;b E radMn(A) pour tous i,j.] 204 VII. RADICAUX DE MODULES ET D'ALGÈBRES 10. Soit M un module de type fini sur une algèbre artinienne, de socle simple. Montrer que M est indécomposable. 11. Au moyen du lemme de Fitting (ou autrement), montrer que, si A,B sont deux matrices à coefficients dans un corps commutatif, de mêmes dimensions et si AB est égal à la matrice identité J, alors on a aussi BA= I. 12. Donner un exemple d'un Z-module indécomposable M de type fini tel que End M ne soit pas locale. 13. Montrer que, si A est une algèbre locale, alors 0 et 1 sont ses seuls idempotents, puis montrer que la réciproque est fausse. 14. Soit Mun groupe abélien. Montrer que: (a) Si M est sans torsion, alors socM =O. (b) Si M est de torsion, alors soc M est essentiel dans M. (c) Si M est divisible, alors radM =M. 15. Soit A une K-algèbre artinienne. Montrer que son radical J est le plus petit idéal bilatère I de A tel que A/ I soit une algèbre semisimple. 16. Soit A une K-algèbre. Montrer que a E J si et seulement si, pour tout x E A, l'élément 1 - xa est inversible à gauche, et si et seulement si, pour tous x, y E A, l'élément 1 - xay est inversible. 17. Soit A une K-algèbre artinienne. Montrer que la somme de tous les idéaux nilpotents de A est égale à J = rad A. 18. Soient A une K-algèbre et I un idéal bilatère de A. rad( A/I) = 0 implique que rad A Ç J. Montrer que 19. Soit A une algèbre artinienne. Montrer que tout idéal nil est nilpotent. 20. Soient Mun A-module artinien et noethérien et f E End M. Trouver une décomposition directe M = M' œM" telle que la restriction /IM' soit nilpotente et que la restriction /IM" soit inversible. 21. Soient A une algèbre, M un A-module indécomposable tel que End M soit locale d'idéal maximal J. Montrer que, pour tout module Net tous morphismes f : M _... N, g : N _... M, on a gf E I ou que M est un facteur direct de N. 22. Soit M =Mi œ· · · EBMt un module de type fini sur une algèbre artinienne et N un facteur direct de M. Montrer que, si N est indécomposable, alors il existe uni (où 1 :5 i :5 t) tel que N soit un facteur direct de Mi. 23. Soient A une algèbre et I un idéal bilatère de A tels que A/I soit locale. Montrer que A est locale. CHAPITRE VIII Modules projectifs. Équivalences de Morita Nous voulons appliquer les résultats du chapitre (VII) au calcul des modules indécomposables projectifs et injectifs de type fini. Dans le cas artinien, il est relativement facile de trouver une expression simple pour les premiers. Quant aux seconds, nous supposerons que nous travaillons sur une algèbre de dimension finie sur un corps : dans ce cas, la dualité des espaces vectoriels sous-jacents à nos modules permet de décrire une correspondance biunivoque entre modules projectifs et injectifs, et en particulier de calculer explicitement ces derniers. Une autre application des résultats précédents consiste dans la caractérisation des équivalences de catégories de modules : elle se fait par le moyen de modules projectifs et elle permet d'associer à chaque algèbre A une algèbre Ab définie à isomorphisme près, qui est la plus petite algèbre telle que les catégories de modules de A et Ab soient équivalentes. 1. Idempotents et projectifs indécomposables Soit A une K-algèbre, sans hypothèse supplémentaire pour l'instant. Si on applique (VII.6.3) au A-module AA en utilisant le fait que End AA-=. A, il en ressort que les décompositions directes finies de AA sont en correspondance biunivoque avec les décompositions de l'identité de A de la forme 1 = ei + e2 + · · · + en avec {ei, ... , en} un ensemble d'idempotents orthogonaux. On rend compte du fait que e1 + e2 +···+en= 1 en disant que l'ensemble d'idempotents orthogonaux {ei, ... , en} est complet. Une telle décomposition de l'identité induit une décomposition correspondante de AA de la forme AA = e1A E9 e2A E9 · · · E9 enA. La question se pose quand chacun des facteurs eiA est indécomposable. La proposition qui suit est alors très utile (le lecteur la comparera à (II.5.3)). PROPOSITION 1.1. Soient e E A un idempotent et M un A-module. On a un isomorphisme de K -modules, fonctoriel en M Hom A (eA, M) -=.Me. 205 206 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA DÉMONSTRATION. Pour tout morphisme f : eA -+ M, on a /(e) = /(e 2 ) = f(e)e E Me. On définit donc HomA(eA, M) -+ Me par f 1--t /(e) (pour f e HomA(eA, M)). Cette application est K-linéaire. Sa réciproque se définit par xe 1--t f, où f : eA -+ M est donnée par f (e) = xe (pour x E M). On laisse au lecteur la vérification de la fonctorialité. O COROLLAIRE 1.2. Soient e, e' E A deux idempotents, on a un isomorphisme de K-modules HomA(eA,e'A) .=.e'Ae. 0 Il est clair que, si e E A est un idempotent, alors le K-module eAe devient une K-algèbre pour la multiplication induite de celle de A. Son identité est e. COROLLAIRE 1.3. Soit e E A un idempotent, on a un isomorphisme de Kalgèbres EndA(eA) .=. eAe. En outre, si A est artinienne, eAe l'est aussi. DÉMONSTRATION. Pour le premier énoncé, il suffit de montrer que l'application K-linéaire définie dans la démonstration de (1.1) applique la composition des endomorphismes de eA sur la multiplication de eAe, et leA sur e, et c'est évident. Pour le second énoncé, il faut montrer que eAe est un eAe-module artinien. Soit donc 1 un idéal à droite de eAe. Alors 1A est évidemment un sous-module de AA : en effet, IA Ç AA. D'autre part, Je = I, puisque e est l'identité de eAe. Donc IAe = I(eAe) = 1. Cela montre que l'application 1 1--t 1A définit une injection du treillis de sous-modules de eAeeAe dans le treillis de sous-modules de AA. Le second module étant artinien, il en est de même du premier. 0 Nous pouvons revenir à la décomposition directe de AA. Un idempotente E A est dit primitif si e = e' + e", avec e', e" deux idempotents orthogonaux, entraîne que e' = 0 ou que e" = O. Par exemple, si {e1, e2, ... , en} est un ensemble complet d'idempotents orthogonaux ayant un nombre maximal d'éléments, alors chaque ei est primitif. En fait, on a la proposition suivante. PROPOSITION 1.4. Soient A une K -algèbre artinienne, et e E A un idempotent. Les conditions suivantes sont équivalentes : (a) eA est indécomposable. (b) e est primitif (c) eAe est une algèbre locale. DÉMONSTRATION. L'équivalence de (a) et (b) découle des remarques précédentes, et celle de (c) et de (a) de (1.3) et de (VIl.6.12). O Il suit de (1.4) et de (VII.6.1) que, si A est artinienne, alors elle admet une décomposition de la forme AA = eiAEBe2Aœ ... œenA avec chacun des eiA indécomposable. Une telle décomposition s'appelle une décomposition de Pierce de A. Observons que chacun des eiA est un facteur direct du A-module libre AA et qu'il est donc projectif. Nous montrerons que, réciproquement, si A est artinienne, tout A-module projectif indécomposable de type fini est isomorphe à un des eiA. 1. IDEMPOTENTS ET PROJECTIFS INDÉCOMPOSABLES 207 Soit donc A une algèbre artinienne de radical J. On notera A l'algèbre semisimple A/ J (voir (VII.4.4)). De même, on notera x = x + J la classe de x E A dans A = A/ J. Il est clair que, si e E A est un idempotent, alors ê E A est aussi un idempotent. Le lemme technique suivant nous montre que, réciproquement, si x E A est un idempotent, il existe un idempotent e E A tel que x = ê. LEMME 1.5 (DE RELÈVEMENT DES IDEMPOTENTS). Pour tout idempotent X tel que x - e E J. = x +JE A, il existe un idempotente E A DÉMONSTRATION. On commence par construire une suite d'éléments (xk)k>o de A tels que x~ - Xk E J 2 k et Xk+l - Xk E J 2 k. Pour k = O, on pose xo = x. Comme par hypothèse x = x + J est un idempotent, on a bien que xi xo (mod J). Supposons x 0 , xi, ... , Xk connus et posons Yk = x~ - Xk E J 2 . Alors XkYk = YkXk et y~ E J 2k2 = J 2k+i. On en déduit que, si Xk+i = Xk + Yk - 2XkYk• alors = X~+l - X~ + 2XkYk - Xk Par conséquent, x~+l - 4X~Yk + Yk + 2XkYk - = Xk+i 4XkYk (mod J2k+1) (mod J2k+1). (mod J 2 k+i ). Comme nos conditions sont satisfaites. Comme J est nilpotent (VII.4.7), il existe un plus petit k, disons k = ko, tel que J 2 k 0 = O. Si on pose e = Xko, on a bien e2 - e = 0, de telle sorte que e est un idempotent de A. D'autre part, comme Xk+l - Xk E J 2 k Ç J pour tout k, on a aussi x - e E J. D PROPOSITION 1.6. Soit A une K-algèbre artinienne. Alors rad(eAe) = eJe. Un idempotent e E A est primitif si et seulement si ê = e + J E A est primitif DÉMONSTRATION. Il est évident que eJe est un idéal bilatère de eAe et qu'en outre il est nil puisque J (qui le contient) l'est. D'autre part, l'application eAe--+ eAe définie par eae 1-t êaê (où a E A) est évidemment un morphisme surjectif d'algèbres de noyau eJe, de telle sorte que e]e .::::+ eAe/ eJe est une algèbre semisimple (puisque A l'est). D'après (VIl.4.8), eJe = rad(eAe). Le second énoncé découle de ce que ê est primitif si et seulement si eA est indécomposable. Comme ce dernier est un module projectif sur une algèbre semisimple, cela équivaut à dire que eA est un A-module simple, et donc, par suite du lemme de Schur, que eAê est un corps. Comme eAe-==+eAe/rad(eAe), cela revient à dire que eAe est locale et donc que e est primitif d'après (1.4). D COROLLAIRE 1.7. Soit A une K-algèbre artinienne. Tout module indécomposable projectif de la forme eA (où e est un idempotent de A) admet un unique sous-module maximal. 208 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA DÉMONSTRATION. Si eA est indécomposable, alors e = e + J est primitif, donc eA .:::.+ eA/eJ est simple et eJ est un sous-module maximal de eA. Mais eJ = (eA)J = rad(eA), donc est l'unique sous-module maximal de eA. O Rappelons que, pour un A-module M, le quotient M = M /rad M s'appelle la coiffe de M (voir (VII.1)). On vient de prouver que tout A-module indécomposable projectif de la forme eA admet une coiffe simple. Nous allons maintenant montrer que cette coiffe détermine uniquement ce module. LEMME 1.8. Soient A une K -algèbre artinienne et ei, e2 E A des idempotents primitifs. Alors eiA .:::.+ e2A si et seulement si e 1A .:::.+ e2A. DÉMONSTRATION. Si eiA.:::.+e2A, alors eiJ = (e1A)J.:::.+(e2A)J = e2J et donc e 1A .:::.+ (eiA) / (ei J) .:::.+ (e2A) / (e2J) .:::.+ e2A. Réciproquement, supposons que 1: e 1A---+ e2A est un isomorphisme. Si on note respectivement P1 : eiA---+ eiA et p2 : e2A ---+ e2A les projections canoniques, il suit de la projectivité de e1A qu'il existe f : eiA ---+ e2A tel que f P1 = P2f. D'après (VII.1.7) (lemme de Nakayama), f est surjectif. eiA f ---+ lp2 P1l eiA l0 e2A 7 ---+ e2A l0 Faisant de même avec la réciproque de], on trouve un épimorphisme g: e2A--+ e 1A. Mais alors gf : eiA ---+ eiA et f g : e2A --+ e2A sont des épimorphismes. Comme e1 A et e2 A sont des modules de type fini sur une algèbre artinienne, il suit de (VII.6.7) que fg et gf sont des automorphismes. Par conséquent, f et g sont des isomorphismes. D On arrive au résultat principal de cette section. THÉORÈME 1.9. Soit A une K -algèbre artinienne. (a) Tout A-module indécomposable projectif de type fini est isomorphe à un module de la forme eA, avec e un idempotent primitif. i-+ eA fournit une bijection entre classes d'isomorphismes de A-modules indécomposables projectifs de type fini, et de Amodules simples. (c) Tout A-module projectif de type fini est isomorphe à une somme directe finie de A-modules projectifs indécomposables de type fini. Cette décomposition est unique à isomorphisme près. (b) L'application eA DÉMONSTRATION. (a) Soit P un A-module projectif de type fini. Alors il existe n > 0 et P' projectif tels que A~).:::.+ P E9 P'. Si Pest indécomposable, il 1. IDEMPOTENTS ET PROJECTIFS INDÉCOMPOSABLES 209 suit du théorème de décomposition unique {VIl.6.13) que Pest isomorphe à un facteur direct indécomposable de A~>, donc de AA. {b) Il suit de {1.8) que l'application eA 1-+ eA est injective. Or, si AA = n E9 eiA est une décomposition de AA en modules indécomposables projectifs, i=l n A/J..; ©(eiA)/(eiJ) est une décomposition du module semisimple A/J en i=l A/J-modules simples, donc en A-modules simples. Or tout A/ J-module simple est isomorphe à un facteur direct indécomposable de A/ J, donc à un (eiA)/(eiJ). (c) Découle évidemment de (a) {b) et du théorème de décomposition unique (VII.6.13). D COROLLAIRE 1.10. Soient A une K-algèbre artinienne et M un A-module de type fini et de coiffe simple. Il existe un A-module projectif indécomposable P, unique à isomorphisme près, et un épimorphisme P ---+ M. DÉMONSTRATION. En effet, M admet un unique sous-module maximal Net M / N est simple. Alors M / N..; eA/eJ pour un e idempotent primitif de A. Le module P = eA fait l'affaire. Son unicité résulte de {1.8). D Un exemple de calcul est ici utile. Soient K un corps et A = [~ ,&. ]. On rappelle que radA = J = [_&. g]. Un ensemble complet d'idempotents primitifs orthogonaux est fourni par les idempotents matriciels e 11 , e22· En effet, il est clair qu'il s'agit d'idempotents orthogonaux tels que 1 =en+ e22, et en outre euAeu..; K, e22Ae22..; K sont deux algèbres locales. On en déduit que A admet exactement deux modules projectifs indécomposables de type fini non isomorphes, à savoir euA et e22A, et deux modules simples non-isomorphes, à savoir leurs coiffes respectives 8 1 et 8 2 • Comme dimK(enA) = 1, on a que e 11 A est simple et isomorphe à 8 1 . Par contre, dimK(e 22A) = 2 et rad{e22A) = e22J =F O. En fait, dimK{e22J) = 1. Par conséquent, e22A admet un unique sous-module simple, égal à e22J. Comme HomA(e11A,e22A) ..;e22Ae11 =F 0, il existe un morphisme non nul euA---+ e22A, ce qui implique d'après le lemme de Schur que e22J..; eu A..; 81. Le treillis de sous-modules de e22A est donc e22A 0 On a une unique suite de composition 0 e22J..; 81 et e22A/e22J..; 82. ~ e22J ~ e22A avec comme facteurs 210 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA 2. Couvertures projectives Nous allons montrer l'existence des couvertures projectives pour les modules de type fini sur une algèbre artinienne. Au chapitre (IV), nous avons introduit la notion d'enveloppe injective et montré que tout module admet une enveloppe injective. La notion duale est celle de couverture projective. Comme nous le verrons, l'existence de couvertures projectives est liée aux propriétés du radical. Afin de mettre ce fait en évidence, nous commençons par donner la définition suivante. DÉFINITION. Soit MA un A-module. Une couverture projective de M est une paire (P, f), où PA est un A-module projectif et où f : P --+ M est un épimorphisme qui induit un isomorphisme 7 : P /rad P :::+ M /rad M. On rappelle en effet que, si f : P--+ M est un épimorphisme, alors f {rad P) Ç rad M, et f induit donc, par passage aux conoyaux, un morphisme J : P /rad P --+ M /rad M. En outre, f est toujours un épimorphisme. La situation où 7 est un isomorphisme a été examinée en (VII.1.9), que l'on peut reformuler comme suit. LEMME 2.1. Soient P, M deux A-modules de type fini, avec P projectif, et f :P --+ M un épimorphisme. Les conditions suivantes sont équivalentes : (a) f est une couverture projective. f est superflu. (c) Ker f Ç rad P. 0 {b) Avant de démontrer notre théorème d'existence, remarquons qu'il n'est pas vrai que tout module admet une couverture projective : si A = Z et M = Z2 , on a rad A = 0 et rad M = 0, et donc la définition donnerait Z2 :::+ M /rad M :::+ P /rad P. Or tout Z..module projectif est libre comme nous le verrons en (XII.1.5) et en fait tout sous-module d'un Z..module libre est libre. Donc P et rad P sont libres. Par conséquent rad P = 0 et P /rad P est libre ou nul, et dans les deux cas il en résulte une contradiction. THÉORÈME 2.2. Soient A une K -algèbre artinienne et M un A-module de type fini. (a) M admet une couverture projective (P, f) avec P de type fini, et unique à isomorphisme près. (b) La couve.rture projective de M est isomorphe à celle de sa coiffe M / M J. (c) La paire ( P, f) est une couverture projective de M si et seulement si, pour tout épimorphisme f' : P' --+ M avec P' projectif, il existe un épimorphisme h : P' --+ P tel que f h = f' : 2. COUVERTURES PROJECTIVES 211 P' )// 11' P~ M --+0 1 0 DÉMONSTRATION. (a) et (b). Avec les hypothèses émises, radM = MJ et en outre M / M J est un module semisimple, et de type fini puisque M l'est. Écrivons t donc M/MJ = œsi avec chaque Si un A-module simple. D'après (1.9), il i=l existe pour chaque i, un A-module projectif indécomposable (en fait cyclique et engendré par un idempotent primitif) Pi tel que Si-:+ Pif PiJ. Posons que t PA= E9l'i· Alors PA est projectif de type fini et i=l Comme PA est projectif, le morphisme composé P --+ P / P J-:+ M / M J se relève en un morphisme f: P--+ M qui, par suite du lemme de Nakayama (Vll.1.7), est un épimorphisme. Par définition, (P, !) est bien une couverture projective de M. Il suit de la construction que c'est aussi une couverture projective de M/M J. L'unicité découlera du raisonnement suivant. (c) Supposons en effet que (P, !) est une couverture projective de Met que f': P'--+ M est un épimorphisme avec P' projectif. Comme P' est projectif, il existe h : P' --+ P tel que fh = f'. En prenant les morphismes induits sur les coiffes, on a = f ÏÏ. Comme f' est un épimorphisme, il en est de même de Comme 1 est un isomorphisme, ÏÏ est un épimorphisme. Le lemme de Nakayama (VIl.1. 7) entraîne que h est aussi un épimorphisme. Réciproquement, supposons que la condition donnée est satisfaite et construisons P' comme en (a). L'épimorphisme f' : P'--+ M donne un épimorphisme h : P' --+ P tel que fh = f'. Comme P' est projectif, h est une rétraction et donc P est isomorphe à un facteur direct de P'. Mais, d'autre part, on a des isomorphismes P' / P' J-:+ M / M J-:+ P / P J. Par conséquent P-:+ P'. Cela démontre (c) et donc l'unicité en (a). D f' f'. Par abus de langage, on dit parfois que P (ou encore !) est la couverture projective de M. Remarquons que la propriété (c) entraîne que la couverture projective de M est un facteur direct de tout module projectif "couvrant" M, c'est-à-dire tel qu'il existe un épimorphisme de ce projectif sur M. On retrouve bien l'idée du plus petit projectif "couvrant" M qui a été exprimée en (IV.4). 212 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA Remarquons que, si M = eA/eJ est simple, il suit de la construction donnée que sa couverture projective est (P, f) avec P = eA et que f : eA -+ eA/eJ est la projection canonique. Une autre conséquence de cette construction est la suivante. COROLLAIRE 2.3. Si (Mih:5i::>m est une famille finie de modules de type fini sur une algèbre artinienne, avec (Pi, fi) une couverture projective de Mi pour m chaque i, alors (P, f) est une couverture projective de M = EB Mi, avec P = i=l m EB Pi et f : P -+ M, le morphisme induit des k D i=l 3. Équivalences de catégories de modules Notre objectif est le suivant : nous désirons construire une algèbre "la plus économique possible" avec une catégorie de modules donnée. Cela nous conduit à examiner quand deux catégories de modules sont équivalentes. DÉFINITION. Deux K - algèbres A et B sont dites Morita - équivalentes s'il existe une équivalence K-linéaire F: ModA-+ ModB (dite alors équivalence de Morita). Rappelons que cela signifie que le foncteur F est plein, fidèle et dense. De façon équivalente, il existe une équivalence quasi-inverse (et aussi K-linéaire) G: ModB-+ ModA, d'où des isomorphismes fonctoriels GF-=.lModA et FG-=.lModB· Nous commençons par donner une longue liste (non exhaustive) des propriétés préservées par une équivalence. Les preuves en sont toutes triviales et laissées au lecteur. Soient A, B deux K-algèbres, et F : Mod A -+ Mod B une équivalence K-linéaire. (1) Pour deux A-modules M, N, on a un isomorphisme de K-modules HomA(M,N)-=. HomB(FM,FN). (2) Soit M un A-module, on a un isomorphisme de K-algèbres EndA M-=. EndB FM. (3) Une suite 0 --+ LA -1..... MA _..!!__. NA --+ 0 est exacte (ou exacte et scindée) dans ModA si et seulement si la suite induite 0--+ FL .!L FM~ FN--+ 0 est exacte (ou exacte et scindée, respectivement) dans Mod B. (4) Pour toute famille (M.xheA de A-modules, on a et F (rr ÀEA M.x) -=. II FM.x. ÀEA 3. ÉQUIVALENCES DE CATÉGORIES DE MODULES 213 (5) Un A-module P est projectif si et seulement si le B-module F P est projectif. {6) Un A-module I est injectif si et seulement si le B-module FI est injectif. (7) Une paire {P, f) est une couverture projective d'un A-module M si et seulement si (FP,Ff) est une couverture projective du B-module FM. {8) Une paire {J,j) est une enveloppe injective d'un A-module M si et seulement si (FI,Fj) est une enveloppe injective du B-module FM. {9) Pour tout A-module M, il existe un isomorphisme entre les treillis de sous-modules du A-module Met du B-module FM. {10) Un A-module M est artinien si et seulement si le B-module FM l'est. {11) Un A-module M est noethérien si et seulement si le B-module FM l'est. {12) Un A-module M est simple si et seulement si le B-module FM l'est. {13) Un A-module M est de longueur finie si et seulement si le B-module FM l'est, et, dans ce cas, .e(M) = .e(FM). {14) Un A-module M est semisimple si et seulement si le B-module FM l'est. {15) Un A-module M est indécomposable si et seulement si le B-module FM l'est. On en déduit, avec les mêmes hypothèses, que : (a) L'algèbre A est artinienne si et seulement si B l'est. {b) L'algèbre A est noethérienne si et seulement si B l'est. (c) L'algèbre A est semisimple si et seulement si B l'est. (d) L'algèbre A est simple si et seulement si B l'est. Notre objectif est de donner des conditions nécessaires et suffisantes pour l'obtention d'une équivalence F: ModA-+ ModB. Un A-module M est appelé un générateur de ModA si, pour tout A-module N, il existe un ensemble A et un épimorphisme M(A) -+ N. Un exemple évident de générateur de ModA est fourni par MA= AA (puisque tout module est quotient d'un module libre). En fait, tout module libre est un générateur de Mod A. Réciproquement, si MA est un générateur, il existe m > 0 tel que Mt> ~AA fBNA avec N un A-module: -+ AA est en effet, AA étant libre, et donc projectif, tout épimorphisme une rétraction. Il suffit donc de montrer que, si f = (f>...)>.eA : M(AJ -+A est un épimorphisme, alors il existe un épimorphisme g : M(m) -+ A pour un certain m > O. Or le A-module A est engendré par 1. Donc il existe (x>.)>.eA E M(A) tel que 1 = f((x>.heA) = f>.(X>.)· Mt> L >.eA le support fini de (x>.)>.eA et g Soient donc {À1 1 . . . , Àm} = [f>. 11 . . . , f>.m] : M(m) -+ A : il est clair que c'est le morphisme voulu. Cela nous amène au lemme suivant. LEMME 3.1. Soient A, B deux K -algèbres, F : Mod A -+ Mod B et G : ModB-+ ModA des équivalences K-linéaires quasi-inverses. Posons que PA= G(BB)· Alors : (a) PA est un A-module projectif. (b) PA est un générateur de Mod A. (c) PA est de type fini. 214 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA DÉMONSTRATION. (a) En effet, BB est un B-module projectif, et G une équivalence. (b) Soit MA un A-module. Il existe un B-module U et un isomorphisme M ..:; GU. Comme B B engendre Mod B, il existe un ensemble A et un épimorphisme B~A) --+ UB. Par conséquent, on a un épimorphisme P1A) ..:;GB~A) --+ GuB..:;MA. (c) Il existe un B-module V tel que GVB ..:;AA. Comme AA engendre PA, lequel engendre ModA, il s'ensuit que VB engendre BB et, par suite, ModB. Il suit des remarques précédentes qu'il existe m > 0 et un épimorphisme v~m) --+ BB. On en déduit un épimorphisme A~m)..:; GV~m) bien que PA est de type fini. {d) End PA= EndGBB..:; EndBB..:; B. D --+ GBB =PA, ce qui montre DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. Un A-module projectif de type fini qui est un générateur de Mod A est appelé un progénérateur de Mod A. Par exemple, AA est un progénérateur de Mod A. Réciproquement, tout progénérateur de Mod A étant projectif de type fini est isomorphe à un facteur direct de A~m) pour un m > O. Le lemme précédent nous assure que l'existence d'une équivalence de Morita entraîne celle d'un progénérateur ayant en outre la propriété que End PA ..:; B. Remarquons que tout module à droite a une structure naturelle de module à gauche sur une algèbre d'endomorphismes et cette propriété entraîne que PA est aussi un B-module à gauche et, en fait, un (B - A)-bimodule. THÉORÈME 3.2 (DE MORITA). Soient A,B deux K-algèbres. Il existe une équivalence K -linéaire F : Mod A --+ Mod B si et seulement s'il existe un progénérateur PA tel que End PA ..:; B. Si tel est le cas, l'équivalence de catégories est donnée par la paire de foncteurs F = HomA(P, -) et G = - ®B P. DÉMONSTRATION. Nécessité. S'il existe des équivalences K-linéaires quasiinverses F : ModA --+ ModB et G : ModB --+ ModA, il suit de (3.1) que PA= G(B) est un progénérateur tel que EndPA ..;B. Il reste à montrer que l'on a des isomorphismes fonctoriels FM..:; HomA(P, M) pour tout A-module MA et GU= U ®B P pour tout B-module UB. Pour tout A-module M, on a des isomorphismes fonctoriels FM ..:; HomB(B,FM) ..:; HomA(GB,GFM) ..:; HomA(P,M) d'où F..:; HomA(P, -). D'autre part, on sait que G(B) = PA..:; BB ®B P, où l'isomorphisme cp B : B ® B P --+ P défini par b ® x 1-t bx (pour b E B, x E P) est 3. ÉQUIVALENCES DE CATÉGORIES DE MODULES 215 fonctoriel (voir (V.1.4)). Tout B-module U admet une présentation libre B1A) B1I:) ----+ ----+ UB ----+ 0 où A, E sont deux ensembles (voir (III.3.7)). Comme Gest une équivalence (donc un foncteur exact) et que -®B Pest exact à droite, on en déduit un diagramme commutatif à lignes exactes : B(A) ®B p 'l's(A) ------t l B(I:) ®B p ------t u ®B p ------t 0 ------+ 0 1 1 l GB(A) ------+ G(U) . Les isomorphismes cp BCA> et cp BCE> en induisent un troisième par passage aux conoyaux. Cela donne bien l'isomorphisme cherché. Suffisance. Soient PA un progénérateur et B = End P. Montrons que les foncteurs F = HomA(P, -) et G = - ®B P sont des équivalences quasi-inverses. Il existe des morphismes fonctoriels ê: GF-+ et 11: lModA lModB-+ FG définis comme suit. Pour tout A-module MA, êM: est défini par f ®y B-module UB, 1-+ GF(M) = HomA(P,M) ®B P-+ M f(y) (où f E HomA(P, M) et y E P), et, pour tout 11u : U-+ FG(U) = HomA(P, U ®B P) est défini par x 1-+ (y 1-+ x ®y) (où x E U et y E P). Il est facile de vérifier que ê et 11 sont des morphismes fonctoriels. D'autre part, 11B est un isomorphisme : en effet 118 n'est autre que la composition des isomorphismes suivants : FG(B) = HomA(P,B®B P)=+ HomA(P,P) = EndAP =B. Par conséquent, pour tout ensemble A, le morphisme 11BCA> est un isomorphisme. Soient donc UB un B-module arbitraire et B1A) ----+ B1I:) ----+ uB ----+ 0 une présentation libre de U. On applique le foncteur FG. Comme G = - ®B P est exact à droite, on a une suite exacte de Mod A : Comme P est projectif, le foncteur F = HomA (P, - ) est exact, d'où une suite exacte de Mod B : 216 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA Il suit de la fonctorialité de fJ que l'on a un diagramme commutatif à lignes exactes B~A) 1/s(A) 1 FGB<;> ----+ 0 ----+ 0 . Comme fJB<A> et fJB<E> sont des isomorphismes, 'f/U est un isomorphisme également. Comme UB est arbitraire, cela montre bien que 'f/ est un isomorphisme fonctoriel. On montre de même que e est un isomorphisme fonctoriel : en effet, PA étant un progénérateur, tout A-module M admet une présentation projective de la forme P1A) ~ P1E) ~MA ~O. Il ne reste plus qu'à observer que ep est un isomorphisme (en effet, ep est la composition des isomorphismes HomA(P, P) ®B P = EndA P ®B P = B ®B P =+PA) et à appliquer le raisonnement précédent. D Il est intéressant de remarquer qu'avec les hypothèses du théorème, Bp est un progénérateur de Mod B 0 P. En effet, PA étant un progénérateur de Mod A, il existe un n > 0 et un A-module MA tels que l'on ait un isomorphisme pin>=+ AA œMA. Si on applique le foncteur HomA(-, BPA) on en déduit un isomorphisme de B-modules à gauche BB(n) =+ HomA(P1n)' BPA) =+ HomA(AA, BPA) œHomA(M, BPA) =+ BPœHomA(M,P). Cela montre que Bp est projectif de type fini. Il reste à montrer qu'il engendre ModB 0 P. Mais on sait qu'il existe un m > 0 et un A-module NA tels que l'on ait un isomorphisme A~m) =+PA œNA. Le même raisonnement que plus haut donne Bp(m) =+ BB œHomA(N, P). Cela prouve notre énoncé. COROLLAIRE 3.3. Soient A une K -algèbre et n un entier positif Alors A et Mn(A) sont Morita-équivalentes. DÉMONSTRATION. Mn(A) =+ EndA(A<n>). Mais A~) est évidemment un progénérateur de Mod A. D On a vu dans le chapitre précédent qu'il y a avantage à se restreindre aux modules de type fini. Pour une K-algèbre A, notons mod A la sous-catégorie de Mod A formée des modules de type fini. Le fait que tout progénérateur est en particulier un module de type fini entraîne le corollaire suivant. 3. ÉQUIVALENCES DE CATÉGORIES DE MODULES 217 COROLLAIRE 3.4. Soient A, B deux K -algèbres. Les conditions suivantes sont équivalentes : (a) A et B sont Morita-équivalentes. (b) Il existe un progénérateur PA tel que End PA ..; B. (c) Il existe une équivalence K -linéaire mod A --+ mod B. DÉMONSTRATION. L'équivalence de (a) et de (b) a été établie en (3.2). Pour montrer que (a) implique (c), il suffit de montrer que, si MA est un A-module de type fini, alors HomA(P, M) est un B-module de type fini. Mais dire que MA est de type fini revient à dire qu'il existe un n > 0 et un épimorphisme A~) --+MA. D'autre part, PA étant un progénérateur, il existe un m > 0 et un épimorphisme Ptn> --+ AA, d'où par composition un épimorphisme Pimn) --+ MA. Comme PA est projectif, le foncteur HomA(BPA, -) est exact, d'où un épimorphisme B~mn) --+ HomA(P, M). Réciproquement, soient F : mod A --+ mod B et G : mod B --+ mod A deux équivalences quasi-inverses. Posons que PA= G(BB)· Alors PA est projectif de type fini et End PA .=:. End B B .=:. B. Il reste à montrer que PA engendre Mod A, et, pour cela, il suffit de trouver un n > 0 et un épimorphisme Pin) --+ AA. Or AA est un A-module de type fini, donc F (AA) est un B-module de type fini. Par conséquent, il existe un n > 0 et un épimorphisme B~) --+ F (AA), d'où l'épimorphisme cherché Pin) = G ( B;>) --+ GF (AA) ..; AA. D On voit donc que les progénérateurs de mod A et de Mod A coïncident. Évidemment, le corollaire (3.4) est particulièrement intéressant à appliquer dans le cas où A est une algèbre artinienne. On a vu que mod A coïncide alors avec la sous-catégorie pleine de Mod A formée des A-modules de longueur finie, des modules artiniens ou des modules noethériens. Un cas particulier est celui où A est une K-algèbre de dimension finie avec K un corps. Comme tout progénérateur est un module de dimension finie en tant que K-espace vectoriel, il s'ensuit que toute K-algèbre B qui est Morita-équivalente à A est aussi de dimension finie (mais, comme le montre le corollaire (3.3), sa dimension n'est généralement pas égale à celle de A). Montrons maintenant qu'il est possible de construire une algèbre la plus petite possible qui soit Morita-équivalente à une algèbre artinienne donnée. Pour ce faire, nous avons besoin d'un lemme. LEMME 3.5. Soient A une K -algèbre artinienne de radical J et P un Amodule projectif Alors EndPA/radEndPA..; End(Pf PJ)A/J· DÉMONSTRATION. Considérons l'application K-linéaire cp: EndP--+ EndP/PJ définie comme suit : si f : P --+ P est A-linéaire, alors f(PJ) = f(radP) Ç radP = PJ entraîne l'existence d'un morphisme f : P/PJ --+ P/PJ par 218 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA passage aux conoyaux (Vg.1). On pose alors cp(f) = f. Si~n note p : P la projection canonique, f est le seul morphisme tel que fp = pf. --+ P/ p J f ---+ P/PJ 7 ---+ P/PJ Il suit de la projectivité de P que cp est une application surjective. Comme cp préserve évidemment l'identité et la composition, cp est un morphisme surjectif d'algèbres. On affirme que radEndP = Kercp, ce qui achèvera de démontrer l'énoncé. Si f E Kercp, on a pf = cp(f)p = 0, d'où f(P) Ç Kerp = PJ. Par conséquent, fm(P) Ç PJm pour tout m, et donc f E EndP est nilpotent. Cela montre que Ker cp est un idéal nil. D'autre part, P / P J est un Amodule semisimple. Par conséquent, EndA (P / P J) est une K-algèbre semisimple d'après (VI.6.5). Comme EndP/PJ ~ (EndP)/Kercp, on déduit de (VII.4.8) que Kercp =rad End P. D DÉFINITION. Une algèbre B est dite réduite (ou sobre) si B /rad B est un produit direct de corps (peut-être gauches). Une algèbre réduite B qui est de la forme B =End PA, avec P un progénérateur de ModA, s'appelle une algèbre réduite de A. Par exemple, soit K un corps, alors A = [ ~ ~] est une algèbre réduite. En effet, on sait que rad A = [ ~ THÉORÈME g] et par conséquent A/ rad A ~ K x K. 3.6. Soit A une K-algèbre artinienne. (a) Soient Pi. P2, ... , Pm des A-modules indécomposables projectifs et P = m E9 ~. Alors End PA est une algèbre réduite si et seulement si Pi f+ Pj i=l pour i =/:- j. (b) Il existe un facteur direct PA de AA, unique à isomorphisme près, tel que End PA soit une algèbre réduite de A. DÉMONSTRATION. (a) Il suit de (3.5) que EndP/radEndP~ End(P/PJ)A/J ~End ($(Pif P1J)) i=l A/J où chaque Pi/ PiJ est un A/ J-module simple. Il résulte donc de (VI.6.5) que End Pest réduite si et seulement si Pi/ PiJ f+ Pj/ PjJ pour i =F j. D'après (1.8), ce dernier énoncé équivaut à Pi f+ Pj pour i =/:- j. (b) Posons AA = Pfni) $ PJn 2 ) $ · · · $ pt(nt) avec ni. ... , nt > 0 des entiers et Pi /=+ Pj pour i =/: j. Le module PA cherché ne peut être autre que PA = P 1 EB P2 EB · · · EB Pt. Il est clair en effet que tout progénérateur de Mod A est de 4. DUALITÉ ET MODULES INJECTIFS 219 t la forme œpi(m;) avec mi > 0 pour tout i, et (a) entraîne que l'on doit avoir i=l PA possède bien les propriétés voulues et est uniquement déterminé par ces dernières. D mi = 1 pour tout i. Le module Il suit de ce théorème qu'une algèbre réduite d'une algèbre artinienne donnée A est uniquement déterminée à isomorphisme près. Par abus de langage, on l'appelle l'algèbre réduite de A et on la note Ab. Soit par exemple C un sur-corps (peut-être gauche) de K et A= M11 (C). Il suit de (VI. 7. 7) que Ab est isomorphe à l'algèbre d'endomorphismes d'un module simple quelconque sur A (tous étant isomorphes), donc à C. Plus généralement, on a le corollaire suivant. COROLLAIRE 3. 7. Une K -algèbre artinienne A est semisimple si et seulement si son algèbre réduite Ab est un produit direct de sur-corps de K. DÉMONSTRATION. On applique les théorèmes de Morita et de WedderburnArtin. D , 4. Dualité et modules injectifs Soient C, V deux catégories K-linéaires. Une paire (F, G) de foncteurs contravariants F : C ---+ V et G : V ---+ C est appelée une dualité entre C et V s'il existe des isomorphismes fonctoriels GF -=.1c et FG -=.1v. On dit aussi que F et G sont des dualités quasi-inverses. Donnons un exemple patent de dualité. Pour une catégorie arbitraire C, soit op : c ---+ C0 P le foncteur contravariant canonique appliquant c sur la catégorie opposée C0 P (voir (III.1)), son (quasi-) inverse étant le foncteur op : C0 P ---+ (C 0 P) 0 P = C. Cet exemple est assez général. LEMME 4.1. Soient C, V deux catégories K -linéaires. Les foncteurs contravariants F : C ---+ V et G : V ---+ C sont des dualités quasi-inverses si et seulement si les foncteurs composés ( 0 P) 0 F : c ---+ V 0 P et G 0 (0 P) : V 0 P ---+ c sont des équivalences quasi-inverses. DÉMONSTRATION. Application directe des définitions. D On peut donc déduire les propriétés préservées par une dualité de celles préservées par une équivalence. Nous laissons au lecteur le soin de dresser une liste semblable à celle de la section 3. Par contre, l'existence d'une dualité entre catégories de modules pose un problème entièrement différent et beaucoup plus difficile à résoudre. Nous allons néanmoins montrer que, si A est une algèbre de dimension finie sur un corps K, alors il existe une dualité entre les catégories de modules de type fini modA (des A-modules à droite) et modA0 P (des A-modules à gauche). Une K-algèbre de dimension finie étant évidemment artinienne et noethérienne, toutes les propriétés de ces algèbres vues plus haut sont présentes. En particulier, il y a une identité entre modules de type fini, modules artiniens, 220 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA modules noethériens et modules de longueur finie. En outre, on a le lemme suivant. LEMME 4.2. Soit A une algèbre de dimension finie sur un corps K. La catégorie mod A des A-modules de type fini coïncide avec la sous-catégorie pleine de Mod A formée des A-modules qui sont de dimension finie en tant que K _ espaces vectoriels. DÉMONSTRATION. Soit MA un A-module de type fini. Il existe un n > 0 et un épimorphisme A~)__. MA. Comme AA est un K-espace vectoriel de dimension finie, il en est de même de M. La réciproque est évidente. D Notre objectif est de montrer l'existence de dualités quasi-inverses D: modA __. modA0 P et D' : modA0 P __. modA. Soit donc MA un A-module de type fini. Si on considère M comme un (K - A)-bimodule, on sait que le foncteur D = HomK(-, K) confère à DM = HomK(M, K) une structure canonique de A-module à gauche (voir (11.5.2)) par : (af)(x) = f(xa) (où a E A, f E DM, x E M). Pour un morphisme u : M __. N de A-modules, l'application Du = HomK(u, K) : DN __. DM est définie par f 1--+ fu (où f E DN). On vérifie aisément que Du est un morphisme de A-modules à gauche. On vérifie tout aussi facilement que D est un foncteur contravariant. De même, si AU est un A-module à gauche, alors D'(U) = HomK(U,K) est un A-module à droite. Par conséquent, on obtient également un foncteur contravariant D' = HomK(-,K): modA0 P __. modA. Comme les expressions de D et D' sont identiques, on désignera ces deux foncteurs par la lettre D. THÉORÈME 4.3. Les foncteurs D : mod A __. mod A op et D : mod A op mod A sont des dualités quasi-inverses. __. DÉMONSTRATION. Il suffit, par symétrie, de montrer que l'on a des isomorphismes fonctoriels lmod A .=. D 2 • Or, il suit de résultats élémentaires d'algèbre linéaire que l'on a un morphisme fonctoriel éM : M __. D 2 M défini par l'évaluation x 1--+ (eM(x) : f 1--+ f(x)) (pour x E M, f E DM). En outre, MA étant un K-espace vectoriel de dimension finie, t:: M est un isomorphisme pour tout M. D 4. DUALITÉ ET MODULES INJECTIFS 221 COROLLAIRE 4.4. Si 0---+ L -1...+ M ~ N ---+ 0 est une suite exacte (ou exacte et scindée) de A-modules à droite, alors la suite 0 ---+ D N !!.f!.+ DM !!!..+ DL ---+ 0 est une suite exacte (ou exacte et scindée, respectivement) de A-modules à gauche. D On a évidemment un résultat analogue pour les suites exactes de modules à gauche. Une conséquence immédiate de ce corollaire est que la dualité induit un antiisomorphisme entre le treillis de sous-modules d'un module MA et celui du module correspondant ADM. Cet anti-isomorphisme est donné comme suit : au sous-module LA de MA correspond le sous-module de DM défini par Ll. = D(M/L) = {! E DM 1 f(L) = O}. C'est ce qu'en algèbre élémentaire on appelle le complément orthogonal ou annulateur de L. Il suit du corollaire (4.4) que DM/Ll..:::+DL. On a en outre les formules bien connues : (a) Li Ç L2 implique Lt Ç (b) Ll..J.. = L. (c) (L1 + L2)l. = L[ n Lt. L[. (d) (L1 n L2)l. = L[ + Lt. Il suit de cet anti-isomorphisme qu'un module est simple (ou semisimple, ou indécomposable) si et seulement si son dual l'est. Notre caractérisation des A-modules indécomposables injectifs s'appuie directement sur les considérations précédentes. THÉORÈME 4.5. Soient A une K -algèbre de dimension finie et lA un Amodule de type fini. Les conditions suivantes sont équivalentes : (a) lA est injectif (b) A(DI) est projectif (c) Il existe un n > 0 tel que IA soit un facteur direct de D (AA<n>). m (d) lA .::::+ E9 D(Aei)<ni) où {ei, ... , em} forme un ensemble complet d 'idemi=l potents primitifs orthogonaux de A et ni~ 0 pour tout i. D On en déduit la caractérisation cherchée des A-modules injectifs indécomposables. COROLLAIRE 4.6. Soient A une K -algèbre de dimension finie et IA un Amodule de type fini. Les conditions suivantes sont équivalentes : (a) IA est injectif indécomposable. (b) A(DI) est projectif indécomposable. (c) /A est isomorphe à un facteur direct indécomposable de D(AA). 222 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA (d) Il existe un idempotent primitif e E A tel que I..::. D(Ae). (e) lA est injectif de socle simple. (f) IA est l'enveloppe injective d'un module simple. DÉMONSTRATION. L'équivalence de (a), (b), (c) et (d) découle du théorème, celle de (e) et de (f) avec les précédents du fait que, d'après (1.9), un module projectif est indécomposable si et seulement si sa coiffe est simple, et du fait que, d'après (2.3), un module est projectif indécomposable si et seulement s'il est la couverture projective d'un module simple. D En particulier, il suit de l'équivalence de (a) et de (c) que D(AA) est un cogénérateur injectif de mod A. D'autre part, il suit de l'anti-isomorphisme décrit plus haut que, si e est un idempotent primitif de A (de telle sorte que D(Ae) est un A-module injectif indécomposable), alors le socle (simple) soc D(Ae) de D(Ae) est isomorphe au dual de la coiffe (simple) Ae/ Je du A-module projectif indécomposable Ae. Nous allons en fait montrer davantage. COROLLAIRE 4.7. Soient A une K-algèbre de dimension finie et e E A un idempotent primitif. Alors soc(Ae)..::. eA/eJ, de telle sorte que la correspondance eA ~ D(Ae) induit une bijection entre classes d'isomorphisme de Amodules projectifs indécomposables et classes d'isomorphisme de A-modules injectifs indécomposables. DÉMONSTRATION. Au vu des considérations précédentes, il suffit de montrer que D(eA/eJ) ..::.Ae/Je. Posons que S = eA/eJ. On a Se-=:. HomA(eA,S) =/: 0 (d'après (1.1)). Il existe donc une fonctionnelle f E DS telle que /(Se) =/: O. Mais f(xe) = (ef)(x) pour tout x E S, et donc e(DS) =/: O. Comme ADS est simple, on a que HomA(Ae, DS)..::. e(DS) =/: O. Par conséquent, ADS est isomorphe à la coiffe Ae/Je de Ae. D Par exemple, soient Kun corps et A = [ ~ ~ ]. Un ensemble complet d'idempotents primitifs orthogonaux est {eu, e 22}. Alors A0 P contient deux modules projectifs indécomposables non isomorphes, à savoir Ae 11 et Ae22 , et deux modules simples, à savoir leurs coiffes respectives Sf et S~. On voit facilement que Ae22..::. S~, et que le treillis de sous-modules de Aeu est Aeu rad(Aeu) 0 avec rad(Aeu)..::. S~ et Aeu/ rad(Aeu)..::. Sf. Par conséquent, modA contient deux modules injectifs indécomposables non isomorphes, à savoir D(Aeu) 4. DUALITÉ ET MODULES INJECTIFS 223 et D(Ae22) de socles respectifs 81 = D8~ et 8 2 = D8~. Il suit de l'antiisomorphisme de treillis ci-dessus que le treillis de sous-modules de D(Ae 11 ) est D(Aeu) socD(Aeu) 0 On voit tout de suite que D(Ae 11 ) ..::::. e22A est à la fois projectif et injectif. La correspondance du corollaire précédent peut s'exprimer sous forme fonctorielle. On définit le foncteur de Nakayama de mod A comme étant l'endofoncteur v = DHomA(-,A): modA--+ modA. Il est clair que v est exact à droite. Il suit de (VI.2. 7) appliqué à A de dimension finie sur K, B = K, BI= KK que, pour tous les A-modules de type fini L,M, on a un isomorphisme fonctoriel L®A DM ..:::.DHomA(L,M). Par conséquent, prenant MA= AA, on voit que v est fonctoriellement isomorphe au foncteur - ®A DA. PROPOSITION 4.8. Le foncteur de Nakayama v induit une équivalence de la sous-catégorie pleine proj A de mod A des A-modules projectifs sur la souscatégorie pleine inj A des A-modules injectifs. Elle admet pour quasi-inverse le foncteur v- 1 = HomA(DA,-): modA--+ modA. DÉMONSTRATION. On a des isomorphismes fonctoriels v(eA) = DHomA(eA,A) ..::.D(Ae). Par conséquent, la restriction de v à proj A a son image dans inj A. Réciproquement, on a des isomorphismes fonctoriels v- 1 (D(Ae)) = HomA(DA,D(Ae))..::::. HomAop(Ae,A)..::::. eA, d'où l'énoncé. O Enfin, cette correspondance entre projectifs et injectifs indécomposables induit aussi l'isomorphisme suivant. LEMME 4.9. Pour tout A-module M, on a un isomorphisme de K-espaces vectoriels HomA(eA,M)..::::. DHomA(M, D(Ae)). 224 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA DÉMONSTRATION. En effet, on a D HomA (M, D(Ae)) ~ DHomAap(Ae,DM) ~ D(eDM) ~ D(D(Me)) ~ Me ~ HomA(eA, M). D 5. Groupe de Grothendieck et matrice de Cartan Dans cette section, comme dans la précédente, on suppose que K est un corps et que A est une K-algèbre connexe de dimension finie. Notre but est d'adjoindre à chaque A-module de type fini un vecteur appartenant à un groupe abélien libre. Comme la catégorie des A-modules de type fini est équivalente à la catégorie des modules de type fini sur l'algèbre réduite de A, nous pouvons supposer en outre (dès le début) que A est réduite. On ajoutera une hypothèse supplémentaire : on supposera de plus que A est une K-algèbre déployée, c'est-à-dire telle que A/ rad A = K x K x · · · x K. Observons que, si K est algébriquement clos, alors il suit de (VI.7.4) et de (3.7) que toute K-algèbre réduite est automatiquement déployée. Il est important pour notre propos de remarquer que, si A est déployée, alors tout A-module simple S est de K-dimension 1 : en effet, cela résulte de ce que S est aussi un A/ rad A-module simple, par (VIl.4.3}. On se fixe un ensemble complet d'idempotents primitifs orthogonaux {ei, ... , en}· Pour chaque i, avec 1 ~ i ~ n, on note P(i) = eiA et I(i) = D(Aei}, respectivement le A-module projectif indécomposable et le A-module injectif indécomposable correspondants. Alors l'ensemble {P(l},. .. , P(n)} (ou {J(l}, ... , I(n)}) est un ensemble complet de représentants des classes d'isomorphisme de A-modules projectifs (ou injectifs, respectivement) indécomposables et, en n outre, on a AA = $P(i). Enfin, pour chaque i, avec 1 ~ i ~ n, on a S(i) = i=l soc I( i) ~ P( i) /rad P( i} simple. LEMME 5.1. Pour chaque A-module de type fini M, on a que dimK M ei est égal au nombre de facteurs de composition de M isomorphes à S(i). DÉMONSTRATION. On sait que Mei ~ HomA(P(i}, M) (d'après {1.1)). Soit donc f E HomA(P(i}, M} un morphisme non nul. Alors l'image par f de la coiffe simple S(i) de P(i) est évidemment un facteur de composition de M, isomorphe à S(i). Réciproquement, pour chaque facteur de composition de M isomorphe à S(i}, il existe un sous-module de M dont la coiffe admet un facteur direct isomorphe à S(i). Comme, pour chaque tel sous-module, il existe un morphisme non nul de P(i) dans M, l'énoncé s'ensuit. D 5. GROUPE DE GROTHENDIECK ET MATRICE DE CARTAN 225 DÉFINITION. Soit M un A-module de type fini. Le vecteur-dimension de M est l'élément de zCn) défini par • d1mM= [dim~Me1] . dimkMen On convient de placer tous nos vecteurs en colonnes. On remarque que la longueur de composition de M est donnée par l(M) = n L dimK Mei = dimK M. En outre, les vecteurs-dimension des A-modules simi=l pies S(i) coïncident avec les vecteurs de la base canonique de zCn). On a le lemme suivant. LEMME 5.2. La fonction dim est additive : si 0 --+ L --+ M --+ N est une suite exacte courte de modA, alors dimM = dimL + dimN. --+ 0 DÉMONSTRATION. Soit i E {1, ... , n}. Si on applique le foncteur exact HomA ( P( i), - ) à la suite exacte donnée, on obtient une suite exacte courte de K-espaces vectoriels Par conséquent, dimK M ei = dimK Lei+ dimK N ei pour tout i, d'où l'énoncé. D DÉFINITION. Soient :F le groupe abélien libre ayant pour base l'ensemble des classes d'isomorphisme M des A-modules de type fini M, et :F' le sous-groupe de :F engendré par les éléments M - L - N correspondant aux suites exactes courtes 0 --+ L --+ M --+ N --+ 0 de mod A. Le groupe de Grothendieck de modA est défini comme le groupe K 0 (A) = :F/:F'. On notera (M] l'image par l'application canonique :F-+ :F/:F' de la classe d'isomorphisme M de M. Il se fait que K 0 (A) est lui-même libre et en fait isomorphe à zCn). Cela découle du théorème suivant. THÉORÈME 5.3. Soit A une K -algèbre de dimension finie, connexe, réduite et déployée, ayant {ei, ... , en} comme ensemble complet d'idempotents primitifs orthogonaux. Posons que S(i) = eiA/ rad(eiA) pour chaque i, avec 1 :::; i :::; n. Alors Ko(A) est un groupe abélien libre de base { [ S(l) ], ... , [ S(n)]} et l'application M i-+ dimM induit un unique isomorphisme de groupes dim : Ko(A)-+ z<n> tel que dim[M] = dimM. DÉMONSTRATION. Montrons d'abord que { [ S( 1 ) ], ... , [ S( n)]} engendre Ko(A). Soient M un A-module, et 0 = Mo c Mi c ··· c Mt = M une suite de composition pour M. Alors, par définition de Ko(A), on a t n [M] = L[Mj/Mj-d = L(dimK Mei)[S(i)] j=l i=l 226 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA d'après (5.1). Donc {(8(1)), ... , [8(n))} engendre bien Ko(A). Il est clair que M ~ N entraîne dimM = dimN. En outre, l'additivité de la fonction dim (voir (5.2)) entraîne que l'application M 1-+ dimM induit un unique homomorphisme de groupes abéliens dim : Ko(A) -+ z<n> tel que dim[M] = dimM. Comme {[8(1)), ... , [8(n))} est un ensemble de générateurs de Ko(A), dont l'image est la base canonique de zCn), il s'ensuit que {(8(1)], ... , [8(n))} est un ensemble linéairement indépendant de K 0 (A). Il en forme donc une base et par conséquent dim est bien un isomorphisme. D DÉFINITION. La matrice de Cartan CA de A est la n x n matrice CA [Ci;h:s;i,;:s;n dont les coefficients sont définis par Cij = dimK(e;Aei)· = Comme on a, d'après (1.2) et (4.9), des isomorphismes de K-espaces vectoriels e;Aei ~ HomA(eiA, e;A) ~ HomA(P(i), P(j)) ~ D HomA(P(j), J(i)) ~ D 2 HomA(J(i), J(j)) ~ HomA(J(i), J(j)) la matrice de Cartan enregistre donc le nombre de morphismes entre A-modules indécomposables projectifs et aussi entre A-modules indécomposables injectifs. PROPOSITION 5.4. (a) La ième colonne de CA est dimP(i). (b) La ième rangée de CA est [dimJ(i))t. (c) dimP(i) =CA· dim8(i). (d) dimJ(i) =Ci· dim8(i). DÉMONSTRATION. (a) découle de la définition et de ce que eiAek = P(i)ek pour tous i, k E {1, ... , n}. (b) résulte de la définition et de ce que dimK(ekAei) = dimK HomA(ekA, J(i)) = dimK I(i)ek pour tous i, k E {1, ... , n}. (c) (d) résultent de (a) (b) et de ce que les vecteurs dim8(i) forment la base canonique de zCn) ~ Ko(A). D EXERCICES DU CHAPITRE VIII 227 Exercices du chapitre VIII 1. Soit A une K-algèbre artinienne et locale. Montrer que tout A-module projectif de type fini est libre. 2. Soit A une K-algèbre artinienne, et M un A-module =/; 0 de type fini. Montrer que, si tout quotient non nul de M est indécomposable, alors M est de coiffe simple. 3. Montrer qu'un idempotente E A est primitif si et seulement s'il n'existe pas d'idempotent f tel que 0 =I f =I e et f = ef = f e. 4. Soient A artinienne, e 11 e2 deux idempotents primitifs tels que P 1 = e1 A n'est pas isomorphe à P2 = e2A. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes : {a) HomA(Pi, P2) =/;O. (b) P2{radA)P1-:/: O. (c) e2{radA)e1 =IO. 5. Soient A artinienne, Mun A-module de type fini. Montrer que, si la couverture projective de M est indécomposable, alors M l'est aussi. La réciproque est-elle vraie ? 6. Montrer que, si e 11 e2 sont deux idempotents tels que e1 A-=. e2A et ei est central, alors e2 = eie2 = e2e1. Si e2 est central aussi, alors montrer que ei = e2. 7. Soient 1 = ei + e2 + · · · + en = fi + h + · · · + f m deux décompositions de l'identité d'une algèbre artinienne A en idempotents primitifs orthogonaux. Montrer que n = m et qu'il existe a E A inversible tel que, à l'ordre près, fi = a- 1eia. (Indication : (VII.6.13) donne à l'ordre près eiA-=. fiA pour tout i, défini par un ai E eiAfï. Essayer a= I:>i·) i 8. Soit K un corps. Pour chacune des algèbres suivantes, calculer les Amodules projectif$ indécomposables et les A-modules injectifs indécomposables. Pour chacun de ces modules, dessiner le treillis de sous-modules. : : :::;~:t~. [l . :l (c) A= (d) [~K ~K 1 ~] · K K A~[~ ~ 1)- 9. Soit A une K-algèbre. Montrer qu'un A-module M est un générateur de 228 VIII. MODULES PROJECTIFS. ÉQUIVALENCES DE MORITA ModA si et seulement si le foncteur HomA(M, -) est fidèle. 10. Soient A une K-algèbre, MA un module et B =End MA. Montrer que: (a) Si MA est un générateur, BM est projectif de type fini. (b) Si MA est projectif de type fini, 8 M est un générateur. 11. Soient A, B deux K-algèbres de dimension finie. Montrer que mod A et modB sont équivalentes (au sens de Morita) si et seulement si modA0 P et mod B 0 P le sont. 12. Montrer que, pour des modules de type fini Li,L2,L sur une algèbre de dimension finie, on a : (a) Li Ç L2 implique Lr Ç Lf-. (b) L.L.L = L. (c) (Li+L2).L=Lf-nL4-. (d) (Lin L2).L = Lf- + Lr. 13. Montrer que, pour tout A-module M de type fini (avec A une algèbre de dimension finie sur un corps), on a socDM = (radM).L. 14. Soient Kun corps et A une K-algèbre de dimension finie. Montrer que A est réduite si et seulement si deux facteurs directs distincts de D(AA) ne sont pas isomorphes. 15. Soient Kun corps, A une K-algèbre de dimension finie et Mun A-module de type fini. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes : . (a) M est fidèle (voir l'exercice (Il.1)). (b) Il existe un m > 0 et un monomorphisme AA --+ M(m). (c) Il existe un m > 0 et un épimorphisme M(m) --+ D(AA). 16. Pour chacune des algèbres de l'exercice 8, calculer les vecteurs-dimension des A-modules projectifs ou injectifs indécomposables, puis la matrice de Cartan. 17. Montrer que le groupe de Grothendieck d'une algèbre A possède la propriété universelle suivante : si f est une fonction qui assigne à chaque classe d'isomorphisme Md'un A-module M de type fini un élément f(M) d'un groupe abélien G de telle sorte que pour chaque suite exacte courte o~L~M~N~o de modA, on a f(M) = f(L) + f(N), alors il existe un unique homomorphisme de groupes F : Ko(A) --+ G tel que F([M]) = f(M). CHAPITRE IX Foncteurs Ext et Tor Comme on l'a vu, les suites exactes et les foncteurs exacts présentent énormément d'avantages. On sait pourtant que la plupart des foncteurs ne sont pas exacts. Par exemple, le foncteur Hom n'est exact qu'à gauche, tandis que le foncteur produit tensoriel n'est exact qu'à droite. Afin d'obtenir une suite exacte à partir d'un foncteur de la forme Hom(M, -) (avec M un module), il est possible d'utiliser une approximation de M par des modules projectifs. Une telle approximation est ce que nous avons appelé en (IV.2) une résolution projective de M. On applique le foncteur Hom à une résolution projective de M et on obtient ainsi une suite qui n'est généralement pas exacte, mais qui est un complexe (au sens de (II.3)). La notion d'homologie vient corriger le défaut d'exactitude de ce complexe en lui associant une suite exacte longue, appelée suite d'homologie. Cela permet d'associer au foncteur Hom de nouveaux foncteurs, dits d'extension et notés Extn. La même méthode appliquée au produit tensoriel donne des foncteurs dits de torsion et notés Torn. Le procédé que nous adoptons (par le moyen de ce qu'on appelle des foncteurs dérivés) est long, mais il a ceci d'avantageux que les propriétés de Ext et Tor suivent presque immédiatement des définitions. En outre, il permettra de développer des notions qui sont utilisables dans d'autres contextes. Dans tout ce chapitre, on se fixe une K-algèbre A. 1. Foncteurs d'homologie Rappelons qu'un complexe (ou, plus précisément, un complexe descendant) c* = ( Cn, dn)nEZ est défini par la donnée d'une suite de A-modules (Cn)nEZ et d'une suite d'applications A-linéaires (dn : Cn ---+ Cn-i)nEZ telles que dndn+l = 0 pour tout n E /Z c* · · · --+ Cn+l dn+l --+ C dn n --+ C n-1 --+ · · · · Les applications dn sont appelées des différentielles. L'indice n est appelé le degré Cn (l'astérisque dans C* marque donc la place du degré). Toute suite exacte est évidemment un complexe, alors qu'un complexe n'est généralement pas exact.· En fait, la condition dndn+1 = 0 équivaut à dire que Imdn+l Ç Kerdn. 229 230 IX. FONCTEURS EXT ET TOR EXEMPLES 1.1. (a) A chaque module MA et à chaque m E Z, on peut associer un complexe (On, dn) avec Cm = M et Gn = 0 pour n -:/:- m. Un tel complexe s'écrit ... --+0--+ M--+0--+ ... (m) et est dit concentré en degré m. Ce complexe est exact si et seulement si M = o. (b) Soit p un nombre premier. La famille de Z-modules Gn = Zpa et d'applications Z-linéaires dn = f: Zpa - t Zpa, où f(x) = p2 x (pour x E Zpa) définit un complexe qui n'est pas exact. (c) Soient A, B deux K-algèbres, c. = (Gni dn) un complexe de A-modules et F : Mod A - t Mod B un foncteur K-linéaire ; alors on a un complexe de Mod B défini par · · · --+ F(Gn+i) F(dn+1) ---+ F(dn) F(Gn) ---+ F(Gn-i) --+ · · · . Notons que F(G.) n'est généralement pas exact, même sic. l'est. Par exemple, soient ANB un A - B-bimodule, MA un A-module et · · ·--+ Pn--+ ···--+Pi--+ Po--+ M--+ 0 une résolution projective de M (qui est donc un complexe exact). On a un complexe de Mod B · · · --+ Pn ®AN --+ · · · --+ Pi ®AN --+ Po ®A N --+ M ®AN --+ 0 qui n'est généralement exact qu'en M ®AN (en effet, le foncteur - ®AN n'est généralement exact qu'à droite). On peut définir une notion de morphismes de complexes. Soient G. = (Gn,dn)nez et G~ = (G~,d~)nez deux complexes de A-modules. Un morphisme f,. : o. - t G~ est une suite de morphismes de A-modules Un : On - t O~)nez compatibles avec les différentielles, c'est-à-dire tels que f n-idn = d~fn pour tout n E Z; en d'autres termes, le diagramme suivant est commutatif --+ Gn-i --+ lfn-1 --+ C' n+i d~+1 ---+ C' n d~ ---+ C' n-i --+ Soient f * : o. - t G~ et f! : O~ - t G!; deux morphismes de complexes avec J. = Un)neZ et f! = (f~)neZ· On définit leur composition f!J.. : o. - t a: par f!J. = (f~Jn)nEZ· On a ainsi défini une catégorie Comp,. de complexes de A-modules. Nous allons expliciter les notions de sous-objet et d'objet quotient dans cette catégorie. Soient G,. = (Gn, dn)nez et G~ = (G~, d~)nez deux complexes de A-modules. On dit que G~ est un sous-complexe de G,. si, pour tout n E Z, on a que G~ Ç Gn et d~ est égale à la restriction de dn à G~ : cette seconde condition équivaut 1. FONCTEURS D'HOMOLOGIE 231 à dire que les inclusions canoniques in : O~ -+ On forment un morphisme de . complexes j .. : o~-+ c .. , appelé l'inclusion canonique. Si C~ est un sous-complexe de o .. , on définit le complexe quotient C': = C .. /C~ par C': ··· ----+ C~ d" = Cn/C~ ~ 0~_ 1 = Cn-i/C~-1 ----+ • • • où d~ est déduite de dn, d~ par passage aux conoyaux (II.3.3), c'est-à-dire que d~ est l'application A-linéaire définie par d~(xn + C~) = dn(xn) + 0~-1 où Xn E On. Les applications d~ forment bien une famille de différentielles sur la suite (c::)nez. puisque d~-ld~(Xn + C~) = d~-1(dn(xn) dn-ldn(Xn) = + o~-1) + 0~-2 c~-2 pour tous Xn E On et n E Z. On voit qu'il existe un morphisme de complexes p .. : O.. -+ C': défini par Pn : On-+ c:: = Cn/C~, où Pn(xn) = Xn + C~ (pour Xn E On)· On appelle p.. la projection canonique. Avec ces définitions, on vérifie sans peine que la catégorie Comp .. est abélienne. On voit aisément ce que signifient les notions de noyau, d'image d'un morphisme de complexes et de suite exacte de complexes. On arrive à la notion d'homologie. Comme on l'a dit, on veut mesurer le défaut d'exactitude d'un complexe C .. = (Cn,dn). Or, on sait que, pour tout n E Z, on a Imdn+l Ç Kerdn, et cette inclusion est une égalité si et seulement si le complexe est exact en degré n. Cela nous amène à définir l'homologie comme suit. DÉFINITION. Soit C,. = (Cn,dn)nez un complexe de A-modules. Son nième module d'homologie est défini par Hn(C,.) = Kerdn/Imdn+l· Les éléments de Kerdn sont appelés des n-cycles, et on note Zn = Zn(C.. ) = Ker dn leur module. Les éléments de Im dn+i sont appelés des n-bords, et on note Bn = Bn(C,.) = Imdn+l leur module. La terminologie employée ("cycles" et "bords") provient de la topologie algébrique. EXEMPLES 1.2. (a) Si dn = 0 pour tout n, alors Zn =Cm Bn = 0 et donc Hn(C,.) =On pour tout n. (b) Un complexe C .. est exact en degré n si et seulement si Hn(C.. ) =O. (c) Si O.. est un complexe concentré en degré m, alors Hm(C.. ) = Cm, Hn(C.. ) = 0 pour n =j m. (d) Si p est un nombre premier fixe, et C,. est le complexe de Z-modules donné par On= Zps et dn : x 1-+ p2 x (où x E On) pour tout n (voir l'exemple (1.l)(b) plus haut), alors Hn( C .. )..; Zv pour tout n. 232 IX. FONCTEURS EXT ET TOR (e) Soit · · · ---+ Pi ---+ Po ---+ M ---+ 0 une résolution projective d'un Amodule M. Alors le complexe··· ---+Pi ---+Po ---+ 0 obtenu à partir de cette résolution projective en supprimant M est un complexe exact partout sauf en degré 0 : on a Hn(P.) = 0 sin=/= 0 et si Ho(P.)-=+ M. Nous désirons faire de chaque Hn un foncteur. Pour cela, nous devons définir son action sur les morphismes. '* DÉFINITION. Soient c* = (Cn, dn), c~ = (C~, d~) deux complexes et = Un)neZ: c* ---+ c~ un morphisme. On définit, pour chaque n E ~. une application A-linéaire Hn(f,,.) : Hn(C,,.) ---+ Hn(C~) par Zn+ Bn(C*) ~ fn(Zn) + Bn(C~) {pour Zn E Zn(C*)). Il faut s'assurer que Hn(f.) est définie sans ambiguïté. Notons d'abord que fn applique Zn(C*) dans Zn(C~) : en effet, d~fn(Zn) = fn-idn(Zn) = 0, pour Zn E Zn(C*). D'autre part, fn applique également Bn(C*) dans Bn(C~) : en effet, soit Zn E Bn(C*) = Imdn+i ; il existe Xn+i E Cn+i tel que Zn = dn+i(Xn+i) et alors fn(Zn) = fndn+i(Xn+i) = d~+dn+i(Xn+i) E Bn(C~). Cela montre bien que Hn(/*) est une application A-linéaire de Hn(C*) dans Hn(C~). On voit sans peine que la définition précédente fait de chaque Hn un foncteur K-linéaire de Comp* dans ModA. LEMME 1.3. Soit C* = (Cn,dn)nez un complexe de A-modules. Pour chaque n, il existe une suite exacte de A-modules 0---+ Hn(C.)---+ Cn/Bn---+ Zn-i---+ Hn-i(C*)---+ 0 avec tous les morphismes fonctoriels. DÉMONSTRATION. La définition du module d'homologie donne une suite exacte courte 0---+ Bn-i ---+ Zn-i ---+ Hn-i(C,,.) ---+O. D'autre part, le théorème d'isomorphisme (11.4.4) donne une suite exacte courte 0---+ Hn(C.) = Zn/Bn---+ Cn/Bn---+ Cn/Zn---+ Or Cn/ Zn o. = Cn/ Ker dn -=+ lm dn = Bn-i. d'où une suite exacte 0---+ Hn(C*)---+ Cn/Bn---+ Bn-i---+ O. Le résultat suit en raccordant les deux suites. On laisse au lecteur la vérification de la fonctorialité. D Nous arrivons au résultat principal de cette section, qui explique comment construire une suite exacte de modules à partir d'une suite exacte courte de complexes. THÉORÈME 1.4. Soit 0 ---+ c~ ~ c* ~ c~ ---+ 0 une suite exacte de complexes. Il existe une suite exacte de A-modules 1 H,.(u.) ... ---+ Hn(C*) - H,.(v.) Hn(C*) - 11 Hn(C*) - 6,. 1 Hn-i(u.) Hn-i(C*) - .... 1. FONCTEURS D'HOMOLOGIE 233 DÉMONSTRATION. La donnée d'une suite exacte courte de complexes de la forme 0 ---+ e~ ~ e* ~ e:: ---+ 0 équivaut à la donnée, pour chaque n E Z, d'un diagramme commutatif à lignes exactes 0 C'n ---+ d:. 0 l e~-1 ---+ - Un en dn Un.-1 l - v,. C"n 0 ---+ 0 d~l Vn.-1 en-1 ---+ C"n-1 où d~ = (d~)nez, d* = (dn)nez, d~ = (d~)nez sont les différentielles respectives de e~, e*, e::. Une première application du lemme du serpent (II.3.6) donne des suites exactes 0 ---+ Z'n ~ Z n ~ Z" n (où Z~ = Kerd~, Zn= Kerdn, Z~ = Kerd~ tandis que in, in sont induites de Un, Un-1 et Vn, Vn-1 respectivement, par passage aux noyaux) et 1 1 Pn-1 en-il Bn-1 - q,._1 en-1/ Bn-1 - Il Il en-il Bn-1 ---+ 0 (où B~_ 1 = Imd~, Bn-1 = Imdn, B~_ 1 = Imd~ tandis que Pn-i. qn-1 sont induites de Un. Un-1 et Vm Vn-1 respectivement, par passage aux conoyaux). Le lemme (1.3) donne alors un diagramme commutatif, où les deux lignes centrales et toutes les colonnes sont exactes Io 1 1 1 1.... - - --+ 0 0 l l z~-1 0 H,.(v.) Ïn-1 l Z"n-1 ----+ l l l Hn-1(e~) l0 L'énoncé découle d'une seconde application du lemme du serpent. D La suite exacte dont le théorème montre l'existence s'appelle suite exacte longue d'homologie. Avec les notations du théorème, les morphismes Ôn : Hn(e~') --+ Hn-1(e~), appelés morphismes de liaison, sont les morphismes obtenus à partir du lemme du serpent (II.3.6). Ils s'expriment donc par Ôn: z~ + Bn(e::) 1--+ u;;~ 1 dnv; 1 (z~) + Bn-1(e~) IX. FONCTEURS EXT ET TOR 234 {où z~ E Z~). Il est loin d'être évident que la construction du théorème est fonctorielle. C'est l'objet du théorème suivant, dont la très fastidieuse démonstration a au moins l'avantage de montrer comment manier les morphismes de liaison. THÉORÈME 1.5. Soit un diagramme commutatif à lignes exactes de complexes et de morphismes de complexes 0 --+ * 1.1 0 --+ - u. C' D'• u~ l - h.1 v. c. 9· C" --+ 0 D" * --+ 0 * - v.I D. Alors il existe un diagramme commutatif à lignes exactes de A-modules et d'applications A-linéaires · · ·--+ Hn(C~) H,.(f.) 1 · · ·--+ Hn(D~) H,.(u.) Hn(C.) - H,.(g.) H,.(u~) - 1 ~ 6,. Hn(C:) --+ Hn-1(C~) --+ ... H,.(h.) H (v') 1 Hn(D,..) ~ Hn(D~) H;,_1(/.) 1 ~ Hn-1(D~) --+ ... DÉMONSTRATION. Notons respectivement d. = (dn)n, d~ = (d~)n, d~ = (d~)n, e. = (en)n, e~ = (e~)n, e~ = (e~)n les différentielles de C., C~, c:, D., D~, D~. On a, pour chaque n E Z, un diagramme commutatif à lignes exactes Comme on a déjà que chaque Hn est un foncteur, il suffit de démontrer que 6~Hn(h.) = Hn-1(/.)6n. Soit donc z~ + Imd~+l E Hn(C:). Il existe Xn E On tel que z~ = Vn(xn)· On a 1. FONCTEURS D'HOMOLOGIE (ô~Hn(h*))(z~ + Imd~+l) 235 (ô~Hn(h*))(vn(Xn) ô~[hnvn(Xn) + Imd~+l) + lme~+ 1 ] = ô~[v~gn(Xn) + lme~+l] (u~_i)- 1 en(v~)- 1 v~gn(Xn) = (u~-1)- 1 engn(Xn) = (u~-1)- 1 gn-1dn(Xn) + lme~ fn-1(Un-1)- 1dn(xn) + Ime~ Hn-1(/*)[{un-1)- 1dn{Xn) + lmd~] Hn-1(/*)[(Un-1)- 1 dnv;;- 1 (z~) + lmd~] = = = = + lme~ + lme~ Hn-1(/*)ôn[z~ + Imd~+il· 0 Il importe, pour la compréhension des calculs qui précèdent, de garder à l'esprit que dans l'expression de Ôn: z~ +Bn(C:) 1--+ u~!:. 1 dnv; 1 (z~) +Bn-1(C~) (où z~ E Zn(C:)), le terme v; 1 (z~) désigne une préimage quelconque de z~, c'est-à-dire un Xn E Cn tel que z~ = Vn(Xn), tandis que u~!:. 1 dnv; 1 (z~) = u~!:. 1 dn(xn) est l'unique préimage de dn(Xn) par Un-1 : il suit en effet de la démonstration du lemme du serpent que cela donne bien une application linéaire. Deux morphismes distincts de complexes de A-modules peuvent très bien induire le même morphisme en homologie. Un exemple d'une telle situation, très important en topologie algébrique, est le suivant. DÉFINITION. Soient c* = (Cn,dn)nEZ etc~= {C~,d~)nEZ deux complexes de A-modules, et !* = (/n)nEZ et g* = (gn)nEZ deux morphismes de c* dans C~. On dit que/* et g* sont homotopes (ce qu'on note/*"' g*) s'il existe, pour chaque n E z, un morphisme Sn : Cn ---+ c~+l tel que f n - gn = d~+l Sn+ Sn-1 dn. dn+l ------+ Cn+l 1... ------+ Cn dn ------+ Cn-1 ------+ 11.71:.H·X:.-·11··-· 1 n+l / n / Cn+1 ------+ Cn ------+ Cn-1 ------+ La suites* = (sn)nEZ est alors appelée une homotopie entre/* et g*. ------+ LEMME 1.6. (a) La relation "' est une équivalence sur l'ensemble des morphismes de c* dans c~. {b) /* "'g* implique Hn(/*) = Hn(g*) pour tout n. (c) Si Fest un foncteur covariant K-linéaire et f* "'g*, alors F(f*) "'F(g*). DÉMONSTRATION. (a) Réflexivité et symétrie sont immédiates. Pour la transitivité, si /* rv g* et g* rv h*, il existe, pour chaque n E Z, des morphismes Sn : Cn---+ C~+l et tn: Cn---+ C~+l tels que: + Sn-ldn d~+ltn + tn-ldn • fn - gn = d~+1Sn gn - hn = 236 IX. FONCTEURS EXT ET TOR Alors, pour chaque n E z, le morphisme Sn + tn : Cn fn - hn = d~+1(Sn --+ c~+l vérifie + tn) + (sn-1 + tn-ddn. (b) Soit (sn: Cn--+ C~+i)nez tel que fn -gn = d~+1sn +sn-1dn pour chaque n E Z. Si Zn E Zn(C,.), on a dn(Zn) = 0 et donc fn(Zn) - gn(Zn) = d~+isn(Zn) E Imd~+l = Bn(C~). Cela montre bien que Hn(f,.)(zn + Bn(C,.)) = Hn(g,.)(zn Zn E Zn(C,.). {c) La relation fn - gn = d~+ 1 sn + Sn-1dn entraîne F(fn) - F(gn) = F(d~+l)F(sn) + Bn(C,.)) + F(sn-1F(dn). pour tout D Terminons cette section par quelques mots sur la construction duale, celle de la suite exacte longue de cohomologie. Un complexe ascendant C* = (en, dn )nez est défini par la donnée d'une suite de A-modules (Cn)nez et d'une suite d'applications linéaires (dn : en --+ cn+l )nez tels que dn~-l = 0 pour tout n E Z C* n-1 dn-i n dn n+l ···--+C --+C --+C --+···. On définit de façon évidente la notion de morphisme de complexes ascendants et la catégorie Comp* des complexes ascendants qui est abélienne. Le nième module de cohomologie d'un complexe ascendant C* = (en,~ )nez est défini par Hn(C*) = Kerdn /Imdn-l. Les éléments de Kerdn sont appelés des n-cocycles et ceux de Imdn-l des ncobords. Si C* = (en, ~)nez et C''" = {C'n, d'n)nez sont deux complexes ascendants et !* = (in )nez est un morphisme de C* dans C'*, on définit Hn(J•) : Hn(C*) --+ Hn(C''") par zn + Imdn-l ~ r(zn) + Imd,n-l (pour zn E Kerdn). On montre qu'on obtient ainsi, pour chaque n, un foncteur Hn : Comp'" --+ Mod A et que, si 0 --+ C''" ~ C* ~ C"* --+ 0 est une suite exacte courte de Comp*, alors il existe une suite exacte de Mod A · · ·--+ Hn(c'*) Hn(u') ---+ H"(v*) 6° Hn(C*)---+ Hn(c"*)---+ Hn+ 1(C 1'")--+ · · · avec tous les morphismes fonctoriels. Cette suite est la suite exacte longue de cohomologie. On laisse au lecteur à titre d'exercice la vérification triviale des énoncés qui précèdent. 2. Foncteurs dérivés Nous aurons besoin de la notation suivante. Soit C,. un complexe de Amodules de la forme d2 C1 --+ di c,0 --+ do M --+ O. . .. --+ c. Le complexe obtenu à partir de C,. en supprimant M sera noté (CM),.. Ainsi (CM),. est le complexe d2 ···--+ c1--+ di (], o--+ 0 · 2. FONCTEURS DÉRIVÉS Soit le diagmmme THÉORÈME 2.1 {DE COMPARAISON). ---+ P'.. ---+ 237 d2 P2 -----+ P.'2 d'2 -----+ di Pi -----+ P'1 d'1 -----+ do Po ---+ P.'0 d' ~ M ---+ 0 ---+ 0 11 M' où les lignes sont des complexes. Si chaque P;, de la ligne supérieure est projectif et si la ligne inférieure est exacte, il existe un morphisme de complexes J.. (PM),. ---+ (PM,),., unique à homotopie près, tel que f do = d0fo. DÉMONSTRATION. {a) Pour montrer l'existence de f,. = Un)nez, on construira fn par récurrence sur n. Sin= 0, on a un diagramme à ligne exacte avec Po projectif ~ P6 M' ---+ 0 ---+ d'où l'existence d'un morphisme /o : Po ---+ P6 tel que f do = d0fo. Supposons Pk ---+ Pfr. construit pour tout 0 :::; k :::; n. On a ainsi un diagramme commutatif fk : Pn+l p~+l dn+l dn Pn ---+ ---+ Pn-1 lfn-l lfn d~+l P'n ---+ d' __!4 p~-1 Si on réussit à montrer que Im(fndn+i) Ç Imd~+l• on aura un diagramme à ligne exacte l d~+l Pn+l Imd~+i ---+ 0 ---+ et la projectivité de Pn+l donnera un morphisme fn+i : Pn+l ---+ P~+l tel que fndn+i = d~+dn+i· Or, on sait que Imd~+ 1 = Kerd~. L'inclusion voulue résulte alors de d~fndn+l = fn-idndn+i = fn-10 =O. (b) Pour montrer l'unicité de f k à homotopie près, on suppose que g,. : (PM),. ---+ (PM,),. est un autre morphisme de complexes tel que f do = d0go, et on construit par récurrence une homotopies= (sn)nez entre/,. et g,.. Comme d0fo = d0go = fdo, on a d0{fo - go) = 0, d'où Im{fo - go) ç Kerd0 = Imd1. Comme Po est projectif, il existe so : Po ---+ P6 tel que fo - go = di so Po BO/ P'1 / / /d, i -----+ lfo-go Imd1 ---+ 0 238 IX. FONCTEURS EXT ET TOR Suppos<?ns Bk connu pour 0 :::; k :::; n. On affirme que Im(fn+l - Un+l - Bndn+i) Ç Imd~+ 2 = Kerd~+l· En effet, on a d~+l Un+i - Un+l - Bndn+1) = d~+dn+l - d~+1Un+l - d~+i sndn+i = f ndn+l - Undn+i - Un - Un - Bn-ldn)dn+i 0 = où l'égalité d~+isn = fn - Un -Bn-1dn découle de l'hypothèse de récurrence. La projectivité de Pn+l entraîne alors l'existence d'un morphisme Bn+l : Pn+l -+ P~+ 2 tel que Pn+i 8 n+l /// . / d' I n+2 Pn+2 ---+ Le morphisme f* : (PM)* -+ lfn+1-9n+1-s,.dn+1 I lm dn+2 --+ 0 . D (PM,)* du théorème est appelé un relèvement de f. Le théorème dual, où les deux lignes sont formées de complexes ascendants, celle du haut étant exacte et celle du bas étant formée de modules injectifs, est aussi vrai. Le morphisme de complexes ainsi obtenu à partir d'un morphisme {de modules) des premiers termes est dit être un prolongement de celui-ci. La démonstration, duale de la précédente, est laissée comme exercice. Nous arrivons à la définition des foncteurs dérivés. Nous commençons par les foncteurs dérivés à gauche. Soient A,B deux K-algèbres et F: ModA-+ ModB un foncteur covariant K-linéaire. Pour un A-module M, soit une résolution projective de M. On applique F au complexe (PM)*, et on obtient un complexe · · · --+ F P2 Fd2 --+ F P1 Fd1 ---+ F Po --+ O. Par définition, le nième foncteur dérivé à gauche F~s) de Fest défini sur l'objet M comme le nième module d'homologie du complexe précédent: F~8 )M = Hn(F(PM)*) = Ker(Fdn)/Im(Fdn+i)· Il faut aussi définir l'action de F~s) sur un morphisme de A-modules f: MA--+ M~. Pour ce faire, on prend deux résolutions projectives de M et M', respectivement: d2 p 1 --+ di R0 --+ do M --+ O ... --+ p.2 --+ P' * ···--+ ' d~ P'1~ d~ P.'o--+ d~ M' P.2--+ --+O 2. FONCTEURS DÉRIVÉS 239 Il suit du théorème de comparaison {2.1) que le morphisme f : M -+ M' se relève en un morphisme f* : (PM)* -+ (P}111 )* de sorte que l'on a un diagramme commutatif à lignes exactes d2 ---+ 121 ---+ Pi ----+ P2 fi d'2 P.'2 1 P{ ----+ di ----+ Po fo d'i ----+ do ---+ 1 R'0 M ---+ 0 ---+ 0 11 d' ~ M' . Si on applique F au diagramme précédent, on obtient un diagramme commutatif dont les lignes sont des complexes (mais ne sont généralement pas exactes: on n'a pas supposé que Fest un foncteur exact) ---+ FP2 F~ Ffi Fhl ---+ FP~ FP1 ----+ Fd; ----+ On définit FJs> f : FJs> M homologie (FJs> f)(Zn -+ 1 FP{ Fdi ----+ FPo ~ Ffol Fd~ ----+ FP{, FM ---+ 0 ---+ 0 Ffl Fd' ~ FM' . FJs> M' comme le morphisme induit par F f* en + Im(Fdn+1)) = (Ffn)(Zn) + Im(Fd~+l) où Zn E Ker(Fdn). Pour que la définition de FJs> ait un sens, il nous reste quelques vérifications à faire. (a) Pour un A-module M, le module FJs> M est défini sans ambiguïté, c'està-dire ne dépend pas du choix de la résolution projective de M. Soient en effet deux telles résolutions : d2 p di R do M ---+ 0 . . . ---+ p.2 ---+ 1 ---+ 0 ---+ P' * Le morphisme identité lM : M-+ Met le théorème de comparaison {2.1) donnent deux morphismes u* : (PM)* -+ (PM)* et v* : {PM)* -+ (PM)* relevant lM et tels que v*u*: (PM)*-+ (PM)* et u*v*: {PM)*-+ (PM)* soient homotopes aux identités respectives. Mais alors, d'après {1.6){c), on a que F(v*u*) = F(v*)F(u*) et F(u*v*) = F(u*)F(v.) sont aussi homotopes aux identités respectives, et, d'après {1.6){b), on a également Hn(F(v*))Hn(F(u*)) = 1 et Hn(F(u*))Hn(F(v*)) = 1. En d'autres termes, Hn(F(u*)) : Hn(F(PM ),..) -+ Hn(F(PM),..) et Hn(F(v*)) : Hn(F(PM),..) -+ Hn(F(PM)*) sont des isomorphismes mutuellement inverses. Cela montre bien que FJ8 >M = Hn(F(PM )*) ne dépend pas de la résolution projective choisie, et donc que FJs> est correctement défini sur les objets. {b) Pour un morphisme de A-modules f : M-+ M', le morphisme FJs> f : FJ8 >M -+ FJs> M' est défini sans ambiguïté, c'est-à-dire ne dépend ni du choix 240 IX. FONCTEURS EXT ET TOR de résolutions projectives pour Met M', ni du choix d'un relèvement de f à ces résolutions projectives. Soient donc P' * • · · ---+ P~ ---+ P{ ---+ P~ ---+ M ---+ 0 deux résolutions projectives pour M, et · · · ---+ Q~ ---+ Q~ ---+ Q~ ---+ M' ---+ 0 deux résolutions projectives pour M', et on suppose que g*: (PM)*---+ (QM')* eth*: (PM)*---+ (Q~,)* sont deux relèvements de f: M---+ M'. On commence par considérer le diagramme commutatif à lignes exactes ---+ Pi ---+ ln1 ---+ M Qo ---+ M' Qo ---+ Po Qi ---+ ---+ Q1 ---+ 0 ---+ 0 ---+ 0 11 lno ---+ ---+ liM' M' Il suit du théorème de comparaison qu'il existe un morphisme u* : (QM' )* (Q~,)* relevant lM'· Donc u*g* relève/. De même, le diagramme commutatif à lignes exactes ---+ Pi ---+ P' i l ---+ Po ---+ M ---+ P.'0 ---+ M Q1 ---+ M' 0 ---+ 0 ---+ 0 liM lho hi ---+ ---+ ---+ ---+ Qo 11 et le théorème de comparaison donnent un morphisme v* : (PM)* ---+ (PM)* relevant lM. Donc h*v* relève f. Une autre application du théorème de comparaison donne u*g* ,...., h*v•. D'après (1.6)(c), F(u.g*) = F(u*)F(g*) ,...., F(h*)F(v*) = F(h*v*) d'où, d'après (1.6)(b), Hn(F(u,.))Hn(F(g.)) = Hn(F(h.))Hn(F(v.)). Comme, d'après (a) plus haut, Hn(F(u,.)) et Hn(F(v.)) sont des isomorphismes, on a fini. Nous avons achevé de montrer que la définition précédente est correcte. Nous pouvons donc énoncer le théorème suivant. THÉORÈME 2.2. Soit F : Mod A ---+ Mod B un foncteur K -linéaire covariant. Pour tout n ~ 1, F~8 ) : Mod A ---+ Mod B est un foncteur K -linéaire covariant. 2. FONCTEURS DÉRIVÉS DÉMONSTRATION. 241 Il reste à vérifier que = 1 et pJs>(l) pJs>(gf) = p~s>(g)FJs>(J) ainsi que la linéarité de FJ8 >, ce qui se fait des plus aisément. D Définissons maintenant la notion duale de foncteur dérivé à droite, puis voyons comment nous pouvons appliquer la suite exacte longue d'homologie aux foncteurs dérivés. Nous considérerons les foncteurs dérivés à droite dans deux cas, les définitions étant complètement analogues à celles des foncteurs dérivés à gauche. Ici, A et B sont deux K-algèbres. (a) Le cas où F: ModA--+ ModB est un foncteur covariant K-linéaire. Soient N un A-module et do dl d2 0 ----+ N ----+ 1° ----+ J 1 ----+ J 2 ----+ ••• I* une résolution injective de N. Appliquons le foncteur F au complexe (IN)* obtenu à partir de I* en supprimant N. On obtient le complexe 0 ----+ F! 0 Fd 1 ------+ F11 Fd 2 ------+ F! 2 ----+ • • • • Le nième foncteur dérivé à droite FJd> de Fest défini sur l'objet N comme étant le nième module de cohomologie de ce complexe, c'est-à-dire p~d)N = Hn(F(IN)*) = Ker(Fd'1+1)/Im(Fd'1). On définit de façon évidente F~d) f : F~d) N --+ F~d) N' pour une application A-linéaire f : N --+ N'. On montre facilement que cette définition n'est pas ambiguë, puis le théorème suivant. 2.3. Soit F : Mod A --+ Mod B un foncteur K -linéaire covariant. Pour tout n ~ 1, F~d) : Mod A --+ Mod B est un foncteur K -linéaire covariant. D THÉORÈME (b) Le cas où F: ModA--+ ModB est un foncteur contravariant K-linéaire. Soient M un A-module et • • . ----+ d2 p 1 ----+ di R0 ----+ do M p.2 ----+ ----+ O une résolution projective de M. On applique Fau complexe (PM)., ce qui donne le complexe ascendant Le nième foncteur dérivé à droite FJd> de Fest défini sur l'objet M comme le nième module de cohomologie de ce complexe, c'est-à-dire FJd>M = Hn(F(PM).) = Ker(Fdn+1)/Im(Fdn)· On définit de façon évidente FJd) f : FJd) M --+ FJd) M' pour une application A-linéaire f : M --+ M'. On montre facilement que cette définition n'est pas ambiguë, puis le théorème suivant. IX. FONCTEURS EXT ET TOR 242 THÉORÈME 2.4. Soit F : Mod A ---+ Mod B un foncteur K -linéaire contravariant. Pour tout n 2'.: 1, F~d) : ModA ---+ ModB est un foncteur K-linéaire contravariant. D Nous aurons besoin du lemme suivant, qui n'est autre qu'une reformulation de l'exercice (IV.4). LEMME 2.5 (ou FER À CHEVAL). Soit un diagramme à ligne exacte l dd P6 d~l --+ 0 M' l l ld~ P6' l d~ P{' P{ f g M M" --+ 0 l 0 0 où les colonnes sont des résolutions projectives. Alors il existe une résolution projective de M, et des morphismes f*: (PAi,)*---+ (PM}*, g*: (PM)•---+ (PZt,,). relevant respectivement f, g et tels que la suite 1 0--+ (PM,)* - f. (PM)* - 9• ni/ (rM")*--+ 0 soit une suite exacte de complexes. DÉMONSTRATION. Par récurrence, il suffit de compléter le diagramme à ligne et colonnes exactes 0 0 l 1 L' L" d'lP.' P." 0 ld" 0 ~i 0 --+ 1 M' 0 f M - g 1~ M" 1 0 --+ 0 2. FONCTEURS DÉRIVÉS 243 où L' = Ker d0, L" = Ker d", d' = ker d0et d" = ker d". On prend Po = P6 œP6' et on définit /o : P6 --+ Po par /o = [fi] et 9o : Po --+ P6' par 9o = [ o 1 ]. Il est clair que Po est projectif et que la suite 0 ----+ Pô ~ Po ~ Pô' ----+ 0 est exacte. La projectivité de P6' entraîne l'existence d'un morphisme h: P6'--+ M tel que d" = 9h. On définit do : Po --+ M par do=/d~(l O)+h(O 1). On affirme que do est surjective. En effet, si x E M, alors 9(x) = d"(y") pour un y" E P6', et donc 9(x) = 9h(y"), ce qui entraîne x - h(y") E Ker9 =lm/. Il existe donc y' E Pô tel que x - h(y") = fd 0(y'). Par conséquent, (1 o] x = fdo' [y'] y" + h [o 1] [y'] y" =do [y'] y" . Il reste à vérifier la commutativité des deux carrés inférieurs. Or 9do = 9h [ o 1] = d" [o 1] = d"90, tandis que dofo = fd 0[1 o] [fi]+ h[o 1] [fi]= fd~. Prenant L = Ker do, d = ker do, on obtient un diagramme commutatif à lignes et colonnes exactes 0 0 l d'l L l L' 0 ----+ P.'0 dol 0 ----+ M' 0 dl fo Po -----+ f l L" 90 -----+ dol g -----+ M -----+ l l 0 0 d"l P." 0 ----+ 0 ----+ 0 ci::l M" l 0 Il n'y a plus qu'à appliquer le lemme du serpent (11.3.6). D On laisse au lecteur le soin d'énoncer et de démontrer le dual du lemme précédent. THÉORÈME 2.6. Soient 0 ----+ M' ----+ M ----+ M" ----+ 0 une suite exacte courte de A-modules, et F : Mod A --+ Mod B un foncteur K -linéaire covariant. Il existe une suite exacte • •. ----+ F.(s) M' ----+ F.(s) M ----+ F.(s) M" n n n . · · ----+ avec tous les morphismes fonctoriels. _!._.. F.(s)1M' n- ----+ .. • FJs> M' ----+ FJs> M ----+ FJs> M" ----+ 0 IX. FONCTEURS EXT ET TOR 244 DÉMONSTRATION. · · ·---+ P~---+ P{ ---+ P~-----+ M'---+ · · · ---+ P~' ---+ P{' ---+ P~' ---+ M" P' * et P~' Soient 0 ---+ 0 des résolutions projectives de M' et M", respectivement. Le lemme du fer à cheval (2.5) donne une résolution projective · · · ---+ P2 ---+ P1 ---+ Po ---+ M ---+ 0 de M telle que l'on ait une suite exacte courte de complexes 0 ---+ (PM')* ~ (PM)* ~ (Pft,, )* ---+ O. Chaque ligne de la suite exacte précédente O --+Pn1 1.!!...+P.n ~P"--+O n est scindée puisque P;: est un A-module projectif. Par conséquent, pour chaque n ;::: 0, on a une suite exacte courte 0---+ FP~ ~ FPn ~ FP::--+ 0 d'où une suite exacte courte de complexes 0---+ F(PM,)* ~ F(PM)* ~ F(Pft,,)*---+ O. Appliquant le théorème (1.4), on obtient la suite exacte longue d'homologie suivante, où tous les morphismes sont fonctoriels : (ô est le morphisme de liaison). C'est bien là la suite cherchée. Elle s'arrête en FJs> M" = Ho(F(Pf:-t,, )*),car P!._ 1 = 0 donne H-1(FP!._ 1) =O. D Notons que nous avons prouvé que, pour tout foncteur covariant F, le foncteur dérivé à gauche FJ 8 > est exact à droite. Oième THÉORÈME 2.7. Soient 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite exacte courte de A-modules, et F : Mad A --+ Mad B un foncteur K -linéaire covariant. n existe une suite exacte 0 ---+ FJdl M' ---+ FJd> M ---+ FJd> M" ---+ · · · ... ---+ p(d} M'---+ p(d} M---+ p(d} M" ~ p(d}1M'---+ ... n avec tous les morphismes fonctoriels. n n n+ D En particulier, pour tout foncteur covariant F, le Qième foncteur dérivé à droite FJd} est exact à gauche. Le cas contravariant est traité de la même façon. 3. FONCTEURS D'EXTENSION 245 THÉORÈME 2.8. Soient 0 ----+ M' ----+ M ----+ M" ----+ 0 une suite exacte courte de A-modules, et F : Mod A -+ Mod B un foncteur K -linéaire contravariant. Il existe une suite exacte 0 ----+ FJd) M" ----+ FJd> M ----+ FJd) M' ----+ • • • • • . ----+ p(d) M" ----+ p(d) M----+ p(d) M' ~ p(d) n n avec tous les morphismes fonctoriels. En particulier, FJd) n n+l M" ----+ ••• D est encore exact à gauche. 3. Foncteurs d'extension Nous considérerons maintenant les foncteurs dérivés à droite des foncteurs Hom. Comme Hom est un bifoncteur, contravariant dans sa première variable et covariant dans sa seconde, les constructions de la section précédente donnent, pour chaque n ~ 0, deux foncteurs. Le résultat principal de cette section est que ces deux constructions sont compatibles : on obtient en fait, pour chaque n ~ 0, un bifoncteur contravariant dans sa première variable et covariant dans sa seconde. Soit M un A-module. Le foncteur HomA(M, -) : ModA -+ ModK est covariant. Le nième foncteur dérivé à droite de HomA(M, -) sera noté (provisoirement) En(M, - ). L'image d'un A-module N sera notée En(M, - )(N) = En(M, N). Ainsi, pour calculer En(M, N), on considère d'abord une résolution injective de N : /* 0 ----+ N Alors En(M, N) est égal au modules HomA(M,(IN)*): do ----+ J0 nième dl ----+ I1 d2 ----+ 12 ----+ . • • • module de cohomologie du complexe de K- c'est-à-dire En(M,N) = Hn(HomA(M, (/N)*) = KerHomA(M,dn+l)/ImHomA(M,dn) et ce module ne dépend pas du choix de la résolution injective initiale. On a montré en (2. 7) que, si 0 ----+ N' ----+ N ----+ N" ----+ 0 est une suite exacte courte dans Mod A, il existe une suite exacte longue de cohomologie dans Mod K 0 ----+ E 0 (M, N') ----+ E 0 (M, N) ----+ E 0 (M, N") ----+ • · · • • ·----+ En(M,N')----+ En(M,N)----+ En(M,N") ~ En+l(M,N')----+ · · · avec tous les morphismes fonctoriels. En particulier, E 0 (M, -) est exact à gauche et En(M, -) = 0 pour tout n <O. Soit maintenant N un A-module. Le foncteur HomA(-,N) : ModA -+ Mod K est contravariant. Le nième foncteur dérivé à droite de HomA ( - , N) sera noté (provisoirement) En(-, N). L'image d'un A-module M sera notée IX. FONCTEURS EXT ET TOR 246 En(-,N)(M) = En(M,N). Ainsi, pour calculer En(M,N), on commence par considérer une résolution projective de M : ... ---+ p.2 d2 ---+ p1 di ---+ R0 ---+ do M ---+ o. Alors En(M, N) est égal au nième module de cohomologie du complexe de Kmodules HomA((PM)*, N): c'est-à-dire et ce module ne dépend pas du choix de la résolution projective initiale. On a montré en (2.8) que, si 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 est une suite exacte courte dans Mod A, il existe une suite exacte longue de cohomologie dans Mod K 0--+ E 0 (M",N)---+ Eo(M,N)---+ Eo(M',N)---+ · · · · · ·---+ En(M",N)---+ En(M,N)---+ En(M',N) ~ En+1(M11 ,N)--+ · ·· avec tous les morphismes fonctoriels. En particulier, Eo ( - , N) est exact à gauche et En(-,N) = 0 pour n <O. À présent, notre objectif est de montrer l'existence d'isomorphismes En(M, N) =+ En(M, N) pour tout n;?: 0, fonctoriels en Met N. LEMME 3.1. (a) Pour tout A-module M, il existe un isomorphisme de fonc- teurs E 0 (M, -) =+ HomA(M, -). (b) Pour tout A-module N, il existe un isomorphisme de foncteurs E 0 (-, N) =+ HomA(-,N). DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b) étant semblable. Soient N un A-module et I* une résolution injective de N. Alors on a HomA(M, (IN)*) : 0--+ HomA(M,I 0 ) HomA(M,d1 } HomA(M,1 1) HomA(M,d 2 } HomA(M,1 2 )--+ · .. et E 0 (M,N) = H 0 (HomA(M, (IN)*)= KerHomA(M,d1 ). Par contre, en appliquant HomA(M, -) à la suite exacte on obtient une suite exacte 3. FONCTEURS D'EXTENSION 247 d'où HomA(M,N)-=. KerHomA(M,d 1 ). On a l'isomorphisme cherché. Il reste à montrer sa fonctorialité. Soient donc f : N --+ N' un morphisme de A-modules et d'o d'1 d'2 0 -----+ N' -----+ l'o -----+ I' i -----+ 1'2 -----+ . . . une résolution injective de N'. Le dual du théorème de comparaison {2.1) donne un morphisme de complexes f* : (IN)* --+ (J~, )* prolongeant f et unique à homotopie près. En particulier, on a un diagramme commutatif à lignes exactes do -----+ JO dl -----+ JO 1 0 -----+ N' d'o -----+ l'o I1 111 d'l -----+ J'l Appliquant HomA(M, -), on obtient un diagramme commutatif à lignes exactes HomA (M,d0 ) 0 --+ HomA(M,N) HomA(M,f) 1 HomA(M,J0 ) 1 HomA(M,d' 0 ) 0 --+ 0 HomA(M,I) HomA(M,N') ----+ HomA(M,d 1) l HomA(M,I) HomA(M,f 1) 1 HomA(M,d' 1) 1 HomA(M,1' 0 ) - - - - + HomA(M,I') Le résultat s'ensuit. D LEMME M n 3.2. (a) Si N est injectif, alors En(M, N) = 0 pour tout A-module ettoutn~l. (b) Si M est projectif, alors En(M, N) = 0 pour tout A-module N et tout 1. ~ DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b) étant semblable. Le A-module N étant injectif, une résolution injective I* de N est donnée par 0-----+ N .....!...+ N-----+ 0(c'est-à-dire1°=Net1n = 0 pour n-:/:- 0). On a bien En(M,N) = Hn(HomA(M, (IN)*)= 0 pour n-:/:- O, et ceci pour tout A-module M. D LEMME 3.3 {DE DÉCALAGE). (a) Soient M, N deux A-modules et I* une résolution injective de N. Posant que Ln = Imdn+l pour n ~ 0, on a des isomorphismes fonctoriels En+l(M, N)-=. En(M, L 0 )-=. · · · ..=. E 1 (M, Ln- 1 ). {b) Soient M, N deux A-modules et ds p. d2 p di R do M . . . -----+ 2 -----+ 1 -----+ 0 -----+ -----+ 0 une résolution projective de M. Posant que Ln= Kerdn pour n isomorphismes fonctoriels ~ O, on a des IX. FONCTEURS EXT ET TOR 248 DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b) étant semblable. Par récurrence, il suffit de montrer le premier isomorphisme En+l(M, N)-=. En(M, L 0 ). La résolution injective I* de N induit une résolution injective J'* de L 0 : I'* o---+ d2 Lo---+ 1 1 ---+ 12---+ .... Appliquant HomA(M, -) au complexe (!Lo)*, nous obtenons le complexe HomA(M, (!Lo)*) : l 0---+ HomA(M,d 2 ) HomA(M,l) 2 HomA(M,l)---+ · · ·. Donc En(M, L 0 ) = = -.::. = Hn(HomA(M, (!Lo)*) KerHomA(M,dn+ 2 )/ImHomA(M,dn+l) Hn+l(HomA(M, (IN)*) En+l (M, N). Enfin, la fonctorialité est évidente. D Le lecteur voit aisément la façon dont les lemmes précédents se combinent pour montrer que l'on a des isomorphismes fonctoriels En(M, N)-=. En(M, N) pour tous M, N et n. En effet, par décalage, on se ramène au cas n = 1, et là, ôn doit utiliser (3.1) et (3.2). THÉORÈME 3.4. Soient M, N deux A-modules et [* d2 p 1 ---+ di ... ---+ R0 ---+ do M ---+ O respectivement une résolution injective de N et une résolution projective de M. Pour tout n ~ 0, on a un isomorphisme fonctoriel en Met N. En d'autres termes, En(M,N)-=.En(M,N). DÉMONSTRATION. Pour appliquer le lemme de décalage, on a besoin des noyaux del* et P•. Posons que Ui = Kerdi et que V3 = ImdH 1 ; on a des suites exactes courtes avec i ~ 0 et U-1 = M, et o---+ v;- 1 ---+ J3 ---+ v; ---+ o 3. FONCTEURS D'EXTENSION 249 avec j ~ 0 et v- 1 = N. On en déduit un diagramme commutatif à lignes et à colonnes exactes o --+ 0 0 1 1 1 1 0 u 1 1 . HomA(U,_ 1 ,vi- 1) - t HomA(U,_ 1 ,Ji) - t HomA (U,_ i. V 3 ) - t E 1(U,_1,vi- 1) - t 0 0 -t HomA(P,,vi- 1) 0 -t HomA(u,,v 3- 1) -t HomA(P,,Ji) -t HomA(U-.Ji) 11 ul 1 1 V -t w -t 1 E1CU•-i.v 3- 1) HomA(P,,Vi) -t 0 hl HomA(U-.Vi) -t E1(U,,V;-1) -t 0 1 1 E1CU•-i.V 3) 0 0 0 Le lemme du serpent (II.3.6) appliqué à /, g, h donne une suite exacte 0----+ HomA(Ui-li V 3- 1) ----+ HomA(Ui-1,I;) ....!..+ HomA(Ui-li V1) ----+ ----+ E1(Ui-li v 3- 1) ----+O. Donc E1{Uï-li v1- 1)-=. Cokeru-=.E1(Uï-i. v1- 1). Si on pose i = j = O, cela montre l'énoncé pour n = 1. Comme, d'autre part, v et g sont des épimorphismes, on a E1(Uï-i. V 3) -=. Cokerh -=. -=. Cokerhv Cokerwg -=. -=. E 1 (Ui, y1- 1 ). Cokerw Cela permet d'obtenir l'énoncé cherché, par décalage: en effet, En+1(M,N) sin~ -=. En(M, vo)-=. ... -=.E1(M, yn-1) -=. E1(U_i. yn-1)-=. ... -=. E1(Un-i. y-1) -=. E1Wn-i.N)-=. ... -=.En+1(M,N). 1, on a Comme ces isomorphismes sont obtenus à partir des isomorphismes fonctoriels des lemmes précédents, ils sont également fonctoriels. D DÉFINITION. Soient M, N deux A-modules. La valeur commune de En(M, N) et En(M, N) est appelée nième module d'extension de N par M. Elle est notée Ext:4(M,N). 250 IX. FONCTEURS EXT ET TOR Nous avons bien montré que Ext'A(-, -) est un bifoncteur, covariant dans la seconde variable et contravariant dans la première. Nous avons aussi démontré le théorème suivant. THÉORÈME 3.5. (a) Soient Mun A-module, et 0---+ N'---+ N---+ N"--+ 0 une suite exacte courte de Mod A. Il existe une suite exacte longue de cohomologie dans Mod K 0-+ HomA(M,N')-+ HomA(M,N)-+ HomA(M,N")~ Ext~(M,N')-+ ··· · · ·-+ Ext'A(M,N')-+ Ext'A(M,N)-+ Ext'A(M,N") ~ ExtA_+l(M,N')-+ · .. avec tous les morphismes fonctoriels. (b) Soient N un A-module, et 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite exacte courte de Mod A. Il existe une suite exacte longue de cohomologie dans ModK 0-+ HomA(M", N)-+ HomA(M, N)-+ HomA(M', N) ~ Ext~ (M", N)-+ · · · · · ·-+ Ext'A (M", N)-+ Ext'A (M, N) -+ ExtA. (M', N) ~ ExtA_+ 1 (M", N)-+ · ·. avec tous les morphismes fonctoriels. D Ce théorème précise ce qui a été dit dans l'introduction à ce chapitre : le foncteur Ext corrige le manque d'exactitude à droite du foncteur Hom. Le lecteur pourra par lui-même reformuler les lemmes (3.1) et (3.3) avec la notation Ext. Quant à nous, nous donnons la généralisation suivante du lemme (3.2). THÉORÈME 3.6. (a) Les conditions suivantes sont équivalentes pour un Amodule N: (i) N est injectif. (ii) Ext~ (-, N) = O. (iii) Ext'A(-,N) = 0 pour tout n ~ 1. (b) Les conditions suivantes sont équivalentes pour un A-module M : (i) M est projectif. (ii) Ext~ (M, - ) = O. (iii) Ext'A(M, -) = 0 pour tout n ~ 1. DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b) étant semblable. On a prouvé en (3.2) que (i) implique (iii). Comme il est clair que (iii) implique (ii), il reste à montrer que (ii) implique (i). Supposons donc que le A-module N est tel que Ext~ (-, N) = O. Pour montrer que N est injectif, il suffit, d'après (IV.3.3), de montrer que toute suite exacte courte de la forme 0---+N_!__.U~V--+O est scindée. Or une telle suite exacte de Mod A induit, d'après (3.5), une suite exacte de Mod K · · ·---+ HomA(U,N) HomA(f,N) l HomA(N,N)---+ ExtA(V,N) =O. 3. FONCTEURS D'EXTENSION 251 Par conséquent, Hom A(!, N) est surjective et il existe f' : U ---+ N tel que lN = HomA(f, N){f') = f' f. Cela montre bien que f est une section. D Enfin, Ext se comporte comme Hom vis-à-vis des sommes et des produits. THÉORÈME 3.7. (a) SoientN un A-module, (M.x)>.eA unefamille de A-modules et n 2: O. On a un isomorphisme fonctoriel II ExtÂ(M.x,N). Ext~HE9M.x,N)-=+ ÀEA ÀEA {b) Soient M un A-module, (N.x).xeA une famille de A-modules et n 2: O. On a un isomorphisme fonctoriel Ext (M, II N.x)-=+ II Ext (M, N.x). ÀEA ÀEA DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b) étant semblable. Le cas n = 0 a déjà été vu en (III.2.6). Pour chaque À E A, on a une suite exacte courte 0 ---+ L.x ---+ P.x ---+ M.x ---+ 0 avec P.x projectif. On en déduit une suite exacte courte 0---+ E9L.x---+ E9P.x---+ E9M.x---+ 0 ÀEA ÀEA ÀEA où ffi.xeA P.x est projectif, d'après (IV.2.3). Appliquant HomA{-, N) à chacune de ces suites et utilisant l'isomorphisme connu dans le cas n = 0, on obtient un diagramme commutatif à lignes exactes HomA(ffi.xeA P.x, N) ---+ HomA(ffi.xeAL.x,N)---+ Ext~(ffi.xeAM.x,N)---+ 0 11 11 TI.xeA HomA(P.x, N) ---+ IheAHomA(L.x,N) ---+ TI.xeAExt~(M.x,N) ---+ 0 d'où, par passage aux conoyaux, un isomorphisme II Ext~(M.x,N). Ext~(E9M.x,N)-=+ ÀEA ÀEA Cela prouve l'énoncé pour n = 1. Sin> 1, on a un diagramme à lignes exactes 0 ---+ Ext:r 1 (ffi.xeAL.x,N) 0 ---+ I1.xeAExt~- 1 (L.x,N) ---+ ExtÂ(ffi.xeAM.x,N) ---+ 0 ---+ TI.xeAExt~- 1 (M.x,N) ---+ 0 11 d'où le résultat. D Notons que, si M (ou N) est un bimodule, il suit alors des définitions que Ext (M, N) acquiert une structure induite de module. Les isomorphismes précédents deviennent alors des isomorphismes pour cette structure induite. On termine cette section avec un exemple de calcul. 252 IX. FONCTEURS EXT ET TOR EXEMPLE 3.8. Soient A une K-algèbre et a E A qui n'est pas un diviseur de zéro à gauche. Cette condition revient à dire que l'application A-linéaire f : AA -+ AA définie par f(x) = ax (pour x E A) est injective. On en déduit l'existence d'une suite exacte courte de A-modules 0 --+ AA L AA --+ A/ aA --+ O. Soit maintenant Mun A-module arbitraire. Si on applique à cette dernière suite le foncteur HomA(-, M), on obtient une suite exacte HomA(f,M) 0--+ HomA(A/aA, M) --+ HomA(A, M) HomA(A, M) --+ Ext~(A/aA,M)--+ Ext~(A,M) = O où le dernier terme s'annule, car AA est projectif. Il suit alors de l'isomorphisme de foncteurs HomA(A, -) ~ lModA que l'on a une suite exacte ML M--+ Ext~(A/aA,M)--+ 0 où f(m) =ma (pour m E M) et le K-module Ext~(A/aA,M) est donc isomorphe au conoyau M /Ma de ]. Si A est commutatif, cet isomorphisme est un isomorphisme de A-modules. Par exemple, pour tout entier n ~ 1 et tout groupe abélien G, on a Exti(Zi,G) ~G/nG. 4. Foncteurs de torsion Nous voulons maintenant étudier les foncteurs dérivés à gauche du produit tensoriel. Ce dernier est un bifoncteur, covariant dans chaque variable, et on verra qu'il en est de même pour ses fonctems dérivés à gauche. Soit Mun A-module. Le foncteur M ®A - : ModA0 P -+ ModK est covariant. Le nième foncteur dérivé à gauche de M ®A - sera noté (provisoirement) Tn(M, - ). L'image d'un A0 P-module AN sera notée Tn(M, -)(N) = Tn(M, N). Ainsi, pour calculer ~(M, N), on considère une résolution projective de AN dans ModA0 P d2 p 1 --+ di P.0 --+ do N --+ o. ... --+ p.2 --+ Alors Tn(M, N) est égal au modules nième module d'homologie du complexe de K- c'est-à-dire Tn(M, N) = Hn(M ® (PN ).) = Ker(M ® dn)/ Im(M ® <Ïn+i) et ce module ne dépend pas du choix de la résolution projective initiale. On a montré en (2.6) que, si 0 --+ N' --+ N --+ N" --+ 0 est une suite exacte courte de ModA0 P, il existe une suite exacte longue d'homologie de ModK ... --+ Tn+ 1 (M,N") ~ Tn(M,N')--+ Tn(M,N)--+ Tn(M,N")--+ · · · · · · --+ T 1 (M, N") ~ T 0 (M, N')--+ T 0 (M, N) --+ T 0 (M, N") --+ 0 4. FONCTEURS DE TORSION 253 avec tous les morphismes fonctoriels. En particulier, T 0 (M, -) est exact à droite et Tn(M, - ) = 0 pour tout n < O. Soit maintenant N un A-module à gauche. Le foncteur - ®AN: ModA---+ Mod K est covariant. Le nième foncteur dérivé à gauche de -®AN sera noté (provisoirement) Tn(-,N). L'image d'un A-module M sera notée Tn(-,N)(M) = Tn(M, N). Ainsi, pour calculer Tn(M, N), on considère une résolution projective de M dans Mod A "2 p i ---+ di R 0 ---+ do M ---+ 0. . . . ---+ p.2 ---+ Alors Tn(M, N) est égal au nième module d'homologie du complexe de K-modules . . . ---+ p.2 ® N d2®Np ---+ i ® Ndi®NR ---+ 0 ® N ---+ 0 c'est-à-dire et ce module ne dépend pas du choix de la résolution projective initiale. En {2.6), on a montré que, si 0---+ M' ---+ M---+ M" ---+ 0 est une suite exacte courte de Mod A, il existe une suite exacte longue d'homologie de Mod K ··· ---+Tn+i(M",N) ~Tn(M',N)---+Tn(M,N)---+Tn(M",N)---+ ··· · · ·---+ Ti(M", N) ~ To(M', N) ---+ To(M, N) ---+ To(M", N)---+ 0 avec tous les morphismes fonctoriels. En particulier, T0 (-, N) est exact à droite et Tn(-, N) = 0 pour tout n < O. Notre objectif à présent est de montrer la compatibilité de ces deux constructions, c'est-à-dire l'existence d'isomorphismes Tn(M, N) ..=. Tn(M, N) pour tout n;::: 0, fonctoriels en Met en N. On procédera comme à la section 3. LEMME 4.1. (a) Pour tout A-module M, il existe un isomorphisme de fonc- teurs T 0 (M, -) .=.M ®A-. {b) Pour tout A op -module N, il existe un isomorphisme de foncteurs T0 ( - , N) ..=. - ®AN. DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b) étant semblable. Soient N un A-module à gauche et d2 p i ---+ di R 0 ---+ do N ---+ O . . . ---+ p.2 ---+ une résolution projective de N. Alors on a le complexe M ® (PN ). M®d2 · · · ---+ M ® P2 - M®di M ®Pi - M ®Po ---+ 0 et T 0 (M,N) = H 0 (M®(PN).) = (M®Po)/Im(M®di) contre, en appliquant M ®A - à la suite exacte Pi ~ Po ~ N ---+ 0 = Coker(M®di). Par IX. FONCTEURS EXT ET TOR 254 on obtient une suite exacte M®do M®d1 M®P1 -M®Po-M®N--+o. Par conséquent, M ® N..; Coker(M ® d 1 )..; T 0 (M, N). On a l'isomorphisme cherché. La fonctorialité se vérifie aisément. D LEMME 4.2. (a) Si MA est plat {par exemple projectif}, alors Tn(M, N) = O pour tout A op -module N et tout n ~ 1. (b) Si AN est plat {par exemple projectif}, alors Tn(M, N) = 0 pour tout A-module M et tout n ~ 1. DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b) étant semblable. Soient N un A0 P-module et une résolution projective. Comme M est plat, le foncteur M ®A - est exact. Par conséquent, le complexe M ® P* est exact et donc M ® (PN )* est exact dans tout degré ~ 1. Donc ~(M, N) = Hn(M ® (PN )*) = 0 pour tout n ~ 1. D LEMME 4.3 (DE DÉCALAGE). (a) Soient M un A-module, N un A 0 P-module et p* ... --+ p.2 d2 --+ p1 di --+ R0 do --+ N --+ une résolution projective. Posant que Ln = Ker dn pour n phismes fonctoriels O ~ 0, on a des isomor- Tn+l(M, N)..; Tn(M, Lo)..; · · · ..; T 1(M, Ln-1). (b) Soient N un A-module, Mun A 0 P-module et P' * une résolution projective. Posant que phismes fonctoriels L~ = Ker d~ pour n ~ 0, on a des isomor- Tn+1(M,N) ..;Tn(L~,N)..; .. · ..;T1(L~-1 1 N). DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b) étant semblable. Par récurrence, il suffit de montrer le premier isomorphisme Tn+ 1(M, N)..; Tn(M, L 0 ). La résolution projective P* de N induit une résolution projective P~ de Lo : P' * Appliquant M ®A - au complexe (P.f.0 )*, on obtient 4. FONCTEURS DE TORSION 255 Donc Tn(M, Lo) = Hn(M ® (PL 0 )*) = Ker(M ® dn+i)/Im(M ® dn+2) -.::+ Hn+i(M ® (PN).) Tn+l(M, N). = Enfin, la fonctorialité est évidente. D Nous pouvons maintenant formuler le résultat principal de cette section. THÉORÈME 4.4. Soient Mun A-module, N un A 0 P-module et · · · ---+ P2 ---+ P1 ---+ Po ---+ M ---+ 0 · · · ---+ P~ ---+ P{ ---+ P6 ---+ N ---+ 0 * respectivement une résolution projective de M et une résolution projective de N. Pour tout n ~ 0, on a un isomorphisme P' fonctoriel en Met N. En d'autres termes, rn(M,N)-=+Tn(M,N). DÉMONSTRATION. Semblable à celle du théorème (3.4) et laissée en exercice.D DÉFINITION. Soient Mun A-module et N un A0 P-module. La valeur commune de Tn(M, N) et de Tn(M, N) est appelée le nième module de torsion de M et N. Elle est notée Tor~(M, N). Nous avons donc montré que Tor~(-,-) est un bifoncteur, covariant dans chacune de ses deux variables. Nous avons aussi démontré le théorème suivant. THÉORÈME 4.5. (a) Soient M un A-module, et 0---+ N'---+ N---+ N"---+ 0 une suite exacte courte de Mod A op. Il existe une suite exacte longue d 'homologie dans Mod K · · · -+ Tor~+l (M, N") .!.,. Tor~(M, N') -+ Tor~(M, N) -+ Tor~(M, N") -+ · · · · · · -+ Torf (M, N") .!.,. M ® N' -+ M ® N-+ M ® N" -+ 0 avec tous les morphismes fonctoriels. (b) Soient N un A op -module, et 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite exacte courte de ModA. Il existe une suite exacte longue d'homologie dans ModK · · · -+ Tor~+i ( M", N) .!... Tor~ (M', N) -+Tor~ (M, N)-+ Tor~ ( M", N) -+ · · · · · ·-+ Torf(M", N) avec tous les morphismes fonctoriels. .!.,. M' ® N-+ M ® N-+ M" ® N-+ 0 D 256 IX. FONCTEURS EXT ET TOR On voit bien que le foncteur Tor corrige le manque d'exactitude à gauche du foncteur produit tensoriel. On laisse au lecteur le soin de reformuler les lemmes (4.1) et (4.3) avec la notation Tor. Pour notre part, nous montrerons la généralisation suivante du lemme (4.2). THÉORÈME 4.6. (a) Les conditions suivantes sont équivalentes pour un Amodule M: (i) M est plat. (ii) Tort(M, -) =O. (iii) Tor!(M, - ) = 0 pour tout n ~ 1. (b) Les conditions suivantes sont équivalentes pour un A-module N : (i) N est plat. (ii) Tort(-, N) =O. (iii) Tor!(-, N) = 0 pour tout n ~ 1. DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b) étant semblable. On a prouvé en (4.2) que (i) implique (iii). Comme il est clair que (iii) implique (ii), il reste à montrer que (ii) implique (i). Supposons donc que le A-module M est tel que Tort(M, -) = 0 et soit 0 -----+ N' -----+ N -----+ N" -----+ 0 une suite exacte de A-modules à gauche. Il suit du théorème (4.5) que l'on a une suite exacte de Mod K 0 = Tort(M, N") -----+ M ® N' -----+ M ® N-----+ M ® N" -----+O. Donc M ®A - est exact : M est plat. D Rappelons que, si A est noethérienne, il y a identité entre modules plats de type fini et modules projectifs de type fini (VI.2.8) : le théorème (4.6) caractérise alors les modules projectifs de type fini. Enfin, Tor se comporte comme le produit tensoriel vis-à-vis des sommes directes. THÉORÈME 4.7. (a) Soient N un A 0 P-module, (MùxeA une famille de Amodules et n ~O. On a un isomorphisme fonctoriel Tor:(EBMÀ,N)-=+ EBTor:(MÀ,N). ÀEA ÀEA (b) Soient M un A-module, (NÀheA une famille de A-modules et n a un isomorphisme fonctoriel ~O. On Tor:(M, EB NÀ)-=+ EB Tor:(M, NÀ)· ÀEA ÀEA DÉMONSTRATION. Semblable à celle du théorème (3.7) et laissée comme exercice. D 4. FONCTEURS DE TORSION 257 Notons que, si M (ou N) est un bimodule, alors il suit des définitions que Tor:(M, N) acquiert une structure induite de module. Les isomorphismes précédents deviennent alors des isomorphismes pour cette structure. On a d'autre part la généralisation suivante de (V.1.3}(i) et (V}, exercice 8, qui n'a pas d'analogue pour Ext et qui permet d'échanger les deux variables de Tor. PROPOSITION 4.8. Soient MA, AN deux A-modules et n ~ O. On a un isomorphisme fonctoriel Tor: (M, N) -=. Tor: •P ( N, M). En particulier, si A est une algèbre commutative, alors Tor:(M, N)-=. Tor:(N, M). DÉMONSTRATION. Soit · · · --+ P1 --+ Po --+ M --+ 0 une résolution projective de M. D'après (V}, exercice 8, on a des isomorphismes fn : Pn ®AN-+ N ®A•P Pn définis pour chaque n ~ 0 par Yn ® x 1-+ x ® Yn (où x EN et Yn E Pn)· La famille de morphismes Un)n?.O induit un isomorphisme de complexes (PM).® N-=. N ®(PM)*. Les modules d'homologie de ces complexes sont donc isomorphes. O EXEMPLE 4.9. Soient A une K-algèbre et I un idéal à gauche de A. L'inclusion canonique j: I-+ A induit une suite exacte de ModA0 P 0--+ I ~A--+ A/I--+ O. Soit M un A-module arbitraire. Si on applique à cette dernière suite le foncteur M ®A-, on obtient une suite exacte M®" 0 = Tort(M, A) -+ Tort(M, A/ I) -+ M ®Al ~ M ®A A -+ M ®A A/l-+ 0 où le premier terme s'annule car AA est projectif (donc plat). Étant donné l'isomorphisme fonctoriel M ®A A-=. M, il en résulte que Tort(M, A/I) est isomorphe au noyau de l'application M ®AI-+ M définie par m ® x 1-+ mx (où m E Met x E J). De même, sin> 0, on voit que Tor:+l (M, A/!)-=. Tor:(M, !). Il existe plusieurs identités fonctorielles reliant Ext et Tor. Nous en prouverons une, qui généralise (VI.2.7}. Nous avons besoin du lemme suivant. LEMME 4.10. Soit I un A-module injectif Pour tout complexe ascendant C* de A-modules et tout n ~ 0, on a des isomorphismes fonctoriels de K -modules Hn(HomA(C*,1))-=. HomA(Hn(C*),I). DÉMONSTRATION. Soit en effet C* = (Cn,dn) C* On a, pour tout n, une suite exacte courte de A-modules 0--+ lmdn--+ Kerdn+l--+ Hn(C*)--+ O. IX. FONCTEURS EXT ET TOR 258 En appliquant le foncteur exact Hom A ( - , 1), on obtient la suite exacte 0--+ HomA(Hn(C*),1)--+ HomA(Kerdn+l,l)--+ HomA(lmdn,l)--+ O. L'exactitude de HomA(-,1) donne en outre Hom A{Ker dn+l, 1) ..==. Coker Hom A(dn+l, 1) = HomA(cn,l)/ImHomA(~+l,l) et HomA {lm~, 1) ..==. = Coim HomA ( ~, 1) HomA(Cn,l)/KerHomA(dn,l). La suite exacte courte 0--+ HomA(Hn(C*),l)--+ HomA(cn,l)/ImHomA(dn+l,l)--+ HomA(cn,l)/KerHomA(dn,1)--+ 0 et le théorème d'isomorphisme donnent alors HomA(Hn(C*),1) ..==. KerHomA(dn,1)/ImHomA(dn+1,1) Hn(HomA(C*, 1)). D THÉORÈME 4.11. Soient A une K-algèbre noethérienne, B une K-algèbre, LA un A-module de type fini, sMA un (B - A)-bimodule et sl un B 0 P-module injectif Pour tout n ~ 0, on a des isomorphismes fonctoriels Tor:(L, Homs(M, 1))..::. Homs(Ext~ (L, M), 1). DÉMONSTRATION. Comme A est noethérienne et que LA est un module de type fini, il existe une résolution projective · · · --+ P2 --+ P1 --+ Po --+ L --+ 0 avec chaque P;, un A-module projectif de type fini. Comme sl est injectif, il suit de (VI.2.7) que l'on a un isomorphisme fonctoriel L ®A Homs(M, 1)..::. Homs(HomA(L, M), 1). Si on remplace L par chaque terme de (PL)., on obtient un isomorphisme de complexes Les modules d'homologie respectifs de ces deux complexes sont donc isomorphes. Le lemme (4.9) donne donc Hn((PL)• ®A Homs(M,I)) ~ Hn(Homs(HomA((PL).,M),1)) ..::. Homs(Hn(HomA((PL)., M), 1). On a bien Tor:(L,Homs(M,1))-=. Homs(Ext~(L,M),l). D 4. FONCTEURS DE TORSION 259 En particulier, si K est un corps et si A est une K-algèbre de dimension finie, on sait qu'il existe une dualité D = HomK(-, K) entre A-modules à droite et A-modules à gauche de type fini. On en déduit l'énoncé suivant. COROLLAIRE 4.12. Soient K un corps, A une K -algèbre de dimension finie et L, M deux A-modules de type fini. Pour tout n;::: 0, on a des isomorphismes fonctoriels Tor~(L, DM)-=. DExt~(L, M). En particulier, L ®A DM-=. DHomA(L,M). DÉMONSTRATION. En effet, K est un K-module injectif. D Notons que le deuxième énoncé du corollaire découle déjà de (VI.2.7), ainsi qu'on l'a dit en (VIII.4). Pour terminer cette section, remarquons que (4.6) semble suggérer que, dans la définition des foncteurs de torsion, on peut remplacer les résolutions projectives par des résolutions plates (voir (V.2)). Démontrons que c'est le cas. LEMME 4.13. Soient MA et AN deux A-modules et n ;::: O. (a) Si P. · · · --+ P2 ~Pi ~Po ~ M--+ 0 est une résolution plate de MA, alors on a un isomorphisme fonctoriel d' d' d' (b) Si P~ --+ P~ ~ P{ ---..!..+ Pô ~ N --+ 0 est une résolution plate de AN, alors on a un isomorphisme fonctoriel Tor~(M,N)-=.Hn (M ®A (P/v).). DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b) étant semblable. On utilise la récurrence et le décalage. L'énoncé est vrai pour n = 0, car - ®AN est exact à droite. Soit 0--+ L -1.+ Po~ M--+ 0 exacte courte, alors on a une suite exacte 0 --+ Tort(M, N) --+ L ®A N ~ Po ®A Nd~ M ®A N --+ 0 d'où Tort{M, N)-=. Ker(!® N). Or L = Ker do donne une suite exacte P2 ~ Pi ~ L--+ 0, où di = fg. On en déduit la ligne supérieure du diagramme commutatif à lignes exactes L®AN ---+ 0 lf®N 0 ---+ Ker( di® N) Po®N où l'existence du morphisme u découle de ce que (d2 ® N) (di ® N) = O. Comme il est clair que Im u = Im(d2 ® N), le lemme du serpent (II.3.6) entraîne que 260 IX. FONCTEURS EXT ET TOR _ Ker(d1 ® N) _ Ker(!® N) - Im(d2 ® N) - H1 ((PM) .. ®AN). Pour n ~ 2, on considère la résolution plate de L et on déduit de la récurrence 5. Suites exactes courtes et extensions L'expression "extension de N par M" a déjà été employée en (III.4.8) pour désigner les suites exactes courtes de la forme 0 ---+ N ---+ E ---+ M ---+ O. Nous étudierons maintenant la relation entre ces suites exactes courtes et le premier module d'extension Ext1(M,N). Nous commençons par définir une relation d'équivalence sur l'ensemble des extensions de N par M. Les extensions e 0---+NLE~M--+O e' !' I 0---+N--+E'~M--+O et sont dites équivalentes s'il existe un morphisme h: E - E' tel que hf = f' et g'h = g. En d'autres termes, e et e' sont équivalentes s'il existe un diagramme commutatif à lignes exactes de la forme e 0---+NL E ~M--+O e' Il suit immédiatement du lemme des 5 (voir (11.3.5)) que, si e et e' sont équivalentes, alors le morphisme h est un isomorphisme et par conséquent E -=. E'. Il est important toutefois de remarquer que cette dernière condition ne suffit pas pour définir une équivalence entre e et e' : il faut non seulement qu'il existe un isomorphisme entre E et E', mais aussi qu'un tel isomorphisme rende le diagramme ci-dessus commutatif. Il est facile de vérifier que la relation précédente définit bien une équivalence sur l'ensemble des extensions de N par M. La classe d'équivalence d'une extension e sera notée [e], et l'ensemble quotient &(M, N). L'objectif de cette section est de montrer que &(M, N) s'identifie à Ext1 (M, N). On en déduira une forme explicite pour le premier morphisme de liaison dans les suites exactes de (3.5). 5. SUITES EXACTES COURTES ET EXTENSIONS 261 EXEMPLES 5.1. (a) Soient M, N deux A-modules. Deux extensions de N par M qui sont scindées en tant que suites exactes sont toujours équivalentes : en effet, il suit de la définition d'une suite exacte courte scindée que toute extension scindée de N par M est équivalente à m 1101 0--+ N---+ MœN---+ M--+ O. (b) Soit 0 --+ Zp L E ~ Zp --+ 0 une suite exacte courte de Mod Z (où p est un nombre premier). Alors l'ordre du groupe E est égal à p2 • D'après le théorème fondamental de structure des groupes abéliens finis, on a donc deux termes médians possibles, à savoir E ..; Zp œZp et E ..; Zp2. Dans le premier cas, la suite exacte est scindée. Nous montrerons que, si p =f. 2, alors il existe au moins deux suites exactes non équivalentes dont le terme médian est Zp2. Soient en eff~t, d'une part, e où f: I 1-+ pet où g est le conoyau de f, et, d'autre part, e' où f' : I 1-+ 2p et où g' est le conoyau de f'. Alors Im f' = pZP2 = Im f : en effet, il est clair que Im f est le sous-groupe de Zp2 engendré par p, et pour montrer que Im f' est aussi égal à ce sous-groupe, il suffit de montrer que p E 2pZp2, c'est-à-dire qu'il existe k tel que p = 2kp, ou encore tel que p divise 2k - 1, et c'est évidemment le cas puisque p est un nombre premier distinct de 2. Par conséquent, g = g'. Si donc e et e' étaient équivalentes, il existerait un morphisme h : Zp2 -+ Zp2 tel que f' = hf et g'h = g. La première relation donnerait h(p) = 2p, et cela contredirait la seconde. Montrons maintenant comment utiliser des morphismes pour construire, à partir d'extensions données, de nouvelles extensions. Soit un diagramme à ligne exacte de Mod A V vl e 0 --+ L L M ~ N --+ 0 . Il suit de (III.5.5) que ce diagramme peut être complété en un diagramme cornmutatif à lignes exactes e' 0 --+ L !' --+ 0 --+ L g' --+ lu l lL e u L M V --+ 0 lv ~ N --+ 0 où (U, u, g') est un produit fibré de v et g. En outre, l'extension e' est uniquement déterminée à équivalence près. On a montré qu'un morphisme v: V-+ N induit 262 IX. FONCTEURS EXT ET TOR une application &(v, L) : ê(N, L) -+ &(V, L). L'image (e'] de la classe (e] est notée &(v,L)[e] = (ev]. Dualement, soit un diagramme à ligne exacte de Mod A e o- LM-!!...+N-o L lu u Il suit de (IIl.5.9) que ce diagramme peut être complété en un diagramme cornmutatif à lignes exactes e 0 f L ---+ ---+ lu e' 0 ---+ M -!!...+ N u ---+ V 0 llN lv !' ---+ g' N ---+ 0 ---+ où (V, v, f') est une somme amalgamée de v et f'. En outre, l'extension e' est uniquement déterminée à équivalence près. On a montré qu'un morphisme u : L-+ U induit une application &(N, u) : &{N, L) -+ &(N, U). L'image (e'] de la classe [e] est notée &(N, u)[e] = (ue]. Le lecteur pourra facilement démonstrer que&{-,-) est un bifoncteur (appliquant deux modules sur un ensemble) covariant dans sa seconde variable et contravariant dans sa première. Pour comparer l'ensemble &(M, N) avec le K-module Ext~(M, N), nous commençons par construire une application du premier dans le second. Soit e une extension de N par M 0 ---+ N e L E -!!...+ M ---+ o. Le foncteur HomA(M, -) appliqué à e donne une suite exacte de cohomologie ···---+ HomA(M,E) HomA(M,g) ---+ lia l HomA(M,M)---+ ExtA(M,N)---+ ··· où on a noté 60 le morphisme de liaison. On affirme que l'élément 60 {lM) E Ext~(M, N), que l'on appelle la classe caractéristique ou l'obstruction de e, ne dépend que de la classe d'équivalence [e]. Soit en effet !' I 0-+N-+E'~M'-+O e' une extension équivalente. Il existe un diagramme commutatif à lignes exactes e 0 ---+ N L llN e' 0 ---+ N !' ---+ E l E' -!!...+ M ---+ 0 ---+ 0 llM g' ---+ M 5. SUITES EXACTES COURTES ET EXTENSIONS 263 La fonctorialité du morphisme de liaison donne un carré commutatif HomA(M,M) 11 - Ext1(M,N) - Ext1(M,N) 6. 11 6•• HomA(M,M) et donc ôe(lM) = Ôe•(lM)· On a ainsi défini une application cp = 'PM,N : &(M,N)--+ Ext1(M,N) par cp(e) = ôe(lM)· Montrons maintenant comment calculer spécifiquement la classe caractéristique cp(e] de e. Soit ... --+ do M --+ O di R0 --+ d2 p 1 --+ p.2 --+ une résolution projective de M, alors il suit du théorème de comparaison (2.1) que l'on a un diagramme commutatif à lignes exactes M --+ --+ 0 llM --+N~E~M--+O 0 e En particulier, hid2 = 0 de telle sorte que hi Ext1(M,N) E KerHomA(d2,N). Comme H 1 (HomA ((PM)* 1 N)) KerHomA(d2,N)/ImHomA(d1,N) = = il s'ensuit que hi détermine un élément hi+ ImHomA(di,N) de Ext1(M,N). D'autre part, le théorème (2.1) dit aussi que h 1 est uniquement déterminé à homotopie près (et donc sa classe dans H 1 (HomA ((PM)* 1 N)) est uniquement déterminée), et enfin hi ne change pas si on remplace e par une extension équivalente de telle sorte que h 1 + lm HomA ( d1, N) ne dépend que de la classe [e). Il est possible d'exprimer autrement le morphisme hi. Notons L = Imd1 et p: Pi --+ L, j : L--+ Po respectivement la projection et l'inclusion canoniques, alors la relation hid2 = 0 signifie qu'il existe h : L --+ N tel que h 1 = hp, de sorte que l'on a un diagramme commutatif à lignes exactes eo 0 L --+ ~ 0 --+ N do --+ ~ E M --+ 0 --+ 0 llM l ho lh e Po ~ M En particulier, on a [e) = [heo). LEMME 5.2. Avec les notations précédentes, cp[e) =hi +ImHomA(di,N). IX. FONCTEURS EXT ET TOR 264 DÉMONSTRATION. Il s'agit de calculer l'image de lM par Ôe : HomA (M, M) ~ Ext1(M, N). Pour ce faire, on observe que les suites exactes e 0 et e induisent un diagramme commutatif à lignes et à colonnes exactes 0 0 --+ 0 --+ 0 --+ 0 l l HomA(Po,N) l J;IomA(L, N) HomA(M,N) --+ --+ --+ l l HomA(Po,E) l HomA(L,E) HomA(M,E) 0 --+ --+ --+ l l HomA(Po,M) l HomA(L,M) HomA(M,M) --+ 0 où tous les morphismes sont des morphismes induits. Le morphisme Ôe est obtenu par une application du lemme du serpent (II.3.6) aux deux lignes inférieures, donc la classe caractéristique ô8 {1M) est égale à HomA(p,N) HomA(L,f)- 1 HomA(j,E)HomA(Po,g)- 1 HomA(do, M)(lM) + ImHomA(d1, N) = HomA(p,N) HomA(L,f)- 1 HomA(j,E) HomA(Po,g)- 1{do) +ImHomA(d1,N). Le morphisme ho : Po-+ E satisfait à do= gho = HomA(Po,g)(ho) de telle sorte que 6e{1M) = = HomA(p,N)HomA(L,f)- 1 HomA(j,E)(ho) +ImHomA(d1,N) HomA(p,N)HomA(L,f)- 1 (hoj) +ImHomA(di,N). Enfin, h: L-+ N satisfait hoj = fh = HomA(L, f)(h) et l'on a 6e{1M) = = = HomA(p,N)(h) +ImHomA(d1,N) hp + ImHomA(di, N) h1 + ImHomA(di, N). D COROLLAIRE 5.3. cp[e] = 0 si et seulement si la suite exacte e est scindée. En particulier, si Ext1 (M, N) = 0, alors toute extension de N par M est scindée. DÉMONSTRATION. En effet, cp[e] = 0 si et seulement si h1 E ImHomA(di.N), c'est-à-dire si et seulement s'il existe h' : Po -+ N tel que h 1 = h'd1 ou tel que h = h' j. En vertu de la propriété universelle de la somme amalgamée E de h et j, c'est le cas si et seulement si e est scindée. D Remarquons qu'il existe une preuve de (5.3) utilisant simplement la définition de cp : en effet, e est scindée si et seulement si g est une rétraction, ce qui est le cas si et seulement si lM E ImHomA(M,g). Comme ImHomA(M,g) = Ker6e, cela montre que e est scindée si et seulement si 68 (1M) =O. Nous arrivons au résultat principal de cette section. 5. SUITES EXACTES COURTES ET EXTENSIONS 265 THÉORÈME 5.4. Soient M,N deux A-modules. L'application cp = 'PM,N : &(M,N)---+ Ext~(M,N) est une bijection fonctorielle en Met N, dans laquelle la classe de l'extension scindée correspond à 0 E Ext~{M,N). DÉMONSTRATION. On construit l'application réciproque cp': Ext~{M,N)---+ &(M, N). Soit d2pi -----+ diR0 -----+ doM -----+ 0 • • • -----+ p.2 -----+ une résolution projective de M. On note encore L = lm di, et p : Pi ---+ L et j : L ---+ Po respectivement la projection et l'injection canoniques, de telle sorte que l'on a une suite exacte courte 0 -----+ . L ....!.....+ Po do M -----+ -----+ 0. Soit x E Ext~ (M, N). Alors il existe hi : Pi ---+ N tel que hid2 = 0 et x = hi +ImHomA{di, N). La condition hid2 = 0 revient à dire qu'il existe h: L---+ N tel que hi= hp. On pose alors que cp'(x) = [heo]. 0 M -----+ -----+ 0 liM he 0 0----+ N .LE ~M----+O. Il faut montrer que cette définition ne dépend pas du choix du représentant hi de laclassex. Soient hi.hi E KerHomA{d2,N) tels que hi-hi E ImHomA{di,N), c'est-à-dire tels qu'il existe s : Po ---+ N vérifiant hi - hi = sdi. Posant que hi = hp et hi = h'p, on ah' - h = sj (puisque p est un épimorphisme). On a alors un diagramme commutatif à lignes exactes 0 h'eo 0 -----+ -----+ R0 l E do -----+ ho+fs ~ En effet, fh' = f(h + sj) = hoj + f sj ={ho+ f s)j et g(ho + fs) = gho =do. Il suit de l'unicité dans {III.5.9) que (he 0 ] = [h'e0 ]. Cela achève de montrer que cp' est définie sans ambiguïté. Il faut maintenant démontrer que cp et cp' sont mutuellement inverses. Montrons d'abord que cpcp' = 1. Soit x = hi+ ImHomA(di,N) E Ext~(M,N), alors cp'(x) = (heo], où h et eo sont comme plus haut. Il suit de (5.2) que cp(heo] = hp + ImHomA(di,N) = x. Maintenant, montrons que cp'cp = 1. Soit (e] E &(M,N), on a cp(e] = hp + ImHomA(di,N), où hp : Pi ---+ N suit, comme on l'a vu, d'une application du théorème de comparaison. Alors cp'cp(e] = cp'(hp + ImHomA(di,N)) = (heo], et on a (heo] = (e], par suite de l'unicité en (III.5.9). Enfin, la fonctorialité de cp résulte de celle du morphisme de liaison, et le dernier énoncé découle de (5.3). D IX. FONCTEURS EXT ET TOR 266 On pourrait, dualement, partant d'une suite exacte 0 -----+ N -----+ E -----+ M -----+ 0, e lui appliquer le foncteur contravariant HomA(-, N) et considérer l'image de IN par le morphisme de liaison Ôe: HomA~N,N)--+ Ext~(M,N). Elle permet de définir une application &(M,N)--+ ExtA(M,N) par [e] 1--+ ôe(lN)· On montre comme plus haut, en utilisant une résolution injective de N, que c'est une bijection fonctorielle en Met N, dans laquelle la classe de la suite exacte scindée correspond à 0 E Ext~(M,N). Les bijections réciproques du théorème sont des bijections d'ensembles. Comme Ext~ (M, N) est un K-module, on peut transporter sa structure sur &(M, N), faisant également de ce dernier un K-module. Nous ne décrirons pas ici cette structure induite. Identifiant &(M, N) et Ext~(M, N) au moyen des bijections ci-dessus, nous obtenons un corollaire très utile. COROLLAIRE 5.5. (a) Soient M un A-module et e : 0 --+ N' --+ N --+ N" --+ 0 une suite exacte courte, alors le morphisme de liaison HomA (M, N") --+ Ext~(M, N') est donné par v 1--+ [ev). (b) Soient N un A-module et e : 0 --+ M' --+ M --+ M" --+ 0 une suite exacte courte, alors le morphisme de liaison HomA ( M', N) --+ Ext~ (M", N) est donné paru 1--+ [ue). DÉMONSTRATION. On se contentera de prouver (a), la démonstration de (b) étant semblable. Soit v E HomA(M, N"), on a un diagramme commutatif à lignes exactes ev 0 -----+ N' e 0 -----+ N' l -----+ E -----+ N 1N' l -----+ M -----+ N" -----+ 0 -----+ 0 lv qui induit, par application du foncteur HomA(M, -), un carré commutatif HomA(M,M) l 6av ---+ HomA(M,v) HomA(M,N") 6. ---+ Ext~(M,N') à cause de la fonctorialité du morphisme de liaison. On a donc Comme rp[ev) est identifié à [ev], la démonstration se trouve achevée. O Il est possible de généraliser les résultats de cette section en donnant une interprétation des modules Ext~(M,N) (avec n ~ 1) comme ensembles des classes d'équivalence des suites exactes de la forme 0-----+ N-----+ En-----+···---+ E 1 -----+ M-----+ 0 ainsi que des morphismes de liaison correspondants. Nous ne le donnerons pas ici et nous terminerons avec un exemple. 5. SUITES EXACTES COURTES ET EXTENSIONS 267 EXEMPLE 5.6. Soit p un nombre premier. Il suit de l'exemple à la fin de la section 3 que l'on a Ext~(Zp, Zp) .=. Zp/pZp .=. Zp. D'autre part, par l'exemple (5.I)(b) plus haut, les suites exactes courtes 0 --+ Zp ..!.!!...+ Zp2 ..!!...+ Zp --+ 0 où fk (avec 0 $ k $ p - 1) est défini par I 1-+ kp, forment un ensemble complet de représentants des classes d'isomorphismes d'extensions de Zp par lui-même. 268 IX. FONCTEURS EXT ET TOR Exercices du chapitre IX 1. On considère Z comme une catégorie dont les objets sont les éléments et pour chaque paire (n, k) où n E Z et k > 0, il existe un morphisme unique n 1--+ n + k. Montrer que les complexes sur Mod A coïncident avec les foncteurs Z ---+ Mod A et que les morphismes de complexes coïncident avec les morphismes fonctoriels. 2. Montrer qu'un morphisme de complexes f* = Un)nez est un monomorphii;ime (ou un épimorphisme) si et seulement si chaque f n en est un. 3. Soient C! = (C~,d~) etc:= (c::,d~) deux complexes. Montrer que le complexe C! E9 c: = ( C~ E9 c::, [ d~ est la somme directe de C! et c: dans d; ]) la catégorie Comp*. Montrer que, pour tout n, on a Hn (C! E9 c:) ..::. Hn(C~) œ Hn(C:). 4. Soit C* un complexe avec dn = 0 pour tout n. Montrer que Hn(C*) =On pour tout n. 5. Démontrer en détail les résultats relatifs à la cohomologie donnés à la fin de la section 1. 6. Soit 0 --+ C! --+ C* --+ c: --+ 0 une suite exacte courte de la catégorie Comp*. Montrer que si deux des trois complexes C!, C*, c: sont exacts, le troisième aussi est exact. 7. Soit J. : C* --+ C! un morphisme de complexes. Montrer que, si Ker f* et Coker f* sont des complexes exacts, alors Hn(f*) est un isomorphisme pour tout n. 8. On considère le complexe · · · --+ Z32 ~ Z32 ~ Z32 --+ · · · de Zmodules, avec d(x) = 8x pour tout x E Z32. Calculer la suite exacte d'homologie. 9. Soient C* et C! deux complexes, et f*, g* : C* --+ C! deux morphismes homotopes. Montrer que, pour tout foncteur contravariant F, les morphismes F(f*) et F(g.) sont homotopes. 10. Un morphisme de complexes f * : c. --+ C! est un homotopisme s'il existe f! : C! ---+ C* tel que f *!! ,...., le~ et f!f* ,...., le•. (a) Montrer que, si/* : C*--+ C! est un homotopisme et si/!, J!': C!--+ C* sont tels que f!f. ,...., le. et que f*f!',...., le~, alors f! ,...., !!'. (b) Montrer que, si f* est un homotopisme, alors Hn(f*) est un isomorphisme pour tout n. (c) Montrer que la composition de deux homotopismes est un homotopisme. (d) Montrer que tout morphisme homotope à un homotopisme est lui-même un homotopisme. 11. Soient C* un complexe et n E Z. Montrer que, pour tout foncteur exact covariant (ou contravariant) F, on a Hn(FC*) ..==. FHn(C*) (ou Hn(FC*) ..==. FHn(C*), respectivement). EXERCICES DU CHAPITRE IX 269 12. (a) Soient e* = (en,dn), e~ = (e~,d~) deux complexes et f.,.: e*--+ e~ un morphisme. Pour chaque n, on pose que Mn = en-l El) e~ et on définit 8n : Mn --+ Mn-1 par 8n(Xn-1,x~) = (-dn-1(Xn-1),d~(x~) + fn-1{Xn-1)). Montrer que Mf =(Mn, 8n) est un complexe (appelé le cône sur!). {b) Soit et le complexe obtenu de e.,. en augmentant les indices de 1 : et = en-1 1 avec les différentielles évidentes. Montrer que Hn (et) = Hn-l ( e.,.). {c) Montrer qu'il existe une suite exacte de complexes 0 ---+ u. Ml v. C*' ---+ * ---+ c+* ---+ 0 où Un : e~ --+ en-1 El) e~ est donné par X~ 1-+ {O, x~) et Vn : en-1 El) e~ --+ en-1 est donné par (Xn-i.x~) 1-+ Xn-1· {d) Montrer que la suite d'homologie de la suite exacte courte de (c) est • • ·--+ Hn+i(e~)---+ Hn+1(Mf)---+ Hn(e.,.) ~ Hn(e~)---+ Hn(Mf)--+ · · · où le morphisme de liaison 8 est égal à Hn(f*), le morphisme induit de f.,.. 13. Soient e.,. un complexe de A-modules, AMB un bimodule et NB un module. Montrer l'existence d'un isomorphisme fonctoriel 14. Démontrer en détail {4.4). 15. Démontrer en détail (4.7). 16. Montrer que, si K est un corps et si MA et NA sont des modules de type fini sur une K-algèbre de dimension finie A, alors Ext1(M,N) est un K-espace vectoriel de dimension finie. 17. Montrer que, si K est un corps et si MA et AN sont des modules de type fini sur une K-algèbre de dimension finie A, alors Tort{M, N) est un K-espace vectoriel de dimension finie. 18. Soit 0 que: ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite exacte courte. Montrer (a) Un morphisme f': M'--+ N se prolonge à un morphisme M--+ N si et seulement si l'image de f' par le morphisme de liaison HomA (M', N) --+ Ext1(M",N) est nulle. {b) Un morphisme f" : N--+ M" se relève en un morphisme N--+ M si et seulement si l'image de f" par le morphisme de liaison HomA(N, M")--+ Ext1(N,M') est nulle. 19. Soient 0 ---+ M' ---+ P ---+ M ---+ 0 et 0 ---+ L ---+ I ---+ L' ---+ 0 deux suites exactes courtes, avec P projectif et I injectif. Montrer que l'on a un isomorphisme de K-modules Extl(M',L) ~ Extl(M,L'). 270 IX. FONCTEURS EXT ET TOR 20. Soient deux suites exactes courtes de A-modules 0 ---+ M L p ---+ X ---+ 0 0--+Y--+I~N--+O avec P projectif et I injectif. Montrer que : KerHomA(f,g) ( ) E t 1 (X Y) _ a x A ' -+ KerHomA(f,I) + KerHomA(P,g) · (b) Ext~(X, Y)-=. CokerHomA(f,g). (c) Ext~(X, Y)-=. Ext~- 2 (M, N) pour n > 2. 21. Soient deux suites exactes courtes de A-modules 0 ---+AN~ AQ ---+ AY ---+ 0 avec P, Q projectifs. Montrer que () 'I1 A(X Y)_ Im(f®Q)nlm(P®g) . lm(! ®g) ' -+ a or1 (b) Tor:(x, Y)-=. Ker(/® g). (c) Tor~(X, Y)-=. Tor~_ 2 (M, N) pour tout n > 2. 22. Soient m, n deux entiers de pgcd égal à d. Montrer que 23. Soit G un groupe abélien avec mG = G pour un m E Z. Montrer que toute suite exacte courte 0 ---+ G ---+ E ---+ Zm ---+ 0 est scindée. 24. Soit G un groupe abélien de torsion. Montrer que Exti(G, Z)-=. Homz(G,IR/Z). 25. Soit G un groupe abélien. Pour n > 0, on note G[n) = {x Montrer que Tor~(Zn, G)-=. G[n). E G 1 nx = O}. 26. En appliquant - ®z Zn à la suite exacte courte de Mod Z 0--+ZLZ--+Zn--+O où f : x 1--+ nx, montrer que Tor~(Zn, Zn)..=. Zn. 27. Montrer que, si n et m sont copremiers, alors Tor~(Zn, Zm) = O. 28. Soit 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" M" plats. Montrer que M est plat. ---+ 0 une suite exacte courte avec M' et EXERCICES DU CHAPITRE IX 271 29. Soit 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite exacte et scindée de Amodules. Montrer que, pour tout A-module X et tout n ;:::: 0, les suites induites 0---+ Ext~4.(X,M')---+ Exf'.4.(X,M)---+ ExtÂ(X,M")---+ 0 et 0---+ Ext~(M",X)---+ ExtÂ(M,X)---+ ExtÂ(M',X)---+ O sont exactes et scindées. 30. Répéter l'exercice précédent pour Tor au lieu de Ext. 31. Montrer qu'un A-module M est projectif (ou injectif) si et seulement si Ext~(M,S) = 0 (ou Ext~(S,M) = 0, respectivement) pour tout A-module simple S. 32. Soient A une algèbre noethérienne, Mun A-module de présentation finie et (N>.)>.eA une famille arbitraire de A-modules. Montrer que, pour tout n ;:::: 0, on a des isomorphismes Ext (M,E9N>.) ÀEA ~ E9ExtÂ(M,N>.)· ÀEA 33. Soient A une K-algèbre, I un idéal à droite et J un idéal à gauche. Montrer que Tort(A/I,A/J)~ 1;JJ" 34. Démontrer (5.4) au moyen d'une résolution injective de N. 35. On considère le diagramme à lignes exactes ei 0 ---+ e2 0 ---+ Li ---+ Mi ---+ M2 ---+ ---+ 0 ---+ 0 lh 1l L2 Ni ---+ N2 Montrer qu'il existe g: Mi--+ M2 rendant le diagramme commutatif si et seulement si [/ei] = [e2h]. 36. Soit p un nombre premier. Décrire explicitement les éléments de Ext~(Zv2, Zv2 ), Ext~(Zv2, Zvs ), Ext~(Zvs, Zv2) et Ext~(Zvs, Zpa ). CHAPITRE X Dimensions homologiques de modules et d'algèbres Il est utile de mesurer à quel point un module est loin d'être projectif (ou injectif). Pour cela, on utilise essentiellement deux caractérisations des modules projectifs : un A-module M est projectif si et seulement si Ext1 (M, - ) = 0, ou encore si et seulement s'il existe une résolution projective 0 ---+ Po ---+ M ---+ 0 de longueur nulle. Le plus petit indice n tel que Ext~+l(M, -) = 0 et la plus petite longueur d'une résolution projective de M constituent deux mesures du défaut de projectivité. On montrera que ces deux entiers sont égaux et définissent ce qu'on appelle la dimension projective de M. On définit de même la dimension injective de M. Le suprémum des dimensions projectives des A-modules égale le suprémum des dimensions injectives et est ce qu'on appelle la dimension globale (à droite) de l'algèbre A. Ce chapitre est consacré à l'étude de ces dimensions. 1. Dimensions homologiques de modules DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et M un A-module. On dit que la dimension projective de M est au plus n (ce qu'on note dpM $ n) s'il existe une résolution projective 0 ---+ Pn ---+ · · · ---+Pi ---+Po ---+ M---+ O. Si n est le plus petit entier tel qu'il existe une telle résolution, on dit que la dimension projective de M est égale à n (ce qu'on note dpM = n). Si aucune résolution projective finie n'existe, on dit que la dimension projective de M est infinie, et on pose que dp M = oo. On convient que dp 0 = -oo. EXEMPLES 1.1. (a) Pour un A-module M, dpM = 0 si et seulement si M est projectif et non nul. (b) Soit m > 0 un entier arbitraire. Le Z-module Zm est de dimension projective 1 : on sait en effet qu'il existe une suite exacte courte de Mod Z de la forme o-zLz~Zm-o où f est définie pour a E Z par a 1--+ ma et g = coker f. Cette suite étant une résolution projective, on a dp Zm $ 1 ; d'autre part, Zm n'est pas projectif (sinon 273 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES 274 la suite serait scindée, et Zm serait isomorphe à un idéal de Z, ce qui contredirait le fait que ceux-ci sont de la forme nZ pour un n E Z), donc dp Zm = 1. (c) Soit [~ ~ ], avec Kun corps. On a vu en (VIII.1) que les modules projectifs indécomposables sont euA (lequel est simple) et e22A, et qu'il existe un monomorphisme euA --+ e22A de conoyau e22A/e22J (où J = radA), lequel est simple. On a ainsi une suite exacte courte 0 ----+ euA ----+ e 22 A --+ e22A/e22J----+ 0 de sorte que dp(e22A/e22J) = 1. THÉORÈME 1.2. Soient A une K-algèbre, M un A-module et n ~ O. Les conditions suivantes sont équivalentes : (a) (b) (c) (d) dpM $ n. Ext~(M, -) = 0 pour tout k ExtA.+ 1 (M,-) =O. Pour toute suite exacte > n. 0 ----+ Ln-1 ----+ Pn-1 ----+ · · · ----+ Po ----+ M ----+ 0 avec les Pi projectifs, Ln-1 est projectif DÉMONSTRATION. (a) implique (b). Par définition, dire que dp M $ n revient à dire qu'il existe une résolution projective · · · ----+ P2 ----+ P1 ----+ Po ----+ M ----+ 0 de M avec Pk = 0 pour tout k > n. Donc HomA(Pk, N) = 0 pour tout k >net tout A-module N, et par conséquent Ext~(M,N) = Hk (HomA ((PM).,N)) = 0 pour tout k > n. (b) implique (c). C'est une évidence. (c) implique (d). Soit une suite exacte 0 ----+ Ln-1 ----+ Pn-1 ----+ · · · ----+ Po ----+ M ----+ 0 avec les Pi projectifs, et soit N un A-module. Par décalage, ExtA.+l(M, N)..::. Ext~(Ln-i. N). L'hypothèse (c) donne donc Ext~(Ln-li -) = 0 et Ln-1 est projectif (d'après (IX.3.6)). (d) implique (a). Considérons une résolution projective de M à n -1 termes dn-1 Pn-1 ----+ Pn-2 -----+ · · · -------+ P1 -------+ Po -------+ M -----+O. Il suit de l'hypothèse que Ln-1 = Kerdn-1 est projectif. Donc 0 ----+ Ln-1 ----+ Pn-2 ----+ · · · ----+ P1 ----+ Po ----+ M----+ 0 est une résolution projective de M de longueur n. D Il est utile de reformuler le théorème (1.2) de la façon suivante : dpM = sup{n 1 ExtA.(M, -) f:- O}. 1. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES COROLLAIRE 1.3. Soit {Mù~EA 275 une famille de A-modules, alors dp (œMÀ) = sup{dpMÀ ÀEA 1À E A}. DÉMONSTRATION. Cela résulte de l'équivalence de (a) et (c) dans le théorème {1.2) et de ce que Ext (EB ÀEA MÀ, -) -=+ IJ ExtÂ(MÀ, -) d'après (IX.3.7). o ÀEA COROLLAIRE 1.4. Soit 0 --+ L--+ M --+ N--+ 0 une suite exacte courte de A-modules. On a les inégalités suivantes (a) dpN:::; sup{dpM,dpL + 1} et l'égalité a lieu si dpM =f. dpL. (b) dpL:::; sup{dpM,dpN -1} et l'égalité a lieu si dpM =f. dpN. (c) dpM:::; sup{dpL,dpN} et l'égalité a lieu si dpN =f. dpL + 1. DÉMONSTRATION. Nous nous contenterons d'établir (a), les preuves de (b) et (c) étant semblables. Soient X un A-module arbitraire et n;::: O. On a une suite exacte longue de cohomologie · · ·--+ Ext:4+1{L,X)--+ Ext:4+ 2 (N,X)--+ Ext:4+ 2 {M,X)--+ · · · par suite de (IX.3.5). Par conséquent, dp L :::; n et dp M :::; n + 1 entraînent que Ext:4+ 2 {N, -) = 0, c'est-à-dire dp N:::; n + 1, ce qui est bien l'inégalité cherchée. Si l'inégalité est stricte, c'est-à-dire si dp N ~ sup{ dp M, dp L + 1}, alors, nécessairement, dpN < oo. Pour tout k > dpN et tout A-module X, la suite exacte ci-dessus entraîne que Ext~+l{L,X)-=+ Ext~+ 1 (M,X). Par conséquent, Ext~+ 1 (L, -)-=+ Ext~+ 1 {M, -) et donc dpM = dpL. D EXEMPLE 1.5. Soient Mun module de dimension projective finie n > 1 et 0 --+ Pn --+ ; · · --+ P1 --+ Po --+ M --+ 0 une résolution projective de M. Si Lo est le noyau de l'épimorphisme Po-+ M, on a une suite exacte courte 0 --+ Lo --+ Po --+ M --+ 0 et en outre dpLo = n - 1. On a ici dpM = n, dpPo = 0 et dpLo L'inégalité (c) est ici stricte, tandis que (a) et (b) ne le sont pas. =n- 1. On a, bien entendu, les notions et les résultats correspondants pour les modules injectifs. DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et M un A-module. On dit que la dimension injective de N est au plus n (ce qu'on note diN:::; n) s'il existe une résolution injective 0 --+ N --+ 1° --+ 1 1 --+ · · · --+ r --+ O. Si n est le plus petit entier tel qu'il existe une telle résolution, on dit que la dimension injective de N est égale à n (ce qu'on note diN = n). Si aucune 276 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES telle résolution injective finie n'existe, on dit que la dimension injective de N est infinie, et on pose que di N = oo. On convient que di 0 = -oo. EXEMPLES 1.6. (a) Pour un A-module N, di N = 0 si et seulement si N est injectif. (b) Le Z-module Z est de dimension injective 1 : en effet, on sait qu'un Z-module est injectif si et seulement s'il est divisible, et donc le module (non divisible) Z n'est pas injectif ; par contre, l'inclusion de Z dans Q induit une suite exacte courte 0 ---+ Z ---+ Q ---+ Q/Z ---+ 0 avec Q et (donc) Q/Z divisibles : cette suite est donc une résolution injective. (c) Soit A= [~}}],avec Kun corps. On a vu en (VIII.4) que les modules injectifs indécomposables sont e22A ~ D(Aeu) et e22A/e11J ~ D(Ae22) (ici, D = HomK(-,K) : modA0 P --+ modA désigne comme en (VIII.4) la dualité standard). La suite exacte courte 0---+ euA---+ e22A--+ e22A/e11J---+ 0 entraîne que di(euA) = 1. THÉORÈME 1.7. Soient A une K-algèbre, N un A-module et n > O. Les conditions suivantes sont équivalentes : (a) diN:::; n. (b) Ext~(-,N) = 0 pour tout k (c) ExtÂ+ 1 (-, N) =O. (d) Pour toute suite exacte > n. 0 ---+ N ---+ 10 ---+ ... ---+ 1n-l ---+ Ln-1 ---+ 0 avec les Ji injectifs, Ln-l est injectif. DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (1.2) et laissée en exercice. D Il est utile de reformuler le théorème (1.7) de la façon suivante: di N = sup{ n 1 Ext (-, N) =/: O}. COROLLAIRE 1.8. Soit (N>..)>..eA une famille de A-modules, alors di (rr N>..) = sup{diN>.. 1 À E A}. >..eA DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (1.3) et laissée en exercice. D COROLLAIRE 1.9. Soit 0---+ L ---+ M ---+ N ---+ 0 une suite exacte courte de A-modules. On a les inégalités suivantes : (a) diN:::; sup{diM,diL-1}, et l'égalité a lieu si diM =/: diL. (b) diL:::; sup{diM,diN + 1}, et l'égalité a lieu si diM =/: diN. (c) diM:::; sup{diL,diN}, et l'égalité a lieu si diL =/: diN + 1. DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (1.4) et laissée en exercice. D 1. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES EXEMPLE 1.10. Soient N un module de dimension injective finie n 277 > 1 et 0 ---+ N ---+ 1° ---+ · · · ---+ In ---+ 0 une résolution injective de N. Si L 0 est le conoyau du monomorphisme N - J 0 , on a une suite exacte courte 0 ---+ N ---+ 1° ---+ Lo ---+ 0 et en outre diL0 = n - 1. On a ici diN = n, diJ0 = 0 et diL0 L'inégalité (c) est ici stricte, tandis que (a) et (b) ne le sont pas. = n - 1. Pour calculer la dimension injective d'un module, nous montrerons qu'il suffit de mesurer la longueur de certaines résolutions injectives, que nous appellerons minimales. On dit qu'une résolution injective 0 ---+ N ~ 1° ~ 1 1 ..!!....+ 12 ---+ ... du A-module N est une résolution injective minimale si, pour chaque i ;::: 0, le module Ji est une enveloppe injective de lm di. On se souvient que tout Amodule admet une enveloppe injective et que celle-ci est unique à isomorphisme près (IV.4.5). Le résultat suivant n'est donc pas étonnant. LEMME 1.11. Tout A-module N admet une résolution injective minimale. Si I* et I'* d'D 0 d' 1 1 0 ---+ N ---+ I' ---+ I' ---+ · · · sont deux résolutions injectives, avec I* minimale, alors il existe un morphisme f*: (IN)* - (IA,)* qui prolonge lN, avec chaque Ji une section. Si en outre I'* est aussi minimale, alors I* et 11* sont isomorphes. DÉMONSTRATION. Pour montrer l'existence, on construit une résolution injective minimale par récurrence sur le degré. On prend pour JO une enveloppe injective de N (c'est-à-dire une extension essentielle maximale de N), et pour d0 : N - 1° l'inclusion. Supposons Ji, di connus pour i ~ j, on a alors une suite exacte . 1 dj . p- - J 3 -v1v -. o avec I) = Coker di, pi = coker di. On prend pour JH 1 une enveloppe injective de Li et qi : Li - Ji+ 1 égale à l'inclusion. Enfin, on pose que di+l = qipi. Alors il est clair que la résolution injective d0 0---+ N - J 0 ----+ ... - di di+ 1 Ji - Ji+l est minimale. Supposons maintenant que I* et I'* sont comme dans l'énoncé. On construit f* par récurrence sur le degré. Pour chaque i ;::: 0, posons Li = Coker di, pi = coker di, qi = ker di+ 1 , L'i = Coker d'', p'i = coker d'i et q'i = ker d'i+l. 278 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES 1° et 110 sont injectifs, il existe 1° : J0 --+ 110 tel que 1°d0 = d10 1N et --+ 1° tel que !' 0 d' 0 = d0 1N. On affirme que 1' 0 1° : 1° --+ 1° est un isomorphisme. Comme 1'0 1° d0 = 1'0 d10 = d0 est un monomorphisme et que d° est un monomorphisme essentiel, 110 1° est un monomorphisme. D'autre part, 1° est une extension essentielle maximale de d0 ( N) et on a d0 ( N) Ç 1101° (N) ç I° de sorte que, d'après (IV.4.4)(c), 1'0 1°(1°) = 1°, c'est-à-dire que 1'0 1° est surjective. On a montré que !' 0 1° est un isomorphisme. En particulier, 1° est Comme 110 : 110 une section. Par gassage aux conoyaux, il existe g0 : L 0 --+ L 10 tel que g0 p0 = p10 1° et 10 g : L' --+ L 0 tel que g10 p10 = p0 !' 0 , de telle sorte que l'on a un diagramme commutatif à lignes exactes 0 - 1 1- 1- 0 l'o ---+ 0 - 0 do JO N lN JO d'o N 0 ---+ 0 --- --lN ---+ 1 do N l'o Po Lo go 1- JO p'o L'o g'o Po 1 Lo ~ Comme lN et !' 0 1° sont des isomorphismes, il en est de même de g10 g0 • Par récurrence, pour i ~ 0, étant donné gi : Li --+ L'i et g'i : L'i --+ Li tels que g'igi : Li --+ Li est un isomorphisme, l'injectivité de Ji et l'i entraîne l'existence de /i+ 1 : Ji+ 1 --+ J'i+ 1 tel que li+lqi = q'igi et f'i+ 1 : J'i+ 1 --+ Ji+l tel que f'i+ 1q'' = qig'i. On prouve exactement comme plus haut que f'i+ 1Ji+l : Ji+ 1 --+ Ji+ 1 est un isomorphisme (en particulier, li+ 1 est une section) et qu'il existe gi+ 1 : Li+ 1 --+ L'H 1 et g'i+ 1 L'i+l --+ Li+ 1 rendant commutatif le diagramme à lignes exactes 0 0 0 - 1- - Ji+l /;+11 g; L'i g,; 1 Li q'"' ---+ - qi - p;+l qi Li J'i+l J'i+l 1 Ji+l Li+l gi+l p';+l l L'i+l ---+ g'•+11 - p•+1 Li+l et donc tels que g'i+ 1gi+ 1 soit un isomorphisme. D - 0 ---+ 0 - 0 On déduit de ce lemme que deux résolutions injectives minimales sont nécessairement de même longueur et qu'une résolution injective minimale est plus courte qu'une résolution injective qui n'est pas minimale. Appliquant ces remarques à la définition de la dimension injective, on en déduit le théorème suivant. THÉORÈME 1.12. Soient N un A-module, n 0 --+ N --+ ~ 0 et 1° --+ 1 1 --+ · · · 1. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES 279 une résolution injective minimale de N. Alors di N = n si et seulement si 1n =/: 0 et Ji= 0 pour tout i > n. DÉMONSTRATION. Il est clair que Ji = 0 entraîne Ji = 0 pour tout j ;::: i (par suite de la définition d'une résolution injective minimale). On supposera d'abord que di N = n et on montrera que 1n+i = 0 et que In =/: O. En effet, dire que di N = n revient à dire qu'il existe une résolution injective de N de longueur n 0 ---+ N ---+ !' 0 --+ f' 1 --+ • • • --+ J'n --+ 0 et que toute autre résolution injective de N est de longueur ;::: n. C'est en particulier le cas de la résolution injective minimale donnée, donc 1n =/: O. D'autre part, (1.9) nous dit que Jn+l est un facteur direct de I'n+i = 0, donc 1n+i =O. Cela montre la nécessité. La suffisance se montre de la même façon : si, en effet di N = m < n, le même raisonnement donne Jm+l = 0 et donc In = 0, ce qui est une contradiction. D Le résultat dual (sur les projectifs) n'est évidemment pas toujours vrai, puisqu'un A-module n'admet généralement pas de couverture projective. On sait cependant que c'est le cas pour les modules de type fini sur une algèbre artinienne (VIII.2.2). On dit qu'une résolution projective d2 ... --+ p.2 --+ p1 di --+ R0 --+ do M --+ 0 d'un A-module M est une résolution projective minimale si, pour chaque i ;::: 0, Pi est une couverture projective de Ker di. On a les résultats duals. LEMME 1.13. Soient A une algèbre artinienne et Mun A-module de type fini. Alors M admet une résolution projective minimale. Si · · · --+ P2 --+ P1 --+ Po --+ M --+ 0 · · · --+ P~ --+ P{ --+ P~ --+ M --+ 0 * sont deux résolutions projectives, avec P* minimale, alors il existe un morphisme de complexes f*: (PM)*~ (PM)* qui relève lM, avec chaque Îi une rétraction. Si en outre P; est aussi minimale, alors P* et P; sont isomorphes. P' DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (1.9) et laissée en exercice. D THÉORÈME 1.14. Soient A une algèbre artinienne, MA un module de type fini, n;::: 0 et · · · --+ P1 --+ Po --+ M --+ 0 une résolution projective minimale de M. Alors dp M = n si et seulement si Pn =/: 0 et Pi = 0 pour tout i > n. DÉMONSTRATION. Semblable à celle de (1.10) et laissée en exercice. D 280 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES 2. Dimensions homologiques d'une algèbre DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. S'il existe un entier net deux A-modules M, N tels que ExtA. (M, N) -::f. 0, le plus grand tel entier n est appelé la dimension globale à droite de A, et on note dim. gl. d. A = n. S'il n'existe pas de tel entier, on dit que A est de dimension globale à droite infinie, ce qu'on note dim. gl. d. A = oo. On convient que dim. gl. d. 0 = -oo. On définit de même la dimension globale à gauche dim. gl. s. A au moyen de A-modules à gauche. Il n'y a évidemment aucune raison a priori pour que les dimensions globales à gauche et à droite d'une algèbre soient égales, et ce n'est généralement pas le cas. C'est vrai si l'algèbre est commutative, et nous verrons que c'est également vrai si elle est noethérienne à droite et à gauche (par exemple, si elle est de dimension finie sur un corps). Si dim. gl. d. A = dim. gl. s. A, leur valeur commune est appelée la dimension globale de A et est notée dim. gl. A. THÉORÈME 2.1. Soient A une K-algèbre et n ~O. Les conditions suivantes sont équivalentes : (a) dim. gl. d. A ::; n, (b) pour tout A-module M, on a dpMA::; n, (c) pour tout A-module N, on a diNA::; n. DÉMONSTRATION. On montrera l'équivalence de (a) et (b), l'équivalence de (a) et (c) se démontrant de la même façon. Dire que, pour tout A-module M, on a dpM ::; n revient par (1.2) à dire que, pour tout A-module M, on a Ext~t 1 (M, -) = 0, c'est-à-dire que, pour tous les A-modules M, N, on a ExtÂ+ (M, N) = O. Par définition, cela revient à dire que dim. gl. d. A ::; n. D COROLLAIRE 2.2. dim. gl. d. A = sup{dp MA 1 M un A-module} = sup{diNA 1 N un A-module}. D EXEMPLES 2.3. (a) Il suit de la définition qu'une K-algèbre A est de dimension globale à droite nulle si et seulement si Ext~(M,N) = 0 pour toute paire de modules M, N. Comme cette condition revient, d'après (IX.5.2), à dire que toute suite exacte courte de A-modules est scindée, il suit de (VI.7.1) que dim. gl. d. A = 0 si et seulement si A est semisimple. Par conséquent, c'est le cas si et seulement si dim. gl. s. A = O. (b) Il résulte du corollaire que, pour une algèbre A, on a dim. gl. d. A = oo si et seulement s'il existe un A-module MA tel que dp MA = oo. Soit p un nombre premier. La Z-algèbre commutative A = Zp2 est de dimension globale infinie, puisque le Zp2-module Zp admet une résolution projective de la forme · • · ---t Zp2 ---t Zp2 ---t Zp2 ---t Zp ---t O. Nous allons montrer que, pour calculer la dimension globale d'une algèbre, il suffit de calculer les dimensions projectives de ses modules cycliques. On rappelle que, d'après (II.4.2), un A-module est cyclique si et seulement s'il est de la forme A/I, pour I un idéal à droite de A. 2. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES D'UNE ALGÈBRE 281 LEMME 2.4. Un A-module N est injectif si et seulement si Ext1 (A/ I, N) = 0 pour tout idéal à droite I de A. DÉMONSTRATION. La nécessité étant évidente par (IX.3.6), montrons la suffisance. On considère la suite exacte courte 0 --+ I ....!..+ A --+ A/ I --+ 0 où u désigne l'inclusion canonique. Le foncteur HomA(-, N) appliqué à cette suite donne une suite exacte HomA(u,N) HomA(A,N) --+ 1 HomA(I,N)- ExtA(A/I,N) =O. Donc HomA(u, N) est surjectif : pour toute application linéaire f : I --+ N, il existe une application linéaire g: A--+ N telle que f = HomA(u, N)(g) = gu. Il suit du critère de Baer (IV.3.4) que N est injectif. D THÉORÈME 2.5 (AUSLANDER). Pour toute K-algèbre A dim.gl.d.A = sup{dpA/J 1 IA idéal à droite de A}. DÉMONSTRATION. L'énoncé est évident si le terme de droite est égal à +oo. Supposons donc qu'il existe n ~ 0 tel que dp A/I ::; n pour tout idéal à droite I de A. Nous voulons montrer que di N $ n pour tout A-module N. Soit une suite exacte 0 --+ N --+Io --+ 11 --+ ... --+ Jn-1 --+ Ln-1 --+ 0 avec les Ji injectifs. Par décalage, ExtA_+l(A/ I, N) ..=. Ext1 (A/ I, Ln-l ). Comme dpA/J $ n, on aExt1(A/J,Ln- 1 ) =O. Alors (2.4) donne Ln-l injectif, et donc (1.6) entraîne que di N $ n. D EXEMPLE 2.6. dim.gl.d.Z = (dim.gl.s.Z =)1. En effet, tout idéal 1=/:0 de Z est de la forme nZ pour un n > 0, et on a vu à l'exemple (1.l)(b) que la dimension projective de Z/nz-=. Zn est égale à 1. Une conséquence notable de (2.5) est que la dimension globale d'une algèbre ne dépend que de ses modules de type fini. COROLLAIRE 2. 7. Pour toute K -algèbre A, on a dim.gl. d. A= sup{dpMA 1 M de type fini}. DÉMONSTRATION. Il est clair que, si dim. gl. d. A ::; n, alors pour tout Amodule M de type fini, on a dp M ::; n. Réciproquement, supposons que dp M ::; n pour tout A-module M de type fini. Pour tout idéal à droite I de A, A/I est cyclique, donc de type fini. Par conséquent, dp(A/J) $ n. D'après (2.5), on a dim.gl.d.A $ n. D Une simplification supplémentaire a lieu si A est une K-algèbre artinienne (par exemple est de dimension finie sur un corps). Le théorème suivant prend tout son sens si on se rappelle qu'une algèbre artinienne n'admet qu'un nombre fini de modules simples non isomorphes (VII.4.5). X. 282 DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES THÉORÈME 2.8. Si A est une K -algèbre artinienne, on a dim.gl.d.A = sup{dpSA 1 Sun A-module simple}. DÉMONSTRATION. Comme tout A-module simple est cyclique, il suffit de considérer le cas où le terme de droite est égal à n < oo. Nous montrerons que tout A-module M de type fini satisfait à dp M $ n. Comme un tel module M est de longueur de composition f, finie, on prouve cet énoncé par récurrence sur f,, Si f, = 1, alors M est simple et dp M $ n par hypothèse. Si f, > 1 et si 0 =Moc M 1 C · · · c Me-1 C Me= M est une suite de composition pour M, on a une suite exacte courte 0--+ Me-1 --+ M--+ M/Me-1 --+ 0 avec M/Me-1 simple. On a dp(M/Me-1) $ n par hypothèse et dpMe-1 $ n par suite de l'hypothèse de récurrence. Il suit alors de (1.4) que dp M $ n. D Par exemple, soient K un corps et A = [}} ~]. Cette algèbre admet deux modules simples non isomorphes, à savoir e11A (lequel est projectif) et e 22 A/e 22 J. On a vu à l'exemple (1.l)(c) que dp (e22A/e22J) = 1. Comme dp(e11A) = 0, on a dim. gl. d. A = 1. Nous voulons maintenant montrer que, si A est une algèbre noethérienne à gauche et à droite, alors dim. gl. d. A = dim. gl. s. A. Le moyen de traiter simultanément des modules à droite et des modules à gauche est de faire appel à des produits tensoriels, donc à des foncteurs de torsion. Nous aurons besoin de la notion suivante. DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et M un A-module. On dit que la dimension plate (ou faible) de M est au plus n (ce qu'on note df M $ n) s'il existe une résolution plate 0 --+ Qn --+ · · · --+ Qi --+ Qo --+ M --+ O. Si n est le plus petit entier tel qu'il existe une telle résolution, on dit que la dimension plate (ou faible) de M est égale à n (ce qu'on note df M = n). Si aucune résolution plate finie n'existe, on dit que la dimension plate de M est infinie et on pose que df M = oo. On convient que df 0 = -oo. Comme tout module projectif est plat, on a toujours df M $ dpM. On a un énoncé correspondant aux théorèmes (1.2) et (1.6). THÉORÈME 2.9. Soient A une K-algèbre, M un A-module et n ;::::: O. Les conditions suivantes sont équivalentes. (a) (b) (c) (d) dfM$n. Tor~(M, -) = 0 pour tout k > n. Tork+l(M,-) =0. Pour toute suite exacte 0 --+ Ln-1 --+ Qn-1 --+ · · · --+ Qo --+ M --+ 0 avec les Qi plats, Ln-1 est plat. 2. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES D'UNE ALGÈBRE 283 DÉMONSTRATION. Semblable à celle des théorèmes (1.2) et (1.6) et laissée en exercice. D Le théorème précédent peut être reformulé comme suit : df M = sup{n 1 Tor~(M, -) -:/: O}. Cela nous conduit à définir la notion suivante. DÉFINITION. Soit A une K-algèbre. S'il existe un entier net deux modules M, N tels que Tor~(M, N)-:/: 0, le plus grand tel entier n est appelé la dimension globale faible de A, et on note dim. gl. f. A = n. S'il n'existe pas de tel entier n, on dit que A est de dimension globale faible infinie, ce qu'on note dim. gl. f. A= oo. On convient que dim. gl. f. 0 = -oo. Cette définition est symétrique pour la gauche et la droite. En effet, on a le théorème suivant. THÉORÈME 2.10. Soient A une K-algèbre et n ~ O. Les conditions suivantes sont équivalentes : (a) dim.gl.f.A:::; n. (b) Pour tout A-module à droite M, on a df MA:::; n. (c) Pour tout A-module à gauche N, on a df AN:::; n. DÉMONSTRATION. On montre l'équivalence de (a) et de (b), celle de (a) et de (c) se démontrant de la même façon. Dire que, pour tout module à droite MA, on a df M:::; n revient, par (2.8), à dire que, pour tout module à droite MA, on a Tor~+ 1 (M, - ) = 0, c'est-à-dire que, pour toute paire de A-modules MA, AN, on a Tor~+l (M, N) = O. Par définition, cela revient à dire que dim. gl. f. A :::; n. D Comme, pour tout A-module M, on a dfM:::; dpM, alors dim.gl.f.A:::; dim. gl. d. A. Nous allons démontrer que, si A est noethérienne à droite, alors on a l'égalité. LEMME 2.11. Soient A une K-algèbre noethérienne à droite, et MA un module de type fini. Alors df M = dp M. DÉMONSTRATION. Supposons que df M:::; n. Il existe, d'après (VI.2.6), une suite exacte 0 --+ Ln-1 --+ Pn-1 --+ · · · --+ Po --+ M --+ 0 avec les Pi projectifs de type fini. Pour tout A-module à gauche N, on a par décalage, Tor~+l (M, N)..:; Torf (Ln-li N). Par conséquent, Tor~+l (M, -) = 0 entraîne que Torf (Ln-1, - ) = O. Par suite de (IX.4.6), Ln-1 est plat. Comme A est noethérienne, Ln-l est de type fini, puisqu'il est un sous-module du module de type fini Pn-li d'après (VI.2.4). D'après (VI.2.8), on en déduit que Ln-1 est projectif. On a obtenu une résolution projective de M de longueur n et donc dp M :::; n. Cela montre bien que dp M :::; df M. Comme on a toujours df M:::; dpM, on en déduit dpM = df M. D 284 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES THÉORÈME 2.12. Soit A une algèbre noethérienne à droite, alors dim. gl. d. A = dim.gl.f.A. DÉMONSTRATION. On a toujours dim. gl. f. A :::; dim. gl. d. A. Réciproquement, on sait, d'après (2.6), que dim. gl. d. A est égal au suprémum des dimensions projectives des A-modules à droite M de type fini. Pour un tel module M, on a df M = dpM, par suite de (2.10). Cela entraîne que dim. gl. d. A sup{ df M < sup{ df M de type fini} 1 MA quelconque} = dim. gl. f. A 1 MA d'où notre énoncé. D COROLLAIRE 2.13. Soit A une algèbre noethérienne à droite et à gauche, alors dim. gl. d. A = dim. gl. s. A. D Ce corollaire s'applique notamment si K est un corps et si A est une K-algèbre de dimension finie. Par exemple, si A = [ ~ }}], alors dim. gl. s. A = dim. gl. d. A = 1, ce qu'on abrège en dim. gl. A = 1. Nous examinerons plus loin en détail les algèbres de dimension globale un. Pour l'instant, nous terminons ce chapitre avec une propriété intéressante des matrices de Cartan des algèbres de dimension finie, connexes, réduites, déployées et de dimension globale finie (voir (VIII.5)). PROPOSITION 2.14. Soient K un corps, A une K-algèbre de dimension finie connexe, réduite et déployée et de dimension globale finie. Le déterminant de la matrice de Cartan CA de A est égal à +1 ou -1. DÉMONSTRATION. Il suffit de montrer que CA est inversible sur Il. Comme A est de dimension finie, elle admet un nombre fini de modules simples non isomorphes S(l), ... , S(n), qui sont respectivement les coiffes des modules indécomposables projectifs non isomorphes P(l), ... , P(n). D'autre part, dim. gl. A < oo entraîne que chaque S(i) admet une résolution projective finie 0 ---t Pi,n; ---t Pi,n;-1 ---t • • • ---t Pi,1 ---t Pi,o ---t S(i) ---t O. En vertu du théorème de décomposition unique (VIl.6.13), chacun des Pi,k est isomorphe à une somme directe finie des modules indécomposables projectifs P(j), de telle sorte que ni n dimS(i) = ~)-l)kdimPi,k = Lai;dimP(j) k=l j=l avec ai· E 7l. Donc le vecteur dimS(i) de la base canonique du groupe abélien libre z{n) est une combinaison linéaire des vecteurs dimP(j), où 1 :::; j :::; n, avec des coefficients entiers. Par conséquent, il existe une matrice R à coefficients entiers telle que [dimS{l) 1 · · · 1dimS(n)J = [dimP(l) 1 • • • 1dimP(n)]R. (Ici, la notation [v1 1 · · · lvn] avec Yi E zCn) désigne la matrice ayant pour colonne le vecteur v i, avec 1 :::; i :::; n.) ième 2. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES D'UNE ALGÈBRE 285 D'autre part, (VIII.5.3) entraîne que [dimP(l) 1 • • • 1dimP(n)] =CA, de telle sorte que I =CAR. D 286 X. DIMENSIONS HOMOLOGIQUES DE MODULES ET D'ALGÈBRES Exercices du chapitre X 1. Si dp M = n < oo, montrer qu'il existe un A-module libre L tel que ExtÂ(M,L) ~O. 2. Soit A un domaine d'intégrité. Montrer que tout sous-module non divisible d'un module divisible est de dimension injective égale à 1. 3. Soit 0 ---+ M' ---+ M ---+ M" ---+ 0 une suite exacte, avec M projectif. Montrer que ou bien M' et M" sont projectifs, ou bien dp M" = dp M' + 1. 4. Soit Mun A-module non projectif de dimension projective finie, montrer qu'il existe un A-module de dimension projective égale à un. 5. Montrer que, pour toute algèbre A et tout n > O, on a dim. gl. d. A = dim. gl. d. Mn(A). 6. Soient A une K-algèbre artinienne et T la somme directe d'un représentant de chaque classe d'isomorphisme de A-modules simples. Montrer que: a) dp M < n si et seulement si Ext (M, T) = O. b) di M < n si et seulement si Ext (T, M) = O. 7. Calculer dpQz, diZz. 8. Soient A une K-algèbre noethérienne à droite et MA un A-module de type fini tel que dpM = n. Montrer que ExtÂ(M,A) ~O. 9. Démontrer (1.7) (1.8) et (1.9). 10. Démontrer (1.13) et (1.14). 11. Soient A, B deux K-algèbres, 'P : A ___. B un morphisme, et M un Bmodule (que l'on peut considérer comme un A-module au moyen de ip). Montrer que 12. Montrer que, si dpAM < n < oo, alors Tor~(-,M) =O. 13. Soit 0 ---+ L Montrer que : ---+ M ---+ N ---+ 0 une suite exacte courte de A-modules. (a) df N:::; sup{ df M, df L + 1} et l'égalité a lieu si df M ~ df L. (b) df L:::; sup{df M,df N -1} et l'égalité a lieu si df M ~ df N. (c) df M :::; sup{ df L, df N} et l'égalité a lieu si df N ~ df L + 1. 14. Montrer que, pour une K-algèbre A, les conditions suivantes sont équivalentes: (a) dim. gl. d. A :::; 2. (b) Le noyau d'un morphisme entre A-modules projectifs est projectif. (c) Le conoyau d'un morphisme entre A-modules injectifs est injectif. EXERCICES DU CHAPITRE X 287 15. Soient K un corps et A une K-algèbre de dimension finie: Notons T la somme directe d'un représentant de chaque classe d'isomorphisme de A-modules simples. Montrer que, pour un A-module M, on a dpM sup{n 1 ExtA.(M,T) sup{n 1 Tor~(M, T) sup{n 1 ExtA.(T,M) = et diM = En déduire que l'on a dim.gl.A sup{n 1Tor~(T, T) =/: O}. f f f O} O} O}. = dpTA = diAT = sup{n 1 ExtA.(T,T) f O} = 16. Soient A une K-algèbre et MA un module. Montrer que, si dim. gl. d. A= net si dp M = n-1, alors tout sous-module M' de M est tel que dp M' ::; n -1. n 17. Soient Ai, ... , An des K-algèbres et A = IJ Ai. Montrer que i=l dim. gl. d. A = sup{ dim. gl. d. Ai l 1 ::; i ::; n}. 18. Calculer la dimension globale de chacune des algèbres de matrices suivantes sur un corps K : (a) A=[~K i0 K~i- (b) B = [~ ~ i ~] · K K K K 19. Soient K un corps et n 2:: 2. Montrer que A = Tn(K) est de dimension globale 1 et que B = A/ rad 2 A est de dimension globale n + 1. 20. Soient K un corps et t une indéterminée. Montrer que l'algèbre A = K[t]/ (t 2 } est de dimension globale infinie. CHAPITRE XI Homologie et cohomologie des algèbres Il existe une autre approche homologique à l'étude des algèbres. Elle consiste à considérer l'algèbre A comme un (A-A)-bimodule, à en construire une résolution projective dans la catégorie des (A - A)-bimodules, puis à calculer l'homologie et la cohomologie à coefficients dans un bimodule fixe M. L'intérêt de cette approche, conçue par Hochschild, est que les premiers groupes d'homologie et de cohomologie s'expriment de façon aussi simple que concrète. Elle nous amène également à l'étude d'une classe particulièrement intéressante d'algèbres semisimples, qu'on appelle les algèbres séparables. Le chapitre se termine avec un théorème de structure important, connu sous le nom de théorème principal de Wedderburn (2.9). Dans ce chapitre, nous supposerons que K est un corps commutatif et A une K-algèbre de dimension finie. Cette hypothèse permet d'arriver le plus vite possible aux résultats essentiels. 1. Cohomologie de Hochschild d'une algèbre Soient K un corps commutatif et A une K-algèbre de dimension finie. On rappelle que A0 P désigne l'algèbre opposée de A. DÉFINITION. L'algèbre enveloppante Ae de A est la K-algèbre définie par Ae = Aop ®KA. Comme on l'a vu en (V.1.8) la structure de K-espace vectoriel de Ae est donc la même que celle du K-espace vectoriel A ®KA, tandis que la multiplication est définie par (a® b)(a' ® b') = a'a ® bb' (pour a,a',b,b' E A). On voit immédiatement que Ae est également une KalgèbrededimensionfinieetquedimKAe = (dimKA) 2 , d'après (V.1.7). D'autre part, le rôle du corps K est essentiel dans la formation du produit tensoriel, et donc l'algèbre enveloppante dépend des propriétés de K. La raison pour laquelle on introduit l'algèbre enveloppante est que l'on veut étudier les (A-A)bimodules. Comme il est commode de parler de modules plutôt que de bimodules, on montrera que tout (A - A)-bimodule est un Ae-module et réciproquement. 289 290 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES LEMME 1.1. Soit A une K -algèbre de dimension finie. Les catégories de (AA)-bimodules et de Ae-modules (à droite} sont équivalentes. DÉMONSTRATION. Soit Mun (A-A)-bimodule. On donne à M une structure de Ae-module par x(a ® b) = (ax)b = a(xb) (pour x E M, a, b E A). La seconde égalité est vraie parce que M est un bimodule. Il suffit de vérifier l'associativité mixte de la multiplication. Or [x(a ® b)](a' ® b') (axb)(a' ® b') a'axbb' x(a'a ® bb') x[(a ® b)(a' ® b')] = = = (pour x E M, a, b, a', b' E A). Réciproquement, soit Mun Ae-module à droite. On définit une structure de (A - A)-bimodule par ax = x(a ® 1) et xb = x(l ® b) (pour x E M, a, b E A). La vérification des axiomes est immédiate, et on voit tout de suite que les foncteurs décrits sont des équivalences quasi-inverses. D Par exemple, l'algèbre A a une structure naturelle de (A-A)-bimodule (définie par la multiplication de A), et donc de Ae-module à droite. Le lemme {1.1) nous permettra de passer continuellement d'une catégorie à une autre, et nous utiliserons à chaque fois le langage le mieux adapté à la situation. DÉFINITION. Soit Mun (A-A)-bimodule. Pour chaque entier n ~ O, le nième espace de cohomologie de Hochschild de A à coefficients dans M est le K-espace vectoriel Hn(A,M) = Ext~.(A,M). L'objectif de ce chapitre est d'utiliser ces espaces pour étudier la structure de l'algèbre A. Pour calculer Hn(A, M), on doit, comme il a été expliqué en (IX.3), construire une résolution projective de A dans ModAe, puis appliquer le foncteur HomA•{-,M). Comme Hn(A,M) ne dépend pas de la résolution projective particulière choisie, il suffit d'en construire une. Soit n ~ -1 un entier. On définit une suite de K-espaces vectoriels Bn(A) par récurrence comme suit : et B-1(A) Bo(A) Bn+i(A) = = = A A®KA A ®K Bn(A) pour n ~O. Ainsi, Bn(A) = A®(n+2> {avec la notation de {V.4)). Chaque Bn(A) est muni d'une structure naturelle de Ae-module définie par 1. COHOMOLOGIE DE HOCHSCHILD D'UNE ALGÈBRE pour ao, . .. , an+i, a, b E A. On définit, pour chaque n dn: Sn(A)--+ Bn-i(A) par ~ 291 0, une application n dn(ao ® · · · ® an+i) = L:(-I)i(ao ® · · · ® aiaï+i ®···®an). i=O Il suit de la définition que dn est une application A-linéaire à gauche et aussi à droite, donc qu'elle est un morphisme de (A - A)-bimodules. On affirme que cette donnée définit un çomplexe. LEMME 1.2. Avec les notations précédentes, (Sn(A), dn) est un complexe de A e -modules. DÉMONSTRATION. Soit Sn: Sn(A)--+ Sn+i(A) l'application K-linéairedéfinie par sn(x) = l®x (pour x E Sn(A)). Il est évident que Sn est en fait A0 P-linéaire. D'autre part, Sn est injective, puisque l'application tn: Sn+i(A)--+ Sn(A) définie par tn(a®x) = ax (pour a E A, x E Sn(A)) satisfait à tnsn = ls.,(A)· En outre, pour chaque n ~ 0, on a En effet, (dn+isn + Sn-idn)(ao ® · · · ® an+i) = = dn+i(l®ao®· ··®an+i)+sn-i (~(-I)i(ao ® ·· · ®aiaï+i ® ·· · ®an+i)) = ao ®· ·· ®an+i (pour ao, ... , an+i E A) puisque les autres termes s'annulent deux à deux. Par ailleurs, dod1 = 0 puisque dodi(ao ®ai® a2) = do[(aoai) ® a2 - ao ® (aia2)] (aoai)a2 - ao(aia2) = 0 (pour ao,ai,a2 E A). Par conséquent, la formule(*) donne dndn+isn = = dn - dnSn-idn {ls,._ 1 (A) - dnSn-i)dn pour n ~ 1. Par récurrence, on a donc dndn+isn = 0 pour tout n ~ 1. Comme l'image de Sn engendre évidemment Sn+i(A) en tant que A0 P-module, on a bien dndn+i = 0 pour tout n > O. D Remarquons que l'application do: So(A)--+ B-i(A) (c'est-à-dire do: A ®KA A) n'est autre que la multiplication a0 ®ai i--+ a0 ai (pour ao, ai E A). Elle est évidemment surjective, de sorte que l'on a un complexe de Ae-modules: --+ S. · · ·---+ S2(A) ~ Si(A) ~ So(A) ~A---+ O. 292 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES Le complexe S. = (Sn(A), dn) est appelé le complexe standard de A. Si on note Lo le noyau de la multiplication do, on a aussi une suite exacte courte de Ae-modules 0---+ Lo~ A®K A~ A---+ O. Il est parfois utile d'écrire Sn(A) sous la forme : Sn(A) =A ®K Sn(A) ®KA~ Sn(A) ®K Ae où So(A) = K et Sn(A) = A®n pour n ~ O. Cette façon d'écrire présente l'avantage de mettre en évidence l'action de Ae. Elle permet aussi de voir tout de suite que S. est une résolution projective du Ae-module A. En effet, comme A est un K-espace vectoriel, il est libre en tant que K-module, donc Sn(A) = A®n est aussi un K-module libre (d'après (V.1.6)) et par conséquent Sn(A) ~ Sn(A) ®K Ae est un Ae-module projectif. (Le lecteur remarquera qu'ici nous utilisons pour la première fois l'hypothèse que K est un corps, autrement il faudrait, pour que s. soit toujours une résolution projective de ÂAe, supposer que A est un K-module projectif.) Les espaces de cohomologie de Hochschild sont obtenus en appliquant le foncteur HomAe (-, M) au complexe standard, en supprimant le premier terme non nul du complexe résultant, ce qui donne le complexe 0---+ HomAe(So(A),M) HomAe(d1,M) HomA•(d2,M) HomAe(S1(A),M) - - - - - + HomAe (S2(A), M) ---+ · · · dont on calcule la cohomologie. Il suit de l'isomorphisme d'adjonction (V.2.1) que, pour tout n ~ 0, on a HomAe(Sn(A),M) ~ HomA• (sn(A)®KAe,M) ~ HomK (sn(A),HomAe(Ae,M)) ~ HomK (sn(A),M) où on a aussi utilisé (II.5.3). En particulier, HomAe(So(A), M) ~ MK. Si on calcule l'effet des isomorphismes fonctoriels précédents sur les différentielles HomAe (di, M), on voit que l'on peut identifier le complexe précédent au complexe C* = (Cn,ôn), où c 0 = M, en= HomK (sn(A),M) pour n ~ 1 et les applications K-linéaires 15n sont définies comme suit. L'application 8° : M -+ HomK(A, M) est définie par 8°(x)(a) = ax - xa (pour a E A et x E M). Pour n ~ 1, l'application 15n: HomK (sn(A),M)-+ HomK (sn+i(A),M) est définie par n + ~)-1)ï/(a1 ® ·· ·aiai+l ® · ·· ®an+i) + (-1r+l/(a1 ® · ·· ®an)an+l i=l 1. COHOMOLOGIE DE HOCHSCHILD D'UNE ALGÈBRE (pour ai. ... ,an+l E A et ~ 1, f E 293 HomK (sn(A), M)). On obtient donc, pour tout n Hn(A,M) = Kerôn/rmon- 1 . Le lecteur peut vérifier par lui-même que les on sont effectivement donnés par ces formules. Cette reformulation nous permettra de donner une description explicite des espaces H 0 (A,MJ, H 1 (A,M) et H 2 (A,M). Il est immédiatement visible que H 0 (A,M) = ExtA.(A,M) n'est autre que le K-espace HomA·(A,M). Il existe une autre description. LEMME 1.3. L'espace H 0 (A, M) est isomorphe au sous-K-espace de M formé des x E M tels que ax = xa. DÉMONSTRATION. Cela résulte en effet de ce que H 0 (A, M) = Kerô0 et de la définition de o0 • D Si, par exemple, M est égal au bimodule AÂA, alors H 0 (A, A) est isomorphe au centre de A. Nous voulons maintenant décrire le premier espace de cohomologie H 1 (A, M). À cette fin introduisons la notion de dérivation. DÉFINITION. Soient A une K-algèbre de dimension finie et M un A - Abimodule. Une dérivation (ou homomorphisme croisé) ô : A - M est une application K-linéaire telle que ô(ab) = aô(b) + ô(a)b (pour a, b E A). Il est clair que les dérivations de A dans M forment un sous-espace Der( A, M) du K-espace HomK(A, M). Notons aussi que, pour toute dérivation ô: A - M, nous avons ô(l) =O. En effet, cela découle du calcul suivant : ô(l) = 6(1 2 ) = 1. ô(l) + ô(l). 1 = ô(l) + ô(l). Par exemple, chaque x E M induit une dérivation Ô:e : A - M par ô:e(a) = ax - xa (pour a E A). Une telle dérivation est dite interne. Les dérivations internes de A dans M forment évidemment un sous-espace IDer(A, M) de Der(A, M). Il existe en général des dérivations qui ne sont pas internes : par exemple, si A= K[t]/(t 2 ) et M = AÂA, alors ô: A - A définie par ô(a · I + ,B · t) = ,B · t (pour a, ,B E K) où I et t désignent, comme d'habitude, les classes respectives de 1 et t dans A, est une dérivation, mais non une dérivation interne. LEMME 1.4. L'espace H 1 (A,M) est isomorphe à l'espace quotient Der( A, M)/ IDer(A, M). 294 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES DÉMONSTRATION. On sait que Kerô 1 est l'ensemble des applications Klinéaires f: A--+ M telles que ô1f =O. Comme (ô 1!)(ai® a2) = aif(a2) - f(a1a2) + f(a1)a2 (pour ai, a2 E A), on en déduit que f E Ker 61 si et seulement si f est une dérivation. De même, lm 0 est l'ensemble des applications K-linéaires f : A --+ M telles qu'il existe x E M avec f = 0 (x) = Ô:i;, c'est-à-dire que f est une dérivation interne. D o o Pour interpréter maintenant H 2 (A, M) = Kerô 2 /Imô 1 , considérons les extensions de A, c'est-à-dire les morphismes surjectifs d'algèbres 7r : B --+ A. Si on note M le noyau de 7r (qui est évidemment un idéal bilatère de B), on a une suite exacte courte de K-espaces vectoriels 0--+M~B~A--+0 où 1,: M--+ B est l'inclusion. Comme A et B sont des K-espaces vectoriels, 7r admet une section K-linéaire, c'est-à-dire qu'il existe une application K-linéaire a : A --+ B telle que 7ra = lA. En général, a n'est pas un morphisme d'algèbres. Lorsque c'est le cas, il s'avère que B est (en tant que K-espace vectoriel) isomorphe à la somme directe de la sous-algèbre a(A) (isomorphe à A) et de l'idéal M. L'extension 7r est alors une extension scindée (d'algèbres). Si a n'est pas un morphisme d'algèbres, il est naturel d'essayer de mesurer à quel point ce n'est pas le cas. Un instrument de mesure naturel est l'application f : A x A --+ B définie par f(a1,a2) = a(a1a2) - a(a1)a(a2) (pour a 1 ,a2 E A). On voit tout de suite que f est K-bilinéaire (car a est Klinéaire). En outre, l'image de f est contenue dans M : en effet, 7r: B--+ A est un morphisme d'algèbres tel que 7r0' = lA et donc 7rf(ai,a2) = = = 7ra(a1a2) - 7r[a(a1)a(a2)] aia2 - 7ra(a1)7ra(a2) aia2 - aia2 = 0 (pour tous ai, a2 E A), ce qui donne bien f(a1, a2) E M. Enfin, l'associativité de la multiplication de A induit une condition surf. Soient ai, a 2 , as E A, alors a((a1a2)as) = a(a1a2)a(as) +f(a1a2,as) a(a1)a(a2)a(as) + f(a1, a2)a(as) + f(a1a2, as) tandis que a(a1(a2as)) = = a(a1)a(a2as) + f(ai,a2as) a(a1)a(a2)a(as) + a(a1)f(a2, as)+ f(ai. a2as). En égalisant ces deux quantités, on obtient 1. COHOMOLOGIE DE HOCHSCHILD D'UNE ALGÈBRE 295 Afin de comparer les extensions 7r : B --+ A avec les espaces de cohomolor,ie, il faudrait munir l'idéal bilatère M de B d'une structure de (A - A)-bimodule telle que xa = xa(a) et ax = a(a)x (pour x E Met a E A). Si a : A --+ B est un morphisme d'algèbres, cela fait évidemment de Mun (A - A)-bimodule (en effet, c'est simplement un changement de scalaires au sens de (II.1.3)(g)). Par contre, si a n'est pas un morphisme d'algèbres, une condition suffisante pour que la définition précédente munisse M d'une structure de (A - A)-bimodule est que M 2 = 0 (ce qu'on supposera toujours dans la suite de cette discussion). Dans ce cas, (xa1)a2 - x(a1a2) = [xa(a1)]a(a2) - xa(a1a2) = -xf (ai. a2) = 0 puisque /(ai, a2) E M (pour x E M et ai, a2 E A). Ces considérations nous conduisent à la définition suivante. DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et Mun (A-A)-bimodule. Une fonction K-bilinéaire f: A x A--+ M est appelée un ensemble de facteurs si f(a1a2, aa) - /(ai. a2aa) + f(a1, a2)aa - aif(a2, aa) = 0 (pour ai, a2, aa E A). Maintenant, notre objectif est de trouver une condition nécessaire et suffisante pour que a soit un morphisme d'algèbres. Rappelons que l'on a un isomorphisme de K -espaces vectoriels B~a(A) œM ~AœM. Il est évident que cet isomorphisme induit un isomorphisme de K-algèbres AœM ~ B donné par a+ x 1-+ a(a) + x (pour a E A et x E M) si on définit la multiplication dans le K-espace vectoriel A E0 M par transport de structure, c'est-àrdire par (a1 + x1)(a2 + x2) = aia2 + aix2 + x1a2 +/(ai. a2) (pour a 1, a 2 E A et xi, x2 E M). Dire que a est un morphisme de K-algèbres revient alors à dire que la composition de a avec l'isomorphisme B ~ AœM est un morphisme de K-algèbres ou qu'il existe une application K-linéaire p: A--+ M telle que p = [ :~] : A--+ A E0 M soit un morphisme de K-algèbres. Or, pour ai,a2 E A, on a p(a1)p(a2) tandis que = (a1 - p(a1))(a2 - p(a2)) = aia2 - p(a1)a2 - aip(a2) + f(a1, a2) 296 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES Il faudrait donc avoir f(ai,a2) = p(a1)a2 + a1p(a2) - p(a1a2). Notons que cette relation entraîne que, pour tout a E A, on a /(a, 1) = ap(l) : en effet, f(a, 1) = p(a) · 1 + ap(1) - p(a · 1) = ap(l). Par conséquent, 1 - p(l) est l'identité de A E9 M, puisque (a+ x)(l - p(l)) =a+ x - ap(1) +/(a, 1) =a+ x et de même (1 - p(l))(a + x) =a+ x pour tous a E A, x E M. Donc p(l) = 1 - p(l). On a montré que a est un morphisme de K-algèbres si et seulement s'il existe une application K-linéaire p: A--+ M telle que /(ai, a2) = p(a1)a2 - p(a1a2) + a1p(a2). Cela mène à la définition suivante. DÉFINITION. Soient A une K-algèbre et Mun (A-A)-bimodule. Un ensemble de facteurs f : A x A --+ M est dit scindé s'il existe une application K-linéaire p : A --+ M telle que f(ai,a2) = a1p(a2) - p(a1a2) + p(a1)a2 (pour ai, a2 E A). On peut résumer ce qui vient d'être dit dans le lemme suivant. LEMME 1.5. Soient 7r : B --+ A une extension dont le noyau M satisfait 2 M = 0 et a : A --+ B une section K-linéaire de 7r. Alors l'application Kbilinéaire f : A x A --+ M définie par /(ai, a2) = a(a1a2) - a(ai)a(a2) (pour a1,a2 E A) est un ensemble de facteurs. L'extension seulement si f est un ensemble de facteurs scindé. D 7r est scindée si et Il est maintenant facile de décrire H 2 (A, M). PROPOSITION 1.6. Soient A une K-algèbre et M un (A - A)-bimodule. Il existe une bijection entre H 2(A, M) et l'ensemble des classes d'isomorphisme d'extensions de A ayant pour noyau M, où M 2 = O. Dans cette bijection, l'élément zéro de H 2(A, M) correspond aux extensions scindées. DÉMONSTRATION. Avec les notations ci-dessus, on a H 2 (A,M) = Kerô 2 /Imô 1 . Or, pour une application K-linéaire g : A ®KA définie par --+ M, l'application ô2g est (ô 2g)(a1 ® a2 ® ag) = a1g(a2 ® ag) - g(a1a2 ® ag) + g(a1 ® a2a3) - g(a1 ® a2)a3 (pour a1, a2, ag E A). On sait qu'il existe une bijection naturelle entre applications K-linéaires A ®KA --+ M et applications K-bilinéaires A x A --+ M 1. COHOMOLOGIE DE HOCHSCHILD D'UNE ALGÈBRE (par définition du produit tensoriel A ®KA). Soit correspondant à g, de telle sorte que f 297 l'application K-bilinéaire f(ai, a2) = g(ai ® a2) (pour ai,a2 E A). Énoncer que g E Ker6 2 revient donc à dire que f satisfait à l'identité suivante : c'est-à-dire que f est un ensemble de facteurs. De même, énoncer que g E Im6i équivaut à dire qu'il existe une application K-linéaire p : A -+ M telle que g = 6ip. Or, pour ai, a2 E A, on a de sorte que f(ai,a2) = aip(a2) - p(aia2) un ensemble de facteurs scindé. O + p(ai)a2. En d'autres termes, f est Un exemple particulièrement important d'extension scindée est le suivant: si A est une K-algèbre de dimension finie et si M est un (A - A)-bimodule, on définit l'extension triviale de A par M (voir l'exercice (I.15)) comme étant la K-algèbre dont le K-espace vectoriel sous-jacent est AœM =A x M = {(a,x) 1 a E A, x E M} et la multiplication est définie par (ai, xi)(a2, x2) = (aia2, aix2 + xia2) (pour ai, a 2 E A et xi, x2 E M). L'ensemble de facteurs correspondant est l'application bilinéaire nulle, qui est évidemment scindée. D'après (1.6), toute extension triviale de A par M correspond à l'élément zéro de H 2 (A, M). On a parlé jusqu'ici de cohomologie et non d'homologie. Disons donc quelques mots au sujet des espaces d'homologie de Hochschild. Notons que, si A est une K-algèbre de dimension finie et si M est un (A-A)bimodule, alors M peut être muni d'une structure naturelle de Ae-module à gauche par (a® b)x = (bx)a = b(xa) (pour x E Met a,b E A). DÉFINITION. Soient A une K-algèbre de dimension finie et M un (A - A)bimodule, considéré comme un Ae-module à gauche. Le nième espace d'homologie de Hochschild de A à coefficients dans M est l'espace Hn(A, M) =TornA" (A, M). Afin de calculer les espaces d'homologie, il faut prendre une résolution projective de A considéré comme Ae-module à droite (par exemple, le complexe standard), puis appliquer le foncteur - ®A• M. Nous montrerons ici comment calculer H 0 (A, M). Pour ce faire, nous aurons besoin du lemme suivant, qui sera également utile dans la section suivante. 298 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES LEMME 1. 7. Soit A une K -algèbre de dimension finie. Le noyau Lo de la multiplication do : A ®KA-+ A, a® b 1-+ ab (pour a,b E A) est, en tant que Ae-module à droite, engendré par les éléments de la forme a® 1 - 1 ®a (pour a E A). DÉMONSTRATION. En effet, on a (a® 1 - 1 ®a) E Lo pour tout a E A. Réciproquement, si E ~ ® bi E Lo, alors E aibi = 0 et donc Lai ®bi = L(ai ® 1-1 ®ai){l ®bi) d'où l'énoncé. D COROLLAIRE 1.8. L'espace Ho(A,M) est isomorphe au quotient de M par le sous-espace engendré par les éléments de la forme xa - ax (pour x E M et a E A). DÉMONSTRATION. On a en effet une suite exacte courte de Ae-modules extraite du complexe standard 0-+Lo ~A®KA~A-+O. ®Ae M et en tenant compte des isomorphismes (A ®KA) ®Ae M..=. Ae ®Ae M..=. M, on voit que En appliquant le foncteur - Ho(A, M) .,=. Coker(Lo ®A• M ..=. M/LoM. -+ M) Il suit alors de (1.7) que LoM est engendré par les éléments de la forme xa- ax {pour x E Met a E A). 0 2. Algèbres séparables On rappelle que l'on a une suite exacte courte de Mod Ae, extraite du complexe standard de A 0 -+Lo ~ Ae ~A-+ 0 où do : A ®KA-+ A est la multiplication a® b 1-+ ab (pour a, b E A). DÉFINITION. Une K-algèbre A est dite séparable si la multiplication do -+ A admet une section Ae-linéaire (en d'autres termes, si la suite exacte courte précédente est scindée dans Mod A e). A ®KA THÉORÈME 2.1. Soit A une K-algèbre de dimension finie. Les conditions suivantes sont équivalentes : (a) A est séparable. (b) A est projectif en tant que Ae-module. t (c) Il existe des éléments ai, ... , at, a~, ... , a~ E A tels que L ~a~ = 1 et t t L bai ®a~ = Lai ® a~b pour tout b E A. i=l i=l i=l ALGÈBRES SÉPARABLES 2. 299 DÉMONSTRATION. L'équivalence de (a) et de {b) découle de (IV.2.4). Nrms montrons donc l'équivalence de (a) et (c). Supposons A séparable et soit d : A -+ A ®KA une section Ae-linéaire de la multiplication do. Alors d{l) E A ®K A de telle sorte qu'il existe des éléments ai, ... , at, aL ... , a~ de A tels t que d{l) =Lai ®a~. Comme dod = lA, la relation dod{l) = 1 s'exprime par i=l t L aia~ = 1. D'autre part, d étant un morphisme de Ae-modules, c'est-à-dire de i=l (A - A)-bimodules, on a bd{l) = d(b) = d(l)b pour tout b E A, ce qui donne t t Lbai ®a~= Lai ®a~b i=l i=l pour tout b E A. On a montré que (a) implique (c). Réciproquement, supposons t (c) satisfaite, et définissons d : A -+ A® KA par d(b) = L bai® a~ (pour b E A). i=l Alors d0 d{l) = 1 et bd(l) = d(l)b pour b E A donnent bien que d est Ae-linéaire et tel que dod = lA. D t L'élément Lai® a~ de Ae défini par la partie (c) du théorème est appelé i=l un idempotent de séparabilité pour A. Le lemme suivant donne deux exemples importants d'algèbres séparables. LEMME 2.2. (a) Soit n > 0, alors Mn(K) est séparable. {b) Soit G un groupe fini tel que la caractéristique de K ne divise pas l'ordre du groupe, alors KG est séparable. DÉMONSTRATION. (a) Pour un 1 ::::; j ::::; n fixe, on prend ai= ei; et a~= e;i n de telle sorte que Lei; ® e;i joue le rôle de l'idempotent de séparabilité. On a en effet i=l n n Lei;e;i = Leii = 1 i=l i=l tandis que pour tout a E Mn(K), on a n L i=l n aei; ® e;i = Lei; ® e;ia. i=l En effet, il suffit de démontrer cette dernière relation avec a égal à un élément quelconque ekl de la base canonique de Mn(K). Or on a n n L ekiet; ® e;i = ek; ® e;1 = Lei; ® e;iekl· i=l i=l XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES 300 {b) Soit n l'ordre de G, alors il suit de l'hypothèse que~ E K. On prend pour idempotent de séparabilité l'élément~ ~ L x-i ®x de (KG)e. Il est évident que xEG L x-ix = 1 et, d'autre part, on a xEG -1 ""' L..t x - i ®xa nxeG = ;1 ""' L..t a(xa) - i ® xa xEG = .!.n L:ay-i®y yEG pour tout a E G, donc pour tout a E KG. D On note que Mn(K) et KG sont des K-algèbres semisimples (d'après {VI.7.1) et (VI.7.9), respectivement). En fait, c'est le cas pour toute K-algèbre séparable, par suite du lemme suivant. LEMME 2.3. Soit A une K -algèbre séparable, alors A est semisimple. DÉMONSTRATION. Il suffit, d'après (VI.7.1), de montrer que tout A-module MA est projectif. Or, énoncer que A est séparable revient à dire qu'il existe un (A-A)-bimodule X et un isomorphisme de (A-A)-bimodules A®KA-=:.AœX. En appliquant le foncteur M ®A-, on en déduit un isomorphisme de A-modules M®AA®KA-=:.(M®A A) œ(M®AX). L'isomorphisme fonctoriel M ®A AA ..=:.MA de (V.1.4) entraîne que MA est un facteur direct de M ®K AA. Comme K est un corps, MK est libre de telle sorte que M ®K AA l'est aussi. Par conséquent, MA est projectif. D LEMME 2.4. Soient Ai, A2 deux K -algèbres séparables, alors A = Ai x A 2 est séparable. DÉMONSTRATION. On note do : A®K A-+ A, a®a' i-+ aa' (pour a, a' E A) la multiplication de A et di, d2 les multiplications respectives de Ai et A 2. Comme Ai et A2 sont séparables, il existe des applications d~ : Ai -+ Ai ®K Ai et d~ : A2 -+ A2 ®K A2, respectivement Aï-linéaire et A~-linéaire, telles que did~ = 1A1 et d2d~ = 1A2 • D'autre part, on a évidemment un isomorphisme de K-algèbres A ®KA..; (Ai ®K Ai) X (Ai ®K A2) X (A2 ®K Ai) X (A2 ®K A2)· On définit d': A-+ A ®KA par d'(ai, a2) = (d~ (ai), 0, 0, d~(a2)) pour (ai, a 2) E A. On laisse au lecteur la vérification facile que d'est Ae-linéaire et telle que dd' = lA. D COROLLAIRE 2.5. Soit K un corps algébriquement clos. Une K-algèbre est semisimple si et seulement si elle est séparable. 2. ALGÈBRES SÉPARABLES DÉMONSTRATION. 301 La suffisance découle de (2.3), et la nécessité de (2.2)(a), (2.4) et (VI.7.1). D Montrons maintenant que la séparabilité d'une algèbre s'exprime aussi au moyen de la cohomologie de Hochschild. Revenons pour ce faire à la suite exacte courte . d 0--+Lo ~Ae ~A-+0. On définit une application K-linéaire ko : A --+ Ae par ko(a) = 1 ®a - a® 1 (pour a E A). On a déjà montré que doko = O, de telle sorte que l'image de ko est dans Lo et qu'en fait elle engendre Lo (voir (1.7)). LEMME 2.6. Pour tout (A-A)-bimodule M, on a un isomorphisme fonctoriel de K-espaces vectoriels cp: HomA•(Lo,M) -=. Der(A,M) défini par f 1--+ f ko (pour f E HomA•(Lo, M)). Dans cet isomorphisme, les dérivations internes correspondent aux morphismes de la forme gjo, où g E HomA•(Lo,M). DÉMONSTRATION. Montrons d'abord que, pour tout f E HomA·(Lo,M), on a bien f ko E Der(A, M). Il est clair que f k0 est K-linéaire. En outre, (fko)(ab) = = f(ab ® 1 - 1 ®ab) f(ab ® 1 - a® b) + f(a ® b- 1 ®ab) f(a(b ® 1 - 1 ® b)) +!((a® 1 - 1 ® a)b) a(fko)(b) + (f ko)(a)b (pour tous a, b E A) puisque f est Ae-linéaire. Cela montre que cp applique HomA• (L, M) dans Der( A, M). Il est évident que cp est K-linéaire. Elle est aussi injective : si fko = 0, alors f = 0, puisque Imko engendre Lo (d'après (1.7)). Montrons que cp est surjective. Soit 8 : A --+ M une dérivation. On définit g: Ae--+ M comme l'application K-linéaire donnée par g(a ® b) = ô(a)b (pour a,b E A). Posons que f = gj0 . Alors f est une application K-linéaire de Lo dans M telle que, pour E ai ® bt E Lo et a, b E A, on a E atbi = 0 et donc f((Lai®bi)(a®b)) = f(L:aai®bib) = L ô(aai)bib L:aô(ai)bib+ Lô(a)aibib = a(L ô(at)bi)b + ô(a)(L aibi)b = a(Lô(ai)bi)b af(L ai ® bi)b f(L ai® bt)(a ® b). XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES 302 Cela montre que f = gjo: Lo---+ M est Ae-linéaire. Enfin, si a E A, alors cp(f)(a) = = (/ko)(a) = f(a ® 1 - 1 ®a) f(a ® 1) - /(1 ®a) = ô(a) · 1 - ô(l)a ô(a) puisque 6(1) = 0 pour toute dérivation ô. Cela montre que cp(f) = 6 et donc que cp est surjective (et par conséquent qu'elle est un isomorphisme). Soient maintenant f : Lo ---+ M une application Ae-linéaire et x E M, alors cp(f) = fko est égale à la dérivation interne a 1--+ ax - xa (pour a E A) définie par x si et seulement si, pour tout a E A, fko(a) = = f(a ® 1 - 1 ®a) = ax - xa aa:(a ® 1 - 1 ®a) = aa:ko(a) où O'a: : Ae ---+ M est la multiplication à gauche par x (c'est-à-dire aa:(Y) = xy pour tout y E Ae). Comme Lo est engendré par Imko, on en déduit que fko E IDer(A, M) si et seulement s'il existe x E M tel que f = O'a:jo. Cela prouve l'énoncé puisqu'il suit de (II.5.4) que HomA•(Ae,M) = {aa: 1 x E M}. D Il est important de remarquer que le lemme (2.6) ainsi d'ailleurs que (1. 7) sont valables même si K n'est pas un corps. Nous utiliserons cette remarque au chapitre suivant. THÉORÈME 2. 7. Une K -algèbre A est séparable si et seulement si H 1 (A, M) = 0 pour tout A-bimodule M (c'est-à-dire si et seulement si toute dérivation sur A est interne). DÉMONSTRATION. En effet, A est séparable si et seulement si la suite exacte courte de (A - A)-bimodules 0---+ Lo~ Ae ~A---+ 0 est scindée, c'est-à-dire si et seulement s'il existe un morphisme de (A - A)bimodules p : Ae ---+ Lo tel que pjo = lLo· Supposons qu'il existe un tel morphisme pet soit, pour un (A - A)-bimodule quelconque M, un morphisme de (A-A)-bimodules f: Lo---+ M. Alors f = fpjo. Cela montre, d'après le lemme, que Der( A, M) = IDer(A, M) et donc que H 1 (A, M) = O. Réciproquement, H 1 (A, Lo) = 0 donne, d'après (1.4), que Der( A, Lo) = IDer(A, Lo) et donc, d'après le lemme, que tout morphisme de (A - A)-bimodules L 0 ---+ Lo (en particulier l'identité) est de la forme gj0 , où g : Ae ---+ Lo est un morphisme de (A -A)-bimodules. Cela entraîne l'énoncé. D COROLLAIRE 2.8. Soit A une K-algèbre séparable. Alors Hn(A, M) = 0 pour tout n ~ 1. En particulier, toute extension de A est scindée. DÉMONSTRATION. Le premier énoncé découle de ce que H 1 (A,M) = 0, de ce que Hn(A, M) = Ext~. (A, M) et de (X.1.2). Le second énoncé découle de ce que H 2 (A, M) = 0 et de {1.6). D 2. ALGÈBRES SÉPARABLES 303 Nous arrivons à notre résultat principal, connu sous le nom de théorème principal de Wedderburn. THÉORÈME 2.9. Soient B une K-algèbre de dimension finie, et I un idéal nilpotent de B tel que B / I soit séparable. Il existe une sous-algèbre A de B telle que l'on ait un isomorphisme de K-espaces vectoriels B~AœI. Si I 2 = 0, cela résulte de {1.6) car H 2 (B/I,I) = 0 d'après {2.8). On peut donc supposer que I 2 =f. 0 et utiliser la récurrence sur la dimension de B. On a dimK{B/I 2 ) < dimKB, et en outre (B/I2 )/(I/I2 )~B/I est séparable. En vertu de l'hypothèse de récurrence, il existe une sous-algèbre C de B tellequeC 2 I 2 , B = C+I et CnI = I 2 • Or C/I 2 = C/(CnI) ~ (C+I)/I = B / I est séparable. Comme I est un idéal nilpotent, on a I =f. I 2 , donc C =f. B, de telle sorte que dimK C < dimK B. On peut donc encore appliquer l'hypothèse de récurrence et trouver une sous-algèbre A de C {donc de B) telle que C = AE0I2 • On a alors B = C + I = A+ I 2 + I = A+ I et An I = An C n I = An I 2 = O. DÉMONSTRATION. D COROLLAIRE 2.10. Soient K un corps algébriquement clos et B une K-algèbre de dimension finie. Il existe une sous-algèbre A de B telle que l'on ait un isomorphisme de K -espaces vectoriels B~AœradB. DÉMONSTRATION. En effet, rad B est un idéal nilpotent, et B /rad B une K-algèbre semisimple (VII.4.8). On applique (2.5) et le théorème. D L'énoncé du corollaire est en fait vrai pour tout corps parfait. Nous avons à dessein évité de nous pencher sur les relations entre la théorie des corps commutatifs et celle des algèbres séparables. Nous renvoyons pour cela le lecteur à d'autres manuels. 304 XI. HOMOLOGIE ET COHOMOLOGIE DES ALGÈBRES Exercices du chapitre XI 1. Soient A, B deux K-algèbres. Montrer qu'il existe une équivalence entre les catégories de (A - B)-bimodules et de A0 P ®K B-modules à droite. 2. Soient A, B deux K-algèbres. Montrer que (A ®K B)e ~Ae ®K Be. 3. Soient G un groupe fini et A = KG. Montrer que A0 P ~A et que Ae~K(GxG). 4. Montrer en détail que les résultats de la section 1 demeurent valables si on suppose que K est un anneau commutatif et que A est une K-algèbre projective en tant que K~module. 5. Soit {ei, ... , en} un ensemble complet d'idempotents promitifs orthogonaux pour la K-algèbre A. Donner un ensemble complet d'idempotents primitifs orthogonaux pour Ae. En déduire la description des Ae-modules indécomposables projectifs et injectifs. 6. Soient A une K-algèbre de dimension finie et M un (A - A)-bimodule qui est de dimension finie sur K. Montrer que DHn(A, M) ~ Hn(A, DM), où D = HomK(-,K) désigne la dualité standard entre modA et modA0 P. 7. Soient A une K-algèbre de dimension finie et d0 : A ®KA-+ A la multiplication. Montrer que six E Ae satisfait à do(x) = 1, alors x est un idempotent de séparabilité pour A si et seulement si x · Ker d0 = O. 8. Soit x un idempotent de séparabilité pour la K-algèbre de dimension finie A. Montrer que : a) x 2 = x. b) Ae = (1-x)Ae E9 xAe, avec (1-x)Ae égal au noyau de la multiplication A ®KA -+ A et xAe ~A en tant que Ae-modules. 9. Montrer que si on suppose que K est un anneau commutatif et que A est une K-algèbre projective en tant que K-module, alors A est séparable si et seulement si H 1 (A, M) = 0 pour tout (A - A)-bimodule M. 10. Soient 7r : B -+ A une extension de A et u une section K-linéaire de 7r telle que u(a1a2) = u(a1)u(a2) pour tous ai, a2 E A. On cherche à montrer que u(l) = 1. Montrer d'abord que, si f est l'ensemble des facteurs associés à u, alors /(1, 1) =O. En déduire que f(a, 1) = f(l,a) = 0 pour tout a E A. Montrer ensuite que u(l) = 1. CHAPITRE XII Algèbres héréditaires, tensorielles et auto-injectives Il est naturel de vouloir caractériser certaines classes d'algèbres par leurs propriétés homologiques. Nous connaissons déjà un cas de ce genre : nous avons en effet démontré qu'une algèbre est semisimple si et seulement si sa dimension globale est nulle. L'étape suivante est évidemment l'étude des algèbres de dimension globale (à droite) égale à 1. Ces algèbres sont dites héréditaires, et leur étude est l'objet de la première section de ce chapitre. On donnera ensuite un calcul de la dimension globale d'une algèbre tensorielle, d'où sera déduit un résultat donnant la dimension globale d'une algèbre de polynômes. On terminera ce chapitre avec l'examen d'une classe d'algèbres de dimension globale infinie, à savoir la classe des algèbres auto-injectives, qui contient entre autres la classe des algèbres de groupes finis. 1. Algèbres héréditaires L'objectif de cette section est de caractériser les algèbres de dimension globale (à droite) égale à 1. DÉFINITION. Une K-algèbre A est dite héréditaire à droite (ou à gauche) si tout idéal à droite (ou à gauche, respectivement) est projectif en tant que A-module. EXEMPLES 1.1. (a) Soit A une K-algèbre semisimple. Tout A-module à droite (ou à gauche) étant projectif, c'est le cas pour tout idéal à droite (ou à gauChe, respectivement). Par conséquent, A est héréditaire à droite et à gauche. (b) Soit A un domaine d'intégrité principal, alors A est héréditaire (à droite et aussi à gauche, puisqu'il est commutatif) : en effet, tout idéal non nul de A est principal, donc de la forme aA pour un a E A ; un tel idéal est projectif puisque isomorphe à A (en tant que A-module), un isomorphisme évident étant l'application linéaire A--+ aA définie par x 1-t ax (pour x E A). Par exemple, Z est une Z-algèbre héréditaire. (c) La Z-algèbre [ ~ J est héréditaire à droite mais non à gauche. g Le théorème suivant, dû à Kaplansky, est fondamental. 305 306 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES THÉORÈME 1.2. Soit A une K -algèbre héréditaire à droite. Tout sous-module d'un module libre est isomorphe à une somme directe d'idéaux à droite. DÉMONSTRATION. Soit L un A-module libre de base (e.xheA où l'ensemble A peut, sans perte de généralité, être supposé bien ordonné. Pour chaque >. e A, posons L,x = Ee(eµA). Alors Lo = 0 et L.x+i = EB(eµA) = L,x œ(e.xA). Soit ~À ~À maintenant M un sous-module de L. Chaque x E Mn L.x+i s'écrit uniquement sous la forme x = y+e.xa (pour y E L,x et a E A). On peut donc définir une application A-linéaire /.x : Mn L.x+i -+A par x 1-+ a. Si on pose J,x = Im/,x, on voit immédiatement que J,x est un idéal à droite de A et qu'on a une suite exacte courte o ---+ Mn L.x ---+ Mn L.x+i A J.x ---+ o. Comme A est héréditaire, l'idéal à droite J,x est projectif et la suite précédente est scindée. Par conséquent, il existe un sous-module N,x de MnL,x+1 isomorphe à J,x et tel que MnL.x+i = (MnL_x) EBN,x. On affirme que M ~ EB N,x. Cela montrerait que M est isomorphe .à la somme .XEA directe de la famille (J.x).xeA d'idéaux à droite de A, et achèverait la démonstration. N,x. Pour commencer, montrons que M est égal à son sous-module N = L -XEA Comme Lest égal à la réunion de la chaîne croissante de sous-modules (L.xheA, chaque x EL appartient à au moins un des L,x. Posons que, pour un x EL, µ:i; = inf{>. E A 1 x E L.x+i}· Si N ~ M, il existe x E M tel que x <t, N. On prend µ = inf{µ:i: 1x E M, x <!. N}, et on choisit y E M, y<!. N tel queµ= µy. On a y E Mn Lµ+li donc y s'écrit sous la forme y=u+v avec y E Mn Lµ et v E Nw Par conséquent, u =y - v E Met u <t, N (car sinon y EN). Mais d'autre part, u E Mn Lµ donne µu <µ,ce qui contredit la minimalité deµ. Cette contradiction montre que l'on a bien N =M. Il reste à montrer que la somme N = N,x est directe. Supposons ainsi que L .XEA x1 + x2 + · · · + Xn = 0 avec Xi E N.x;, où l'on peut supposer À1 < À2 < · · · < Àn· Alors x1 + · · · + Xn-1 = -xn E (Mn L.xn) n N,xn = 0 donc Xn = O. Par récurrence, on a Xi = 0 pour tout i. D 1. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES 307 COROLLAIRE 1.3. Soit A une K -algèbre héréditaire à droite. Tout sous-module d'un module projectif est projectif. DÉMONSTRATION. Tout A-module projectif Pest, d'après (IV.2.4), un facteur direct, donc un sous-module, d'un module libre L. Par conséquent, tout sous-module M de P est un sous-module de L, donc est isomorphe à une somme directe d'idéaux, par suite du théorème (1.2). Comme chacun de ces derniers est projectif, il en est de même de M, d'après (IV.2.3). D COROLLAIRE 1.4. Soit A un domaine d'intégrité principal. Tout sous-module M d'un module libre L est lui-même libre. DÉMONSTRATION. On sait que tout idéal non nul de A est isomorphe à AA (voir l'exemple (1.l)(b) plus haut). Soit donc (e.ù~EA une base de L. Il suit de (1.2) qu'il existe une famille (JÀhEA d'idéaux de A telle que M..:; JÀ. Or, ÀEA pour chaque >. E A, on a ou bien JÀ = 0 ou bien JÀ..:; AA. L'énoncé s'ensuit. D E9 COROLLAIRE 1.5. Soit A un domaine d'intégrité principal. Tout A-module projectif est libre. DÉMONSTRATION. Il suffit de remarquer que, d'après (IV.2.4), tout A-module projectif est un sous-module d'un module libre, et d'appliquer (1.4). D Les considérations précédentes s'appliquent à Z. COROLLAIRE 1.6. (a) Tout groupe abélien projectif est libre. (b) Tout sous-groupe d'un groupe abélien libre est libre. D Nous arrivons à la caractérisation cherchée des algèbres héréditaires à droite. THÉORÈME 1.7. Soit A une K-algèbre. Les conditions suivantes sont équivalentes: (a) A est héréditaire {à droite). (b) dim. gl. d. A :::; 1. (c) Tout sous-module d'un A-module projectif est projectif. (d) Tout quotient d'un A-module injectif est injectif. DÉMONSTRATION. (a) équivaut à (c). En effet, il suit de (1.3) que, pour une algèbre héréditaire A, tout sous-module d'un A-module projectif est projectif. Réciproquement, si cette dernière condition est satisfaite, tout sous-module de AA, c'est-à-dire tout idéal à droite de A, est projectif. (b) équivaut à (c). En effet, supposons que dim. gl. d. A :::; 1, et soit M un sous-module du module projectif P, alors, dans la suite exacte courte 0 -----+ M -----+ P -----+ P/ M -----+ 0 on sait que dp(P/M) :::; 1. D'après (X.1.2), M est projectif. Réciproquement, supposons que tout sous-module d'un A-module projectif est projectif. Soit N un A-module arbitraire. Il existe un A-module projectif Pet un épimorphisme 308 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES f : P -+ N. Alors Ker f, étant un sous-module de P, est projectif, et la suite exacte courte 0 --+ Ker f --+ P ~ N --+ 0 est une résolution projective de N. Donc dp N :::; 1 et par conséquent dim. gl. d. A :::; 1. (b) équivaut à {d). La démonstration se fait de façon analogue, les projectifs étant remplacés par les injectifs. D Par exemple, soient K un corps et A = [ ~ ~]. On a vu que dim. gl. d. A = 1. Donc A est héréditaire à droite. Encore une fois, les cas artinien et noethérien méritent une attention particulière. Comme on pouvait s'y attendre, les modules de type fini jouent un rôle spécial. PROPOSITION 1.8. Soit A une K -algèbre noethérienne à droite. Alors A est héréditaire à droite si et seulement si tout sous-module d'un A-module projectif de type fini est projectif. DÉMONSTRATION. La nécessité étant évidente, montrons la suffisance. Soit IA un idéal à droite de A. Alors IA est un sous-module de AA et est de type fini (car A est noethérienne), donc est projectif. D C'est en particulier le cas si A est artinienne à droite, mais alors le résultat suivant est plus utile. THÉORÈME 1.9. Une K-algèbre artinienne à droite A est héréditaire à droite si et seulement si le radical de tout A-module projectif indécomposable de type fini est projectif. DÉMONSTRATION. La nécessité résultant de {1.8), prouvons la suffisance. Soit PA un module projectif de type fini. D'après {1.8), il suffit de montrer que tout sous-module M de Pest projectif. On procède par récurrence sur la longueur l de P {laquelle, d'après (VII.4.12), est finie). Si l = 1, alors P est simple, et il n'y a rien à prouver. Supposons quel> 1 et que l'énoncé est vrai pour tout projectif de type fini et de longueur < l. Le module P admet certainement une décomposition directe de la forme P=P1$P2 avec P 1 indécomposable et P2 pouvant être nul. Soit p: P-+ P 1 la projection canonique. On considère l'image p(M) du sous-module M. On a deux cas. Si p(M) =Pi. la composition pj: M-+ P 1 de l'inclusion j: M-+ P avec p est un épimorphisme, donc une rétraction, puisque P1 est projectif. On a donc M-=.P1 $M' où M' = M n P2 Ç P2. Comme l{P2) < l, alors M' est projectif par suite de l'hypothèse de récurrence. Donc M-=. P 1 $ M' est également projectif. Si p(M) f Pi. alors M Ç radP1$P2, où radP1 est projectif par hypothèse. Comme P 1 est indécomposable, rad P1 est un sous-module maximal de Pi. de telle sorte 2. ALGÈBRES TENSORIELLES que l(radP1 œP2) = l-1 < est projectif. D .e. 309 L'hypothèse de récurrence entraîne alors que M Par exemple, soient K un corps et A = [ ~ j}]. Les A-modules projectifs indécomposables sont e 11 A et e2 2A. Le premier est simple (donc de radical nul) tandis que le second est de radical e22J ..::.euA (un isomorphisme euA---+ e2 2J étant fourni par eua 1--t e21eua = e21a (pour a E A)), comme on l'a montré en (VIII.1), de telle sorte que le radical de chaque module projectif indécomposable de type fini est projectif. COROLLAIRE 1.10. Une K -algèbre artinienne à droite est héréditaire à droite si et seulement si rad AA est un A-module projectif. n DÉMONSTRATION. En effet, écrivons A= $Pi, où les Pi forment une liste i=l complète des A-modules projectifs indécomposables. Alors, d'après (VII.1.4), n radAA = ffiradPi et cette somme directe est projective, par suite de (lV.2.3), i=l si et seulement si rad Pi est projectif pour chaque i, où 1 :::; i :::; n. Il ne reste plus qu'à appliquer (1.9). D COROLLAIRE 1.11. Soit A une algèbre artinienne à droite et héréditaire à droite. Tout morphisme non nul entre modules projectifs indécomposables est un monomorphisme. DÉMONSTRATION. Soit f : P ---+ P' un tel morphisme. Alors lm f Ç P' est projectif, donc la suite exacte courte 0 ----+ Ker f ----+ P ----+ lm f ----+ 0 est scindée et P..; lm f œKer f. Comme f =/: 0, alors lm f =/: O. Par hypothèse, P est indécomposable, donc Ker f = O. D 2. Algèbres tensorielles L'objectif de cette section est de calculer la dimension globale d'une algèbre tensorielle. Nous commençons par des considérations sur les foncteurs de changement des scalaires (introduits en (III.6)). Soient A, B deux K-algèbres et cp : A ---+ B un morphisme. On sait que tout B-module XB est muni d'une structure canonique de A-module par xa = xcp(a) (pour x EX et a E A). Cela permet de définir un foncteur F: ModB ~ ModA (qui peut être considéré comme une variante du foncteur oubli). Il est évident que Fest un foncteur exact. On notera F X simplement XA, si aucune ambiguïté n'est à craindre. Par exemple, B lui-même est muni d'une structure canonique de A-module, de telle sorte que l'on peut le considérer comme un (B -A)-bimodule qui sera noté BEA. De même, B admet également une structure de A-module 310 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES à gauche, de telle sorte que l'on peut aussi le considérer comme un (A - B)bimodule qui sera noté ABB. Le lemme suivant n'est autre que la première partie de l'exercice (V.26). LEMME 2.1. Pour tout B-module X, on a des isomorphismes fonctoriels FX..:; HomB(ABB,X) ..:;x ®B BA. DÉMONSTRATION. Pour le premier isomorphisme, il suffit de démontrer que l'isomorphisme fonctoriel K-linéaire t/J : X -+ HomB(B,X) de (II.5.3) est Alinéaire. On rappelle que t/J(x)(b) = xb pour x EX et b E B. Soit donc a E A, on a bien t/J(xa)(b) = t/J(xi,o(a))(b) = (xi,o(a))b et [t/J(x)a](b) = t/J(x)(ab) = t/J(x)(i,o(a)b). On démontre de même le second isomorphisme. D Comme le foncteur F : Mod B -+ Mod A s'exprime en termes de module d'homomorphismes ou en termes de produit tensoriel, il est naturel de considérer ses adjoints à droite et à gauche. LEMME 2.2. (a) Le foncteur - ®A BB : Mod A -+ Mod B est adjoint à gauche de F. (b) Le foncteur Hom A(BB A, - ) : Mod A -+ Mod B est adjoint à droite de F. DÉMONSTRATION. Soient XB un B-module et UA un A-module. L'énoncé (a) résulte des isomorphismes fonctoriels HomA(U,FX)..:; HomA(U,HomB(ABB,X)..:; HomB(U ®A BB,X) alors que (b) résulte des isomorphismes fonctoriels HomA(F X, U)..:; HomA(X ®B BA, U)..:; HomB(X, HomA(BBA, U)) où l'on a utilisé successivement les deux isomorphismes de (2.1). D Il est à remarquer que les foncteurs adjoints de F définis en (2.2) préservent les projectifs et les injectifs, respectivement (voir les exercices (V.20) et (V.21)). LEMME 2.3. (a) Soit PA un A-module projectif, alors P ®B BA est un Bmodule projectif. (b) Soit IA un A-module injectif, alors HomA(BBA, I) est un B-module injectif. DÉMONSTRATION. (a) Il faut démontrer que le foncteur HomB(P ®B BA,-) ei;;t exact, mais cela découle de l'isomorphisme de foncteurs HomB(P ®B BA,-)..:; HomA(P, F(-)) de (2.2)(a) et du fait que les foncteurs F et HomA(P, -) sont exacts. (b) se démontre de même au moyen de l'isomorphisme de foncteurs de (2.2)(b) 2. ALGÈBRES TENSORIELLES 311 Il existe plusieurs formules permettant de calculer les relations entre modules d'extension et de torsion sur A et sur B. Nous aurons besoin ici des suivantes. PROPOSITION 2.4. n ~ (a) Si BA est un A-module projectif, il existe pour tout 0 un isomorphisme fonctoriel en XB et UA. (b) Si AB est un A-module plat, il existe pour tout n ~ 0 un isomorphisme Ext8(U ®A BB,x)-=. Ext~(U,X) fonctoriel en UA et XB. • • · une résolution DÉMONSTRATION. (a) Soit 0 U 1° /1 injective de UA dans ModA. On applique HomA(BBA, -). Comme BA est projectif, ce foncteur est exact de telle sorte que l'on obtient une suite exacte de ModB: o-HomA(BBA,U) -HomA(BBA,1°) - HomA(BBA,1 1) - .... Il suit de {2.3) que c'est là une résolution injective de HomA(BBA, U). Si on supprime ce terme et on applique HomB{X, -) au complexe résultant, on obtient un diagramme commutatif 0 -+ HomB(X,HomA(BBA,1°)) -+ 12 0 -+ HomA(FX,1°) HomB(X,HomA(BBA,1 1)) -+ 12 -+ HomA(FX,1 1) -+ ··· où les lignes sont des complexes. L'isomorphisme cherché s'obtient en prenant les cohomologies de ces deux complexes. (b) La démonstration se fait de façon semblable. Soit · · · - Pi - Po 0 une résolution projective de UA dans ModA. On applique - ®A BB. U Comme AB est plat, ce foncteur est exact de telle sorte que l'on obtient une suite exacte de Mod B : ... -P1®ABB-Po®ABB-U®ABB-o. Il suit de {2.3) que c'est là une résolution projective de U ®A BB. Si on supprime ce terme et on applique HomB{-, X) au complexe résultant, on obtient un diagramme commutatif 0 - HomB(Po ®A BB, X) 12 0 - HomA(Po,FX) - ... ... où les lignes sont des complexes. L'isomorphisme cherché vient en prenant les cohomologies de ces deux complexes. D 312 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES Dans ce qui suit, on considère un K-module Met l'algèbre tensorielle A = T(M) de M (voir {V.4)). Le lemme {2.5) ci-dessous donne un calcul plus précis du noyau de la multiplication do : A ®KA ---+ A définie par a® b f-+ ab (pour a, b E A). On rappelle en effet que l'on a montré en (XI.1. 7) que ce noyau est, en tant que (A- A)-bimodule, engendré par les éléments de la forme a® 1 - 1 ®a (pour a E A). On avait déjà observé que ce calcul, ainsi que (XI.2.6), faits dans l'hypothèse où K est un corps et A une K-algèbre de dimension finie sont en fait valables pour tout anneau commutatif K et toute K-algèbre A. LEMME 2.5. Soient M un K-module et A = T(M) son algèbre tensorielle. Il existe une suite exacte courte de (A - A)-bimodules qui est scindée en tant que suite exacte de A-modules à droite (ou à gauche} 0 ----+ A ®K M ®KA ~ A ®KA ~ A ----+ O. DÉMONSTRATION. On a vu que la multiplication do : A ®KA ---+ A définie par a®b f-+ ab (pour a, b E A) est un morphisme surjectif de (A-A)-bimodules. L'application K-linéaire ko : A ---+ Ker do définie par ko (a) = a ® 1 - 1 ®a (pour a E A) est, d'après (XI.2.6), une dérivation, et en outre Ker do est engendré par Imk0 • On considère la restriction de ko à M, notée kM = ko IM (c'est-à-dire la composition de l'inclusion canonique de M dans A avec ko). Comme A est engendré par Men tant que K-algèbre, Ker do est engendré par l'image de kM. Cette restriction induit un morphisme de (A -A)-bimodules Io : A ®K M ®KA ----+ Ker do ----+ A ®KA (où l'application Ker do---+ A ®KA est l'inclusion) par lo{l ®X® 1) = kM(x) =X® 1 - 1 ®X (pour x E M), et lo(a®x®b) = alo(l®x®l)b (pour x E Met a,b E A). Il est clair que Imlo =lm kM =Ker do. Cela montre que la suite donnée est exacte à droite. Il reste à démontrer que Io est injectif et est une section de A-modules à droite (ou à gauche). Il suffit donc de construire un morphisme de A-modules à droite 9o : A® KA ---+ A® KM® KA tel que 9olo = 1 (une construction semblable donnant un morphisme de A-modules à gauche avec la même propriété). On considère le morphisme de K-modules M ---+ A ®KM ®KA défini par x f-+ 1®x®1 (pour x E M). On affirme qu'il se prolonge en une dérivation 6 : A ---+ A ®K M ®KA. En effet, soit B l'algèbre de matrices B= [A@K~®KA ~] munie de l'addition ordinaire des matrices et de la multiplication induite de la structure de (A -A)-bimodule de A ®KM ®KA. Il est clair que Best aussi un (A - A)-bimodule et que le morphisme de K-modules donné se prolonge en un morphisme de K-modules M ---+ B par Xf--+ [1@:@1 ~] 2. ALGÈBRES TENSORIELLES 313 (pour x E M). En nous fondant sur la définition de l'algèbre tensorielle A = T(M), on en déduit un morphisme de K-algèbres A - B, dont la composition avec l'application canonique B - A ®KM ®KA est une dérivation 8: M A ®KM ®KA, comme on le vérifie aisément. La dérivation 8 induit une application A-linéaire go : A@K A - A@K M ®KA par go( a® b) = 8(a)b pour a, b E A (voir démonstration de (XI.2.6)). On a gofo(a ® x ® 1) = go[afo(l ® x ® 1)] go[a(x ® 1-1 @x)] = go(ax@l-a®x) = 8(ax) - 8(a)x = a8(x) = a(l @x® 1) a@x®l pour tous a E A et x E M. Comme les éléments a@x®l engendrent A@K M@K A en tant que A-module à droite, il s'ensuit que gofo = 1. D Nous arrivons au résultat principal de cette section. Rappelons que tout anneau commutatif est une Z-algèbre commutative et que de ce fait on peut parler de sa dimension globale. THÉORÈME 2.6. Soient K un anneau commutatif de dimension globale n, M un K-module et A= T(M). (a) Si MK est projectif, alors n :S: dim. gl. d. A :S: n+ 1 et dim. gl. d. A = n+ 1 si et seulement s'il existe un K-module Y tel que diHomK(M, Y)= n. {b) Si MK est plat, alors n ::; dim. gl. d. A ::; n + 1 et dim. gl. d. A = n + 1 si et seulement s'il existe un K-module X tel que dp{X ®KM)= n. DÉMONSTRATION. (a) Soit VA un A-module. On veut appliquer le foncteur HomA(-, V) à la suite exacte scindée de (2.5). Observons d'abord qu'il suit de l'isomorphisme d'adjonction que HomA(A ®KM ®KA, V) -=. -=. -=. HomK(A,HomA(M ®KA, V)) HomK(A,HomK(M,HomA(A, V)) HomK(A,HomK(M, V)) et aussi que HomA(A ®KA, V)-=. HomK(A, V). Par conséquent, le foncteur HomA(-, V) appliqué à la suite de (2.5) donne une suite exacte courte de Amodules 0 ----+ V----+ HomK(A, V) ----+ HomK(A, HomK(M, V)) ----+ 0 (où l'on a utilisé (IV.1.5)). Soit UA un A-module. Le foncteur HomA(U, -) appliqué à la suite précédente donne une suite exacte longue de cohomologie • · ·----+ Ext~(U, V)----+ Ext~(U,HomK(A, V))----+ ----+ Ext~(U,HomK(A,HomK(M, V)))----+ Ext~+ 1 (U, V)----+··· 314 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES Comme MK est projectif et que la projectivité est préservée par les puissances tensorielles (en effet, M ®KM est projectif car est exact, on continue par récurrence) et les sommes directes, on en déduit que AK est projectif. D'après {2.4){a), la suite exacte précédente devient · · ·-Ext~(U, V)-Ext~(U, V)-Ext~(U,HomK(M, V))-Ext~+l(U, V)-···. Il est alors évident que dim. gl. d. A $ n + 1. Comme dim. gl. K = n, il existe des K-modules X et Y tels que ExtK(X, Y) -:f: O. On fait de X, Y des A-modules en définissant trivialement l'action de M, c'està-dire en posant X M = Y M = 0, de telle sorte que le foncteur oubli rend à X et Y leurs structures naturelles de K-modules. Appliquons le foncteur HomA{X, -) à la suite exacte de A-modules 0-+ Y-+ HomK(A, Y)-+ HomK(A,HomK(M, Y))-+ O. Il en résulte, d'après (2.4){a), une suite exacte 0 -+ HomA(X, Y) -+ HomK(X, Y) -+ HomK(X, HomK(M, Y)). Comme HomA(X, Y)= HomK{X, Y) (par définition des structures de A-modules de X et Y), le morphisme HomK{X, Y) - HomK(X, HomK(M, Y)) est nul. Le même raisonnement appliqué aux termes d'une résolution projective de X donne que les morphismes Ext~{X, Y) - Ext~{X, HomK(M, Y)) sont nuls. On a donc une suite exacte 0-+ ExtK- 1 {X, HomK(M, Y)) -+ ExtA_{X, Y) -+ ExtK(X, Y) -+O. Par conséquent, ExtA_{X, Y)-:/: 0 d'où on tire dim. gl. d. A 2:': n. Il existe un K-module Y tel que diHomK{M, Y)= n si et seulement s'il existe un K-module X tel que ExtK(X,HomK(M,Y))-:/: 0 {d'après (X.1.6)). Ceci et la suite exacte 0 -+ ExtK(X, HomK(M, Y)) -+ ExtÂ+ 1 {X, Y) -+ ExtK+ 1 (X, Y) = O (où l'on a fait de X et Y des A-modules comme plus haut) impliquent que ExtÂ+l{X, Y) -:/: 0 (et donc dim. gl. d. A= n + 1). Par contre, si di HomK{M, Y) < n pour tout K-module Y, alors, pour tout A-module V, on adiHomK{M, V)< n et donc la suite exacte ExtK(U,HomK(M, V))-+ ExtÂ+l(U, V)-+ 0 implique que ExtÂ+ 1 {U, V)= 0 pour tout A-module U et donc di VA$ n pour tout V, c'est-à-dire dim. gl. d. A$ n d'après (X.2.1). {b) La démonstration se fait de façon semblable. Soit UA un A-module. La suite exacte scindée de {2.5) induit, après application du foncteur U @A -, une suite exacte 0 -- u ®KM ®KA - - u ®KA - - u -- 0 2. ALGÈBRES TENSORIELLES 315 (d'après (V.2.5)). Soit VA un A-module. Le foncteur HomA(-, V) appliqué à. la suite exacte précédente donne une suite exacte longue de cohomologie · · ·--+ Ext~(U, V)--+ Ext~(U ®KA, V)--+ Ext~(U ®KM ®KA, V)--+ --+ Ext~+ 1 (U, V)--+ ... Comme MK est plat et que la platitude est préservée par les puissances tensorielles et les sommes directes, on en déduit que AK est plat. D'après (2.4)(b), la suite exacte précédente devient • • ·--+ Ext~(U, V)--+ Ext~(U, V)--+ Ext~(U ®KM, V)--+ Ext~+l(U, V)--+··· . Il est évident que dim. gl. d. A :5 n + 1. Comme dim. gl. d. K = n, il existe des K-modules X et Y tels que Exti((X, Y) -=/:- O. On en fait encore des A-modules en posant X M = Y M = O. Appliquons le foncteur HomA(-, Y) à la suite exacte de A-modules 0 --+X ®KM ®KA --+X ®KA--+ X --+O. Il en résulte, par suite de (2.4)(b), une suite exacte 0--+ HomA(X, Y) --+ HomK(X, Y) --+ HomK(X ®KM, Y). Comme HomA(X, Y) = HomK(X, Y) (par définition des structures de A-modules de X et Y), le morphisme HomK(X, Y) --+ HomK(X ®K M, Y) est nul. Le même raisonnement appliqué aux termes d'une résolution injective de Y entraîne que les morphismes Ext~(X, Y) --+ Ext~(X ®KM, Y) sont nuls. On a donc une suite exacte 0--+ Exti(- 1 (X ®KM, Y)--+ Ext~4(X, Y)--+ Exti((X, Y)--+ O. Par conséquent, Ext~ (X, Y) -=/:- 0 d'où on tire dim. gl. d. A ~ n. Il existe un K-module X tel que dp(X ®K M) = n si et seulement s'il existe un K-module Y tel que Exti((X ®K M, Y) -=/:- 0 (d'après (X.1.2)). Ceci et la suite exacte 0--+ Exti((X ®KM, Y) --+ ExtÂ+ 1 (X, Y) --+ Extj(+l(X, Y) = 0 (où on a fait de X et Y des A-modules comme plus haut) impliquent que ExtÂ+l (X, Y) -=/:- 0 (et donc dim. gl. d. A = n+ 1). Par contre, si dp(X ®KM) < n pour tout K-module X, alors, pour tout A-module UA, on a dp(U ®KM)< n et donc la suite exacte Exti((U ®KM, V) --+ ExtÂ+ 1 (U, V) --+ 0 implique que ExtÂ+l(U, V)= 0 pour tout A-module V. Donc dpUA :5 n pour tout U, c'est-à-dire dim.gl.d.A :5 n d'après (X.2.1). D COROLLAIRE 2.7. Soient K un anneau commutatif, et t une indéterminée, alors dim. gl. K[t] = 1 + dim. gl. K. DÉMONSTRATION. En effet, si M = K, alors A= T(M)=+K(t]. D'autre part, le K-module K est libre, donc projectif et en outre, pour tout K-module Y, on a HomK(K, Y)...::'.+ YK, d'où l'énoncé par application directe de (2.6)(a). D 316 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES COROLLAIRE 2.8. Soient K un anneau commutatif, et ti, ... , tn des indéterminées, alors dim. gl. K[t1, ... , tn] = n + dim. gl. K. Si, en particulier, K est un corps, alors dim. gl. K[t1, ... , tn] = n DÉMONSTRATION. Le premier énoncé découle de (2.7) et d'une récurrence évidente. Le second résulte de ce que tout corps est semisimple et donc de dimension globale nulle. O Les énoncés (2.7) et (2.8) sont connus sous le nom de théorème des syzygies de Hilbert. Le terme "syzygies", qui vient du grec, est utilisé pour désigner les noyaux d'une résolution projective (un noyau d'une résolution injective étant désigné du nom de cosyzygie). Enfin, on déduit de (2.6) le calcul de la dimension globale d'une algèbre libre (III.3.8). COROLLAIRE 2.9. Soient Kun anneau commutatif, et X un ensemble, alors dim. gl. d. K (X} = 1 + dim. gl. K. Si, en particulier, K est un corps, alors K (X} est héréditaire à droite. DÉMONSTRATION. En effet, si M = K(X) est le K-module libre de base X, alors T(M)..; K(X} comme on l'a vu en (V.4). D'autre part, M étant libre, donc projectif, la dimension injective de HomK(M, Y) est égale à celle de YK, pour tout module Y. Cela démontre le premier énoncé. Le second découle de (1.6). 0 3. Algèbres auto-injectives La section 1 traitait des algèbres de dimension globale 1. L'autre extrême est celui des algèbres de dimension globale infinie. Nous en décrirons une sous-classe particulièrement importante, parce qu'elle comprend les algèbres de groupes finis. DÉFINITION. Soit A une K-algèbre noethérienne à droite et à gauche. Alors A est dite auto-injective à droite ou QF (quasi frobéniusienne) à droite si AA est un A-module injectif. On définit de même une algèbre auto-injective à gauche. Il y a évidemment identité entre les deux concepts quand l'algèbre en question est commutative. Nous montrerons plus loin que si A est de dimension finie sur un corps, alors AA est aussi un A-module injectif et donc A est aussi auto-injective à gauche. Il est aisé de voir que toute algèbre semisimple est auto-injective (à droite et à gauche). Pour construire d'autres exemples, on utilisera le lemme suivant. LEMME 3.1. Soient A un domaine d'intégrité principal et I un idéal non nul. Alors A/I est auto-injective. DÉMONSTRATION. Il existe un a e A, nécessairement non nul, tel que I = aA. On sait qu'un idéal de A/I est de la forme J/I, avec J un idéal de A contenant I. Soit be A tel que J = bA. Comme a e I Ç J, il existe c E A tel que a= be. Soient Ï = 1 + I et 0 = 0 + I respectivement l'identité et l'élément nul de A/ I, 3. ALGÈBRES AUTO-INJECTIVES 317 alors b · Î engendre J/I en tant que A/I-module. On considère le diagramme à ligne exacte 0 --+ J/I 2-+ A/I 1l A/I où j est l'inclusion et où f est une application A//-linéaire. Alors f(b · î) = x · î pour un x E A. Comme cb · î = a · î = 0, on a ex · î = cf (b · Î) = O. Par conséquent, ex E I = aA, et il existe y E A tel que ex = by, ce qui donne ex = cby. Comme A est intègre, x = by et donc f (b · î) = by · î. On définit une application g : A/I --+ A/I par g(î) = y · î : il est évident que cela donne une application A/J-linéaire de A/I dans lui-même qui prolonge f. Donc A/I est injectif en tant que A//-module d'après le critère de Baer (IV.3.4). Comme A/ I est évidemment noethérienne, elle est auto-injective. D Par conséquent, Zn = Z/nZ est auto-injective pour tout n > 0, et, si K est un corps et t une indéterminée, K[t]/ (p) est auto-injective pour tout polynôme non nul p E K[t]. THÉORÈME 3.2. Soit A une K -algèbre noethérienne à droite et à gauche. Alors A est auto-injective (à droite) si et seulement si tout A-module (à droite) projectif est injectif DÉMONSTRATION. La suffisance étant triviale, montrons la nécessité. Soient A une algèbre auto-injective et PA un A-module projectif. Alors PA est un facteur direct d'un module libre de base, disons (eÀ)ÀEA· Comme on a eÀA .=. AA pour chaque À et que par conséquent chaque eÀA est injectif, il résulte de (VI.2.5) et du fait que A est noethérienne que L .=. eÀA est également injectif. Par E9 ÀEA conséquent, PA, qui est facteur direct de L, est également injectif. D PROPOSITION 3.3. Soit A une K -algèbre auto-injective et non semisimple. Pour tout A-module M non projectif, on a dp M = oo. Par conséquent, dim. gl. A =OO. DÉMONSTRATION. En effet, supposons que M est un A-module non projectif tel que dp M = n < 00 1 alors il existe une résolution projective de M de la forme 0 --+ Pn ~ Pn-i --+ · · · --+ Pi --+ Po --+ M --+ O. Comme Pn est projectif, il est injectif et donc la suite exacte 0--+ Pn ~ Pn-i--+ Cokerdn--+ 0 est scindée, ce qui entraîne que Coker dn est projectif et que 0--+ Cokerdn--+ Pn-2--+ ···--+Pi--+ P0 --+ M--+ 0 est une résolution projective de M de longueur n-1, ce qui contredit l'hypothèse quedpM=n. D 318 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES Considérons maintenant le cas où K est un corps et où A est une K-algèbre de dimension finie. Alors A est certainement une algèbre noethérienne à droite et à gauche. On sait déjà que le foncteur D = HomK(-, K) induit une dualité entre A-modules à droite de type fini et A-modules à gauche de type fini. Nous allons montrer que, dans ce cas, auto-injective à droite coïncide avec auto-injective à gauche. THÉORÈME 3.4. Soit A une K -algèbre de dimension finie. suivantes sont équivalentes : Les conditions A est auto-injective à droite. A est auto-injective à gauche. (DA)A est un A-module projectif A(DA) est un A 0 P-module projectif Tout A-module de type fini projectif est injectif (f) Tout A op -module de type fini injectif est projectif (g) Tout A-module de type fini injectif est projectif. (h) Tout A op -module de type fini projectif est injectif. (a) (b) (c) (d) (e) DÉMONSTRATION. En effet, A est auto-injective si et seulement si AA est injectif, c'est-à-dire si et seulement si D(AA) = A(DA) est projectif. On a montré l'équivalence de (a) et (d). Tout A0 P-module injectif de type fini étant une somme directe finie de facteurs indécomposables de A(DA) (d'après (VIII.4.6)), on en déduit l'équivalence avec (h). Celle avec (e) a déjà été établie en (3.2). Dualement, (b) (c) (f) (g) sont équivalentes. Enfin, (e) et (f) sont équivalentes par dualité. D Un cas particulier important est celui où AA ~ D(AA). DÉFINITION. Soit A une K-algèbre de dimension finie. On dit que A est de Frobenius (ou frobéniusienne) s'il existe un isomorphisme de A-modules à droite AA ~D(AA). THÉORÈME 3.5. Soit A une K -algèbre de dimension finie. suivantes sont équivalentes : Les conditions (a) A est une algèbre de Frobenius. (b) Il existe une forme K -bilinéaire non dégénérée ( , ) : A x A --+ K telle que (ab, c) = (a, be) pour tous a, b, c E A (on dit alors que ( , ) est associative). (c) Il existe une forme K -linéaire u E DA dont le noyau ne contient aucun idéal à droite ou à gauche non nul. DÉMONSTRATION. (a) implique (b). Soit f: AA--+ D(AA) un isomorphisme; alors, pour tous a, b E A, on a f(ba) = f(b)a. Pour chaque x E A, on a, par définition de la structure à droite sur D(AA), f(ba)(x) = (f(b)a)(x) = f(b)(ax). 3. ALGÈBRES AUTO-INJECTIVES 319 Cela conduit à définir ( , ) : A x A---+ K par (x, y) = f(x)(y) où x, y E A. Il est clair que ( , } est une forme bilinéaire. Elle est non dégénérée, parce que f est un isomorphisme : en effet, (A, y) = 0 donne y = 0 (car toute forme linéaire appliquée à y donne zéro) tandis que (x, A) = 0 donne f(x) = 0, donc x = O. L'associativité résulte de (x, yz) = f(x)(yz) = f(xy)(z) = (xy, z) pour x,y,z e A. {b) implique (a). On définit f : A---+ DA par f(x) = (x, -) (pour x E A), c'est-à-dire que f(x)(y) = (x, y) (pour x, y E A). Alors f est un isomorphisme K-linéaire, car ( , ) est une forme bilinéaire non dégénérée et est A-linéaire, car ( , ) est associative. {b) implique (c). Si (, ) est donnée, on définit une forme linéaire u E DA par u(x) = (x, 1} pour x e A. Alors u(xA) = 0 implique (xA, 1} = 0, donc (x, A) = 0 et enfin x = 0, car ( , ) est non dégénérée. De même, u(Ax) = 0 implique x =O. Par conséquent, Keru ne contient pas d'idéaux à droite ou à gauche non nuls. (c) implique (b). Si u est donnée, on définit ( , ) : A x A---+ K par (x, y) = u(xy) (pour x, y e A). Il ne reste plus qu'à vérifier que (, ) est bilinéaire, non dégénérée et associative, ce qui est un exercice facile et laissé au lecteur. D Un cas particulièrement intéressant est celui des algèbres auto-injectives qui sont réduites (voir {VIII.3)). Dans ce cas, si {e1, ... , en} est un ensemble complet n d'idempotents primitifs orthogonaux, alors AA = EB<eiA) et {e1A, ... , enA} est i=l un ensemble complet de A-modules projectifs indécomposables non isomorphes n (d'après {VIIl.3.6)), tandis que (DA)A = E9 D(Aei) et {D(Aei. ... , D(Aen)} i=l est un ensemble complet de A-modules injectifs indécomposables non isomorphes (d'après (VIII.4.5)). Il suit de (3.4) qu'il existe une bijection v: {1, ... ,n}---+ {1, ... , n} telle que D(Aei)...; ev(i)A. Par conséquent, on a un isomorphisme (DA)A = n n i=l i=l E9 D(Aei)...; E9 ev(i)A = AA (car v est bijective). On a prouvé que toute algèbre auto-injective réduite est de Frobenius. Par conséquent, une algèbre réduite est auto-injective si et seulement si elle est de Frobenius. En outre, si c'est le cas, il existe une permutation v de {1, ... , n} telle que ev(i)A...; D(Aei) pour chaque i. Nous verrons que v est en fait donnée par un automorphisme de A. 320 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES PROPOSITION 3.6. Soient A une algèbre de Frobenius, et {e1, ... , en} un ensemble complet d'idempotents primitifs orthogonaux de A. fl existe un automorphisme v: A-+ A tel que D(Aei)..::. v(ei)A. DÉMONSTRATION. Soit ( , ) : A x A -+ K une forme bilinéaire non dégénérée et associative. On définit une application v : A -+ A par (va,-)= (-,a) pour tout a E A. Il est évident que v est K-linéaire. En outre (x, ab) = = = (xa, b) = (v(b), xa) (v(b)x, a) = (v(a), v(b)x) (v(a)v(b),x) pour tous a,b,x E A. Par conséquent, v(ab) = v(a)v(b). Enfin, (v(l),x) = = (x,l)=(l·x,1) (1,x · 1) = (1,x) pour tout x E A donne v(l) = 1. Comme v est évidemment inversible, elle est effectivement un automorphisme de A. Pour le deuxième énoncé, il est évident que {v(e1), ... , v(en)} est un ensemble complet d'idempotents primitifs orthogonaux. Par conséquent, pour chaque i, le module v(ei)A est un A-module indécomposable projectif de telle sorte qu'il existe j tel que v(e,)A..::. e3A. Ainsi, v induit une permutation sur {1, ... , n}. Soit maintenant lA un A-module indécomposable injectif. D'après {3.4), il existe ei tel que lA..::. eiA. Soit S le socle (simple) de I. Alors S = e;,S : en effet, S étant (isomorphe à) un sous-module de e;,A, tout s E S s'écrit alors s = e;,a pour un a E A ; par conséquent s = e;,s et en particulier e;,S est un sous-module de S, donc est égal à ce dernier. En outre, S est un sous-module de AA, donc un idéal à droite. Soit u la forme linéaire attachée à ( , ) (voir (3.5)). Il existe x e S tel que 0 =F u(e;,x) = (eïx, 1) = (eï,x) = (x, v- 1 (e;,)) = u(xv- 1 (~)). Par conséquent, S·v- 1 (ei) =F O. Mais cela entraîne que HomA(v- 1 (~)·A, S) =F 0, et donc la coiffe de v- 1 (ei)·A est isomorphe au socle S de eiA. D'après {VIII.4.7), on en déduit que e;,A..::. D(A · v- 1 (~)). D L'automorphisme v défini dans la proposition s'appelle automorphisme de Nakayama, la permutation v de {1, ... , n} telle que D(Aei) ..::. v( ei) ·A s'appelle la permutation de Nakayama de A. Le lemme suivant (qui n'est autre que l'exercice (VIII. 7)), valable pour toute algèbre, non nécessairement auto-injective, montre que la permutation de Nakayama est déterminée uniquement modulo un automorphisme intérieur de A. 3. ALGÈBRES AUTO-INJECTIVES 321 LEMME 3. 7. Soient A une K -algèbre de dimension finie et { e 1 , ... , en }, { e~, ... , e~ } deux ensembles complets d'idempotents primitifs orthogonaux de A. Alors m = n et il existe un a E A inversible tel que, à l'ordre près, on ait e~ = aei a- 1 pour chaque i. n DÉMONSTRATION. m On a AA = E9eiA = E9ejA. Il suit du théorème de i=l j=l décomposition unique (VII.6.13) que m =net, qu'à l'ordre près, on a ~A-=. e~A. D'après (VIII.1.2), il existe ai E e~Aei tel que e~ai = aiei = ai. Soit a = a 1 +···+an. Alors e~a = aei :=ai pour chaque i. Il reste à montrer que a est inversible. Mais, toujours d'après (VIII.1.2), il existe pour chaque i un bi E eiAe~ tel que eibi = bie~ = bi et aibi = eL biai = ei. Si on pose b = bi + · · · + bn, il est clair que ab = ba = 1. D Une K-algèbre de dimension finie A est dite symétrique s'il existe un isomorphisme de (A - A)-bimodules AAA-=. D(AAA)· DÉFINITION. Il est clair que toute algèbre symétrique est en particulier de Frobenius. COROLLAIRE 3.8. Soit A une K -algèbre de dimension finie. Les conditions suivantes sont équivalentes. (a) A est une algèbre symétrique. {b) Il existe une forme bilinéaire symétrique non dégénérée et associative ( ' } : A X A--+ K. (c) Il existe une forme linéaire u E DA dont le noyau ne contient aucun idéal à droite ou à gauche non nul et telle que u(ab) = u(ba) pour tous a,b eA. DÉMONSTRATION. Facile et laissée au lecteur: il suffit d'adapter la démons- tration de (3.5). D Étant donné la symétrie de la forme bilinéaire sur une algèbre symétrique, il suit de la démonstration de (3.6) que l'on peut prendre la permutation de Nakayama égale à l'identité, de telle sorte que, pour tout idempotent primitif e d'une algèbre symétrique A, on a D(Ae)-=. eA. COROLLAIRE 3.9. Soit e un idempotent primitif d'une algèbre symétrique A, alors eA-=. D(Ae). DÉMONSTRATION. Reprendre le dernier paragraphe de la preuve de (3.6) en tenant compte que u(ab) = u(ba) pour tous a, b. D EXEMPLES 3.10. (a) Soit A une K-algèbre de dimension finie. On considère l'extension triviale A de A par son cogénérateur injectif A(DA)A, c'est-à-dire, on le rappelle, le K-espace vectoriel A= AœDA = {(a,u) 1a E A et u E DA} muni de la multiplication définie par (a, u)(b, v) = (ab, av+ ub) 322 XII. ALGÈBRES HÉRÉDITAIRES, TENSORIELLES ET AUTO-INJECTIVES pour (a, u), (b, v) E A (voir l'exercice {I.15)). Il est évident que A est une Kalgèbre de dimension finie. Pour montrer qu'elle est symétrique, on construit une forme bilinéaire ( , ) : A x A --+ K par ({a, u), (b, v)) = v(a) + u(b). Il est facile de vérifier que la forme ( , ) possède les propriétés de (3.8)(b). (b) Soient Kun corps et G un groupe fini. Alors l'algèbre de groupe KG est symétrique. En effet, on définit une forme ( , ) : KG x KG--+ K par bilinéarité à partir des relations ( h) = {1 si gh = 1 g, 0 si gh ::/: 1 pour g, h E G. Il est clair que ( , ) est symétrique et associative. Montrons qu'elle est non dégénérée. Si a = ga9 est tel que (a, KG) = 0, alors, pour L gEG tout h E G, on a O= (a,h) = (L:ua9,h) = L:a9(g,h) = ah-1· gEG gEG Ceci étant vrai pour tout h E G, on en déduit a 9 = 0 pour tout g E G et donc a=O. EXERCICES DU CHAPITRE XII 323 Exercices du chapitre XII 1. SoitK un corps. Montrer que chacune des algèbres suivantes est héréditaire. (a) [~K iK K~1. (b) [~K i0 K~l · 2. Une algèbre A est dite semihéréditaire à droite si tout idéal à droite de type fini est projectif. Montrer que si c'est le cas, alors tout sous-module M de type fini d'un module libre Lest la somme d'un nombre fini d'idéaux à droite de type fini. En déduire que A est semihéréditaire si et seulement si tout sous-module de type fini d'un module projectif est projectif. 3. Montrer qu'une algèbre noethérienne est héréditaire si et seulement si tout idéal à droite est plat. 4. Montrer que les conditions suivantes sont équivalentes pour un entier n : (a) Zn est semisimple (voir l'exercice {Vl.26)). {b) Zn est héréditaire. (c) n est le produit de nombres premiers deux à deux distincts. 5. Soit A une K-algèbre. Montrer que A est héréditaire si et seulement si, pour tout A-module M, le foncteur Ext~{M, -) est exact à droite. 6. Soit A une K-algèbre noethérienne. Montrer que A est héréditaire à droite si et seulement si, pour tout A-module à gauche AN, le foncteur Torf {-, N) est exact à gauche. 7. Montrer que, pour une algèbre A, les conditions suivantes sont équivalentes : (a) Tout idéal à droite de A est libre. {b) Tout sous-module d'un module libre est libre. 8. Montrer que, si A, B sont héréditaires à droite et si M est un (A - B)bimodule, alors [ ~ 1M'] est héréditaire à droite. 9. Montrer que Qz n'est pas projectif. En déduire que [~ à droite, mais pas à gauche. 3] est héréditaire 10. Soient A, B deux K-algèbres et cp : A -+ B un morphisme. Montrer que, si BA est plat, alors il existe, pour un B-module X et un A-module V, un isomorphisme Tor~{X, V ®AB)~ Tor~{X, V) pour chaque n :2: 0, fonctoriel dans chaque variable. 11. Soit A une algèbre de Frobenius. Montrer que Mn(A) est de Frobenius. 12. Prouver en détail {3.8) et {3.9). Bibliographie La présente bibliographie ne prétend aucunement être exhaustive. Elle a seulement pour objet d'indiquer des ouvrages consacrés aux sujets traités ici (et qui ont souvent été utilisés comme sources). [ 1) l.T. ADAMSON: Rings, modules and algebras, Oliver and Boyd, Edinburgh (1971). [ 2) F.W. ANDERSON et K.R. FULLER: Rings and categories of modules, Springer-Verlag, New York-Heidelberg-Berlin (1973). [ 3) M. AUSLANDER, 1. REITEN et S.O. SMAL0: Representation theory of artin algebras, Cambridge University Press, Cambridge (1995). [ 4) H. BASS: Algebraic K-theory, Benjamin, New York (1968). [ 5) T.S. BLYTH: Module theory, Clarendon Press, Oxford (1990). [ 6) N. BOURBAKI: Éléments de mathématique. Algèbre, chapitres II, III et VIII, Hermann (1970) et chapitre X, Masson, Paris (1980). [ 7) 1. BUCUR et A. DELEANU: Introduction to the theory of categories and functors, WileyInterscience, London-New York-Toronto-Sydney (1968). [ 8) H. CARTAN et S. EILENBERG: Homological algebra, Princeton University Press, Princeton (1973). [ 9) P.M. COHN: Algebra, Second Edition, Volume 1 (1982), Volume 2 (1989), Volume 3 (1991), Wiley-Interscience, Chichester-New York-Brisbane-Toronto-Singapore. [10) C.W. CURTIS et 1. REINER: Representation theory of finite groups and associative algebras, Wiley-Interscience, Chichester-New York-Brisbane-Toronto-Singapore (1988). [11) Y.A. DROZD et V.V. KIRICHENKO: Finite dimensional algebras, Springer-Verlag, Berlin-Heidelberg-New York (1994). [12) R. FOSSUM, P. GRIFFITH et 1. REITEN: 'Jlrivial extensions of abelian categories, Lecture Notes in Mathematics 456, Springer-Verlag, Berlin-Heidelberg-New York (1975). [13) P. FREYD: Abelian categories, Harper and Row, New York (1964). [14) R. GODEMENT: Topologie algébrique et théorie des faisceaux, Hermann, Paris (1958). [15) P.J. HILTON et U. STAMMBACH: A course in homological algebra, Springer-Verlag, Berlin-Heidelberg-New York (1971). (16) J.P. 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Index addition 3, 4, 5 adjoint à droite 64 adjoint à gauche 64 algèbre 5 - artinienne 154 - associative 6 - auto-injective 316 - commutative 6 - connexe 161 - de dimension finie 6 - de Frobenius 318 - déployée 224 - des matrices triangulaires inférieures 10 - d'incidence 10 - du groupe 10 - enveloppante 289 - extérieure 139 - frobéniusienne 318 - graduée de type Z 137 - héréditaire 305 - indécomposable en produit 161 - libre 65 - locale 198 - noethérienne 154 -opposée 12 - produit 11 - quasi frobéniusienne 316 - quotient 11 - réduite 218 - réduite de A 218 - semisimple 173 - séparable 298 -simple9 -sobre 218 -sur K 5 - symétrique 321 - tensorielle 136 - triviale 6 - unifère 5 algèbres isomorphes 12 - Morita-équivalentes 212 anneau 3 - commutatif 4 annulateur 40, 221 anticommutativité 139 application - A-bilinéaire 119 - A-linéaire 25 - K-linéaire 5 - linéaire 25 - multilinéaire 142 - multilinéaire alternée 142 - nulle 26 associativité mixte 4 automorphisme 12, 26, 48 - de Nakayama 320 base 60 bifoncteur 51 bimodule 23 biproduit 67 bloc d'une algèbre 163 bords 231 but d'un morphisme 48 catégorie 47 - abélienne 72 - additive 66 - auto-duale 55 - concrète 50 -duale 49 - linéaire 66 -opposée 49 - quotient 84 catégories 327 328 - équivalentes 80 - pré-abéliennes 72 centre d'une algèbre 7 changement des scalaires 23 classe caractéristique 262 cobords 236 cocycles 236 cogénérateur injectif 107 coiffe d'un module 187 co-image 71 complément orthogonal 221 complexe 28, 72, 229 - ascendant 236 - concentré 230 - descendant 229 - quotient 231 - standard 292 composante homogène 137 composition des morphismes 47 conditions de chaînes 152 - croissantes 152 - décroissantes 152 cône sur un morphisme 269 conoyau 27, 71 constantes de structure 7 coproduit 55 corps commutatif 4 corps gauche 4 cosyzygie 316 couverture projective 210 cycles 231 décomposition - canonique 35, 72 - de Pierce 206 - d'une algèbre en blocs 163 degré d'un module 229 dérivation 293 - interne 293 déterminant - de vecteurs 143 - d'une application linéaire 144 différentielles 229 dimension - d'une algèbre 6 - faible 282 - globale 280 - globale faible 283 - injective 275 -plate 282 - projective 273 domaine d'intégrité principal 106 dualité 219 élément homogène 137 élément nilpotent 190 INDEX endofoncteur 50 endomorphisme 10, 12, 25, 48 ensemble complet d'idempotents orthogonaux 205 ensemble - de facteurs 295 - de facteurs scindé 296 - libre 60 - lié 60 - linéairement dépendant 60 - linéairement indépendant 60 enveloppe injective 112 épimorphisme 27, 69 - superflu 186 équivalence de Morita 212 espace de cohomologie de Hochschild 290 espace d'homologie de Hochschild 297 espace vectoriel filtré 66 extension - d'algèbres 294 - d'objets d'une catégorie abélienne 73 - essentielle 110 - essentielle maximale 111 - scindée d'algèbres 294 - triviale 18 extensions équivalentes 260 facteur direct 57, 74 facteurs de composition 166 factorisation canonique 72 famille à support fini 6 foncteur -composé 50 - contravariant 50 - covariant 50 - de changement des scalaires 80 - de deux variables 51 - de Nakayama 223 - dense 80 - de projection 84 - dérivé à droite 241 - dérivé à gauche 238 - d'inclusion 50 -exact 95 - exact à droite 96 - exact à gauche 95, 96 - fidèle 80 - identité 50 - K-linéaire 67 - oubli 50 -plein 80 - préservant les suites exactes courtes 96 foncteurs quasi inverses 80 fonctorisation 63 INDEX forme bilinéaire associative 318 générateur de Mod A 213 groupe abélien 3 groupe de Grothendieck 225 groupes abéliens divisibles 66 homomorphisme -croisé 293 - d'anneaux 7 - de A-modules 25 - de K-algèbres 12 - de K-modules 5 homotopie 235 homotopisme 268 idéal 8 - bilatère 8 - d'une catégorie 84 -gradué 138 -maximal 16 - nil 190 - nilpotent 192 idéaux - comaximaux 164 - étrangers 164 idempotent 160 - central 160 - centralement primitif 161 - de séparabilité 299 - primitif 206 idempotents orthogonaux 160 identité 4, 48, 52 image 71 inclusion canonique 13, 26, 231 injection canonique 13, 26, 55 inverse d'un isomorphisme fonctoriel 52 inversion 140 isomorphisme 12, 26, 48 - canonique 35 - fonctoriel 52 - inverse 12, 26 loi du parallélogramme 36 longueur de composition 169 matrice de Cartan 226 module 4 - à droite 19 - à gauche 19 - de cohomologie 236 - décomposable 196 - de longueur finie 169 - de torsion 255 - de type fini 24 329 - d'extension 249 - d'homologie 231 - divisible 106 - fidèle 40 - indécomposable 196 - injectif 103 - libre 60 -nul 20 - plat 129 - projectif 100 - quotient 22 - sans radical 184 - sans torsion 116 - semisimple 170 -simple 165 modules isomorphes 26 monoïde 4 monomorphisme 27, 69 - essentiel 110 morphisme - canonique 72 -conoyau 27 - d'algèbres 12 - d'algèbres graduées 138 - de A-modules 25 - de bimodules 26 - de complexes 230 - de K-modules 5 - fonctoriel 51 - fonctoriel composé 52 - identique 48 - inverse 48 - réciproque 48 morphismes 47 - de liaison 233 - homotopes 235 multiplication 3, 5 - externe (à droite) 4, 5 négatif 3, 4, 5 noyau 70, 84 objet 47 - final 67 - initial 67 - nul 67 - quotient 70 - universel 53, 55 objets isomorphes 48 obstruction 262 opposé 3, 4, 5 paire adjointe 64 permutation de Nakayama 320 polynôme minimal 175 330 présentation - finie 63 - injective 109 - libre 63 - projective 103 produit 9, 54 - de catégories 163 - extérieur 139 -fibré 75 - tensoriel 119 - tensoriel de matrices 125 . progénérateur 214 projection canonique 13, 26, 54, 231 prolongement 104, 238 propriété duale 49 puissance - extérieure 143 - tensorielle 136 radical - d'une algèbre 189 - d'une catégorie 194 - d'un module 183 rang d'un module 199 relation de Bezout 121 relèvement 101, 238 représentation K-linéaire 21 résolution - injective 109 - injective minimale 277 -plate 130 - projective 103 - projective minimale 279 rétraction 73 scalaires 19 section 73 socle d'un module 188 INDEX somme 9, 23 - amalgamée 78 - directe 54, 56 source d'un morphisme 48 sous-algèbre 8 - engendrée 8 - graduée 138 sous-catégorie 49 - pleine 50 sous-complexe 230 sous-module 8, 21 - cyclique 24 - engendré 24 - essentiel 110 - maximal 24 - superflu 186 sous-modules supplémentaires 57 sous-objet 70 squelette 80 suite de composition 166 suite exacte 28, 72 - courte 30, 73 - longue de cohomologie 236 - longue d'homologie 233 -scindée 73 surjection canonique 13, 26 syzygie 316 table de multiplication 7 tenseurs 120 théorème de la décomposition en blocs 163 transformation naturelle 51 vecteur-dimension 225 vecteurs 19 zéro 4 Le papier utilisé pour cette publication satisfait aux exigences minimales contenues dans la norme American National Standard for Information Sciences Permanence of Paper for Printed Library Materials, ANSI Z39.48-1992. Achevé d'imprimer en novembre 1997 chez wf ~.~!.6~~A~~ à Boucherville, Québec • IBRAHIM ASSEM Algèbres et modules Cours et exercices L'ouvrage • Dans un style moderne et accessible, cet ouvrage offre une introduction claire et précise aux théories des modules et des catégories, ainsi qu'à 1' étude des anneaux. • A travers trois grandes parties, 1' auteur garde comme fil conducteur l'étude des modules sur une K-algèbre. Après un exposé des notions de base, le lecteur est initié aux grands théorèmes de structure (modules simples et semisimples, radicaux, modules artiniens et équivalences de Morita). Les derniers chapitres sont consacrés aux notions homologiques en théorie des modules. • Chaque chapitre est complété par une série d'exercices qui permettent au lecteur de vérifier sa compréhension. Comblant un vide dans la littérature, cet ouvrage constitue une excellente préparation à la recherche. Le public • Étudiants de maîtrise de mathématiques. • Enseignants en exercice. L'auteur Ibrahim Assem est professeur titulaire au Département de mathématiques et d'informatique à l'Université de Sherbrooke, au Québec, Canada. ISBN PUO 2-7603-0461 -2 111111111111111111111111 9 782760 304611