SALDO Para Aimé Césaire Tengo la sensación de verme ridículo con sus zapatos con su esmoquin con su pechera con su cuello postizo con su monóculo con su bombín Tengo la sensación de verme ridículo con mis dedos de los pies que no están hechos para sudar de la mañana a la noche que desnuda con la fajadura que debilita mis miembros y le quita a mi cuerpo su belleza de taparrabo Tengo la sensación de verme ridículo con mi cuello de chimenea de fábrica con estos dolores de cabeza que cesan cada vez que saludo a alguien Tengo la sensación de verme ridículo en sus salones con sus maneras con sus zalemas en su múltiple necesidad de monerías Tengo la sensación de verme ridículo con todo lo que cuentan hasta que por la tarde te sirven un poco de agua caliente y pasteles constipados Tengo la sensación de verme ridículo con las teorías que ellos condimentan al gusto de sus necesidades de sus pasiones de sus instintos que despiertan por la noche en forma de alabancero Tengo la sensación de verme ridículo entre ellos cómplice entre ellos partidario entre ellos degollador con las manos terriblemente rojas de la sangre de su ci-vi-li-za-ción. SOLDE Pour Aimé Césaire J’ai l’impression d’être ridicule dans leurs souliers dans leur smoking dans leur plastron dans leur faux-col dans leur monocle dans leur melon J’ai l’impression d’être ridicule avec mes orteils qui ne sont pas faits pour transpirer du matin jusqu’au soir qui déshabille avec l’emmaillotage qui m’affaiblit les membres et enlève à mon corps sa beauté de cache-sexe J’ai l’impression d’être ridicule avec mon cou en cheminée d’usine avec ces maux de tête qui cessent chaque fois que je salue quelqu’un J’ai l’impression d’être ridicule dans leurs salons dans leurs manières dans leurs courbettes dans leur multiple besoin de singeries J’ai l’impression d’être ridicule avec tout ce qu’ils racontent jusqu’à ce qu’ils vous servent l’après-midi un peu d’eau chaude et des gâteaux enrhumés J’ai l’impression d’être ridicule avec les théories qu’ils assaisonnent au goût de leurs besoins de leurs passions de leurs instincts ouverts la nuit en forme de paillasson J’ai l’impression d’être ridicule parmi eux complice parmi eux souteneur parmi eux égorgeur les mains effroyablement rouges du sang de leur ci-vi-li-sa-tion. Traducción de Teyeliz Martínez LÉON-GONTRAN DAMAS Léon-Gontran Damas nació en 1912 en Cayena en la isla de la Guyana francesa. Poema tomado de Pigments suivi de Névralgies, Présence Africaine, París, 1972.