Subido por MIGUEL ALEX PEDRAZA ARANDO

Choqek'iraw la merveille inca des Andes- Frances

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Pérou
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CHOQEK’IRAW
La merveille inca des Andes
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S
majeur de
la culture inca,
Choqek’iraw
Choqek’iraw
ou Choque Quirao
est localisé au Pérou,
à quelque 160 km au
nord de la ville de
Cuzco, dans la cordillère des Andes. Ce
vaste site, de tradition inca, recèle de
nombreux vestiges
architecturaux qui s’étalent sur les crêtes et les
versants abrupts de la colline éponyme, à une altitude moyenne de 3 000 m. Les édifices les plus
nombreux et les mieux préservés occupent le
cœur de la cité, aujourd’hui divisée en treize secteurs. Ils se concentrent autour d’une colline tronquée que certains archéologues considèrent
comme une plate-forme cérémonielle ou ushnu.
À l’instar de l’ancienne capitale des Incas, Cuzco
ou d’autres sites incas régionaux mieux connus,
comme Machu Picchu, Choqek’iraw semble avoir
été organisé en deux moitiés : du haut, hanan et
du bas, hurin.
Le site est dominé, au nord-ouest par le grand
massif du Yanacocha, aussi dénommé Corihuayrachina. Il est entouré par de nombreux glaciers
que les habitants des villages proches considèrent
souvent comme des lieux sacrés où résident les
âmes des ancêtres, les Apus.
Les récentes découvertes effectuées sur ce site au
cours des trois dernières années par Copesco
(Convention Pérou-Unesco), organisme chargé de
la valorisation du site – grâce notamment à un financement émanant du Fond Contre-Valeur :
Pérou-France – apportent un regard nouveau sur
son histoire précolombienne et ses possibles
fonctions.
ITE
La cité d’argent des Espagnols
Dès le XVIIIe siècle, certains chroniqueurs tels
Cosme Bueno (1768) ou Jose Oricain (1790) mentionnent Choqek’iraw comme une cité d’argent,
en raison de sa proximité avec d’anciennes mines
de ce métal précieux. Au XIXe siècle, le site apparaît, dans la littérature, comme étant le dernier
rempart des Incas réfugiés dans la cordillère de
Vilcabamba, localisée plus au nord de
Choqek’iraw.
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Vue générale du
site depuis l’ushnu.
On aperçoit au
fond, sur la droite,
au nord-est, le
massif du
Yanacocha ou
Corihuayrachina,
qui protège le site,
et sur la gauche, au
nord-ouest, celui
du Pumasillo.
En 2004, un nouveau projet archéologique français voyait le jour au Pérou, sur le site
inca de Choqek’iraw et Archéologia était la première revue à en révéler l’existence.
Aujourd’hui, la découverte de décorations murales exceptionnelles dans les Andes
et les nombreux travaux qui y ont été menés donnent une idée nouvelle sur le rôle
de ce site au cours de son histoire précolombienne. Par Patrice Lecoq.
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Toutefois, l’analyse récente des documents historiques contredit cette hypothèse et montre que
Choqek’iraw était déjà connu des conquérants espagnols, peu après la conquête du Pérou. Ainsi,
au XVIe siècle, Francisco Pizarro octroie à son
frère, Hernando, toute la région de Choqek’iraw,
qui est alors désigné comme Choquicarango ou
Chuquierrando, une déformation possible du nom
actuel de Choqek’iraw. Il est donc probable que ce
vocable soit le nom original du site, et peut-être
aussi celui de son ancêtre protecteur, car les villages préhispaniques étaient souvent fondés près
des divinités tutélaires, les huacas ou wakas, symbolisées par des montagnes, des sources, des
pierres, des cavernes ou des mines.
D’autres témoignages laissent penser que la région de Choqek’iraw aurait pu également être
l’une des propriétés personnelles de l’Inca
Pachacuti (1438-1471).
La richesse symbolique d’un nom
Dans la langue aymara, qui semble avoir été parlée dans une grande partie des Andes méridionales avant l’avènement de l’Empire inca et
l’adoption de la langue quechua, le terme Choqe
désigne l’or et tout ce qui s’y rattache. Le diction-
naire quechua de Holguin, daté de 1609, reprend
ce même sens et conserve les notions de brillant
et précieux. Quant au terme Quirao, il signifie berceau. Choqek’iraw pourrait donc se traduire
comme “le berceau de l’or”.
Cette allusion à l’or prend toutefois une connotation particulière dans cette région riche en mines,
que les Incas considéraient souvent comme sacrées, car liées aux divinités de l’Inframonde. Et
c’est encore l’or qu’évoque le nom de
Corihuayrachina, l’un des pics dominant
Choqek’iraw, car si le mot quechua cori désigne
effectivement l’or, Huayrachini est le nom donné
au four à vent employé pour fondre ce métal à
l’époque précolombienne. Divers objets en or et
en cuivre ont effectivement été retrouvés sur ce
site, conjointement avec des mortiers de pierre
utilisés dans l’orfèvrerie, mais aucun four n’a pu y
être décelé, et aucune mine n’y a été détectée.
Toutefois, la découverte, dans certains quartiers
de Choqek’iraw, d’une céramique noire, finement
polie, comparable à celle utilisée par les populations Chimu, du nord du Pérou, laisse penser que
des orfèvres artisans chimus auraient pu avoir résidé sur ce site. On sait, en effet, qu’après la capitulation du dernier prince chimu, Minchancaman,
LES DEUX MOITIÉS DE LA CITÉ
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La moitié du haut abrite divers monuments à l’architecture soignée, liés au culte, tels que des temples
et des fontaines, regroupés autour d’une place, ainsi
que des terrasses et des entrepôts pour ravitailler la
population, les armées ou entretenir l’élite locale. La
moitié du bas réunit plusieurs grands édifices organisés autour d’une vaste esplanade. Les plus notables sont les maisons à deux étages de la place
centrale et les imposantes bâtisses ou kallankas,
munies de portes et de niches de forme trapézoïdale, qui faisaient vraisemblablement office de temple
ou de hall de réunion lors des fêtes.
En haut. Vue panoramique du versant oriental
du site, indiquant la localisation des différents
secteurs et lieux de fouille.
Ci-contre. Plan général du site, montrant les
quartiers récemment restaurés et la
localisation des fouilles de la mission
française.
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en 1463, et l’occupation de sa capitale, Chan Chan,
par les Incas, ces derniers ont envoyé à Cuzco les
meilleures orfèvres de son royaume pour y
travailler.
Mais en dehors de ces quelques indices, rien ne
permet, pour le moment, d’assurer avec certitude
que Choqek’iraw était effectivement un site lié à
une quelconque activité minière. Cette appellation
pourrait tout aussi bien lui avoir été donnée en raison de la profusion de mica accumulé dans les
couches géologiques, dont les particules, dorées
et argentées, brillent de mille feux sous les rayons
du soleil couchant. Et la forme générale du cerro
Corihuayrachina-Yanacocha évoque aussi celle
d’un berceau d’où émerge ce pic. On retrouve toutefois dans l’éclat du mica, l’idée de l’or qui, chez
les Incas, avait une connotation hautement symbolique, puisqu’il était lié à la personne même du
Zapac Inca, l’empereur, comme incarnation de
l’astre du jour.
Un ushnu, ancien lieu de culte
Les fouilles entreprises par les archéologues de
Copesco, au sommet de la colline tronquée désignée comme l’ushnu, semblent montrer que
Choqek’iraw n’était pas qu’un simple lieu d’habi-
tat, mais pourrait avoir joué de multiples fonctions.
Elles ont, en effet, mis au jour des motifs en damiers, construits à l’aide de petites pierres, similaires à ceux que Bingham avait dégagés en 1911,
sans en comprendre le sens. Ces pierres sont alignées selon plusieurs axes, orientés vers certains
des principaux sommets environnant le site, tel le
Corihuayrachina-Yanacocha au nord-est, ou le
Pumasillo au nord-ouest. Mais doit-on pour autant
conférer à ces structures un rôle d’observatoire ?
Et qu’en est-il de l’ushnu ?
À l’origine, et en terme général, l’Ushnu était une
petite pierre en forme de dais, posée sur le sommet d’une plate-forme, sur laquelle on versait des
liquides sacrés. À l’époque inca, le terme ushnu
désignait une plateforme administrative et cérémonielle, sur laquelle les seigneurs incas présidaient aux festivités, passaient les armées en
revue, ou offraient des sacrifices aux dieux. Avec
le temps, le terme finit par désigner la structure
tout entière, et un élément récurrent de l’urbanisme inca.
Dans d’autres sites du Tawantinsuyu, où les ushnus ont été mieux étudiés, tels Wilcaswaman ou
Huanuco, l’ushnu était à la fois une plateforme
remplie de pierres, édifiée au sommet des
Vue de l’ushnu
depuis les terrasses
rituelles des
quartiers du haut.
Les niches visibles
dans ces terrasses,
la présence de
petites marches,
disposées en
quinconce, et les
grosses pierres,
similaires à des
huacas, inclues
dans leur
maçonnerie,
semblent leur
conférer un rôle
rituel. On aperçoit,
en contrebas,
la rivière de
Choqek’iraw et
la vallée de
l’Apurimac.
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Principaux
sommets visibles
depuis l’ushnu
et structures
en damier
récemment
fouillées. Relevé
réalisé par Nicolas
Drouard. Certains
des pics
mentionnés dans
cette illustration
ont souvent
plusieurs noms ;
d’autres sont peu
ou point visibles
depuis Choqek’iraw
en raison de leur
éloignement. Le
relevé est effectué
depuis le centre de
l’ushnu, et tient
compte de
l’orientation exacte
des différents
sommets en
fonction des points
cardinaux.
Les structures en
damier ont été
reproduites, à
l’échelle, à leur
emplacement
respectif sur
l’Ushnu.
montagnes élevées, mais aussi un lieu servant à
filtrer l’eau de pluie, et un accès symbolique à
l’Inframonde. Il pouvait être pourvu de puits, représentant symboliquement des lagunes ou
cocha, et parfois, de tout un système de drainage.
Il pouvait également s’agir, comme à Cuzco, d’un
centre cérémoniel d’où partaient les différentes
lignes astronomiques, ou ceques, servant à l’organisation spatiale de la cité en fonction des montagnes et autres lieux sacrés avoisinants.
Un tel rôle semble également avoir été dévolu à
l’ushnu de Choqek’iraw, où un petit canal de drainage permettait autrefois, d’alimenter la fontaine
placée près de la “Maison des prêtres”, sur le versant méridional de l’ushnu, alors qu’aucune source ne semble avoir été captée à cet endroit. Mais
dans ce cas, quelle en était donc sa fonction ?
Servait-il à drainer l’eau de pluie ou les liquides,
versés ou recueillis au sommet de l’ushnu, lors de
certaines cérémonies liées au culte de l’eau ?
Au cœur de la cité,
un observatoire astronomique
Par sa localisation particulière, au sommet d’un
éperon aplati, et dans un endroit totalement dégagé, l’ushnu de Choqek’iraw convient particulièrement bien à l’observation des montagnes environnantes ou de la voûte céleste. C’est en effet
au-dessus de l’ushnu, à quelque 10° plus au sud
qu’apparaît, au crépuscule, la constellation de la
Croix du Sud puis que se lèvent, à sa verticale, les
deux étoiles Alpha et Beta du Centaure. Pour les
bergers des Andes, ces deux étoiles ne sont
autres que les deux yeux d’un grand lama céleste, appelé Yacana, dont le corps n’est visible qu’à
la tombée de la nuit, au centre de la Voie lactée.
Considérée comme un fleuve sacré, la Voie lactée
est censée abriter divers animaux et personnages
mythiques, comme le lama avec son petit, menés
par un berger, mais aussi un serpent, un renard, et
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un crapaud. On y trouve également un félin aux
multiples couleurs, le Choqechinchay que certains
chroniqueurs ont confondu ou assimilé avec le
lama céleste. Les Pléiades ou collcas y sont aussi
visibles, mais considérées comme des entrepôts,
car elles apparaissent dans le ciel au moment des
moissons. Chaque personnage est formé par des
taches sombres de la Voie lactée, constituées par
des nuages de poussières interstellaires.
Ce zodiaque en “négatif” sert à déterminer les
dates clés de la vie paysanne, comme les semailles et les récoltes, ou encore à guider bergers
et caravaniers lors de leurs périples à travers la
montagne. Il y a donc tout lieu de penser qu’à
Choqek’iraw, où la Voie lactée surplombe le site
lors des mois de juillet et août, l’ushnu avait effectivement une fonction multiple, liée à l’observation des étoiles, au culte des montagnes, et à l’organisation symbolique de la cité et de toute cette
région. Une étude archéo-astronomique détaillée
Ci-dessus. À Choqek’iraw, de nombreux édifices sont orientés vers
les sommets culminants environnant le site. Les portes-fenêtres de la maison
des prêtres, édifiée sur le haut versant méridional du site, sont ainsi alignées
selon un axe nord-est/sud-ouest qui aboutit à l’emplacement du cerro Ampai,
localisé à l’extrémité sud de la vallée. Les niches placées du côté ouest
regardent vers les massifs du Huayna Ripa et du Choqesafra,
Ci-dessous. Schéma montrant les constellations noires de la Voie lactée et
les animaux qu’elles sont sensées incarner.
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LA SAUVEGARDE DES TERRASSES ORNÉES
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Pour préserver ces terrasses et en assurer la stabilité, les ouvriers de Copesco chargés de leur restauration ont démonté,
puis remonté, pierre par pierre, les murs de contention en palliant aux éventuelles irrégularités de terrain. Les pierres composant les différents motifs ont également fait l’objet d’un
traitement chimique, destiné à raviver leur couleur blanche et
à préserver les pigments des contraintes du climat.
La fouille de ce secteur a également livré des restes de coca et
d’autres plantes qui auraient pu y avoir été cultivées, masquant ainsi une partie des décors des lamas.
Mais il est peu probable que ces terrasses n’aient eu qu’un
rôle fonctionnel. Ainsi, dans la région du lac Titicaca, les
terrasses des îles du Soleil ou de la Lune étaient presque
intégralement consacrées à la culture d’une espèce de maïs
spécifique, utilisée pour fabriquer la chicha, la bière rituelle
que les Incas consommaient abondamment lors des grandes
cérémonies religieuses. Peut-être en état-il de même à
Choqek’iraw.
C’est aussi sur ces hauts versants occidentaux de
Choqek’iraw, qu’ont été découvertes, dissimulées au cœur de
la forêt tropicale humide, l’ancienne voie d’accès au site et la
porte qui permettait d’y pénétrer. En la franchissant, le visiteur apercevait donc, au détour du chemin, les grands panneaux emblématiques de Choqek’iraw. Cet accès est aujourd’hui impraticable en raison de l’effondrement d’une partie
du haut versant.
En haut. Décors muraux des versants occidentaux
de Choqek’iraw avant leur restauration
Ci-contre. Décors muraux des versants occidentaux
de Choqek’iraw avant leur restauration.
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Décors muraux
des versants occidentaux
de Choqek’iraw après leur
restauration.
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Détail des
mosaïques de lama
au coucher du
soleil. Les pierres
verticales utilisées
pour confectionner
les mosaïques de
lamas semblent
reproduire les fils
de trame d’un
grand textile. Ces
mosaïques, qui
représentent toute
une troupe de
lamas gravissant la
montagne et des
symboles
géométriques
similaires à ceux
des textiles andins,
sont les seules
décorations murales retrouvées
dans les Andes sur
un site inca. Elles
sont orientées vers
deux montagnes
sacrées où sont
censés résider les
ancêtres : les cerros
Sorani et Quitay et
surplombent le
cours occidental
du río Apurimac.
devrait permettre de préciser ces observations.
Cette organisation trouve également son écho
dans l’orientation des principaux monuments vers
certains des sommets environnant le site. Ainsi, le
canal de la moitié du haut et certaines niches du
temple du bas sont tournés vers la montagne éponyme, placée au nord, alors que d’autres regardent vers le pic du Yanacocha localisé au nord-est.
Les portes de la maison des prêtres sont orientées
au sud, vers l’Apu Ampai, alors que ses fenêtres
s’ouvrent vers le Huanan Ripa et le Choqetacarpo
au nord-ouest. Ce type d’organisation n’est pas
propre à Choqek’iraw, mais typique de nombreux
sites andins antérieurs ou contemporains aux
Incas, comme Machu Picchu.
Fantastiques terrasses
décorées de lamas
La découverte, en septembre 2004, par l’archéologue péruvien Cenovio Valencia, lors du nettoyage des hauts versants occidentaux du site, des
seules décorations murales de l’époque inca
connues dans les Andes, montre à nouveau le caractère exceptionnel de Choqek’iraw.
Il s’agit de vingt-sept mosaïques en pierre, haute de
1,30 m en moyenne, disposées sur dix-neuf terrasses
abruptes. L’ensemble constitue un grand panneau
mural qui n’est visible dans son intégralité que de
loin. Là encore, il fait face, à l’ouest, à deux sommets
: le Sorani et le Quitay, alors que la rivière Apurimac
coule en contrebas dans la même direction.
Les terrasses supérieures, proches de la place
centrale, arborent des symboles géométriques,
dont une ligne brisée et des damiers peints en
blanc. Les terrasses inférieures mettent en scène
tout un ensemble de lamas, de taille et d’attitudes
variées. On y trouve tout d’abord, dans les registres supérieurs, une série de lamas adultes accompagnés de leurs petits, organisés par groupe
de deux ou de trois.
Les registres inférieurs dévoilent une troupe de
vingt-trois lamas adultes agencés, là encore, par
groupe de trois et suivis d’un petit berger stylisé.
Ces animaux sont tous différents. Certains portent
des colliers, d’autres des charges ou diverses
décorations.
Chaque lama est formé par des dalles de schiste
blanchâtre, disposées verticalement ou horizontalement, de façon à en dessiner la tête, le corps et
les membres. Une incision en esquisse l’œil et la
bouche. La caravane ainsi constituée semble gravir le versant occidental de Choqek’iraw, depuis le
río Apurimac, le long de deux lignes obliques parallèles, orientées de droite à gauche et du sud au
nord, qui se dirigent vers l’enclos et le temple
principal, proche de la place centrale.
Des motifs textiles géants
reproduits sur les murs
Un rôle particulier semble avoir été dévolu à ces
terrasses, dont l’agencement des motifs reprend
les règles de conception de certains textiles.
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En effet, dans les Andes, les textiles avaient une
fonction allégorique importante. Symboles de
pouvoir et de statut social, ils étaient associés aux
différents cycles de la vie des hommes, lors des
rites religieux, des échanges et même après la
mort et constituaient un langage à part entière
que l’on commence lentement à déchiffrer.
En règle générale, un tissu est fabriqué à l’aide de
fils de chaîne et de trame qui forment un motif décoratif spécifique. La succession de ces motifs, souvent similaires, dans des orientations variées, le
long de bandes de même largeur accolées parallèlement, permet d’obtenir une scène donnée, souvent
allégorique, d’un thème mythique ou historique.
Tel est le cas à Choqek’iraw, où chaque terrasse apparaît comme une bande parallèle sur laquelle ont
été reproduits, placés les uns à côté des autres, les
motifs des lamas ou les signes géométriques,
alors que les dalles disposées verticalement évoquent les fils de trame d’un grand tissage. Là
encore, ces motifs semblent appartenir au registre
textile. Ils ressemblent aux tocapus incas, ces compositions de forme rectangulaire, formées de motifs géométriques disposés en de longues files qui,
lorsqu’ils étaient placés sur les vêtements des
nobles, servaient à identifier leur rang et leur lignage. Ainsi, les lignes ondulées ou en zigzag pourraient faire allusion aux chemins serpentant dans
la montagne, empruntés par les bergers avec leurs
caravanes. Elles évoquent également les méandres des fleuves et, par analogie, l’eau et les
ondulations d’un serpent. C’est aussi en zigzaguant que dansaient les participants aux taquis,
ces grandes processions solennelles qui se déroulaient au Cuzco lors des fêtes, au rythme des flûtes
et des tambours. Quant aux damiers, dans les tissages de région Q’ero de Cuzco, ils représentent le
soleil dont il existe quatre variantes, correspondant chacune aux différents moments de la journée : matin, midi, et soir. La dernière, représentant
le soleil nocturne, est purement conceptuelle et associée à l’eau. On retrouve dans ces motifs les
mêmes thèmes que ceux abordés précédemment.
Par sa composition, ce panneau décoratif ressemble également aux grandes scènes murales
qui ornaient autrefois les façades des temples de
certaines cultures côtières, antérieures aux Incas,
comme les Moche ou les Chimus, dont le contenu
pictural s’inspirait vraisemblablement de légendes et autres mythes fondateurs, ce qui pourrait être le cas de Choqek’iraw.
Ainsi, la présence de ces grands lamas et leur
orientation vers l’ouest paraît renvoyer au mythe
du Yacana, décrit dans le manuscrit anonyme quechua du XVIIe siècle, Rites et traditions de
Huarochiri, recueilli par le prêtre espagnol
Francisco de Avila. Dans ce mythe, le grand lama
céleste est associé à l’eau et à la fertilité des camélidés, mais il porte également l’âme des ancêtres
vers l’Inframonde et l’océan Pacifique que l’homme andin considérait comme une mer primordiale, source de toutes les eaux.
Vue générale de la
fouille d’une
structure d’habitat
du secteur 9.
Depuis le début des
fouilles de la
mission française,
en 2004, quelque
15 étudiants y ont
participé. Ils
appartiennent à
des universités
aussi bien
françaises (Paris I
et Paris IV) que
péruviennes (San
Antonio Abad de
Cusco et San
Cristobal de
Huamanga
d’Ayacucho) ce qui
montre les liens
étroits qui ont été
tissés entre les
deux pays.
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D’INNOMBRABLES SECTEURS PÉRIPHÉRIQUES
D’autres secteurs périphériques abritent des ensembles résidentiels ou artisanaux, composés de structures diverses, de plan rectangulaire et circulaire, accessibles à l’aide de ruelles étroites et d’escaliers.
D’innombrables terrasses, de dimensions variables, alimentées par tout un réseau de canaux, s’étagent également sur les versants
orientaux et occidentaux du site. Certaines servaient probablement à cultiver les denrées, comme le maïs, indispensables à la population, et peut-être aussi la coca, la plante sacrée que les seigneurs incas se devaient d’offrir à leurs sujets, lors des grandes cérémonies, pour attester leur puissance. D’autres avaient vraisemblablement un rôle plutôt rituel, sur lequel nous reviendrons.
Vues de détail d’une structure inca de type Kallanka avant la fouille, dans son état original, en 2004 et après la fouille et sa
restauration, en juillet 2006. Ce type d’édifice était vraisemblablement destiné à réunir la population lors des fêtes et autres
cérémonies liées au calendrier agricole.
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Ancienneté et fonction du site
La plupart des bâtiments et autres infrastructures
caractéristiques de la culture inca sont regroupés
au cœur de Choqek’iraw. Les quartiers d’habitats
ou ceux réservés aux activités artisanales sont
disséminés tout autour, dans des secteurs souvent dissimulés sous la végétation tropicale. Leur
étude permet toutefois de retracer l’histoire du
site et de mieux connaître les us et coutumes de
ses habitants.
L’un des plus étendus, le secteur n° 9, est localisé
sur le haut versant oriental du site. Il recèle de
nombreuses structures, de plan rectangulaire et
de dimensions variables, attribuables aux Incas et
cinq ou six édifices de plan circulaire, peut-être
plus anciens, construits sur un ensemble de terrasses exiguës, sans réelle planification.
Trois structures de plan circulaire y ont été relevées et fouillées par le projet archéologique français, grâce à un financement du ministère des
Affaires étrangères. La mieux préservée, la 9, est
une bâtisse de plan ellipsoïdal, d’environ 6 m de
diamètre, orientée vers le sud-ouest, avec des
murs à double parement de 60 cm d’épaisseur en
pierre mal équarrie et partiellement éboulés. Le
sol, de terre battue, est placé un peu plus bas que
le sol extérieur. Il a fourni un matériel essentiellement domestique, composé de fragments de céramique utilitaire, de mains de mortier, et de
restes culinaires (os et mandibules de lama et de
cochon d’Inde), caractéristique d’une structure
d’habitat rural. On accédait à l’intérieur de l’édifice par une porte basse, large d’un mètre, placée
au sud-ouest, que les habitants ont essayé de
calfeutrer en construisant, dans son embrasure,
un petit mur. Une couverture de chaume, reposant sur une armature de branchages, devait protéger le logis des intempéries, fréquentes dans la
région.
Les six structures recensées présentent toutes les
mêmes caractéristiques. Elles formaient probablement un petit hameau, occupé par une population
rurale, porteuse d’une tradition céramique de
En haut. Détail de la fouille d’une tombe en ciste,
localisée près de la place centrale de Choqek’iraw.
Plusieurs zones d’inhumations tardives ont été
retrouvées à Choqek’iraw. Celles localisées à
l’extrémité méridionale des grandes terrasses du
secteur IV présentaient un mélange d’inhumations
en cistes, peut-être antérieures aux Incas, et de tombes
secondaires, apparemment creusées à la va-vite, sans
véritable contexte.
Ci-contre. Fusaïole et aiguille d’os ou tupos, retrouvées
lors de la fouille de la structure 17. Ces tupos servaient
généralement à agrafer les châles et autres vêtements
que portaient les femmes. Il est probable que le tupo
en forme de jaguar avait un rôle rituel. En effet, chez
les Incas, le jaguar était un animal sacré, souvent lié
aux basses terres amazoniennes où il vivait, mais aussi
aux mines.
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Détail de la
restauration des
terrasses
du secteur 11.
Pour les restaurer,
et assurer la
stabilité des murs
contention, les
ouvriers de
Copesco doivent
les démonter, puis
les remonter,
pierre par pierre.
Page de droite.
Vues générales
des terrasses
du secteur 11.
La restauration
de ce secteur en
2005, met en
valeur la
complexité des
systèmes de
terrassement
utilisés par les
Incas.
style Killke, datée du XIIe ou XIIIe siècle, antérieure
aux Incas. Un autre style local, encore mal connu,
pourrait être attribué à un groupe ethnique originaire de la partie septentrionale de la vallée de
l’Apurimac, peut-être affilié aux Chancas qui occupaient alors les régions proches de la ville actuelle d’Andahuayllas, au sud de Choqek’iraw.
Les structures de plan rectangulaire seraient un
peu plus tardives, attribuables à des groupes locaux liés aux Incas. Certaines d’entre elles ont
livré de nombreux vestiges de fusaïoles, utilisées
pour filer la laine, ce qui laisse penser qu’il pourrait s’agir d’ateliers de tissage. D’autres ont révélé la présence de gros mortiers, révélatrices d’activités métallurgiques ; ils auraient servi à broyer
le minerai.
Des maisons réutilisées
comme tombes
Un autre secteur d’habitat occupe également les
hauts versants orientaux et abrupts de Choqek’iraw,
à l’extrémité septentrionale de la place centrale.
Plusieurs structures de plan rectangulaire et circulaire, de nombreuses terrasses et des structures
d’inhumation sous abris rocheux y ont été relevées.
La fouille d’une structure de plan circulaire, de 7 m
de diamètre, orientée vers l’ouest et assez similaire à celles du secteur 9, apporte de nombreuses
précisions sur les mœurs de ses habitants. Les niveaux supérieurs, localisés entre 10 et 15 cm du
sol d’abandon, ont fourni des centaines de fragments céramiques et d’ossements de lamas, mais
aussi de cochon d’Inde et d’oiseaux (perroquets),
ainsi que quelques coquillages marins et des vestiges de charbon de bois. Une petite épingle en os,
en forme de jaguar et les restes d’une hache en
cuivre fortement érodée y ont également été prélevés. L’étude ultérieure de ce matériel a montré
qu’il s’agissait vraisemblablement d’offrandes diverses, liées au culte des ancêtres. Plusieurs
grandes jarres, de type aryballe, caractéristiques
de la période inca, ont également été recueillies
dans les niveaux inférieurs, entre 25 et 30 cm du
sol d’abandon.
Un peu plus en profondeur, la fouille permit de dégager deux petites niches de pierres placées l’une
à côté de l’autre, à près d’un mètre de distance,
dans l’extrémité orientale de la structure. La première était constituée de dalles disposées verticalement autour d’un vase de tradition inca qui renfermait des restes de mica, à des fins
vraisemblablement rituelles. L’ensemble formait
une sorte de rosace scellée par deux petites dalles
de grès. La seconde niche, orientée vers le nordouest, était faite à l’aide de trois grandes dalles
profondément fichées en terre. Là encore, elle
était scellée par une dalle plate en ardoise.
Le démontage, puis la fouille de cette structure
laissèrent apparaître la tête, puis le corps complet
d’un squelette en mauvais état de conservation,
associé à un récipient céramique miniature, une
petite aiguille en cuivre (tupo) et des vestiges de
textiles. Cet individu jeune, âgé de 15 à 25 ans, et
apparemment de sexe féminin, était placé au
centre de la maison, sur le niveau stérile, à près
d’un mètre de profondeur. Sa tête était orientée
vers l’est et les massifs du Yanacocha, et plus
symboliquement du Salkantay, que les habitants
de la région considèrent comme une importante
divinité, liée à la constellation du lama.
Il s’agit d’un enterrement primaire, accompagné
d’offrandes effectuées après l’abandon de la maison, entre 1440–1460 apr. J.-C. d’après la datation
C14 des cendres prélevées parmi ces vestiges.
Ces opérations ont, en effet, entraîné la destruction totale des sols d’occupation domestique.
Postérieurement, et au fil du temps, les occupants
des maisons adjacentes ont probablement cherché à s’octroyer la protection des ancêtres en leur
offrant, lors de certaines fêtes du calendrier agricole, des sacrifices de lamas et autres objets rituels, comme c’est encore le cas aujourd’hui dans
bien des régions des Andes.
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Deux autres structures, fouillées au cours de l’année 2006, révèlent une occupation similaire, et essentiellement domestique, avec une forte érosion
des sols. Leur étude précise donc les données recueillies les années précédentes sur l’histoire du
site et la nature de son occupation ethnique.
Deux grandes traditions céramiques
Ci-dessus. À Choqek’iraw, de nombreux édifices sont orientés vers les
sommets culminants environnant le site. Les portes-fenêtres du temple
du haut sont ainsi alignées vers le glacier de l’Ampay, localisé au
sud-ouest de la vallée.
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Ci-dessous. Dans la plupart des sites incas, l’architecture des édifices
s’intègre parfaitement dans le paysage environnant. Ainsi, la toiture
des trois grandes bâtisses de la place centrale reprend la même
inclinaison que celle des versants du cerro Corihuayrachina-Yanacocha
qui domine le site.
Le matériel céramique recueilli dans les différents
secteurs de Choqek’iraw correspond à deux
grandes traditions, plus ou moins locales : Killke
datée de la période Intermédiaire Récente
(± 1000 à 1500 apr. J.-C.) et Inca, de 1400 jusqu’à
l’occupation coloniale.
Le style killke se reconnaît surtout aux motifs en
forme de damiers, ou aux lignes croisées ou ondulées, peintes en noir ou en rouge sur la surface engobée de couleur crème ; le style inca par des motifs géométriques peints sur un fond souvent
engobé de couleur rouge carmin. Ils partagent
plus ou moins les mêmes formes : plats, assiettes,
écuelles, souvent zoomorphes, marmites, jarres et
jarres à pied. D’autres pièces, plus rares, pourraient dater de l’Horizon Moyen (500-1000 apr. J.C.), ou être associées à d’autres groupes ethniques, originaires du piémont amazonien et de la
région d’Ayacucho, au nord et au nord-ouest. La
présence de céramique killke issue de la vallée de
Cuzco, ou de matériel provenant d’autres régions
plus éloignées, montre néanmoins l’existence de
tout un réseau d’échanges dont Choqek’iraw serait
l’un des principaux maillons. Sa position privilégiée, à la lisière du piémont amazonien et sur la
route menant vers le nord-ouest et les vallées
d’Ayacucho et son caractère cérémoniel exceptionnel justifient certainement un tel rôle.
Au cœur de l’histoire
des royaumes précolombiens
L’étude des vestiges architecturaux et du matériel
céramique, ainsi que la datation C14, permettent
d’esquisser ce qu’a pu être l’histoire de Choqek’iraw
au cours des périodes précolombiennes.
Certains indices suggèrent un début d’occupation
régionale dès le VIIIe ou IXe siècle (peut-être même
avant ?), lié à l’expansion de la culture Wari, dans
cette partie des Andes.
Toutefois, la plupart des édifices circulaires pourraient avoir été construits au XIIe ou XIIIe siècle par
des populations locales rattachées à celles des
vallées d’Ayacucho et du río Pampas, et peut-être
affiliées aux groupes ethniques composant la
grande fédération Chanca, longtemps opposée
aux Incas. Leur implantation, dans des secteurs
élevés, difficilement accessibles, offrant une large
vision sur toute la région, est typique des villages
de cette période troublée et conflictuelle de l’histoire andine qui suit l’effondrement des États Wari
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CHOQEK’IRAW La merveille inca des Andes
et Tiwanaku. C’est de la fin de cette époque que
pourraient dater les structures de plan rectangulaire éparpillées à travers tout le site.
Après leur victoire sur les Chancas au XVe siècle et
l’avènement, à Cuzco, de l’Inca Pachacutec, les
Incas occupent probablement toute la vallée de
l’Apurimac et les anciens établissements régionaux
qu’ils transforment en autant de forteresses et bastions d’altitude destinés à verrouiller les chemins
d’accès aux basses terres du piémont amazonien.
Dès lors, le site de Choqek’iraw, et plus particulièrement les secteurs centraux, subissent de profondes
modifications. Les Incas, après l’avoir divisé en
deux moitiés, y construisent la plupart des édifices
emblématiques de leur pouvoir ainsi que les mosaïques de lamas qui ont été découvertes.
L’implantation de colons agriculteurs, potiers ou
orfèvres, originaires des différentes parties de
l’Empire du Tawantinsuyu permet, par ailleurs,
d’assurer la bonne gestion du site et son développement. Ainsi pourrait s’expliquer la présence, à
Choqek’iraw, des différents types d’habitat et des
nombreux styles céramiques qui y ont été recensés. Plusieurs archéologues de Copesco pensent
d’ailleurs que les corniches visibles dans la maçonnerie de plusieurs bâtiments ou les techniques
utilisées pour la construction des mosaïques de
lamas
seraient
l’œuvre
de
populations
Chachapoyas, originaires de la région d’Abiseo,
dans le nord du Pérou. Cette hypothèse reste toutefois difficile à étayer, même si certains témoignages ethnohistoriques signalent, en effet, la
présence tardive, dans la région de Choqek’iraw,
de quelques familles de colons Chachapoyas.
Choqek’iraw : un site
principalement cérémoniel ?
Nombreux sont les indices attestant du caractère
exceptionnel et cérémoniel de Choqek’iraw.
Le regroupement des principaux édifices au cœur
de la cité, leur orientation particulière vers les massifs régionaux, la place spécifique accordée à l’ushnu, et la construction des terrasses décorées montrent que Choqek’iraw n’était vraisemblablement
pas qu’une simple cité régionale, ni un centre de
production agricole ou minière. L’étroitesse des
voies menant aux différentes places et la présence
de portes entravant la circulation des habitants vers
le cœur de la cité indiquent que les architectes
incas ont cherché à en restreindre l’accès.
Comme Machu Picchu, Choqek’iraw était probablement l’une de ces cités régionales, à la fois lieu
de culte dédié à une idole ou huaca locale, forteresse et centre administratif typique de la société
andine, qui prenait vie lors des grandes fêtes du
calendrier agricole. Le reste du temps, la population se réduisait vraisemblablement aux prêtres,
chargés des temples et des observations astronomiques, à quelques caciques locaux plus ou
moins affiliés à l’Inca, et aux familles de paysans
ou d’artisans attachés à leur alimentation et à leur
bien-être, soit quelque 500 à 600 personnes.
En effet, hormis les quelques structures d’habitat
fouillées, qui semblent être antérieures à l’occupation inca mais réutilisées par la suite, on ignore la
nature des différents édifices qui ont été édifiés
dans le centre urbain. S’agissait-il d’ateliers, comme
le proposent certains archéologues de Copesco à
partir des vestiges qu’ils y ont découverts ? Il est
probable que le gros de la population résidait dans
les quartiers périphériques, en marge des secteurs
d’activité artisanale, dans des structures faites de
matériaux périssables, comparables à celles des
agriculteurs d’aujourd’hui, dont on ne retrouve pas
forcément de traces. C’est également des villages
voisins et des communautés pastorales des hauts
plateaux de Yanama que devaient venir les caravanes de lamas nécessaires à l’approvisionnement
de la cité et de ses quelques habitants.
L’absence de cimetières tend à renforcer cette hypothèse. Les quelques tombes recensées sont des
cistes ou des inhumations sous abris rocheux,
souvent tardives, dispersées dans les différents
secteurs de Choqek’iraw. Mais la plupart semblent
dater d’une époque où le site a perdu son importance rituelle et les populations locales se le sont
réapproprié. Lorsque les Espagnols arrivent enfin
dans les environs de Choqek’iraw, il est probable
que cet ancien centre cérémoniel n’est plus occupé que par quelques familles de paysans, contredisant ainsi la légende selon laquelle il aurait été
l’un des bastions de résistance des derniers Incas
réfugiés dans la cordillère de Vilcabamba.
Les recherches ultérieures qui seront entreprises
sur ce site par les archéologues péruviens devraient venir compléter cette vision de l’histoire
du site. Patrice Lecoq
Photos © P. Lecoq
L’auteur tient à remercier tout le personnel de l’Institut national de la Culture
péruvien, (INC), COPESCO, les différents codirecteurs péruviens : Homar
Gllegos, Yves Bejar, et Cirilo Vivanco Pomacanchari, ses assistants :
T. Saintenoy et E. Duffait, ainsi que les étudiants de Paris I et Paris IV qui ont
rendu ce projet réalisable.
POUR EN SAVOIR PLUS
411. Archéologia. “Choqek’iraw, un nouveau Machu Picchu ?“, par P. Lecoq. 6 €.
262. Dossiers d’Archéologie. Tiahuanacu, une civilisation des Andes. 9,50 €.
Pour obtenir les revues ci-dessus, veuillez vous reporter à la p. 45.
DUFFAIT E., 2005, “Choquequirao en el siglo XVI : etnohistoria e implicaciones
arqueológicas”, in Bulletin de l’Institut français d’Études andines, 34 (2), Lima (Non
disponible).
- 18 - D’ALTROY T.N., 2002, The Incas, Blacwell Publishing, Miami. 44 € (33414).
- 19 - LAVALLEE D., LUMBRERAS L., 1985, Les Andes de la Préhistoire aux Incas,
Gallimard, Paris. 95 € (26981).
- 20 - MÉTRAUX A., 1983, Les Incas, Point, Paris, 7,50 € (33415).
URTON G., 1981, At the Crossroads of the Earth and the Sky : An Andean
Cosmology, University of Texas Press, Austin (Épuisé).
Pour obtenir les ouvrages référencés ci-dessus, veuillez utiliser le bon de
commande de la Librairie Archéologique (p. 74) sur lequel vous indiquerez
le numéro correspondant au livre souhaité.
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