.± L'ODYSSÉE D'UN AMH.VSSADKUR LES VOY\GES \{im m mmni (1670-1680) PAR ALBERT VANDAL UE LACAnEHIE FRANÇAISE Avec quatre hélioyr a v\ires Ueuxii-mf éiiilion PARIS LIBRAIRIE PLON PLON NOURRIT et C", IMPRIMKURS-ÉDITKUliS 8, RUE GARAXCIKRE 1900 *RBOR Presented to the l^^RARY ofthe UNIVERSITYOF TORONTO by MRS. KATHARINE R. ROUILLARD LES VOYAGES DU MAIIOUIS DE .\OI\TEL L'auteur et les éditeurs déclarent réserver leurs droits de reproduction et de traduction en France et dans tous les pays étrangers, y compris et la Norvège. Ce volume a été déposé au ministère de l'Intérieur (section de en lévrier 1900. PARIS. — TVP0GR.\PH1E PLON-NOLBRIT ET C'>'. RLE la Suéde la librairie) 0.\RA.NCIÈRE, 8. — Hl. L'ODYSSEE D'UX AXCRASSADEUR LES VOY\GES DU MARQUIS DE NOINTEL (1670-1080) PAR ALBERT VANDAL DE L ACAIiEMiE FRANÇAISE Avec qu-atre Kéliogra viares Deuxième édition PARIS LIBRAIRIE PLON PLON-NOURRIT et C", IMPRIMEURS-ÉDITEURS 10, RUE GAUAXCIÈRE 1900 INTRODUCTION La mission du marquis de Noinlel aux pays d'Orient, de IGTtl à 1679, fut une splcndidc aventure (jui frappa vivement Timagi- nation des contemporains; de toutes nos ambassades en Turquie, c'est l'une des plus importantes et à coup sûr la plus pittoresque. Nointel parut à Constantinoplc lors de la seule crise vraiment grave qu'aient eu à subir depuis François ["jusqu'à nos relations avec la Porte. Vers Roi et le sultan, ces amis de leurs g-ouvernements, il grand milieu du XVII' siècle, vieille date, vivaient brouillés intraitables, formalistes, conilit des turbans et des trafic oriental nence ensuite, et ce spectacle la entre : somptueux ; Nointel refit le pacte permit à Colbert et à ses successeurs de rendre à notre de persévérants le perruques. Aidé par les circonstances plus que par son génie, commercial, ce qui Révolution y avait parité de torts et surtout lutte de deux orgueils également c'était le le la cil'orts sa prospérité d'abord, sa préémi- d'hommes d'État réussissant par à renouveler Icxpansion économique de France, à reconquérir un immense marché, n'est pas sans mériter actuellement notre attention. De plus, les négociations de Nointel et les résultats qu'il obtint éclairent d'un vif lorigine de jour assez notre protectorat religieux en Orient, sa base légale. Enfin, l'ambassadeur fut mêlé aux curieuses tentatives de Colbert pour déplacer la route des Indes, pour ser par la mer Rouge, Suez, ces parages lœuvre initiatrice l'Kgyptc, et pour de la France. la faire repas- commencer en INTIiODICTION VIII Là acstpas pourtant l'inlûrùt principal delà mission. Ambas- sadeur magnifique, Ihéàtral, dissipateur, Nointel fut encore plus un esprit, l)el un artiste, un cliercheur d'antiquités, un voyageur par vocation, possédé d'un insatiable naître. di'sir de voir et de con- La curiosité, une curiosité universelle, obsédante, elirénée, dominant de son caractère, sa passion maftresse. voilà le trait lui sacrifia tout, son repos, sa fortune, jusqu'à la Il faveur du Roi, ce premier bien dun gentilhomme de son d'ambassade, en passa près de cinq à voyager, par devoir ou par plaisir il il fit si.x : fois trajet entre \v. temps. Sur neuf années Constantinople et Andri- nople, délaissa ensuite son poste diplomatique pour courir l'Archipel, la Syrie, la Palestine, revint par Athènes, dernier Européen admis à bien \oir où il fut le Parthénon, avant que ce le ehef-d iruvre de l'antiquité se fût à moitié écroulé sous une l)ombe \énitienne. Dans de place que séjours. la ses rapports, les alfaires ne tiennent pas plus narration de ses voyages et que le tableau de ses Par une exception rare, c'est un ambassadeur qui raconte ce qu'il voit, tout ce qu'il voit, sans rien omettre. sans cesse renouvelés auxquels il de caractère, jusipi'aux moindres lui scrupuleusement notés, utile entre toutes à qui XVIP siècle. A lire ses récits, Les spectacles assiste, les traits (b'Iails de mœurs et de costume, sont par et son énorme correspondance est veut se donner la vision de l'Orient au un monde entier s'évoque, éblouissant de lumière, bariolé, tumultueux, sanguinaire, désordonné, baroque, un inonde de rêve, tement nom, et il laisse tour à tour une impression d'enciian- de cauchemar. AccMé de bassesses et de cruautés sans la féerie l'originalité et ([ui de l'ancien Islam se déploie, avec la profusion et de ses ornements, son éclat cru, ses pompes inouïes, semble au premier abord que l'on humanité fabuleuse ou soit en présence d'une tlisparue, dont rien n'a survécu. Cepen- dant, sous cette luxuriance de tons et de formes, aujourd'hui INTRODUCTION atténuée, il ix est facile de retrouver des lignes d'ensemble qui n'ont pas changé, des traits qui expliquent la Turquie moderne et les clirétienlés levantines un fond : d'état social permanent, indes- tructible, et l'inniiobile Orient. Par sa fai;on de voir cl de sentir, pur sa manière d écrire, Nointel se rattache aux genres divers qui avaient fleuri ou sévi dans la première moitié de son aufeui's classiques, qui de son Les grands maîtres, temps épuraient s'inspire de leurs devanciers il attardés, les goût le paraissent n'avoir exercé sur plinaient les lettres, inllueiice: siècle. romanesques et les exagérés. les et disci- aucune lui ou de leurs rivaux Même il tient par certains côtés à ces fantaisistes qui furent sous Louis XIII des libertins de lettres (1). Il y a naLurellement en lui quelque chose d'exubi'rant et de touffu, une sève bouillonnante et trouble, une ardeur à décrire, le sens du pittoresque avec un certain penchant au burlesque, par-dessus tout locale, si rares à le goût et la passion de la couleur son époque. Les grands tableaux ijuil trace de verve sont surchargés de teintes violentes, mal composes, mais débordants de vie, fourmillants de détails pris surle vif et d'épisodes typiques; sa franchise et sa crudité d'expression ne recu- aucune lent de\ant pourvu particularité, fùt-elle basse et répugnante, qu'elle serve à faire revivre un persoimage ou une scène. Par un contraste bizarre, cet observateur d un emphatique et d un jirécieux. les salons, les groupes, les coteries la subtiHté littéraire, \ réaliste est doublé Paris, où se conservait italienne et de l'enflure espagnole, dont Despréaux et il fréquentait le culte de de l'exotisme Molière n'avaient pas encore pleinement justice. La société précieuse, après avoir eu le fait grand mérite de civiliser et de polir la langue, s'abandonnait alors au (t) voyez Sur les Théophile de notamment tesques. le Viaii, charmant les Saint-Amant, les Gvraiio et autres, volume de Th. Gautier les Gro- et curieux : X INTHODICTION maniérisme à outrance et allait liiiir emprunte ses travers Dès d'esprit les dans le ridicule: Noinlel lui moins excusables. veut bien écrire et soigne ses rapports, un mauvais qu'il goût exorbitant, grandiose, s'épanouit sous sa plume, avec des contournemenls dépensée bles II et des boursouflures de style iucrova- joint à cela un étalage d'érudition, des citations à tout propos, des rt'niiniscences classitjucs stupéfiantes inventions : qui se mêlent aux plus un pédanlisme truculent. Ses méta- phores, ses hardiesses, eussent ravi d'aise les victimes de Boileau. role Il fait parler les abstractions, prête le sentiment et la pa- aux animaux, aux forces de la nature, aux objets inanimés; certaines phrases de ses lettres au Roi, au secrétaire d'État, rappellent les vers célèbres de Tliéopliilc Ah! voici ee poignard, qui S'est souillé l;icheiiient; ou le Les poissons ébahis et rien n'est singulier de dans Notre <ju'il homme il le loin le goût, la les comme : regardent passer (1), cette invasion du gongorisme et le style diplouiati(jue. ne se bornait pas à décrire put ramasser en conques, du sang de son maître en rougit, le Irailro! fameux de Saint-Amant vers non moins la préciosité il : fait la fureur chassait sous ses formes déclamer. (Juoi de débris anciens et de raretés (piel- Nul n"a poussé plus collectionnait avidement. manie, et à du bibelot. Il l'aimait etle pour- infiniment variées, depuis les plus exquises jusqu'aux plus grossières. Epris de tout ce qui était beau, amusant ou simplement étrange, marbres, les tableaux, les armes de il adorait les statues, les prix, les pierres gravées, les médailles, les vieux livres, les fines enluminures, et aussi les (1) Osons rapprocher de i-es chers-dVpuvrc de mauvais goût étrangement vanté de Uacine, dans le récit de 'l'héramènc : Le flot qui l'apporta recule épouvanté. le veis si I.NTIiODICTION ilo iMiiiliquo ilc brocanteur, les animaux empaillés — les antiquités et vieilleries informes, les foiuls herbiers poudreux et les les antiquailles. rile, XI Sa friandise d'objets curieux était naïve, dépourvue de discernement; mais moins, en matière d'art, le don de découverte choses; plusieurs des morceaux nelle valeur : ([u'il restés h la France, il n'en avait pas et le llair des belles rapporta sont ils souvent pué- d'exi'e]ili()n- nous constituèrent en ce genre un premier trésor. Ses explorations, ses captures, répondaient d'ailleurs à un goût croissant du siècle. Dès lors, la fortement les esprits. L'empire de magie de l'Urienl Mahomet restait attirait pour nous un monde ennemi, encore redoutable, un peu diabolique, de sortilèges, mais entouré du prcsiiuc de l'inconnu et de cessible; on le maudissait, lors même bonnes grâces; mais on s'étonnait devant décor, devant ses mœurs, qui nous plein l'inac- qu'on recherchait ses la magnificence de son restaient profondément incompréhensibles. Puis, sous hi conquête musulmane, les vestiges grecs et romains se laissaient entrevoir étaient là, ces reliques (|uc le : on savait culte persistant des anciens et les progrès de l'érudition nous rendaient plus chères les mieux ([u'elles connaître, à s'en rapjirocher, et ; on aspirait à autant que possible à en ravir une partie. Si lOrient apparaissait comme le pays des potentats fantasques et des pauvres captifs dolents, des esclaves à délivrer, des tyrans à pourfendre, des corsaires, des eidève- ments, des brillantes estocades, des aventures de terre mer, il était aussi celui à ce double nesque titre, et classique il de et des belles ruines et des modèles à étudier; passionnait l'imagination à la fois roma- de l'époque. Ainsi, la cour et le public prenaient plaisir, pendant toute imc saison, aux excentricités d'un Turc dépaysé parmi nous ; le théâtre, fidèle poursuivant de l'actualité, se les appropriait et en faisait son bien; mais le départ de nos ambassadeurs donnait IMKODUCTION XII essor à île communication artistique et scientifique avec le Levant. ciers et poètes se renseignaient par du moyen de plus hautes curiosités: c'était notre grand eux sur les Roman- drames intimes Sérail et y cherchaient îles sujets d'une affriolante nouveauté. De graves penseurs sur l'état et les les interrogeaient sur les églises orientales, croyances de cette chrétienté captive. Colhert, âpre collectionneur, leur donnait commission d'acheter pour son compte des médailles, des camées, des manuscrits, incitait à « orner notre France des dépouilles de l'Orient et les » (1). Sur leurs pas. lettrés, érudits, peintres s'aventuraient: protection, accédaient aux ruines, dessinaient les monuments, ils recueillaient des récits mains dans le trésor et des sous leur puisaient à pleines traditions, des légendes arabes ou persanes, et les tra- vaux, les succès de ces investigateurs propageaient chez nous le goût de rorientalismc sous toutes ses formes. A cette époque, chaque ambassade en Orient, chaque mission qui en vient, laisse sa trace profolide ou légère, grave ou plaisante, dans notre histoire littéraire Ce artistiques de la France. fut, ou dans celle des conquêtes dit-on, en écoutant les récits d'un prédécesseur de Nointel, M. de Cézy, que Racine conçut l'idée première de son Bajazet. La venue parmi nous de lénig- matiquc Suleiman-aga, qui donna lieu à lenvoi de Nointel, introduisit une cérémonie turque dans ronnrc de 3Iolière. Enfin, l'amliassade de Nointel lui-même, grande expédition politique doublée d'un roman d'aventures, nous valut, avec lement des Capitulations, qui ont commencé manuscrits dont orientaux Lellre du 10 du Parthénon, le renouvel- les marbres notre collection d'antiques, le plus rare des nationale, et les Mille {[) les dessins et novembre s'enorgueillit notre Bibliothèque une Nuits. lOTi. Arcliives des Affaires étranséres. LODYSSEE D'UN AMBASSADEUR LES VOYAGES DU MAROIIS DE NOINTEL CHAPITRE PRELIMINAIRE LOUIS XIV ET L'OKIEiNT I Les dix premières années du règne personnel de Louis XIV virent se marquer à politique orientale. l'état 11 y aigu le désaccord de notre ancienne avait en elle choc de deux tendances opposées, contradiction et dispute. Par honneur, par scrupule religieux, par ostentation, nos rois ne renoneaient jamais plètement à se poser en défenseurs de la chrétienté contre lam; par intérêt, eux-mêmes Au . et leurs sujets liraient bénéfice. la politique égoïste la politique d'idéal et principe. Franrois I' et Henri man contre l'Is- cultivaient avec la Porte des relations dont seizième siècle, emporté sur le ils com- la maison d'Anlriche, sessions et pesait sur l'Europe : et II avaient (jui lié partie avec Soli- nous enlaçait de ses pos- ce pacte avait valu à la France, avec d'utiles diversions en Allemagne et dans une situation hors de pair en Orient, du commerce en ces contrées pratique l'avait de sentiment, Texpédienl sur le la Méditerranée, monopole presque absolu et la faculté d'y montrer seule son pavillon, à côté de ^'enise en décadence. Cent ans apri'S. si le LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 2 nom et le souvenir de l'ancienne amitié subsistaient, si on les invoquait encore^ la réalité ne répondait plus à ces apparences. Nos droits étaient méconnus les Capitulations, c'est-à-dire les ; actes plusieurs fois renouvelés par lesquels les sultans avaient dans leur empire fixé l'état et les privilèges de nos nationaux, semblaient périmées des concurrents récemment introduits dans ; les Echelles, les Anglais et les Hollandais, y trafi(|uaient à de meil- leures conditions (|ue nous, les produits im])ortés par eux ne payant aux douanes turques que trois pour cent du cinq pour cent imposé aux nôtres, lieu tle leur valeur, au et notre commerce passait au troisième rang. Notre influence avait reculé en Orient à mesure qu'elle s'étendait en Europe, et Louis XIV, après la triomphante paix des Pyrénées, obtenait moins de considération que François l' au lendemain de Pavie. à Constantinople Ce déclin s'expliquait par D'abord, aux différentes causes. sultans politiques de l'autre siècle avaient succède des monarques délirants d'orgueil, des vizirs arrogants, dont h; mépris n'admettait plus de distinction entre les Infidèles. n'était plus temps une sauvegarde contre s'étaient appesanties étrangers et avaient mis le sous Louis XIII, liaires prêts à celle la France Le nom de Français les vexalions qui de tout en pays commerce turc sur les à la torlurc. avait trouvé dans marchands De son côté, Nord des auxi- le remplir la tâche dévolue naguère à l'Etat ottoman, de prendre l'Allemagne impériale à revei's et de la mettre entre deux feux. Pour nous, l'alliance des hérétiques avait suppléé à celle des Infidèles, Gustave-Adolplic avait remplacé Soliman, et nos rois, forts de ces garanties nouvelles, avaient négligé des relations dont ils rougissaient de\a:it l'Europe. Nos menées axcc moins de solla lége. mal inspirés, cdésord ou leur imprupar leurs affaires à Constantinople avaient été licitude : nos ambassadeurs, choisis à s'étaient attiré plus d'une fois, . . dence, de fâcheuses aventures, et avaient insufliNiinment le crédit de leur maître (1). Voyez notamment le Mémoire sur l'ambassade de F comte de S.m.nt-I'iuest, publié par M. Ch. Schefer (1) le ménagé -.un-e , en Turquie, par 221. 71, 82, 204, LOI IS \l\- l.uUlKNT l'.T :j Français et Turcs s'imputaient réciproquement et à bon droit d'autres torts. Si les corsaires d'Alger, de Tunis et de Tripoli, vassaux du Grand Seigneur, enlevaient nos navires, insultaient nos côtes ef y moissonnaient des esclaves, la cin'étienté avait Pour aussi ses Barbaresques. InfidMes, le « cours », comme elle, la course aux dépens des l'on disait alors, restait nière forme et une prolongation de la croisade. Les une der- ciievaliers de Malle en faisaient leur unique occupation, leur raison d'être le : glorieux ordre de Saint-Jean s'était transformé en une asso- ciation de pirates, qui écumait chaque membre les mers du Levant dont et se croyait autorisé, parce qu'il portait la croix blanche sur la poitrine, à faire le diable dans l'Archipel. Or, le royaume de France contribuait pour une large part au recrutement de Tordre : parmi les chevaliers, les plus braves, les plus entreprenants, grands ravisseurs de Turcs et fabricants d'esclaves, étaient sujets A du Roi côté des ciievaliers, il (1). y avait foule de corsaires opérant individuellement, d'« armateurs particuliers Ceux-là n'étaient ». pas non plus de vulgaires foi'bans, mais des coureurs de mer patentés, fort réputés et considérés en Europe. Gentilshommes pour organisaient leur guerre privée contre la plupart, ils (idèle, allaient acquéraient un navire, l'armaient en course, parmi les iles l'In- s'en et de doux climat et de facile surprise, au pays des vins capiteux et des belles fdles, çonner, brigander pour le bon motif, piller, ravir, ran- faire leur fortune en ce monde, sans préjudice de leur salut dans l'autre. Parmi eux, beaucoup étaient Français; pour les cadets de Provence, le métier de corsaire, ennobli par sité le mépris de de se mesurer ciiaque jour avec la mort et la néces- elle, était carrirre honorable est vrai qu'afin de ne point troubler trop profondément nos et pleine d'attraits. Il Cf. L.w.vi.LKE, Relations de la pendante de nowemhre (t) Vovez Eugi'nc Sue. France avec l'empire ottoman, dans ta Revue indé- ISi'.i. l'iiistoiro si curieuse et documentée de ta Marine française, [ku- LKS VOYAGES D L .MAItuLlS DK NOl.NTEL 4 relations avec la Porte, on défendait à ces corsaires d'arborer nos couleurs ils : prenaient licence et empruntaient le pavillon de l'un des Etats qui n'avaient jamais voulu s'accommoder avec Turc, tels que la plupart des villes et gouvernements le d'Italie. Toutefois, leur travestissement ne trompait personne; leur vail- lance emportée eût sufli d'ailleurs à On taient. sang d'où traiiir le ils sor- des corsaires pousser l'audace à l'extrême, poindre vit à l'entrée des Dardanelles, insulter le seuil de Constantinople on en vit un canonner des villes côtières et jeter : dans JafTa deux cents bombes. Le gouvernement dations les « : il en royal ne se l)ornait pas à tolérer ces Tous profitait. armateurs les captifs dont désespéraient de tirer rançon, » ils un de bétail humaiii trafic Pour ramer sur les galères entraves aux pieds, sous en s'était établi, nii débit d'es- du Roi, le soleil tête rase, le torse nu, les dévorant ou la bise meurtrière^ pourvoyeurs de notre marine recherchaient de leur force tirés menaient chiourme de Toulon s'appro\isionnait largement. claves, oîi la les les A Livourne, à Malte ou à Livourne, pour les mettre à l'encan. particulier, di'pii'- les chevaliers et ; ils appréciaient aussi certains de contrées mal connues, capturés par les Turcs, à cause hommes du Nord, les Ottomans dans ieurs expéditions continentales et que les corsaires enlevaient ensuite sur les bâtiments du Grand Seigneur, des Ronssiots, c'està-dire des Russes Sur (1). les marchés où s'opérait la traite des blancs, les Russes, après les Orientaux, faisaient prime. Ainsi, en plein siècle de Pascal pi'imitive, la et de Bossuet, l'esclavage sous sa fornu' mise en servitude des captifs demeurait institution d'État, publique, florissante, et le Roi Très Chrétien se montrait à cet égard presque aussi étaient Turc que vivement incriminés aux ministres dusultan que (1) Lellrci de Colherl, le Grand Turc. Ces procédés à Constantinojile, et si l'on objectait les bagnes levantins regorgeaient de publiées par Clk.me.nt, passiin. Louis grand amiral de Erance : « Vous pouvez encore examiner XIV s'il lieu de faire quelques desLCnles en Afrique MENT, III. :î Cf. l'article de Paris du lo de M. L.wisse novembre 1897. : écrivait au n'v aurait pas pour y faire des esclaves. » Ci.i':Sur les gidères du Roi dans la Rccw , \IV ET l/(llilENT I.<U IS pas Fraiiriiis, leur loguiiu" n'allail (le reconnaître la justesse jiis([a'k cette réplique. s'indignaient aussi de retrouver des Français servant contre Ils eux dans armées de riimpereur, dans les et se plaignaient que. sur terre ne 5 comme celles de la sur mer, ces faux amis En clicrcliassent qu'à leur porter des coups. leur déclarait pas la guerre, ses sujets de la leur faire. En il Pologne, effet, si le Roi ne permettait à toute une partie de 1645, les armées ottomanes avaient envalii la Crète, encore possession vénitienne; en 1648, elles avaient mis le siège devant Candie, ville principale de l'île. La longue Crète, qui barre l'entrée de l'Archipel, formait de ce côté boulevard à la chrétienté. Impuissants à la sauver avec leurs seules ressources, les Vénitiens avaient invoqué l'aide des autres nations de leur culte. Toutes répondirent à cet appel, mais nulle n'v mit autant d'empressement et d'entrain que la France. Chez elle se recruta principalement cette milice de volontaires qui entama sous Candie, contre les armées sans cesse renouvelées de l'Islam, une lutte plus longue que la guerre de Troie, lutte épique, où parut se concentrer et se mesurer sur un étroit espace, A comme en champ clos, la vaillance de deux races. Candie, les Français se succédaient par centaines, par mil- liers, impatients de participer à des combats qui renouvelaient les exploits de l'antique chevalerie; ils venaient isolément ou par bandes. Saint-André Montbrun prenait le commandement de la La Feuillade amenait toute une petite armée de gentilshommes, hardis, fringants, rudes batailleurs sous leurs rubans défense; et leurs dentelles. départs; il finit Le ministère français tolérait et favorisait ces par aller plus loin : en 1600, s'autorisant du principe alors admis et en \ertu duquel on pou\ ait secourir mi- litairement ses alliés sans rompre avec leurs ennemis, Alazarin prêta une Hotte aux N'éniliens ; notre escadre du Levant s'en fut insulter les côtes de la Crèce et tenta de reprendre la Canée. Comme les Turcs n'entraient pas dans public européen et ne voyaient que les avaient jetés à le fait, une exaspération qui les subtiHtés du droit ces hostilités déguisées (iiiif par se traduire par LES VOYAGES DU MARQUIS DE XOIXTEL 6 les pires sévices contre la personne Pour notre commerce, ce fut l'époque des classique des avanies : ces et les biens de amendes nos nationaux. grandes misères, l'âge arbitraires, frappées à tout propos dans cbaque Echelle par les autorités locales sur nos marchands ou en corps, pris individuellement s'accumulaient à tel point que le mot est notre langue de vexation et d'injure. se multipliaient, devenu synonyme dans Le commerce en était accablé; désorganisé en outre par la licence et l'anarchie, grevé de dettes et rongé d'abus, il semblait près de s'anéantir (1). Nos consuls, nos ambassadeurs eux-mêmes, n'échappaient pas à la brutalité musulmane. Humiliations, extorsions d'argent, voies de fait, détentions, rien ne leur était épargné, et l'un des premiers soins qui s'imposèrent à Louis XIY, lorsqu'il eut pris en main, après la mort de Mazarin, statuer sur le cas de son la conduite de son Etat, fut de ambassadeur à Constantinople, M. de Haye (2). Ce représentant d'Jitat. Le grand vizir l'avait la lui écrivait fait du fond d'une prison mettre au château des Sept- Tours pour avoir refusé d'acquitter le montant de certaines mar- chandises d'Egypte, réservées à l'usage du Sérail, chargées sur bâtiments français et non parvenues à destination. II Cet outrage, succédant à tant d'autres semblait inviter Louis XIV à une et comblant la mesure, attitude désormais nette et tranchée, à une rupture ouverte avec la Porte, peut-être à une offensive retentissante. C'était la voie où la conscience et l'ima- gination publiques cherchaient à l'attirer. Depuis ciiuiuante ans (t) Archives des affaires étrangères, correspondances diplomatiques et consulaires, tG(îO-t()70. Archives de la marine, même période. Inventaire des archives historiiiues de la chambre de commerce de Marseille, l'aul M.\sson, His- (2) wW commerce français dans le Levant au siècle, p. -iS-lSS. Archives des aU'aires étrangères, Constantinople, vol. VIII. toire du Loris XIV ET l'orii:nt environ, il y avait un réveil de survécu aux croisades et n'avait par intermittences. Des de croisade, qui avait l'esprit jamais cessé de se manifester des guerres lors siècle, le xvi" 7 reli- gieuses et du grand déchirement de la chrétienté, de multiples pour amener efforts avaient été tentés différends et à lutte, à ouhlicr leurs les nations, les partis en marcher fraternellement contre l'ennemi du Clirist, contre l'Islam représenté par la Tur- première moitié du xvu' quie. Pendant ne que s'accentuer fit La guerre la siècle, ce mouvement et s'étendre. sainte n'était plus seulement la chimère d'esprits nombreux, mais éloignt's des affaires et négligés par les gouvernements; elle redevenait la pensée des souverains et des ministres, des capitaines célèbres, des grands ambitieux. Plusieurs se de la conduire un jour et la plaçaient au delà de leurs flattaient entreprises présentes, comme l'occupation et la gloire de l'ave- nir. Sully en parlait dans ses Rheries: Wallcnstein y songeait entre deux campagnes, dans son palais de Prague, et sentait l'attraction de Constantinople; Gonzague de Montferrat levait ouvertement l'étendard de la croisade et pensait ressusciter defroi de Bouillon; le père Joseph l'on l'a Go- démontré de nos jours avec autorité) poui-suivait invariablement à travers ses roueries de moine politique un but qui les excusait à ses yeux et suscitait toutes les ardeurs de son l'Europe contre Pour prêcher vrage fameux s'offrait, an Turc le cette u'uvre, : pii.x commandement De du àme franciscaine et la délivrance il hcllo contra ti(Uie : la réunion de de l'Orient chrétien se faisait poète et rimait son ouTurcas. Plus tard, le grand de Varsovie pour son fils, Condé à prendre le de la chevalerie polonaise et à jeter sur les pro- vinces ottomanes cette tumtdtueuse avant-garde de l'Europe A mesure que (1). les (2). poignants problèmes soulevés au siècle précé- dent trouvaient leur solution et qu'elles-mêmes les dissidences religieuses faisaient trêve, à mesure que de grandes transac- tions organisaient l'équilibre des États et la paix des (d) G. Faomez./.c Ph-e Joseph (2) Duc n'.\u.M.\i,E, et Richelieu, H i:itoire des princes chap m, [i commu- 120, 126. de Condé, t VII, p. 15.'j, 175, 220, 25.5. LES VOYAGES DU MAKOLIS DE NOINTEI. 8 nions rivales, ment une semblait que la chrétienté ressentît plus vive- il du contact avec l'insulte campé à l'Infidèle, altitude de défi et de combat. ses côtés dans Lorsque Louis XIV eut été mis en tranquille possession de l'héritage de gloire et de puissance amassé par ses devanciers, accomplis sonne que et dun la parut que les temps étaient la per- prince jeune, valeureux, avide de renommée,, dont l'activité voulait d'éclatants Par il croisade avait trouvé son chef dans la voix de emplois. poésie et des arts, l'opinion l'engageait à la essayer aux dépens de l'Infidèle son épée vierge encore et lui promettait au delà des mers des lauriers sans tache De (1). toutes parts, des plans surgissaient pour l'attaque, la destruction elle partage de la Turquie taient vers Louis du fond de notre commerce avaient et siècle nos invasion de (2). Enfin, d'instantes prières l'Orient. Là, périclité, il notre crédit politique y avait depuis missionnaires. s'étaient glissés, par d'obscurs si mon- Capucins et un demi-, Jésuites cheminements, en pleine société orientale (3). Ils vantaient auprès des populations chrétiennes l'invincible pouvoir considéraient un peu du Roi, la force de nos armées, dont comme les éclaireurs. Convaincus ils se par cette' ardente parole, les chefs des églises orientales croyaient reconnaître en Louis le « XIV le monarque prédestiné à vengeur toujours attendu, Nous en leur délivrance, lui leur réconfort : espérons, lui écrivait le patriarche grec d'Anlioche, de voir un jour notre salut de (1) et plaçaient BoiLEAV. i'pitre .le IV la part de Dieu et de Votre Majesté », : t'aUends dans deux ans aux bords de l'Hellespont. Au bas de la statue de Louis XIII érigée en place Rovale, on avait inscrit des vers où Ton faisait dire à ce roi, pour le cas oii Dieu lui aurait laissé vie : .l'eusse attatiué r.\sie. et d'un pieux eflort le long servage. J'eusse du saiut tomlieau vengé (2) xvn' (3) Drapeyro> . Un projet de conquête de l'empire ottoman au xvi' Revue dea Den.r Mondes, l" novembre Fag.mee. chap. vi, p. 312, 3G7. siècle, 187(5. et ati I.nl IS el le NT \1\ ET L'ORli: 9 patriarche arménien d'Alep, dans des supplications tiques, citait une propiiétic un serait délivrée par Un aux termes de laquelle roi très puissant des « Français » ne saurait douter que ce rôle de concjuérant ilatteur sentait pour l'orgueil du Roi, quelque penchant à se près d'ahandonner une voie n'ait ( I ). liiiéralcur, tenté son imagination : tous ses prédécesseurs, avec plus ou moins de vigilance, avaient pris soin de se maintenir, hésitait, attendait un scrupule invincible : il Cependant, le laisser attrihuer. oîi empha- l'Arménie il le retenait. En politique extérieure, notre ancienne monarchie apparaît comme un pouvoir absolu, tempéré par la tradition. Si jalou.x de leur autorité que fussent nos rois, ils se croyaient tenus d'obéir à certaines maximes, consacrées par le temps, qu'ils se trans- mettaient l'un à l'autre grandeur de comme secret le dr- jamais rompre entièrement avec la Turquie une intelligence qui nous avait permis, en des jours d'exlrème le sûreté et de la la Or, c'était l'un de ces axiomes que de ne l'Etat. choc de nos adversaires Si la situation de l'Europe et péril, de détourner de tenir la fortune en suspens. ne démontrait plus la nécessité pré- sente de ces relations, des crises nou\ elles pouvaient éclater, le concours de Porte pouvait redevenir indispensable la : la prudence commandait de tenir en réserve cette suprême ressoui-ce. Un autre motif, immédiat, pressant, détournait le Roi de sures directement hostiles. Louis genres de gloire grand par : il les arnies, XIV ambitionnait tous les ne se contentait pas de gouverner un État grand par les négociations; que cet Etat deviendrait puissance commerciale de premier ordre, l'activité et me- que, dans le il avait décidé et industrielle développement magnifique de française, tout irait de pair. C'était l'époipie oii il se passionnait pour les projets de Colbert tendant à ranimer parmi nous l'esprit d'entreprise et par l'esprit d'association, (1) .Vrctiives de négoce, à (tr. si le diriger, aie fortifier Colbert rêvait de donner élan des affaires étrangères. Constanlinople, vol Viii. LKS VOYAGES DU MARQUIS DE XOINTEL 10 à notre trafic extérieur dans toutes les directions, avant tout à raviver Fancienne source de sa prospérité. merce avec vinces. le réorganiser, aie le mieux protéger, France méridionale : de sa détresse actuelle, à tirer L'Orient apparaissait toujours il reprendrait toute son comme le le utilité. marché naturel de la avec ses populations apathiques, qui con- ne travaillent pas, et Le com- Levant avait enrichi jadis plusieurs de nos pro- Qu'on parvint à somment tenait il il semblait offrir aux produits de notre industrie un débouché permanent, privilégié, et Colbert, ayant entrepris de relever nos manufactures du Languedoc et de la le besoin de rendre à toute une partie de un é-coulemenl certain en Turquie, un débit rému- Provence, sentait leurs articles nérateur, en rétablissant nos facilités de traflc avec cet empire. Pour lui, les deux entreprises étaient corrélatives, inséparables, également essentielles, subordonnées l'une à l'autre. Aussi le pratique ministre, sensible en tout aux avantages pouvant s'évaluer en chiffres, détestait-il l'idée d'une rupture avec la Porte, qui eût achevé de nous fermer le Levant. Au une contraire, amélioration des rapports, un renouvellement des Capitulations, même qui viendrait remettre en vigueur, confirmer, accroître nos prérogatives, lui paraissait l'un des premiers moyens à em- ployer pour refaire la grandeur commerciale de la France. Il portait plus loin ses vues. Au * delà des contrées qui se groupent autour du bassin oriental de la 3Iédilerrariée. il en apercevait d'autres, rayonnant au fond de l'horizon d'un merveilleux prestige; son regard plongeait dans les profondeurs de l'Asie et perçait jusqu'aux Indes. dait pas ces régions, mais il Le Grand Seigneur ne en détenait l'une des clefs à travers ses États que Colbert comptait : nous frayer vers posséc'était l'Inde ou plutôt nous rouvrir un passage. Sa pensée à ce sujet se retrouve tout entière au conseil de commerce moires, l'un présenté par lui dans sa correspondance (1), l'autre conservé (t) T. Il.p n;:i et suiv dans deux méet publié au dépôt des af- LOUIS XIV I:T L'OIUENT dl Le deuxième peut être considéré comme donne niu' concomplément du premier, au(|U('l faires étrangères (1). la suite et le il clusion. Colbert avait fortement médité sur opérée au xvr' siècle dans la les habitudes révolulion s'était (pii du commerce, quand les Portugais, après avoir accompli autour de l'Afrique leur glopériple, avaient rieux pris contact par mer avec les Indes. soumis au conseil retrace l'historique de ce grand chan- L'écrit gement, l'un des plus profonds qui se soient opérés nomie de l'ancien quences. Depuis monde, dans l'éco- en apprécie mûrement et les consé- les croisades, l'Europe s'était accoutumée à recevoir de l'Inde toute une partie des objets nécessaires à sa consommation et à son luxe fums, les ess(^nces rares, : elle en étoffes diaprées, les inimitables les mousselines, ces tissus lumineux et pailletés der entre leurs plis épiées, les par- tirait les un rayon de leur cpii soleil; elle semblent garen tirait les lingots d'or et d'argent, les perles, les rubis, les diamants les princesses. fit ijui paraient l'épée de ses rois et le front de ses Le commerce avec les Indes était fortune des cités ou des nations; la aussi saphirs, par l'intermédiaire du il le seul alors qui se pratiquait tout entier monde musulman. Les produits de l'ex- trême Orienta a])portés par des caravanes qui leur faisaient tra- verser l'Asie centrale ou les recueillaient sur les bords du golfe Persi(|ne et de la ottomanes d'Asie mer Rouge, perraient à travers les provinces et d'Afrique jusqu'aux lùdielles du Le\ant, jusqu'aux places situées à proximité ou au bord de ranée. L.à. les transmettre à la chrétienté. ainsi, en l"]gypte que s'opéraient les échanges. Chaque année, la flotte du Soudan trois mille voiles, s'avançait d'l']gypte, forte par la mer Rouge de deux ou et l'océan Indien .Nous l'avons public a la suite de notre mémoire sur Louis XIV et lu en 1888 devant l'.Vcadémie des sciences inoraies, pul)lié en On le retrouvera à l'appendice, sous le chiffre 1. iÊijypte, 1889 L'empire des musulmans formait pour l'Europe trafiquante, un immense entrepôt, mais c'est surtout (1) la Aléditer- des marchands européens venaient s'en saisir pour LES VOYAGES DU MAKOIIS DE XOIXTEL 12 jusqu'il Bomlla^ . puis revenait à Suez chargée de trésors; à l'ar- rivée de cette caravane de mer, le désert s'animait entre Suez et Alexandrie, d'innomlirables convois dans née la capitale le sillonnaient, amenant de l'Egypte et de là sur les rives de la Méditerra- les produits indiens. L'Egypte jouissait alors d'une prospérité qu'elle n'a plus retrouvée: le Caire, la cité féerique des conteurs immense et populeux bazar, et Alexandrie surnom de « marché des deux mondes ». Parmi les nations chrétiennes établies en Egypte et maîtresses de son commerce, Venise occupait le premier rang, Gênes venait ensuite, arabes, n'était qu'un méritait son la France se tenait loin derrière elles, mais cependant 3Iarseille partageait avec les grandes républiques marchandes l'avantage de fournir à l'Europe les cargaisons apportées d'Asie La découverte du cap l'Inde le (1). de Bonne-Espérance, en ouvrant ^ers une voie plus longue, mais directe, détourna de l'Egypte courant commercial, de richesses, qui s'y portait de- le fleuve puis des siècles; elle permit aux Européens de s'approvisionner eux-mêmes, sans emprunter cles indispensables. secours des musulmans, d'arti- le Le Portugal eut l'honneur d'accomplir cette révolution; l'Angleterre et la Hollande en cueillirent Aux de Londres ils xv hardis découvreurs du et d'Amsterdam ; siècle succédèrent les le fruit. marchands formés en puissantes compagnies, confisquèrent à leur profit toutes les relations maritimes entre l'Europe et les Indes. Cet accaparement eut des ticulier et effets funestes produit de ses douanes; il plus fructueuses du par la Un il le les les Français faisaient au Le- continua quelque temps à se poursuivre mer Rouge et par Suez, puis ce lîlct de commerce s'arrêta la mer Rouge se ferma totalement vers 16.30, et de couler; l'Egypte devint une impasse. (t) diminuer supprima l'une des branches commerce que faible transit vit porta à Venise un coup dont elle ne sut point se relever: enlin, vant. pour l'Egypte en par- pour l'empire ottoman en général, qui IIeyd. Commerce du Ltvanl, t 11, p 4-27, 436, 467. i!»7 . LdllS \IV ET l/iililKM Dans même moment, le la 13 tyrannie des pachas envoyés par la Porte, la férocité des milices turques et des beys mamelouks rendirent la \allée dn Xil prescjuc inhabitable aux Kuropéens. Durant la première moitié du xvh' siècle, Venise se retira de cette terre inhospitalière; elle rappela son consul et ses nationaux. Les Anglais et les Hollandais, qui avaient en l^sypte. n'y parurent j)lus récemment pris pied que par intermittences. Seuls, nos marchands demeurèrent à poste lixe au Caire et à Alexandrie, sans concurrents, mais troublés de toutes manières dans leurs Soumis à des opérations. et qui montaient jusqu'à douane droits de vinjit pour cent de au pavs particuliers la valeur des mar- chandises, inquiétés dans leur sécurité, exposés à de continuelles persécutions, traités en esclaves, ils menaient une existence in- fortunée et précaire, mais pourtant ne renonçaient pas à la lutte et s'obstinaient à rester (1). Colbert sentit quel avanlag:e résultait pour nous d'avoir con- servé pied en Kgypte. à l'Iieure où les autres nations renonçaient à nous y disputer proposa de soutenir le terrain. Il se et de dé- gager notre établissement battu on brèche, puis de s'en servir pour réaliser un projet plus vaste repasser par l'Kgypte, et but à atteindre ; précurseur. commerce de l'extrême la .Méditerranée le le et le Ramener dans Asie, eu le faisant concentrer dans nos mains, l'exposé des moyens forme l'objet tel était du secontl mémoire. Louis XIV venait de fonder la comblait de privilèges, une flotte, lui avait Compagnie des Indes : il la assuré un fonds considérable, des comptoirs dans l'Ilindoustan, un établissement à Madagascar (2). Dans l'esprit de. Colbert, à ces créations devait répondre une entreprise corrélative à tenter du côté de r]"]gvpte à préparer par les voies diplomatiques. et Que le sultan fût per- suadé par nos ambassadeurs d'ouvrir à notre marine marchande mer Rouge, la ( 1 1 interdite jusqu'alors aux chrétiens ù cause de la Correspondances citées à la page 6. PauLM.tsso.N, p. 3!)7-i00. de Collierl. t. Il, cLxn et suiv. Paui.iat. Luitis \IV et (it Lettres pagnie des Indes de KJGi, p. tj'i à 133. la Com- LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOIMEl, 14 proximité de la Mecque., riiuniilianle servitude (ju'il où ih'livràt les Français d'Egypte de étaient tenus, qu'il assurât la sécu- ils rité du passage des marchandises par l'isthme à la France monopole de leur transport, le Compagnie des Indes et qu'il les accordât vaisseaux de la Bombay de iraient chercher à Surate et à riches cargaisons qu'ils apporteraient à Suez; dans cette ville, les Français auraient des magasins pour les recevoir; con- ils les duiraient ensuite, partie par caravanes, partie par le Nil, jus- qu'aux quais d'Alexandrie. Là, les vaisseaux d'une autre compagnie à fonder par prendre pour la France, celle du Levant, viendraient les les porter à Marseille, puis les distribueraient à l'Europe. Accomplissant leur trajet sans sortir des mains de la France et ne payant au.x douanes turques qu'un droit de transit modéré, ces marchandises se débiteraient à meilleur compte que celles venues par de lointains détours la préférence. : obtiendraient facilement Cette contre-révolution commerciale annulerait en grande partie Espérance et les clfets de la elle ferait découverte du cap de Bonne- de la France la dispensatrice permanente des produits de Flnde et obligerait les autres nations à devenir ses tributaires. L'opération projetée ne pouvait, on voit, s'accomplir le que de concert et de compte à demi avec la Turquie. Quelque intéressé qu'y fût cet État, puisqu'il y trouverait son avantage, ses résistances ou au moins ses hésitations étaient à prévoir. rait à dissiper ses préjugés, à éclairer son horreur des nouveautés : Il y au- son ignorance, à vaincre raison de plus pour qu'on préparât ce résultat diflicile par dinfinis de moilération et de prudence. ménagements, par un système Il fallait donc, suivant Colbert, sans se borner à une froide réconciliation avec la Porte, à une simple rénovation de nos anciens rapports counnerciaux, re- nouer autant que possible l'intimité, se mettre en étal de parler aux Turcs amicalement, conlîdemment, de leur suggérer nos idées et de les conqui'rir au grand dessein. Ainsi, tandis que de fastueux conseils portaient Louis entreprendre partout contre l'Infidèle et s'efforçaient XIV à de l'entrai- 1.(1 lier IIS .\I\ r.T l/OlilKNT ^o h des expéditions plus brillantes qu'utiles, à des guerres de magnificence, d'autres avis le ramenaient aux errements sécu- laires de nos rois, à ce système plus modeste par lc(jucl la France, refusant de s'associer à des conquêtes collectives en Orient, s'était bornée à s'y créer des intelligences utiles, à chercher des avantages de connnerce, et avait préféré, y dans ces contrées lointaines, l'influence exclusive à la domination partagée. Au lieu de ciioisir nettement entre ces deux politiques, XIY s'imagina d'abord pouvoir les concilier sensible aux Louis : séductions de lune et aux résultats pratiques de l'autre, suivit tour à tour et il les pensa combiner leurs avantages respectifs, recueillir l'hoimeur de la première avec les profils de la seconde. Cette disposition d'esprit ne pouvait que l'enlrainer à un jeu périlleux, oscillant, équivo(|ue, défavorable à tout effort suivi et à toute négociation de longue haleine. ni C'est ainsi qu'en Uiiil Roi proposait au Pape, à l'Empereur, le à Venise, de former avec lui une ligue chrétienne contre le Turc cependant au cours de cette négociation plus ou moins sincère, qui ne devait pas aboutir, de déclarer la guerre au et se gardait sultan; M. de Haye ayant la été remis en liberté, rentrer en France, mais demandait à envoyer \v lils il le laissait de l'ambassa- deur insulté remplacer son père. En ce temps, à côté de la dynastie régnante à Conslanlinople, une dynastie de ministres, voir de père en (ils Kupruly étaient des celle des Kupruly, exerçait de iiauts talents dans l'adminislralion et Kupruly, premier du nom. massacreur ; il le pou- nom de souverains dégénérés. Ces hommes terribles, qui déployèrent parfois au s'était la guerre. Jlobarninèd- montré justicier féroce et grand ordonnait, disait-on, cinq cents supplices par , LES VûVAGKS DU IG mois, double de ce qui le HE Xdl.NTEE .AlAliUl'lS légalement permis eu Turquie, était Ahmed- d'après une tradition populaire. C'était avec son fds Kupndv, vizir omnipotent de Mohannned IV, que nous avions à traiter. Connue cet arrogant ministre condescendit à quelques explications satisfaisantes, une délente parut s'opérer, mais la Le politique française n'était pas au bout de ses contradictions. nouvel ambassadeur, M. de Hayc-Vantelet, désigné en 16G1 la agréé en 1602, n'était pas encore parti en lOiii savoir auparavant comment la : importait de il Porte prendrait une démarcbe à laquelle le Roi venait de se résoudre. En 166H , la guerre s'étant rallumée entre Turquie la et l'Em- pereur, une énorme armée de janissaires et de spahis, sous commandement du grand A autrichienne. po]d I" avait même temps, vue de ses Etats en proie aux Turcs, Léo- la fait le abattue sur la Hongrie vizir, s'était les En d'appels éperdus. retentir la chrétienté princes de la ligue du ]{bin,dont le con- cours était requis pour défendre l'Empire, avaient réclamé de Louis XIV contingent militaire le qu'il leur devait, bre de l'alliance. Loin d'éluder ses engagements, passa il : devait 2,i00 régiments, plus une hommes; élite il en donna comme memRoi le les dé- beaux (i.OOO, cinq de volontaires recrutés parmi les pre- mières familles du royaume; ne fût pas en âge de porter il regrettait, disait-il, armes les : il l'eùl que son mis à la fils de tète l'expédition. On connaît dans ses principaux traits cette ébauciie de croi- sade, page héroïque et charmante de notre histoire militaire (l On une sait que nos Fiançais marchèrent au coinliat connue à traversèrent allègrement rAlIenuigne et rejoignirent lés fête, Impériaux en Hongrie, juste à temps pour prendre part à bataille de Sainl-Gothard, grand où Louis la chrétienté, UoussKT, françiiise gagnée le l"aoùt une part insigne. Ce qu'on vizir, l'instant (1) ). il XIV la 1(164 sur l'armée du moins, c'est qu'à sait affichait ce zèle actif pour la cause de s'excusait auprès du sultan de lui faire la guerre. llixtoiri' Je Louvois, eu Honyrie, Revue ilex t. I, p. :i5 à 57. — L.^.ngsdouff, Deux Mondes du 1" juin ISUS. Une armée \1V I.nl IS En avril de la mémo drogman Fontaine, l'Orient; il aiiiu'-f, l/iUUK.NT T IT un émissaire de modeste état, le furtivement de Marseille pour était parti était dt'pèflié ou au moins de r. au grand avec mission de justilicr vizir pallier notre conduite « : eu C'était, disait-il, vertu d'une stricte obligation que Sa Majesté avait dû laisser aller quelques-unes de ses troupes en Hongrie, sans prétendu rien faire en cela (|u'cll(' rien fait effectivement ni ait (jui soit contraire ni à l'amitié qu'elle veut toujours sincèrement entretenir avec la Porte, ni tous fidèlement observer et tement (1). » même les faire renouveler plus étroi- Parce langage. Fontaine préparerait l'ambassadeur en Pourtant, traités d'alliance qu'elle veut aux anciens ce juillet voies à titre. n'était pas Hongrie la seule déployer en face du Croissant l'étendard aux 22 les qui voyait se fleurs de lis. Le 1664, une escadre française avait paru devant la côte d'Afrique, et 5,000 honnnes de troupes, débarqués sur le territoire d'Alger, s'étaient saisis de la petite ville de Gigeri (Djidjelli), sans égard aux droits du sultan, suzerain des Régences Toutefois, sur ce point même, la (2). France ne désespérait pas d'apaiser les susceptibilités de la Porte. Un second envoyé avait été cliargé de faire agréer au vizir les motifs qui avaient déter- miné l'occupation de Gigeri : d'après nous, cette prise de posses- aucune idée de conquête ultérieure en sion n'impliijuait «lue, mais simplement \c Afri- désir de nous assurer, sur la côte, un poste de surveillance et de police, destiné à intimider les Barba- resques et à faciliter la l'épression de la course. Les deux messagers rejoignirent retour de sa campagne de Hongrie le grand vizir à et firent leur Belgrade au commission. Il leur répondit assez sècliemenl que l'ambassadeur pouvait venir, mais se montra intraitable sur l'article l'entendre, ne soull'rirait jamais que la pouce du territoire africain. Iransmise, la question (1) (i) (b- de Gigeri : son maître, à France possédât un seul (Juand cette déclaration nous fut (iigeri n'existait plus .\rihives des affaires iHrangères. 9 avril \(i6i. K(n s.'iKT. Ilistuirc de Lotivuis, t. i, p. 78 et suiv : la France avait . LES VOYAGES DU MAUQUIS DE XOIXTE -18 I. senti l'impossiI)iliié de se maintenir dans cette place et l'avait spontanément évacuée. D'autre part, une trêve conclue entre l'Empereur etle grand vizir, neuf jours après la bataille de Saint- XIV Gothard, avait permis à Louis Hongrie. Les occasions de M. de la conllit de rappeler ses troupes de avec Porte s'éloignaient la : Have-Vantelet reçut ordre de rejoindre son poste. L'occasion parut propice à Colbert pour essayer avec la cour ottomane un sérieux rapprochement commerce de sur le que à indiquer mer et de cet écrit, Colbert ne se bornait pas but de la négociation, mais la manière de l'enta- le conduire. la Dans Il fallait (juc 31. comnumication dont sentât la son cher « il de la et parfait dont Comme l'entreprise projetée par la Turquie une source d'inépuisables être que le jirix Roi consentait le » nous en Egypte devait rouvrir du rétablissement de même non comme une ami l'empereur des musulmans pour privilèges et Haye-Vantelet pré- était chargé, comme un avantage grâce sollicitée, mais à faire jouir deuxième mémoire annexé aux instruc- le dont nous avons parlé fut rédigé, pour être tions de l'ambassadeur. de nos projets et s'ouvrir l'Inde. C'est alors la ne saurait profils, elle France dans ses anciens de faveurs nouvelles, telles que la réduction des droits de douane et l'exclusion de certains concurrents. Dans une et i( lettre adressée au sultan, Louis avant tout le XIV demandait en personne renouvellement des Capitulations : il y témoignait de sa forte passion de maintenir cette ancienne et bonne cor- respondance qui a empires M. de été établie il y a si longtemps entre les (1) ». la Have-Vantelet arriva à Constanlinople le 1" décem- bre Kitio et tâcha d'entrer en matière. .Malheureusement, vite que deux si Kupruly l'avait laissé venir, c'était il parut pour se venger sur lui de l'humiliation que la journée de Sainl-Gothard avait iniligée à ses (Ij jours armes. Les premières audiences accordées à notre Xéaninoias le cas où « les iasiructions les à .M. de lu llavo-N'anteiet réservaient tou- mauvais traitements reçus par lichelles ou autres considérations plus importantes rompre avec la Porte. merce. » les Français dans les obligeraient le Roi de Archives de la marine, dépêches concernant le com- LOUIS XIV l.dlUKNT 1;T 1!» ambassadeur furent l'occasion de scènes outrageantes leuses. Plus tard, se vit considéré par les il et scanda- comme un Turcs otage de la chrétienté tout entière, placé entre leurs mains pour répondre des donnnages quelle leur causait. Si les corsaires d'Ita- se saisissaient de leurs bàlimenls, on le fondait d'acquitter le lie montant des cargaisons. Des chevaliers de Malte enlovaicnl-ils un vaisseau apportant d'Ale.xandrie douze eunuques noirs desau harem de Sa Hautesse. tinés telet s'en procurât fallail il même nombre et que M. de llayc-Van- la au rcMipIacement de jionr\ ùt marchandise humaine. celte Par compensation ou par représailles, la France fournissait de plus en plus aux Turcs de justes sujets de reprociic et prêtait ses soldats à tous leurs ennemis. Le nombre des volontaires accourus à Candie atteignait maintenant plusieurs milliers prévoir l'instant où mée de Venise. vement qui En il Français dans entraînait ses peuples vers la guerre au secours de Candie avait il (1), avec si.\ mille l'cscadri' envoyé à M. de revenir et ne lui avait point Il (b-s l'ar- Roi lui-même parut céder au mou- détacha de ses troupes un corps de Auparavant, que n'y aurait plus 100!), le on pouvait : nommé hommes sainte (|u"il : il envova du duc de Beaufort. la llaye-Vantelet l'ordre de de successeur. semblait que la rupture fût comj)lète et que Louis \1\ n'eût plus qu'un but, s'acquérir des droits à la reconnaissance de la chrétienté. Cependant, certaines précautions atteslaienl de sa part un reste d'incertitude. Envoyant ses soldats à Candie, il leur défendait d'y paraître sous ses couleurs et leur faisait pren- dre l'étendard du Pape. Rappelant son ambassadeur, lui il enjoi- gnait de désigner l'un des marchands pour veiller à la protection du conmierce et de laisser ainsi un re[)résentant de France à la Constantinople. Le maintien des relations ne tenait plus qu'à un mais Louis fil, possibilité d'un !)e 1 1 ) XIV évitait de le rompre L'iiislorien turc Rascliid les appelle '. ;i ménager la rapprochement. leur côté, les Turcs retrouvaient lioniiés et tenait t pai- instants le sentiment six mille pourceau-t malinten- LES VOYAGES 20 OU plutôt l'instinct 1)1" .AlAKQl'lS DE NOINTEL de leurs véritables intérêts: leur fanatisme n'allait pas jusqu'à les aveugler sur danger de jeter la première le puissance chrétienne, en quelque sorte malgré elle, dans rangs de leurs ennemis. Le secours donné à Candie ne les pas tant les irrita ne les émut, et mettant à prolit l'absence du vio- qu'il commandement lent Kupruly, qui avait été prendre en Crète le du siège, les autres ministres adressèrent à notre ambassadeur un appel conciliant. Le sultan ne s'y opposait point n'avait qu'une passion, la chasse; maniaque, il : ce prince l'aimait frénétiquement, en son temps se passait à organiser de colossales bat- et tues autour d'Andrinople, sa résidence favorite, ou à parcourir ses États d'Europe en faisant partout Actuellement, général de ses chasses invité assez ment des un carnage d'animaux. avait établi à Larissa, en Thessalie, le quartier il doucement : que M. de c'est là la Haye-Yantelct à se rendre, pour parler lut du renouvelle- Capitulations. Ses instructions l'autorisaient à reprendre cette négociation avant de partir, à faire on le lui dit que les s'il y trouvait (juelque moyen. ^ovage de Thessalie. que les A Il Larissa, on 1 ne balança pas accueillit bien; nouvelles Capitulations seraient signées, dès deux gouvernements seraient parfaitement d'accord sur même, le sullfui en écrivit au Roi, et les articles à y insérer; dérogeant aux traditions hautaines de ambassadeurs la Porte, qui recevait et n'en accréditait guère, il officiers pour porter sa lettre à destination. des désigna l'un de ses Ce « parti honnête » la Haye-Vaniclet, qui y vit une raison pour nouveau son départ, et, au lieu de l'ambassadeur rappelé, ce fut l'envoyé du Grand Seigneur ([ue l'un des vais- plut fort à M. de différer de seaux du Roi mouillés devant bord. Quand la la côte thessaUenne reçut à son nouvelle de ces événements parvint en France, on y connaissait déjà l'insuccès de l'expédition de Crète, la sortie infructueuse du 2'\ juin, la disparition du duc de Beaufort; quelques semaines plus tard. Candie capitulait (1). Cette (1) Voyez d;uis l;i Rei:ue d'histoire (liploiiiaticiiie du 1" avril 1S97 de M. Le Glay, L'expédition du duc de Beuuforten Crète. leiital'article I.OLIS \IV tive avortée ET l.tUilE.NT acheva de dégoûter Louis paix de Venise avec la Porte, conclue le mettre à l'abri Louis 6 septembre lfi69, allait Coli)ert : pour se résolut à tenter avec la Porte tueuse réconciliation. La venue d'une aux somlilait faciliter d'autre part le retour purement pacifiques de XIV des croisades, et la de sollicitations nouvelles. ambassade ottomane projets le XIV 21 une la première fois, définitive et fruc- CHAPITRE PREMIER DEUX MISSIONS ENVOYK I, En juillet 1669, La Ui: GRAND SEIGNEUR Fontaine, dans la chronique rimée qu'il adressait à la princesse de Bavière, lui mandait ainsi la nouvelle du jour : Nous attendons du (Irand Seigneur Un bel et bon ambassadeur : vient avec grande cohorte Le nôtre est flatté par la Porte. Il ; Tout ceci la paix nous promet Entre Saint-Marc et Mahomet. Cette fois, l'auteur des tables faisait de l'histoire dijiloniatiquc <'omme M. Jourdain tard, sans le savoir. allait faire Il de la prose quinze mois plus se trouvait indiquer assez exactement le tour imprévu et favorable que venaient de prendre nos affaires à la Porte, (ju'il le avec les conséquences qu'on en devait attendre, lors- croyait simplement rapporter les bruits dont retentissaient monde et la ville, x^^ussi bien, un ambassadeur lurc à nos portes, le fait était étrange, inattendu, l'événement assez gros pour qu'on France le mît en petits vers. Depuis nombre d'années, la n'avait pas vu de Turc étonnante nou\ eaulé, en la nation, pi(|uait au même l'amionce d'une si qu'elle ilattait l'orgueil de officiel, et temps vif la curiosité de Paris. Suleiman-aga, envoyé du Craiid Seigneur, (h'-barqua à Toulon DELX MISSIONS le 4 août son avec une suite de vingt personnes. C'était, dans l()tj9, pay.s. un homme longtemps parmi il de condition fort ordinaire. les hostinidjis étaient est vrai, 23 ou jardiniers du Il avait figuré Sérail. Ceux-ci, moins des serviteurs proprement que dits des officiers d'un rang inférieur, chargés de fonctions qui les faisaient approcher de Quand frais Sa Hautesse la sultane-validé, et de la famille impériale. descendant du Sérail, dans un kiosque sur le allait Bosphore, c'étaient qui écartaient à coups de pierres les caïques indiscrets. visitait-il l'une de ses maisons de campagne? les goûter le les bostamijis Le sultan bostandjis, « dont l'exercice le plus ordinaire, suivant l'expression de l'un de nos ambassadeurs, les outils était île planter des choux de leur travail habituel contre sabres (1) », et échangeaient mousquets, « des- quels étant aussi bien armés qu'ornés de leurs bonnets gris et blanc en pain de sucre monarque. Sorti de cette milice domestique, élevé jusqu'à une charge de cour emportant le raia, et il se présentait à nous sous du haie sur le passage », ils faisaient la Suleiman s'était de mutafer- titre cette qualification barbare, à laquelle les bouches françaises eurent peine à s'accoutumer. Au un vrai type d'Oriental, visage long et maigre, teint olivâtre, yeux ardents, barbe noire, corps sec et physique, il offrait nerveux; au moral, le les traits dominants de son caractère étaient fanatisme religieux, un orgueil emporté, qui n'excluait point l'esprit d'observation et de repartie, et, par-dessus tout, le mé- pris des Infidèles. Dès son arrivée en France, il prouva sa hauteur en n'accor- dant aucune attention aux honneurs extraordinaires qu'on rendait; les villes se canons sur son passage, des bals sans 1 lui portaient à sa rencontre, tiraient leurs lui envoyaient des présents, émouvoir. Aux portes de lui ilarseille, il doimaient prétendit recevoir le compliment des échevins sans descendre de cheval, ce dont l'assistance fut scandalisée. Des traits analogues mar- quèrent son passage dans d'autres (1) .Noinlel villes. Il traversa la France à Pomponne, 3 mai 1676. Archives des affaires étrangères. LES VOYAGES Df MAKOllS DE 24 XolMEL dédaigneux, impassible, affectant, au dire des personnes qui une gravité insolente », et inspirant virent alors, « nement ne paraissait en ressentir. qu'il Quand talla il eut atteint Paris, au lieu de aux environs, à vinrent le une importance entrer, on l'ins- personnes qualifiées Issv, oîi quantité de présenter à la cour. C'est commencer. A laient plus d'éton- ou plutôt l'examiner. On s'occupait en le visiter temps de l'y faire que ici le même les difffcultés al- la cour, les questions d'étiquette prenaient qu'elles n'avaient point ailleurs, et le France nial à observer entre la et la Porte, cérémo- en de semblables occasions, n'avait jamais fait l'objet d'un règlement définitif. D'ailleurs se trouvait-on en présence d'un envoyé pourvu d'un véritable caractère diplomatique ou d'un simple messager? lettres d'introduction dont Suleiman égard quelque doute. Quoi sujet de plainte et en lège que l'orgueil liant pour la qu'il en était porteurlaissaient fût. afin même temps de de lui Les àcet épargner tout ne lui accorder aucun privi- mahométan pût interpréter dans un sens humi- France, on pritle parti de lui appliquer exactementle traitement que nos envoyés recevaient du grand vizir, lorsqu'ils n'avaient pas rang d'ambassadeur, et cette préoccupation allait inspirer Il la plus extraordinaire fantaisie. appartenait à M. de Lyonne. en sa qualité de secrétaire d'État ayant <à aux ministres du Roi le département des affaires étrangères, de donner audience l'envoyé; en cette circonstance, on résolut de copier scrupu- leusement chez le les usages de Porte, sans omettre aucun détail, aucun acces- la ministre français, à sa maison de Suresnes, soire, de tout disposer à l'orientale, et afin de recevoir plus convenablement il parut indispensable, l'officier de Sa Hautesse, hommes d'État et ses gens se fissent Turcs pour un Le cérémonial adopté par eux a fait l'objet d'une relation qu'un de nos instant. répandue dans Paris et rendue récemment à notre curiosité (1). le comte Ed. de B.\RTHf:LEMY dans le Buldu bibliopkile, septembre-octobre 1881. Cf. \es Documents historiques inédits, publiés parM, Ch.\mpoli.iox-Fige.\c, t IV, [i 892. et les Mémoires du chevalier d'Arcieux, t. IV, p. t33 et suiv. (t) letin Cette pièce a été publiée par 1 lî ; K < '\- ni .' Ti ordonne de Al .1 1 1 le tout :• -i; \ ,^&c , • 1 r. . i . \ .-fu^^jit.-^ m i. n J^ .U w li o; ; uu i . , I c iii'. iid tout, Jt l.y.-nr,- u :\-/,rA^r. Mu^t-y'^rry^^ ,e-e^ r:>iinïi3Vor:«l EPiOSJIOtniRIT iCïEDIT I DR IX MISSIONS Les documents 23 conservés au ministère des officiels et secrets, complètent ce récit qu'on eut pu croire affaires étrangères, forgé pour l'amusement du public et en certifient l'exactitude. Nous savons pouvoir douter, qu'un an avant ainsi, à n'eu — et nous Bourgeois (jentilhomme — ne devait pas être entièrement fortuit (runt' Dans le la cour eut cérémonie turque, imaginée, préparée des personnages officiels, et le spectacle représentée par avec un imperturbable sérieux. cette scène à peindre, M. de Lyonnc fit naturollomcnt confia à M. do Rives, du Kiaya-Ben, qui était le secré- premier rùle, celui du grand intendant de sa maison, le rôle vizir. Il Le taire et le lieutenant des principaux dignitaires de la Porte. Kiajia-Beij, je veux dire M. de Rives, rerut cente de carrosse et lui servit le café, le le verrons que ce rapprochement Suleiman à sa des- conduisit dans une première pièce où on mais où il dut attendre huit heures (c'était le temps en moyenne que nos ambassadeurs passaient à se morfondre dans le palais du grand vizir, avant d'être admis à entretenir ce ministre). Il avait été convenu, afin de compléter la ressemblance, que cette épreuve préparatoire précéderait pour l'envoyé son introduction dans triomphé le la salle d'audience. dans l'aménagement de cette pièce qu'avait C'était surtout génie imitatif des organisateurs de la réception. Une lieureuse disposition de meubles, d'étoffes et de coussins avait permis de figurer sofa du grand le \ izir. On sait que ce trône des ministres ottomans n'était pas, à proprement parler, un siège, mais une estrade recouverte de tapis un enfoncement de la muraille. et dressée d'ordinaire Le grand dans vizir s'y installait à la place d'honneur, dans l'un des angles du fond, assis à la turque, le corps appuyé à des coussins de tontes parts, et cpii l'environnaient et l'étayaient dans cette posture il accueillait les visiteurs — et leur être prochainement disputé — de monter eux-mêmes sur l'estrade, de s'y faire apporter un ta- officiels. Seuls, les ambassadeurs qualifiés obtenaient encore ce privilège allait-il bouret et de parler ainsi au ministre de plain-pied; les résidents et autres envoyés demeuraient au bas du sofa, et de là adres- LES VOYAGES 26 DL" MAUÙl.iS DE NOINTEL saient k l'idole immobile qu'ils apercevaient au-dessus d'eux leurs compliments A la soie, et leurs discours. maison de Suresnes, un tapis de Perse, tissé d'or et posé sur une estrade, traçait dans la enceinte réservée; on y avait dressé un plendissant d'or, et c'était là que M. de salle lit de d'audience ime de repos, tout res- Lyonne devait prendre place pendant l'entretien, adossé à des coussins de brocart, après s'être étudié à imiter les manières graves et la majes- Un tueuse impassibilité des vizirs siégeant dans leur divan. drogman grec, assisté de quelques jeunes gens familiers avec les mœurs langues de l'Orient, devait servir d'interprète. et les Des de comparses serviteurs convenablement stylés s'étaient réparti les rôles de figurants. Quant au public, et par un groupe de seigneurs spécial à s'assembler dans rière des portes et il une galerie voisine en glaces tous était représenté de dames, conviés par privilège les détails et à suivre der- du spectacle (1). M. de Lyonne virent celui que l'on appelait r«Excellence mahométane » entrer avec ses gens, puis, parvenu au milieu de la pièce, s'incliner profondément par trois fois et, Les invités de portant la main à son front, à sa bouche, à sa poitrine, faire le M. de Lyonne répondit en soulevant légèrement son chapeau, s'assit ensuite sur le sofa de la manière con- salut à l'orientale. venue, et dans le même moment l'on apportait pour l'envoyé un tabouret recouvert d'étoffe de Damas, garni de franges d'or, que l'on eut soin de placer en dehors L'entretien commença; autant fut assez pénible et parut et au bas de l'estrade. ([u'en put juger l'assistance, l'étranger montrant plus de ténacité que de déférence. de quelque temps, des serviteurs apportèrent les il un instant dégénérer en discussion, parfums fumant dans des cassolettes, Au bout le café, le sorbet, et les offrirent à genoux au secrétaire d'État; puis se retournant vers son interlocuteur, ils les lui présentèrent debout. C'était la façon dont le grand vizir le signal du congé. Suleiman se re- Arctiives des affaires étrangères, Constantinople. vol. IX. Arvievx, 133 Journal d'Ollivier Lefècre J'Ormessoii. t. Il, p. 370. (1) p. donnait à ses visiteurs t. V, DEtX tira alors, et il sans que M. de dans fut conduit le MISSIliNS Lyonne fît 27 un pas pour laccompagner, compagnie jardin, où la lo rejoignit presque aussil<U. Lui, sans s'inquiéter de cette curiosité, continua sa promenade, puis, l'heure sacramentelle étant venue, chercha quelque endroit convenable pour sa prière, cunnuença tapis, s agenouilla el in\oqucr tl le étendre un fit Très-Haut, a\ec les inflexions de voix, les balancements de corps et toute la panto- mime compliquée que tails de rentrcvue : il du Prophète. prescrit en pareil cas la loi M. de Lyonne voulut faire connaître le lit dans une lui-même au Roi lettre où il affirme les dé« s'être parfaitement bien acquitté de la fonction que Sa Majesté avait confiée pour même un quart d'heure de son grand dépèche nous échangées entre jamais lui initie vizir (1) ». lui La au secret des paroles un peu vives le secrétaire d'État et l'envoyé Je ne pus « : persuader par aucune raison que je pusse dire, écrit M. de Lyonne, de me Votre Majesté. Le Turc » rendre la lettre du Grand Seigneur pour répondu que ses instructions avait étaient formelles, qu'elles lui recommandaient de ne se dessaisir à aucun prix de son précieux dépôt, et quil y allait de sa tête de remettre la lettre de son maître France Ainsi îi d'autres qu'à !'« empereur de », le conilit éclatait France qui n'admettait à bassadeurs proprement entre l'étiquette hautaine de la cour de la présence du monarque que les am- dits, et la prétention de l'envoyé ottoman. Convenait-il, par exception, d'accéder à cette dernière, et pouvait- on le faire sans compromettre la dignité royale? mis en discussion; le conseil en délibéra. les précédents, c'est-à-dire ce qui en pareille circonstance Sa Hautesse envers les et de s'était (|uelle On Le point fut voulut connaître passé à Constantinople manière s'était comportée Français qui avaient rempli en Turquie quelque conmiission diplomatique, sans y occuper l'ambassade M. de Lyonne se chargea de prendre à cet égard les informations : convenables. (t ) Lettre du tinople, vol . .3 I.X. novembre 1669. Archives des affaires étrangères, Constan- LES VOYAGES DU MARQUIS DE XOIXTEL 28 Tandis que inquiétude le secrétaire d'Etat poursuivait cette enquête, une sembla que Suleiman avait été par trop lui vint. Il lui complètement dupe de la comédie qu'on de Suresnes avait été jouée avec une avait pris tout de vizir telle ; la scène perfection que le Turc bon le personnage assis sur le sofa pour le grand de France et avait témoigné reconnaître en nom ministre, exerçant le pouvoir au Or, on sait que Louis XIV un premier lui d'un monarque inoccupé. se montrait aussi soucieux de reven- diquer toutes les prérogatives de souveraineté que d'en rem- la tous les devoirs, et le prince qui avait déclaré son intention plir d'être à plaisir lui-même son premier ministre, apprendrait-il sans dé- qu'un étranger, fût-ce même un Oriental, le soupçonnait de déléguer la toute-puissance? Quelqu'un, détromper Suleiman, ne donnée lui avait que partager avec faisait un pied de de s'était avisé MM. Colbert et de Louvois, sur Turc, au lieu de ne prêter à Louis le vizir, lui que M. de Lyonne parfaite égalité, le poids des afl'aires; maladroitement appliqué, avait produit des mal, et est vrai, afin de il lui dire en attribuait maintenant trois. mais le remède, effets pires XIV que le qu'un grand Afin de détruire dans cet esprit déconcerté des préventions de plus en plus offensantes pour le souverain, Lyonne se crutobligé d'intervenir personnelle- ment il se vizir : dans une seconde audience accordée à proposa de démontrer que qu'en effigie, que le le la mission turque, Roi n'avait institué un grand monarque français ne tenait auprès de sa personne aucun ministre investi de prérogatives exceptionnelles, et que la supériorité de son génie consistait précisément à pouvoir se passer de tels auxiliaires. Ayant fait approcber Suleiman, sans rien changer au cérémonial précédemment adopté, il lui tint, entre autres discours, le langage suivant un grand : « Je vous apprends vizir, ni trois, ni même, dont (|u'il n'y a dans cet empire ni autre autorité que celle de l'empereur tous les ministres ne sont que de simples exécuteurs des ordres qui partent tous les jours et à tous propre bouche en toutes sortes empereur a eu atteint l'âge de moments de d'affaires... Aussitôt sa que notre gouverner par lui-même, il s'est MISSIONS I)E[ \ 29 réservé à sa personne seule toute l'autorité, n'en aucune portion à qui que ce tout, ordonne soit, voit tout, communique entend tout, résout tout, travaille sans discontinuation huit heures i.ar jour à ses affaires et à rendre la justice à ses sujets, et s'est rendu lui-même, par et l'étonnemcntet que vous voyez ici 1 celte conduite, les délices de son peuple admiration de toute la chrétienté! phicé comme un grand tantinople, je ne suis qu'un petit secrétaire de que d'écrire résolutions qu'elle prend dans les ail j'ai... complète qu'elle monarchie française s'adressait ; il soir et matin fi'il, les aires qui regardent l'emploi Ses autres secrétaires en usent de chacun dans l'emploi dont l'Kmpereur Si Cons- Sa Majesté Impé- riale, qui n'ai d'autres fonctions particulier que Moi-même vi/ir le serait à les honore même (1). » cette leçon sur l'organisation de la laissa fort indifférent celui auquel elle eût pu y découvrir des arguments en faveur de sa monarque lui-même, jusqu'à prétention d'arriver jusqu'au cette autorité (lu'on lui représentait partoutprésente et agissante, mais ne daigna point : « Je ne suis pas venu, seborna-t-il à répondre, pour apprendre comment France est gouvernée la nuant à s'appuyer uniquement sur demanda avec plus d insistance que jamais à remettre en propres la lettre dont il Après beaucoup d'hésitations, cette grâce lui rehgicux respect pour apparaître au Puisque la et le mains <le la lui faisant faste et de magnificence. l'Infidèle prétendait fixer le soleil, cette fois, les prévisions fut enfin accordée, pénétrer d'admiration personne royale, en miheu dune auréole de que ses yeux ne pussent en supporter pour il était chargé. mais on voulut au moins qu'elleservflà et d'un », et, conti- de son maître, les ordres l'éclat. il était à souhaiter Malheureusement, nos Français furent déjouées, leur esprit inventif se trouva en défaut. L'appareil déplové pour recevoir l'émissaire de l'entrée la Porte, la maison du Roi rangée à du château de Saint-Germain et étalant ses plus brillants uniformes,, la cour tout entière réunie dans (l( une galerie somp- Relation confidentielle de l'audience du Roi. Arctiives des affaires étran- gères. Conslaiilinople. vol I\. LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOI.NTEL 30 tueusement et paré de tous les diaiuants de vant l'expression de monta hardiment couronne la la Gazette, « le et il avait Roi se levât pour recevoir se retira fort mécontent, « à ses gens de ne point la lettre été rejetée avec en rechignant oculaire, et haussant les épaules. recommandé l'Orient. poussa l'irrévérence du Grand Seigneur. Cette prétention ayant un témoin d'argent semblaient, sui- (lui l'environner de lumière », degrés du trône les jusqu'à prétendre que hauteur, tiNuie Turc habitué aux pompes de n'éblouirent point le Il Roi lui-mt''me, assis sur un décori'e, le 11 », nous dit avait affecté et mémo jeter un regard sur les magnificences offertes à leurs yeux, et l'on assure qu'il ne s'épargna pas les remarques désobligeantes. Connue on nombre tait le et la lui van- grosseur des pierreries dont rhabillement royal était recouvert, il lui serait arrivé de dire que le cheval de son maître, aux jours de cérémonie, en portait bien davantage. Ces détails furent naturellement omis dans le l'écit de l'audienc^e que la Gazette présenta au public, mais la cour demeura confondue de tant d'audace et crut avoir assisté à un sacrilège. Pour réduire l'étranger à la raison, les officiers chargés de son entretien et de mieux que de le garder en Ce régime l'amena à de saludouleur d'avoir manqué à un grand prince, sa surveillance ne trouvèrent rien de chartre privée pour quelque temps. taires réflexions, et la .à laquelle il faut joindre sans doute le déplaisir des traitements destinés à lui mar(|ucr l'inconvenance de son ])rocédé, dans une mélancolie qui mettre sa A ce lui fit perdre l'apjiétil et le jetèrcnl parut compro- sant(''. moment, un personnage de lrou\a étendu sur son lit. l'air la cour, l'étant venu voir, le Connue le abattu et languissant. visiteur lui offrait un médecin, son médecin se plaignait surtout qu'on lui défendit toutes relations «. Il répondit que « Dieu seul serait avec ceux de ses compatriotes qui iiabitaient Paris, marchands grecs pauvre état et arméniens. Turcs de rencontre, gens de et de luétier incertain; il demandait à jouir de leur employer leurs services, en protestant toutefois qu'il tenait pour bieu et dûment esclaves du Roi, qu'il se garde- société et à les il DEUX MISSIONS de les enrôler dans sa suite pour les ramener dans leur pays rait et les ravira leur n'y a rien de « il léuitiriic si Il propriétaire; et pourtant, ajoutait-il, naturel aux oiseaux et aux esclaves que de chercher leur liberté » (1). risquait aussi quelques observations sur l'étroite on oii 31 le demandait qu'on jetât sur lui un regard de pitié et adressait cour de suppliantes requêtes pour obtenir à son congé. Comme d'ailleurs il et que sa mission avait par elle-même cour résolut de le le faisant son pardon et caractère d'une avance, comme considérer telle autrement des singularités de sa conduite Constantinople, en la fois à la n'avait pou\oir de rien conclure, la la dépendance clémence rovale, tenait à tous égards, sollicitait la sans s'inquiéter de et le renvoyer à accompagner d'une personne auto- risée qui exposerait nos griefs, nos demandes, et les conditions auxquelles l'ancienne entente pourrait se renouer. Notre diplo- matie prendrait ainsi à son compte, et dirigerait une négociation que Suleiman paraissait avoir été chargé de provoquer plutôt que d'entamer. II I.A A couder (jui fallait-il nople au nom du Roi et CKUKMOMK TLItyi la tàclie délicate I- de parler à Constanli- de faire accepter nos exigences? M. de Haye-Vantelet restait ambassadeur en exercice, mais l'adresse la ou le bonlieur lui avaient fait défaut dans ses opérations; son retour fut irrévocablement décidé. ambassadeur, c"esl-cà-dirc Le remplacerait-on par un par un lionnne de qualité, chargé de représenter la personne même du torité qui s'atlaciie à de hautes fonctions? le but princijial (I) Arcliives de la Roi et de s'exprimei' avec l'au- Au contraire, connue négociation était de procurer l'avantage des affaires élrangèrcs. Constantinople, vol t\. LES VOYAGES 32 du commerce de et MAKUUIS DE \OI.\TEL D( ouvrir de nouveaux débouchés, n'était-il lui homme spécial, point préférable d'en remettre le soin à un fami- avec les besoins et les habitudes du négoce, instruit des lier conditions dans lesquelles cet art «le traiter avec les il se pratique eu Orient, possédant aussi puissances musulmanes qui exige des aptitudes particulières, fortifiées d'un long apprentissage? Les Hollandais, nos principaux concurrents dans les Échelles, n'entretenaient à Constantinople qu'un simple résident et s'en trou- Un vaient bien. agent de même sorte n'aurait pas à se faire rendre les honneurs auxquels un ambassadeur devait nécessai- rement prétendre, de haute lutte à et qu'il fallait arraclier gueil méprisant des Turcs ; il l'or- éviterait ainsi ces interminables querelles d'étiquette qui devenaient la pierre d'achoppement de toutes les négociations, et pourrait, sous un titre modeste, faire prévaloir les intérêts de sa patrie. Il y avait alors à la cour un jeune Marseillais, d'esprit prompt et délié, à qui sa dans Il la connaissance de l'Orient avait permis de jouer réception faite ii Suleiman-aga le r(jle nommait Laurent d'Arvieux, plus se de metteur en scène. tard chevalier de l'ordre de Saint-Lazare et consul de France. Après plusieurs années passées en Turquie à étudier spécialement la matière du com- merce, un liasard heureux ^a^'ait amené à la cour, où la pro- tection de la maréchale de la Motte, gouvernante des enfants de France, lui avait fait avait senti prendre pied. Sur ce terrain nou\eau, promptement pousser des ailes à il son ambition. Habile à se faire valoir, plein de confiance en lui-même, il rêvait de négocier à Constantinople la signature de Capitulations nouvelles, <!(• confirmant et étendant nos privilèges, et se croyait sûr ré'ussir dans cette tache. sur mémoires lui ; comme Il adressait aux ministres permettaient point d'aspirer à un la fois que de démontrer lui seul mémoires sa jeunesse et son peu de naissance ne l'inutilité titre éclatant, il s'elforçait à d'un ambassadeur et de prouver pourrait remplir avec succès les fonctions de rési- dent. Telles n'étaient point les seules voies (ju'il emitloyitt pour DEl'X MISSIONS par\ enir à ses fins, rorl pousser, il r(''paiulti se faisait froûter pays du Levant. On toute méridionale, questions qu'on monde le sy cl sacliant par de piquantes révélations sur les aimait à l'écouter ([uand, avec une vivacité il lra(;aille tableau de ce monde encore presque mystères attrayants, et incoiuiu, fertile en du merveilleux. volontiers les airs dans 33 prend réel le oii avait réponse à toutes les Il posait sur les habitudes de l'Orient. lui plaisantes reparties. « le Roi, dit-il dans ses Mémoires, rément, ainsi que Mlle de La Vallière »; mais il riait ajoute, — A ses modé- et nous laissons l'entière responsabilité de ces renseignements à ce Pro- veneal digne d'être Gascon, .Aime de Montespan « et de La Reine, dont il D'autres fois, ». pendant leur Vallière, tenant sur les costumes la que Monsieur, frère du Roi, « il ([u'ils en toilette, lui arriva, s'il faut l'en croire, « Mmcs amusait des dames de Turquie curiosité deux heures durant Ouelque prisés et faisaient des éclats de rire qu'on aurait enlenilus de deux cents pas Montespan — les entre- sans oublier », de satisfaire la sur bien des particularités fussent à la cour, de » (l). ces services d'un geme particuher ne parurent pas un dès présent à leur auteur un jioste diplomatique; lorsqu'il il titre suffisant s'agissait de désigner nos représentants et pour valoir au dehors. Louis son ministère se décidaient par d'autres raisons. XiV Colbert avait consulté les principaux négociants de Marseille sur la conve- nance d'envoyer en Orient un ambassadeur ou un résident. Le commerce se prononça pour le premier parti, le Roi se rangea ù cet avis, et l'on apprit soudain que son clioix était tombé sur le marquis de Noinlel, conseiller au Parlement de Paris. C'est à ce dernier qu'incomberait le soin de rapatrier Suleiman et de négocier avec solennité le mission modeste renouvellement des Capitulations. A et toute prati(|ue la que recommandait Arvieux dans un l)ut intéressé, le gouvernement royal préféra une grande expédition diplomatique, destinée à faire réapparaître magnifiquement la France en Tunpiie. {[)Mémoiresiluclf':'li.y,l- \nieu.r, t. IV, p I.S5. :29i. 29.j LES VOYAGES DU MARQUIS DE .\OINTEL 3i Le dépit qu'en ressentit Arvieux se Une anecdote (|u'il y a mise semble réflexion qu'il a dû se faire fallait un homme qui l'obtint. ambassadeur, lement, gens : commentaire de pour remplir : d'affaires et celui-ci le reçut et (]ue le pope grec le on sait que les mépris place vacante, il allé visiter le nouvel en costume de conseiller au Par- Turc, à l'aspect de le plus parfait la cette de nécoce; ce fut un magistrat raconte que Suleiman étant Il dans ses Mémoires. trahit la loniiue robe, crut voir un Turcs témoignent pour cette sorte de (1). Ce fut pour Arvieux une petite consolation la cour lui en ménagea une autre, plus importante. A défaut do l'emploi qu'il convoitait, on lui découvrit une occupation plus conforme à ses : aptitudes, sinon à ses désirs. Tandis que Suleiman, dans l'été de 1670, après avoir tés, la la fait à travers Paris, ses monuments et promenade ordinaire des étrangers, regagnait ses rare- le midi de France, Arvieux aidait à tirer une conséquence inattendue des aventures de l'i'nigmatique personnage et à fournir l'épilogue de sa mission. Le Roi avait décidé de passer à Chambord et l'un des divertissements destinés à la fin de la saison, égayer ce séjour devait être la représentation d'une comédie-ballet. Molière en écrivait LuUi les paroles et mis l'Orient à gage fleuri, la la musique. La mode ; visite mœurs les de Suleiman-aga avait de ses habitants, leur lan- leur vanité imperturbable et naïve faisaient le sujet ordinaire des conversations, et Louis XIV, voulant donner à la commanda aux pièce une saveur d'actualité, auteurs d'y mettre des Turcs. Peut-être aussi ne déplaisait-il point au monarque, piqué des dédains de Suleiman et de ses compagnons, do punir ces orgueilleux en faisant rire à leurs dépens Ce projet conçu, Arvieux pour en faciliter roxécution : ! se trouva naturellement désigné pourrait fournir dos détails lui seul typiques sur un peuple qu'il connaissait bien ot que n'avail fait ([n'entrevoir. (1) Mémoires, t. l\, p. riU. Par ordre, il la cour s'en fut trouver Molière à nrrx missions sa maison d'Auleuil, 35 rencontra avec LuUy, s'y et affirme leur avoir donné à tous deux d'assez nombreuses indications pour scène Il qu'ils composaient reconnaît, il la (1). occupé des costumes est vrai, s'être surtout : nous ne contesterons pas cet aveu peut-être irréfléchi, échappé On peut à une fatuité qui s'oublie. croire cependant que le futur chevalier fui appelé à jeter sur l'ensemble de la cérémonie quel- ques touclies de couleur locale. Grâce lui, les ;i liahillements e( les coiffures, confectionnés par Baraillon, tailleur de la Iroupe, avec lequel il eut des conférences, se Irouvèreiil et sont restés depuis moins fantaisistes (|u on ne j)ourrait se l'imaginer : à Constanlinople, les turbans des hauts dignitaires avaient alors deux pieds de diamètre ceux delà Comédie dépassent-ils celte : mesure"? Ce fut aussi Arvieux qui mit dans la bmiclie des malio- métans de Molière quelques mots de véritable turc de ce jargon cosmopolite entendu lui-même sur qu'il avait quais de Sniyrne et au bazar d Alep. beaucoup et les initia Il également tains g:esles consacrés, à certaines formalités bizarres, dans la devenus pièce l'occasion de jeux de scène burlescpies où l'on a vu chez Molière une tentative pour travestir nos rites chrétiens, une intention d impiété, et (jui apparaissent plutôt comme grossissement démesuré de quelques-unes des prati(]nes gieuses de l'Islam donnée fut Bourgeois (/entilliomme. Elle faveur, quoi qu'on en ait le fut li octobre 1670 Mémoires, Molièi-e. et t i\', l'article dans le p. do M i^Ji à '2ol. c'était le de public de cour auijuel elle Aovcz ipii lui aussi, I{erl)rui:v'er intitulé Molie'ri.'ste l'article : avec beaucoup ai;cueillie dit, et le s'adressait s'amusa fort d'un spectacb' année I86N. le reli- (2). La comédie-ballet (1) les à cer- intitulé : : retraçait sous dans la une Renie africaine, l'ii colhthorateiir inconnu de La note de l'arlmiUté dans Molière. (2) On sait la controverse soulevée à ce sujet et ù laiiiielle prirent part avec éclat l'aul de Saint-\'ictor et J -.t. Weiss. Voyez aussi l'article de M de Semallé dans le Moliériate, et l'e.xcellente notice mise par M. Alesnard en tête du Bourijeois ijentilhnmme dans la collection des Grandx Écrivains de la France. (ra\rcs de -Molière, t. \'lll. d'aprésles indications de .MM Cli.Sfhercr et tJarîner de .Mevnard. , LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEI. 36 forme plaisante des aventures de d'un Au trait la veille, et comique se doublait d'une dans lequel plus allusion. troisième acte, l'un des personnages de la pièce. Covielle, avant lancé tout à coup la phrase suivante « Il s'est fait : depuis peu une certaine mascarade qui vient le mieux du monde ici », se trouva-t-il un des invités de M. de Lyonne, acteur ou spectateur des scènes de Suresnes, qui n'ait impressions? die. » « Tout retour sur ses propres cela, ajoutait Covielle, sent un peu sa comé- Yoilà assurément qui frappait juste et s'appliquait fort bien à la turquerie ministérielle. l'événement du jour, tretient, la le fils fait la A l'acte ]\I. Jourdain apprend celle dont chacun s'en- suivant, grande nouvelle, venue d'un haut personnage d'Orient; Covielle en fait du sultan et le qualifie d'Altesse turque; mais ce autre chose que l'ingénieuse transposition de celui mahométane que nous avons vu appliquer titre est-il d' « Excel- à Suleiman pendant son séjour et que nous retrouvons jusque dans les pièces lence diplomatiques"? « Il » a un train tout à fait magnifique, continue l'acteur en parlant de l'étranger: tout le été reçu en ce pays comme un monde le va voir, et seigneur d'importance. lusion se mêlait encore d'ironie, et le il a » Ici l'al- trait était à l'adresse de notre engouement irréfléchi pour les personnages exotiques : après avoir tout d'abord comblé Suleiman de procédés et d'égards, on s'était aperçu, mais un peu tard, que ce Turc qui s'en faisait accroire n'était que de troisième ou de quatrième rang, et qu'en allant à lui, les trompés hommages du public curiosité et la s'étaient d'objet. Cependant la pièce continue, et l'entrée en scène des Turcs s'annonce par des mots dont chacun porte mettre à M. Jourdain la dignité de défendu de penser à ce visiteur d'arrogante duction qu'en avait titre : en entendant pro- Mamamouchi, de Mutaferraca dont il n'est point s'était paré le mémoire et qui voulait dire, suivant la tradonnée Arvieux, « un homme distingué ». Enfin la cérémonie déroule sa pompe de à ses bouffonneries énormes, et gaieté avec d'autant |ilus la d'aisi- fait applaudir cour de se laisser aller à sa carnaval, que cette raillerie pouvait iJEI X MISSIONS passer pour It'gitimc cl de bonne guerre 37 : tourner les Turcs en une manière bien à nous de répondre à l'insolence ridicule était de cet envoyé qui avait mortifié notre orgueil, refusé d'admirer la France manqué au grand et scène l'Orient travesti, des hauteurs de l'esprit En mettant Roi. français sur la prenait sa revanche diplomatie ottomane, el Molière vengeait la Louis XIV. TU I.K MAIKJUIS DK NOINIEI. En recevant son nouvel lui avait dit vous Nointel s'y s'était agi eU'ef, él ait de Je vous « : En (I). » ai aiiihassailonr à (jonstanlinople, le Roi choisi sur le bien (|uo l'on m'a dit de sans avoir jusqu'à préseni marqué à la cour, ménagé de hauts et de multiples appuis. Lorsqu'il nommer, des puissances diverses et souvent le opposées, des personnages que l'on voyait ramiicnl d'accord, Colbert et Louvois, les amis de l'un et de l'autre, s'étaieni rt'unis pour le recoiumander au choix royal et vanter ses mérites. Charles-Marie-François Olier, marquis de Nointel etd'Angcrvilliers, appartenait à une bonne famille de robe, originaire de Picardie. ler Son père, Edouard du Roi Olier, secrétaire et conseil- au Parlement de Paris, avait obtenu l'érection en manjuisat de sa terre de Nointel. près de Clermont en ReauNoisis (2). Il avait épousé, en 16.34, Catherine .Mallon, appartenant à la famille des seigneurs de Bercy; c'était une piété profonde, (|ui finirait ses Roval des Champs, auprès des (I) .Vnhives îles affaires étraiiff'res, femme jours dans de haute vertu et de la solitaires de Xointel Port- retraite, à ipii elle à l'oriipotine. ;i() reçut tou- mars 1677. du mois do septembre l(i.")f. vériliéesau l'arleinent en Chambre des eom|ites en septembre IC.'ib et le ±9 mai 163G. Areh. iiat. Cabinet des titres. Ariiii's. (i) l'ar lettres palcriles LKS \(IVAGES hV MAliljriS DE NOI.NTEL 38 jours appui elle avait direction. et eu ijuatre toutes religieuses le sans compter trois dcr«Abbaye aux Bois futur ambassadeur, était l'aîné des un Parisien du Marais, né sur sien, la De son mariage avee Kdonartl fils, Charles-François, un pur Pari- c'était : Ûlier, qui furent la paroisse Sainte-Croix de Brelonncrie. Elevé dans un milieu grave, austère n'en manifesta pas moins très vite une bonne heure, on il monde. siens pour courir le le voit quitter les petit Coulanges» de presque janséniste, et humeur aventureuse. De sans nul doute, ce N'ointel que (>'est lui « (1) ». fils filles, jeune Coulanges, le Mme de Sévigné, emmena vers IGSTou dans son grand voyage à travers l'Europe dont et le 1(558 parle à cha- il que instant dans ses Mémoires. Ces gais compagnons assistèrent d'abord à Francfort au couronnement d'un empereur allemand. furent reçus chez plusieurs princes du Saint-Empire et v trou- Ils vèrent une hospitalité parfois redoutable admit à sa table les et « commença, dit à Stuttgard, le duc : Coulanges, par porter la santé du roi de France et ensuite de toutes les puissances de la terre. Je lisse, il demandai de me fut répondu l'eau, mais, quelques instances que je jamais dans (|ue l'eau n'entrait la salle si grand piince que M. le duc de Wurtemberg (2). » Nos voyageurs franchirent ensuite les Alpes, descendirent en d'un Italie, admirèrent la cour de Turin. « lapins belle et la plus magni- fique de toutes les cours après celle de Venise, et arrivèrent linalement à Rome, ments de l'antiquité les retint France oîi », s'en l'étude des longtemps. Ce fut là de Nointei senlil son goût pour les arts, déjà très se développer, devenir passion. Il paraît attacher à l'ambassade en aurait rendu quelcpies services. avoir poussé là, (jualité d'auxiliaire Où ne monu- que François vif, s'affiner et même plus tard jusqu'en Orient et vu Constantinoj)!c; fait furent à il se serait béné\ole serail-il allé, s'il avait et pu suivre jusqu'au bout la pente de son caractère? Mais l'argent (1) (2) est le nerf des voyages, comme celui de Arch. nat. Cabinet des titres. Aniics. Dossier île Coulanges, p. I ;ï (i2. Mémoires I2i)70, la guerre. MISSIONS l)i:r\ paraît avoir possède pou de Son père et Xointel eii niaiiquail. 39 bien et l'avoir mal géré. Pour vivre, Nointel dut rentrer dans la tradition de sa faniillo, regagner Paris et s'y renfermer, recourir aux offices de judicature; seiller en 1G61, une charge de con- obtint il au Parlement; nomade par nature, force réduire au plus sédentaire des métiers lui était de se (1). une provision de souvenirs et de connaissances; il avait rapporté aussi de quoi se composer une collection, « un cabinet », comme l'on disait alors. Dès que De ses vovages, il l'on entrait cliez lui, a\ait rapporté une quantité de choses plus rares que belles, mais disposées avec un goût ingénieux, des dessins, des tableaux, des curiosités de toute sorte, étonnaient le regard, évoquaient la vision do pavs étranges et transportaient bords de la Seine visiteur très loin des lo (2). Cette originalité valut à Nointel un premier renom. Puis, comme il était d'humeur fort sociable et eut promptement accès dans des famille, tenait il de belles manières, miheux aux cercles jansénistes très divers. et ne il Par sa pas d'y baissait fréquenter. Arnauld, le grand Arnauld, et Nicole, appréciant son savoir ot la sûreté de son commerce, le prirent en goût et l'admirent dans leur intimité. atteignit aux Colbert, à C'est par eux sans doute celte famille de ministres qui. qu'il pendant un domi-siècle, se perpétua et se ramifia au pouvoir. Arnauld de Pomponne, parent de tous les Colbert et futur secrétaire d'État, lavait en spéciale estime. les accointances et pas la : démon tions les beaucoup. En littéraire qui au beau même (1) .\rili. nat. (i) lui dit, manquaient temps, la manie d'écrire commençaient commun Cabinet des conseiller le 21 un homme magnificence de ses qui a vu des pays des mortels, le firent titres. rechercher dans Armes. D'après une autre pièce, mars lOGS seulement, Mémoires du cheralier d'Arrieux. et à le posséder, ses préten- style, les grâces fleuries et la inaccessibles au rei.ii grand monde proprement parentés illustres ne récits, le prestige s'attachant à été le puissante maison de .Matignon tenait de près à sa famille et le protégeait le mémo Dans il aurait NOIMEL LES VOYAGES DU MAKOUIS DE 40 compagnies où les où l'on se piquait de goûts raffinés, l'on tenait bureau desprit. Une la foule de petites coteries se disputaient alors et émiettaient succession de l'hôtel de Rambouillet. Nointel fut prompte- ment affilié à l'une d'elles. Dans une de ses lettres (i), comme faisant partie de bet, l'abbé sa société habituelle, M. et Mme de Montrevel, Mme il cite, de Fieu- MM. Gargan, de Matignon, Machault, Quentin et de Nogent. Plusieurs de ces personnages se sont signalés àl'attcntion de ceux d'entre nos contemporains vivent dans l'intimité du grand siècle précieux et de précieuses s'écrivait le beaucoup: on madrigal y gramme on peut se communiquait des ait le sonnet, l'épi- en vers ou en prose. Que François accompli bon nombre de ces prouesses de plume, présumer, à en juger par celles le qu'il se permit plus tard en situation d'ambassadeur et parmi le tracas des Sans doute aussi voyages : et gonflés de essais littéraires; en honneur, non moins que était les cercles on se voyait, on tel qu'était celui-là, et autres galanteries de Nointel Dans (2). ([ui fit-il circuler des récits assurément des c'étaient afl'aires. ses aventures et tie écrits pailletés de clinquant de métaphores, avec de l'entortillé et du précieux dans les idées. De plus, comme enrichir l'esprit, il il s'intéressait à tout ce (jui peut charmer et attirait à lui savants, artistes, antiquaires, et se montrait vis-à-vis d'eux affable h la fois et protecteur, se sen- Mécène. tant des instincts de foule d'occupations sances humaines, S'il se dispersait ainsi en une sans maîtriser aucune partie des connais- s'il restait en toutes choses un amateur, le sérieux de sa tenue, ses belles relations et encore plus l'amitié des hauts penseurs de Port-Royal couvraient ce avoir en lui d'un peu fantaisiste. même (1) des jaloux, C'est la lettre il était pai-liculière fort En somme, bien posé : on pouvait y d'après l'aveu (|u"il le tenait que nous donnons presque in pour extenso un chap. IV. Ci) Vo.yez spécialement les notes jointes par M. de Boislislc à sa édition des Mémoire!! de Sainl-Sitmin. grande Itl'AX liomiiie M lionnt'ti' homme bien, » ( I j MISSIONS dans toute 41 du tenue, lioinine de la foi'co de mérite, et de plus bel esprit, avec la spécialité des bistoires de voyages et de l'exotisme. Cette situation honorable et par certains côtés brillante ne suf- pourtant pas à fisait le La dignité un peu contenter. froide de son extérieur, sa gravité judiciaire cachaient des aspirations tumul- tueuses et romanesques. rêvait de Il nouveaux vovages, d'entre- prises héroïques, de décou\ertes retentissantes rière était celle du grandiose et sa vraie car- : de l'extraordinaire. Des goûts de commençaient à percer en lui, ne demanexplosion. Déjà, au grand donnnage de sa for- faste et d'ostentation dant qu'à faire tune, ter; se montrait généreux, prodigue; nul ne sut il pour moins comp- ne s'occupait jamais de l'avenir et n'aimait l'argent que il le temps. voir couler entre ses mains, en quoi A bien de son ('lait il époque, une cour jeune, galante, celte folle de plaisirs, faisant tout avec faste, y compris l'amour, étonnait Paris par le empanaché, par bruit de ses fêtes, par son luxe d'une existence machinée comme une s'y associer; lui aussi eiU splendeurs succession do scènes d'Opéra. Nointel admirait de loin cet entrain aimé à les pompeux et eut voulu traiter somptueusement ses amis, donner des collations, des régals en musi(|uc, organiser des divertissements et des fêles, participer à des carrousels. Il était las (|ue la de « se ruiner obscurément » (2), et son chagrin était modicité de son avoir, la pénurie croissante de ses res- sources, l'embarras de ses affaires, vinssent à chaque instant contrarier ses goûts et resserrer sa vie. Lorsque l'ambassade de Constantinople se trouva désirs, ses espoirs se réveillèrent; tenir. Assurément, ses écueils, ses le il \ acante, ses mit tout en œuvre; pour l'ob- métier d'ambassadeur chez les Turcs avait périls; mais qu'imporlail, à nn homme de sa trempe! Hardi, entreprenant, libre, célibataire, sans attaches qui le retinssent à Paris, en pleine force de l'âge, il ne demandait qu'à se risquer et à s'exposer au loin pour la gloire de son maître, {\) (2) Mémoires du chevalier d'Arvieiir, La Bruyère. t. IV, p. 243. 42 \0\\GK> I.i;s qu'il MAKUl DL confondait avec la sienne. On 1^^ L)!:) .\ (UN TEL représenta sans doute aux ministres et au Roi qu'il s'était déjà familiarisé avec les choses d'Orient, et qu'en ces difficultueusescontrées autre trouvant moins dépaysé. s'y , emporté le succès, il vit y il ferait Quand mieux qu'un ses amis eurent un coup de fortune. D'abord, Temploi était lucratif; aux émoluments fournis parla cour, seize mille livres par an, s'ajoutait une pension servie par la « chambre du commerce mille francs (1). » de Marseille, une rente de huit y avait aussi un casuel assez considérable, Il des allocations supplémentaires à espérer, et de plus certains ou moins profits jusqu'alors tolérés, des taxes plus cevoir sur nos marchands des Echelles : licites à per- les prédécesseurs de Nointel ne s'étaient jamais privés de puiser à cette source de revenus, ayant sur ce sujet des idées fort différentes des nôtres on en citait plusieurs, partis « fort faits et enrichis là-bas. On gueux » (2), : qui s'étaient re- ignorait encore que Colbcrt s'était juré de mettre ordre à tout cela. Puis, pour un connaisseur éméritc en fait de curiosités et d'objets d'art, pour un chercheur de trésors en ce genre, quelle aubaine qu'un voyage Grâce aux rait facilités mine féconde que officiel que Levant, quelle le en ces régions à peine exploitées! lui procurerait son titre, Nointel pour- renouveler sa collection, y joindre des pièces excellentes, peut-être uniques, et la mettre hors de pair, sans compter qu'il trouverait certainement matière à de resplendissantes descrip- même tions, qui assureraient du tous les cas, grandement aux veilleux pays ambassade, ce et vivrait il coup sa gloire littéraire. Dans frais du Roi en de mer- s'y promener avec faste. Une telle apparemment une série d'entrées à fracas et pourrait serait de défilés, à travers des sites enchantés, des palais, des colon- nades, des architectures nobles, peuplées de statues, au bord d'une mer d'azur et d'or; dans ce cadre de féerie, une suc- cession de difficultés vaincues, d'obstacles surmontés, d'aventures glorieuses : un roman de Scudéry mis en (1) Bibl. n;it. .Ms. Clairambaull. (2)DANnK.u:,t. p 1. 14G !)8i;. p. 557. action, oîi .\oin- DEIX MISSIONS tel se jugeait de taille à soutenir superbement faire Au 43 personnage du héros le à et figure. homme de physique, c'était un quarante ans. portant beau, avantageux, au regard ferme, aux grands traits accentués. Avec son feutre à ondovant [jlumage, son ample chevelure lloconnant sur ses épaules, son justaucorps à brandebourgs s'cvasant autour de en la taille apparaît bien plis roides, tel (ju'on son luxe de rubans se représente et avait « le teint grands la torité et de brun, il un ambassadeur du grand Roi. Selon le chevaUer d'Arvieux, peu enclin à il de dorures, le poil noir, le le voir eu beau, nez aquilin, les yeux voix grosse, rude et peu agréable »: un air d'au- commandement paraissait dans toute sa personne. .Mais cette sévérité n'ét.ait qu'apparente; ces couvraient une àme d'artiste, (|ui avait ses imposants dehors re- fugues et ses caprices. Peut-être aussi ce magistrat lettré, ce dévot de la beauté antique, ce magniflque curieux man(|uait-il des qualités de finesse et de dextérité nécessaires pour déjouer les ruses des Orientaux et se mesurer avec leur redoutable diplomatie à forces égales. Lvonne et Colbert rédigèrent ses instructions, chacun pour ce concernait sa partie. (]ui Deux mémoires furent ainsi rédigés, purement commercial. Us ne l'un politique et religieux, l'autre contenaient ni l'un ni l'autre le texte tout préparé de Capitulations nouvelles : on ilemandes sous laissait à la l'ambassadeur le soin de présenter nos forme qu'il jugerait convenable et de les graduer selon les circonstances; on lui indiquait pourtant certaines ba.ses de négociation, et il en était quelques-unes dont il ne devrait se départir sous aucun prétexte. C'est ainsi qu'il aurait à exiger péremptoirement la pour cent, taux trois réduction des droits de douane de cinq à fixé pour cette condition seule, notre que la France ressaisît les Anglais et les Hollandais commerce peu à peu pourrait se rétablir. la supériorité en Orient, il : à Pour était indispensable qu'elle obtînt tout d'abord l'égalité de traitement avec ses rivaux, qu'elle fût mise, sur Il le pied de la nation ne paraissait pas la comme Ion dirait aujourd'hui, plus favorisée. moins nécessaire que notre protectorat U LES \OYAGES UU MAUQL'IS UE NOIXTEL religieux fût expressément reconnu. (Jnel était au juste i'olijel, quelles devaient être les limites de ce jjrotectoraf? Quelle distinction convenait-il d'admettre en la matière? Depuis téressait début de ses relations avec le la Porte, la aux catholiques de l'empire ottoman et France même s'in- à tous les chrétiens d'Orient qui ii\\0(iuaient ses offices; elle tâchait les protéger autant cir leur sort. Nos que possible contre l'arbitraire turc rois mettaient leur trouvaient leur gloire c'était l'un parer; ils des titres honneur à et de d'adou- celte tache et y protecteurs du christianisme oriental, : rim des et r('iles dont ils aimaient à se y voyaient l'excuse de leurs relations avec l'Infidèle. Toutefois, en ce qui concernait les chrétiens indigènes, sujets du Grand Seigneur, notre patronage ne pouvait s'exercer qu'à titre purement officieux, par voie de simple intercession auprès de l'autorité territoriale. faire figurer dans un acte trop le préciser, tait écrit, Il paraissait l)ien difficile de le dans des Capitulations on risquerait de le : à vouloir compromettre. Mais il d'autre part dans les États ottomans, surtout depuis le mencement du exis- com- un grand nombre de religieux venus de l'étranger, des missionnaires latins, appartenant aux diverses siècle, nationalités catholiques de l'Europe occidentale, France, Italie, Espagne, Portugal, et compris par tion générique de religieux firmes. les Turcs sous la dénomina- Ces ecclésiastiques s'étaient introduits en Orient pour subvenir aux besoins spirituels des populations de leur culte, pour travailler à la conversion des sciiismatiques et aussi pour représenter le catholicisme dans certains sanctuaires vénérés* entre tous. Ils avaient fondé des églises, des chapelles, des couvents, des hôpitaux, des écoles. Presque tous ces établissements n'avaient pu se créer qu'à faveur de permissions obtenues par nous de la Porte spécialement chacun d'eux; nos soins, grâce à nos ment de ils se soutenaient efl'orts; la France la et visant uniquement par les couvrait officielle- sa protection et prétendait la leur imposer. Cependant, ce droit formellement revendiqué ne jusqu'à présent qu'en s'était vertu d'actes individuels et exercé toujours MISSIONS i)i:r.\ révocables, parfois rrudc Sauf les .« lolérance cl d'une tradition. siiniilc Lieux Saints de Palestine, visés par de IGOi pour les Capitulations appartenant aux catholi(|ucs, les étahlis- la partie senionts latins n'étaient point mentionnés dans les artes d'enrégissaient nos rapports avec la Turquie. senii)le qui que cette lacune fût comblée; tait il fallait Il impor- que l'existence des missions dans tout l'empire ottoman, sous notre sauvegarde, pour fût normale ou la la première rapacité des pour la Porte comme un défendre contre les le fait fanatisme nmsulmans, nos agents pussent invoquer un pcrmancnl. un général et titre admise par fois et que, et licite, Turcs serait vis-à-vis des religieuse et écarterait en article des Capitulations, fondement le même (jui nos droits en matière île temps toute comj)élition de la part des autres puissances catboliques. En ([ui troisième lieu, dans grrée il était à désirer que la France fût réinté- droit d'imposer son pavillon à toutes les nations le conunerçaient en Turquie, sans avoir conclu par elles-mêmes de traités avec la Porte. C'était jadis l'une de nos prérogatives essentielles, la plus caractéristique de tontes, celle dont la bardiesse entreprenante des Anglais et des Hollandais avait mis le plus de soins et de patience à nous dépouiller. Ce privilcgi; aujourd'imi partagé avec nos concurrents, on ne saurait insister sirait pour qu'il nous rendu tout entier fût monopole de ainsi le s'être fait conférer la ti'oji France ressai- piotection conunorciale. après la légalement : le mono])oli' de la protection reli- gieuse. Quant à l'Egypte et à la jamais de ^ue. Tandis que Suleiman-aga mise en la ballet, mer Rouge pon\ail et « la cour public s'amusaient de lisait commerce de commerce grands avantages (1) ». Dans ses des mémoires sur le reconnaissait de plus en plus que ce jiroduire de très instructions pour M. de Nointel. (I) et le les perdait applaudissaient au spectacle de son ambassade Colbert et mer Rouge, Colbert ne UHresde OMerl. t III. p. 207. il ré|)éta, en termes plus pres- LES VOYAGES DU M A lin LIS DE NO INTEL 46 sants, ce qu'il avait ilit à .AI. de la Haye-Vantclet. Il fut convenu en outre que l'emploi des moyens propres à rappeler en Egypte et à nous réserver le commerce des plement recommandé aux Turcs, leur comme une Rouge, serait désormais présenté mer condition de notre amitié. L'ouverture de la la faculté tion des Indes, au lieu d'être sim- droits de transit entre Suez et Alexandrie, la réduc- de douane en Egypte au taux fixé pour les autres parties de l'empire, durent figurer, sous forme d'articles précis, dans le projet de Capitulations à soumettre au vizir. La négociation relative à l'Egypte, au lieu de se poursuivre séparé- ment, pour allait désormais se confondre avec renouvellement des Capitulations le celle qui s'engagerait (1). Afin de donner plus de poids à la démarche de la France, on résolut de l'entourer d'un éclat et d'un appareil inusités. IS'ointel n'eut pas seulement à se former une suite de secrétaires et de drogmans, monter une maison fastueuse, un train princomme une expédition militaire. D'ordinaire, un ou deux vaisseaux du Roi seulement conduisaient à Constantinople l'envoyé de Sa Majesté. Cette fois, une cier: à se son départ fut organisé escadre entière dut appareiller pour lui servir d'escorte. Elle comprit quatre de nos vaisseaux de ligne, choisis parmi les plus imposants. Leurs multiples étages de batteries, leur poupe relevée en château, leur décor de balustres, de figures sculptées et de dorures, tout en en eu.x respect. Un détachement ment des Vaisseaux commandait l'admiration et le et du régi- des Gardes de la marine vint prendre garnison en ces citadelles flottantes. Il parut non moins convenable, après que l'on aurait primé la la terreur avec les vaisseaux de Sa Majesté, de magnificence des Français (2) ». Dans ce but, « im- faire voir une troupe de vingt-sept gentilshommes fut enrôlée, tous de bonne mine, alertes (1) Les insiructiiiii?: de Colhert à Nointel figurent à l'appendice, sous la lettre n. (2) Noinicl àLvniine, (i novembre 1070 Tous les extraits cités des lettres de l'ambassadeur au secrétaire d'iUat sont tirés des archives des affaires étrangères. DKIX MISSKINS et fringants, 47 dcsircux de voir du paj's, ayant du bien et sachant en faire montre, propres à présenter un noblesse française. de joli échantillon la entourcraientrambassadcur lors de son Ils entrée dans Conslanlinople et seraient là pour l'ostentation; les officiers de l'escadre figureraient également dans commandant du vaisseau mis à fut Princesse, /(/ de l'expédition. la tète devant Constantinople Il le cortège. Le M. Dumée d'Aplcmont, aurait à présenter la flotte longtemps que et à l'y tenir aussi le mar- quis de Nointel le jugerait opportun. L'arrivée de l'ambassadeur devaitse doubler de ce qu'on appellerait de nos jours une démonstration navale. En tout, d'ailleurs, il était dit que la mission de Nointel se dis- tinguerait des précédenles et les surpasserait par son imjiortancc. Destinée à faire prévaloir dans nos intérêts politiques le [..evant commerciaux, à manifester et la puissance et la majesté fran- çaises, elle allait se conipli(iuer en dernier lieu d'une entreprise de tout autre nature, d'une investigation théologique repi'é- : sentant du Roi, Nointel se trouverait par surcroît ambassadeur de Port-Royal. Depuis quelques années, les controverses entre catholiques et un instant suspendues, avaient repris de plus belle; au fort de la querelle entre M. Arnauld et le pasteur protestants, on était Claude, champions des deux parlis sion sur Réforme le mystère (I). de l'Euchai-istie, avait soutenu que \u cours d'une le discus- représentant de les églises d'Orient point la présence réelle et s'était fortifié de cette autorité s'agissait jiour les catholiques de convaincre lein- que Nointel était MM. Arnauld e( Nicole, se sou\enant de leurs amis, eurent l'idée de proposer à ses prièrent d'interroger les chefs des diverses (2) spécialement Rébklli.w, p. d'une et soins une enquête en bonne forme sur le point en litige (1) Voyez p. 19-68.' (2). Il adversaire d'imposture ou d'erreur, à l'aide de documents positifs vérification sur les lieux. la n'admettaient ;}1>, 33, IlÉUELLiAC, :i!>. (38. liosstiel communaulés liistorien : ils le orien- du piotcslanlisme, LES VOYAGES 48 taies dans et. .MAKQllS DE \OIXTEL I)C où leurs réponses cas infiniment probable le seraient favorables à la doctrine catholique, de les leur faire consigner par écrit, d'obtenir d'authentiques professions de foi : ce serait merveille que d'enlever ainsi aux calvinistes leur argu- ment et Ro\ al fut d'ailleurs de le retourner contre eux. L'initiative prise pai'Port- approuvée en haut lieu; à la cour, d'insignes personnages, entre autres Turenne, s'intéressaient vivement à controverse parlèrent de leur côté à l'ambassadeur, et le ils : la Roi lui-même trouva fort bon que l'on s'en fût jusqu'au fond de l'Orient chercher des faite à Nointel ciel jirit armes contre l'hérésie. La recommandation ainsi un caractère impératif et presque offi- . Comme curer beaucoup de temps cette partie de sa tache exigerait et sortait de sa compétence ordinaire, un auxiliaire spécial, versé il dans parut ullh; de lui pro- connaissance des la langues du Levant, apte à mener l'enquête sous ses ordres avec toute la rigueur désirable et à en coordonner méthodiquement les L'homme résultats. di'couvrir: ils le (pi'il Arnauld Nicole surent et le trouvèrent en la personne du sage, habile et judicieux Antoine (ialland : que c'est ainsi futur traducteur le une yuils fut adjoint à l'ambassade, en qualité tralla- (h's Mille et clié fallait, théologique. Galland était alors un jeune homme de vingt-cinq ans, fort pauvre, simple professeur au collège Mazarin. mais passionné de science, cherchant à se faire une spécialité de l'orienta- lisme et montrant pour ce genre d'études une (piaiile. il facilité remar- Suivant assidûment les cours du Collège de France, possédait, outre ments de l'hébreu une excellente instruction classique, les élé- langues asiatiques et d'autres ; son ambition était de cataloguer les manuscrits orientaux de la Sorbonne. Arnauld et Nicole l'enlevèrent à ce rêve d'érudit et le donnèrent à Nointel. Le cadeau était d'inestimable valeur. land se dévouerait de tout son rait le zèle, l'application, la cœur Fervent catholique, à sa fonction; conscience il Cral- y apporte- qu'il mettait en toutes DEUX MISSIONS choses; i!) entendait toutefois, à côté de il prescrite, làciie la s'en attribuer bien daulres. Cet érudit était doublé d'un lettré et d'un artiste. Maniant aisément la jiluine. extrêmement attentif, il tiendrait le journal de l'ambassade pour la partie anecdotique et pittoresque, et ce nous complète un précieux document que cette chronique elle permet de contrôler la correspondance de l'ambassa- est et ; deur, dont elle forme en ([uelque sorte la contre-partie les littératures orientales fourniraient à (jalland champ (1). Puis, un merveilleux d'investigation. Compilateur de vieux livres, glaneur de légendes, de traditions, de récits populaires, il par tirer finirait de ce chaos une fleur de poésie, cette série de contes ensoleillés où revit toute l'imagination de l'Orient et qui ont enchanté tant de générations successives. Enfin, autant que Noinlel lui-même, il avait le goût l'exhumer : et la passion de l'antique de tout ce : il savait (|u'(int laissé les civilisations flairer, le grecque et romaine, monuments, statues, inscriptions, médailles, manuscrits, délicates figurines ou frustes débris, rien n'échappait à ce fureteur, à cet intrépide dénicheur d'objets d'art et de curiosité. Pour les grandes campagnes d'exploration ne pouvait désirer un compagnon plus ipi'il méditait, Nointel utile, et ce collaborateui- ne serait jamais un concurrent, car Calhuid ne cherchait qu'à se faire le ser\iteur modeste classique, l'excellent et infatigable homme de la science : sur rt-ncontrerait la célébrité le sol en ne cherchant que l'étude. Nointel comptait l'envoyer à la découverte, le détacher en éclaircur, employer son aventureuse curiosité, consulter son goût, se servir de à sonder, pour dresser la carte lui pour reconnaître les endroits On archéologique du Levant. voit que l'ambassade se destinait de plus en plus à nous révéler l'Orient sous ses aspects nmlliples, autant qu'à y faire revivre rir l'autorité Dans les et refleu- de la France. premiers jours d'août 1070, la petite colonie en pai- lance se réunit à Toulon. Chacun se casa tant bien (pie mal à (1) Le rejîrellé M. Sehefer a donné récemment une édition du .Journal de Gulliind complète, très soignée et savamment annotée. i LES VOYAGES DL MAKoLIS DE NO 50 Les personnages ])onl des vaisseaux. doyaient 1 M EL les plus divers s'y cou- à côté des genlilshoniiiies d'escorte, à côté de cette : exubéranle et tapageuse jeunesse, le pacifique Antoine Galland, rangeant soigneusement ses papiers et ses livres; un frère de l'ambassadeur, qui avait obtenu permission de suivre sa fortune chargé de traiter mer relali\es à la (b's arguments au man-aga, il la ]{ougc, à l'Egypte, clicf allait au besoin, de souffler héros d'une saison, bien oublié rentrer à Constantinople confondu dans la presque dans suite et et, démission. Une place était réservée à Sulei- d'hier, célébrité aujourd'hui; ; Compagnie des Indes, le sieur Magy, avec une compétence spéciale les questions uu des directeurs de les bagages de l'ambassadeur. Pour le moment, on le tenait à en passant ordre avait été doiuié pour qu'il n'arrivât à Toulon : Valence, oii M. de Nointel le prendrait qu'avec notre ambassadeur et pour qu'il s'embarciuàl sur-le- champ, sans jeter un regard indiscret sur nombreux Turcs à la chaîne aurait matière à de fâcheux rapports Mais l'ambassadeur se (ii'part, jtu mille soins, mille la vue de (1). faisait attendre. A grand le retenaient. Puis, en coûtait de s'arracher à ses lui il si d'un la veille mesures à prendre malgré ses goûts nomades, où la Aille, l'olfusquer et lui foui-nir amis, à ses relations, à la vie de Paris, à ses chers objets d'art, à son cabinet si joliment orné; il s'occupait pourtant à le démé- riager en partie et emporterait (]uelques-uns de ses tableaux, nlin lui, de se faii-e j)arloul où il résiderait une installation bien à portant sa niar(|ue personnelle, un cachet d'art et d'élégance. Colberl cepcMidant s'impatientait de ces retards M. de Nointel de Toulon — mais faire sortir \u) le je pai'tir \ — « : écrivaiL-il à l'intendant ous avoue que c'est une grande homme de Paris (2). » Peu Je presse de marine à difficulté de après, appreiumt que marcjuis sest décidé à se mettre en route, le rude ministre lui envoie, on guise d'adieux, celle admonestation ni'empèeher de aous diie que (1) l.rllrr.s tic (2) Ihid. Culhcrl, l, IlL p l'i.S le : « Je ne puis retardemenl que vous avez DEl'.X appporté à partir qu'il peut même .MISSIONS 31 embarquement a fait peine au Roi, et préjudiciable à son service. Je veux et à votre être fort croire que la diligence que vous apporterez à présent à vous rendre à Constantinople, et ploierez pour parvenir à la même fin ([ue l'industrie que Sa Majesté que vous ems'est proposée dans votre envoi, contribuera en quelque sorte à réparer un longtemps perdu (1). avait enfin fait liàte cessr, et l'escadre (1) Lettre du 2i) : » Avant d'avoir le 21 août 1G70, si senti cet aiguillon, Nointel il était à mettait à la voile. août 1670, archives de la marine. bord de la Prin- CHAPITRE PKE JI I KUEs NÉG II CIAT UN S I UKYANT CONSTANTINOPLE. Contrariée trois mois vers la leinjuHcs de l'automne, la traversée dura fin d'octobre seulement, l'escadre parut à du Bosphore. Nointel ne nous l'entrée quand : ])ar les il dit pas ses impressions revit Constanlinople; c'était pourtant un spectacle sans pareil que la cité impériale se levant sur l'amphithéâtre de ses coUines, avec l'entassement de ses maisons, ses posés, ses gerbes de minarets. Au reste, mencèrent immédiatement. Pour entrer dans profond qui sert de port à la ville, entre Sérail : était il d'usage que leur le golfe étroit et Stamboul ciirétiens, les vaisseau.x étrangers avaient à dûmes supercom- les difficultés et les quartiers doubler la pointe artillerie saluât ce lieu du auguste, cette résidence des sultans, qui ne répondait point. Celte fois, les circonstances Le parurent exiger de uotr(^ part plus de hauteur. sultan n'iiabitant plus sa capitale et ayant transporté à drinople le ^•éritable un palais vide, rendre sentit que si siège An- du gouvernement^ pourquoi saluer hommage à des nuu's? L'escadre n'y con- les batteries placées autoin* du S(''rail hii rendaient la politesse. Cette prétenlioii fut rejetée; alors, <'onune nos officiels sentaient en eux quelque chose de cette ardeur à tout braver qui transportait les Français sous un prince entreprenant etheurcux, les vaisseaux passèrent devant le Sérail sans saluer, rasèrent si- PHKMILKKS lencieuscnienl le M;(;()(;iATIt)NS 5:5 pied des murailles, les jardins où s'étagcaicnt de blanches constructions et où pointaient des kiosques, et, toujours muets, vinrent mouiller fièrement à l'entrée du port. L'insolence de cette entrée révolutionner la faillit musulmans furent indignés; la gers tremblèrent pour leur sécurité Les ville. populace s'attroupa; les étranet nous blâmèrent. Le scandale était grand, mais non moins grande la curiosité. Cha- que jour, d'innond)rables caïques sortaient du port, venaient tournoyer autour de nos gros bâtiments, immobiles sur leurs ancres. Peu à peu, les caïques se iiasardaient d'accoster Turcs de toute condition se présentaient quelques-uns, car la était il bon de à boni : des : on en recevait faire connaître la puissance et perfection de nos engins de guerre. Les visiteurs parcouraient les batteries, passaient parts, entendaient le pages et les devant les sentinelles apostécs de toutes roulement des tambours, voyaient troupes de marine faire compte que nos vaisseau.v étaient canons et d'hommes, n'étaient pas pour les équi- manœuvre, se rendaient abondamment pourvus de la et les récits qu'ils rapportaient en ville encourager une attaque contre ces formi- dables machines. Néanmoins, la situation restait sombre, menaçante, grosse d'orages, lorsqu'un hasard heureux amena une éclaircie. Un cortège parut au lnud de Sérail nople, : c'était celui la mer, tout près et en deiiors du delà sultane Validé, qui, restée à Constanti- venait visiter une galiole en construction. D'origine russe, celte princesse avait été enlevée naguère do son pays natal, emmenée Grand Seigneur, acquis le captive parles Turcs et placée dacisle iiarem du où, devenant mère de Mohammed IV, elle avait fit demander en son nom rang de Validé. Elle nous le salut royal. prière d'une Aussitôt, la courtoisie de nos officiers céda à la femme ce que les grondements d'une jjopulation n'avaient pu leur arracher. En un se transforme et se dt-ride. Les vaisseaux se pavoisent instant la mine de l'escadre vergues, leurs cordages se frangent de banderoles et de : leurs llammes multicolores, et les batteries du Séi'ail ayant connnencé de saluer LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 54 sultane russe, notre artillerie suit l'exemple et couvre la tonnerre La le bruit des canons turcs girent. (1). momentanée détente ne fut que son île Après avoir reproché à notre : d'autres différends sur- son silence, artillerie les Turcs trouvaient maintenant qu'elle parlait trop. La supériorité armement de notre poudre et de notre se manifestait hors de propos. Des exercices à feu, des saluts rendus aux personnages marquants de l'ambassade qui naient, se rendaient à terre prolongeaient fort avant dans se la ou en reve- nuit, et comme voix de nos grosses pièces de marine avait de formidables la éclats, détonations les maisonnettes « émoi toute la » ébranlaient « le bois, les rivage, mettaient en population des harems et la faisaient tressauter d'épouvante. Aigrement, bassade que de palais les de plaisance semées sur des capitan-pacha envoyait dire à l'am- le femmes en avaient avorté Autre cause de brouillerie il : (2) ». y avait à Constantinople des es- claves français, pris à bord de bâtiments corsaires ou vendus par les Barbaresques, enfermés au bagne ou employés à divers travaux dans turcs : la ville, de miMue qu'il y avait à Toulon des forçats c'étaient toujours même parité de procédés injustes, même deux Etats réciprocité de torts, et cette étrange situation de offi- ciellement en paix, officiellement amis, se ravissant mutuelle- ment leurs sujets pour les mettre à la chaîne. A l'aspect de notre escadre, un esj)oir de délivrance avait ressaisi les captifs français; plusieurs de ces malheureux trouvèrent gagner les vaisseaux, moyen de où nos marins, nos s'enfuir et de officiers, les accueil- laient à bras ouverts, après avoir favorisé leur évasion. Naturel- lement les Turcs protestaient contre cette façon de soutirer au GrandSeigneur ses esclaves Ils et réclamaient en particulier de marque, que le n'admellaient pas ce droit d'asile. le chevalier deBeaujeu, prisonnier commandant de M. Nointel à Lvonne. (i novembre 1070. Schefer en appendice au Jimrnal de Cf. L.\v.\LLÉE, lii'hUionx (1) tle la Cctt,(! M. de Forbin, dépèche a été' publiée par Galland, l. I, p. 2.57 et suiv. France, avec la Turquie. Reçue indépendante de novembre 1843. (2) .Nointel la Princcsne, à I^jonne, 10 décembre 1070. l'RF.MIKHES XKGOC.I.VTIONS aurait reçu et caché à son bord: dieux n'avait jamais qu'il haut avec les Turcs. De allaient s'envenimant : vu le M. ile 55 Forbin jurait ses grands chevalier et prenait de très le d'âpres débats, des querelles qui là, entre la ville et la chaque jour flotte, risquait de ranimer la dispute. Malgré les dangers suscités par la présence des vaisseaux, Nointel les retînt assez longtemps dans le Hospliorc : il voulait rehausser par leur pi-ésence léclal de lentrée solennelle qu'il comptait faire à Constantinoplc, remettant en vigueur un usage négligé par ses prédécesseurs immédiats. Après s'être rendu incognito h l'ambassade, il revint à bord et le bruit de cent coups de canon, fît novembre, au It) son débarquement otliciel dans monta vers Péra, vers le somptueux appareil. Des trommarche, sonnant des fanfares. Des corps d'in- l'anse de Fondoucli; c'est de là qu'il palais de France, dans le plus pettes ouvraient la fanterie et de cavalerie turque, prêtés les pour la circonstance par principaux officiers de Constantinoplc, précédaient ces digni- taires eux-mêmes, imperturbablement graves dans leurs vastes mode de leur nation, costumes. Les drogmans grecs, vêtus à la robe longue et bonnet fourré, « faisaient une agréable diversité Puis, c'étaient la maison de l'ambassadeur, sa vaux de main, lui-même ses che- enfin à cheval, entouré de six estafiers qui soutenaient la housse de sa monture feutre à plumes, livréi', ». un habit tout chamarré ; il portait le d'or, et son luxe grand écliji- sait celui de son prédécesseur, M. de la Ilaye-Vantelet, qui paraissait à sa droite, vêtu d'un justaucorps de velours noir agré- menté de boutons d'or. A leur suite venaient les gentilshommes les officiers des d'escorte, vaisseaux; et celte noblesse « fort leste », à l'air martial, gravissait d'un pas délibéré et semblait prendre d'assaut les iiauteurs où s'élève le (]uarlier des ambas- sades. Dès que l'on fut arrivé au palais de France, la poudre se mit de la partie, et de bruyantes décharges, répondant aux salves des janissaires, firent trembler tout ill au Helation Je Tenlrée. .\rcliives Joiiriiiil (/(' (jiilliind. t. I, p. 2G0 le «les affaires et suiv. quartier d'alentour (1). étrangères — et appendice LES VOYAGES DU JMAKQl 56 cette orgueilleuse prise de possession, Peu de jours après Nointel fut averti que le DE NOIXTEE IS grand Kupruly, revenu de son expé- vizir dition conquérante, ayant reçu la capitulation de miné par ce coup d'éclat dans Andrinoplc. 11 et renvova l'escadre. Il une guerre de vingt-six ans, l'attendait rendre sans désemparer : demandes, ses discours, avait préparé ses de longues conversations avec Compagnie notamment de diverses le direc- des Indes, adjoint à la mission, l'avaient teur de la mer Rouge; la et ter- prit le parti de s'y médité ses arguments instruit Candie sur tous les points, discussion avec s'était il formidable le particularités mis en concernant la d'affronter état vizir. II LE GRANII VIZIR Kl'PRlLV. Le voyage vers Andrinople, entrepris en plein hiver, fut pé- Par des routes peu sûres, on cheminait en caravane, avec nible. une longue avait été file « de chariots, dont l'un, réservé à l'ambassadeur, déguisé en carrosse ». La nuit, il fallait s'installer khans ou caravansérails échelonnés de distance en distance à l'usage des vovageurs et ouverts à tout venant dans la cour, sous les arcatures blanchies à la chaux, la maison de l'amdans les : bassadeur, sa sommellerie, sa cuisine, qui devait pourvoir à un repas de vingt-cinq couverts, s'entassait pèle-mélc avec Levantins de toute espèce et leurs bètes : (k'S un désordre aboniinaiile en résultait. Faisant contre mauvaise fortune bon cœur, Nointel conte assez joliment, dans ime lettre iiarticuHère, ses embarras et ses misères : « On cherchait un cuisinier, on rencontrait un en demandant un sommelier, on trouvait un mulet, bêtes et la diversité esprit l'arche de Noé chameau; et le cri des langues faisaient revivre dans et la tour de Babel. Je crois des mon néanmoins qu'on l' était K du à côté m'apportaient mou M 1 1-; KKs N la première la 37 quon et souffrait seconde. J'avais ordinairement une petite caravansc-rail, dont les fenêtres et les trous le froid de asile^ j'aurais soulfert fumée du voisinage, l'air et la de camp, dans lequel je lit c ociaïI o ns 1-: commodément dans plus moins au temps de chambre !•: me renfermais comme et sans dans un bien davantage. ^laljré ces incommodités que nous tournions en plaisanterie, nous n'avons pas laissé d'avoir le teint frais et de marcher avec ordre et gravité A petite distance d'Andrinople, la caravane campagne, chaque Français reprit et échangé pendant commode bonnet à me l'habit européen costume (1). » halle en rase qu'il avait oriental, jugé plus robe et J'étais couvert, continue Nointel, d'une « : la la route contre le fit grecque, fourrés de martre; mais étant nécessrté de mettre à la française, je le fis élisent leur roi, c'est ce de la façon que les Polonais que nous appelons vulgairement à la ou en pleine campagne. Le grand froid nous servit nous diUgenter, et je puis vous belle étoile tant à sécher nos chemises qu'à assurer qu'en pareille occasion on n'a quasi pas besoin de valet de chambre. » Cette métamorpiiose opérée, nos voyageurs virent passer comme devant eux, n'était rien en un tourbillon, une rapide chevauchée ce : moins que le sultan Mohammed IV lui-même en équi- page négligé, revenant dune de ses parties de chasse menait avec une ardeur infatigable trevoir : « Je vous dirai, More, avant les yeux gros moustache épaisse, la écrit-il. visage roi.d et large, la barbe du menton peu garnie, et ; la taille, je la tenait derrière lui cent cavaliers environ, des trois premiers rangs jouaient de la crois la tète médiocre mal montés flûte, et qu'il put l'en- comme un quil m'a paru noir et ouverts, le foncée dans les é'paules quant à Il et fiévreuse. N'ointel : « en- (2). » ceu.x quelques-uns battaient sur des tambours et des timbales; mais l'harmonie et le son en étaient si lugubres qu'on les aurait plutôt crus à suite d'un enterrement que d'un empereur. Ms. Collection Reriaudot, Lettre citée à la page précédente (1) Bibl. nat. (2) vi>l. V. » la Et tout ce monde, LES VOYAGES DU MAIiOIIS DE XOINTEL 58 réglant son allure sur celle du maître, allait vite, se pressait extrêmement vers la de l'inquiet et éternel ville, iialetait iila suite chasseur. Nos Français dans Andrinople avec plus de firent leur entrée Au solennité, mais là leurs désillusions s'accrurent. capitale qu'ils avaient rêvée, encombrée, sale, trouvèrent une ils lieu de la ville sous un ciel bas et gonflé de neige ; étroite, des neiges fondues transformant les rues en cloaques; l'Orient sans lumière qui en fait la : un Orient terne et laid. Les auto- turques eurent quelque difficulté à loger l'ambassadeur. rités Finalement, on « beauté la quartier infect le conduisit à la Juiverie, » : au ghetto de l'endroit, on chassa un Juif de sa demeure sans et, plus de façon, on mil à sa place la mission française. Le logis ne ressemblait guère au palais de tinople : « le une chambre. La cour et les offices logé la plus grande partie de j'ai France à Constan- plus bel appartement, dit Nointel, ne consiste qu'en me servent de passage, et mes gens dans une maison voisine. Imaginez-vous la puanteur et la vilenie d<'s Juifs causées par la quantité de misérables familles qui logent ensemble, et vous jugerez (|u'on préserver. J'en ai a besoin de bonnes cassolettes pour s'en ma chambre plusieurs dans persuader qu'en considération (hi L'on veut grand noinlire de gens qui rem- plissent luie aussi petite ville que celle-ci. je dois d'être aussi me mal logé; que l'ambassadeur de Venise ne bien, et que j'aurais eu si me grand sujet de me consoler l'était plaindre si pas l'on m'avait mis dans la première maison que l'on lu'avait arrêtée, pnis(pie trois ])ersonnes temps auparavant Au bout vait, ii\ de y étaient mortes do la ville, et le tout d'Andrinople, Stamboul, approprié au goût s'éle- de jardins, avec des bras de des ponts, des bois de exprès, cr(''nelées. ("/était le sérail (1) Slêrac letli-e. peste peu de un amas de constructions hybrides un mélange de kiosques ière, la (1). » et à la j)lus cerné de miu'ailles vieux que celui de rudesse des anciens sultans i'1îi;mii:i!Es guerroyeurs. Là résidail m-goci.vtions Mohammed 39 IV, dans rinlcr\ aile de ses chasses. Avant d'aborder ce lieu farouclie, Noinlel fut roiiduif chez grand le vizir. avait cru imposer à ce ministre par le fracas de ses pre- S'il mières démarches à Constantinople il dominateur dont et le faste entouré, son espoir fut bien trompé. Ahmed-Kupruly s'était demeurait enivré de son récent triomphe. retrouvé contre lui En Crète, iuait il des Français, partout des Français, combat- ennemis; à ce grief renouvelé tant au prfiiii(>r rang de ses et légitime s'ajoutait le dépit que lui avait causé la conduite de notre escadre devant Constantinople, et des vaisseaux le délivrait comme l'éloignement de toute crainte immédiate, rien ne son devait tempérer l'expression de ressentiment. Voici en quels termes Nointel décrit son attitude, lors de la première audience : me « Il parut dans une gravité qu'il est entièrement était posée sur ses genoux, unies que je ne les Du seule fois... tint ses rel d'exprimer et elles étaient si une il bien reste, après m'avoir regardé attentivement, tout son maintien était ou composé qu'à grand'peine on vojait remuer un il : l'autre point vues ni remuer, ni se séparer qu'une yeux à demi fermés. Enfin barbe quand et ai difficile une de ses mains cachant avait les pieds droits et joints, parlait (I). » Un si il natu- poil de sa turban enfoncé jusqu'aux yeux, pelisse dont le col relevé encadrait le visage du vizir d'une épaisse fourrure, complétaient cet aspect rébarbatif. Nointel et ses « fit à lui seul les frais de l'entretien avances n'obtinrent que des réponses Voilà qui est bien que. » En », ou : « Il ; ses compliments comme celles-ci : faut que l'amitié soit récipro- vain essaya-t-il de dérider son impassible interlo- un en risquant une de contentement sur ce visage cuteur, de faire passer éclair de statue, allusion au plaisir favori de Sa Hau- tessc et en paraissant prendre intérêt au succès de ses chasses : (1) Nointel à Ljonne, 31 janvier 1671. Journal de La Croix, secrétaire k l'ambassade de Constantinople, Bibl. nat., manuscrits français, 13. l'ne partie seulement de ce Journal a été publiée sous le titre de Mémoires. LES VOYAGES 60 « Mon maître, roi surmonte — répondit rois et tue les bétes les plus de répandre leur las îles MARQUIS DE XOIXTEL 1)1" sang-, il « farouches le — poursuit, mais quand ; hommes répandra celui des L'entrevue se prolongeant, gner quelque impatience, Krupuly il sera (1). » ministre commençait à témoi- avec modération cependant », lors- du congé. Pour abréger, l'ambassadeur les parfums d'usage, que parurent le café et le sorbet, signal on négligera de présenter à sous prétexte que (jue la le temps sacré du Ramadan était vapeur odorante, en pénétrant dans les commencé et marines des musulmans présents, romprait le jeîine commandé par la loi. Même, s'il faut en croire le voyageur Chardin, qui avait accompagné Nointel, celui-ci aurait dû omettre dans sa relation cer- XIV. échappées taines paroles malséantes à l'égard de Louis Kuprulv. Il « roi soit est encore neuve. monarque, mais son épée exprimait l'importance que commerce que votre se peut, aurait-il dit, et à l'ouverture le Conmie on » à un puissant lui Roi attachait à l'extension du de la mer Rouge Comment un « : aussi grand prince, aurait-il dit, s'intéresse-t-il autant à de vils marchands Quoi lait, tel (2) ? » qu'il en soit, rebuté par l'accueil du vizir et ce qu'il appe- par euphémisme, « la sécheresse de sa conversation », Noin- conçut l'audacieux projet d'exposer au sultan en personne, lorsqu'il serait admis à lui présenter ses lettres de créance, les avantages d'une union solide avec le Roi. Introduit dans l'appartement impérial entre deux tchaoïuhs ou huissiers qui le soutenaient de chaque côté, et qui, pesant sur ses geaient fréquemment ;i travers un demi-jour respectueux, le sultan forme en une immobile épauh^s, l'obli- de profondes révérences, divinité, il aperçut, à Mohammed trans- appuyée à des coussins, assise sous un dais décoré de panaches et scintillant de pierreries. Malgré la posture incomiiuiih- dans laquelle on entama un discours où il touciiait mot de la le maintenait, il politique: mais (1) Journal manuscrit de Nointel. IjiLil. de l'Institut. Ce journal ne se rapporte mallieureusenienl qir.-iux premiers mois de ram])assade. f2) Chardin, Voyaijc en Pfrsr c-t autres lieux, Amsterdam, 1721. M rn K au milieu Louis nourricier m s i-; : ( ; ( i ( : i a i i ons 61 de son amitié, la voix du jxidischah s'éleva et le prix pour l'interrompre vizir. 1; i! sa liaranguc, tandis qu'il vantail la puissance de d(^ XIV 1 » (1) Adressez-vous, disait-elle, à « : père IV" nommait son demander si l'ambassadeur avait en mêlant à son compliment l'éloge d'un mo- que Moliainnied c'est ainsi ; mon Après l'audience, prétendu l'insulter lit il narque étranger. Réduit à laisser tcl fit négociation suivre son canal naturel, Noin- la passer au vizir un plan de (capitulations dressé confor- mément aux ordres du Roi, et sollicita une prompte décision : il avait liàte de répondre à l'impatience de Colbert. Mallieureusenient, il compté sans ces lenteurs calculées avait inertie savante cette et qui font partie de la politique des Orientaux autant qu'elles répondent à leur caractère. Les réjouissances du Baïram succédaient alors au Ramadan : en tout temps, ont elles servi de prétexte aux Turcs pour se dérober aux revendications européennes. On fit dire à ISointel ajournées, que la cour et seule occupation le que toutes gouvernement les affaires étaient se de\aienl à une célébrer par les fêtes et les observances : d'usage la rupture du jeûne. En effet, le canon tonnait : il y avait dans les rues jeux et divertissements, aflluence dans les mosquées, et l'unique consolation de Nointel fut d'observer passage du Grand Seigneur se rendant solennellement à prière. Cette cérémonie, à lui apparaître, le où la pompe ottomane conunence le la enliu frappe vivement, et pour faire prendre patience à Louis XIV, à défaut de l'annonce d'un premier succès, il lui C'était envoie orné et minutieux de ce un étonnant spectacle. Par les rues mains levées et la tète baissée, dans une attitude d'adoration, Grand Seigneur cbcvauchait lentement du Il avait pour l'escorter un peuple d'officiers et le rain vassal, I a \u. poudrées de sable le ( (]u"il entre deux baies de janissaires sans armes, qui se tenaient (in, les le récit ) le IJian île Journal de La Croix. Crimée, pour Sérail à la pr<''céder fils mosquée. d'un souve- son cortège iH lui LES VOYAGES DU MAUQUIS DE AOI.XTEL (i± servir En homme courrier. île sensible au jjlaisir des veux, Noinlel noie et retient toutes les particularités de cette scène, puis les décrit fort exactement. de l'empire, le grand saires, le reis-kitab vizir, Il a vu passer tous les dignitaires le mufti, le ou secrétaire d'État, Yoga des janis- l.itiija. le l,(tsnailiir dant des linaiices, l'ancien mignon du Grand ou surinten- Seigneur et le favori en exercice, tous personnages lourds, barbus, d'aspect mœurs sévère, de d'un groupe souverain infâmes, chacun d'eux à cheval, émergeant d'hommes et toutes les leur grand liàtoii à pied; a il maison du défiler la variétés de ses gardes, les tchaoutchs, argenté à la main, les moutafemicas velus de de velours, satin, les tchorbadjis vêtus taille en robe de bro- les capidjis cart d'argent à fleurs d'or, les chatirs gigantesque, la vu ou coureurs, de stature serrée j)ar une ceinture de métal, marchant deux à deux, ceux de droite tout iiabillés de jaune, ceux de gau- che tout habillés de vert, les.solaliS au casque ombragé d'un large panache, les pàUni dont toutes armes étaient d'argent doré les et dii[it qu(dques-uns portaient au dos de grandes ailes enpen- nées; a vu le sultan, avec le turban et la il la pelisse de brocaii d'or à fond trijilc aigrette, avec doublée de martre, sur son vei't che^al constellé d'émcraudcs. Ce qui lui paraît particulièrement digne d'être signalé, c'est le nombre et la grosseur des pierreries ce sont les diamants, : émeraudes. l\H-(|uoises, topazes, rubis, saphirs, jetés à profusion sur les harnais, les selles, les housses, les têtières des chevaux, sur le devant des robes, sur tures et les coin'ures, une pluie comme le si fourreau des sabres, sur les ceinsur le cortège entier était tombée d fscarboucles. Cependant, tandis complaisaniment à retracer qu'il s'attarde XIV ces somptuosités, un scrupule lui \ient. Louis tentait i)as d'être le plus puissant piquait d'eu être le plus fastueux. monaripie de .\ lui il se déplaire! Et le narra- teur d'ajouter- aussitôt des omlii-es au liiideau Grand Seigneur : trop insister sur la magnifi- cence d'aufrui, ne risque-t-on pas de tout conipic fait, le ne se con- la terre : il constate que, n'a pas autour de lui plus de PREMIÈRES NÉGOCIATIONS 03 quatre-vingts à cent personnes; Tensemble a beaucoup d'éclat, mais le détail laisse à désirer. Si les bonnets d'argent et les aigrettes étonnent d'abord par leur richesse extrême, rappeler que, la mode ne ments servent pendant plusieurs règnes dépense une même vent de mont fois faite. il faut se variant point en Turquie, ces orneC'est « : donc une Je crois encore que les vestes se conser- manière, car j'en paru assez usées. considéré quelques-unes qui ai Quant aux pierres précieuses, » elles sont fort grosses, mais d'un éclat njédiocre, point taillées et montées misérablement. Qu'est ce clinquant auprès du luxe solide, imposant, irréprochable, soigné dans tous ses détails, que sait déplover le plus grand des rois! Nointel ne manque pas ressortir la dillerence, et sa description de la cavalcade h faire ottomane tourne brusquement au ditliyrambc en l'iionncur de Louis le Magnifique. « Si cette cérémonie a quelque Le à n'en être pas ébloui brillant, véritable et à la la maison du Roi, au maïnilicence des différents officiers de cavalerie qui en font partie, à l'infanterie garde son corps et ses palais, h si la leste et si nombreuse qui naissance, au mérite et à la commandent, richesse de ceux qui les tité faut prendre garde remède pour nélre point prévenu, c'est de songer à la grandeur de nombre il à cette innombrable quan- de grands officiers qui, servant Sa Majesté par quartier ou par année ou sans discontinuation dans leurs fonctions particulières, lui servent encore de fidèles conseillers et ministres dans ses desseins les plus importants et de généraux d'armée dans l'exécution. « Ce sont là les véritables moyens de iiumaine qui est à son comble quand aussi grand prince que [irinces le faire paraître la elle est Roi, qui ilonne l'exemple à tous les de son sang, et reconnaissant leurs mérites les rend aussi considérables par les grandes actions dont siiui. grandeur soutenue par un qu ils le il leur fournit l'occa- peuvent être par leur naissance. Ainsi l'on con- viendra que Sa Majesté, voulant faire une entrée, peut elfacer sans peine ce que l'on \ oit de plus Iteau dans ces quartiers et NOIMEL LES VOYAGES DU MARQUIS DE C4 • dans du Levant; le reste qu'elle seule peut ('galer les des anciens Romains, et qu'elle brille bien plus par le triomphes nombre et l'importance de ses victoires que par l'éclat et la quantité de ses diamants dont l'abondance et autres pierreries toutes parfaites, qu'elle en a surpasse celle de tous les princes de l'Europe et même du La clôture du si l'on considère leur perfection (1). » Baïram Traiter avec ciation. dont Levant, guère et des fêtes n'accéléra la négo- Porte présentait alors des diflicultés la rapports actuels avec les plus altières puissances de l'Ex- les trême-Orient n'offrent (pi'une faible idée. Pour j>arlerau.\ Turcs, il fallait enployer rcnlrcmise des Grecs; eux seuls servaient de trucliemenls. Colbert, est vrai, venait d'instituer à Constanti- il nople une école de drogmans nationaux (2), mais les futurs interprètes n'étaient encore que des enfants. ^'oU•e diplomatie nombre les noms d'Orient était obligée de garder à son service un certain de Grecs du Phanar, dont elle se contentait dans notre langue; elle appelait des liellénique ciser leur Fontaine « » ou Tiioindre pacha, comme s'ils tranchant du glaive où h; versation, ils « Dupressoir cœur. Sujets du sultan, si le le de traduire drogmans de pure race », ils sans parvenir à fran- tremblaient devant le eussent toujours senti sur leur col frôlement du Dans toute con- lacet. langage de notre envoyé devenail \if et pressant, hésitaient à le transmettre; leur visage rougissait et pâlissait tour à tour, se couvrait de sueur, et il n'était pas rare de les voir, après avoir imparfaitement rempli leur connnission, s'a- battre aux genoux de l'interlocuteur nmsulman, en balbutiant de suppliantes excuses. Parfois, au lieu de rapporter les paroles prononcées de pari façon, deur « et d'autre, ils faisaient les arrangeaient un dialogue de leur personnages du ministre et de l'andiassa- (3). » Par le moyen (t) Nointol Gulland, i. I, ;i [I. ilc telles l^jonne, 9 mai gens, impossible de parler net, impos- 1<)7I. licliilioii 'idi et suiv. (2) Leltres do Colbert, (3) Noinlel juLyonne, t. \, i,.\x.\v. mai lC7i. imbliée :ï la suite du Journal de pREM 1 1: lî s ! N !•: or.w r. 'i i o .\ s sible de pai'lcr ferme. D'ailleurs, ce n'était pas même que Nointel avait à conférer par la cr; avec le \ izir lui- liouche des drop;mans, mais ^'ec son hkiya ou Iionmie de confiance. Le Liaya alors en exercice était un personnag^o fort entendu, bien qu'il ne sût ni doué d'une mémoire prodij^ieuse, lire ni écrire; oUrait à son il maître un répertoire vivant de toutes les affaires. Par mallieur, outrageusement rapace, affamé d'argent était il On ne plus que Turc. il empochait l'argent et, à cet égard, pouvait l'aborder que le bahtrhicha la main; ne s'en montrait pas plus favorable. En et particulier, lorsqu'on essaya de lui expliquer le profit ([ue reti- commerce reraient les douanes turques d'un entre l'Inde et la Méditerranée, il fit Xointeise ciiercha d'autres voies. avec des personnages haut placés, intermédiaires. Parmi eux, nul mettre avec autorité que rain de la loi titre : oreille. lâcha de lier connaissance afin de les employer celui qu'ils si souve- que nous appelons aujourd'hui à ce potentat le cheih-iil-Isliim. l'ne visite religieux était d'ailleurs dans le cérémonial d'usage connaissaient comme pour s'entre- n'était plus qualifié le mufti, c'est-à-dire l'interprète du Prophète, de son \éritable Il direct par l'Egypte sourde la : nos rois bien l'importance d'en faire un ami de la France n'envoyaient jamais un ambassadeur en Turquie sans l'accréditer, par lettre persoimelie, auprrs du pontife maiiométan. Re(;u par le mufti. Xointel trouva un vieillard qui affichait un grand détachement des biens de ce monde térité, (|uoiqu'il passât pour fort luxe, nul appareil : il lui ayant remis la fa(;on. lie lettre du Roi en ( i) ». lui, point de sur son sofa L'ambassatleur la l)aisant, « il la prit sans comme les autres, etquittantquelques papiersqu'il maniait fois à autre, et sur lesquels il traduction sans toucher à l'oriiiinal gemment ens'interrompant ;i mode du pays était « assis à la couvert d'une grosse cou\erture de laine et la et faisait étalage d'aus- Autour de riciie. lecture finie, écrivait ». Il la un mot, il ouvrit la parcourut assez négli- parfois pour parler d'autre chose, et, sebornaà ce seul mot : « (îiizcl ». qui veut dire : (1) Cette citation et celles qui suivent sont exlrailes des lettres de Nointel l.^onne en date du fl mai liiTI. m: s VOVAliES tiC Voilà Au est beau. (jui M A KO ris 1)1" reste, paraissait un il que tant la simplicité aussi bien \ 01 -NT IIK bon homme, pauvreté: la EL il affec- se proclamait incorruptible, mais sa casuistique subtile admettait des distinctions; s'il cadeaux de provenance orientale, sa cons- refusait les cience ne lui interdisait nullement d'accepter les venant de étoffes Néanmoins, malgré beaucoup de s'intéresser d'efforts pour gagner, le il refusa négociation en cours. Auprès du caimaham à la ou gouverneur de alla horloges et « la clirétienté ». la ville, Xoiutel ne pas jdus heureux; l'ut il sans succès jusqu'au favori du Grand Seigneur, iionnne de basse extraction nonuiie encore : « Il lils est d'un janissaire, ce qui fils de l'esclave, et ce fui sa l)eauté, dont plus aucun reste, qui fut cause de son élévation. sonnages tremblaient devant l'omnipotenl quils nommaient alVaire, si bien on fait (ju l'infaillible : ils ne \ » vizir, il le n'a Tous ces perdevant celui oulaient se mêler d'aucune que .Nointel dut se morfondre deux mois dans l'attente d'une réponse à son mémoire. Pendant ce temps, sous ses \enx mêmes, les avanies continuaient, redoublaient; à Andri- nople, un Français fuljeté brutalement en prison pour une dette imaginaire et c'était Kiipru]\ ne lecouvra sa liberté qu'en vidant sa bourse sentence inique, entre deux nuits, car à la loi Il il passait [lour du Pro|ibète d(î ces débauches où adonné au vin et peu il consumait ses fidèle en ce point (1). faudrait poui'lant se gai'der de croire ijue de sa colère réglât sa conduite et qu'il se le seul mouvement nul peu en peine d'une rupture ouverte avec la France. Sa hauteur était voulue l'orgueil et s'il employait l'arrogance nxoyi'. c'est qu'elle lui paraissait le meilleur avec (I) Im' et « Il ; sous remportenienl propres à son caractère, une finesse lusée se cachait, et ( : en personne qui avait rendu dans sou divan celte de le en rejelail r(''duire bi à ses fins. ."Xu fond, à l'égard de notre moyen de négocier il désirait renouer faute sur les chagrins que les P'rançais lui avaient lui avant causé des insomnies terribles, ses (iounés en (lanilic, les(|uels mèck'cins lui couseill(wcnl, de boire du vin, qui était dance dan.s cette ilc » Jutinial de La Croix. Li'ès bon et en abon- i'iti:.\iii;nKs \i:{,(>(:i avec France, donl la il vTKiNs redoulail les armes; mais, partagé entre ce sentiment et ses rancunes justiliées, moindre prix possible. vait afin d'assurer la sécurité en il entendait traiter au bien persuadé du désir qu'éprou- était si 11 Kraïue d'(d)lenir la 6- renouvellement des Capitulations, le de son conniierce, qu'il ne doutait point, refusant tout avantage nouveau et en décourageant les Ini espérances quelle avait pu conce\oir d'un traitement particulièrement favorable, de lamener àse contentiu'dela cnnfiriiialion ses anciens lie Lorsqu'il consentit à nim|)re son privilèges. dédaigneux silence, ce fut poui- déclarer France devait consentir à que gouvernement de le remise en vigueur pure la et simple des stipulations passées ou renoncer à tout renouvellement; donnait six mois au Roi. sans un joiu'de sur cette alternative, et en attendant conseillait k Noinlel « se reposer Force » fut à l'ambassadeur ('conduit de transmet Ire à sa cour du vizir. .Vu dans l'audience de congé rivaliser avec lui de morgue assis, écrivait-il. j'alfeclai (|U il Mien monlroil I d'obscurité, en me lence allendoit des su ([u'il a\ oil p.is (|u'il se donna-l-il la satisfac- de ce ministre, de et d'itisolence. « Lorsque nous fûmes me de exemple. tenir aussi fier et indillV'i'ent .AIf>n me les droginan. faisant une con- expliqua avec beaucoup disant (|ue dans le temps convenu marques d amitié oud inimitié : Son Excel- et cependant avoit parlé plus formellement, jusiju'à dire<|u'il n'y un plus long délai à mois savoir ajouté moins qu'il reçut fusion des paroles du vizir, j'ai d'allei' dans son palais de Constantinoi)le. l'injonction hautaine tion, il pour se prononcer jilns, si espi'rer, qu'il falloit après les six nous serions amis ou ennemis, étoit inutile et qu'il avoit même de tant balancer, et que les Français n'avoient (|u'à se mettre en campagne. Si cette fierté étoit venue à ma connaissance, je n'aurois pas nKui(|iié de de déclarer à ce ministre que l'empereur ipiand il (pi'il lui comme « lui plaisoit. qu'il étoit aussi facile vizir repousser de faire paroftre sa donna dès le et maître rcpondoit ne craignoit personne sur d'aller de Paris à l'une Le mon la la terre, et puissance partout de ses maisons de plaisir. commencement des ordres pour LES VOYACKS 68 faire venir IIU MAlinlIS HE XdlNTEL sorl)el, l'eau le café, le de senteur et le parfum; il lémoignoit par là avoir envie de ni'expédier promptement, et je jugeai encore mieux parce que, laissant toujours tomber la le conversation, c'étoit à moi de la reprendre, ce que je ou trois fois, content : m'en je en quand et me il (ju'il me congédia point et que me retirai en regardant ne Je plut avec gravité ce ministre superbe, et en pour tout salut une inclination de il que jeu ferois davantage en le me voyant commencer, salua sans toutefois bouger de son siège En avril 1671, Nointel rentrait à Péra, fort dépité, à (1). convaincu que l'obstination des Turcs ne céderait de la force, à l'argument suprême, à ïiiltima ratio écrivail-ilà de la Porte et le Lyonne,pour vous » (|u'à : peu près l'emploi faudrait « Il expli(juer l'arrogance peu de considération qu'on a aflecté d'y paraître pour la France... mais on s'imagine qu'il Ce menaces demeureront sans ne n'est pas qu'ils en sera comme effet par Il peu saluer; néanmoins, me un volume, faisant lui tète imperceptible et si considérable que c'étoit (]uasi ne point soit qu'il crût deux (is toujours connoître que je nélois pas est vrai toutefois il allai fixement lui faisant le faire la craignent, passé, et que les semble que les Turcs veulent être contraints et ([uil ne puisse y a\oir de rétablisse- ment pour le commerce sans un moyen extraonlinaire. » III LKS LOISIUS 11 IN ,VAII!.\SSA1)1'. Ult . Plusieurs mois devaient s'écouler avajil qu'une réponse put arriver de France. Depuis le mois de print('m|is ipii sans en remplir suivit. .Nointel la cliarge décembre 1671 jusqu'au conserva auprès de la le titre d'ambassadeur Sublime Porte. Il employa ses loisirs forcés à rassasier sa curiosité, à satisfaire ses goûts (t) iNoinlel à Lvutme. !t mai l')7l. l' li F. M 1 1': «l'observateur et d'artiste. N s I! i: Au !• lieu c, o r; a T o N s 69 [ i de se retirer en lui-mr-me et de se donner dans sa résidence de Péra l'illusion de la patrie, tout autour de lui ses regards Au il porte le spectacle en valait la peine. : bas de Péra et de Galata, sous les rampes hérissées de cyprès et de pierres tombales, par delà chrétiens, le ; chaos des quartiers port miroilail, semblable à un bras de mer. s'allon- gcant entre deux rangées de sinuosités le perdant au loin en molles villes et se sur les eau.v dormantes, y avait un fourmillement il de caï(|ues, des nn\ ires de tonte forme, et au lieu des steamers embrument aujourd'Imi de qui le des poupes liistoriées d'élégantes carènes, flancs sculptés, à la fumée leur , radieux horizon, des galères aux proue recourbée en col de cygne; au-dessus de cette mouvante archilecluic. le demi-cercle de Stamboul dessi- nait sur le ciel bleu sa blanche dentelure de toui's, de créneaux de coupoles. et Attentif à toutes les particularités. Noiiilel note h; port, lorstpi'il aboutit à quel(|ue spectacle réjouissant du les mouvement veux : pour par exemple, l'entrée ducapitan-pachaetde ses galères, au retour de leur tournée amnielle outre leurs flammes : « Il y en avait trois lesquelles, et pavillons bariolés de diverses couleurs à tous les mâts, étaient encore ornées d'une bannière à chaque banc; celle du capilan-pacba. de la (|ues même la de son heureux et sacrifice, pour rendre grâces à Dieu tiiomphant retour. » Un tillerie, accompagnés de chargées de riz, muscades, séné, tcsses pour les saïqites la file, r. bien munis d'ar- ou longues barques égyptiennes, café, dattes, safran, poivre, gingend)re, noix gomme dames du une espèce de bout des doigts et (t) autre jour, c'est l'ar- annuel des marchan<lises d'Égyple, une caravane de treize bateaux marchands se succédant à et « Bastarde, était parée façon, et lorsqu'il en descendit, l'on égorgea quel- moutons par forme de rivasre nommée et aromates d'Arabie, avec des dédica- Sérail, telles terre verte les cheveux Noinlel à Lyonne. 24 juillet dont (1) ». l<i"l que sucre, sorbet, encens les feunnes se rougissent le l.KS 70 Dans VOYAGES HT MAKOUIS DE NOINTEL l'intervalle de ces spectacles, Xointcl considère ce qui mœurs, ses habitants, Ce qui frappe surtout dans ses récits, dans la chronique que tient Galland des menus faits quotidiens, c'est combien les choses d'Orient varient peu de siècle à siècle, et se répètent avec une immuable monotonie. La vie de Nointel et de ses compagnons est à peu près celle que l'entoure de plus près : il étudie Péra, ses tous les détails de ce milieu cosmopolite. mène aujourd'hui au l'on tions avec les Turcs tour gnifiants avec des les palais de France drogmans, discussions communautés à à longues conversa- : propos d'incidents insi- tour fiers et plats, rapports avec religieuses, avec les églises rivales, avec les collègues des autres ambassades, politesses rendues et reçues, cérémonieuses de patriarches graves visites très Nointel observe les Grecs églises; assiste il tiiicalement les et les aux pompes de leur archimandrites chasuble étoilée de pierreries, à la main culte: il mitres d'or voit officier pon- ou d'argent, en de rubis ou d'émeraude la croix mais chacune de ces : et fins. Arméniens chez eux, dans leurs visites se double d'une série de questions. L'ambassadeur n'a pas oublié qu'il doit vérifier en un point essentiel la croyance membres ilu des églises orientales. Tous les clergé grec qu'il rencontre ou quil peut atteindre par correspoiulance sont interrogés soigneusement, pressés de s'expliquer, de consigner par écrit leur profession de foi concer- nant le mystère de l'Eucharistie. Dans un touchant unisson, tous ces prêtres, depuis les métropolites d'Atiiènes et d'Andrinople jusqu'aux la liunililes présence dans le réelle, popes de Alliage, di'M-lanMit ([u'ils admettent que Jésus est pour eux présent sur pain du sacrifice ; si naguère un de leurs l'autel, patriarciies, Cyrille Leucar, s'est rapprociié de l'hérésie occidentale, cette défection unique a Avec forme fait qu'il recueille, collige, Nointel aura scandale. avec les bienti'it les attestations signatures et les parchemins qu'il de quoi répondre victorieusement aux assertions risquées des calvinistes verse un Au en bonne et jeter dans la contro- monceau d'arguments. delà de Péra et de ses éfflises, Stamboul bientôt l'ai tire, le viinxs ri!FMii;i!i:s \ ht, ri ci fascine tente, le niondc inconnu Stanilionl. : grande fournaise de fanatisme, fois 71 et redoutable, diflicilenient accessible cl par- dangereuse aux Européens. Peu peu. Nointel s'enhardit <"i à y pénétrer, s'y enfonce: (iallantiracconipagno et tient le joniiial de ses découvertes. Grâce au consciencieu,\ historiograplic, nous profitons à notre tour des deur son tilri' officiel : facilités nous pénétrons que <à valait à l'ambassa- sa suite dans la vifille métropole tnr(pie à une épocpic où aucun mélange avec sation de l'Occident Dans nen la civili- a\ail altéré' l'aspect. rues sordides et pittoresipies, dans les bazars aux les parfums violents et aux senteurs poivrées, sous les berceaux de pampres entrelacés, sur les vastes esplanades tour à tour noyées de boue et brûlées de soleil, c'était déjà, connue un rendez-vous de peuples, un bariolage de d'bui, un pèle-mèle de races popes grecs et de costumes; des robes noires de de blancs burnous d'Arabes, de longues et atijour- ((luleurs, files de hanimals ou portefaix ariuéniens au torse cuivré, des Bulgares, Arnautes, des des des Tartares, des Svriens, Asiatiques d'Extrême-Orient, chacun dans l'accoutrement de leur nation, et aussi de farouches figui'es de soldats l)i-igands, des irrégu- appelés d'Anatolie pour une campagne liers les Polonais; en attendant les grands prochaine contre pillages promis, dévastaient un peu les bouti(iues de Constantinople ils se fai- main sur leur passage. saient la A et cette tourbe bigarrée se superposait la Tur(|uie oITicielle d'alors, avec (lelisses à plis ondoyants, à bordure de martre et de zibeline, à la fantaisie exubérante de ses cosl unies : les manches évasées, pendant jus()u'<à terre; les cafetans à grands les poignards à manche ciselé passés dans les cein- ramages, tures de cachemire; les turbans surtout, forme gants et : les uns tout en large, s'aplatissant en s'évasant en plissés, des turbans de toute de toute dimension, singuliers, prodigieux, extravales autres tout en hauteur; les uns disques, les autres s'ainincissant en cônes ou pyramides renversées; quehjues-uns côtelés avec des renflements et des protubérances ; et d'autres LKS VOVACES DU MAUOL'IS DE \ OINT EL 72 formés de qui s'entri'-croisaienl inextrica- lioiirrclels ciilrelacés (lloment; la plupart loul blancs, certains traversés d'une bande il'or, insigne d'un rang' élevé. Ainsi affublés passent le vayvode bc Galata, clief le des tchaouchs, dans Conslantinople, civil à Paris (1) », \c même la le Stcuithoiil-effendi, « cuimakain ou gouverneur lieux, des suivants, des secrétaires, meute des coureurs. qui a, charge que celle de lieutenant autour decliacun : des domestiques, et la ^ oici les janissaires qui s'en reviennent de recevoir la paye sous la conduite de leur tchorbndgi ou capitaine, le bonnet de cérémonie au front, avec grande aigrette la qui se déploie en éventail. A travers toutes ces étrangetés, Nointel mosquées, aux Djami célèbres; rets, la Si(li'liii(niié d'oîi l'on « [2) »; il port le visite les comme un sous ttirbés pai- ramure des platanes la des sycomores, peuplée de tourterelles. Sur la place de l'At- mcidan. on pa:: lui montre, exposée en ce cam- lieu, la tente de ne du sultan, édicule de soie, de velours et de bi'ocart, d'habiles artistes ont mis un an et demi à orner. colonne brûlée, vestige énigmalique de l'antiquité, beau du premier Kupruly, père du carré, au dôme plaqué de faïences, tout simple, couvert dune étoile sur un chandelier près de la tête Dans la mosquée de lui sultan pour faire sa prière. Il clieur, les faïences (|ui lleuris Non : bleu, un pavillon « un gros cierge (3) ». récemment construite l. {t) Ibul ,\ p (3) Ihid. I, I.p. 73. 78, |)ar la ouvre l'appartement réservé au admire, dans leur primitive en composent le doux décor, jaune se fondent en dégradations (I) (;ai.i.,kmi. tom- dessous, un catalfaque d'arabesques et glacés de colorations exquises, ](• que loin de la voit le il vizir actuel et blanche, avec la ^'ali(lé, mère de Mohammet IV, on le enviroimé de lac tondieaux des califes, les sibles, à l'ombre des bois sacrés, et mina- colonnes de granit, sise sur une place et ses découvre tout montagnes monte aux grandes voit VAtiiiéidié et ses six il les oîi le fraî- murs vert, infinies, aboutissent l'KEMlKHKS .NKCOCIATIO.NS 73 La à (les tons délicieuseinenl faux et à (riiiiinilal)Ies assonances. (ioscriplioii (juc (lalland : de encore ser- |ioul"i'ait les particularités sont indi- œufs dautruche pendant des voûtes avec une lampes, de houppes, et un plan On relief le Mahomet la chaire incrustée Coran à un auditoire immobile, enseignait la faijon iigé par atttMitif, sui\aiil inie moitié du corps qui se mouvait sur Depuis deu.v ». la maison de nacre, un Turc apprenait le respect; un autre coiilume usitée parmi dans un j)erpéluel mouvemciil d'équilibre de les Turcs, était pivot (1) Mecque, à la avant \()il(' de psalmodier les versets à un jeune garçon, qui «pourètre plus répètent au un de la mosquée, patient travail d'ivoire, servi à recouvrir la maison de Dans liautein- faïences el de tapis; contre enfermé dans une boîte de verre; un morceau du sacro-sainte. de infinité presque jusqu'à ilescendanl d'homme; murailles revêtues de pilier, mosquée la voyageur. Toutes vir de guidi! au quées l'ait même avons retrouvt' siècles, la reste le la connue sur un leçon et la pantomime se endroit, invariablement; à leur jilace le maître il nous y a dix ans, et l'élève; ils v étaient encore. Au printemps comnienccnt port : la visite et (>ncore les promenades en parées de banderoles: peine une population d'esclaves, Russes ont chacun leui' la visite : oii les la (ri']ur(i])e. ville les Latins, les bas quartiers la et vii (îriîcs, les : les excursions parcourus l'un des Arméniens, celle des Juifs, explorées le Phanar, centre de nisme conslantinopolitain, où tout a une les l'hellé- teinte grise et terne, y demeures des personnages insignes et des chefs de nation: palais peureux qui craignent d'attirer les regards redoutent la confiscation, (jui (I) au dedans. l 1, p 79. Cl", la Jescrintiim de Ghklot, à CoH.s(aH(i»o;*/e, p. 281, i^'2. Oali.am). et se recouvrent de simples lattes à l'extérieur, avec des magnificences voijiige le chapelle, admise yiar la tolérance turque. dans leurs profondeurs, ainsi que compris dans au bagne, où Puis, ce sont des pért'griiiatioiis j)lus lointaines aux Eaux douces après l'autre caï(jue à l'arsenal, au.x galiotes récemment mises à l'eau dans sa Relation d'un LES VOYAGES DE AEWiQEIS DE XOINTEL 74 Enfin, Nointel n'oubliait pas qu'à ih-faul de fonctions poli- un tiques, autre rôle lui incombait, (juc l'ambassadeur du Roi chargé d'affaires de était aussi le Galland à rechercher les livres mœurs, les arts de l'Orient. Ravi d'une mission qui s'accommodait parfaitement à ses goûts, (ialland chasse il manuscrits anciens, tout ce pouvait jeter quelque jour sur l'histoire, la civilisation, les (]ui si encourageait la science. Il et les parcourait il : le grand bazar, il mis en quête, eu s'était on explorait les détours; pénétrait jusqu'en son cœur, jusqu'au Besestain. réduit mysté- rieux que protègent des murailles et qu'il faut découvrir à travers le dédale des galeries marchandes, halle qui ressemble à un sanctuaire, avec ses cases où se découvraient encore, dans un entassement de ferrailles et du primitif Islam. En peu de her de ces lieux ; chands arméniens il le fami- par l'espoir du et juifs, et ceux-ci, alléchés palais de d'bonmies à longue barbe, à défilé devenu temj)S, (ialland est connaît les bons coins, traite avec les mar- eux-mêmes au gain, affluent de choses innomées, les reliques France l'œil c'est : profond et un tout rusé, au parler servile. Ils dont apportent des bizarreries ou des merveilles cœur le qui s'enchevêtrent en forme de branchages, ténus cheveux des agates : translucide laisse apercevoir de minces filaments comme des des jeux d'éciiecs à la turque, des pièces délicatement ; ouvrées, et des livres, des livres surtout, persans, turcs, arabes, livres de prière, de poésie subtilités, récits « ou d'amour, recueils de centons épiques ou erotiques, traité de livre des trophées (1) »; et voici les reliures « l'art les s (2) »; d'un travail persan, les feuillets de soie réglés d'or, manuscrits atteint de du dernier beau, avec des compartiments très artificieusement couverts d'or les vignettes et d'aimer et oii l'art de l'enluminure ses dernières limites, où sur les et de la marges calligraphie à fond d'or épanouissent mille caprices d'ornementation, des enroulements d'animaux et (l)GALLA>r). (2i Ibid , t. 1, de plantes, une flore et une faune fantastiques. t. I. p. 67. p. ;W. S H 1' A !: M 1 1: Il Es NE COCA \ T I il N T.') palper, à manier, à coni|iaror ces clicts-d'œuvrc, Nointol forme son g-oni; apprend à discerner il valeur et à découvrir d'un ouvrage. Kntre les vendeurs et les imperfections sont d'interminables marchandaf>es guement la déliattues : des sommes lui, ce offertes, lon- vingt-cinq piastres pour les deux poèmes : de Saady. en très beau caractère persan, de dorures, de eru'iclii couleurs et de vignettes; quarante-cinq piastres pour les.lmo«r.s de Leilaet de Medjnoitn. mande cent trente non moins linemenl enluminées. On de- piastres pour un gros in-folio persan, « cnricbi, outre sa belle écriture et correcte, de cent vingt figures de miniatures belles à la mode de Perse et bien conservées cinquante piastres pour luie histoire d'Ale.xandre, ture peinte de « à la plusieurs figures d'hommes, avec un façon de travail de la Chine cent piastres des deux. {2) ». (1) »; couver\ ernis à Nointel rabat de moitié et oflre Le marchand manque. s'entête, laifau'e Quel dépit pour notre avide ambassadeur de ne ])OUVoir retenir tous les trésors qui passent sous ses sinon pour lui-même, au moins pour même mit à le entières. Il le yeux II les convoite, Roi. et voudrait qu'on d'acheter au compte de Sa Majesté des collections écrit à Colhert : « Il se trouve encore li\Tes persans, turcs et arabes, écrits et reliés arrive 1 ici de beaux admirablement. U même que l'on \end des bibliothèques tout entières de loi comme de muftis, cadis et autres, et qu'on les a ponv gens de un pri.x assez raisonnable. Si vous jugiez, Monsieui', que ce fut une chose digne de la curiosité du Roi, je prendrois l'occasion d'en faire acheter queUiu'une des plus considérables, livres seroient et des meilleurs et des aurez la bonté de me Le habituel, Nointel fait : de Sa Majesté et le » li janvier Hi~'2. par lintermcdiaire de son découvreur crit d'écriture très tule dont les mieux conditionnés: vous faire savoir la volonté prix que j'y pourrois mettre. et M une trouvaille : Les merveilles des créatures, ri) fi.\Li.ANn. (2)/6td.. l I. I. I p p u. on lui présente m) manus- ancienne et extraordinaire, que Galland :i:t inti- écrites en vieux caractères LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 76 kioufis (1), avec soixante-six cieuse doctrine, enfers, etc. (2). comme » Ce représentant figures Mahomet pour actions fabuleuses de son élévation au n'était autre objet de longues controverses diverses l'établissement de sa perni- que le ciel, sa descente aux célèbre Miradji-Nameh, entre orientalistes du dernier demeuré le type le plus ancien et l'un des plus parfaits que nous possédions de la calligraphie orientale. Nointel l'acheta pour vingt-cinq siècle : reconnu aujourd'hui d'écriture piastres et l'acquit ainsi à la France principal résultat de sa mission. (1) Ci) Coufiques. G.^LLAXD, t. I, p. 29. : onïgoure, c'était, il est jusqu'à présent, le Il K O 3 < w g -j T! *c ^ > D O a. P1] nj 0) S ^ H fti '• o CHAPITRE III KENOUVELLEMKXT DES CA IMTE I.ATIONS I DE COLBERT LK MÉMOIliK Devant rallernative impérieux, à tenir. (|ue du Roi le conseil El' LE Ku[)riily axait DE LEIIiMTZ. PlîilJET nous proposait en termes mis en délilii-i-ation la conduite Personne n'admettait un renouvellement des Capitula- nouveaux tions sans avantages Ou humiliation. France d attendre prendre la l'initiative, voulu souscrire à cette et n'eût demandait seulement se rupture dont de rompre la s'il était elle convenait à la menacée ou d'en première, de rompre instanta- nément. Colltert persistait à défendre les idées de prudence. Il attribuait principalement notre insuccès au.x bra- vades de notre Hotte, qui avait menacé borner à d'avoir « manqué au il il de se (1) ». Sur la question en provoqua une consultation en règle des autorités compétentes et des principaux intéresst'^s, députés du conunercc de Marseille, notables négociants de cette ville, Levant, puis, dans un rapport, résuma même lieu reprochait au chef respect que les monarques se rendent réciproquement en tous lieux suspens, Turcs au les les intimider par sa présence, et d'escadre modération et de ses propositions. les Son mémoire, dont compagnie du réponses et fit lui- les conclusions pré- valurent, nous a été conservé (2); l'intérêt de celte pièce est de (Il Lettres (i) Il (le Colberl. t III. p :f(i:i. est tiré ilns arcliives de la marine et a été publié par Dei'I'im; rexiioniliince mlministrative du régne de Loiii.i XIV, t. III, p. 107. , Cor- LES 78 nous éclairer \(iVA(,i;s .NdlNTF.L jiosilivcinent sur les dispositions du jour où Louis XIV royal, à la veille du goiivernemenl allait recevoir de lieu une proposition à jamais célèbre. iiiallendu En MAKOriS DK Itl rapjiorteur impartial; Colberl expose les raisons présentées à l'appui des diverses opinions émises une précision tout adniinislralive, il : pour plus de classe les clarté, avec arguments dans des colonnes distinctes et juxtaposées, les mettant ainsi en parallèle et en opposition. Tiois systèmes se trouvaient en présence. Parmi les personnes consultées, ((uelques-unes inclinaient à rapptder l'ambassadeur et tous nos nationaux, avec éclat, avec menaces, ce qui eût con- sommé rupture la d'acheminement à et servi la guerre: d'autres conseillaient de se borner à rappeler lambassadeur, en le rem- plaçant par un résident chargé de continuer les relations et de protéger commerce; le d'autres enfin eussent préféré laisser M. de Nointel à son poste. Colbert reconnaissait que haut 1), mais lui le premier parti reprochait de conduire à « était le « plus une rupture ouverte, qui enti'aînerait de grandes suites et de grandes difficultés pour renouer Sans s'arrêter à discuter longuement ». préparatoire de le la guerre, troisième parti, suggérait un parut conciliei' la cette l'écartait, puis, entre le il mesure second et moyen terme qui l'ut adopté et ménagements que l'on dignité du Roi avec les entendait conserver. A mise en demeure de Kupruly, la France en opposa une autre ; elle le somma la de choisir entre la concession des nouveaux ]iri\ilèges ré'claniés et la retraite de l'andiassadcin-. Une lettre de rappel fut expédiée à Nointel, mais a\('c l'ordre de ne s'en servir qu après axoir de nouveau talé terrain et Kupruly ne manifestait aucune elle fut si vidléité conciliante; accompagiu';e d'instructions dans lesquelles perçait trème désir qu'éprouvaient le le l'e.x- Uoi et son ministère d'apprendre à la fois le l'enouvellemeiit et l'extension des (japilulations. Pour port(îr recourir à un ce suprèiue message, il parut m'-cessaire de émissaire spécial. Arvieux se tenait toujours à proximité, guettant une occasion de se remettre en lumière; on Ki:.\nr\ Kl.l.KMr.NT pensii tout nalurellemeul à trouvait le Roi. il CAI'ITII, A IIO.NS l)i:s lui. Appelé 70 Fontainebleau, où se ;i y apprit la coniniission ilonl il t'Iait iliarpé. no. s'arrêta qu'un instant h la cour, juste le leiups de voir les per- sonnes utiles à seau de guerre son avancement, et courut à Toulon, où le le vais- Diamant avait reçu ordre d'appareiller pour conduire à Constantinople (1). La le coiiliance qu'on lui ténioiiiuait avait réveillé ses ambitieux espoirs. pensait (|ue 11 ftl. de Noin- accablé de dégoûts, saisirait avec empressement l'occasion tel, qu'on lui oUrait de rentrer en France rester à sa place, en qualité de résident. dre la négociation en sous-(iMivi'e: assurer sa fortune par ce simple courrier, prouver il et complait signale- service, qu'il désignerait pour le pourrait alors repren- Il aboutir, la l'aire et. choisi comme possédait l'étoile d'un diplomate. Le Diamant, portant Arvieux à son bord, mil à la voile le 6 octobre 1671. Moins de quatre mois après, avant cpi'aucune comnumication nouvelle 20 janvier 1072, le ait pu arriver de Constantinople. baron de lîoinebourg. ministre de Mayence, écrivait au Roi pour bonnne (|ui, île le l'électeur recommander un jeune lui audacieusement. demandait à enti'ctenir Sa Majesté Très Chrétienne d'un projet intéressant l'avenir en Orient, en Asie, dans ronne. Ce jeune le homme, monde île sa puissance entier, et la gloire de sa cou- déjà célèbre. s"a|)])(dail LiMbnit/. Il avait joint à la lettre du nùnistre allemand une doidile série de notes préparatoires. Le plan conçu par le hauteur de son caractère la grand philosophe répondait bien à et à la hardiesse la de son esprit. Voyant France s'élever sans cesse, déborder sur les Flandres et menacer l'Allemagne, Leibnitz avait entrepris de la détourner un autre objet vers l'elfort par la il de lui faire reporter sur l'Orient tout osait espérer ijue Louis XH', convaincu puissance victorieuse de son raisonnement, renoncerait à compléter l'unilé territoriale de magnifiques lll et de spn activité; Mémoiirx. t. du royaume pour chercher au compensations, IV. p -JSlI-liÛl et il se llatinit de lui loin faire LES VOYAGES DK MAIiOlIS DE .NOINTEL 80 oublier le Rhin en lui montrant l'Egypte. s'inspirait ne pas exclusivement personnelle, lui était XIV comme un ne s'élevait point vers Louis mouvement La pensée dont et sa il voix appel isolé. Le d'opinion qui crovait assurer le repos et la sécurité de l'Europe en poussant la France aux entreprises d'outre-mer, Allemagne. Avant de s'adresser indirec- se concentrait alors en tement au Roi, Leilinitz allemands et semble s'était rencontré a^ec plusieurs princes avec eux. Seulement, s'être concerté comptait traduire leurs aspirations sous la forme d'un projet magnifiquement motivé, susceptible précis, frappant, il d'éveiller nos convoitises autant que d'émouvoir nos instincts généreux, et nous démontrer que se proposait de il la conquête de l'Egypte serait la plus profitable des croisades. Sa demande, transmise par été longtemps courtoisie. l'allié, le client Le 12 ministre d'un prince qui avait le de la France, fut accueillie avec février 1672. Arnauld de Pomponne, secré- taire d'État des affaires étrangères depuis la mort prématurée de M. de Lyonne, accusa réception à Boinebourg de son envoi en termes obligeants, plaisir l'auteur jdume On fit savoir que l'on entendrait avec du projet annoncé. Leibnitz partit pour ses vues. et sait la A la suite de cette réponse, France, avec l'intention de faire connaître que l'expression de sa pensée des formes multiples et très sous sa prit depuis celle diverses, d'abrégés plus ou moins sonnnaires jusqu'à celle d'un ouvrage imposant et détaillé. autour de ces on s'est écrits, De délicats problèmes se demandé' dans lequel d'entre eux naître le véritable Consilium sérieux motifs, que le (i-yj/pliiicum; il ait été soumis convenait de recon- on a pu douter, à Louis seulement de convaincre Xl\ le , (\) de ses désirs Vovcz (1). Roi, en préla réali- Nous n'avons pas à renouveler ces Iravaux dus Guhraucr. .Michaud. Vallet de rapport de .Mi^'tiet à r.Voadéniie des sciences morales les j)uL]lications et \ii'ivillé. Ilolïmaiis, le de et (|ue le sence des obstacles que les circonstances opposaient à sation j)ar mémoires de Leibnitz plus important des ou mi'Mne (pi'aiKun d'eux piiilosoplie ait essayé sont soulevés rendus successivement à notre curiosité; ;'i RENOUVEl.LE.MKM DKS C AI'ITCL ATIO.XS Si controverses épuisées; elles nous semblent d'ailleurs sans intérêt pour l'histoire de notre politique tant orientale qu'européenne. Aussi bien, en admettant qu'une proposition relative à l'attaque et à la conquête de l'Egypte Leibnitz, il clairement formulée par ait été ne nous paraît point qu'elle un seul instant ait été susceptible de fixer pensée du gouvernement royal et de suspendre la ses résolutions. derniers événements, D'après l'aspect des Leibnitz et les princes allemands avaient pu croire que l'occasion était propice, unique, pour diriger vers l'Egypte toutes nos ambitions. L'ac- M. de Nointel avait cueil insultant fait à remarqué, été fort et depuis lors l'Europe s'imaginait que Louis XIV, poussé à bout par l'arrogance des Infidèles, agitait contre eux des résolutions extrêmes. Le bruit une s'était même répandu que France équipait la à Toulon, assemblait des troupes, préparait une expé- flotte dition au Levant, et cherchait sur (juel point des États ottomans fait Un auteur du temps, Chardin, fondre l'orage. elle ferait l'écho de cette rumeur (1), et s'est plusieurs de nos contemporains y ont vu l'expression de la vérité. Ils en ont conclu que la proposition allemande, venue à propos, aurait été loal d'abord prise en particulière considération (2). Contrairement à cette opinion, que la France écartait complète avec à ce le encore était-ce à toute idée de rupture de guerre en Orient, la Porte, mesure de représailles admise par griefs, mémoire de Colbert montre moment même titre elle el que la seule à raison de ses derniers éventuel, consistait en un simple rappel d'ambassadeur. Les correspondances d'Etat, durant cette période, ne laissent percer aucune velléité d'action militaire dans le Levant. Une escadre, et politiques (t8:i8), le FoicHEU DK \ t il est vrai, faisait voile ilo l'édiliuii des Œuvres, le Li-Uinilz, par Carkii,, Ic résultat des savantes recherches de M. consigné successivement dans une brochure spéciale OEiiirea de Leibnitz, édition de Hanovre, 18(J4. (1) Voyaije {^)\o\07. l'"oL<:nEii DK de ce côté, mais en Perse t. cumlc dans le t. Il des autres lieux. el notamment C.xnEii,, et le Onno KIopp, II. Il, Mauti.n. Histoire de Fratii'. xxxviii et .\xxix. I W", p. 278-283, et LKS VOYAGES DU MAHQUIS DE NOINTEL 82 sa mission ne consistait qu'à courir sus aux pirates resques et à relever dans des parages éloignes pavillon : il l)arba- le prestige du s'agissait de l'une de ces excursions périodiques qui commençaient à entrer dans les habitudes de la marine fran- çaise. De plus, à suivre de près les dernières évolutions de la poli- tique générale de Louis pu hésiter entre est aisé de se convaincre il ne présentèrent jamais les projets de Leibnitz de l'opportunité. Si XIV, les expéditions lointaines et les poursuivre attentif à influence en Orient, il conquêtes rap- sommes parvenus, son choix au moins pour de longues années, Toujours l'apparence Roi. au début de son gouvernement, avait le prochées, à l'instant où nous fait, (|ue que le était et sa décision irrévocable. nMablissement de notre n'entendait plus atteindre ce résultat que par des voies pacifiques ou au moins indirectes; c'était une autre entreprise qui tentait son ardeur conquérante. L'attaque de la Hollande était résolue : Louis cet État qui s'était fait en 16G!) le XIV avait décidé de briser moteur de la résistance péenne contre nos projets d'agrandissement du monde à se posait d'un bout euro- territorial, et qui l'autre en adversaire de notre commerce et de notre expansion. Depuis deux ans, avec une habileté consommée, notre poIiti(|U(" avait tra\ aillé à isoler la IloUamle fin alin de la livrer plus sûrement .à nos armes (1). Dès la de 1671, l'investissement diplomatique des Provinces-Unies était fait accompli, et nos alliés avaient reçu confidence de nos desseins. En même temps, des troupes se levaient de toutes parts, des corps se massaient sur la frontière, Louvois dressait son plan de campagne (2); la entier dans la direction puissance française sébratdait en du Nord, et désormais rien n'cTil été capable de l'amener à un brusque changement de front, à une volte-face inattendue, ni de lui faire compromettre au delà des mers une armée lentement préparée dans un but déterminé. On (1) s'est demandé, il est vrai, pourquoi Louis XIV iwail coni- VojC'Z Mui.N'KT, NégnciatiDus rclalivcx à lasucci'ssioii d'Espuyn)', (2) \()^vez IloLssicT, l. I, [1. '.','>\, ;i57. I. III. ï o 1 H I-: N a" \ ( E 1. 1. mencé par encourager et même on y a M E i: n t d i: s c.wn 1. a i les tentatives de Leibnitz, s n s3 en autorisant en provoquant dans une certaine mesure son voyage vu preuve que la le Roi n'aurait point rejeté a ; priori la proposition relative à l'Egypte. Cette objection ne résiste pas, même selon nous, à l'examen attentif du texte tions échangées à ce propos entre relire les notes nues a\ec certitude à on s'aperçoit que elles fois Saint-Germain. et A de Leibnitz transmises par Boinebourg avec sa du 20 janvier 1672, lettre Mayence des communica- le la c'est-à-dire les seules qui soient parve- connaissance du gouvernement français, nom de l'Egypte n'y est même pas prononcé : indiquent en termes très généraux, dans un langage à la dun solennel et mystérieux, les conséquences possibles demande sim- projet à présenter, et Boinebourg, dans sa lettre, plement la permission de nous découvrir plus tard, par la bouche de l'auteur, ce projet lui-même réalité de et nous proposait, en offrant, le si ce qu'il appelle « la véritable en somme, une énigme que l'affaire (1) ». C'était, l'on Roi y consentait, de nous en fournir le mot. Dans ces conditions, la politesse vivant en bonne intelligence exigeait ne se retranchât pas derrière une et fin d'usage entre deux cours évidemment que la France de non-recevoir préalable ne rejetât point une proposition avant de la connaître. Elle devait nécessairement répondre qu'elle accueillerait avec plaisir une communication explicative, et c'est, d'éclaircissements que se réduit la lettre du 12 février : « J'ai aune demande de Pomponne en date en effet, eu l'honneur, écrit ce ministre à Boine- bourg, de rendre compte au Roi, non seulement de vos lettres, mais des mémoires que vous y avez joints, et qui portent en général un avis très grand pour la gloire et l'avantage de Sa Majesté, sans Comme qu'ils fassent voir par quels moyens il peut s'exécuter. l'auteur s'est réservé, ainsi que vous le marquez, de s'en déclarer lui-même, Sa Majesté verra volontiers les ouvertures qu'il auroit à faire, soit qu'il veuille (1) 311. Noies et lettres ont été publiées venir ici par Foccher de pour C.\iieii.. s'expliquer, t \ . p 30i. LES VOYAGES DU MAUQLIS DE NOINTEL 84 soit qu Ce veuille le faire par telle autre voie il propos (1). fut sur cette invitation pour Paris. Là, partit employé à lut-il le vague que Leibnitz,le ISniars 1672, suivant le terme s'ejpliqua-t-il réellement, par Boinebourg et par Pomponne, et que la fois répondu? Aucun document mais faire connaître, avec le que vous jugerez à » début même il venu jusqu'à présent nous est certain que son arrivée coïncida Le de la guerre en Hollande. manifeste contre les États généraux est lancé; Saint-Germain pour Cliarleroi; (|uitte lui n'est le 28, les hostilités G avril, le Louis dans le XIV Nord ne sont plus seulement décidées, mais entamées, et cette opération, en absorbant toutes France, la les forces et toutes les pensées delà détourne de plus en plus d'autres préoccupations. Eulin, deu.v mois plus tard, le 21 juin, la France caractérise elle- même, dans un document de l'Orient. Comme ofliciel, sa politique l'électeur de Mayence, présente à l'égard sans faire d'allusion directe à l'Egypte, continue d'exprimer devant notre désir de voir Louis armes invincibles, vous (|u'ils ont cessé d'être à la d'une guerre sainte; vous savez mode depuis saint Louis (2) », court ainsi à toute proposition particulière par une il ne lit si le sous une forme quelconque, jusqu'à jamais dans les conseils du Roi l'objet d'une discussion sérieuse, et que, curiosité littéraire plutôt de l'entreprise qu'il : s'il y fut remarqué, ce fut à allemand se méprenait sur recommandait. La Turquie il titre de que d'oeuvre politique. D'ailleurs, le philosophe obstacle à négliger coupant de non- lin nous sera donc permis de penser que, Il projet égyptien parvint, Louis XIV, le : dirai rien sur les projets recevoir générale. envoyé XIV tourner un jour contre llnlidèle ses Pomponne écrit à l'ambassadeur « Je ne lui la facilité semblait un proclamait sa faiblesse et annonçait sa ruine, jirophélie incessanmient renouvelée et toujours démentie par l'événement. C'est que les Ottomans présentèrent de bonne heure les signes apparents (1) FûiciiKii i)K (Iahkii.. (i)lbid., t. V, p. 3j!) I \ , pliit<il (jue ]i. .ili. les caractères réels de la UENOUVELLEME.NT DES CA l' lïl LA T 10 NS décadence. Dès l'époque qui nous occupe, les vices tion lie ment S5 et la corrup- leur gouvernement, leur incurie profonde, leur éloigne- pour farouciic la de l'Europe, jusqu'à ces civilisation périodes d'inunobilité sonuiolenle succédant chez eux à de brus- ques sursauts, donnaient à leurs ennemis déclin. On forment l'illusion d'un rapide ignorait que la tyrannie en haut et l'anarchie en bas l'état normal des empires inorganiques de l'Orient sans les détruire, sans les ébranler profondément, ces : maux peuvent s'élever chez eux à un degré que nos sociétés occidenne sauraient supporter. tales Au dix-septième siècle, la Turquie, déjà pleine d'excès et de désordres, n'en restait pas moins l'une des grandes puissances militaires de l'Europe. Par un miracle de la race, ses admirables soldats, ses colossales armées qui res- semblaient à des migrations de peuples, pouvaient se rassembler, vivre, faire sation régulière toujours au tait ; campagne, combattre la et vaincre sans organi- persistance de leurs vertus guerrières s'attes- moment du A péril. d'eux; vainqueurs dans la seconde, ils avaient mane, et les rapports Roi sur le les périls la et devant adversaires dignes Saint-Crothard Candie, les Français avaient trouvé des première rencontre, repoussés dans connu à ce double contact la valeur musul- de nos officiers avaient stiflisamment édifié d'une campagne de longue haleine contre les fanatiques soldats de l'Islam. C'était aussi chez Leibnitz l'erreur d'un esprit de croire à une trêve de Dieu entre les généreux que puissances cin-étiennes, tandis (pie la France j)Oursuivrait une lutte décorée du guerre sainte, mais destinée en la réalitc' à lui nom de assurer l'empire de Méditerranée et l'accès aux Indes. Les puissances maritimes, Angleterre et Hollande, se seraient senties atteintes dans leurs plus précieux intérêts. Eussent-elles hésité à s'unir avec l'ennemi nom (bi chrétien, elles auraient trouvé des prétextes étrangers à l'Orient pour nos les flottes rompre avec nous, et on les aurait vues, atlacjuant sur toutes les mers, réussir peut-être à emprisonner Français dans leur conquête. Ce qui doit exciter une admiration sans réserve dans l'ouvrage LES VOYAGES DU MAHQUIS DE 86 <le NOIMEL Leibnitz, c'est la justesse et la perspicacité îles vues sur la situation géographique de l'Egypte, sur le rôle que cette contrée était appelée à reprendre dans les relations entre les différentes du globe. Toutefois, ces aperçus propbétiques ne pou- parties vaient offrir au Roi et à ses ministres l'attrait d'une révélation on a vu que Louis XIV l'observation gnait dans l'isthme de Suez le Colbert avaient et ment de l'avenir, fondé sur « le rendez-vous commercial, mun le le même avec l'Orient, lien de l'Occident point de contact, le marché de l'Inde d'une part, de l'Europe de l'autre littéraire des instructions données à Vantelet et de Nointel y a plus ? Il pressenti- du passé. Leibnitz dési- d'Ltat des affaires étrangères, du : MM. au moment où camp com- Ces paroles ». sont-elles autre chose (jue le conunentaire éloquent, phrase : la para- de la Hayele secrétaire de Cliarleroi, écrivait au protecteur du jeune philosophe, avec une nuance d'ironie, que le Roi ne songeait guère à s'aventurer sur les traces de son ancêtre, notre politique paraissait sur le point de réaliser la seule partie véritablement pratique des j)lans de Leibnitz. Nointel avisait la cour de la reprise des négociations à Andri- nople; il fallait espérer un renouvellement favorable des Capi- à notre commerce du passage par mer Rouge semblait devoir hgurcr au nombre des tulations, et l'ouverture Suez et la articles accordés. II LA SOmiF. Dr GRAND SEIGNEUR. Sous Louis XIV, nos diplomates possédaient sur tous autres un incontestable avantage : sance militaire de l'Europe. nement fort, ils rej)résentaient la première puis- Ils parlaient au avait su joindre à sa puissance réelle Ciiaque nom d'un gouver- maître de ses décisions, habitué à vaincre, et qui mouvement de la Erance un incomparable prestige. éveillait l'attention et l'inquié- RENOUVELLEMENT DES CAPITULATIONS tudc 87 autres peuples, et la terreur qu'elle inspirait prêtait (les souvent un appui décisif aux raisocis de ses envoyés. Vers la fin de lt)72, les Turcs avaient appris que la France armait forinidaldement; l'Europe, si ils se demandèrent, comme reste de le ces préparatifs, dirigés en fait contre la Hollande, ne l'étaient point contre eux; le souvenir de leurs mauvais procédés entretenait leurs alarmes, et leur conscience troublée leur faisait voir partout les apprêts du châtiment. A cet instant, pavillon du Roi pour suffit il montrer l'apparition dans l'Archipel de l'escadre chargée de de le semer l'épouvante à Constantinople. L'imale nombre de nos bâtiments, gination des Orientaux multipliait les apercevait sur tous les points à la fois, voyait déjà les fies occupées, le drapeau lleurdelisé flottant sur Chypre ou sur Rhodes. Contre ce pressant péril, on s'étonnait que ment ne prît point le des mesures de défense et de salut disaitlc capitan-pacha, que le vizir « fût ivre gouverne: il fallait, ou endormi, puisqu'il ne mettait pas l'armée navale de Sa flautesse en état d'empêcher les descentes que les Français pourraient faire (1) ». La frayeur se propagea jusque dans Andrinople; la Porte s'émut, s'humanisa, nant le manda et Kupruly chevalier d'Arvieux avec une réponse de la cour, L'ambassadeur se rapprocha pour la seconde pléer en cette circonstance et vizir (2) » ; fois d'Andrinople, « aller le sup- seul tàter le pouls au grand mais Nointel n'entendait céder à personne l'honneur chances d'un nouveau débat. homme il Nointel en termes fort radoucis. en mars 1673. L'entreprenant chevalier eût fort désiré et les ame- dès qu'il eut appris l'arrivée du Diamant, Il permit seulement au jeune de l'accompagner; celui-ci s'y résigna d'assez mauvaise grâce, blâmant ce qu'il voyait faire et ne se privant pas, à l'occa- sion, d'adresser à la cour des remarques désobligeantes (3). Il en fut pour ses petites intrigues. Finalement, renonçant à ses rêves d'ambassade, (1) se rabattit sur un poste plus modeste, pos- Nointel au secrétaire d'État, 9 février 1672. au mémo, 2.'i mars d(!72. Archives des affaires étrangèi'es. Archives des affaires étrangères Constantinople, t X. (2) .\rvieux (3) il LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 88 tula l'un des beaux consulats du Levant, celui d'Alep, l'obtint et s'y terra. Revenu le 3 avril que accueilli pagne, dans la 1673 auprès de première le et l'enlace On le Nointel fut mieux la Porte, logea hors de village grec de Bosnakeui, la Maritza, le fleuve de fois. à la cam- ville, situé sur une île sinueux qui coule autour d'Andrinople de ses replis. De sa résidence, Nointel voyait la farouche cité, enclose de murs, hérissée de minarets; mais il n'avait pas l'ennui d'y demeurer, plus favorisé en cela que son collègue le baile de Venise, qu'étant allé voir un jour, mal logé au pied d'un minaret, importuné nuit fort exaspérant du muezzin cri trouva avait signifié ses conditions, en s'y prenant toutefois de façon fort honnête il il jour parle (1). Dès son arrivée, Nointel et confidenliel, et : par un message officieux avait fait dire au vizir qu'il avait reçu une lettre de rappel et se tenait prêt à la présenter, mais qu'il espérait que en admettant ses justes demandes, la Porte, extrémité. Cette confiance, fit effet. Kuprulv prévint « la toute lui menaçante épargnerait cette qu'elle fût (2) », mesure annoncée en consentant en principe à des Capitulations améliorées. bien grand, s'écriait Nointel, 11 fallait que le puisque l'ombre d'une « Roi fût lettre et d'un envové d'un ministre qui n'est plus (M. de Lyonne), et la présence d'un de ses vaisseaux de guerre, changeaient entièrerendaient capable d'une justice que ment l'esprit reste du monde rend à Sa Majesté Comme du vizir et le le vizir paraissait (3) ». entrer dans la voie des concessions, Nointel s'imagina ne pouvoir trop exiger. Il présenta jusqu'à soixante articles nouveaux et s'expliqua sur chacun d'eux. réduction des droits de douane ne cette ancienne et première lité avec l'Angleterre le ferait (jue replacer la La France, amie des sultans, sur un pied d'éga- et la Hollande. Il n'était pas moins indis- pensable d'ôter, par des dispositions bien claires, tout prétexte (1) (^) (3) Gall.\nd, t. I, p. 106. Nointel à Pomponne, 10 mai 1G72 Ibid 3 mars 1072 , RENOUVELLEMENT DES CAPITULATIONS 89 aux avanies, d'imposer aux nations non pourvues de Capitula- conformément à tions l'usage de notre bannière, tume. Quant à les la mer Rouge Français seraient autorisés à venir des Indes orientales à Moka Suez, en faisant escale à et à Djcddaii; ils établiraient dans ces ports des consuls, des magasins: bien qu'au Caire et à Alexandrie, des dans Ce ils jouiraient, aussi mêmes exemptions que les autres Echelles. fut surtout que Nointel eut trop préciser. « l'antique cou- on spécifierait que et à l'Egypte, en ce qui concernait notre protectorat religieux le tort Les d'exagérer ses prétentions et de vouloir articles qu'il proposa étaient ainsi conçus premièrement, qu'en considération de l'ancienne amitié : de et ce que l'empereur de France est le protecteur du christianisme auprès de Sa Hautesse, la religion chrétienne sera toujours exercée dans les lieux de l'empire ottoman où elle l'a été jusqu'<à présent; que les évèques chrétiens romains sujets du Grand Sei- gneur et autres seront en la même considération maintenus et gardés dans leurs dignités et exercice de leur religion, On voit clauses. Au tout de suite quel eût été l'excessif lieu sivement sur de faire porter notre protection les religieux etc. (1). » effet officielle de ces exclu- venus d'Occident en Turquie et y vivant en étrangers, elles l'eussent étendue aux catholiques indigènes, sujets du Grand Seigneur, et la chrétienté orientale. Garante et même à l'ensemble de gardienne des droits reconnus aux chrétiens, notre diplomatie eût pu désormais, en vertu d'un texte formel, s'immiscer dans les rapports du sultan avec toute une partie de ses sujets et gêner gravement l'exercice de sa souveraineté. Ce pouvoir exorbitant, c'est celui (jue la Russie devait s'arroger un siècle plus tard, en interprétation de traités arrachés à la Turquie vaincue et défaillante Russes de celte arme redoutable, péenne (2). En il : pnur dépouiller les a fallu une coalition euro- 1672, encore imposante et forte, la Turquie n'eilt (1) l'rojel de capitulation publié à la suite du Mémoire sur l'ambassade de France en Turquie, par Saint-Puikst, p. iiC. (2) Lors de la guerre de Crimée. LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 90 jamais admis Je notre pari de telles exigences. Moire interces- sion en faveur de ses sujets chrétiens et spécialement catholiques ne pouvait s'exercer qu'à titre point délicat, purement officieux; sur ce convenait de glisser, sans appuyer; Nointel il s'exposer à des résistances motivées, etlambas- insistait. C'était sadeur put mesurer promptement l'étendue de commise en fournissant la faute qu'il avait à ses interlocuteurs l'occasion de rou- vrir le débat. La diplomatie ottomane possède Kupruly n'avait point renoncé à importunes de la le génie de la une apparente condescendance allait les articuler demandes France. Seulement, sa tactique avait changé; contraint de prendre une attitude moins haute, Son plan défensive, et se débarrasser des les il cachait sous pièges qu'il nous tendait. consister à nous payer de demi-concessions et à on termes équivoques. Ce serait provoquer l'ambas- sadeur à demander des éclaircissements, à formuler des critiques, et à prolonger de lui-même la négociation languirait. Grand Seigneur annonçait à cette époque, la controverse. Menée de la sorte, Or, le printemps approchait, et le l'intention de conduire en personne, l'expédition contre les Polonais: l'instant du départ arriverait ainsi sans qu'un accord positif fùl intervenu. ÎSointel se verrait réduit alors à accepter des Capitulations écourtées, telles ment, et, que les voulait le vizir, nu à subir un second ajourne- dans ce dernier cas, Kupruly pourrait rejeter sur les exigences persistantes et minutieuses de notre envoyé la responsabilité des nouveaux retards éprouvés par tenait à ne pas rompre, désirait renouer, mais la négociation. n'était Il nullement pressé de conclure. L'instrument de cette politique fut drogman le Grec Panaiotti, premier un haut personnage; quand il venait voir l'ambassadeur, on eût dit d'un pacha ou d'un bey, avec sa suite nombreuse et le tapis de prière qu'il faisait porter derrière lui (h; la Porte. C'était sur un cheval (1) (1). Il était de manières otictueuses et douces, Sur Panaiotti, vov. ï Histoire des Grecs drogmans de TiADÊs, Athènes, 1865. hi Porte, par Stama- KENOUVELLE.MENT DES CA l'ITU L ATIONS amateur de beaux fort érudil. et de manuscrits, livres, chorclieur !•! de vieux textes possesseur d'une bibliollièque célèbre, très préoccupé de répandre un peu d'instruction parmi ses compatriotes, mais cauteleux, rusé, de nos ambassadeurs, Son parler lait « conmie et, avait des souplesses, dos détours infinis comme tions, sans un le dirait plus tard plus faux que ne le comporte le métier : ». nul n'excel- lui à soulever des incidents, à embrouiller les ques- que l'on pût s'en fâcher; sur sa diplomatie fluide, mobile, ondoyante, on ne se trouvait pas de prise. Pendant trois semaines, il entretint les espérances de l'ambas- II n'était ferme qu'en un Grand Seigneur, jaloux de sa puissance, ne sadeur, sans les satisfaire entièrement. point, à savoir que le souffrirait jamais qu'on attribuât à d'autres qu'à lui-même la protection de ses sujets chrétiens. Sur le reste, les concessions et les refus variaient que de réduire L'ouverture de les cinq la Un continuellement. par rapport au conmierce : le lendemain, jour, tout allait bien n'était plus question il pour cent à quatre, au lieu de mer Rouge promise était tour à tour et trois. ajour- née. Sur un ton d'amicale confidence, Panaiotti suppliait l'ambas- sadeur de se modérer, d'abréger et de condenser ses demandes, sans quoi, pour contenir l'acte nouveau, d'une lieue de long l'on finirait (1). » Néanmoins, par s'arranger, et que il « il faudrait un papier ajoutait toujours l'affaire se que terminerait à la satisfaction réciproque des parties. Cependant certains préparatifs, indices d'une prochaine entrée en campagne, n'échappaient pas à l'ambassadeur; des scènes d'un pittoresque grandiose, en aspect nouveau, celui d'un lui camp défiances, mais aussi sa curiosité. tableaux pleins d'animation et montrant la qui se lève, éveillaient ses Il se plaît à conlenipler ces de couleur. Les différents corps do milices qui se groupent autour d'Andrinople matière à obsfMvation. .Vu milieu d'eux, pavillons du (1) Turquie sous un il lui donnent ample voit se dresser les Grand Seigneur, entourés d'une muraille de Nointel à Pomponne, 10 mai Hi'i toile LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOIXTEL 92 de créneaux. et verte, dentelée rouge leurs quartiers, examine, mécanisme d'une Le visite les janissaires manie leurs armes, arbalète; on lui et le détail de leur Il aménagement montre dans se fait expliquer le l'intérieur des tentes (1). 4 mai, c'est l'une des pratiques les plus bizarres de guerre qui s'accomplit sous ses yeux la sortie : du rituel en masse des corps de métiers qui doivent suivre et servir l'armée, pourvoir à sa subsistance, à son habillement, à ses consommations. Trois mille artisans. Grecs et vers camp en tumulte, le Arméniens pour et c'est la plupart, s'écoulent grande occasion de liesse et de divertissements, où la joie populaire se débride, se lâche, déborde en bouiTonneries énormes, en gaietés frénétiques, d'une fantaisie barbare. Des groupes d'hommes viennent dansant et sautant, dans la cacophonie des instruments nasillards, au bruit des salves de mousqueterie et des assourdissantes décharges. Les corps de métiers passent en une procession burlesque, bouchers, fruitiers, nattiers, les boulangers, cotonniers, fourbisseurs, cor- royeurs, cordonniers, drapiers, faiseurs de café, se suivant à la menés par leurs cliefs. avec leurs attributs et leurs outils, et hommes, tout en marchant, simulent et miment l'exercice de lîle, les On leur profession. en voit qui font semblant de polir des sabres, qui étirent des bandes de cuir et frappent sur des enclumes 4 coups redoublés; on voit des travestissements appropriés aux divers états et des costumes parlants lassés d'herbes, les : les jardiniers tout fourreurs dans des peau.x de bétes, un vêtu de nattes, coiffé de nattes entortillées : en mate- homme tête des confitu- un des leurs enveloppé d'une longue chemise toute barbouillée de confitures, qu'il ramasse à pleines mains et jette à la riers, foule, avec des gestes ignobles. Ce flot mêmes et humain traîne avec soi des peinturlurés : animaux déguisés eux- des moutons teints, tatoués, plaqués de couleurs criardes, des vaches enunaillotées dans des robes de (I) (',\LL-\yi>. t. I, p. Hi>. ll.î. 1 1 {. H5 RENOUVELLEMENT DES CAPITULATIONS brocart, un chameau dont on ne voit que 93 la tète et les pieds, le une carapace d'étodVs. Et connue il faut populace pour la réjouir tout à fait et assaisonner reste disparaissant sous du sang à la ses plaisirs, des honnnes s'avancent, nu, le regard exta- le torse un canon de mousquet ou une hampe de drapeau bout est passé dans leur flanc ou dans leur bras, s'enfonce tique, portant dont le dans leur chair et ressort rouge à travers leur peau trouée. D'autres, montés sur des ânes, aflublés d'oripeaux, imitent les grands pachas, leurs fa(;ons de chevaucher jour, tout est toléré, tout est permis; ces de saluer. et Arméniens et ces En ce Grecs ont licence pour une fois de s'habiller en Turcs, de faire les Turcs, de singer leurs maîtres; c'est la re\ anciie de cette popula- tion de misérables contre l'oppresseur qui les foule, d'esclaves en délire, une fêle des fous à l'orientale Le lendemain, pour la soleniiité s'établir tout est rentré dans l'ordre suprême : la sortie un carnaval (1). tout se prépare : du Grand Seigneur allant au milieu de ses troupes avec son gouvernement, avec ses multiples cortèges, avec une suite de douze ou quinze mille hoinmes ce sera la mise au jour et le déversement de ; magnificences que toutes les en ses profon- le Sérail recèle deurs. Malgré ses inquiétudes, Nointel miique. Le 7 mai, dès l'aube, lui et les siens se nnisulmanc, qui borde les rues temps de gelée (lu tient à jouir de ce spectacle mêlent à la foule chemins; bientôt, par un et les un ciel limpide, les portes commence. Voici les queues de au bout de longues hampes bariolées, et les (pii durcit le sol, sous palais s'ouvrent et le défilé cheval, flottant étendards de satin vert, zébrés d'inscriptions. roule, imposant, superbe, |)lus beau que Un cintège se dé- celui d'un roi d'Europe; un second ensuite, puis un troisième, un (juatrième, un cin(juième, six enlin, principaux exactement pareils. Ce sont ceux des vizirs, les vizirs de la route, qui tiennent voûte ou coupole attenant à l'appartement impérial la (1) Ci.xi.i.AXD, Icl 1671 .suc t. une \. p 117. [-20. Cf sortie analoKUC. une letlie six séance sous ('t dont de Nointel en Jale Ju2i juil- LES VOYAGES DU MAHQUIS DE XOIXTEL 94 Kupruly sonne est le plus élevé en grade. Ils ne paraissent pas en per- mais leur maison, leur cour, avec un clans ces cortèges, détachement des troupes diverses qui composent l'armée otto- mane, avec un échantillon de tous ses types Delis : à l'avant-garde les ou fous, fous d'intrépidité, porteurs de lances au liout des- quelles palpitent des flammes multicolores; après eux. les fantassins arnautes, bosniaques, esclavons. en fustanelle plissée, en veste courte qui laisse passer chemise bouffante la ; puis la féodalité ottomane, les possesseurs de ziamets et de spahiliks, de iiefs militaires , seigneurs bannerets de l'Orient. Ces cava- les avec leur cape de liers, fer. les tresses d'acier qui pendent le long de leurs joues, leurs brassards, leurs gantelets arc, leur targe de cuivre, , évoquent des âges disparus leur grand et des épo- pées lointaines. Chacun mène à sa suite un groupe d'icoglans, écuyers coquets, mignons armés en guerre, dont berbe « la et Vénus sous efféminée grâce les habits le visage im- rappellent à l'honnête de Mars (1) " . Galland Et partout une étonnante diversité d'armes, de harnachements, de costumes, d'ornements, mille variétés de coupes et de nuances ; des heurts de couleurs crues et des liarmonies de tons clairs, des étendards couleur de sang, des vestes de teinte jaune, incarnat, aurore, orange, bleu de ciel; autour des bonnets de fer luisants et polis, des enroule- ments de gaze jaune et verte : des vestes de satin jetées en sautoir sur les armures des masses d'armes pendues à larçon des selles, ; des étriers triangulaires, des arcs et des carquois coloriés, vernissés, laqués, enfermés dans un treillis d'or; des houppes du soie descendant des coiffures et floconnant entre les épaules, des peaux de tigre et de léopard faisant poitrines des pattes griffues « manteau et croisant sur les en manière de ciiape {2) » ; des écharpes de satin passées au cou des chevaux et fixées sur devant par un nœud le d'où descend sur le poitrail une queue de clieval marin, et ftnis ces détails inattendus, fantasijues, extraor- dinaires. (| ni su rpi-ennen ta (1) T. I. p. 130. (2) GALLAXli, t. I, p. 127. chaque instant et déconcertent le regard RENOUVELLEMENT DES CAPITULATIONS 95 des Européens, se fondent pourtant dans un lumineux ensemble. Après sixième cortège, une interruption se le de la marche et l'éclat : fait la science et la loi défilent Le équipage, d'une pauvreté voulue. dans luxe le en modeste sandjak de la Mecque, les émirs descendants du Prophète, reconnaissables à leur turbaii vert, un émir juché sur une méchante mule galeuse « », les grands Juges avec leurs monstrueux turbans, passent en désordre, figures bizarres ou grotesques. Cette de loi », comme dit Nointel précède (1), racaille de gens hauts fonctionnaires les précèdent les six vizirs, et ceux-ci de rÉtat, « le Coran, porté sur un dromadaire conduit par un Arabe. A de cet appareil religieux, la suite prend avec plus de faste, et tandis la pompe qu'au loin chameaux, bales énormes, portées sur des se sourds du tamiiourct au concert des instruments, pareille des costumes et d'argent, les et lui ce qu'il dhommes tiers et croupe ondulant sous dant une double du cliemin, et à file les de leur habillement s'accroît le doux, meutes frémissantes, le poitrail étoile semblent tout d'or de : '> mai deux côtés somptuosité devient inouïe, écrasante. aux pieds, partent tous ces rayons. l'oiiiiioiiii<\ elle les jiassent, la d'or, vêtus d'or, chaussés d'or la tète IG7(i Les de pier- velours et sous la soie. Cepen- iiommes vante avenue, voici l'empereur, Lettre à les de gardes à pied s'allonge sur mesure que Les derniers sont casqués (1) ; à cheval dont ciiacun porte en croupe tigre appri\oisé, dressé à chasser le lièvre. chevaux de main passent reries, la l'oiseau de brocart et parés de colliers; les aux longues lippes pendantes une espèce de sans estime son principal trésor, Les fauconniers s'avancent, les lévriers vêtus une bande la richesse roue, annoncent l'approche du maître. la ses équipages de chasse. limiers mêle aux coups armes^ les dalmatiques roides d'or et des conduire devant au poing; de cvm- casques de vermeil, les aigrettes arrondies en queue de paon faisant Il fait guerrière re- le fracas le et : ils au fond de cette mou- maitii', le dieu, soleil d'où . LES VOYAGES UU MARQUIS DE .\OINTEL 96 Il a échangé la lourde coili'ure de paix contre un casque arrondi autour de ses tempes, dème des un léger turban vert s'enroule en tresses d'acier encadrent son visage ; un bouquet d"aigrelles s'enlève frémissant. ; dia- sur son front, : Sa poitrine et ses épaules vêtues de fer se dégagent d'un manteau de brocart à fond rouge, dont un esclave à pied soutient les maître et fait flotter plis, du qu'il jdétache sur la croupe de sa monture. Le basané teint du monarque, bruni encore par les longues courses à travers bois, lui donne un air de martiale énergie. A ses côtés et derrière lui, on porte en cérémonie ses armes, cimeterre, arc,^carquois, mousquets, targe, ses turbans de rechange, l'aiguière pour les ablutions; et tous ces ornements couverts de diamants et de rubis ou d'une prodigieuse quantité de perles « pourpre des a ètements, la juagnificence des caparaçons, toiement des étoffes précieuses, et la ,(1) », l'or l'éclair multiplié cha- le des métaux et des pierreries, mettent autour du noir calife un épanouissement de splendeurs. Galland est en extase nois, carrousels, beau ; il : il a vu des mascarades songe que « et « jeux entrées, triomphes, tour(2) », et n'a^rien lui si Mlle de Scudérj' avait pu se forger si dans l'imagination quelque chose de semblable, avoir représenté avec vu de et qu'après crayon de son élégante plume le , l'y elle eût donné place dans quelque endroit de ses ouvrages, tous ceux qui y prennent plaisir à cause du vraisemblable qu'elle a toujours lâché d'y observer, n'en feraient plus la même estime après avoir lu ce morceau, qui, bien loin deleur paraître vraisemblable à l'ordinaire, leur paraîtrait encore au-dessus des extra- vagances des paladins et de nos Amadis de Gaule Ses yeux, saturés de spectacles, cerner la fin du cortège glans, son bouffon qui : fait lui derrière le (1) (jALLA.Mj, t. (-2) I. |p Kilt. Ibid.. p. 122. (A)lbid., \^. \1t, li':i permettent encore de dis- Grand Seigneur, semblant de son carrosse à six chevaux blancs, sa (3j » ses ico- veiller à tout et s'affaire, litière de drap rouge sup- Ki:.\(iuvF.i,i.KMi:.N portée par quatre mulets; caitii latihns i)i;s 1 le daiulineinciit <.n de soixante chameaux portant le trésor dans des coffres; enlin, pour fermer la marche, une colonne de janissaires de et tcliaouchs lente cheminant longtemps, interminablement, qu'en tout le défdé a duré et Galland s'aperçoit heures. Près de cin(j prépare lui-même à s'écouler, Nointel par- lui, tage son enthousiasme ; récit qui au lecteur une impression sement doit il les éléments d' un d'éblouis- pourtant, au plaisir d'artiste qu'il éprouve se mêle (1); une anxiété : en échapper, laisser voit le liouvernement avec lequel il quelque sorte, il traite lui dans cette s'évanouir et apo- théose. Résolu de mettre à avant la levée du camp, mais au reis-ldUtb profit les il quelques jours ne s'adresse plus seulement à Panaiotti, ou ministre des montre pressant, impérieux, le soir, Capitulations. Seul, et arrache un interprète grec gardait : il se une promesse crut avoir cause le silence et ne connaissait la politique des Turcs et savait qu'elle ne cède jamais Lorsque enfin t'ois, il il à sa table, on but au renouvellement des partageait pas cette allégresse la possibilité étrangères; affaires formelle sur la plupart des points. Cette gagnée, et restent (pii lui le terrain sans se ménager d'un retour offensif. les articles des Capilulations eurent étt- dressés, présentés à lambassadeiu- et traduits par ses drogmans, trouva que les ministres de la il se Porte avaient su, mettant à profit avec une habileté perfide les subtilités de leur langue, atténuer leurs engagements l'article relatif et réduire aux religieux employait celui de Francs, qui s'appli(jue dentaux : nos avantages. C'est ainsi que dans c'était réduire la protection le le mot de Français Levant à tous et non les Occi- du Koi à ses seuls sujets, au lieu de l'étendre à l'ensemble des missions; la différence était essentielle. L'article concernant la mer Rouge fîe:urait Pomponne le complimenta ainsi sur sa relation « Le iloi a entendu avec plaisir celle ([ue vous m'avez envoyée de la sortie du T.rand Scipncur i)our l'armée Difficilement peut-il y avoir rien de plus grand et de plus mjiL'nifi(pic » Lcllrc du :>{ juillet lOTi. écrite de llollaiule (1) : lire 7 !)S LES VOYAGES DU MAHUUIS DE XOINTEL bien dans le cette voie aux marchandises venues des Indes, sans texte nouveau, mais tronqué, ouvrant passage par faire mention de celles qui seraient apportées de France. Pour les sujets des États sans relations officielles avec la Porte, non obligation de naviguer sous nos couleurs ils pourraient aussi bien arborer v avait faculté et il : en conséquence, pavillon d'Angleterre ou de le Hollande, au détriment de notre antique monopole Désolé Il et (1). furieux, Nointel réclame des additions, des retouches. se rend au camp, du se fait introduire sous la tente bougera jusqu'à ce que et déclare qu'il n'en wis-kitiih le vizir lui ait donné une réponse personnelle et directe. Mais le vizir, sous prétexte de faire ses adieux à ses femmes, s'est enfermé dans son harem : c'est un moyen de ment se rendre inabordable. qu'il s'est choisi, toires : d'abord il emportées il et n'a (ju'à s'en aller (2). (|ue différé; le n'est et contradic- furibondes ton change; ce sont des finesses et des ruses ment des Capitulations du retranche- l'abri rend des oracles ambigus des paroles l'ambassadeur n'est pas content, le A : le « : » Si Puis renouvelle- Grand Seigneur statuera sur les difficultés soulevées par la France; seulement, en vertu du cérémonial musulman, dès que le commandement de ses armées, se trouvant toujours à cheval; il il le monarque a doit être considéré faut pris comme donc (pe ses ministres attendent une occasion favorable pour s'approciier de l'wétrier impérial « et recueillir les arrêts infaillibles qui » tombent de ce trône de campagne ». Bientôt, la lourde masse de l'armée s'ébranle, s'éloigne vers le Nord. Poussé à bout, Nointel envoie l'un de ses drogmans à la poursuite du couchée, de et le avec ordre de vizir, relancer; il fait dire le rejoindre à la première que sa mission est terminée réclame des passeports pour rentrer en France. Kupruly consent à lui laisser reprendre met pas de s'eml)ar(juer; liiinans nécessaires; (1) Nointel {±) Ibid. :i il l'oiiipimiic, il le cliemin dePéra. mais ne lui per- lui refuse les autorisations, les ne désespère point de dompter sa résisI'' juin t67i. tance et, N K Il V sans \ ELLE MEN P I ) i: S lui laisser la iilierlé ( : A de ULAT1 T 1' 1 retraite, la NS !)9 veut le con- traindre à capituler. Nointel dut rentrer une seconde fois à Constantinople les mains vides, sans ces Capitulations qui eussent surcroît d'infortinie. avait à se il prisonnier des Turcs en même fait demander s'il sa gloire; par notait point le temps que leur dupe. Dans ses dépêches, son dépit et sa colère s'exhalent en termes courroucés contre ces mécréants, ces maudits, dont la mauvaise apparaît insijine termes fastueux foi lui Qu'ils prennent tant qu'ils voudront des « : Toutes ces choses sont des et iiyperholiques folies et des égarements prodigieux dans lesquels lorgueil les précipite, et qui ne nuisent qu'à manquent de parole à eux-mêmes; mais un ambassadeur, lorsqu'ils changent tous qu'ils les jours de propositions, qu'ils retranchent celles qui sont accordées, qu'ils font donner des mémoires de temps à autre où il y a tou- jours sujet de dispute et qu'ils font des incidents mal à propos, l'on peut croire ou que le vizir n'a point eu dès de véritable dessein de conclure, ou le commencement (jue l'intention qu'il en avoit a été changée par l'avis qu'il a eu de la guerre ouverte du Roi contre les Hollandais, qui lui fait croire n'insistera pas davantage de ce cùté-ci (1). que Sa Majesté » III LES CAPITILATHINS A AND II 1 Ml P L E. Constantinople, Nointel s'interrogea sur Auparavant, il la conduite à tenir. avait repris ses instructions, voulant obéir ponc- tuellement au Roi : « J'ai écrivait-il, et quoiqu'ils (1) I) consulté ses ordres tout de nouveau, fussent bien gravés dans Nointel à Pomponne, t" juin Hj'i. ma mémoire, LES VOYACRS Df "MAROtlS DE NO INTEL 100 je n'ai pas laissé de les relire plusieurs fois (1). » Ces instruc- lions lui prescrivaient forniellemenl de rentrer en France Porte n'accédait point à ses demandes; en outre, elles lui Turcs faisaient mine de si les le si la commandaient retenir après s'être refusés à tout renouvellement favorable, de leur déclarer qu'il ambassadeur n'était plus et de ne laisser entre leurs mains qu'un simple sujet du Koi. Le cas ne « la lui parut point assez désespéré pour qu'il accomplît simagrée prescrite tèi'e dont l'esprit il (2) », était glorieux. pour qu'il se dépouillât Cependant, il d'un carac- lui vint plusieurs fois à de s'enfuir sulu'epticement à bord du Diionant. toujours mouillé dans le port; le bâtiment appareillerait aussitôt Mais ce départ drait le large. furlif. précipité, et pren- prenant l'aspect d'une évasion, serait promptement connu. Les Turcs tenteraient probablement d'arrêter il le vaisseau au passage des Dardanelles; faudrait essuyer le feu de leurs batteries, engager une action de guerre qui j)0urait mal tourner, chose grave et d'incalculables conséquences à fond, un : « un vaisseau de l'importance du Diamant coulé ambassadeur perdu, sont des engagements dans Sa Majesté ne veut point entrer lesquels assurément admettant que l'on pût forcer Ainsi, qu'il tenait lui, de tous côtés. Nointel se heurtait à des difficultés, avec des dépèches éplorées où ses perplexités, sohil pour le où il le demandait appui moment initiative, àlaisserles la En à é\ iter? presque à des impossibilités. Finalement, sans ». chargé d'une mission de paix, d'avoir à son ambassadeur, ouvert des hostilités (3) passage, le Roi pardonnerait-il le à il il renvoya le Diamant peignait au ministre et direction, et il se ré- ne rien brusquer, à ne prendre aucune événements décider de son sort. Peut-être Porte reviendrait-elle à de meilleures ilispositions: peut-être Roi enverrait-il devant Constantinople une escadre qui recueillerait et lui permettrait de se retirer (\) Nointel à l'om|iomie, (2) Ihid. (:{) Ihul. (i juin Ki":*. le dignement. En attcn REN (laiil, il K IJ \ 1 . 1 , 1 : M !•; NT I • l'. S C AIM T T L A T IONS temps entre Constantiuople passait son lui de et le village Belgrade, résidence d'été des ambassadeurs, lieu verdoyant et aux brises rafraîchissantes de paisible, ouvert il des dames grecques, dans de leurs danses Noire. Là, spectacle de leurs le l'objet principal de sa mission, il il ne peut contenter tâche de lui factions à côté; c'est l'instant qu'il choisit avec une lettre pompeuse, point de croyance les résultats svnode et Roi sur lui salis- adresser, de son investigation sur et A de la Transsubstantiation. s'est réuni, le ménager des pour charge d'éclaircir. qu'il avait désormais d'attestations isolées, précises en faveur amusements (i). Fidèle à sa coutume, connue le mer la trouvait quelque consolation h ses disgrâces dans la compaiinie Il s'agit plus souvent indignées, Constantinople, composé de cinq patriarches neuf métropolites. Cette assemblée a rendu ne et un de trente- et transmis ofliciel- lement à l'ambassade une décision doctrinale, portant que la foi en la présence réelle est conforme à la tradition constante et ininterrompue de l'éghse grecque. En même temps, ties de l'empire; oriental. des Après îles, le l'enquête s'est continuée dans toutes les par- le clergé de lointain « ainsi que le la Grèce continentale, après celui patriarche général des Arméniens (2) donné son adhésion; même, poussée jusqu'au.^ confins du monde elle a été le patriarche grec d'Antioche a fait » a de patriarche des Coptes, dont la religion est A aussi celle des Abyssins. côté plus hautes des autorités ecclésiastiques, que de simples prêtres, que de groupes chrétiens, ennemis des Latins, ont pourtant solennellement déclaré (|u'ils partageaient leurs croyances sur « (1) I^'on s'y divorlil (n le grand objet en cause! IJelgrade) assez bien, l'on y vit avec plus de plus fréquemment, et, chacun portant son plat, l'on mange souvent ensemble auprès des ruisseaux et des fontaines. Les femmes, lesquelles à (:onstanlino[)lc airectent beaucoup de retenue et de modestie pour se conformer h l'usage du pavs, font voir dans ces lieux leur iilierlé qu'à la ville, l'on se visite enjouement el leur galanterie; elles emploient le jour et la nuit au divertissement des danses et <les promenades, pour se récompenser du [)eu de liberté qu'elles ont à la ville • Mànoires de La Croix, t. I, p. I(i3 (2) Celait vraisemblaliliMnciit le calhoUcos d'I'ltchmiadzin. LES VOYAGES DU MAUQUIS DE NOINTEL 102 Ainsi l'unanimité est absolue; pas une discordance ne s'est produite, et c'est une gerbe d'attestations, c'est le fruit d'une abondante et complète récolte, pieds du Roi, en dont nom le qu'il est permis de déposer aux hommage au monarque protecteur des chrétiens, masse des seul a provoqué cette levée en ments communiqués par Nointel furent publiés par ment même honneur sa la foi; parut digne de clore victorieuse- la controverse. Au lendemain de ce succès d'un genre particulier, les affaires turques se rappelèrent à jour, et de les soins Nicole et d'Arnauld dans les annales de la Perpétuité de lettre eut le églises Les docu- dissidentes en faveur du mystère de l'Eucharistie. il vit hisser drapeau « lui de façon pittoresque et bruyante. au-dessus du Sérail, en signe de joie, un grand bariolé de diverses couleurs ». En même temps, batteries de la Pointe annonçaient l'heureux début de la pagne contre les Polonais et la prise rempart de forte, Un la frontière les cam- de Kaminietz, place très ennemie. Ces triomphantes nou- velles donnèrent lieu à des réjouissances dont l'éclat se manifesta surtout après le couclier du soleil, suivant la et Nointel, l'affût sion coutume orientale, passant du grave au plaisant, se tenant toujours à de ce qui pouvait distraire et amuser bonne pour intercaler dans le Roi, trouva l'occa- sa correspondance le tableau d'une nuit de fête à Constantinople. i les Le soir sur les sept heures, raconte-t-il. démonstrations de deux jours Sérail la joie publique, que Ion a commencé l'on a continuées les et nuits suivantes: l'on n'a tiré <|ue la nuit, et le connnençant par quelques décliarges de mousqueterie et de boîtes, et par trois autres de quatre canons chacune, l'Arsenal, Scutaret (Scutari), la lour de Léandre, mer Noire, Topana et les vaisseaux marchands répondoient de leur artillerie. Il n'y avoit fenêtres des palais du Grand Seigneur les la des lumières (]u*aux et des Porte, et l'on tenoit en quelques endroits, châteaux de chrétiens et autres principaux de la comme le long de la marine, auprès des murailles du Sérail, aux douanes et aux remises des galères, de gros flambeaux allumés, dont la matière KENOLVEM.EMr.NT DES CAPITIJLATIONS est composée de ces lieux il tissoient à leur sèche et bitumée, toile y avoit 103 dans quelques-uns de et beaucoup de canaille attroupée, qui se diver- manière sur des escarpolettes, ou bien en fumant l'on vovoit aussi de grandes estrades élevées, et avançant sur : la mer, ornées de verdure, d'oripeaux, et éclairées par des lampes, où plusieurs Turcs de quelque considération étoient assis sur des carreaux (coussins). « janissaires, qui consistent en Les odas (casernes) des une grande galerie étroite et élevée, couverte d'un plafond doré en plusieurs endroits, et d'un côté de laquelle incrusté poin- la plus grande partie de carreaux de chambres y avant des cours de sont faïence, les des portes l'autre côté, étoient d'un bout à l'autre remplies de lampes, de verdure et de diverses représen- tations de sièges de villes. « Le quartier des selliers rendoit un fort bel aspect non seule- ment par la largeur, la longueur et le grand nombre de ses rues, qui suffiroient pour une ville considérable, mais encore par la disposition de ses lumières, des selles de velours et de cuir et des étuis et bouteilles de la même matière, qvii, étant couverts d'une belle broderie d'or, servoient de tapisserie aux boutiques; elles sont h la et l'on hauteur d'appui de ceux V voit les un Le Besestain où lieu passent dans marchands couchés sur de beaux appuvés sur des carreaux de velours « (jui se vendent voûté de pierres de et la rue, tapis, et marchandises, qui est de brocart. les riches taille, fort élevé, un peu étroit pour son élévation, a une rue qui le traverse dans le milieu, et qui est croisée par une autre, et elles aboulissenl toutes deux à une troi- sième, qui règne tout autour Les boutiques placées le long de ces rues étoient tapissées de brocart, velours, damas, et de plusieurs sortes d'étoffes précieuses; quelques bijoux de grand prix y rcstoient attachés, et quantité de gros flambeaux d'argent, avec de grosses et grandes bougies, servoient à éclairer ce lieu. Durant toutes les nuits destinées à la joie publique l'on y va achète librement aussi bien que dans les autres endroits, Besestain avant le privilège d'être alors ouvert et même et le tout le LES VOYAGES DU MAHOIIS DK NdlXTKL -lOi jour, ce « un autre temps, pendant lequel on deux ou trois heures cliaque journée. libre dans les autres quartiers des marchands n'arrive pas dans (jui n'y peut entrer que L'on a l'entrée tout le jour, et non pas faut il Les transports de fort paisiblement. lieu à commerce nocturne la nuit, ce accordé qu'aux solennités, mais aucun excès, parce que le avouer n'étant passe qu'il se ne donnent joie publique peuple, qui se trouve en foule en certains lieux, ne songe qu'à se réjouir en chantant. même en a déguisés la ainsi : tchorhadjis, quelques-uns qui dansent, les compagnies de que l'on voit couler dans et Il y beaucoup qui sont avec janissaires leurs ne sont que pour les rues, forme. « Les moindres boutiques ont leurs ornements de verdure de lampes, et il n'y a eu que la paroitre durant les trois nuits, mer sur si volantes qui étoient médiocres et laquelle on n'a rien fait en excepte quelques fusées l'on (1). » Nointel observait cette allégresse, mais ne s'y associait nulle- ment. Il au contraire, prévoyant que s'en aflligeait Kaminietz grandirait encore l'orgueil de rait ses résistances. D'autre part, France une escatlre liliératrice. point sa conduite rester, ; la de Porte et encourage- ne vovait pas arriver de savait que le Roi ne blâmait des dépêches de la cour l'avaient autorisé à mais sa situation mal nait intolérable. Et secours, pour Il il la prise il définie, en se prolongeant, deve- se rongeait d'iii(|uii'tudc. apjielani à son le tirer de peine, quehpie cv(''iu'nient providen- tiel. Ce miracle, Louis XIV l'opéra. Le contre-coup de ses toires en Europe se fit sentir jus([u'en Orient, \int assurer fois la délivrance et le succès de son envoyé. droyante de ses premières entreprises contre c'Oimue à Constantinople presipie en Kaminietz : le Grand Seigneur avait pris (puu'anle-cinq. (1) même une à la La réussite fou- la Hollande fut temps avait pris Les bulletins qui vic- (pie la chute de ville, le Roi en se succédaient appor- Archives des affaires étrangères. Conslantinoplc. l. X, 1'" l~[i. UKNOrVELLEMENT DKS CA ITLLATIONS 105 l' laient la nouvelle de faits de guerre sans précédents grand fleuve, le Rhinherg, Arnheim, Doëshourg, toutes lune après l'autre, et aux coups du vainqueur (i). ligne tombant s'offrant La république c'était : un Rhin, franchi sans coup férir; c'étaient Wesel, première les places de Hollande démantelée la des Provinces-Unies jouissait alors d'un prestige hors de proportion avec sa force réelle; par son énergie, son activité, sa hauteur insolente, sa persistance à se mêler de tout, ce petit État s'était haussé dans l'opinion au niveau des plus grands, un rang que ne ii tion, ni l'étendue de son domaine continental. vu que depuis plusieurs années la première place ; de sa popula- justifiaient ni le chiU're il tenait En Orient, on a ou au moins disputait frappés de ses progrès et prodigieusement ignorants en géographie, les Turcs se figuraient la Hollande comme un vaste empire. avait eu raison de cet Etat La « facilité avec laquelle Louis qui s'en faisait accroire (2) » et XIV con- quis en quelques jours la plus grande partie de son territoire, les jeta dans la stupeur. Avec ce goût et cette science de la représentation qu'il possé- dait extraordinairement, Nointel grossit encore l'effet de victoires bra. la manière dont convoqua solennellement la«nation Il après aux yeux des Orientaux par le chant du Te Deiini, il » « On tira au palais de France; et surtout deux cent cinquante coups de canon, leur bruit niclé avec celui de Vice qu'il se nos les célé- y eut banquet, illumination; les témoignages de l'allégresse nationale furent publics retentissants. il perpétuoit par le le et Roi! ne linissoil pas, parce moyen des échos de la mer et des mon- tagnes, se faisant entendre à Constantinople, à Scularet, sur le Rosphore On gneur. (I) (i) et dans les îles à dix lieues de là (3) ». peut dire qu'il se répercuta jusqu'au A ce camp du moment, Mohammed IV achevait Grantl Sei- assez péniblement Vnvez RoissET, t. I, p. 357-37-1. Nointel à l'omponne. I" octobre 1673. (3) Nointel à Pomponne. 28 juillet l(J7:i. Celte dépèche a été publiée par M. ScHEFER en appendice au t. I du Journal de Galtand, p. 271-273. LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOI.NTEL lOG campagne contre les Polonais, ment n'avait pas eu de lendemain. sa son succès du commence- et avait trouvé des adversaires Il valeureux, des passages de rivières fortement disputés, un climat affreux, des boues, des déserts Quand les brusqua avec il où avait fondu sa grande armée. maladies et les privations les eurent réduite de moitié, 1 Polonais une paix très favorable, mais A précaire, et repassa le Danube. l'annonce de nos victoires, ministres cherclièrent d'abord à leur opposer la prise de ses Kaminietz et à leur égaler cet unique avantage. Leur incom- mensurable orgueil prétendit découvrir entre leur fortune celle de la France de mystérieuses compliment, fort expert quelque constellation pires (1) ». : et par manière de firent dire à Nointel que, d'après l'observation ils du Grand Seigneur, « affinités Mais la en astrologie, il devait y avoir également favorable aux deux em- disproportion entre les résultats obtenus de part et d'autre était trop flagrante pour qu'elle pût leur échapper; leur obstination en fut brisée, et leur soumission résulta indirectement la défaite ib- des Provinces-Unies. Lors(jue la cour eut repris à Andrinople ses quartiers d'hiver, disposés à entrer en accommodement toutefois de leurs formes superbes et de et en écritures le grand « se montrèrent sans se départir leur faste en paroles ». Nointel avait nople; ils définitif, demandé la permission de retourner à Andri- vizir répondit par la lettre suivante : Le plus grand des seigneurs de la nation du Messie à présent ambassadeur de l'empereur de France résidant à Constantinople, « le seigneur de Nointel, que sa « Pour vous donner un fin soit sur la permission que vous avez à la Porte, dans la le il heureuse. avis sincère, l'on vous est libre de vous fait savoir que demandée de vous transporter le faire pourvu que vous y veniez dessein de vous y conduire d'une manière convenable à mutuelle correspondance, et qu'avec une ferme intention de ne point blesser (I) la grandeur de l'heureuse Domination, vous vous Nointel à Pomponne, 15 novembre 1672. RENOUVIU.LKMKNT DES CA serviez de paroles et de Capitulations. Ainsi il moyens l' lir ATIONS 1. 107 suffisants au rtMiouvellement des ne faut pas vous fatiguer en vain par des prétentions inutiles et hors do propos, coiniue vous en avez usé par passé, vous étant conduit de le qu'après mille ttdle laiton contenus dans vos requêtes, ayant impétré de efforts la faveur de Sa Hautesse Impériale l'article de la douane, vous avez de nouveau par vos étranges demandes préjudicié à la conclusion. « Ce que n'est pas de la sorte perfection, principalement l'on conduit les alfaires à leur quand ceux de qui elle dépend sont résolus de l'accorder seulement pour donner un ti^noignage de leur courtoisie, et c'est avec ces pensées que je salue celui qui règle sa conduite sur cidle de Dieu Cette autorisation (1). » conditionnelle, s'était familiarisé à ses dépens avec le mais Nointel, qui ton et le style de la chan- ottomane, ne s'en émut pas trop; cellerie d'admonester cette façon d'engageant: l'ambassadeur, n'avait rien connaissait par il d'autres avis que la Porte désirait en linir et que 1 on ne dispute- rait plus sur certains articles. Il reflt On 1673. il pour le la troisième fois reconduisit dans le l'île voyage d'Andrinople, en mai où il avait précédemment logé; y eut un voisinage inattendu, celui de la sultane Validi', qui s'était décidée h rejoindre l'empereur son fois à la cour, elle avait amener avec dont la loi aux sultans de et lors iiésité fils. Mandée plusieurs à venir, car elle devait de Mourad IV, elle les autres fds elle avait la homicide, beaucoup les derniers-nés, garde, ft elle craignait pour eu.x la coutume de sang, qui faisait prescpie une obligation se débarrasser de leurs frères. de larrivée, elle avait protection ombrageuse_; qu'elle les sentait le d"l']tal voyage entouré les jeunes princes d'une comme menacés, Pendant elle les cliérissait d'autant plus elle veillait sur eux sans cesse et les couvait, ce qui n'empêchait point entre elle et le ]>adiscliah de grandes démonstrations de tendresse. Ils (1) se visitaient chaque jour. Nointel assista presque h ces .\rchives des affaires étrangères. Constantiuople, t. .\. . LES VOYAGES DU MAHOl'IS DE NÔIXTEL -108 effusions contraintes : « J'en fus, écrivait-il. car étant logé proche la rivière, j'ai \u le le Grand Seigneur passer l'eau dans deux avec cinq ou six personnes autour d'eux... lui et petits avec sa mère, et Ce le fut ce jour-là bateaux attachés ensemble ayant son Il alloit premier jour ïluissel.i sa favorite s'y prit le parti trouva (1) qu'un de mes gens ayant rencontré la Validé eunuques parce de tourner s'y vouloir jeter : la tète qu'il étoit du côté de cette action attira la au milieu d'un pont, l'eau, faisant vue de tourner la face de son ne crains point (jui côté, car en lui disant », elle lui jeta mine de compassion de cette prin- cesse, laquelle ayant levé sa jalousie, obligea celui « fils manger trouvant dans l'impossibilité de gagner la campagne, et de et se fuir la colère des il témoin oculaire, : « fuyoit sa Garçon, cent soixante-dix aspres qu'elle de sa poche, et qui, ne faisant que (juatre livres cinq sols, tira doivent ser\ir de preu\e de la magnificence ottomane, qui consiste à se tions si charger d'une monnoie légères Cependant, la cette fois outre Toutefois, la (2). si basse et à faire des distribu- » négociation avait repris; mesure, fierli' et l'on se elle ne languit pas mit assez facilement d'accord. doublée d'atiresse des nmsulmans ne perdait jamais entièrement ses droits. Obtempérant à plusieurs de nos prétentions, ture de la ils avertirent Nointel de ne plus insister sur l'ouver- mer Rouge. Réduits conserver les apparences de à composition, la liberti' rement l'une de nos demandes, celle il leur semblait se en repoussant péremptoi- et leur choix s'était porté sur qui leur permettait d'abriter leur résistance derrière les commandements de leur religion. Le nmfli lui jii'oduit en scène. On sait que ce chef des musulmans était appelé à sanctionner chacun des spirituel actes de Porte inté'ressant à un degrt' quelconque robser\ation de la la loi du Pro]diète. 11 refusa la formule d'adjuiescement, le fetva approbatif, aux articles (-2) eussent accordé à des chrétiens la sultane favorite ou hasscki se iiomiii:iil alors Ilebiu-Gùliiiisli, ce qui « celle (jui a bu les roses du priuleinps » Noinlel à l'omponne. Cf. Gallaxu, t. U. p. 71-72. (I) i.a veut (|ui (lire : HK.NOl'VEl.LEMENT DES libre navigation soit par complaisance pour la péninsule fait IMH 1. ATI NS 10!) dans une mer voisine du tonil)eau du Propliète, le vizir, soit quCj quasi moribond et sentant sa emporter dans A i; l'autre Arabique monde (1). » le fin par fanatisme et parce procliaine, « il voulait prétendu mérite d'avoir protégé Les longs atermoiements qu'on avait subir à notre ambassadeur avaient épuisé son énergie. Il n'insista plus sur la réouverture de l'ancienne route des Indes €t sur la réduction des taxes supplémentaires qui écrasaient notre négoce en Egypte, se réservant de reprendre ultérieure- ment la question, si les circonstances s'y prêtaient, et d'en faire accord séparé. Sur ce point spécial, mettant une l'objet d'un habileté supérieure au service d'aveugles défiances, les Turcs avaient réussi à écarter une proposition utile aux deux États et sacrifié leur intérêt à leurs préjugés. Sur la plupart des autres points,, les articles avaient été ajustés dans une forme que Nointel jugeait acceptable. La réduction des douane droits de à trois pour cent dans toutes l'empire, sauf l'Egypte, y figurait expressément. les parties Les de franciiises de nos consuls, de nos nationaux, étaient amplifiées et mieu.x précisées on augmentait ; les facilités du négoce et on allégeait ses charges. Sans astreindre positivement à l'usage exclusif de notre pavillon les navires des comme non pourvus de Capitu- Porte les admettait à l'arborer et à s'en couvrir lations, la « Étals ils faisaient» au temps passé », ce qui était dans une certaine mesure confirmer et consacrer cette coutume. le commentaire des Capitulations envoyé en France, la religion trouve dans ce traité une protection aussi forte que D'après « spéciale au nom de Sa Majesté, car non seulement tons les reli- gieux francs de Jérusîdem y sont maintenus dans la possession de l'église du Saint-Sépulcre et de tous les Saints Lieux qu'ils ont dedans cvéques et deliors et tous les la ville (Jérusalem;, mais encore les reUgieux qui sont dans l'empire ottoman sont conservés dans la jouissance de leurs biens et l'exercice de (I) Nointel ù Pomponne, 18 avril Ui7:i, LES V0VA(;ES du marquis de NOIiNTEL 110 leurs cérémonies imposé quelque ; les églises sur lesquelles Turcs avaient les pour en permettre l'entrée en sont déchar- tribut gées; le rélal)lissenient de celle de Saint-Georges en Galata est permis, et la liberté accordée de dire la messe dans l'hôpital du même més, et les tort, et Il Capucins français y sont dénomautres en général, afin qu'il ne leur soit fait aucun lieu; les Jésuites et les qu'on ne puisse leur faire aucune avanie (1) ». est vrai qu'en ce qui concernait notre protectorat sur l'en- semble des missions lalines, françaises ou étrangères, des Capitulations, tel qu'il fut d'aliord et publié, présentait (|uelque ambiguïté. Il de ces termes plutôt évèques restrictifs : les « gieux de secte latine qui sont sujets de sorte qu'ils puissent être » , et se servait tour à tour la et autres reli- France, de quelque de ces termes extensifs Français et tous ceux qui sont sous leur protection sorte qu'ils puissent être (2) ». texte le traduit dans noire langue , : « île tous les (juelque Toutefois, la Porte ayant eu plus tard à donner elle-même l'interprétation des Capitulations de 1673, l'a fait de manière à prouver qu'elle avait reconnu alors l'universalité de venues d'Occident, quelle que c'est-à-dire religieux : notre protectorat sur les missions franques, « Le premier de évêques dépandant de la fût la nationalité des ces articles, a-t-elle dit, porte que les France et les autres religieux (jui de quelque iiatimi ou pro- fessent la religion franipie, soient, loi'S(iu'ils se tiendront dans les bornes de h'ur état, ne espèce seront jKiint trouljjés dans l'exercice de leurs fonctions les endroits de notre empire oii ils sont depuis longtemps D'après cette déclaration positive, l'acte de i(i73 ait il n'est entendu transformer en fait qu'ils , dans (3). » pas douteux que légal une longue tradition. Il ne restait plus lations des qu'il mains du grand recevoir vizir. solennellement les Capitu- Cette formalité valut au marquis |1| Doeumciil publié à la suite du Mémoire sur Vniiilinssmli' de France en Turquie, par S.\ixt-I'riest. p. -43(5 (2| Arlicli's nouveaux, d'aiirés le texte publié par Tkst.\ et S.\im-1'rikst. (3) Capituldtiuus de iliO. Sainï-I'jukst, p, iW. RENOL VELLEMKN de nouveaux désagréments; DES r CA l' IT T I. ATION S Hl semblait que Kupruly Uni jus- il qu'au bout à sauver sa vanité par sa mauvaise grâce. Par deux fois, il fois, celui-ci ne se contint plus; il éplorés personnage de le den savetier (1) « il déclara n'en faire pas plus le S juin 1C73. compagnons, Kupruly ne se et ses un instant de sa hauteur on venait de effet, un étui de velours rées, Grand Seigneur, pas ; manque d'égards; remettre au cours de la séance, dans rouge, les Capitulations longtemps attendues, si en lettres d'or, lait, lui Recevant départit et de son impassibilité habituelles mais Nointel ne jugea pas à propos de relever ce en ses drog- ». grand jour arriva; ce fut l'ambassadeur comme user moins rudement avec un cette considération, de casque d'un Enfin suppliaient le la reçut fort mall'rt^a ou ofOcier qui venait lui annoncer la remise, et mans A promit une audien(;e. puis ajourna l'ambassadeur. seconde le chiffre le toitijhra, et sur le si ardemment dési- précieux parchemin formé des bril- initiales entrelacées du l'estampille auguste, qui donnait à l'acte sa pleine authenticité et constituait la signatui'e impériale. Quelques semaines après, des crieurs se répandaient dans Paris les : c'était le mode alors en usage pour nouvelles à sensation. annoncer au public proclamaient cette fois Ils vellement de l'alliance du Grand Seigneur avec blissement de ottoman France Roi renou- et le réta- par M. de Xointel, dans l'empire la foi caliiolique, Dans ces termes, (2). le le et l'islamisme n'avaient la nouvelle était exagérée. La pas encore abjuré leurs préten- tions réciproques et refait leur pacte d'alliance. Notre succès était cependant sérieux, moins par ses ses conséquences possibles. liti' de traitement avec En effets immédiats ([uc par obtenant pour ses produits l'éga- les nations les plus favorisées, en faisant reconnaître son protectorat religieux, la France se donnait les moyens de ressaisir dans le commerciale (1) (;alla.M). (i) t. II. S.vixt-Phikst. p. !m9-970, Levant son ancienne suprématie fondement de sa grandeur mo- et y consolidait le 1144. p 91 d';ipi-és Arvieux, p. 230. Cf. la Gazette de France, 1673, 112 raie. LES VOYAGES DU MAKQUIS DE NOINTEL La guerre de Louis XIV économique autant que contre les Hollandais, guerre politique, dirigée à la fois contre la con- currence universelle de ces hardis marchands tention à borner dans le avait Nord le et contre leur pré- progrès territorial du rovaume, pour conséquence indirecte de Jious rou\Tir l'Orient. ""1 \-l --i.-., . CHAPITRE IV VOYAGE DES ÉCHELLES I,E UKBIT ET CAKACTKrtF. ItU VOYAGE. Nointel n'attendait pas sans quelque anxiété le jugement du Roi et des ministres sur son œuvre. Les Capitulations paraîtraient-elles suffisantes, et reconnaîtrait-on impossible, dans qu'il lui avait été circonstances présentes, d'en obtenir de les meilleures? Avec une modestie calculée, il écrivit qu'on les devait uniquement à la puissance du Roi, à la terreur répandue par ses armes, et en renvoya la gloire. lui pour leur ménager bon accueil, de menus s'amuser « il leur expédition présents, de quelques raretés, dont le Roi pourrait : cimeterre à la tur(|ue, étoiles brodées, baume lijaiic, bouteilles decliagrin brodé dont le (îrand Seigneur se sert jinur boire h la Il campagne » ajouta une vraie cui'iosité, les poi-lraits en couleur du sul- tan et du grand vizir, pris d'après nature la En même temps, accompagna dérobée, contrairement à (|u'il avait découvert à Péra son troisième voyage, le et était dont fils il il il s'était les avait fait tirer à fait suivre lors de d'un sculpteur intime ami de venu vraisemblablement clier des sujets d'études et se faire noplc, ; musulmane, par un peintre sieur Rondiaud-Faiilberbe, de .\Ialines. Cet élève de l'école flamande, Rubens, la loi avait saisi ses modèles m Orient pour un genre original. comme il A \ cber- Andri- avait pu, sur leur pas- sage, en se cachant derrière des baies, et [lourlanl les portraits, 8 LES VOYAGES i\i T)V MARQUIS DE NOINTEL à défaut d'autre mérite, avaient celui de la ressemblance la : « Je puis assurer en être très grande aux originaux, écrivait Noin- tel: plusieurs Turcs, même de ceux qui ne voient pas souvent ces puissances, ont reconnu leur simple visage, détaché de tout ornement qui aurait pu Azem (1), les aider. Ils nommaient tous le lèvres pour s'empêcher de proférer son nom, étant indignes, marquaient assez ce ils c'a été avec peine que j'ai fait uns. vizir quoique avec beaucoup de respect: mais, pour Sa Hautesse, après une grande admiration, se mettant les le doigt sur comme en qu'ils voulaient dire, et prononcer Padiscliali à quelques- » y eut aussi quelques galanteries pour Il la Reine, entre autres un costume complet de dame turque, avec des colifichets d'Orient pour Mgr le Dauphin et Monsieur. N'oubliant personne, Nointel M. le était ofi'rit au prince de Condé un beau saine, un autre à duc d'Enghien, un troisième à M. de Louvois à ce dernier ; jointe une baume blanc écritoire, avec une provision de sorbet et de (2). nom qu'on donnait en Turquie au principal ministre. Voici les lettres de remerciement qu'écrivirent à Nointel le prince de (1) C'est le (2) Condé, son fils le duc d'Enghien et Louvois On remarquera que celle du vainqueur de Rocrov est la plus courtoise, celle de l'impérieux ministre la plus brève. « Monsieur, j'ai reçu la lettre que vous m'avez écrite, Le prince de Condé eu bien de la joie d'apprendre le renouvellement des Capitulations de la France avec la Porte et de voir par là le bon succès de vos négociations. Je ne doute pas que toutes choses n'aillent toujours bien dans ce pa\s-là étant entre d'aussi bonnes mains que les vôtres, et vous devez croire que je m'intéresserai toujours à ce qui v pourra arriver, prenant autant de part que je fais à tout ce qui vous regarde. S'il s'y passe encore quelque chose de particulier, vous me ferez plaisir de me le faire aussi savoir. ,Ie vous remercie du sabre que vous m'avez envoyé, et soyez, s'il vous plait, persuadé que je souhaiterois qu'il se présentât quelque bonne occasion devons rendre service en laquelle je puisse vous faire connaître combien je suis. Monsieur, votre très affeclionné à vous servir. : et j'ai e « .\ Versailles, ce 4 février Loris DE B0URB0-\. 167-i. » Le duc d'Enrfhien ^ Monsieur, on ne peut faire un présent plus curieux que celui du sabre que vous m'avez envoyé, mais on ne |>eul pas non plus en avoir plus de reconnaissance que j'en ai, l'ayant reçu comme une marque : VOVACE I.E A on la cour, Roi lui il beurté s'était : 413 difficultés sans on se déclara content. Le savoir, par lettre personnelle, qu'il ajtpréciait ses ser- lit Le remerciement vices. marquis du compte à l'ambassadeur des tint nombre auxquelles KCnELLES I)i:s et témoig:nages de seiller d'Ktat Avant de lui du meilleur augure pour était la fortune permettait d'espérer de plus substantiels la satisfaction royale, tels qu'une place de con- ou une abbaye. les avoir reçus, se décerna à il lui-même une récom- pense. Pouvail-il en désirer une plus belle, plus conforme à ses g-oûts, qu'un voyage en des régions à peine entrevues et vers lesquelles le ramenait nople, des vaporeu.x moins un invincible attrait? Allant à Constanti- avait aperçu au loin les caps il îles, le belle et poétique accompli, il de la Moréc, le proiil rivage ionien, cette Grèce d'Asie, non que l'autre. Son devoir d'ambassadeur ne se jugea pas interdit, après deux ans de tribula- tions et de labeur, de retourner vers ces contrées de révc, vers les mers bleues annonça le et les îles roses, et de les contempler à loisir. Il projet de visiter quelques parties de l'Archipel, les plus rapprochées de Constantinople, se lit délivrer un firman d'autorisation et obtint qu'un tcluiouch delà Porte lui servirait de guide et de passeport vivant. Après quoi, pour grandeur de et la la long du chemin le faste composa plus qu'une suite faire paraître tout le France, il se — très agréable de voire amitié dont je fais toute l'estime possiljle .le vous prie de croire (|ue j'ai aussi i)our vous toute celle que vous méritez, et c|uc j'aurois liien de la joie si je pouvois, comme je le souhaite, avoir occasion de vous en donner des marques et vous faire conujiilrc que je suis, Monsieur, votre très afl'ecliotmé à vous servir. « Paris, le 24 février 16T4. » Monsieur, j'ai reçu le sabre, l'étritoire, le baume blanc et le sorbet qu'il vous a plu de m'envoyer avec la lettre que vous avez pris la peine de m'ccrire le t[ septembi'e. Je vous remercie très humblement du présent qu'il vous plait de m'en faire, et je vous supplie de croire que j'aurois beaucoup de joie si je pouvois vous faire connaitrc que je suis véritablement. Monsieur, votre très humble et très affectionné serviteur. Loitvois : « « Vi'isailles, ce 13 février 1674. » Archives des affaires étrangères. Constantinople, t. .\l LES VOYAGES HT MARQriS DE NOINTEE 116 H une cour! soin Ce furent d'abord » le fidèle : Excellence, le Galland, décoré du titre compag-nons triés avec de bibliothécaire de Son quel(|U('S plus ambulant des bibliothécaires; le chapelain de hommes l'ambassade; plusieurs religieux, de grand savoir; un Cornelio Magni, natif de Parme, voyageur intrépide, certain déjà familiarisé avec l'Orient; un gentilhomme champenois du nom d'Antoine des Barres, qui avait la spécialité, en voyage, de courir les aventures galantes et de se poser en héros d'invrai- semblables bonnes fortunes. Cornelio Magni, Galland, Antoine des Barres et Nointel lui-même se feraient, chacun à sa façon, les historiographes gné pour en être du voyage le (1). Rombaud-Faidherhe peintre attitré. Il nature, tout ce (|ue l'on verrait d'intéressant, et la tâche serait lourde, Nointel homme peintre, jeune mand et lui fut dési- aurait à dessiner, d'après même, comme donna pour aide un second h'wn doué, compatriote de l'artiste son ami intime. Un fla- personnel de secrétaires et de sui- un nomijreux domestique, furent adjoints, sans préju- vants, dice des estaliers, dans différentes les coureurs, gens de livrée, qu'on louerait villes, afin de rehausser pompe des la entrées. Le 23s('j)tendire 1673, tout ce monde s'cndiarqua à Thérapia sur une galiote frétée pour la circonstance, lourd et lent bâti- ment, animé par seize paires de rames, muni de six picrricrs. garantie contre les mauvaises rencontres; l'équipage était moi- L'ouvrage curieux de Cornelio JL^cxi, écrit en italien, a ce titre curio^o e vatjo liopotiito riir.citijlurc net primo hicnnio da csxn nmsnmdln iii riiiiitii i-t diiiiure per ta Tiirchia ; Parme. iii~9 Seeondo bierinio (1673-1()74), l'arme. H)!t:2. L'ouvrage d'Antoine des liarres est intitulé État présent de l'Archipid. (ialland n'a malheureusement raconté que les premières scènes du voyage ii la suile de son Jouruat. Les volumineuses relations de Nointel, pour la plupart inédites, sont écrites sous l'orme de lettres au Roi et à M. de l'om|ionne. Tous les extraits que ncjus ciluns dans ce chapitre, sans les accompagner de références, sont tirés des lettres de iNointcd en date des 21 septend)re. 17 octobre, 10 décembre t07:i, lil février. It mars, 15 et 25 avril, 18 Juin, 10 août, 17 décembre 1074 Celles des 17 octobre et 10 décembre 1G7;{ et du l!l lévrier iiili ont été pulilièes par M. Schefeu en appendice au Journal de (1) bizarre : l'orl QiianU) dt pii( : : (Ialland, I. II. p. 171, I8i. LE YOVACI' tic KCHELLES l)i:s un turc, moitié grec, comiiKiinli' jiur reis UT ou capitaine Le voyage débuta favorahlcment. Les châteaux nelles traitèrent bien l'ambassadeur, lurc. des Darda- saluèrent de leurs iju'ils gros canons, toujours chargés à boulets; et Noinlel, profondésensible aux ment indicible et projectiles bondir les rejaillir l'eau manjues de considération, ». 11 y qu'il traversa le détroit, des passes, on vit en face de soi Ténédos, (1) » ; La nature c'étaient déjà le ciel, l'air de la et comme en faisant avec un Dès que « auti'C, l'on fut sorti avec son port décrié sur la gauche, la Troade déployait sa cote plate, ses sables inexplorés. rences, la « en avait un de marbre, et s'en alla se perdre sur la rive opposée. par Virgile avec un plaisir sur les vagues prodigieusement haut puissamment lancé si vil Grèce soleil, et chaque qui se levait à l'horizon, é\0(]uait terre, : admirables transpa- mer d'un bleu opaque, moirée de écrasée de changé d'aspect a\ ail et ses lumière, innnoi)iIc chaque promontoire un souvenir héroïque ou char- mant. La troyeime. Noinlel se d'ilion: connue de buissons marcher devant le Ténédos, tourna sa proue vers galiole dépassa », le lirman il fit la côte mettre à terre et dicrcha les vestiges ne trouva que de « grandes plaines remplies de sable qui faisait qu'on avait de la jicine à y revint à bord: après avoir louciié Mytilène, passé et il beau golfe de Smyrne, comme le point le il atteignit Chio, marqué dans plus éloigné (ju'on eût permission d'atteindre. C'était fertile, un plaisant séjour que bien cultivée, cette grande la ville et les riche aloi's, relativement heureuse; l'homme nature, qui depuis l'ont all'reusement traitée, encore acharnés sur île, elle (2). Le joug et la ne s'étaient pas turc n'y pesait pas trop villages s'administraient : eux-mêmes, avec une sorte d'autonomie. (1) Slalio muiefida carenis. se rappelle l'elTrovalilc massacre accompli par les d) Qui ne «lanl la guerre do rindépeiulaiicc liellénii|ue, et le venu il y a peu d'années ? Turcs pen- tremblement de terre sur- MiIMEL LES VOYAGES DU MAUnUIS DE H8 Le pays semblait moins grec que les restes En beaucoup latin. des colonies génoises et vénitiennes qui, au âge, s'étaient partagé l'Archipel, formaient encore d'îles, moyen l'élite des habitants et exerçaient une sorte de suprématie. Mais ces popu- mœurs, lations, italiennes d'origine, de langue, de étaient deve- nues ou se disaient françaises de cœur, depuis que nous en Orient, leur à la position prise par était le Roi, grâce apparu comme protecteur unique des chrétiens, des catholiques en parti- le que nos missionnaires travaillaient à ressaisir culier, ot depuis bourg de Gênes, tant terrasses, la A âmes. la direction des les Chio, on se serait cru en quelque fau- maisons peintes, leurs balcons des femmes, les mantilles, toilette et leurs jeu des le éventails, les œillades, rappelaient la côte ligure, et pourtant la France était comme reconnue l'unique source de grâce et de réconfort. Ses récentes victoires rehaussaient encore son prestige, et ce fut un immense événement pour l'île que de posséder son ambassadeur. Il lui débarqua dans un fracas rendant La le même d'artillerie, les salut ([u'aux galères Turcs du château du Grand Seigneur. population entière était sur pied; les ordres religieux qui foisonnaient dans l'île. Jésuites, Capucms, Dominicains, Obser- vantins, l'évèque latin, son coadjuteur, leur clergé, les députés de la ville « et les particuliers les plus rendre hommage; dans dépendait de missionnaires italiens, pour Sa Majesté iioster, etc.. on et l'accueillit et l'oraison chaque considérables » vinrent toutes les églises, y compris celle qui on chanta des prières en ces termes : i t Ludoiicus rex fois que Xointel eut à paraître en public, presque en vice-roi. Lui ment aux honneurs, savourant victorieux et de tenir la place la joie d'iiii s'offrait complaisam- de représenter un État monarque dont le nom volait dans toutes les bouches. Avec ses goûts d'ostentation, il s'en donnait à d'étaler son faste et de parader. Lorsqu'il son grand cortège, afin qu'on pût le il faisait aller contempler à cœur menait par les joie rues au pas, lentement, posément, l'aise, afin que les habitants eus- LE VOYAdE DES ECHELLES sent « le loisir île d'y toucher ». Il remarquer la magnificence des habits, et tueuse, et der yeux se fixer sur lui dames n'avoir de les « même aimait aussi les longues cérémonies d'église, où, siégeant sur une sorte de trône, dans voyait tous les H9 un nuage d'encens, il avec une curiosité respec- distraction que pour le regar- ». Ayant appris que Maëstricht s'était rendu à nos armes, il donna à cette occasion une grande fête la ville. Après le chant du Te Dettm, il y eut repas dans la cour du monastère des Capucins; la table de Son Excellence et des principaux de la ville <"i dressée sur une estrade était « en forme de demi-lune » ; au- dessous, douze autres tables, pour les convives de moindre importance. Les arcades de la cour étaient enguirlandées de branches de citronniers de et de myrtes, avec des festons de fleurs et avec des inscriptions en français, en italien, en grec; fruits, rien ne manqua aux réjouissances pour peuple, ni celle d'eau de fleur d'oranger pour les dames, le jaillissant symbole On dans la les victoires : figure d'un resta trois semaines à Chio. la côte, de Louis dont de Gènes; les ils XIV y l'astre par dominateur. Nos voyageurs parcoururent courbes gracieuses leur rappelèrent virent les », ni le trouvèrent Hollandais consumé pour avoir approché de trop près le soleil, fontaine de vin d'un rocher de massepain et de confitures « feu d'artifice allégorique leur ofl"ertes, ni la champs où la rivière se recueille le mastic, la liqueur qui coule de certains arbustes en larmes parfumées et fait la principale richesse de l'île; ils en terrasses au flanc des collines, se montraient; Galland les virent les vergers s'étageant ('.à notait. et là, On dos débris antiques visita aussi les cou- vents grecs, les caloyers ignares, les monastères de religieuses, où les nid'urs n'offraient rien d'édifiant, et dont servaient, suivant la mode les parloirs itahenne, aux rendez-vous galants. Partout, en ce souriant pays, la vie était facile et molle, la population aimable, les femmes se servaient d'elles pour s'enfuir : ils belles et point farouches. empêcher laissaient ces Les Turcs les esclaves chrétiens de captifs errer librement dans l'île; LES VOYAGES UU MAHQUIS DE NOINTEL 120 femme toujours une pour le retenir, le se trouvait fixer pour s'emparer de chacun d'eux, c'était : un moyen doux de mettre les à la chaîne. Cependant la curiosité de Nointel, loin de s'apaiser, en se satisfaisant. Son projet primitif étroit et borné : ne serait-ce point lui s'irritait semblait maintenant dommage que de s'arrêter au Grèce? C'était ce que lui répétait sans cesse un de compagnons de route, ce Cornelio Magni dont l'humeur vagabonde sympathisait avec la sienne. La communauté de leurs seuil de la ses goûts les avait liés d'amitié, et à présent lement, s'entraînaient l'un l'autre. semble les voir pendant A ils lire s'excitaient mutuelle récit de Magni, il les haltes à l'ombre des platanes, après leurs chevauchées sur de vagues sentiers, devisant longuement, se confiant leurs rêves et faisant mille projets. qu'ils visitaient, leur l'île delà des pays imagination en découvrait d'autres, plus beaux, plus captivants encore Paros, Au : Délos, demeure d'Apollon; de marbre; Naxos, Tino, Andros, tout des Cyclades ; plus loin, les grandes îles le cortège grecques, lUiodes. Candie, Chypre, s'offraient à les conduire, par un chemin bordé d'intéressants aspects et de glorieux vestiges, jusqu'aux rivages de Syrie. Plus loin encore, ils trouveraient la Palestine et les lieux témoins de la Passion, l'Egypte et ses mystères, et lorsqu'ils auraient atteint cette suprême étape, Athènes se placerait sur voie du retour pour clore magnifi(]uement le voyage. A la la fin, Nointel n'y tint plus. Les voies étaient ouvertes pour un peu d'argent, son chaouch ne demandait qu'à éluder termes du firman réfléciiir aux l'entreprise, et à le mener faire le tour des Echelles. : les Sans énormes de aux à l'inconvénient de déserter pour de longs mois suites de sa détermination, son poste diplomati(|ue. il frais ne résista pas au désir de voir les contrées les plus nobles, les plus illusties de l'univers, et s'en confessa au ministre avec une naïve franchise. m'a pris, écrivait-il, et j'y ai Rhodes Egypte. et » Chypre, et de « La tentation succombé, de passer en Candie, pousser jusqu'en Jérusalem et en LE DES ÉCHELLES VOYA(;i': 121 Cependant, tout en s'aceusant d'un peu trop de curiosité, ne négligeait pas de faire valoir cerlaines raisons aux yeux de ses supérieurs le justifier esprit profit d'une au furieuse et fuir le lléau. Puis récemment obtenues tulations il le que dans son peste sévissait Roi n'interdisait pas à ses importait que le texte des Capi- fût porté dans toutes présenté, expliqué à nos consuls et aux afin La il pouvaient et avaient plaidé cause gagnée d'avance. Conslantinople. à envoyés de ([ui les Échelles, commandants turcs, premiers eussent à s'en prévaloir, les seconds à s'y les soumettre; c'était le corollaire indispensable dun renouvelle- ment. Nointel avait chargé de cette mission un de ses agents, mais cet homme l'ambassadeur le était mort en chemin, au début de sa tournée; remplacerait avec avantage. Mieux que per- sonne, paraissant dans toute sa grandeur, vigueur des en Mineure il obtiendrait la mise nouvelles dans les ports d'Asie de Syrie. et En Egypte, sultats encore. désolantes stipulations : le voyage semblait susceptible de plus beaux ré- Les nouvelles qui arrivaient de ce pays étaient conmie les Capitulations n'avaient rien spécifié pour l'Egypte, les chefs locaux, le pacha-gouverneur principalement, se croyaient tout permis contre nos marchands : sur ces mal- heureux, insultes, exactions, prélèvements arbitraires pleu\aient comme grêle. L'arrivée de l'ambassadeur doute à « » et les tirerait de servitude. Enfin, pas réussi à nous ouvrir risllime de Suez et n'avoir Rouge, leur Pliaraon en imposerait sans il était resté à la de mer Nointel un regret et un remords. Serait-il impossible de reprendre sur les lieux mêmes, au Caire, la négo- ciation qui avait éclioué à An(h-inople et de la faire aboutii- en la déplaçant? Et Nointel se voyait déjà prenant langue avec les puissances à demi indépendantes de l'Egypte, tentant leur cupidité par l'afqiàt passage si ardemment en présence d'un commerce moyens de nous assurer le des profits que leur apporterait un nouveau, concertant avec fait elles les désiré, et plaçant ainsi la accompli, pour lequel il d'obtenir sa ratification. Plein de cette idée, Sublime Porte serait plus facile il s'annonça au LES VOYACES DU MARQUIS DE NOIXTEL 122 pacha du Caire par une lettre dans laquelle il le sommait de cesser ses vexations et promettait ensuite de l'entretenir d'un projet qui rouvrirait pour l'Egypte la source des prospérités. II LES ILES. En attendant, nos Français ont quitté Chio dans les premiers jours de décembre; les voici en plein groupe des Cyclades. royaume des entraient là dans le sinueuses, brisées ; corsaires : Ils partout des côtes des replis inattendus, propices aux embus- cades; des canaux tortueux, des rades à double issue, favorisant les surprises et les fuites. Conquises depuis un peu plus d'un siècle, les Cyclades étaient à peine turques mane y demeurait lourde ilotte : : prudemment dans chaque année, il la domination otto- précaire, représentée par quelques agas et cadis qui se tenaient intermittente : venait les lieux forts, ou plutôt capitan-pacha passait avec sa le accompagné d'ofhciers, de scribes et de bourreaux, environné de supplices, mettait les rayas sous le bâton, extorquait le tribut, le kharatch, puis s'éloignait, et aussitôt les corsaires ciirétiens d'accourir en maîtres. Leurs voiles peuplaient l'iiorizon ; autour des îles rôdaient et furetaient, à côté de la croix de Malte et des tlanunes rouges ou vertes des Barbaresques, des pavilloiis de toute couleur, des navires sous bannière de Sardaigne, de Naples, deLivournc, d'Ancône, de 3Iessine; à bord, de hardis capitaines, sans peur et sans scrupules ; sous leurs ordres, une foule de gens sans aveu, recrutés dans toutes les parties de l'Orient, gaillards à la peau tannée par comme on le vent de mer et à la moustache féroce, des Lemntis, les appelait, et aussi des aventuriers provençaux, catalans, majorquins, corses, siciliens, maltais, écume humaine ranée. qui traîne sur tous les rivages un peu de de la cette Méditer- VOYAGE DES ECDELLES LE Celte nuée d'hommes de 1215 cains faisaient leur récolte d'esclaves chrétiens d'Europe donnaient Les proie se mettait à l'œuvre. : Afri- les corsaires chasse aux Turcs et n'épargnaient pas la En vain, les villages sommet des montagnes, pelotonnés dans leurs propres coreligioimaires. s'étaient réfugiés au le des vallées; « ils n'échappaient pas aux incursions périodiques. Messieurs du cours comme crime saient creux devenaient seigneurs des » îles et punis- de rébellion toute résistance à leurs ordres. prélevaient partout un tribut de vivres, de fruits, de femmes. Ils En certaines îles, conmie Milo et l'.Vi'gentière, la population fémi- nine était mise chaque année en réquisition par les chevaliers îles servaient aux corsaires de lieu d'hiver- Ils s'établissaient à terre, s'installaient pour de longs mois, de Malte. D'autres nage. se partageaient les prises et faisaient bombance. Au reste, dans ces mers dOrient, mal gardées et ^ouvertes à tout ^enant, cha- cun vivait aux dépens vires naufragés. La pirates. Il n'était d'autrui. Les insulaires pillaient les na- côte méridionale de la Grèce fourmillait de pas jusqu'aux moines de dans leurs couvents, qui ne prissent et l'Atlios, retranchés vendissent comme claves les marins que la tempête jetait au pied de leur es- promon- toire (1). Dans ce pavs d'alarmes, de violences, de rapines, le commerce et la population n'avaient de recours qu'en l'autorité du Roi : c'était la médiatrice universelle. Nos consuls, nombreu.x dans les protégeaient contre les Turcs les missions latines, îles, intercédaient en faveur des groupes catholiques qui se serraient autour d'elles. D'autre |)art, sans interdire tout à fait les des corsaires, la France modérait leurs déprédations Roi, il leur était fait défense de troubler le les navires permise, avait ses (1) de par commerce, de le visiter européens, de toucher aux biens des religieux, de trop molester les habitants. 1G74, Louis : exploits XIV lois, La course, chose licite en soi et qu'on ne devait point transgresser. délivrerait aux Latins de l'Archipel des Archives des affaires étrangères. Constantinoplc, t. X. En lettres LES VOYAGES DU MARQUIS DE XOINTEL 124 de protection en bonne forme , pourraient opposer aux qu'ils comme une sauvegarde souvent violée, corsaires parfois efficace; en somme, sur ces pays à situation étrange, mal définie, disputés entre l'Islam et Aussi protectorat. , la chrétienté, la France exerçait un vague lorsqu'un de ses ambassadeurs traversait l'Archipel, son passage semblait une bénédiction. On venait de tous côtés lui demander des réparations d'injustices, soumettre à son jugement des contestations privées, des différends entre cultes rivaux. Turcs réclamaient de lui alternativement maltraités, se et chrétiens, contre leurs tyrans respectifs à ces opprimés : divers, le pavillon blanc qui flottait à l'arrière de son bâtiment apparaissait comme un Nointel en sortir une fit signe de salut. l'expérience. A la première île qu'il rencontra au de Chio. celle de Micone, encore toute vénitienne d'aspect, voile parut à l'entrée du port, piquant droit sur la galiote; on reconnut un corsaire, sous pavillon de Livourne. Les Turcs de la galiote se mirent aussitôt à trembler de tous leurs membres ils ; avaient déjà ôté et caché leur turban, renié leur nationalité, lorsqu'on vit la frégate du corsaire changer pirater en l'honneur qu'elle a et à la rendu à personne de son ambassadeur la « son dessein de bannière de Sa Majesté ». Rassurés, les Turcs descendirent à terre. Ils n'avaient pas remarqué quelques hommes placés en sentinelles sur un escarpe- ment voisin, à raffûl d'une proie : ces guetteurs avaient été apostés par un autre corsaire, un Français exerçant sous jiavil- lon sarde. Ses gens tombèrent sur les Turcs et voulurent les prendre : une bagarre instruit de ce que s'ensuivit, jusqu'à ce ([u'il allait faire, vint trouver sadeur et s'excuser de la liberté grande. appris que des corsaires avaient le corsaire, humblementrambas- Un peu condamné plus loin, ayant à mort, dans un simulacre de jugement, et décapité un pauvre chrétien de Candie, pour le punir « d'avoir fait admonesta sévèrement mine de et leur fit se défendre », Nointel les promettre plus de modération dans l'avenir. Les éléments se montraient moins dociles. Par le travers de \()VA(;k i. r. kchi: i.li:s I)i:s i->o Délos, une bourrasque assaillit la galiote. Les gens de l'équi- page et surtout les Grecs, solennisximacanaglia. au dire deMagni, se croient perdus monde tout ce : aux commandements s'effare, s'affole, n'obéit plus augmente et manœuvres. Xointel, qui péril le par d'incohérentes campe avait le courage théâtral, se alors à la poupe, etlà d'une voix sonore, d'un Quiconque fera mutin, beau geste, réprime serajetéàlamer. le désordre Il ordonne ensuite de carguer les voiles, de lever les avirons, de « : s'abandonner aux l'épreuve. En Dans le » une accalmie survint après quelques heures, Naxos voisine de l'île offrit un refuge. groupe de seigneuries vénitiennes qu'étaient naguère les Cyclades. Ancien dil-il, d'attendre avec confiance la fin de flots, effet, lendemain et le le fief Naxos. centre de l'Archipel, tenait le premier rang. des Sanudo, elle renfermait encore une population presque exclusivement A latine. l'arrivée de Nointel, les descen- dants des Sanudo. rarchevéque, les religieux. lepeu|)le, descendirent en procession à la 3Iarine, avec la croi.x et la bannière, pour saluer // signor ambasciator, qui put vérifier ce dire d'un de ses prédécesseurs le même « : La fleur de lys et le honneur à iNaxie que dans monta jusqu'au sommet de l'île, semble régner sur l'Archipel; le groupe des Cvclades; blocs de pierre variant à nom du Roi sont dans propre France (1). » gravit le pic aigu qui la et il la domine s'arrondir à ses pieds là, il vit put compter soixante îles ou l'infini Il de dimensions el îlots, de formes, plongeant dans l'onde bleue. Comme il se reposait troupe de corsaires, dans l'île. le au château, entre deux excursions, une croyant absent, eut l'audace de dt'barqucr Et soudain, devant atroces, ils emmener en demandent qu'on leur esclavage; sans quoi, .Mais Nointel se nés (1) t. I. si Paroles de M. de p :i-2i). cris furieux et des livre Vaga, le cadi, ils montre sur une terrasse qui les rend : forteresse vénitienne, la vieille imc bande de Levant is paraît; avec des mettront et le mines pour les feu partout. harangue ces force- hardis de menacer un lieu que l'ambassa- Céz.y, citées par F.\(j.mez, le Père Joseph et Riclielieit, LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 126 (leur (lu Roi honore et couvre de sa présence? Devant cette humain apparition, l'orage renoncent à s'apaise, les assaillants leur projet et s'en retournent au rivage. Nointel ne traitait pas toujours les corsaires avec tant de rigueur, lorsqu'ils montraient plus de retenue. Entre chrétiens, était-il interdit de fraterniser, de s'aider un peu? convoyer son hàtiment, à (juek|uefois leurs galiotes à (juer mt-nie d'une île à l'autre. Plusieurs d'entre comme, sa suite, et cortège, eux employa le renior- se mirent à d'autre part, les religieux latins lui faisaient par traîner avec finit il Il lui un monde étrange, des Levantis à pliysionomie de brigands et de pieux missionnaires, des coureurs de mer et des Pères Jésuites, des Capucins et des Turcs, tous vivant en passable intelligence, avec la familiarité méridionale. Il parcourut en cette compagnie la plupart des Cvclades^ sans se presser et prenant son temps. sein sur l'Egypte, eût il l'-té terme extrême du voyage prolongée pouvait un rappel. Pour accomplir et d'agir par surprise grand des- Mais Nointel, nous une absence savons, était surtout un obser- le hommes : Porte et motiver é\ eiller les défiances de la vateur passionné des le à propos d*aller tout de suite à ce et des choses, et dans les îles, mille objets captivaient son attention et le retenaient au pas- sage. Le pittorescjue des sites ne le touchait pas autrement. L'àpre beauté des îles, leur nudité sculpturale, leurs lianes à peine tachetés de maigres broussailles, les jeux de la lumière sur leurs formes hardies, les aubes vermeilles et la pourpre des couchants ne paraissent point ra\oir émerveillé: en honmie de son temps, il aimait surtout massifs, l'attire et la nature fastueuse, opulente, les ombrages savamment dans taillés, et les décors de verdure. Ce les îles, c'est la prestigieuse couronne de souv(inirs de légendes qui plane au-dessus d'elles le ravit, c'est la quités. Il (jui ; ce qui l'émeut et recherche des trésors d'art, la chasse aux anti- s'attardait à déchifl'rer une inscription, s'oubliait devant un fragment de bas-relief ou de statue, ne savait refuser une LK VOYAGE DKS KC visite à en aucun de ces villages dans lettres d'or Partout, il l'histoire illustres, ou dans K I.LK S II dont le 127 nom s'est inscrit la fable. prendre des vues et dessiner des croquis. faisait Malheureusement, un de ses deux peinlrirs, lîoiiihaud-Faidherbe, attaqué do maladie, était mort à Naxos; mais l'autre lui restait et faisait Une double besogne. troupe d'ouvriers suivait l'ambas- sadeur pour enlever les marbres jetait sur le papier quantité qu'il désignerait; lui-même de notes, destinées à se transformer en de savants mémoires. Le vent du à Délos; grande la piquante tramontane, ne s'en plaignit point, bien que il d'habitants nord, « : ce désert et la petite était » Délos. les le retini fût l'ile peuplé d'antiquités. îles deux jouis dépourvue Il visita la jumelles; dans la grande, dédiée tout entière au culte d'Apollon, il retrouva les restes du temple, la statue colossale du dieu, mutilée et décapitée, mais parfaitement reconnaissaWe; près d'elle, certains di'tails mentation alors subsistants, aujourd'hui détruits, tion qu'en et la descrip- donne Cornelio Magni, avec un soin minutieux, peut fournir quelques renseignements à l'archéologie A d'orne- moderne (1). Paros, ^^ointel joint à son butin une cargaison de marbres. Les habitants lui signalent dans une autre statue colossale : il un îlot voisin, celui s'y d'Antiparos, rend aussitôt. Le colosse, situé à l'entrée d'une grotte qui s'ouvre au llaiic d'iuie montagne, n'est qu'un iiloc de stalactites, dans Iccpicl rimaginalion laire a cru reconnaître une figure humaine. .Mais ce popu- mécompte met Nointel sur le chemin d'une découverte. Il cheicliail une œuvre d'art il va trouver une merveille de la nature. Dans le sol de la grotte, une sorte de puits s'ouvre, une bouche : obscure, l'entrée d'un couloir qui plonge presque rement dans le massif montagneux. De mémoire d'homme, per- sonne n'a osé pénétrer dans ce conduit, lacs souterrains. s'y risque, (1) Voyez fre IV. pcriicniiiciiiai- Emporté par son un seul l'cxlrail homme ([iie (jui mène, intrépirle s'étant présenli'' dit-on. à des curiosilt'-. Magni pour raccompagner. nous reproduisons à ra|)pcndice. sous le cliit- LES VOYAGES DU MARQUIS DE XOLNTEL lâS un corsaire, habitue à faire métier de désespéré; ainsi aidé, l'Italien s'enfonce, disparaît enfin à pendant plusieurs heures surface, ébloui, stupéfait de ce qu'il a vu. la et remonte La montagne tout entière est creuse, évidée à l'intérieur, et renferme une succession de cavernes, tapissées d'étonnantes stalactites. A et son tour. Nointel veutjouir du coup dœil. de cordes, il A l'aide d'échelles descend périlleusement. suivi de quelques por- teurs de torches; il se retient avec peine aux parois suintantes, franchit des éboulis, côtoie des abîmes, voit enfin l'excavation s'éclairer de s'élargir, vagues lueurs qui filtrent à travers les fentes de la montagne, et arrive à des carrefours souterrains où son regard embrasse un incomparable spectacle. De tous côtés, de hautes nefs s'ouvrent, s'entrc-croisent, prolongent leurs travées, et sur leurs parois s'i'panouit une profusion d'efflo- rescences cristallines. Les stalagmites jaillissent du lactites se suspendent aux voûtes et sol, les sta- aux ner\ures en draperies translucides, descendent en longues aiguilles pressées, mettent au fond d'obscurs enfoncements des reliefs d'une blancheur lai- teuse, dessinent des formes de lustres et de girandoles, figurent des piliers, des cannelures, des chaires à baldaquins, des arceau.x festonnés, mille caprices et mille délicatesses d'architecture Nointel restait suffoqué d'admiration. remis, il continua son exploration, et. des choses plus surprenantes encore Quand il se fut (i.). un peu à mesure quil avançait, le tenaient tour à tour en extase; c'étaient de longues colonnades, des orgues, avec leurs tuyaux admirablement formés, éclatant d'une « argentine blan- L'oxploralion de la grotte a été narrée par .Magni, dans son ouvrage, par .M de Nointel lui-même, dans un récit extrêmement détaillé, très orné, descriptif à outrance, que M. O.mo.nt a pul)lié dans le Bulletin de géoliraphie hixturiqite et descriptive, 1892-94, d'après le manuscrit de la liibliothéquc nationale. Plus tard, le vovageur Tournefort a raconté de seconde main la même expédition. Nous avons aussi l'ait des emprunts à une lettre de .M lilondelde Jnuvanrourt, chancelier de raml)assade de Constantinople sous M de Fcrriol Passant en IGliit à -Vnliparos, cet agent v avait trouvé le souvenirde .Nointel encore très vivant. Sa lettre, conservée aux archives de noire aml)assade à Constantinople. nous a été gracieusement communiquée par M tioppe. (1) et LE VOYAi;E des échelles clieur (1) nait » abîmes au fond desquels se discer- c'étaient des ; 129 un chaos de pointes aiguës, des lacs gelés, étalant leur nappe des stalactites pareilles à des branchages et à des glissante; arbres, représentant des forêts plus diverses. du clair, les formes de « pétrifiées, et les du vert de mousse, du blanc, du du bleuâtre nuances les noir, de l'obscur, une variété d'aspects incroyable, toutes », la création, « un abrégé du monde (2) ». L'ambassadeur ne peut plus se détacher de ces lieux d'enchantement : il pompeux, il y prend domicile. Le reste de son escorte maison, ses gens, son office, sa cuisine. Toujours s'y établit, est appelé, sa il soupe au son des violons: des habitants de jugeant que s'être creusés s'accommode de son mieux, monde perd peu peu à la pour Autour de l'épaisseur des cristallisations. une écoule les doléances venue, se retire dans des appartements la nuit est ou cabinets qui semblent le il des environs, rend la justice, puis, et l'île et, lui, chacun A la lune? C'est déjà revenu sur l'iiorizon terrestre; mais cet astre, vengeant d'avoir été pris pour un autre (3) », retire aussitcM sa lumière, et les grottes retombent h rité, un moment, par les fissures des voûtes et s'épand dans les cavités. Sont-ce les rayons de le soleil, s'installe, dans ce lieu souterrain, tout notion de l'heure. clarté assez vive s'insinue recevoir dans le « se presque une demi-obscu- percée çà et là par l'ondoyante rougeur des tordies. Cependant une idée est son goût pour les scènes à venue à Nointel, idée bien digne de effet. lieu plus propre à célél)rcr prêterait un On était à la veille les offices? Ce cadre de Noël : quel fantasticjue leur éclat sans pareil. Aussitôt, missionnaires, mariniers, corsaires, gens du pays, d'apporter tout ce et illuminer la grotte. Un qu'il faut pour orner bloc de stalactites servira d'autel : on y place des tapis, les images saintes et les vases. Des hommes le long des nmrailles; s'aidant de toutes les anfracluo- grimpent sités. ils plantent de tous côtés des torches, des cierges allumés, {\) Iteintion (i) Ihid. (3) Ihid. publiée par M (tiiiunl LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 130 frappées par ces feux, les pointes des stalactites s'endiaman- et, tent, les congélations s'éclairent, se renvoient et multiplient les reflets par d'infinies transparences lumineuse. Au-dessus de fait : toute cette végétation devient dans une l'autel, stalactite creuse qui penser à une urne d'albâtre, quelqu'un va enfermer une flamme et pique l'étoile devant une du berger. La messe de minuit commence, foule de spectateurs au Gloria : in fixcelsis, des dé- charges de pierriers et de boîtes retentissent, éveillant des échos résonances, tandis que cinq cents profonds, d'interminables flambeaux de cire, une infinité de torches et de lampes inondent de clarté la cathédrale improvisée et font ressortir les richesses d'une décoration ciselée par la nature. Nointel passa trois jours entiers dans la Quand veilles ». il il se fut avancé aussi loin que possible, eut tout examiné et rassasié ses yeux, endroits des inscriptions, oii il diesse et sa découverte (1) était venu, et, grotte des mer- « bien que : il quand placer à divers fit il signalait à la postérité sa harreprit ensuite la mer. L'hiver l'on eût échangé à Naxos contre une tartane provençale, tenant mieux la mer la galiote et finement gréée, le voyage ne se poursuivait plus qu'avec une extrême lenteur. Presque chaque soir il fallait relâcher, et souvent on n'atteignait le port d'abri qu'au milieu des dangers (2). On quitta les Gyclades; bordent le littoral d'Asie. on se rapprocha des Sporades, qui Plus nombreuses encore étaient les formes étranges, déchiquetées, qui parsemaient (1) Voici, la grotte la mer, et il y d'après Blondel de .louvaneourt, l'inscription mise à l'entrée de : Cédant tenehrœ liiynini Ficla nu-mina vcro l)eo H(ic (intrimi Nuctiirud crriitum Juvi NuM'eiiti Cliri>it() dedictwit Cnr. FritnC- OUer df Sinntel. (2) Parfois le péril était si i,'iMiid i|u'au dire d'Antoine dos Barres « cli.iciiii préparait ses petites affaires juiur l'autre monde. Un valet de chambre do M de Nointel lui rendit dix pistoles(ni'il avoua luiavoir volées en idusieurs fois. • Elat présent <((« l'A)xhipcl, p. I."i!l. XdVACK I.K avait tout l'ile le long de IH:S KClIELLr: s un la côto 131 ('rniettenient d'iles. Pallimos, de l'Apocalypse, Cos. patrie d'Hippocrate, furent abordées tour à tour: Rhodes enfin apparut, avec ses maisons à façade gothique et à frontons armoriés, ses ogives, ses tourelles ville française du moyen âge, Les Turcs gardaient jalousement de sang, et en avaient lartares, coupables de de Crimée y le n'eût, disait-il, le le un lieu méconnu son droit, la son gré dition: à défaut On il en joignait une satisfaire la première, deIl magni- avait des fleurs avec amour, et montrait visita aussi le domaine d'un Turc de con- du maître absent, Nointel un tout jeune garçon, Si l'on sa main, cultivait de orgueilleusement. « voir ce qui lui semblait », cette passion seconde sa consolation. : ;illé régnerait maintenant en il pou\ant autre, celle des Heurs, et, ne qu'il qui leur avait coûté tant marri de sa situation fort et ferait voler les tètes à mandait à l'ile de déportation pour les princes détenu. Cornelio Magni, étant trouva comble du bonlieur humain. A fiques, une quelque man(|uement. Le fds d'un khan était alors jeune prince, Crimée fait : laissée prisonnière en Orient. par et chef des eunuques, le un beau bouquet au nom de fut reçu par son la (ils, (pii lui ollVit première épouse; dans la salle de réception, où s'échangèrent d'infinies politesses, on entendait derrière une jalousie, qui |iermettait de voir vu, le gazouillis Ainsi se continuait mauvaises le type, le costunu; de moins original. la finit j)ar et A chaque île, 1 aspect, population étaient autres, etcette amu- suggérer au marquis un projet pour Partout où |)assait, il habillements |)ropres au pays formes côté sans être voyage, avec ses fortunes bormes ou le changeantes rencontres. et ses sante diversité il'à des femmes. : et quelle il faisait le acheter des amusante variété de de nuances, surtout dans l'ajustement des femmes! Larges pantalons bouffants sous des casaques de velours, jupons brodés, vestes à soutache el à [)assementeries, ceintures et cor- sages plaqués de bijoux rustiijues, bonnets tissus d'or et bizarres coiffures de linge, plissées, godronnées, ballonnées, là de (|uoi satisfaire tous les goûts : c'était il y avait une surprise conli- LES VOYAGES DU MARUUIS DE XCUXTEL 1-32 nuelle pour;|les yeux. Nointel s'était mis en tète de rapporter cette pacotille à Constanlinople. Là, il un Domilui commanderait s'adresserait à nicain de ses amis, habile à modeler la cire, et une série de Ggures, que Ion vêtirait de ces oripeaux et que Ton exposerait ensuite. Plus lard, tout cet Orient en efBgie pourrait être envoyé à Paris et former un musée public de ligures de cire, qui attirerait la foule autant grandeur naturelle l'on voyait en phin et les Au lieu nomies, quun autre déjà ouvert, Reine, le Roi, la premiers personnages de la son récit, avec des expressions d'une bonhomie savoureuse, nous présente toute une l'ail et la ciboule, à tel point est obligé de s'appliquer contre la figure pour se prémunir contre bien rafflnés », même et, », galerie de vivants prêtres grecs chevelus et barbus, moines cras- : seux, protopapas puant fidie Dau- le cour. de collectionner des costumes, Magni notait les physio- les caractères; et personnages « Mgr oii les conséquences de leur abord Grecs d'esprit aigu, çà et là, que Nointel un gant odoriférant, « Juifs : plus perfides que la per- des consuls de France échelonnés, tous Méridionaux, natifs de Marseille ou de Toulouse, ?ens de belle faconde et de verve hâbleuse, pénétrés de leur importance. Devant Chypre, dans lit et la consul vint reconnaître le chambrt> de poupe — Je profondes révérences, honneurs de l'ile, : « Qui le » navire : il trouva êtes-vous".' lui dit-il. n'en ai que deux, sadeur à Constanlinople. le principal messager, couché sur son enveloppé de sa pelisse Votre supérieur. les le Nointel se le — Roi et son ambas- nomma; alors, consul le conduisit à terre, où avec de il lui fit de ses jardins et de ses chasses. Dans les derniers jours de février 1674, les cimes neigeuses du Liban, paraissant à l'horizon, annoncèrent aux navigateurs la côte la terre syrienne; on aperçut de sang et le sol toujours convoité et disputé, de délices, qui vers la fin de l'hiver se signale aux marins, à une grande distance en mer, par amandiers et de ses voyageurs no Echelles. Ils firent le parfum de ses pêchers en Heur, embaunwuit que longer la côte, la brise. Nos touchant aux principales virent Tripoli de Syrie, centre du commerce véni- l.K VOVACK DES KCHELLES tien en ces parages, avec i:W grosses tours carrées qui en les sept défendaient l'entrée; Seyde, l'ancienne Sidon. Echelle importante, où n'y avait que des il marchands dans un seul hàtiment. dans un comme un détachait « vivant entassés franç^'ais. khan dont la masse se », cuhe hlanc parmi de laides masures; plus loin Saint-Jean-d'Acre, clef de la Syrie au maintenant par ses mines, ([ui movcn encombraient âge, grande port et attris- le taient la plage. Dans tous ces étudier sur avec trait les endroits. Noinle! profitait de son passage pour le vif des Turcs de prox ince, pour pachas et les cadis, de mœurs, le et n'omettait propos caractéristique geait désormais les (1). séjours et oiiservait lier connaissance jamais de relever Toutefois, il le abré- au vol. ayant hâte d'arriver à Jérusalem pour les cérémonies de la semaine sainte. Bientôt, il faisait saluer d'une volée de son du Carmel, entrevus au loin le 12, : il artillerie les soirunets prenait lerre ;i .lail'a. au seuil de la Palestine. III LA Entre Jalfa et rKKHI'. Rama, on ciievanclia en caravane armée, à cause des Arabes qui infestaient le pays. d'abord fertile et riante contrée. (leurs; sur le sol. au lieu nappe ininterrompue de campagne La Terre Le printemps Sainte apparut couvrait de la du gazon de nos contrées, tulipes et c'était une d'anémones. A perle de vue, la s'argentait ilu feuillage des oliviers, et Antoine des Barres ne se lassait pas d'admirer ces arbres vigourcu.x, prolon- geant d'interminables allées que SAINTK. celles de France qu'on « en aussi bon ordre tire el aussi droites à la ligne et qu'on plante au » l'ar manière d'ciitrcticii. Il écrivait après sa visite au cadi de Seyde s'informa de mon Ichtwuch si jetais marié, et il s'étonna fort que je ne le fusse pas, insinuant néanmoins qu'il le soupçonnait, parce que je n'avais pas assez caressé son fils. > (1) il : LKS V()YA(;ES dl .maiîul 134 cordeau (1) ». Lien que Et toute cette végétation croissait spontanément. pays fût mal aiTosé le is iie .\(iimi:i, et dépourvu de cours d'eau. Nointel relève cette particularité en termes ampoulés, car il jugeait nécessaire d'enfler et de guinder son style à mesure qu'il approcliait des lieux augustes qui y coulaient en si « : de recouvi'ir et de ménager salem le , au sortir de Larron; son Arabes Rama nom conserve la d'utilité, il » montée vers Jéru- décrit sa l^tant parti de grand matin, je montagnes au cliàteau « : d'entrer dans les avec tant et défaut oblige encore à présent les sources. termes non moins originaux, commençai rivières de la grâce, dit-il, grande abondance suppléaient aux naturelles, dont En Les mémoire de du Bon sa pénitence, et les son désordre. Et après m'étre reposé à Saint- celle de Jérémie, où ce prophète est né, je jetai des œillades en passant sur la vallée de Térébinthe. sur le village de Saint-Jean-Uaptiste, sur la maison de plaisir de Sainte Elisabeth, où et s'il Vierge la visita, m'avait fallu m'arrèter à toutes les remarques que l'on faisait, j'aurais A la trouvé les portes de Jérusalem fermées. Jérusalem, où me « catholique ne se soutenait que par la le culte protection du Roi, les Turcs ne nous permettaient pas pourtant d'avoir un consul, et nos représentants n'avaient que rarement pénétré : raison de plus pour que Nointel crut ni'cessaire de frapper les esprits en s'adressant aux yeux. entrée dans la ville sainte 11 voulut que son dépassât en magnificence toutes celles qu'il avait faites. C'était le 15 nicirs 1674 : l'ambassadeur s'avançait précédé dofficiers turcs et de religieux latins, annoncé par des fanfares, monté sur un cheval richement harnaché; seize estafiers et pale- freniers l'environnaient; autour de lui on portait ses armes. Un large parasol, insigne de souveraineté dans tout l'Orient, ombrageait sa tète, et cinquante cavaliers le suivaient sur deux files, le mousquet haut. Cette pompe quasi guerrière passa sous hautes portes farouches, s'engagea dans l'archaïque (1) Etal présent de l'ArcInjii:!. [) :!UI. cité, les crou- LE VOYAGE DES ÉCHELLES lanle de vétusté, plus sarrasine i|uc turque. peuple s'écrasait pour voir il : 133 Dans les rues, le y avait foule sur les terrasses, des spectateurs de race et de croyance ennemies, musulmans, grecs, arméniens, coptes, latins, d'assister à quelque chose la France, en juifs, tous avaient l'impression et d'imprévu et de grand ; il semblait que personne de son ambassadeur, reprenait posses- la sion de Jérusalem ou du moins venait la couvrir d'une protection auguste. L'ambassadeur descendit au couvent du Saint-Sauveur, chez les Franciscains de Terre Sainte qui, depuis des siècles, tiennent garnison catholique autour des églises de Judée. Il se leur fit hôte, s'associa à leurs exercices de dévotion, à leurs obser- vances trant : comme eux, il voulut jeûner, veiller, sliumiHer, une ferveur exemplaire. En comme le humble des plus sanctuaires, on particulier, se mon- comportait pèlerins; en public, pour la visite aux communauté et, voyait s'entourer de toute le il la précédé de la croix et des cierges, escorté de ses gardes, faire magnifiquement honneur de soutenir le prestige Ces dévotions solennelles ne plaisaient pas à tout le monde. et l'autorité figure, tenant à de son maître. Les Grecs, nos concurrents dans les Lieux Saints, poursuivaient l'ambassadeur et « leurs et sa suite d'un regard mauvais, chargé de venin, yeux de basilic » le fixaient avec obstination. Ces schismatiques enviaient à nos religieux l'honneur de posséder un tel pèlerin, s'alarmaient du lustre qui en rejaillissait sur notre culte et craignaient que la position de l'orthodo.xie dans les Lieux Saints n'en reçût quelque On sait ce atteinte. que se disputent en Palestine les confessions rivales. Ce n'est pas la propriété des Lieux Grand Seigneur, souverain territorial testations; ce n'est pas même un Saints, qui appartient au et juge suprême des con- usufruit complet, une jouis- sance exclusive, chaque culte officiant ù tour de rôle aux cipaux autels. Il s'agit de certains privilèges priti- honorifiques, marques ostensibles de prééminence; par exemple, le droit d'orner un sanctuaire, d'y placer des images et des tapis, d"y LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 136 suspendre des lampes^ de garder nas d'une serrure. la clef d'une église ou cade- le Portant sur ces riens précieux, la lutte s'étendait alors à tous les sanctuaires, mais la position convoitée et disputée entre toutes, plusieurs fois prise et reprise, était le en forme Saint-Sépulcre lui-même^ c'est-à-dire l'édicule rotonde qui s'élève dans l'église du même nom chapelle de marbre le roc sacré du On tage. était arrivé Aux et de recouvre d'une Tombeau. pourtant à une sorte de compromis et de par- jours de fête, les Grecs avaient droit d'orner et le d'illuminer extérieurement la coupole de l'édicule; les Latins murs jusqu'à étaient en possession de décorer et de draper les base de la coupole. la leurs plus En l'honneur de Nointel, beaux ornements, un splendide ils sortirent tapis de brocart, don de Philippe lY d'Espagne; cet étalage acheva d'exaspérer les Grecs, dont le dépit se tourna en rage. Pour mettre en place la tenture, les religieux étaient montés sur la corniche, à l'aide d'une échelle servant aux deux cultes. Méchamment, les Grecs retirèrent bons Pères, l'échelle, et les leur travail achevé, se trouvèrent fort empêtrés pour descendre; il leur fallut sauter à terre, au milieu des huées de leurs adver- On saires. se mit à s'invectiver; des deux côtés, des renforts arrivèrent, de gros bâtons parurent; des injures, coups; les Latins rendirent leur portait; il « on en vint aux avec quelque usure » ceux qu'on y eut rixe, mêlée, bataille dans l'église et sur la place voisine, jusqu'à ce que des soldats Uwcs fussent arrivés pour rétablir l'ordre, distribuant avec aux deux impartialité partis horions et bourrades. - Mais la communauté grecque tres, religieux, séculiers, tribunal du cadi, s'était levée tout entière femmes, enfants, gesticulant, criant, : prê- se précipitèrent au réclamant vociférant, secours contre ces Latins qui avaient voulu les assassiner. Ce fut un tumulte effroyable, leur plainte, Un il fallait « un enfer déchaîné aux Grecs un cadavre : ». ils Pour appuyer le trouvèrent. de leurs caloyers, chargé d'ans et d'infirmités, venait de tré- passer; ils prétendirent que le pauvre homme était mort des LE VOYAGE DES ÉCHELLES coups reçus pendant la bagarre. Ils exhibèrent 137 son corps, mon- trèrent ses prétendues blessures et lui firent des funérailles ven- avec de grandes démonstrations de douleur geresses, colère. Puis, requête, le cadi se de pressait peu d'accueillir leur députèrent à Constantinople leur patriarche, chargé ils d'évoquer comme et l'afTaire nos moines au tribunal delà Sublime Porte. De leur côté, Père procureur. Voilà l'élernel pro- firent partir leur cès renouvelé, à l'occasion du voj'age do l'ambassadeur. Les cérémonies de la semaine sainte n'en furent pas moins touchantes et belles. Pendant les derniers jours, Nointel vécut dans l'église du Sépulcre. Il parcourut le lahvriiillie tuaires obscurs que renferme la vieille basilique trementdes chapelles, les étouffants réduits où : se il vil de sanc- l'enclievê- conservent les reliques et, au fond de ces antres sacrés, h la lumière des lampes éternelles, le ruissellement des ors et la splendeur des chasses. Précédé de ses janissaires, dolente; il allait lamentation les mêmes oîi il fendait le flot des pèlerins, la foule de l'un à l'autre de ces lieux de prière et de mêmes depuis tant de siècles, avec les souffrance divine, la grande détresse de l'humanité il (1). Quand eut suivi les offices au pied du Sépulcre et entendu les inter- minables psalmodies, Calvaire, à la soupirs, sanglots, vient chercher secours, au contact de la hi iiicrre les Pères le de l'Onction; conduisirent en procession au il refit toutes les stations de voie douloureuse. Ce fut ensuite l'allégresse série d'excursions dans toutes rampes pierreuses, par liyènes, triomphante de Pâques, puis une les parties de les grises solitudes, on descertdit jusqu'à la la Judée. Par les où fuyaient des dépression où s'épanouit la maigre oasis de Jéricho, en avant des montagnes moabites qui, de leurs cimes cuivrées, barrent durement Jamais ces vu plus imposant pèlerinage. L'ambassadeur, ses compagnons, les religieux allaient à cheval, sur de l'iiorizon. lieux désolés n'avaient hautes selles à la (1) Singulli mode du pays, dans c soxpiri, dit Magni. le (lottement des tapis à . . LES VOYAIiES r.i8 l»U MAHQriS DE NOINTEI. longues franges et des verroteries. Des Maronites, clients traditionnels de la France, suivaient en longue et quatre-vingts commandés par cavaliers en casque et cotte de mailles, cipal officier turc de Jérusalem, le file, le prin- mussdem, s'avançaient sur les fiancs de la colonne. Ainsi protégé, Nointel put se recueillir devant Jéricho, prier aux bords du Jourdain, contempler la mer Morte. Non loin de la grève sinistre, pavillon, richement orné, où il le musselem avait offrit fait dresser un aux Français un festin, un « grands, si Ion considère nombre des plats, mais très méchants par la malpropreté ». Dans le cercle des convives assis par terre à la mode turque, où de ces repas que Nointel qualifiait le circulaient pieds nus les serviteurs, on vit paraître des jattes de riz et de pilaf, des mixtures de farine et de miel, des monceaux de viandes, des nourritures étranges, épouvantables, poulets qui semblaient sortir delà cuisine de Phiton à soulever même « ». certains des mets l'estomac robuste d'un Français du dix-sep- finir, un mouton entier, rôti, dégouttant de un de ces moutons de Syrie à queue énorme. Le Turc tième siècle; pour graisse, s'empara de cet appendice et y mordit à belles dents; cha ensuite un gros patjuet de graisse l'ambassadeur, ses comme morceau et le porta à la de choix. Nointel compagnons un regard de détresse ; mais politesse orientale lui défendaient de refuser; dégoûts et absorlia le morceau ce fut un : il en déta- bouche de pâlit, fixa les règles sur de la surmonta ses il de ses traits d'hé- roïsme. Dans le voisinage du lieu de lialte, des Bédouins pillards erraient, rôdaient; on distinguait leurs tentes, leurs nomades, que Nointel nomme « des \ illages campements ambulatoires » Toutefois, ces barbares, avec qui l'on avait eu la prudence de passer un arrangement, se montrèrent sages : ils laissèrent les pèlerins continuer leur tournée, visiter le Cédron, les sépultures des rois et des prophètes, et Bethléem, où les (Irecs dominaient et ne nous permirent d'accéder que par grâce à Nativité. la grotte de la LE VOYAGE DES ECHELLES Parmi tant de lieux vénérables, fût fait scrupule de négliger : il en était 139 un que Nointel son patriotisme, autant Une dévotion, lui commandait d'y aller. se (|ue sa tradition voulait qu'a- la prise de Jérusalem par les InlidMes et la destruction du royaume latin, une poignée de Français, descendant des croisés, se fût retirée et retranchée sur un mont proche de Bethléem; là, près retombés à sauvage, vivant à la vie guerroyant et comme la façon des Arabes, pillant eux, ces Français du désert se seraient maintenus quarante ans, et leur résistance n'eût fini que par la mort du dernier d'entre eux. Leur prétendu repaire s'appelait encore dans le pays la « montagne des Français ». Nointel y mena un pèlerinage mal famé et hanté, disait-on, La colonne chacun on particulièrement de dangereux Arabes. au poing. Le guide qui mais se fiait» la conduisaitne répon- au courage français ». A mi-hauteur, escarpements du sommet se hérisser de lances vit les burnous noirs, de grands arcs parurent, dans était s'organisa militairement, l'ambassadeur au centre, le pistolet dait de rien, armé, car l'endroit l'air. Mais la petite et un vol de flèches : des siffla phalange va-t-elle s'arrêter devant quelques pillards? Qu'on les disperse, qu'on les châtie : à l'as- Chacun s'élance, escalade les pentes, faisant feu sur les burnous. Le bruit de la poudre dispersa toute la bande. Les vainqueurs arrivèrent sans difficulté au sommet, glorieusement saut ! reconquis , et y cherchèrent les traces, les ossements de leurs devanciers. Inutile de dire qu'on ne les trouva point; néanmoins, comme Nointel aimait à solenniser tous les épisodes de son voyage, il fit entonner un Dies irœ à l'intention de ces héros problématiques. Les Arabes, cependant, s'étaient rapprochés, maintenant des dispositions pacifiques d'intelligence. A la fin, leur roi, le otages et proposa un colloque; noble de fils temps côte sur le du désert. mais annonçaient et faisaient des signes chef de la tribu, envoya des il s'y présenta avec sa grâce Nointel et lui chevauchèrent quelque à côte et se séparèrent malenle[idu du matin : il fut amis, après s'être expliqué reconnu que l'attaque avait LES VOYAGES DU .MAUULIS DE NOINTEL 140 été provoquée sous main par les moines grecs, qui avaient dépé- ché au chef arabe des émissaires pour nous accuser d'intentions spoliatrices et conquérantes.: nouveau de leur perfidie. trait Nointel rentra néanmoins à Jérusalem pour assister en cu- rieux aux cérémonies de la Pàque grecque, qui retarde de treize jours sur la nôtre. miracle du feu sacré, croient Il le tenait surtout à observer le prétendu samedi saint. fermement qu'un de leurs chefs En ce jour, les Grecs spirituels, enfermé dans Saint-Sépulcre, voit s'allumer une flamme surnaturelle qu'il le recueille, qu'il transmet à tous les pèlerins, afin que ceux-ci la propagent, jusqu'aux extrémités du scène , monde orthodoxe. lune des plus extraordinaires qui Jérusalem, était se Cette puissent voir à encore plus caractérisée en ce temps-là par de scandaleuses pratiques, par un tumulte énorme, fou, monstrueux; c'était une véritable orgie sacrée. Afin de jouir dément du spectacle, Nointel se nait sur l'église; franciscains, ses . En il fit commo- ouvrir une galerie qui don- plaça de bonne heure, avec les Pères s'y compagnons et ses janissaires. bas, dans l'église sans lumières, c'était un grouillement défoule, une multitude noire, dense, haletante. Depuis plusieurs jours, d'innombrables pèlerins, des familles entières, vivaient là, dormant, mangeant, croupissant au même endroit, pour gar- der leur place, et de ces groupes, se mouvant confusément dans l'ombre, s'élevaient une rumeur continue et une fétidité. A me- sure que les heures s'écoulèrent, une impatience, une émotion, un vertige enfin toutes ces gagna ces masses, ivres d'abstinence, et dans âmes montées au comble de l'exaltai ion, il se un lit rappel soudain de paganisme, un retour aux idolâtries obscènes, aux abominations pieuses. Des Grecs venaient maintenant gner et liurler contre les murailles trépi- du Sépulcre, réclamant le miracle. D'autres se prenaient par le bras, formaient des rondes, des danses, menaient d'infernales sarabandes. Parfois, deux d'entre eux fonçaient l'un sur l'autre et s'entre-choquaient fu- rieusement du front, à en la manière de taureaux qui élevait d'autres sur les épaules de leurs luttent. On compagnons, comme LE VOVAiiE DES ECHELLES des patriarches menés, puis ([u'oii intronise; ils i41 passaient ainsi portés, pro- faisaient In'sser à coté d'eux de jeunes appelaient leurs diacres, et prenaient alors des poses qu'ils immondes; on appelant et les la Le supérieur des scènes de hideuse bestialité. vit des Franciscains s'enfuit de la tribune et s'alla mettre en prière, miséricorde divine sur ces profanateurs du temple: Turcs de l'escorte, écarquillant leurs veux voir, se délectaient Une fumée miracle était velait sortit pour recevoir la foule, se le L'évéque chargé de l'opérer reparut tenant fait. on se l'arrache, mieux du Sépulcre, enfin par les ouvertures constamment. Des bras pai' milliers, [tour du spectacle. une gerbe de feux, un boucjuet de cierges allumés dans garçons qu'il renou- se tendent vers lui par centaines, l'étincelle sacrée. elle se multiplie en On se la dispute, folles lueurs qui courent poursuivent, s'éteignent et se rallument, se dis- persent dans toutes les parties de l'église et piquent de milliers A mesure que la llanune erre communique, la frénésie du peuple augmente. C'est maince sont des allégresses brutales, des fureurs. tenant un délire d'étoiles les obscures profondeurs. et se : des extases, des défis fanatiques, des épreuves se passent la tir flamme sur leur chair nue aucune brûlure, qui la et : des femmes qui prétendent ne ressen- poussent au visage de leurs enfants; des groupes qui roulent à terre et s'étreignent, et des clameurs effrovables, des cris qui n'ont plus rien ments. Vers le soir, d'immain , des rugisse- nos Français se retirèrent étourdis de ce tumulte, écoHirés par l'odeur fade des cierges se mêlant aux senteurs d'IuMiianité, à tel point rdmims, iiarassés, brisés, (ju leur fallut un jour de repos absolu pour se remettre Cependant, h la il (1). \uo de lopprobre des Lieux Saints, à l'aspect de ces Grecs partout usurpateurs et sacrilèges, la piété de .\oinfel s'est profondément émue ; son cœur s'afflige, son indignation .N'ointel et dont nous [)arloMs plus qui appartient aujourd'hui à M. le duc d'xVudilîret-l'asiiuier, reproduit toutes les scènes, tous les épisodes du spectacle. C'est un commentaire vivant et 1res exact du récit de Cornelio Masni. (I) loin, L un des tableaux coinniandcs par celui LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 142 déborde se croit obligé à d'éclatantes il : démarcbes. Il n'écrit pas seulement au Roi, mais au Pape, à la reine tous les potentats catlioliques; d'abondantes aumônes sollicite il d'Espagne, à qui permettront d'aciieter la protection des pacbaset de déjouer intrigues scbismatiques les , dénonce envahissements des les Grecs, fulmine contre cette engeance. Avec un zèle à fracas, s'érige en défenseur de Jérusalem opprimée, souillée, du Saint-Sépulcre. titue d'office l'avocat En même temps, dans d'autres Mais du il la description , veut cette fois C'est alors sujet. il et s'ins- sa lettre au Roi, il refait, après tant de Jérusalem et des sites environnants. que son style s'élève tout à qu'il sacrifie fait h hauteur plus au faux goût de le l'époque, au genre ridiculement emphatique qui sévissait dans toute une partie de la littérature et naturellement ce ses périodes, et qu'il a vu, : au lieu de raconter simplement arrondit, balance, surcharge il compose un morceau d'une éloquence bouffie, tout d'antithèses et de métaphores. Sire, dit-il. la ville de Jérusalem, « où j'ai l'avantage de me trouver, n'est plus ce qu'elle a été dans l'antiquité; la grandeur et la les magnificence de son temple consistent en de foibles restes : armées de ministres destinées au service de ses autels sont changées en un mosquée ; petit nombre de Turcs employés à servir une l'abondance du peuple qu'elle contenoit a produit un ilésert; la quantité d'argent qui s'y trouvoit en sorte qu'étant commun on les pierres, a fait ne l'estimoit pas davantage que (\uk présent on se soumet à tout pour en avoir; les plus illustres monuments destinés pour servir de sépulture à tant de rois et de grands personnages, lesquels v renfermoient aussi leurs trésors, semblent n'avoir été taillés dans le roc par un travail incon- cevable et séparés de la terre qui les a produits que pour y être maintenant ensevelis en partie prodigieuse il n'y a plus d'apparence de cette fertilité, si elle n'étoit miraculeuse, puistju'au milieu : des rocs et des montagnes dont le pavs est tout plein, soit à tant de millions de jjersonnes, soutenir ce siège si les elle sufli- ayant longtemps aidées fameux d'un des plus grands empereurs LE VOVACK KCllELLES ni:s 143 romains. Ces considérations, Sire, pourroicnt attirer l'admira- changement tion d'un si extraoniinaire imprimer une et , douleur à tout autre que Votre Majesté qui des justes prophéties sur lesquelles appuyé; est il forte est bien informée elle pénètre indubitablement que tout se passoit en figure dans l'ancienne Jérusalem de sa ; sa grandeur passée qui s'anéantir, comprend l'empire absolu superbe de ses édifices, dévoient s'évanouir et loi, et la aûn que la véritable gloire, qu'elle ne Cguroil qu'impar- faitement, fût répandue avec profusion sur la grotte de Bethléem, sur les montagnes de Sion, du Calvaire et des Oliviers, et sur les fonds et plaines qui les environnent, et les torrents qui les arrosent, afin que par l'Évangile et la religion nous fussions que nous eussions un délivrés d'un joug intolérable, afin fils afné de l'Église, qui renfermant dans sa personne sacrée toutes les qualités rares tant d'autres de monarques dont Louis XIV, ce qui Charlemagne, Clovis, suffit il pour en imprimer les langue ni la plume ne peuvent exprimer. la Suit le tableau de la communauté il Grecs et des secours que est tout-puissant, tions. Ici, le Koi magnanime emporté par le désir en Terre Sainte, de démêlés avec portera certainement, car et attaché à de glorieuses tradi- de magnifier le Roi et la Nointel arrive à de véritables extravagances de style lyrisme, les « il tombe dans le dil-il. (pii et invoquent France, visant au : comment pathos: après avoir rappelé Pères de Saint-François célèbrent Quand ceux, nomme » latine lui et grandes idées que l'accueil qu'elle a fait à notre représentant, do ses les Louis saint sa naissance, se tire la France : ont l'avantage de vivre dans ces saints Lieux ne tiendroient pas un langage si juste, les illustres morts qui y sont ensevelis, et les instruments de leurs victoires qui s'v gardent comnie des reliques, parlent assez par leur silence, ils et continueront de parler français jusqu'à la consommation des siècles, malgré la malice des Grecs qui paraissent n'avoir usurpé lessépulcresdeGodefrovde Bouillon, du roi Baudouin enfants, que pour rayer et falsifier les titres de leur leur artifice ne sauroit réussir, et il est si et de leurs mémoire; peu possible de ne pas LES VOYA(iES DU MARQUIS DE \U rendre ici justice à la France, qu'en NOIMEL manquant de le faire on s'expose à voir tomber les montagnes sur sa tête, y en ayant une fort élevée sur laciuelle les Français s'étant retirés après la perte de Jérusalem y ont demeuré quarante ans. attendant du secours; pour mieux dire, ils y sont encore, puisque, par leur mort, ils en ont fait un cimetière glorieux Ce galimatias » sent d'autant plus la recherche, que l'effort, l'enthousiasme de l'auteur était voulu et son admiration de com- mande. Au fond, la Terre Sainte n'avait pas répondu à l'image s'en était faite qu'il d'après les témoignages bibliques. Il ne paraît pas a%oir senti l'austère beauté de cette contrée en ruine, aux horizons convulsés, aux brisures étranges, au Comme le soleil d'Asie. il s'était lité sol ravagé par sa lellre au Roi semble déjà l'indiquer, étonné de ne retrouver nulle part les traces, la possibi- même de ces grands déploiements de civilisation dont parle rFcriture. Ces écroulements de rochers, ces passes à peine pra- pour ticables, ces vallées trop étroites y placent dans les livres sacrés déconcertaient un peu. et sa le les passé ou dans l'avenir, le déception perce surtout dans cer- tains passages de ses lettres au ministre « la Je puis vous assurer, Monsieur, Providence ait scènes grandioses que : lui écrit-il, qu'il semble que autant pris de plaisir à enrichir ce pays par la profusion de ses grâces spirituelles, en figure et en vérité, paroît avoir été situation et d'un terrain fertile. l)elle que cette les 11 grande abondance de peuples suffisoit étoient (ju'il dépourvu de tout temps des avantages d'une des miracles perpétuels faut croire néanmoins et la fertilité (jui qui leur faisoient produire rochers et contenir dans de petits espaces des quantités innombrables de monde qui, autrement, n'y auroient pu demeurer sans centupler leurs rangs les uns sur les autres. réflexions qui tombent dans l'esprit fort Ce sont des naturellement, et qui, étant établies sur la puissance divine, ne font point de tort à la foi d(^s la foi... En lù-ritures: il faul donc juger de la terre où je suis par )i réalité, c'était une autre terre (jui le tentait désormais : LE VOY.VOK DES l'Keryptc telle K que ravaient décrite DUE f.LK S les et verte, vivifiée par fleuve, dressant entre des bouquets de palmes ses peu s'en lui appariait, de promission « la véritable terre Pour <-ourte s'y rendre, le el la lui calculé, la voie la plus ses couvents, effleurerait se fait il fin de l'été, combiné, pour que cbaquc pays voulait être en Egypte apparût dans lui les fêtes de Nil, qui population, longtemps la accablée sous les fureurs de l'été, renaissait à la vie la mer car tout avait été pourledébordementdu en automne: à cette époque, par mille réjouissances la route des Hébreux. Son désir était sa saison caractéristique. .\près avoir vu à Jérusalem Pâques, elle célébrait : crue bienfaisante des eau.\, festoyait pendantlesnuitssurle fleuve, dansdelongues barques ilhnninées c'était l'instant qu'il fallait saisir pour animation pittoresque, pour passer En Terre la : surprendre dans son revue de tous ses types. la Sainte. Nointel avait continué à se préparer les voies Au moment en Egypte. ; par terre, visiterait (laza. se d'atteindre l'Egypte seulement à la par de neige ». irait Il Sinaï rebours et ferait à cités son d'après son ])roprc aveu. ne jugea pas néanmoins que il fût la meilleure. détournerait vers Rouge ne fallait qu'elle poètes, liistoriciis et les grande oasis en longueur, fV'Conde la 145 d'entrci- à Jérusalem, il avait reçu de nouvelles lettres de nos nationaux du Caire, se plaignant d'avanies plus cruelles encore que les précédentes l'appel suprême « rance de quartier ». s'ils de le commerce perdre les comme el au ciief des milices, en les persistaient dans leurs violences, de ne paraître «n Egypte que pour en qu'il fût, le c'était Nointel avait écrit alors au pacha gouver- neur, k son principal lieutenant menaçant, : d'assiégés réduits à l'extrémité et sans espé- fit retirer nos marchands. Si chancelant français profitait à ces tyrans; la crainte rentrerdans le devoir : notre colonie; d'Egypte éprouva qnehiue soulagement. Si l'approche seule de l'ambassadeur avait produit ce résultat, doute, il l'isllimi' suffirait de Suez (jue ne ferait sa de sa venue pour que el la mer Rouge, pour présence? Sans s'établft par qu(> la route ilirocte des le transit Indes se rouvrît devant nous. 10 VOYAGES l.ES d46 Parti de Jérusalem iours. Après ])l MARUlIS DE 7 mai, le .NoiNTEI. arriva à Gaza en quelques il de la Terre Sainte, ce les aridités lui fut une joie, un rafraîchissement, que de revoir des arbres, de la verdure, et que d'entendre le murmure des sources. Les environs de Gaza lui parurent délicieux frani,ais oasis? à la description qu'il : du dix-septième Tout « siècle, qui pays, le dit-il, en fait dans son ne reconnaîtrait une véritable est agréablement diversifié de plaines et de collines, qui sont bornées par de grandes mon- tagnes. Les arbres fruitiers, tels que figuiers, grenadiers, abricotiers, figuiers de miers composent une Pharaon et d'Adam, caroubiers, oliviers, pal- y sont dans une abondance à faire croire qu'ils et autres, Les ciiemins y étant larges, droits et unis, le nom de royaux: (jnelques-uns sont forêt. méritent admirablement bordés de haies. Les campagnes semblent est cultivé, Fair sur le chaud, y bon est et l'on et même vu tomber, y a fertiles il ou un grand avantage. ménager jusqu'à être réduit à inconnnode de demandent. la et aux puils. et est misérable est aussi difficile il donner, par l'accablement de ceux qui c'était : ciiefs se la l'irangler, (juand turc, le pachalil; de droits, à les appeler ils une de ces Gaza l'apanage d'une grande famille indigène succédaient l'un à l'autre, pour réserver ses la auprès Porte se bornant, d'elle étales faire avaient déplu. Quelle occasion pour ISointel petites dynasties sister en (|uelques coins de Le pour y sup- » était héréditaire d'étudier Le peuple demander l'aumiuie, Par une exception assez rare en pays dont les faut, Il les fontaines, qui sont rares, et avoir principale- ment recours aux citernes ([U assez y avoit seulement quelque ruisseau s'il pléer, tire n'y a pas longtemps, une grêle prodigieuse: enfin, petite rivière, ce seroit par ce qui en tempéré, quoiqu'il titulaire actuel du que le sultan laissait sub- son empire! jiaclialik était un tout jeune homme, placé sous la tutelle de son oncle, qui se pressait jjçu de l'initier à l'exercice du pouvoir l'ambassadeur, abruti. » et On toujours tenu en i)ride. déclare tellement qu'on peut dire qu'il en est comme : " Qu'^'it à l'oncle, l'a Nointel lui trouva •• plus d'extérieur I.K (|iic do ». et soliiliti'' ments qui VOYACK il en marquoient lui CiHKLLKS lii:s doiiiie ainsi la la I preuve : « {7 Mes compli- coasidération de sa personne, non seulement par elle-même, mais par l'avantage si extraordinaire dans l'empire ottoman de posséder un gouvernement par succession, n'ont point été reconnus par une autre réplique que de inch'Allah, signifiant « d'un rire innocent. en civilité lui lui la le qu'il », que si accompagnoit je forliliai ma rare en Turquie, seul se pouvoit vanter, étoit inséparable des grandes vertus qui se rencontroient par Dieu fut aussi inutilement insinuant que la haute naissance, dont quasi et plaît à s'il Ce si rarement dans ceux élevés hasard, lui ajoutant (juc son gouvernement en établissoil preuve, et encore plus celui du grand vizir qui avoit succédé à son père, car toute sa réponse consista dans un souhait réitère d'une longue vie et de toute sorte de prospérités à ce premier ministre. La » parole du roitelet mahométan ne s'anima qu'un instant : ce fut à propos de ces uns chevaux du désert, orgueil et trésor de l'Arabe, dont son État vage. ne Il connaissait par était cœur un des principaux lieux la généalogie de tarissait pas en détails sur leur valeur dit : « d'éle- chacun d'eux Sur et cette matière, Nointel, je le trouvai autant habile qu'incrovable. Les animaux à faire des courses de plusieurs jours sans manger ni boire ne me parurent pas tenir si fort fatigues de ces et nuits ilu prodige, (juc le prix d'une cavale dont il me lit l'éloge, en m'assurant que pour un quart de cette béte l'on avoit donné cinq cents chameaux qui pouvoient valoir dix mille piastres, et que lui-même avoit acheté une (|uatriènie partie d'une autre deux mille cintj cents écus, et il me jura qu'il n'v avoit que les bêtes de certaines races arabes qui se vendissent que même ventre. on achetoit très chèrement les poulains cher, et dans leur » La conversation tomba (inalement sur Sinaï. si Les difficultés et les périls le vovage projeté au de ce détour furent si bien remontrés à Noinlel qu'il y renonça. Il passerait directement en Egypte. Douze journées de marche seulement l'en séparaient il : LES VOYAIJKS 148 1)1" s'apprêtait à franchir cette mais d'arriver au but gnant et final MAROLIS l>E suprême étape, NOINTEL se croyait sûr désor- de son voyage, se voyait déjà attei- étonnant l'Egypte; mais est-il, hélas! projet si solide- ment conçu que ne puissent rompre la fatalité des événements et la malice des hommes! Au dernier moment, les cliameaux étant chargés, la caravane eu ortlre de marche, prête à s'éhran- un fâcheux message que Nointel prévoir, le surprit en si heau chemin 1er. Comme il dû eût l'appareil dont il avait eu le tort de ne point et l'arrêta court. attendre, la longueur de sa tournée, s"v s'entourait, le ton d'autorité (pi'il ce affectait, vovage de souverain accompli par un ambassadeur, avaient fini par indisposer la Porte ce pouvoir ombrageux s'était ému. : Peut-être aussi le grand vizir Kupruly avait-il deviné nos pro- voulu jets sur l'Égvpte et s'y opposer. de rappel courait après lettre le marquis Quoi ; qu'il en fût, même, pour une plus de sûreté, Kupruly venait de mander au cadi de Jérusalem de ne point permettre que le magnifique ambassadeur dépassât la Palestine : ce fut de cette défense que Nointel reçut avis à Gaza. Une désobéissance eût courroucé le vizir. D'ailleurs, les moyens matériels eussent manqué pour continuer son voyage ; il dut se résigner. 11 rebroussa chemin vers Jaffa pour y reprendre sa tartane et se remlianiuer. mais Son dépit, son chagrin, étaient il s'en revenait le cœur près à l'Égvpte et ne pouvoir l'atteindre, quelle disgrâce! tant ainu- à observer arcanes! Puis, dans tout ! (]u"il ei'it si Il eût cet éuiginati(|ue pays, à en scnilcr les les bazars du Caire, un monde, que d'emplettes perbes gros. extrêmes. Avoir touché de à ([ui faire, étaient à eux seuls que d'occasions su- D'après des renseignements déjà pris, Nointel savait trouvé là un las de choses hétéroclites et précieuses, des produits de l'Afrique et de ses fabuleux royaumes, des restes d'animaux inconnus, des pierres douées de vertus magiques, et aussi des camées, des bijoux, des médailles à l'effigie des Ptolé- méeset des Césars, toutes ces friandises dont il était gourmand. Au moins voulul-il que i|ueli|u"un se chargeât pour lui d'explorer LE VOVAGK DES ECU KL Li: S marchands du Caire les quartiers sités. Il oii il « rafle de curio- tout ce que l'on voudrait vendre aussi de recueillir des renseignements », et sur IKgypte ancienne et moderne instruction pareille, minutieuse, avide, qui envoya au consul du Caire cette lettre détaillée, peint tout entier le par mes instructions il : accompagnée de Accordez-moi tous M une et d'y faire dépêcha dans ce hut un agent spécial, avec un mémoire recommandait d'acheter à prix raisonnable une li!» : les éclaircissements (pie je et rendez-les tous les plus demande exacts et les plus étendus (juil se pourra: ajoutez-y le plaisir que je souhaite ardemment de toutes les curiosités qui se pourront amasser, d'oiseaux morts et vivants, de serpents, de coquilles de la rocodrilles, gazelle^, mer Rouge, nacre de perle, champignons, conambre gris^ musc, bézoards, étoffes gélations, corail, médailles, des Indes, porcelaines, plantes, singes, même des petits mus- qués d'.\byssinie. N'oubliez pas, je vous conjure, des médailles et pierres gravées, même des naturelles Il y a un marchand vénitien au Caire qui a bien des médailles, et entre autres grande d'or frappée en l'honneur d'Alexandre pour tion d'Alexandrie. J'aurais bien de la joie si ménager. J'attends de votre courtoisie, et me exactitude, ces petites satisfactions, Il me la et tenant bien assuré des grandes qui peuvent concerner l'avantage et le progrès du com- (1). » ajoutait dinaire vous pouviez de celle de vos dépu- marchands, oonuiie aussi de votre diligence tés et autres merce une la construc- ». — un vœu qu « il qualifiait C'est, disail-il, à relâcher à Rosette, afin Si cela arrivait, comme il que que lui-même d'«assez extraor- le me gros temps je puisse faire contraigne un tour au Caire. pourrait bien être, vous entendriez incontinent parler de moi et aussitôt que la diligence d'un exprès le pourrait permettre. » Etrange, en eff'et, ce souhait d'un voyageur aspirant aux infortunes de mer. invoquant tempête, parce que ce bienheureux accident pourrait (I) .Vrrhives des affaires étrangères. Constantinople, XII. le la pousser LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 150 vers la contrée de ses rêves moyen d'atteindre au besoin, à défaut de tout autre : côte d'Egypte, la eût consenti à v faire il naufrage. IV l'eiPHRATE. ALF.P ET Il ne fut point donné à Nointel de relâcher en Egypte, quelle qu'en fût son envie: au sortir de Jaffa. la rablement belle et mer se montra inexo- ne fournit aucun prétexte pour s'écarter de direction prescrite : la force fut à l'ambassadeur de se laisser por- ter vers le .Nord. Toutefois, si la Porte lui avait enjoint de reve- ne nir, elle libre lui avait pas indiqué la route à suivre; il se jugea de prendre celle de ses préférences, choisit naturellement la plus longue, et se mit à faire par quatre ou cinq cents lieues de pays l'école buissonnière. D'abord, remontant le long de la côte syrienne . il s'arrêta de nouveau aux principales Échelles, Saint-Jean-d'Acre, Seyde, Tripoli, et, cette fois, les 1674. L'intérêt du examina longuement, de mai commerce parmi avait à remettre la discipline leurs opérations. Puis il justifiait ces retards. les marchands fallait batailler à juillet Partout, et l'ordre il y dans avec les pachas, lutter contre leur rapacité, leur mauvaise foi. pour réduire au droit unique de trois pour cent grevaient le négoce. à toute réquisition, les mille taxes arbitraires A Seyde, il le Nointel dut recourir aux arands moyens. », ses pouvoirs discrétionnaires tout acte de ville et commerce à nos , il « : : cette bête En vertu de interdit jusqu'à nouvel ordre marchands. Or. les habitants de la des environs vivaient en grande partie de leur avec eux ils séchappait en faux-fuyants ou répondait par des mots inintellisibles. Pour avoir raison de brute dont pacha ne voulait rien entendre privés de leur gagne-pain, ils se soulevèrent. Il trafic y eut VOYAGE DES ÉCHELLES Li; au émeute de femmes, i)azar et 131 devant celle effervescence le pacha dut céder. Nointcl soccupait aussi, dans les lieux où d'étudier les besoins et les produits tirer et ceux à v importer, les faisait escale, il du pays, les articles à moyens d'augmenter eu uns les et les autres. Toujours empressé de donner à son voyaj^c une couleur d'utilité pratitpe, il se plongeait dans ces matières, appro- fondissait les usages et s'appropriait la langue du dans ses copieux rapports au ministre, maintenant ques- était il commerce; tion de quintaux, piastres, couffes, avec cliillVes et calculs à l'appui. Mais toujours son hesoin de narrer reprend mêmes statistiques se A dessus mêle un grain de pittoresque. Au poser sèchement les résultats du connnerce, action. le travers ses il le lieu d'ex- nous voyons des caravanes de récits, qui servent à confectionner », à ses montre en quatre à cinq cents chameaux apporter au rivage les de Svrie : le cristal « cendres de Venise. Ces cendres proviennent de certaines herbes, que l'on brûle au prin- temps dans des trous creusés en dont elles sont imprégnées, les terre par suite de l'humidité : herbes ne se consument pas entièrement: leurs débris s'agglutinent en résidus solides, en espèces de cristallisations, que l'on charge dans des sacs cl que l'on dirige vers les ports Tripoli diaire ; elles y sont (le de la cùte. embarquées marchands vénitiens l'Adriatique, passent Les plus liaes s'en vont à et parviennent, par l'intermé- et hollandais, jusqu'au fond de aux mains des ouvriers de Murano qui en font ces inimitables verreries, ces fragiles chefs-d'œuvre lumière se joue et s'irise. La vente de la oii la matière première pro- duit de tels bénélices que le pacha de Tripoli s'en est réservé monopole la : c'est lui l'unique débitant. Il sait concurrence entre de l'achat les acquéreurs et « le à merveille activer exciter en eux la chaleur ». D'autres cendres, de qualité inférieure, viennent à Seyde, à Bevrouth, à Rama. Là, ce sont nos Provençaux qui s'en emparent et en finit le lent de leurs bâtiments, car on s'en sert aussi pour LFiS io-2 VOYAGES DU MARQUIS DE AOINTEU fabriquer le savon de Marseille. Notre principal article d'expor- marchands rapportaient tation consiste en draps. Autrefois, nos eu retour de beaux charg-ements de coton et de soie, et il serait à désirer que l'on pût revivifier cette brandie de négoce, car les pavsans de Syrie excellent à à préparer la soie; et sur le filer et tour de main de ces artisans, sur les miracles de finesse et de ténuité que réalise leur habileté, i\ointel abonde en détails pré- curieux, anecdotiques cis, Dans chaque charge, port, (Ij. quand montait à cheval il vant les alentours de la il avait rempli les devoirs de sa de ses peines en obser- et se payait ville. Parfois, s'aventurait assez loin il : plusieurs Échelles lui servirent de point de départ pour des excursions dans l'intérieur. visita ainsi, à six Il heures de Saint-Jean-d'Acre, Nazareth. Gethsemani. liibliques; le Tiiabor, le lac pays de Tibériade et d'autres sites de im violent dans sa correspondance par un en particulier, enthousiasme, qui se traduit le lui inspira redoulilcinent de traits. hyperboliques et par de surprenantes métaphores Son « : élévation, à propos de dit-il agréable figure, sa séparation qui grand tour, le la quantité nombre de la légèreté la montagne le détaciic sainte, son quasi de tout, son de ses arbres, leurs dilTérentcs espèces, ses plantes, la bonté de son terroir, la fraîcheur et de son eau, et l'abondance du gibier, lui conservent autant de gloire dans la nature qu'elle en a eu dans la grâce par hi transfiguration de son Créateur; elle en découvre les provinces qui l'on la Samaric et la Judée; lui et enfin elle commande la Galilée : sont voisines et entre autres peut servir en quelque sorte « (I L'on m'jissure qu'une Indienne à Acre en travaillait (des cotons filés) d'une finesse surprenante. Pour ce sujet, elle tenait l'ongle du pouce gauche long |irodigieusement, et un trou presque imperceptible fait dans cette longueur lui servait à jiasser la laine du coton qui était dans sa main gauche de la grosseur d'un œuf, et si bien battu ijuc les fils en paraissaient aussi déliés que des atonies. Son iiiéine ongle était percé en deux autres endroits: mais les ouvertures en étant un peu plus grandes, le coton qui y passait et qu'elle filait de l'autre main ne produisait pas un fil si fin. o Lettre du fSjuin : 1074 voya(;e des échelles Lt; \b3 d'un rifKjuit'me livre de l'^vangilo, imprimé par Jésus-Christ lui-même a été et par Jésus glorieux, communiquée, sa hauteur naturelle fait voir au-dessous principaux lieux où ce Sauveur des âmes a d'elle les samment si puis- travaillt'. » Plus loin, en partant de Tripoli, jours dans la outre la gloire qui lui puis(|U(', le Liban nature des Alpes et s'étonna il s'enfonça pour quelques de retrouver, sous le ciel d'Orient, des monts grandioses, poussant vers : leurs cimes tourmentées, des torrents écumeux le ciel se tordant au fond des ravins, des vallons retentissant du bruit des cascades. A mi-côte se dessinait une dentelure de donjons et de castels; des villages blancs s'entouraient vivaient ces Maronites de du Liban que naguère sous sa spéciale sauvegarde adoptés pour fils. Les chefs de murailles cri'nelées; là saint Louis ([ue la et avait pris France avait tribu, le clergé surtout accueil- ne se lirent à bras ouverts leurs frères d'Occident, et ceu.\-ci lassaient point d'admirer la candeur de ce simples et douces quand ; ils se virent à la table entouré de ses principaux prêtres, un cénacle d'apôtres bon peuple, ses mœurs ils « dans ». Continuant à gravir, ils fond d'un cirque bordé île atteignirent la région des cèdres. Au cimes ardues et de neiges éternelles, géants déployaient leurs ramures les arbres du patriarche, crurent se trouver : leurs branches noueuses s'étendaient en tous sens, se tordaient, s'entrelaçaient et faisaient une succession de dômes. Lo sissant, empreint d'une gravité lement Dans lit : il portait au recueil- et à la piière. ce grand temple vert aux rugueuses colonnes, dresser un autel et ciianter la messe, variant ainsi nature lui .Nointel le théâtre où se complaisait son imagination et dont fournissait le cadre incessamment renouvelé. Le de ces scènes à la mystique lieu était d'aspect sai- effet patriarche des Maronites, qui l'avait accompagné, admirait sa piété et exaltait la France. Ce sainte pauvreté, il prélat chef de peuple eût voulu se mémoire de Louis XIV dans sa ne trouva rien de mieux à oflrir qu'un mor- rappeler par un présent à la : LES VOYAGES DU MAUOUIS DE NOINTEL 154 ceau (le bois de cèdre, pris en plein cœur de cette matière dure, vénérable, incorruptible, larlire, afin qu'en on pût sculpter un buste du Roi Très Chrétien. Rentré à Tripoli, Nointel s'apprêtait à reprendre des députés de sollicitant la la mer, quand colonie française d'Alep se présentèrent à lui, pour leur l'honneur d'une ville douze journées de marche dans visite. Alep n'était qu'à l'intérieur, Alep. l'un des grands carrefours du Levant, où tous les ans des caravanes interminables, qui mettaient liuit jours à défder, apportaient les pro- duits de la Perse et de la haute Asie. Notre un de ses principaux comptoirs, mais les commerce tenait là Anglais et les Hollan- dais nous y faisaient rude concurrence. Nointel se pardonneraitil de négliger ce poste important? Laissant sa tartane pousser sans lui jusqu'au bout de golfe d'Alexandrette, avoir fait il syrienne la côte décida de un grand tour dans la l'y et l'attendre dans le rejoindre par terre, après région d'Alep et de la haute Syrie. Vers Alep, le danger du voyage venait de certains postes de soldats turcs échelonnés sur les routes avec mission d'en assu- rer la sécurité, vanes. La moyennant une taxe à prélever sur sions et à pilleries; dévalisaient les voyageurs, quand ils les assassinaient pas le : de tous les leurs ils ne brigands dont fourmillait pays, ces gendarmes à la turcjue étaient Une de les cara- perception do ce péage leur était prétexte à extor- le plus à craindre. bandes, sortant inopinément d'une caverne, essaya d'exercer son industrie aux dépens de l'ambassadeur de ses gens. Une décharge d'armes à feu eut heureusement son de cette canaille : on les poursuivit même et rai- dans leur tanière, accompagné de drôles à mine de démons, demander grâce à Nointel et baiser le bas de sa robe. On et leur chef, vint leur jeta alors quelques sequins. Plus loin, la rencontre de Turco- mans nomades annonça s'élargissait, la proximité du désert. L'horizon devenait immense, éclatant à la fois et morne. L'air s'embrasait; le soleil dardait des flammes; la violence de la lumière brûlait les veux; il fallait faire route la nuit et se vnvACK m:s i.K reposer le jour, quand ou i5S i:(:iii:i.i.i:s avait découvert queUjue asile de ver- dure et d'ombre. A lée, une demi-journée d'Alep, une venant vers le camp : brillante cavalcade fut signa- rencontre de l'ambassadeur. çais, la nation, qui se portait à la Celui-ci reçut les corps des marchands fran- c'était le marchands sous sa tente et les accueillit roya- lement, siégeant sur un lit Les Anglais aussi Hollandais étaient venus. Les premiers et les de repos couvert de velours cramoisi. superbement montés, vêtus avec un étaient gens de belle mine, luxe étoffé et cossu. habitudes, leur pays une : Ils avaient importé au fond de l'Orient les train de vie confortable et le jusqu'aux plaisirs de temps se passait à oi'ganiser des partie de leur chasses à courre, parfaitement réglées sous un maître nommé à l'élection. Parmi eux, cadets de grande famille, exilés ment « des au loin pour apprendre le d'équipai/e, Magni s'étonna de trouver des fils de milords commerce ». (]ui s'étaient et faire personnelle- fortune. Anglais et Hollandais eussent voulu s'adjoindre au cortège de l'ambassadeur pour l'entrée en n'avaient pas jugé repoussa un à hommage propos ville; de les comme leurs consuls accompagner, iN'ointel qui n'était point dans les formes. Les étrangers ne purent qu'assister à la mise en ordre et au départ du cortège, qui était réellement imposant : des trompettes d'abord, huit janissaires, huit drogmans, dix valets de livrée, plusieurs chevaux de main, un coureur tout habillé de rouge et d'autres vêtus à la grecque, entourant la personne de l'ambas- sadeur, la nation derrière ; en tout, sans compter les piétons, cent cinquante cavaliers, parmi les(|uels se faisait remarquer par la le tchaouch de la Porte longue penne dont il décorait son turban aux jours de cérémonie. •Vprès quelques heures de marche, un vieux château fort parut, debout sur une hius(|ue saillie de rochers, et tout autour la blanche Alep, enlacée de verdure, noyée de linnière, iiérissée de minarets et de cyprès, s'épandaitdans le nombre, la la plaine. A l'intérieur, beauté des mosquées, excitèrent l'admiration. LES VOYAGES DU MAKOIIS DE NOINTEL 136 ainsi que l'immensité du bazar, qui formait un dédale de galeries Dans Alep couvertes. et peuples et de cultes aux environs, c'était une confusion de des musulmans, des chrétiens de tous : genres. Maronites, Arméniens, Arabes, Clialdéens, Syriens, et parmi ces derniers groupes un mélange de catholiques dissidents à côté des : musulmans et des chrétiens, des et de gens qui n'étaient ni l'un ni l'autre, d'étranges sectaires, des Ye-idiiis ou adorateurs du diable. Nointel croit que leur culte se rattachait primitivement à l'hérésie d'Origène, « mais, selon en reste aucune teinture que de reconnaître le lui, ne leur il diable pour leur dieu ou du moins de ne pas vouloir qu'on en dise du mal, crainte de s'attirer sa puissance (1) jtartie ». Ces peuplades vivaient en près d'Alep, retranchées dans la montagne, mais de la France était venu jusqu'à elles. Une le nom nuit, leur chef se glissa dans la ville, visita très secrètement l'ambassadeur et lui dit qu'il s'offrait le monarque d'Occident puissant armes la Alep au Roi, avec trente mille lances, pour le se déciderait à tàter par les un grand centre de missions. Franciscains de Terre était retenir dans le giron de l'Église. Point n'était besoin de stimuler le zèle des trois ordres principaux, mauté exhibant des : titres anciens ou récents, aspirait à la pri- se disputaient aussi les conversions avec ils d'àpreté (jii'eussent pu le faire des denrées. .Nointel, elle qui « La fit et même au nom des Svriens par le cins, celui des Jésuites se présenta avec exj)liqua le discoui's arabe. ;i «'crit judicieusement ne suspend pas l'ambition : c'est essuyer deux compliments, car, après un en fran- çais, pron()nc{' Nointel autant marchands pour de lucratives de missionnaire, (|ualit('' ne détruit me mais plutôt de calmer modérer leur concurrence. Chacun leurs ardentes rivalités, de d'eux;, (t) Carmes conquérir les dissidents, à les ramener, italiens, tra\"aillaienl à il oîi Syrie et la Palestine. Sainte, Capucins et Jésuites, sans compter quelques à les cas l'omiionne, i»m;ii » l(i73. supérieur des Capu- un jeune homme dont i.K Assumant vôv ai;k de pacificateur le rôle ijii i:i.m;s I)i;s 157 Nointel réunit les et d'arbitre, relig^ieux en assemblée plénière, et ce ne fut pas l'une des moin- dres singularités de son voyage que de le voir jjrésidcr une manière de concile. Dans cette fonction, il fut imposant digne; et après avoir donné successivement la parole aux oliefs rents ordres, après a\oir écouté leurs requêtes, rendit, au du Roi, des ordonnances qui domaines respectifs il des diiïé- que mal di'dimitaient tant bien ménagèrent une paix, une trè\e et nom les plutôt, promptcment dénoncée. Vis-à-vis des cbréliens indigènes, car, tout schismali(iues et lité, il se montra hétérodoxes idein d'affabi- qu'ils fussent pour la plupart, leur vénération pour la France témoignait en leur faveur. 11 re<;ut leurs patriarcbes, visita leui's églises, et ce soin lui valut d'assister à une toute sa pompe. cérémonie, fort belle s'y était Il rendu trompettes et des tambourins... Les Syriens, « ». raconte-t-il, remplissaient par leur Le leur église, leur cour et les toits venu recevoir in pontifkalihus ma compliments, m'informa de ce du Roi et sur le sujet de du la monie au un et (|iii' ([ui Sa Majesté. Tous les de. (ju'à je leur ai : donner des preuves de (|u'ils \n tirent par l'aire laite de prosternations à terre qui me juirnrent expresses, suivant l'observation (jue j'en assurances qui m'en ont été données. « ai et croyance (pji a\ait (Hé en grande c(''r(''- mes trompettes, musical formé tout d'un coup par femmes sans aucune prononciation de paroles; les la des actes positifs de l'Hostie son élévation fut comme nom- ténmignèrent pas moins de zèle bruit des sonnettes, des timbales, de cri clair et des des prières solennelles prospérité Transsubstantiation, ce consaci'ée en pain levé et à ma venue \w d'union en ce rencontre lie la et y prêcha à la louange qu'il rite syrien, tant schismatiques en très grand bre fjue catholiques, de l'adoration patriarciic ([ui m'était gauciie, j'entendis sa messe, j'y reçus ses y furent cbantces pour assistants abondance avec son clergé, des cierges encensoirs, étant à l'on syriaque déploya oij le rite avec sa maison, au bruit des « ce (pii les fut siii\i générales et bien pu faire et suivant LES 158 DU MAKuriS DE XOIXTEL V(lVA(;i:S Après plusieurs semaines passées entre De Nointel continue sa pointe vers l'Est. tant ni comptoirs murs d'Alep, les ce côté, il n'existe pour- à restaurer, ni missions à inspecter ruines, ses solituiles sans le dé- : monotones, ses horizons coupés de sert déroule ses ondulations tombeau fin, mortes. Mais c'est précisément gisent les civilisations oti l'attrait de ces grands souvenirs qui captive notre ambassadeur et l'entraîne encore une fois à En septembre, malgré de lointaines pérégrinations. torride, il s'avance jusquà lEuphrate, où demi morte de chaleur et de soif. la saison caravane arrive à la De longues barques errant sur les eaux permettent d'accéder à la rive opposée. Là, sur la grève brûlante, Nointel le fait dresser sa tente et contemple à loisir Babylone. Mais fleuve qui baigna recueillir et à s'absorber dans ses pensées. La mise en scène est nécessaire, indispensable tion. : il la lui faut lui pour aidera son émo- on célèbre un service solennel sous sa Par ses ordres, grand silence tente; puis, dans le ne se borne pas à se il grave, profond, scandé par le ilu un chant désert, bruit des fanfares vane tout entière qui entonne à pleine voix : le s'élève, c'est la cara- cantique des FTébreux. Le signal de revenir en arrière fut enlin donné, et Nointel se rapprocha d'Alep, mais celle ville. Sa suite était plus fois ne lit guère que traverser nombreuse que jamais, extraordinaire de peuple pour le la et quelle affluence contempler! ( Je puis vous assurer, écrit-il au ministre dans un accès de naïf orgueil, que j'avais peine àpasser dans les rues. côte, il prit augmentant un » Pour retourner d'Alep de celui par lequel il était à la venu, somme de ses impressions et de ses sou- avoir cherché sur les lieux les traces de saint ainsi la venirs. .\près Siméon cliiMiiin dilférenl Stylite, mains, traversé « visité plusieurs sépultures la célèlire \ ilh' d'Anlioilie cl des anciens Ro- lOronte ». après avoir parcouru de grands espaces calcinés, franchi des défilés, contonriu> des montagnes, nos voyageurs au bout de lliorizon, l'innuensité bleue. lancre dans un \tin{ La retrouvèrent enfin, tartane se tenait à du uolfc d'AlexiindrelIc. exacte an leiidez- LE VOVACi: VOUS la le 3 : KCllK lll'S I.I.ES 15!) rembarqua pour octobre. Nointel s'y se diriger vers Grèce. Voir Athènes avait été de tout temps l'un des rêves de sa Pi'ès lie le réaliser, son impatience ilarriver au but ne oublier ses habitudes de voyageur consciencieux, aux bons endroits, attentif soient révélateurs et, tifs « : aux minimes comme nous détails, lui vie. pas s'attardant pourvu (piils dirions aujourd'hui, sugges- exprime dans ce passage d'une c'est bien ce qu'il lit lettre : Je tâche de m'instruire de toutes les particularités, profitant de ce que je vois et que j'entends, et de ce qui s'est présenté géné- ralement dans le cours de mon voyage, ne laissant rien échapper des moindres choses qui m'en font conclure de plus grandes. Repassant par (Ihyprc. par il fût reteim dix jours, » non seulement besoin de tout voir, mais aussi par un de ces incidents qui le prennent, en pays levantin, les proportions d'un événement. s'agissait d'une rpierelle de préséance. A Larnaca, Venise, se figurant peut-être que sa république tresse de l'île, avait osé contester la agents dans tout l'empire turc personnage avait chétif fait : le était Il consul de encore mai- prééminence reconnue à nos en pleine église paroissiale, ce déplacer et jeter de côté la chaise de notre consul, liien qu'elle portât les armes de France, pour v substituer la sienne. Cet outrage aux pour le lis met Nointel hors de venger, pour obtenir réparation, il écrit h la Porte, à la Seigneurie de Venise, à la cour de France. Mais tenu auparavant à foudroyer il le coupable d'une lettre lui : Sublime il a dans laquelle a déployé' toute sa puissance d'in\eclive. Qnelqiies passages de celte extraordinaire missive montrent alors un ambassadeur du Roi nos prérogatives « ton (jue se permettait : Monsieur, je vous (|ueje le vis-à-vis de (juiconque attentait à veux bien vous fais riioniu'ur faire connaître sur votre conduite, plutôt afin (pic i.lc \ous écrire, parce moi-uième mes sentiments vous n'en puissiez doulcr que par aucune envie que vous y apportiez remède, sachant bien moyen de le procurer d'oîi avez commis une insolence le donc que vous il doit venir. Sachez et une témérité dont j'aurai la répa- LES VOYAIiES 160 ration, n'appartenant pas à aucune d'avoir si MAROIIS D T 1)K XOIXTEL nne personne de votre estoc ni peu d'égard à la signification dans laquelle fi mon consul vous énonce les ordres qu'il a reçus de moi que de la traiter de di vnnità c di lixggie (1) jiieiia ; c'est Soyez certain de l'une et de l'autre vous qu'il est êtes rempli (]ui faux que l'église des PP. observantins de Larnaca soit votre chapelle, que celui qui en a la direction soit votre gardien, ni (ju'elle ait été établie de vos deniers, puisque c'est de ceux de la Terre Sainte. vrai que c'est ([u'elle est une paroisse, commune Il est en a pas d'autre à Larnaca, qu'il n'y à tous les Francs, et que ceux d'entre eux à qui la préséance appartient en doivent jouir dans ce lieu sacré avec les marques d'honneur qui en sont inséparables : ayez-y dix chapelains et autant d'aumôniers, vous n'en aurez pas pour cela plus de droit de les armes de vous y que par un emportement de de fixer une prééminence et d'abattre France. Voilà votre crime qui ne peut être excusé la la raison, et je crois que folie qui vous aurait privé de l'usage auquel vous pou- c'est le seul parti vez vous réduire. L'avis que je vous en donne est aussi le plus doux traitement que vous méritiez, et afin que vous ayez l'avan- tage qu'il soit public et certain qu'un ambassadeur de France, tel que je suis, vous ait si bien traité que de vous écrire, j'envoie copie de celte lettre en France, à Venise et à Constantinople, car autrement, que je vous naire si vous vouliez donner de simples assurances ai écrit, on pourrait l'imputer à votre superbe ordi- (2). » Toujours à Chypre, Nointel liantes autorités lia ecclésiastiques connaissance avec l'une des de l'Orient. L'île possédait depuis des siècles et a toujours consei-vé une Eglise grecque autonome, autocéphale, suivant l'expression moderne, et tpii ne reconnaît au siège patriarcal de Constantinople qu'une supré- matie d'iionneur. Le chef de cette Eglise, rarclievéque Cicala, vint présenter ses devoirs à l'ambassadeur in pontificalibus, et tout de suite, en quelques traits de jiluine, Nointel nous rend (1) (2) Pleine fie vanité et de mensonges. Arcliives (les .VITaires étrangères. ConslaïUinoplc, Xll. VOYAGE UKS ECHELLES Li: Taspect extérieur ilu personnage, avec ses attributs caractéris- tiques, et le pose en pied le haut était ICI : couvert d'un manteau dont « Il était autre couleur, le reste étant plein en noir à la main, qui est plus haut que ; son bâton lequel se voyait sa croix. C'était un habile qu'il tenait orné de nacre de perles lui, était surmonté d'un globe en argent représentant et le monde, sur » homme que cet archevêque, possédant à fond langues orientales et les canons des conciles, ayant les étudié à dune partagé en bandes de satin bleu, rouge et Rome et parlant latin, ce qui même ne lempèchait point de nourrir les plus mauvais sentiments contre la véritable Éghse reste, prélat usurpateur et simoniaque. La conversation : au s'en- gagea, et l'on se mit facilement d'accord aux dépens de l'en- nemi commun : on dauba sur Calvin et sa secte. Toutefois, cette rencontre avec l'un des docteurs de montra hypocrite et de Nointel contre les Grecs tire de 1 leur clergé et entretien, c'est « que le ner les Grecs, et qu'il n'y a puissent mettre à la raison Quittant enfin Chypre, y atterrir : il Cyclades, mais la loi ortiiodose, qui se cauteleux, ne dissipa point les préventions : la conclusion qu'il Turc a trouvé que le le secret de domi- bâton et l'esclavage qui les ». il laissa Candie sur sa gauche, sans ne pénétra pas à nouveau dans le groupe des le contourna, frôlant les quefois. Alors les ovations de Cliio. de arrêtant quel- îles et s'y Naxos recommençaient ; c'étaient des chants d'allégresse, des harangues, des décharges de boites; la consonuuation de poudre qui se voyage du trésor que cet l'ile fit durant tout le fut effrayante. Xointel visita ainsi Milo. sans se douter ilôt recelait dans son sein. Il visita Sanloriu, brûlante, fumante, gonllée de lave en fusion et trouée d'in- candescents cratères, agitée de continuels remous, l'étrange mouvant terroir où semble se poursuivre le travail primitif et du globe. Cependant, à mesure que l'on avançait vers le nord, la mer se nettoyait d'îles. L'une après l'autre, les dernières Cvclades s'enfuirent à l'horizon. Vers l'est, la côte du Péloponèse 11 LES VOV.\r, ES nu MA ROUIS DE NOIXTEL -162 allongea ses arêtes dénudées et la dentelure de ses cimes devant lumière; ; d'Égine s'ouvrit, éblouissant de golfe tartane, le la 14 décembre, les voyageurs débarquaient sur la le plage du Pirée. ATHENES. Désert plus que et ruiné, ayant perdu jusqu'à son nom, port Lion; le on dut coucher sous il la n'offrit même le Pirée n'était pas un abri pour la nuit; tente. Le lendemain, de bonne heure, Nointel se mit en marche vers Athènes et se prépara à faire dans cette ville sainte de l'art une entrée moins pompeuse qu'à Jéru- salem. Grâce à scène. la minutie de son La garnison récit, turque, avec est facile de il ['(irja recomposer la ou gouverneur, s'avançait premièrement; l'andjassadeur venait ensuite, entouré de ses estafiers et de sa livrée; après lui, les consuls de France et d'Angleterre, suivis d'une lile de marchands et de curieux. Les trompettes turques mêlaient leur son lugubre, leur note stridente et prolongée, aux fanfares de nos pays; Anglais flottait nuancée de auprès du drapeau brillanls la bannière rouge des fleurdelisé. La colonne, costumes, s'allongeait dans cette phiine mon- d'Attique, qui se déploie, poussiéreuse et nue, entre des tagnes aux tons clairs, aux cimes rosées, appliquant sur d'azur leurs lignes sèches et hues, la le ciel amoureusement modelées par nature; au loin s'élevait Athènes, signalée parle roclier de l'Acropole, dominée parles lianes déchirés du Lycahèle et le Pentélique aux masses sombres. Dès que voit encore 1' on eut dépassé le bois aux portes d'Athènes et d'oliviers que le voyageur dont Nointel a soin de noter l'existence, les vestiges de la cité antique s'offrirent à sa à chaque ruine, à chaque éminence couronnée de débris, vue : la Ira- LK (lition, au milieu de ces souvenirs qui se levaient et ce fut toutes parts, Tenvironnaient, renivraicnt, qu'il (]ui Athènes une arrivée de triomphateur. Au de palais, qui produit; il lui 103 un graïul nom ou une scène vraie ou fausse, raUachail fameuse, (le \(>VA(.I-: l)i;s liCHF.I.I.KS logis^ commencé, tourne court, avec cette naïveté Je ne pus rien manger, été préparé il ; me emphatiquement (pii qu'il suffit d'en goût dit-il, dénonce une si et vulgaire : d'un dîner à la turcpic qui m'avait fut aussi impossible de boire tellement aromatique et le nom a été réservé, l'illusion cesse, la déception se impression vraie, et s'acheAc sur un détail typi([ue num, dans se retrouve en pays barhare, chez les Turcs, loin de toute civilisation, et c'est ainsi que son récit, « lit décoré du mêlé de poix demeurer et du vin du pays, de l'odeur du lauda- à l'odorat sans en incommoder (1). » Les principaux habitants de la ville, les anciens, vinrent lui porter leur compliment: mais ces Athéniens ne rappelaient eu rien, par leur aspect, h-urs ancêtres un aréopage de mendiants « devant les ruines, les fameux : Nointel crut voir Son enthousiasme se ranima sites antiques, et surtout à la vue de ». l'Acropole. Cette forteresse naturelle, dédiée par Athènes au culte de la patrie du beau, servait aux Osmanlis d'arsenal (?t d'armes. y tenaient garnison; Ils ils lavaient enclose de railles, ils y avaient accumulé des batteries tructions, ils en avaient obstrué et les ordres En lUU!), les accès, ; loin, mu- par de laides cons- encombré sonmiet, le de l'aya en interdisaient rigoureusement l'entrée. deux Français, Monceau.x et Laine, visitant avaient dû se retirer sans pénétrer dans l'Acropole, et en de place et quelque voyageur parvenait à s'y glisser, il Athènes, si, de loin devait se contenter d'y jeter un furtif coup d'œil. Grâce à sa qualité, Nointel fut plus heureux; officielle (i) i'nc granité paitie |iar le et il obtint les honneurs d'une entrée dans l'Acropole, au bruit du canon; faveur plus préde salettre, datée du 17 décemljre ICTi. a été puljlice lomte de Laliorde dans son XVII" xièclcs, t. 111, p. \U à IGO. savutit ouvrage sur Alliéiies aux w, xvr' l.KS \()VA(.i:S ici cieusc, il Dr MARUI IS DK .NOi.NTi: I. obtint licence d'y retourner cl d'y passer de longues monuments de heures, d'étudier ù loisir les l'art grec qui s'y ([ui se creusent trouvaient prisonniers. Sur l'Acropole, au liord de pentes fait abruptes Les Atiiéniens en avaient en précipice, le Parlhénon s'élève. l'enveloppe et l'écrin de leur plus vénéré joyau, de la statue de la grande déesse d'or et d'ivoire qui protectrice, sur la belle Aujourd'hui, ville. des ruines : à Parlhénon le que n'est la l'époque de Nointel, le temple debout, dans sa mâle structure régnait plus restait l'incomparable harmonie de et ses formes. Les une une église grecque, les Croisés ger de trop renversé. chis à la Une mosquée s'était Mais les quatre faces, la église latine, sans lui inlli- logée à l'intérieur non ses mui's blan- : chau\ se montraient dans l'intervalle des colonnes l'édifice. nance, avait fait L'Islam l'avait profané, sensibles atteintes. dori(pies, hàlées par le soleil, et ment Le Bas-Empire en siècles l'avaient respecté. et la la un minaret coill'ait scandaleuse- colonnade continuait à se déployer sur sans qu'aucun vide en rompît la superbe ordon- décoration extérieure subsistait. Le temple conservait couronne de sculptures que lui avaient tressée Phidias et ses Les Turcs avaient frappé les marbres à coups de marteau et de sabre; ils avaient décapité ou défiguré beaucoup de statues, mais ne s'étaient pas donné la peine de détruire l'ensenible. élèves. Au-dessus des colonnes, sur tout relief, le pourtour, des groupes en des combats de Centaures, de Lapithcs, d'Amazones, de géants, de guerriers, continuaient à orner les métopes, dans leurs cadres inviolés; le fronton de l'est, déjà mutilé, montrait la naissance de Minerve, avec l'admirable groupe des Parques; celui de l'ouest, à et peu près inlact. montrait de .Neptune se disputant l'empire de s'allongeait, dans un déroulement la liille l'Atticine, et de Minerve sur la frise de comj)osilions parfaites, la procession des Panathénées. Dès que Noint(d ml v[r mis en présence du Parllié'uon, ce furent ces chel's-d'd'uvre qui le saisirent aussitôt et le jetèrent l.K VOVACIC ItF.S littéralement en extase. Sans cette ignorance ajoute à sens esthétique Rome, où grecque en lui romaine, il n'avait vu très le récit oîi nous axons qu'à tra\ers la l'antiquité privée de retoucher les marbres .\ le présent, c'est l'art grec intact, d'un coup premier le : choc en cpi'il de son admiration, jet ces miracles « « qu'elles surmontent ce de [{omi; les reliefs et les statues écrivain A » ; appelle l'Acro- il trésor où sont renfermées ces merveilles », et afiirme « le justement dans de son impression, et émotion profonde. parle avec ravissement de pole — — son auteurs les discerner la beauté sans égale. fit et divin, qui se révèle à lui tout Dans . la sincérité s'était point ressentit fut A'iolent, son il en connût i[u"il de les approprier à son style. nu 163 Cil 1:1.1,1; S avait cru se familiariser naguère avec la sculpture il et Renaissance, qui ne et i; ampoulé qui fleurit son style ». de plus beau qu'il v a Et ici ce n'est plus un et fait ronfler ses périodes : c'est un adorateur sincère de l'antiquité, un amant du beau, dont la ferveur déborde. lui. Il reste tellement ('bloui. fasciné, hors do mots inaïupicnt (pic les impuissant à donner ilès à son entiiousiasme k pressent il : une description suivie de ce qu'il a vu et ren\ oie ce soin à plus tard : se déclare détaillée et m'était k S'il possible d'exprimer maintenant la riche confusion (|u'un ordre et une disposition si bel si vivante, et une expression de tant de passions différentes, ont laissée dans mon esprit, je reiitrc]jreii- drais avec plaisir; mais ayant besoin d'y méditer de nouveau, vous me permettrez. Monsieur, d'en renietti^e l'enlrcpiisc à un autre temps. En lui, » cependant, un sentiment de convoitise réveillé, l'avidité du collectionneur session des marbres, non pour lui. s'est cl ranimée. 11 d'ernie s'est rcve mais pour son maître la : posil les voit déjà ciiez le Roi, entourés de soins et d'honneurs, soustraits aux barbares galeries de : « Ils mériteroient d'être placés dans les cabinets ou Sa Majesté, oii ils grand monar(|ue donne aux duits; ils jouiroient de la proledioii que ce ails et aux sciences qui les ont pro- y seroient mis à l'abri de l'injure du temps alfronls qui leur sont faits par les Turcs, qui, et des pour éviter une LES VOVA(iES DU M.VRUUIS DE XOIXTEL 166 une œuvre méritoire en leur idolâtrie imaginaire, croient faire nez ou quelque autre partie. On arrachant le courut première pensée du rapt accompli plus tard par un la » peut dire qu'il autre ambassadeur, pour le compte d'une nation rivale, et qu'il le commit en A intention. voulut du moins rapportei- des dut à cette inspiration de rendre à l'histoire de l'art défaut des originaux, copies^ et il un signalé il service, sufflsant à lui seul imagina de faire mener avec Ini, pour honorer son nom. dessiner, par le peintre la série qu'il continuait Il à des sculptures du Parthénon, et de rendre ainsi à l'admiration des connaisseurs ces magnificences oubliées. C'était là une entreprise vraiment de fécondes consé- utile et quences, mais d'une exécution singulièrement malaisée. Sans parler de la hauteur où se trouvaient placés les modèles, quel- que conflit était à craindre avec les Turcs sacre de statues qu'ils avaient il à l'aspect du mas- : en tous lieux, Nointel n'avait- fait pas acquis mille preuves de leur horreur pour la représentation de la figure humaine? En cette occurrence, qu'il était négociateur par l'ami des arts moment : état, et le se souvint à propos il diplomate vint en aide à à la suite de pourparlers habiles^ appuyés au l)on par un cadeau consistant en étoffes, en café, et en une demi-douzaine d'oies de première grosseur, Vaga promit non seulement de tout tolérer, mais de tout protection de ses soldats que Quel tableau! l'artiste, ses le tra\ ail faciliter, et ce fut sous la commença. crayons à la main, établi au pied du Parthénon, tâchant de démêler et de reproduire la disposition des groupes, le jeu des draperies, l'altitude et le mouvement des corps; à ses côtés, deux janissaires montant la garde, afin que nul ne songeât à le molester; puis l'ambassadeur, revenu l'Acropole incognito, se penchant sur le dessin sant à voir paraître sur le papier et des victoires que et le pressant, la patience des <à se plai- des centaures, des combats de ceux-ci, des triomphes, des sacrifices rageant son peintre ordinaire faire vite et « commencé, Turcs ne car fùl il », encou- importait de pas mise à trop i.i: voVAci; ni-s 16" i:(;iii:i.i,r.s longue l'prcuve. Sous cet aiguillon. le. travail, quoique exécuté avec i)çaucoup de soin, fut lestement enlevé. En quinze jours, Nointel obtint une suite de dessins représentant deux cents figures des frontons, des métopes et des frises, dont pleinement se déclara il satisfait (1). Depuis, de bons juges ont apprécié l'œuvre avec moins de partialité. Ils y ont signalé, à coté de fections, des faiblesses, surtout la qualité.s réelles, des imper- méconnaissance du style antique, défaut ordinaire aux artistes du dix-septième siècle. Mais les événements devaient doimer incontestable valeur et en faire à ce travail bàtif une un document de première impor- tance. Le Parthénon eut jjIus Treize ans après mée le entre Venise la bre soud'rir des civilisés (pie des barliares. passage de Nointel, cl la vint assiéger Atiiènes. de ;i la guerre s'étant rallu- Porte, Tarméc du provéditeur Morosini Les Turcs firent de lAcropole résistance et du Partlu'iKMi leur poudrière. bombe 1786, une détermina une explosion qui tre s'écroula, Après la creva ^•('•nitienlle le une partie des sculptures prise deux : dental, pour la latérales vola en éclats. de l'Acropole, les Vénitiens aggravèrent leur transporter dans leur ville. Sous se pulvérisèrent. Plus tai'd. en 1787, Clioiseul-Gouffier. aidé du quel(|ucs morceaux. sait le sol et un ambassadeur de France, savant Fanxcl, Une suprême comment de occi- main de la ces spoliateurs maladroits, les statues toml)èrent sur monument. On et tout le cen- en essayant d'eidever la décoration du fronton forfait centre de l'édifice la loilnie coujia en le Le 28 septem- (i( main l)asse sur injure était réservée au noble 18(11 h 18(K5 raml)assa(leur (1) C'est une Iradilion ofliciellement admise que cl'attril)iier les dessins du i'arlhénon à un peintre français, Jacques Carrey, natif de Troyes et élève de Le Brun c'est lui qui aurait accompagné l'ambassadeur pendant le voyage en Grèce et travaillé sous sa direction. Nous estimons que celte altriliution est erronée, et que les dessins sont l'œuvre du peintre flamand qui resta auprès de Nointel après la mort de Romliaud-Faidherbe. Voyez à lappendiee, sous le chiffre III. l'exposé détaillé des motifs qui ont fait notre con: viction. AOYAGES DU I.ES 1C8 M AUnlIS DE MUNTEL anglais Elgin, abusant d'une permission surprise nement turc, cher, emballer, la au gouver- procéda à une dévastation métiiodiquc, fit arra- embarquer un grand noudire de métopes majeure partie de la frise, échappée à Ces dépouilles exquises passèrent dans à l'exception d'un certain nombre la destruction le et de 1786. musée de Londres, d'entre elles, qui se perdirent en mer. Trente an» plus lard, après la guerre d'indépendance, où les restes du Parthénon eurent à soufl'rir des boulets de Reschid- Pacha, Dans les Turcs étaient définitivement expulsés Grèce libérée, la l'Acropole. On l'y vit moderne la science apporter son ardeur de reciierches, ses procédés rigoureux d'investigation vérité. Elle d'Athènes. possession de prit ne rabaissait plus les et de critique, sa passion de monuments antiques à l'état de mines fécondes en marbres sculptés et en beaux fragments, bonnes à exploiter pour le cabinet des curieux la vie civile et religieuse temples grecs, elle Quand des anciens : l'art, les en présence des demeure des dieux, s'appliquait à par la pensée. elle entreprit pour le Parthénon cette reconstruction idéale, elle fut naturellement ration y vovait un cherchait à se les figurer dans leur état pri- mitif et, loin de dépouiller la la relever elle mieux connaître objet d'études, destiné à nous faire mœurs, : extérieure : elle amenée à se préoccuper delà déco- voulut en déterminer les différentes parties, leur emplacement, leur sujet, leur sens, rétablir leur relation et leur enchaînement. Pour cette tâche, elle eut recours aux originaux transportés à Londres, aux fragments recueillis au Louvre ou dispersés dans d'autres musées; mais comment suppléer à l'absence de tant de morceaux disparus pendant les désastres successifs du anciens, Pausanias; Parthénon On avail mais quelle description pris sur nature? L'o'uvre combler une lacune .' (|ui commandée sans elle eût i)ien les textes vaut un dessin par .Xointel vint alors été irrépai'able. Tous les explorateurs, tous les historiens du Partiiénon, y compris les jdus célèbres, rmit apjicléf à leur aide et ont témoigné de son I.K utilité VOV ACi: C'est donc (1). tièiiic siècle ItKS CllKl.LES ! au l'artiste et ;i Uiil du (liploniatc Ne de restitution intégrale et précise. leur disputons pas une part de notre reconnaissance, quand, parvenus au l'Acropole, en face des ruines du teni})l('. d'éxoquer, dans une nette et sommet de nous goûtons la piu'e monument jouissance de recomposer en esprit l'ensemble du table dix-seji- que notre époque à dû de mener à bien son œuvre et sublime vision, ce tvpe d'inimi- ordonnance, d'élégance roi)usle où revit et de perfection, tout le génie d'Athènes. Dans le reste do la ville. Noinlel lumc, en quête de sculplures, de mis. suiv;mt sa cou- s'était de bas-reliefs. stèles, Il v a\ait jjeaucoup à récidler, car partout lantiquc Athènes perçait encore sous la grande bourgade à terre pas, avait succédé. lui (|ui autour des principales ruines, c'était dans une poussière de marbre; dans un fût de coloime au.\ .\ chaque pas, un tronçon de statue gisant chaque les rues, à moulures délicates, un chapiteau finement sculpté, un débris de temple, encastrés dans d'iiifor/nes bâtisses! Nointel convoitait toutes ces [iroies cl Iniilail emparer. Pour l'aider dans sa tache de ravisseur, à la vérité, son au.xiliaire habituel tine, (lalland lui avait faussé : tement en France, voulant peut-être premières découvertes; il après compagnie \ le rap|iorler ( retourné direcle les emporté, vestiges d'Athènes tout ce lui (|ui fruit à l)atincr, et pou\ait être détaché, semblait de bonne prise. Entre autrrs objets, s'appropria une longue table de marbre décou\ erte dans lage d'une église; elle porte gravés les niens de de ses (rient ([iie plus tard. Mais Nointel n'en contiimait pas moins à glaner, daus de s'en n'avait plus, séjour en Pales- et était ne re\iendiait en il la tribu noms des il le tlal- guerriers athé- Erechtéide qui périrent à la guerre en l'an i'ifi. (1) Voyez nolamment Ueci.k, l'Aci-opole: .Michaki.is. Der Piirllicnon : Coi.Licxox, Wistoiic lie la sculpture [jrerque. Rien n'est plus inslruclif et probant que l'étude approfondie de M CoIlii;non, laite d'ai)rés les dernières données de la science française et allemande à chaque instant, notamment aux p. 6. 7, 10. 19, :M. 34, 35. ;!8. il, iS, 38 et 04, t. I", le savant auteur recourt, pour expliquer et reconi; oser la décoration, aux dessins exécutes par ordre de Nointel. : NOIMEL LES VdYAGES DU ^lAROlIS DK 170 commencé Cette inscription est restée à la France et a notre collection de textes épigraphiques. Ce siner. qu'il ne pouvait emporter, notre ambassadeur le faisait des- Son peintre était toujours là, prêt à saisir, d'un crajon rapide, le fragment remarqué, le motif de décoration qui avait plu. Parfois, on reproduisait un édifice entier. vues dAthènes, différents aspects de la On Ce ville. prit aussi des fut à l'aide de ces esquisses, de ces matériaux, que Nointel put faire exécuter, après son retour à Constantinople, une grande peinture d'en- semble. Lui-même paraît au premier plan et se distingue tout d'abord, en costume mi-parti européen, drap rouge s'ouvrant sur mentée; a\ec mi-parti oriental la poitrine, pelisse de : robe verte à ceinture orne- cela, le feutre à larges l)ords, l'ample perruque sans poudre ondoyant sur les épaules et encadrant le visage, où se dessine le trait fin de la moustache : une dix-septième siècle sur un corps de paclia. la main appuyée sur une canne, marcher A à la coïKjuéte il tête de Le bras Français du droit déployé, s'avance d'un pas fierel semble des trésors de l'Orient. sa droite, des gens du pays à figure de magots pratiquent des fouilles et exhument de vagues débris rappeler et : c'est une façon de de glorifier les entreprises artistiques de l'ambassa- deur. Autour de lui, sous le grêle feuillage des oliviers, une suite nombreuse s'empresse de superbes eslafiers, en costume mili: taire français; le consul en sa robe fourrée d'hermine, insigne de sa charge; les compagnons du voyage, parmi lesquels on peut reconnaître, avec- quelque bonne volonté'. Cornelio robes brunes et des têtes rasées de Capucins. A arrière, les janissaires d'escorte figurent à pied Magni ; des quelques pas en ou à cheval; non loin d'eux, le tchcioach de la Porte se signale par son haut bâton et sa ('oiffure caractéristique. Un groupe de femmes indigènes, voilées jusqu'aux yeux, re|)résenle le public admirateur de cette scène. Au second ment de plan, Athènes di'ploie sur la hauteur l'entasse- ses maisons rouges, cerné de remparts anguleux, et VOVACK DES I.r: emmurée l'Acropole kciiki.i.ks se détaelie en avant iti panorama de d'un ruines, de golfes azurés et do montagnes. Sur cette vaste toile, retrouvée par hasard y a quelques années, les tons ont poussé au noir, beaucoup de contours se sont brouillés; une brunie il enfume l'ensemble. Mais affligeante ternit et topographie des la lieux et les ruines aujourd'hui subsistantes sont reproduites qu'il est permis d'ajouter semblance de l'œuvre entière. Malgré si fidèlement à la véracité, à la res- foi médiocrité de l'exé- la cution, c'est la meilleure représentation figurée qui nous reste d'Alliènes à ce moment de son histoire (1). L'exploration de la ville et de ses en\irons avait pris tout un mois; ne resta que ([uinze jours à Nointel pour faire une fugue il dans l'intérieur du pays. Rapidement, lileusis Platée, le pays , Lépante, revint par Au la parcourut il des Doriens, l'Atticiue, vit considéra le golfe de Béotie et poussa jusqu'en Eubée. retour de cette e.\cursion, une voile française lui fut sis'ua- lée dans le port duPirée, vençale c'était la : Alep, de un na\ireen partance pour la côte pro- première occasion qui communiquer avec son pays. Il s'ofTrail à lui, depuis en profita pour expédier à la cour ses relations de Chypre et d'Athènes; il voulut aussi se rappeler à ses amis de Paris, au cénacle de beaux esprits qui for- maient sa société habituelle. Ecrivant longuement il ajouta un mot de souvenir et d'affection à l'un d'eux, pour chacun. Mais sa on s'assemblera lettre va certainement circuler et faire pour la lire; aussi tient-il à tourner galaimncnt les choses, à prouver qu'en ses courses lointaines gage à la littéraire. raffine et mode, Il il sensation : n'a point désappris le lan- peut encore servir à ses amis un régal qu'il sème donc à profusion les pointes, les coiicetti; symbolise au point d'en devenir quasiment il inintelli- Ce tableau. ex|iosé aujourd'hui au musée de Ciiartres, a été excellemdécrit et apprécié par M. Ilomolle, membre de l'Institut, directeur de riCcole française d'.Vlhénes Bulletin de correspondance hellénuiuc, novembredécembre i8!)4. Nous ne différons d'avis avec lui que sur rideiUificalion de certains per.sonnages. Le tableau est d'une reproduction très difficile: M. Homolle et M. Oinont, dans sa belle publicationsur.l(/i<'iiM(iH xvii'si'ré/t', (^li ment : l'ont tentée l'un et l'autre. \(iVA(ii:s I.l-S 172 l)i; MAKullS DF, NdlNTEL jible, et voilà toute l'antiquité asiatique et grecque, sacrée et profane, mise en jeux d'esprit. La lettre roule en entier sur les tés à la nature, à l'histoire, à la moyens fantastiques emprun- mythologie, que Nointel aurait voulu employer pour correspondre plus tôt avec ses amis me persuade, été possible dit-il, : Je « que vous êtes en peine de moi, n'ayant pas que vous ayez reçu de mes nouvelles depuis Alep. Quelque poisson de l'Euphrate ou de l'Oronte, où me je suis bai- gné, aurait pu, par les mers de l'Océan et de la Méditerranée, vous informer de mes courses: mais, faute de possibilité de ni(> faire entendre deux, et je doute que leurs échos soient parvenus jusqu'à vous. Les eu recours au Liban et à l'Anti-Liban, j'ai cèdres de cette montagne portent les impressions des caractères que dévoués à notre amitié, j'ai me persuadant que ces arbres consacrés par l'amour divin pourraient vous rendre témoignage de la fidélité France, et que je vous garde: mais leur éloignement de la difliculti' et l'impossildlité d'en élever dans leur unique situation dans un désert, leur font correspondants dans le ailleurs, et tout .Syrien, pour ne pas dire je suis, ce (|ui reste du monde. Il m'a fallu ceroyaume, manquer de en chercher Syrophénicien, Ionien, Philistin, Judéen, Juif. Galiléen, comprend Comagénois, Antiocliénois, d'abréger, autant que je le mon me sance de Vénus, à qui cette n'y règne j)lus; les portais mon faii'e volontiers ii celle de Paniphilie, donnait de l'espérance par fie était si Vénitiens ont donner atteinte à son traverser les moments reposer sur vous. mers dans ce dessein; en abordant en Clnjire, couverte facilité à faire amitié pour s'en aller en ces J'ai traAcrsé les moyen souhaitais, la grande distance qui nous sépare; j'aurais voulu quelriue « {|ue l'origine, la pureté et la subtilité des sciences, des arts et des inventions, je n'ai pas trouxé de airs à la commencé eMi]Mi-e, et les la puis- chère; mais cette divinité les premiers de Turcs ont achevé. Je me consulter la sagesse aussi profonde que et énigmati(|ue des Egyptiens, lorsqu'un recpiin ari'èlant vaisseau, je n'ai pu m'en déli\rer que sous la promesse de \ (lilc du côté de la (îrèce. VdVAci: i.K lie « Il m'a r-lr permis de i)i"s ij me 111:1,1. i:s cliaiiiïer 173 aux feux de iiit'eniaux Santorin qu'en passant, elj'en aide la joie, car, pour peu que j'y fusse demeuré davantage, je courais risque d'aller trouver un fond que les vaisseaux ne trouvent point. Milo ne ma pas arrêté, et c'a été le port Pirée oii j'ai mouillé, espérant (|ue les Athéniens, ces maîtres dépositaires des sciences, des arts et des me lois, me suggéreraient quelque secret. Leur conmierce dans du monde m'en reste commandant de persuadait, le le l'avait |)ronns était caution, leur ci\ enseignes déployées, innombrable qui et à fameux leur en m'introduisant dans iliti' la ville, me le recevoir cliàleau tambour me battant, au bruit du l'anon, à travers une foule me regardait bien etricbement monté, environné d'un grand nond)rc de valets à pied, suivi de quarante cavaliers et précédé de mes trompettes, de plusieurs « dune compagnie d'infanlerie et officiers turcs. Les beaux restes de rantii|uité du palais de Périclès, du tombeau ou chapelle de Socrate, lanterne ou temple de Démostliène, du jiortique Zenon, de tie des temples de .Minerve et celui d'.Vdrien, de Thésée, m'ont servi de triomphe et de perspectives, et lisant dans ces force l'intégrité comme d'arcs monuments du génie de leurs auteurs, JQ ne doutais point de la la ertu \ de leurs successeurs et de leur passion à se connnuni(iuei- dans les autres parties volé si du monde. La réputation de l'.Vréopage, qui a diligenniient par toute la terre, nonobstant sa réduction me faisait bien aune masure; mais voyant espérer tous les jours des remises à m'approndre cette voie courte de vous parler de loin, j(^ montai ;i clieval, je traversai I'Alli(iue, je courus trois heures dans la plaine d'I'ileusis à étripe-cheval, lesquels étant pris sur les masures des temples de Vénus, Cérès etPluton, renouvelèrent mes souhaits pour qu'elle soit pareille à celle de mes la vitesse de mes letllres, afin lé\riers athéniens, platéens et doriens; j'entrai dans les montagnes de la Phocide, je tentai de voir les pieds et la cime me con- du Parnasse, couverte de neige, je ne poussai pas jusqu'au tem|)le d".\pollon, et prenant le chemin de retour ]iar les jihunes. j'arri\ai à Tlièbes en si.x LES VdVACES DU MARullS 17i NdlMEL 1)K heures. Je \oulais aussi en passant à Marathon pren(h'e le l'ersan Ton me montra le marais qui où il plus diligenimenl hi tuile le jifit : s'embourba avec ses compagnons, à présent entendre toute les nuits chevaux et le lieu où l'on prétend hennissement de leurs le et les cris des cavaliers. J'étais résolu de m'y pourvoir d'un courrier: mais une députation des Athéniens m'ayant prié pour y avoir satisfaction, je ne fus employèrent toute l'éloquence de Démosthène de retourner dans leur pas sitôt qu'ils ville à témoigner leur joie. Ils s'applaudissaient du grand secret qu'ils m'allaient découvrir, et renfermé dans l'arrivée d'une fut il barque de France, qui, étant venue pour cliarger de retournerait dans une vingtaine de jours lettres. Xe vous étonnez donc pas pas que ma gloire aille trafic de s'en pourrait porter mes sent l'huile, ne croyez au reproche qui se loin de prétendre si maître de l'éloquence, et ne soyez pas surpris que faisait à ce l'ancien et si celle-ci l'iuiile. commerce l'huile ; le et si florissant des sciences soit réduit grand empereur Adrien par un édit sur ce sujet, qui se lit l'a ennobli autorisé et encore aujourd'hui d'une pierre plus hante (ju'un grand lionnne et au le long large à propor- tion (i). » Après avoir fit poli et ornementé ce beau chef-d'œuvre, Jointe! ses adieux à la Grèce et se reiuit en mer. Constantinople, il Avant de rentrer à voulut, par un de ces zigzags qui lui étaient familiers, se reporter encore (•(Me d'Asie. Il lui restait une à visiter fois du litloral européen sur la Smyrne, l'une des quatre grandes Kchelles du Levant, les trois autres étant Constantinople, Alep et le Caire. j)ar Poui'quoi fallut-il que cette fin de voyage fût gâtée une mésaventure? Comme l'ambassadeur avait de nouveau fait se reposait tranquillement dans la capitale de escale à Chio et l'île, de corsaires tripolilains, les plus redoutés de tous, dans le port. Apercevant sacripants grimpèrent (1) Nous devons l;i regretté marquis de à la une fit (lottille irrujition tartane à l'ancre et sans défense, ces bord; ils arrachèrent communication de cette Queux de .Sainl-Ililaire. le lettre privée à pavillon do robligoance du VdVACK m: i.K Franco, en lambeaux, el qu'ils niirciit ne s'en tinrent pas Ils du juns, là : l'oniiniiciit iraiilres débarquèrent ils dégàls. avec certain malandrin liant partie terrorisait la ville, (|ui 175 S i;(;iii:i,i.i:s poussèrent et droit au logis de l'ambassadeur, alléchés par l'espoir d'une telle armés de yata- proie. Ils se précipitaient, enragés de convoitise, gans et de coutelas, tenant à la main des grenades, qu'ils s'ap- Ileureuscment, l'ambassadeur prélaient à lancer. On étaient sur leurs gardes. quand ils laissa approcher el ses gens les assaillants : furent à bonne portée, un feu roulant de mous([ueteric en coucha pliisieurs sur carreau et rejeta les autres à distance le respectueuse. Après une nuit passée en alarme, carie siège en blocus, les tection de la périlleu.v Français purent se retirer au château sous garnison turque. Encore ce déplacement La de leur pousser au corps garnison assez vaisseau du Roi dans Une Heureusement le voisinage de pointe de leur la à traiter avec ces bandits ciiei-chait d'ailleurs plutôt qu'à les châtier. dants. la pro- fut-il entre les soldats qui enveloppaient nos voyageurs, : les Africains tâchaient sabre. transformé s'était présence signalée d'un la l'île acconnuo- les rendit sorte d'accord intervint: Nointel pul reprendre sa tartane, oii ses collections, ses papiers ne se trouvèrent pas trop endommagés, et laissé toutefois il atteignit dans la Smyrne sain et sauf, non sans avoir bagarre de Chio quelque j)eu de son prestige. A Suiyrnc, il se retrouva en lieu sûr, et la description qu'il donne de son arrivée évoque l'image d'un Orient apaisé, souriant et gracieux, la molle descendant cité et des verdures, el le golfe animé par le la meurs, au nombre de secondées de du vaisseau mer peuplé dis cuire des jardins navires pavoises, flottille d'embarcations rencontre de lamljassadeur dans une, couverte les trompclles à la tùt fêle, la glissement des caiques. Une élégantes était venue à dit-il, en à il'un tendelet seize, avoient des : «J'entrai, de Danuis, dont jupons de même les ra('toffe proue jonoient des fanfares, qui furent trois décharges de mousqueterie, et de deu.x et : l)ien- du canon bâtiments marchands, et encore d'un LKs iTti préjudice de la Snivrnc fui X(iimei. dv. anjilais (|ui ait gardé dernière étape du vovage. Le 20 UN' a\ant v(''iiilii'n, ne maiwjiis V(iv.\(;i':s l'ii (lu'uii silence au le civilité. » la février 1673, Nointel rentrait à Conslantinople, après dix-scpl mois d'absence. Cette promenade d'un an et demi avait laissé les affaires d'État en souffrance, mécontenté la Porte, étonné, sinon indisposé, les ministres et le Roi ; accompagnée d'un di'ploiement inouï de faste et de hauteur, elle avait surexcité les jalousies de nos con- currents religieux et commerciaux, ranime d'irritantes questions, exas|i(''ré nos marchands en voyageur des réceptions les ohliçeanl de faire au solennel fort chères; surtout, elle avait épuisé ses ressources, dérangé ses finances, et l'avait entraîné à de pre- miers expédients, tels qu'un emprunt forcé sur nos nationaux de Snni'ne, qui se plaignaient amèrement de née à leur Echelle ». « cette estocade don- Mais Nointel méprisait ces obscurs contemp- teurs, ces « cabalistes » et « leur fausse rhétori(jue ». Pouvait-il penser qu en accomplissant son glorieux pèlerinage aux plus sanctuaires du christianisme et de \(''nérés premier pas ri%ypte ilans il il avait fait le une voie de [icrdilion? Sauf de n'avoir pas vu et d'avoir terre promise, l'art, dû s'arrêter, nouveau Josué, au ne regrettait rien; les seuil de cette nuages qui s'élevaient sur l'horizon, son regard ne les distinguait point, car les yeux tion élilouis, l'esprit possédé de ce (|u'il musées revenait avait vu, l'imagina- en travail de grands projets artistiques descrijitions à écrire et de il et littéraires, de à former. Trente inscriptions, quatre cents dessins de bas-reliefs, d'édifices et de paysages, un ciioi.x de sculptui'es antiques, un fissortiment de costumes et d'accessoires divers, une collection de renseignements innom- brables voyage. et de mi'moires, (juels résidtats (|uels trophées ! Et il magnifiques de son restait tout entier au bonheur d'avoir sauve ses prises, amassé un trésor de souvenirs, réalisé le ré\(' de sa vie et men('' à bien, niunbre. sa mirin(|ue étiuiiM'e, au lra\ers de vicissitudes sans CilAl'ITRL: V i.A IMI A MTIc.il K Constantinople, Nointel politiiiuc Louis l't XIV les aiïaires : iHsr.KAci-; KT C ASriS TIOL' K. lui imiiii'>iliatcnieiit ressaisi [mv la d'imporlanh-s iiislruclioiis raltcndaienl. avaiL besoin de lui pour a^ir sur divers lùats. sur divers peuples, et pour tendre tout autour des frontières orientales de l'Allemagne une chaîne Comblé par d'hostilités. Roi avait compromis ses succès par sa persistance à en abuser. Prétendant imposer aux Hollandais la fortune, le des conditions de paix desiructives de leur indépendance, avait jetés dans un désespoir qui les sauva : ils il les inondèrent les parties principales de leur pays et les mirent ainsi à l'abri de nos atteintes, puis firent une révolution qui leur donna un chef et nous suscita en Guillaume dûrange un adversaire redoutable. En même temps, l'Europe se soulevait contre les ambitions fran- çaises. Fait remarquable, ce fut l'éleclenr de lîrandeboura', le Grand Électeur, Frédéric-Guillaume, prussien. (|ui donna le vrai fondateur de l'État signal de la résistance, en s'alliant le pre- mier aux Provinces-Unies, à ses coreligionnaires de Hollande. L'Empereur suivit, puis l'Empire, toute la masse germanique. L'Espagne, tremblant pour ses possessions des Pays-Bas, ouvrit à son tour les hostilités. L'Angleterre, la France, où .\yant la commencé nation la s'était où le roi s'était vendu à refusée, préparait sa défection. guerre contre une république de marchands, 12 LES VOYAGES DU MARQUIS DE 178 Louis XIV NnlMEL avait à la continuer contre les principales puissances de TEurope. Il est vrai que la France, fortement gouvernée, rassemblée sous des chefs merveilleusement habiles à discipliner et à organiser ses énergies, demeurait plus forte à elle seule que tout l'Occident en armes; mais cette supériorité, maintenue au prix d'un épuisant effort, combien de temps durerait-elle Turenne 1672, avait visTOureuse offensive en AUemaofne. En 1G73, il aux positions prises en Hollande, évacuer toutes montant de nos adversaires. De ce qu'un prodige de défensive Comté, Louis les XIV un retour côté, la : fin de par une renoncer les places, sauf le Rliin le flot campagne de 1674 ne conquérant de la Franche- eut à craindre pour l'Alsace, contre laquelle généraux de l'Empereur sirent A la fallut Maëstricht, se borner à contenir en Flandre et sur fut ? déconcerté d'abord la coalition et surtout le HohenzoUern condui- offensif de l'Allemagne; sans Turenne, l'œuvre de Richelieu et de Mazarin eût été compromise. Assaillie et pressée de plusieurs cotés, la France sentait sions qui la le besoin de diver- dégageraient; revenant au système inauguré par les Valois, repris pendant la guerre de Trente ans^ elle se cherchait par delà nos ennemis de l'Europe centrale, dans le Nord et en Orient, au fond de l'Europe, des auxiliaires qui prendraient l'Al- lemagne à revers et aideraient, par un ensemble de contre- attaques, à la défense de nos frontières. La tâche de notre diplomatie était malaisée, car dans la moitié orientale de l'Europe, dans la zone longitudinale comprise entre l'extrême Nord et les rivages du Bosphore et de la monde étrange et discordant s'agitait religions, de fanatismes divers, : un conllil mer Noire, un de races, de un tumulte d'États bizarrement enchevêtrés, mal conformés ou déformés, trop jeunes ou trop vieux, à peine ébauchés ou déjà caducs, cl la complexité des intérêts, des passions, des menten A ambitions, se résolvait péi'iodique- furieuses et confuses tueries. l'extrémité septentrionale de cette zone, la maigre Suède, fanatiquement lutliériennc, tient encore les deux rives de la Bal- I.A ti(|Uf: conservaiil ics prises gar(' likl^i('lll•s que KISCUACl': 17!» poinls du lillural germanique, elle le traité de Westphalie lui a données sur l'Allemagne; mais ses victoires l'ont exténuée, ses gains l'ont ad'aiblie; cette nation émaciée plie sous portionné â ses forces. Au-dessous le dun poids d'elle, la rôle dispro- Pologne étend son grand corps inconsistant, de configuration indéterminée frontières,, flottant entre la Baltique et l'Euxin. vagues et de La Po- logne, c'est une anarchie de nobles superposée à une population de serfs : les nobles sont ardents, mobiles, avides, fastueux et besogneux beaucoup ; ils ont des d'élan, point de fonds, brillantes et cjualités peu d'haleine; un penchant irrémédiable aux discordes et à l'intrigue, avec des contradictions, des incohérences. Violemment catholicjues, la chrétienté contre l'Islam, et se posent en défenseurs de empruntent pourtant à Conslanti- nople une partie de leurs usages. ]iublics et ils Ils parlent latin dans les actes ressemblent à des Turcs, avec leurs sabres recourbés, leur luxe de fourrures et d'aigrettes; ils habillent en janissaires et en peikhs (1), ont des gardes qu'ils car le contact de l'empire ottoman a orientalisé d'aspect toute une partie de l'Europe. Cependant, nos agents, nos voyageurs, surtout amenées naguère par la reine pandent notre influence et nos les fennnes Louise-Marie de Gonzague, ré^ mœurs à la cour du roi, à celle des principaux seigneurs, domaine de barbarie colonisé par des Frani;aises. En sa partie sud-occidentale, la Pologne touchait aux Magyars. Au lieu d'une Hongrie, y en avait alors trois Hongrie turque, il (pi^un : pacha gouvernait du haut des remparts de Bude; Hongrie autrichienne, tenue en bride par Koinorn cl Presbourg; Hongrie indépendante ou plutôt insurgée. Celle-là n'avait point de frontières, point de capitale, point de domaine lixe : elle se compo- de seigneurs et de partisans révoltés contre le despotisme sait de N'ienne, réfugiés dans les Carpathes ou lancés à travers Ptizta en guerroyantes chevauchées. Pourtant, Tekeli, le (1 ) l/une des variétés de gardes du Grand Seigneur. la grand I.KS \OVA<;i'S 180 Tekeli un allaitdoiincr , troisième Iloni;rie Un MAH 1)1 uns une direction, une àine, à clief, [lonxail même Hongrie extérieure, <|uatrième, une Magyars régnaient sur le celte y en avait une Trans3lvanie, où des liiie (juil la trois portions de Le prince de Transylvanie, DE NO INTEL peuple et trois religions. Transylvain, ainsi que rappellent nos vieux documents, est protestant de cullc. magyar de race, oriental par le costume lextcrieur; et est vassal et tributaire il du sultan. Son Etat minuscule, enclos de montagnes, maison d'Autriche, en s'adossant à fortifié par notre instigation contre la nature, s'est plusieurs fois levé à la la grosse masse de l'empire ottoman. La Turquie d'alors, c'est l'Asie mordant sur un quart au moins l'Europe, couvrant la pc'uinsule des Balkans et y opprimant <le un amas de peuples, si^ Danube, englobant cours le projetant en tous sens au delà du moyen du lleuve, englobant les pays roumains, ^Moldavie, Valacliie, IJukovine, Bessarabie, et faisant pointe très loin dans le Nord-Est, en de vagues contrées; elle le dispute au Polonais Grand Seigneur Pologne , dans Podoiie, l'Ukraine; jusipi'à ^Yilna, la se jirétend chez lui. Entre la Tm'(|uie et les l'égions oti frontières, un nuage de cavalerie de lances, d(^ plumets échevelés Cosaques de l'Ukraine, ('lalilis et redoutent le le un tourbillonnenuuit de manteaux écarlates les et s'élève, : sur les ih'ux rixes du Dnieper en colonies guerrières. l'elils-Kusses gion, les Cosaques haïssent la s'entrechoquent leurs mobiles tle race, orthodox(\s de reli- Craïul Seigneur catholicisme de la Pologne; comme ils « païen » reconnaissent d'ordinaire la souveraineté de son roi. mais repoussent la tyrannie des seigneurs, se servent des Juifs ])0ur exploiter et <pii ronger l'Ukraine. In instant réunissant la rouge cavalerie le Cosacpie Bogdan Klicdumilski. et soulevant les serfs, a une Petite-Kussie indépendante. Depuis, celle tour à tour et se créer équestre se mor- recompose, s'élance vers Varsovie ou se laisse rejeter au.\ liords empire l'état failli du Dnieper : c'est un Etat xagaboml, \\i\ inlei'mitlenl. Plus bas sur le Dnieper, les Zaporogues forment nue étrange république; derrière eux errent les Cosacjues du Don. qui ont tout bouleversé d'Astrakan récemment dans la région entre les Cosaques et la : dernier débris des bordes mongoles de la basse Volga et mer Noire (|ui , les Tartares, ont naguère entamé l'Europe. Les Tartares, sous leur klian. occupent la Crimée au Grand Seigneur les côtes avoisinantes; ils obéissent de l'Euxin nu lac Cosaques, lanliit alliés, tantôt ennemis des secourent ou les traliissent suivant qu'ils v les ils oUoman: e( et font trouvent leur compte. Enfin, par delà celle boule de peuples, l'infini ti(|ue des steppes se prolonge et Moscovie, byzantine la Russie commence, l'énigma- et tartare, érigeant la croi.x greccpu' au-dessus de coupoles multicolores et d'églises à forme de mosquées, la Russie se dégageant à peine de l'Asie, chercbant par- rapprocber de l'Europe, s'enl'ermant plus souvent dans fois à se un isolement faroucbe. La France n'avait d'ambassade qu'en Suède, en Pologne, en Turquie. Dans le Nord et l'Orient, ces trois Etals formaient, en temps de crise europc'cnne, les points d'appui ordinaires de sa politique. Son différents, itut était alors de s'en ser\ ir, quoique à des degrés pour organiser un s\stème de diversions. L'obstacle, c'étaient les rivalités séculaires, les guerres fréquentes qui met- taient les trois Etals au.x prises et les immobilisaient l'un jiar l'autre. On ne pouvait les lancer contre notre ennemi qu'après les avoir réconciliés; c'est pourquoi notre action vis-à-vis était double, pacifiante h la fois et excitatrice. la Pologne et la permanente : Tunpiie, elle travaille la France joue le Entre d'eu.x la Suèd»-, rôle de médialiici' a régler leurs différends, à rétablir l;i tranquillité de leurs rapports, puis à faire sortir de cette paix une guerre, une dès que le triple guerre contre l'-AUemagne. Cette politique, besoin s'en fait sentir, se reproduit et se poursuit à travers les âges avec une fixité étonnante, avec la force d une tradition (1) immuable Sur cette (1). vnvez spécialement, dans le lieeueit des iiiitructions et minixtres de France, la partie Pologne, publiée inlroductioQ et p. 119-l."Jo. polilii|ue. données aux ambussadeiirs par M. Farces, t. 1. LES VOYAGES DU MARULIS DE NiilMEE 182 En 1 GCO, la paix d'Oliva, conclue sous la médiation de 3Iaza- avait accordé la Suède et la Pologne. rin, écart momentané, s'attaquait La Suède, après un rentrait aujourd'Iuii dans notre système et A au Brandebourg. côté de cette diversion, Louis moyen prétendait en provoquer une par le comptait d'autant plus que le roi de la Pologne. nouvellement élu par XIV Il y la Diète, Jean Sohieski, avait épousé une Française, Marie d'Arquien, et que ce héros à la fois violent et tendre, amant passionné de sa femme, passait pour subir docilement le pouvoir de cette charmeuse (1). Par la reine. Louis XIV espérait tenir, conduire le roi et le royaume. Malheureusement, lumées entre la d'exécuter traité le Turquie et les les hostilités s'étaient ral- Polonais, ceux-ci ayant refusé ignominieux qu'en 1672 s'étaient laissé ils surprendre; cette guerre, où Sobieski avait débuté par un coup d'éclat, la victoire de et les retenait loin Choczim, l'occupait depuis plusieurs années du grand conllil d'Occident. accommodement importait donc de ménager avant tout un Il entre Turcs et Polonais l'habileté de Nointel. : c'était le Débarrassé de premier objet proposé à la guerre turque, Sobieski pourrait opérer un changement de front vers l'Ouest et se laisserait le probablement tourner contre l'Autriche; nos ambassadeurs, marquis de Béthune seille, et négociaient avec M. de Forltin-Janson. évèque de Mar- lui un traité de subsides et de coopéra- tion. Quant ;i la Turquie, de SCS forces : elle retrouverait également la disposition qu'eu' ferait-elle? Certes, Louis d'adresser aux mécréants un recours direct : XIV eût rougi rien n'était plus éloigné de sa pensée que d'attirer sur l'Autriche et l'Allemagne, par des sollicitations scandaleuses, le fléau de l'invasion nuisul- niane. Toutefois, l'intervention turque ne pouvait-elle résulter (1) Le livre récent de M. W.m.iszkwski, Marysienha, tend à prouver que la reine exerçait sur son mari moins d'ascendant qu'on ne l'a cru. D'ailleurs, Marie n'était pas plus Française que Polonaise de ca-ur: elle ne cherchait que la salisfactioii de ses ambitions rapaces et de ses vanités mesquines. Wai.is?.f.wski, p. 2(18-301. LA niSGRACH indirectement que circonstances ilc 183 diplomatie notre aurait ménagées? De plus en plus, la politique orientale de Louis XIV tendait à devenir un compromis entre sa conscience et son intérêt, une tentative pour imposer à satisfaire l'un sans pénibles froissements; c'est ce qui en pi(|uant. Voici le fait de trop l'aulrc c(Mé original et le raisonnement que suggérait au Roi ministres une suldile casuistique : ses et à la Tur(|uie. pnissanc(> L'uer- à de rière et envahissante par nature, par nécessité, obligée continuelles expéditions pour occuper les milices et les tenir en une proie haleine, n'abandonnait autre ; ipie pour s'en choisir une endigué d'un côté, ce torrent se déversait ailleurs. Aj)rès avoir conclu la paix avec Venise, la Turquie avait envahi la Pologne; qu'on l'écartàt de cet adversaire nouveau, bable qu'elle se rejetterait contre lAutriche, d'un il était pro- mouvement naturel et spontané, et tomberait sur elle de tout son poids. Toutefois, parce qu'une opération en soi, comme paix avec rinfidèle, nir"? Louis l']tat notre ad\ersaire, était-ce une raison de s'en al)ste- XIV dévoilait la chrétien, qui se trouvait en ne le pensait point, et Pomponne, son en recommandant à Noihlel de travailler à lui Pologne pour conséquence d'exposer aux iiurail incursions turques un autre même temps mémerecommandable licite et celle qui procurerait à la callioli(jue franchement médiation heureuse : « En le la double résultat l'état d'un intérêt extrême à Sa Majesté; faveur deux puissances si <"i attendre où sont aujourdliui générales, cette paix, bien que dans des pays elle nn'iiistre, paix de Pologne, si d'une les all'aires éloignés, serait pourrait tourner en sa considérables : la Pologne, par les assistances qu'(dle serait capable de donner à Sa Majesté; la Porte, par la guerre qu'elle pourrait porter en Hongrie ; c'en est trop pour vous inviter à continuer les soins que vous avez déjà donnés sur cette Dès à présent, (I) Pomponne affaire (I). la » France pouvait réclamer des Turcs un à Nointcl, 3 février I67fi ser- LES YOYAGKS 184 vice en toute sécurité l)L' MARQUIS UK AOl.NTEL conscience, à condition de s'y prendre «le convenablement, de pralicjuer cet art des réticences et des dis- tinctions contre lequel Pascal a\ait la Turquie prise en corps fort exerce sa verve. si de lier partie: elle n'existait plus, une l'on s'adressait à si La Transylvanie, tion chrétienne de cet empire. offrait à notre action de grandes coninioilités. Avec la Transylvanie p(''clié l'émouvoir et même à passer des traités; frac- celte principauté que l'empire ottoman portait suspendue à son flanc, avait point Avec en masse, l'indécence eût été grande et était-il il n'v permis de de la pousser contre l'Autriche en persuadant seu- lement au sultan de ne point la retenir et de lui délier les mains : on ne denianderaiL pas aux Turcs d'agir par eux-mêmes, mais de laisser agir leur vassal. S'il arrivait probable — que l'impulsion donnée à niquât à l'empire ottoman, suite l'astre pour la prince de Transyh anie, commu- satellite entraînait à sa France, sans que reproche de compromission avec Le et le fait était Transylvanie se de première grandeur auquel serait tout prolit le la l'humble si — pourtant le il était Roi ait attaché, ce à s'adresser l'Infidèle. .Aliclud Apal'y, passait malheureu- sement pour faible, indolent, asservi aux influences autrichiennes. Mais ne pourrait-on l'arracher à cette mollesse, le rappeler aux traditions de son État et lui persuader son devoir? S'il se récusait définitivement, la le Hongrie révoltée serait toujours là pour remplacer dans nos combinaisons. Dès le début. Louis s\irrection. Il avait lïu'diaires avec XIV obtenu elle; avait favorise'', nourri, sustenté l'iu- (pie les par eux, il Polonais faisait compagnons des encouragements, des iinmmes. Il projetait sances de la Porte. grie » m servissent d'inter- passer à Tekeli et à ses avis, de l'argent et des outre d'assurer à ce parti les complai- Ceux qu'on appelait les « mécontents de Hon- ayant envoyé des di'putés auprès du Grand Seigneur, Nointel reçut ordre de leur Icureusemeiil leur cause; mans lui ménager bon il accueil, de plaider cha- devait faire en sorte ([ue les Otto- fournissent au développement de l'insurrection toutes les facilités dépiMidanl de Iciu' \oisinage. Cette aide indirecte servi- i)IS(,li I.A rait à fortifier, à ACK 185 prolonger une divorsioii iitili' de plus, elle aurait ; l'avantage de créer entre l'Empereur et la Porte un état de suspicion et d'iiostilité latente, de provoquer des difficultés, des dis- cussions d'où sortirait tôt ou tard la guerre c'était : encore pour France un moyen détourné d'engager la Turquie dans sa querelle, en ne paraissant s'intéresser qu'au sort d'une nation oppri- la mée et chrétienne. On voit que de pièces soin diverses embrassait notre jeu. avec calculait, mesurait, il Suède détournait JNord la sur l'attirant elle, (lucl combinait leur marclie. Tandis qu'au Hoiienzollern de nos frontières en le Pologne recevait pour première mission la d'épauler les Hongrois sur leur droite : son intervention en leur faveur deviendrait plus active à mesure que son propre différend avec deux la Porte afl'aires l'autre. irait s'aplanissani, et ('(•lail en ce point que les remises aux soins de Nointcl se liaient l'une à Derrière la Hongrie, la derrière elle, la Turquie, lourde Transylvanie apparaissait, machine de cl guei're qui devait se mettre en branle par contre-coup, par action réih'xe. au besoin sous une pression légère et inaperçue, sans que l'air d'y loucher. Pour la eût {-"raiicc concorder tous ces mou\enients, faire postes diplomatiques échelonnés par nous depuis SlocUiiolni les ju.<- qu'à Constanlinople, ambassade en Suède, and)assadc en Po- logne, agence de Transylvanie, missions très secrètes étabhes auprès de Tekeli et de ses partisans, ambassade en Orient, auraient à se soutenir nmtuellenient. à s'avertir, à se concerter chacun d'eux avait sa consigne spéciale, sa lâche nettement mitée; mais leurs efforts individuels devaient converger au commun, et si la rement entre gi'ois, le Dans Comme : déliInit trame de nos entreprises se resserrait particuliè- la résidence de Sobieski et les campeiuents hon- mai'quis de Xointel en tenait l'un des l)Ouls. la fonction ([ui lui était assignée, la il déploya luut son cour ottomane résidait toujours à Andrinople, mil en correspondance avec mémoires, nourris de le faits et vizii'. auquel il zèle. il de déductions, remontrant tous avantages d'une réconciliation avec la se adressa d'amples Pologne les Les députés 18(1 LES VOYAGES DU hongrois trouvt'renl en lui ,M ARijUIS Di; XiiI.NTEE un introducteur pendant leur passage à Constantinople, il et un répondant; les aida de sa bourse, de son crédit, de ses avis. 3Iéme, dépassant ses instructions, mais il avait soin de faire connaître au Roi que cette pouvait se justifier aux yeux de la morale Son argument et le sultan il Turcs à se déclarer d'emblée contre l'Empereur; incitait les était celui-ci : la plus démarche orthodoxe. conclue entre l'Empereur la trêve après la bataille de Saint-Gothard expirait dans quel- ques années; selon toute vraisemblance, elle ne serait point renouvelée par les Turcs; en poussant ceux-ci à une prise d'armes immédiate, on ne table, et Nointel concluait ferait : « qu'avancer une rupture ini'vi- Je suis convaincu qu'en conscience on peut susciter à l'Empereur une guerre (ju'il doit avoir (1). » Enfin, pour abréger les lenteurs qu'entraîne toujours une négo- ciation par écrit, vizir et lui jugea expédient de il faire parler au dépêcha un secrétaire de conliance, M. de La Croix, avec une longue instruction, où tous les points à traiter étaient fortement indiqués. La Croix courut diligemment à Andrinople et y arriva sans autre accident qu'un coup de lance à l'i'paule, porté par des bri- gands mune qu'il avait rencontrés en roule; c'était aventure com- en Orient. Le vizir ayant consenti à formuler des propo- sitions de paix, notre émissaire les recueillit et les poricr lui-même en Pologne. 5lalgré travers les frimas et les boues, la saison (hï le Danube, Dniester le camp SobiesUi, où toute la Pologne paraissait rassemblée. Les manières rustiques de cette cour tumultueuse un mauvaise, à se risfjua au del.à du une pointe en Transylvanie etatteignitsur fit « il ne balança pas à j)eu. Il (2) » l'étonnèrent rapporta au vizir des contre-propositions, retourna ensuite auprès de son chef et fut encore réexpédié deux fois à Andrinople; l'ambassadeur et son agent ne perdaient aucune occasion pour ressaisir et renouer le négociation. (i) -Ndintel à (2) Juiii-.idl l'omponnc, Hijanvicr 1G70. </(- Lu Croix. manuscrit fil sans cesse rompu de la \.\ DISCKACK 1N7 C'est qu'en vérité les Polonais étaient pour nous d'incom- modes clients. Ils montraient à la fois de la précipitation de et la démarches peu mesurées, leurs fausses manœuvres contrariaient nos efforts. Les ministres de la Porte res- roideur : leurs taient superlativement orgueilleux, tenaces, pleins de mépris pour leurs adversaires. Puis, leur manière de tout. Comme s'ils envoyé qu'en caclielte, ils ne recevaient notre dans des jardins écartés, sans autres des valets sourds et muets « compliquait eussent craint qu'on les accusât d'obéir aux suggestions d'une puissance infidèle, témoins que traiter (1) ». S'ils se laissaient approcher parfois en quehjue endroit retiré de leur c'était il sérail », « avec des précautions extraordinaires. Pour arriver à fallait se glisser eu.x, par d'obscurs et tortueux couloirs, traverser un labyrinthe. Dans ces régions étranges, machinées comme un palais de La Croix avait pour féerie, pleines d'apparitions et de surprises, lil conducteur médecin grec Mavrocordato, premier drogman le de la Porte, successeur mandé chez le liioya : chambre Mavrocordato, Un jour de Panaiotti. « qu'il avait été Je trouvai, écrivait-il, dans leipiel, l'anti- an lieu de m'introduire dans la chambre des audiences publiques, frappa aux guichets d'une armoire qui s'ouvrirent par dedans, et il s'apparut à nous un spectre vivant et affreux (c'étoit un eunuque noir j)arce ([u'on nous introduisoit dans un appartement secret) ([ui nous conduisit, par une galerie éclairée seulement d'une petite lampe, à une porte fermée de plusieurs serrures, qu'il ouviût a\ ec autant de tintamarre qu'un geôlier — et mena, suivi de Mavrocordato qui passage si étroit, long, nous avions chambre en été jusques au dedans porcelaine de (\i la prenant par la main me lenoit de l'autre, par un sans lumière, et avec autant de silence que dans dùnie me me l'antre de très superbe, et au foyer de quelque oracle, à une petite dorée la et Chine de toutes couleurs, Journal nidnnxfrit (h La Croix. incrustée partout cheminée de carreaux et île magiiifîquement LES VOYAGES ISS meublée de MARlJllS l)V NuIMKI. llK lapis de Perse à fond d'or et de eoussins de riiérne semés de perles; elle étoit éclairée d un gros flambeau de cire blanche, posé au milieu du sofa dans un chandelier d'argent fort Le massif leva et me genoux, et Liaija. qui étoit assis dans un coin de son sofa, se mit à sa droite, et Mavrocordalo en face sur ses lit eunuque, qui nous enferma retirer cet (1). » L'entretien roula d'abord sur des généralités. Finalement l.iayd, dont La Croix avait eu soin de se et d"« eau-de-vie raffinée (2) », numir, abonda dans notre sens. pour le A 1 entendre, il n'était que temps suidime empereur des Ottomans d'embrasser notre cause, de terminer au plus vite avec contre le la César d'Allemagne « elles les intentions véritables Pologne « ; temps de mûrir patienter à la « du vizir? Celui-ci, lorsqu on parve- recommandait et fait, Kup.uiy avait royaume très chrétien affaires le point s'im- (3) ». trop de llair pour ne pas sentir qu'entre et la térêts existait, fondée sur rivale des aux grandes La Croix de ne ;t mode des Français En de se mettre en guerre et mais ces paroles exprimaient- nait à l'aborder, disait qu'il fallait laisser le un Subhnie Porte une solidarité péril commun; la maison d'Autriclie, de la Turijuie'? Seulement, sa linesse perçait notre jeu la les traitant à la suspects que l'on recherche dans les il tel rôle : il fierté en sentait d'ailleurs après a\oir mis avoii- utilisé ses services, bi coup d'atermoiements, il le rnr(|uic on ne signât la exposée à de redoutables atteintes, crise, quitte à repoussait pour son danger et craignait mouxcment, après paix sans elle et ne .\ussi. lorsque, consentit à parler net, la lais- après beauce fut pour mettre en avant la question des garanties; offrant plus il) Journal inaïui.vrit (2) Ibid. (3) Ibid. com- façon de ces auxiliaiies moments de répudier ensuite. Sa les renier et h les cpu' le Roi, : France voulait se servir des Turcs sans se com- promettre avec eux. en pays un d'in- Bourbons, ne demeurait-elle pas l'ennemi principal prenait tpie sât le mis en coniiance par quelques bouteilles de vin d'Espagne île l.a Croix que I. lions lie tions, demandions, lui nous adressa il cord formel jiuissamment (|uel la il DlSilUACI': IS!) mémo du et posant coup ses condi- brùlo-ponrpoini une proposition d'ac- à Gi'and Seigneur attaquerait iuimédiatemenl et le : \ mais l'Autriclie. Roi signerait un acte par le Turquie (1). Cette avance déconcertante, cette hiusque mi ne faisaient nullement le pudiques réserves. Louis il Ic- s'engagerait à ne point faire la paix sans l'assenliment de •e en demeure compte de notre poliliiue XIV de ses et craignit le cri de sa conscience; craignit encore plus les clameurs de lEurojje, qui l'eût accusé, s'il un pacte l'associant promptemcnt répandu, de signait fut ;i dont l'Inlidèlc et liirbaiiiser proposition d'alliance, remise à La Croi.x et portée sailles, fut accrut, et laissée sans réponse; suggestions les plus écoutées (jne dune de oreille notre La (2). à Ver- jiar lui méfiance du la bruit se le France la s'en vizir ambassadeur ne furent La prévenue. di'marche de Ku- pruly devait d'ailleurs faire tradition et règle pour ses succes- Désormais, pendant près d'un seurs. mandes de concours, positive, un traité ils Kupruly fit répondront en réclamant une alliance empécber ou retarder Le la paix avec traité fut En Pologne, attendus. la di- Pologne, mais Xointel n'\ la conclu à Juravno. en conditions modérées, et la France n'en tats toutes nos de- (3). pourtant eut aucune part. à en boime forme, et nos liésitations en face de cette exigence vicndi'out toujours version ottomane siècle, .Marie i-ecueillit d'Arquien KiTIJ, à des point les résulbrouillée s'était avec son pays d'origine par dépit de vanité blessée, parce que Roi refusait le titre de duc à son père. D'ailleurs, Sobieski ne du sentait pas encore le péril allemand et se préoccupait turc ; craignait, en il le péril frappant r.VutricIic, d'affaiblir la résistance européenne aux irruptions ninsidmanes et de manquer à sa \ o- Cf. le Journal île [m Croix. d'un pamphlet qui lui répandu à l'ompoane. 27 janvier KiOC. (tl .\oinlel à (i) La France turbanisée. i-'esl le litre années plus tard en Kui'Ope. Voyez nos ouvrages Lu mission iltt iiiinjitis prol'usion quelques (3) et Louis : XV et Elisabeth île rtiissic, p iM 1-210. ''' Vill'ii"in-,', p 201-2IJT. LES VOYAGES DU MAROUIS DE XOINTEL 190 cation de grand soldat chrétien profitèrent fjour le arrachèrent (1). Les agents de l'Empereur en circonvenir, pour l'éloigner de nous, et lui le traité qui devait l'amener en 1083 au secours de Vienne. De son côté, la Turquie, tout en accordant aux Hongrois de menues faveurs, ne se déclara pas immédiatement contre l'Auun autre adversaire s'était désigné à elle. La paix de triche : Juravno avait partagé les Cosaques de l'L'kraine occidentale et la suzeraineté sur cette région entre la Porte et la Pologne; repous- sant deux dominations également ennemies de leur culte, les Cosaques leur foi se placèrent spontanément sous une autre. Résignés à de leur indépendance, la perte ; ils voulurent au moins sauver plusieurs de leurs chefs se tournèrent vers Moscou, se donnèrent au tsar orthodoxe, Alexis Mikha'ilovitch, déjà suzerain de l'Ukraine orientale, et provoquèrent son intervention guerre s'ensuivit entre les Moscovites et la Porte. Au : une lieu de se reporter vers l'Europe centrale, vers les contrées où nous voulions l'amener, la puissance ottomane ohHqua vers l'Est, s'y en- fonça, parut un instant s'y perdre. Sur cette guerre au bout du monde, Nointel ne se trouvait pas de prise offices : il ne pouvait faire agréer ni aux deux Moscou de parties, car la relations suivies. même proposer ses bons France n'entretenait pas avec Au moins voulut-il se tenir rant des opérations, observer de loin les événements : il au couse pro- cura au camp ottoman des intelligences, des correspondants, son zèle informateur lui et permit de faire passer au Roi quelques notions sur l'obscure et brumeuse Russie. Ce qui frappe dans ces renseignements, c'est que les Turcs, quoiqu'ils eussent rem- porte quelques avantages, s'étaient sentis en face d'un adversaire d'autant plus redoutable qu'il leur opposait leurs qualités propres, endurance, ténacité, opiniâtre vertu de résistance. plusieurs rencontres, hérissé (1) tle ils s'étaient heurtés à longues piques Vovez W.VLtszEWSKi, ; on j)Ouvail p. 299-:500 En un mur d'hommes, entailler ce mur à coups I. de lance La et prime de sabre, l'ahaltre avec d'un officier turc à son lettre dans IHSCIi \ ainsi « : les autres L'infidèle est armes que, avec l'autre main, de sorte le fils, 191 canon, non constant dans si qu'il le faire ne reculer. transmise par Nointel, s'ex- abattant un lui qui résistent tant au combat. \i:l' s'est l)ras, feu comme prend la piipic le il jamais vu des infidèles » U OCCUP.\TIO\S AliTISTIQL'i:S Kï L ITT K A UE II I S . Nointel s'était donné une autre mission, celle de faire connaître au lloi, à la cour, à la France, au parcourus aA'ait et ceux où mémoires une description complète du passé et le monde, les pavs ([u'il Ecrire en une suite de résidait. il Liîvant, endirassant le présent de ces siu'prenantcs régions, énumérant les ruines grecques et romaines qu'elles conservaient, dressant l'in- ventaire de leurs ricliesses d'art, puis, à ces renseignements d'un si haut pi'ix civilisation pour la science, ajoutant un tableau brillant de la maliométane ou plutôt de cette barbarie somptueuse., de ses splendeurs, de ses didormités, caressait de longue date et dont il tel était le pi'ojet qu'il se plaisait à entretenir le ministre. Son vovage son sier travail. lui avait Dans mis en main cette tourm-e, s'était principaux (déments de formé un immense dos- de notes et de do(;unients. Depuis, manqué pour démêler en amasser d'autres. et ajuster ces Il s'était poussait des pointes dans îles il les le si le temps matériaux, il lui avait continuait à remis à observer Constantinople, voisinage, étudiait nolannnent les des Princes et leurs curieux monastères. Le tableau de la capitale et des lieu.x en\ironnanls devait précéder sous sa plume celui des provinces. De plus, connue il n'avail pu. au cours de son voyage, tout LES VOYAGES |'.)i> Iil \oir et tout approi'omlir par hii-mèmo, son enquête par procuration oii il n'avait point pénétré. de entendait poursuivie niènio à des contrées Les consuls de France, : à tous, les mission- mandé avait il adresser des mémoires sur les lieux de leur ressort, des topographiques, notices (|ues, il et l'étendre naires latins seraient ses coopérateurs lui NULMEE HE MAlîijL IS géographiques, historiques, pittores- des détails sur les productions du pavs, sur les hahitants, sur le gouvernement, sur l'état des antiquités; nos agents se transformassent, pour son bon il prétendait que en peintres plaisir, de mo'urs, en explorateurs, en archéologues, et répartissait entre eux la besogne. Grâce à cette division du travail, on aurait, sur toutes les parties de l'empire, le témoignage des plus informés : hommes les chacun d'eux apporterait sa pierre au grand monument. Ainsi compris, l'ouvrage aurait la valeur et l'attrait d'une révélation. Sans doute, des cette époque, abondaient : les descriptions du Levant point de voyageur qui ne se crût obligi' de consi- gner ses impressions par écrit et Mais pourrait-on comparer ces de les comnmnii|uer au public. récits superficiels et souxent sus- pects à l'œuvre longuement méditée d'un ambassadeur, dire d'un c est-à- voyageur mieux placé qu aucun autre pour bien pour observer à loisir, pour j)énétrerle secret des lieux, et qui se serait fait assister hommes dans sa lâche par tout voir, et des le per- sonnel des consulats et des missions? Une et relation de vovaae s'acconipasne nécessairement d'inumcs de figures. Nointel n'entendait pas dérogera celte règle, mais nous savons rêvait-il qu'il avait en (oui la passion de faire grand. Aussi pour son oHivre une illustration hors cédent, digne à la fois du sujet et de l'auteur. et pair, sans pré- lieu d'estampes de vianeltcs. ce ne serait rien moins (lu'une ualerie de tableaux. Exécutées à Constantinople par d'habiles seraient envoyées en France au fur et ment; olfertes au Roi, ;i récit artistes, ces peintures mesure de leur achève- proposées dans ses châteaux tion des siècles futurs, elles fourniraient du dt> Au à l'admira- aux pi-incipaux passages un commentaire prcs(pie vivant. LA DISiiHACE 193 Noinlel s'avisa donc d'installer à lambassade un véritable ate- de peinture. Dès son retour, lier Ronibaud-Faidiierbe seul peintre que la le mort de eût laissé, l'artiste liamand qui l'avait lui accompagné pendant tout le voyase et (|ui avait dessiné notamment les marbres d'Athènes, s'était occupé à mettre au net les innombrables croquis rapportés, à en tâche était lourde, écrasante: un seul à tout pri.x. il vrir encore homme du renfort. Xointel eut fallait un peintre à Constantinople c'était le troisième qu'il de se l'adjoindre Jacques Carrev été a de nos jours attribué par erreur les dessins Natif de Troyes en Grand maître des pait alors à mense sources de Champagne, Carrev l'art il : : (1), auquel du Parthénon. était élève de Le Urun. cour de Louis XIV, Le Brun s'occu- arts à la orner et à peindre entreprise, la chance de décou- la et Mais y succomberait employait depuis deux ans. Ce dernier semble bien avoir on tirer des tableaux. les palais royaux : pour cette im- sentait le besoin de recourir à toutes les décoratif. Carrey paraît avoir été envové par lui à Constantinople pour y relever des motifs d'ornementation, pour rapporter des dessins répandre sur les des el « calques » qui serviraient à grandes compositions en cours quelques touches de couleur orientale. A Constantinople, Carrey fut lieureux d'accepter les propositions de l'ambassadeur, qui consentait à le défrayer pendant son séjour, à lui servir des émolumeiifs. et ne demandait qu'un travail parfaitement compatible avec lui l'objet de sa mission. Nointel eut donc de nouveau deu.x peintres à ses ordres; il les installa au palais, leur fournit le vivre, le couvert, avec cinq cents écus par an à i-hacun. en payement d'une besogne (|ui ne chômait guère. Déjà, huit tableaux étaient tous au voyage, et Ps'ointel .sur chevalet. Ils se rapportaient en énumère ainsi les sujets : « le sépulcre d'Absalon et son paysage, une cascade admirable dans le fond du Liban sous Canobin, une grotte qui en est proche, lanterne de Démosthène (!) à Allièiies. Voyez sur ce point l'appendice, chilTi-elil les eaux de Damas, la la LES VOYAGES 19i lU" M AU 01 S I DE NOINTEL du Jourdain, un nain dune figure extraordinaire rencontrai à Antab et un derviche que je vis à Gaza (1). <|ue je rivière » Mais demi content de ces morceaux. Il comptait retoucher, perfectionner, recommencer au besoin. Dès Nointel n'était les faire à présent, il qu'.à faisait mettre la main à d'autres peintures, dimensions colossales. Dans l'une des un salles du palais, sur tout côté de la muraille, une vaste toile se déploie paraître « de : on y voit le Saint-Sépulcre, la moitié des galeries qui l'envi- ronnent, les spectateurs qui y sont placés et le spectacle du feu sacré qui se joue en bas par les Grecs, dont la variété et tiplicité des figures s'y distingue et la singularité La ville sainte et l'aspect série des villes et des tantinople et ses entours. monde, s'écriait Nointel (2) Son Excellence senterait aussi en grand l'entrée de mul- de l'action universelle qui peut donner quelque satisfaction l'ensemble de la la ». On repré- à Jérusalem, général d'Athènes. paysages se continuerait par Cons« Les plus beaux points de vue du avec enthousiasme, nous environnent encore de trois côtés; ainsi voilà une abondance qui demande du temps pour être épuisée Enfin, comme (3). » l'Orient possède le privilège de prêter resque au.x scènes ordinairement les plus froides, du pitto- comme la diplomatie elle-même peut y donner matière à peinture, Xointel s'était imaginé de faire mettre en tableau le dénouement do sa plus importante négociation. Sur une toile presque aussi grande (]uo celle où figurait le Saint-Sépulcre, une esquisse largement charbonnée commençait à montrer un groupement de figures géantes et d'attitudes solennelles dans laquelle le vizir avait renouvelées. C'était un : procédé à moyen de on reconnaissait l'audience la ques parties de la cour ottomane, sous donner pour cadre au succès de notre ambassadeur. (1) Nointel à Pomponne, 6 juin 1675. (2) Ibid. (3) Ibid. remise des Capitulations représenter au naturel quel- la Mohamed IV, et de les France, aux hauts faits de LA DISGRACE Dans ce tableau de mœurs, il que tout dique, réel, pris sur « môme temps d'histoire qui serait on fallait crayons Rombaud-Faidherbc ils devait iMn' un portrait. faire ressemblant, Nointel leur avait rapidement » : peinture scrupuleusement exact, véri- fût le vif; clia(|ue fiiruro Pour aider ses peintres à remis les 193 tirés à Andrinople par feu reproduisaient les principaux person- nagfes de l'État et avaient servi à confectionner les portraits envoyés en France. Mais Faidherbe, le dessin plus que par la couleur chauds des visages et : fds de sculpteur, brillait par il n'avait su rendre les tons des costumes levantins, ardentes et superbes décidément, son coloris : Devant cette teintes ne valait rien (1) » une seconde étude d'après nature insuffisance, paraît indispensable. « leurs Qu'à cela ne tienne, l'un des peintres actuellement en service partira pour Andrinople et s'en ira sur place observer les modèles. L'époque sembla propice au printemps de lG7o. Le sultau allait célébrer publiquement les noces de sa avec six ans, le fille, âgée de cinq à favori toujours en exercice, et à ce mariage révoltant selon nos mœurs joindrait la circoncision de son fils. Ce serait occasion de réjouissances énormes, (jui mettraient en émoi tout l'empire. Six mille jeunes garçons, appelés des provinces, seraient circoncis avec le prince, ainsi (|ue deux mille icoglans appartenant à Sa Hautesse. Les fonctionnaires, corporations contribueraient par des présents obliga- villes, les toires. D'un bout à l'autre de la Turquie, on recrutait des bala- dins, bouffons, faiseurs de tours, machinistes et autres Comme les amuseurs. y aurait à servir des repas pantagruéliques, on prélevait sur les Grecs des environs d.Vndrinople un Irdjut de victuailles il : « Le miel, le beurre puant, le sucre, l'amidon et autres ingrédients infernaux, comme une espèce de véritable colle en guise de gelée, remplissaient des réservoirs tagnes de riz. » Fnfin, par un reste : il y avait des mon- d'habitudes nomades et guerrières, la cour et le peuple, pour tout le temps des fêtes, ( 1 1 Nointel à Pomponne, fi juin 1073. LES VOYACES 196 de MAR(JLIS DE AOINTEE camp ou cette cour qui va Pour bien (1). dans l'abandon du s'étaler ainsi une plutôt dans improvisée aux porlcs d'Andrinople toile, examiner L sous la tente, dans un s'établiraient ville l) plai- Xointel organise aussitôt une mission spéciale. sir, Son La Croix secrétaire un drogiiian à Andrinople. a\ ec l'effet dans retournait alors pour la troisième fois de conférer d'affaires; le style, ce serait lui et une suite de domestiques, à comme il qui tiendrait la L'un des deux pemtres les <lescriptions. ment Carrey) dut l'accompagner ; avait quelque plume (ce fut brillant composerait et vraisemblable- aurait à se poster sur le il [)assage des cortèges, à ol)server les personnages, les groupes, et reviendrait abondamment pourvu d'impressions Quant à Nointel, retenu à Péra par sister aux fêtes, il s'altacbe au transmettre les écbos menus des faits : il moins nomel dans directes. sa grandeur, privé d'ash en recueillir et à sa correspondance en aucun que sa curiosité parvient à découvrir, aucune de ces anecdotes qui circulent autour de tout événement public. En attendant les éléments d'une narration d'ensemble, une série de nouvelles à A la présents offerts par le chaque pièce envoie main. certain joui', une gra\e dépécbe a pour cet état, il nouvel époux à annexe des la liste la famille impériale. Sur est portée avec l'esLimation de sa valeur : on y voit figurer «... une couronne de diamants et de rubis, de valeur (le trente bourses; mais celte couronne est proprement la un bonnet de velours cbamarré en rond de ces pierres précieuses — ([uatre ceintures et la pour la Validé, l'Ilasseki (favorite), l'épouse nouvelle llasscki, valant dix bourses l'une portant l'autre — quatre aigrettes avec leurs enseignes de — • diamants et rubis... quatre tours de pierres précieuses, iliamants et rubis, mettent sur couverlures le tarbouch et le turban... sont semées de — deux alcorans diamants et rubis, (|ui se dont les l'un pour Cet usage s'est pci'iitHuc jusque dans noire siôcle. Voyez dans l'ouvratre M. TnovvKXEL, Trois années île la question iVUriont. p. :278-:28(>, la desci'iplion de la l'été dite des tentes, donnée en 1858 pour la lii'concision des lils d'Abdul-Medjid. (1) (le lépouse, l'autre pour D'autres Grainl «lu lils Les travaux « : en cire le 1!I7 Seigneur... l'ambassadeur glisse dans ses fois, de ce genre sistent DISfillACK A I. et (1). » lettres des traits provisions qui se font con- et les sucreries, et en certaines machines à la turque de peu de considération, et je ne crois pas qu'elles deviennent meilleures par un confiseur qui a été appelé de Venise. Le vizir dessein d'en faire venir des comédiens pour dos avoit aussi opéras, ce qui l'avoit obligé dinterposer à ce sujet le baile de celte république; comme mais ce premier ministre s'imaginoit que ces comédiens, ayant l'art servir pour voler durant chemin, le des macliines, s'en pourroienî il vouloit qu'ils fussent quinze jours, ce qui n'a pas été possible Lorsque la plaisance sur politique « chôme. Nointel s'étend avec plus de com- pompe la en ici (2). » toute luxurieuse » prépare a qui se Andrinople, rapporte les détails scabreux ou burlps(iues qui se murmurent tout bas « : Les danseuses que Constantinople tiendront le de l'on a eidcvées premier rang, aussi iiien par leurs postures et danses extraordinaires (jue par leur jeunesse ci beauté, jointes à la prétention qu'elles soient vierges: mais au moins à l'égard de cette dernière un bon nombre. La femme du caiiKil.vm de qualité, faut, du Si'-rail, menant en excepter cette \iile. (|ui a à la Porte ce qui en étoit de plus ex((uis. quarantaine de voleurs en ont fait l'essai, et que leur maîtresse n'a pas été exempte de il est il éli' une grand brui cette atlaiiuc. Klle v a perdu de plus vingt mille écus et les pierreries. Je voudrois. Sire, avoir des matières à proposer à Votre plus dignes de son application Les rités. tion fêtes terminées, D'après ces « (3). qni fussent » La Croix en mémoires .Alajest»' écrivit toutes les particula- Xointel composa une descrip- », précise jusqu'à la minutie, ampoub'o par endroits et en d'autres effroyablement réaliste, de détails orduriers. Le fait (1) .\rcliivesdes affaires étrangères, (2) Nointel à (:ii Ibid . Pomponne. 9 mai (ijuin HmIj semée de traits prétentieux et que ces révélations par trop crues 107.J. t. .\II. p. 180. LES VU VA (il' 198 mœurs sur les S M A KO 11 S DE NOI.MEL 1) L' de l'Orient aient pu être envoyées au et les joies Roi en hommage, avec épître dédicatoire, prouve ou la liberté plutôt la grossièreté de ton admises encore à la cour de France, la mieux policée et la plus majestueusement ordonnée de l'Eu- rope. A suivre en ce récit la série des réjouissances, on croit voir, dans une orgie de couleurs, une immense amusements d'une les Au cour. que fête foraine plutôt débul, le sultan, son ses fils, ministres, ses officiers, viennent se placer sous des pavillons ouverts, merveilleusement ornés. Tous ces grands porte-turban, entourés de leurs gardes, se tiennent dans une immobilité majestueuse. Soudain, devant eux, devant les sultanes dissimulées, derrière un léger tume des deux treillis, c'est une irruption de baladins en cos- sexes, de danseuses à robe flottante et à tournure équivoque, qui semblent mettre en action et I'Ahc (/'or d'Apulée fait place à la série tants, }• compris cessivement le de l'Arétin Puis, le jour baissant, cette (1). des gestes rituels Grand Seigneur les sept les contes poses de mimique tous les acteurs et assis- : et ses vizirs, la prière, et prennent suc- aussi loin que la vue peut s'étendre, ce ne sont plus que génuflexions et prosternations, « des est tout à fait fusées décbire que l'air : : « Il « sifflement semblait par la chute des commencent enveloppés de pièces et qui leur font le par milliers, elles s'élancent, s'épa- c'étaient les naturelles qui tombaient. tissements [io[iulaires et d'ours «. tombé. Le camp s'illumine, nouissent en pluie d'étoiles ficielles en Fair tètes à terre et culs Le jour : » arti- Les diver- courses de chiens, d'ànes d'artifice auxquelles on met le feu des habillements en flannnes »; ombres chi- noises, exercices d'acrobates et d'histrions, mâts de cocagne, simulacres de combats sur terre et sur mer. Et cela continue (i) l'arlantde l'impression faite sur les sultanes par ce spectacle, Nointel « Les sultanes demeurèrent sur leur appétit, ce qui ajoute ne serait pas arrivé si des cavaliers l'ranfais. sans peur en cette occasion comme dans les plus chaudes rencontres de la guerre, eussent pu .. aborder ces prin; cesses. » Certains passages du récit sont impossibles à citer, même en extraits. LA lilSiiUAi pendaut quinze jours ainsi 199 i: quinze nuils, a\ec cavalcades et solennelles, défilés burlesques, exhibitions Ces ou sous des d'emblèmes obscènes. de manireries énormes plaisirs s'entremêlent : en plein air tentes, des entassements de nourriture s'étalent, et successivement ciiaque catégorie de curée, depuis les janissaires, qui population vient à la la se jettent sur quatre nomme mille 1 em- pire », c'est-à-dire les derviches, santons, imans, gens de loi, plats, jusqu'à « ceux que Xointel qui, nonobstant « les Tartufes lincommodité de leurs turbans cl de leur gravité insupportable, faisaient trêve avec leur extérieur refrogné afin de s'occuper à mieux vider les plats: après avoir empli leur ventre et leur pour manche en manière de besace, de l'empereur la prospérité Le dixième le ou prière firent le iloma jour, par manière de jeu, le sultan fait semblant de céder par anticipation à son ronne ils » On envicomme pri- toute-puissance. fils la pompe impénale prince enfant de toute la : vilège suprême, on fait tenir la bride de son cheval par le bour- reau, indispensable accompagnateur de l'autorité souveraine. Cette bizarre cérémonie prélude à circoncision. Auparavant, la les corps d'état, les nations diverses ont apporté leur ofl"rande, et parmi les cadeaux présentés figurent d'étranges chefs-d'œuvre. des prodiges de confiserie, une fiore et une faune en sucre, un jardin dont de quinze pieds carrés tout en artificiel les arbres se courbent « sous le emùpéen mal du ment ne poires, et occidental, s'exclame sur ces puérihtés, résultat par les apprêts, faisait pommes, Et Noinlel, jugeant tout du succédant à des spectacles bas ou infâmes. démonstrations de avec allées ». cerises, prune.*; et abricots confits point de vue poids des cire, la joie il D augurant ailleurs avait prédit d'avance impériale « feraient pitié » ; que les l'événe- que conlirruer sa déception. Les études que lui présenta le peintre en mission le satisfi- rent davantage. L'artiste voyageur avait croqué en route plusieurs scènes caractéristiques : au camp, d'ensemble et dessiné quantité de détails de portraits : enfin, il : il il avait pris une vue rapportait beaucoup avait assisté à la réception d'un ambassa- LES VOYAGES 200 (leur d'Angleterre et noté de circonstance, ce qui matiques. Il se remettre Dl M AHnl IS DE MUN'TEE en ses différentes phases lui le cérémonial donnerait matière à tableaux diplo- dut aussitôt, sans laisser refroidir ses impressions, avec ses compagnons aux On commandées. cinc] grandes machines on en commença d'autres; acheva, les convenait d'employer l'aptitude Carrey avait acquise de Le Brun, au.x vastes son nouveau patron et il compositions que le faisait peindre à la toise. De plus en plus, le palais s'encombrait d'un matériel inattendu en ces lieux. Sans cesse, on broyait, on délayait des couleurs; on dressait, on déplaçait des écliafamlages pour peinlres. Et au milieu de toute cette activité voici Noinlel lui-même montre en ses dépèches, infatigable, important, qu'il voit faire -\utour de ou sur de ce artistes et leurs aides, stimulant toute cette équipe. lui, les la toile satisfait se trouvant que l'ouvrage vient bien, animant et néanmoins ses tel qu'il : formes ici, le les plus diverses se fixent sur le pa[)ier fronton du Parlliénon, destiné à être offert au Roi, avec somptueuse dédicace aspects de nature. A (1): là, terre et sur les des turqueries ou des meubles traînent des étoffes chatoyantes, toute sorte dbahillements, de coiffures et d'armes, pelisses lourdes d'or et d'argent, caftans brodés de fleurs, turl)ans, babouches, casques crètés d'un rouge plumage, longs mousquets tait à crosse incrustée d'ivoire; car Xointel ne se conten- pas d'approuver ou d'imliquer les sujets des tableaux: il chargé de fournir les accessoires. s'était Indépendamment des costumes cbipel, il s'(''lait |iopulaires rapportés de l'.Xr- procuré un échantillon de tous les uniformes, cour et dans sarde du (liand armes, oiiicmeuts usités à la Seigneur: pu former ce qu'on appelle aujour- d'hui (1) à lui le nnisri' seul, (Irs il eTil jaiilusaircs [2). 11 iixr.iit L'original de ce dessin, dont une copie ligure nale, appartient à M. Clernionl-lianneau, membre la à ses [leintres cette i"! la liiMiotliri|ue natio- de l'Institut. Original et copie ont été reproduits dans ro:'uvre toute récente de .M. O.vont, Atlihws au xvn' siirle. (-2) C'est un musée ([ui fut fondé à Constantinople après la réforme do Matimoud 11 et où l'on voit exposés sur îles mannequins les c-ostumcs ofliciels LA lUSGRAi:!-: iOl luxuriante défroque, et aidant leur ménioire par ses souvenirs, ravivant, rectifiant leurs impressions, guidant leur inspiration, guidant leur main, il présidait en personne à la grande entreprise d'art. A côté d'une officine de tableaux, palais avait maintenant le son musée d'antiques. Les trente marbres à inscription rapportés d'Athènes et des Tles étaient exposés en lieu spécial, bien rangés, soigneusement dassr'S, entourés d'honneurs il : près d'eux nombre de camées, Dans tout Constanti- y avait quantité de médailles, un très grand des fragments de bas-reliefs et de statues. nople, dans tout l'Orient, on eût vainement ciierciié alors une collection de ce genre. Ce fut la première que l'on ait eu idée de former, et Nointel s'appliquait constannnent à la grossir, don- nant ce but aux promenades archéologiques quil menait autour de la ville. Chez lui. il contemplait avec béatitude ses chères reliques et les montrait aux étrangers (]u'il accueillait libéralement à son fover. Sil rencontrait dans le visiteur quelque confrère en érudition et en bonnes lettres, son plaisir devenait ravissement; il entrait alors dans des discussions, dans des conjectures, dis- sertait sur le sens des inscriptions; copier 11 et anciens ne il raine et permettait au besoin de les ne se montrait jamais avare de son trésor offrait à ses nople, il (1). hôtes dautres distractions. Son culte pour les lui faisait pas dédaigner les modernes : à Constanti- restait fort au courant de notre littérature contempo- de ses chefs-d'œuvre, grand amateur de livres et de théâtre. Corneille, Molière, faisaient ses délices, sans parler de moindres génies risé : Racine ne paraît pas avoir été également favo- de ses suffrages. Se rappelant avec quel plaudi les dernières pièces en vogue, recevoir par aimé à la il plaisir lecture qu'une impression affaiblie les retrouver sur la scène! Pour il avait ap- regrettait de n'en plus satisfaire ; qu'il eut ou tromper son de l'ancienne Turquie, '^es oiificaux apparaissent aujourd'hui lamentablement défraie liis et maniiês aux vers. (I) Spox, Voyage d' Italie. Je Daiwa'ie. de Grèce et du Letant, fait au.r années 1673 et 1G76, t. I. p. tSO. l.j". :: '>. 3ti3. LES VOYAGES 202 1)1' MARQUIS DE NOI.XTEL envie, pour égayer aussi les longues soirée de Péra, il eut l'idée d'organiser chez lui quelques représentations théâtrales. La tentative était osée, dans rionnette ohscène, cet infâme « un pays », Karatjlwuz, cette ma- oîi comme l'appelle le docte Sevin dans ses Lettres sur Constant impie, est de l'art abhé le seul interprète dramatique. Le marquis arriverait-il à recruter une troupe d'amateurs dans le secrétaires, ses suivants, personnel de l'amhassade, parmi ses ses luHes d'habitude ou d'occasion? Les coméiliens trouvés, où découvrir des comédiennes? Les essais avaient commencé pourtant voyage. Antoine Galland, qui difficultés était dès l'hiver de 1673, avant encore là, le avait levé bien des par sa bonne volonté toujours prête, par son esprit inventif, et payé bravement de sa personne. Lui-même nous a plaisamment conté comment il fit conlidente de Cliimène, sous condition, et comment, du public On (Ij. le ses débuts dans le rôle d'Elvire, costume d'une jeune Grecque de ainsi attifé, il se concilia les sufi'rages put donner, outre la grande tragi-comédie de Corneille, V Ecole des maris, le Déjiit amoureux, le Cocu imaginaire. On fit même quelques emprunts au répertoire de la comédie ou plutôt de la farce italienne; à la fois auteur et acteur, Galland abrégeait, condensait, arrangeait ces bouffonneries et les adap- à notre goût tait (2). Cornelio 3Iagni, que sa qualité d'Italien désignait au rôle d'imprésario, avait improvisé habilement une manière de théâtre. D'abord, les choses se passèrent dans closes. Puis, quelques initiés furent gers, invités en voisins; les Un des Arméniens. été le gouvfineur ;i admis rinliinili'. : h ]jortes des ministres étran- drogmans et leurs familles, des Grecs, jour, certain Mossoul ou à 'i'urc de condition, qui avait Diai'bekir, fut introduit. Avant lever du rideau, son attention fut attirée par la loge assez bien dames éclairée où les des jalousies: il invité'es se laissaient annoncée. Pendant toute (1) JoiinmI. (-2) Ibid., t. t. II. |i. IL p. o, entrevoir derrière s'imagina aussitôt que c'était là la représentation, t.")-lG. >J, 11, 3i, 36 il l'e-vliibilion tourna conslam- LA lllSCHACK meut lui dos à la scène pour regarder le persuader que comme 203 la loge, ol on ne pul jamais A spectacle n'était pas dans la salle. le la fln, fumée de sa pipe incommodait tout le monde, on mit dehors ce Turc malappris, et l'expérience ne fut point renouvelée la (1). Après le mieux soignées, bientôt retour du voyage, les représentations reprirent, plus un tacles s'ouvre la réglées, suivies très éclat extraordinaire. En : prendre elles allaient effet, voici un cadre nouveau, spacieux et qu'à ces spec- même grandiose : résidence de l'ambassadeur se transforme, sembellit, élargit ses appartements, se dispose pour la réception et les fêtes: l'an- maison du Roi devient véritablement tique Depuis de longues années, la le palais de France. France possédait, sur le flanc oriental de la colline de Péra, en face du Bospliore, le vaste do- maine qu'elle conserve de nos jours. du partie la plus élevée il reconnut que, terrain ; était antique et délabrée : tant, fit ellclui parut disgracieuse, qu'il apportait la demeure inconunode, partout avec entreprendre d'urgence quelques travaux en les exécu; on s'aperçut que presque occupait alors la était à souhait, mal appropriée aux besoins de luxe lui. Il palais lorsque Nointel vint s'y établir, l'emplacement si Le totale. Sans doute, Au l'édifice se trouverait lieu de réparer, les frais seraient point que l'influence fran(;aise, différentes parties du monde, manifestes, imposants"? bien d'une réfection on se mit à reconstruire. énormes: mais ne convenait-il (jui prenait pied alors dans les s'aflirmàt par des signes visibles, D'ailleurs, l'exemple de verser l'or à pleines mains, dès que la dignité et l'éclat de la couronne se trouvaient en jeu, venait de haut; le mot d'ordre cour senil)]ail être de paraître et d'éblouir; l'Europe entière s'entretenait de la résidence sans rivale que Louis nait aux environs de Paris, dans un violence à la la passion de bâtir (i) nature. CoRXELio .Magm, : t Comme il II, émané delà site créé tout XIV se don- exprès et par tous les prodigues, Nointel avait se crut autorisé à lui céder, puisqu'il la p. 11-18. LES VOYAGES DU MARQriS DE NOINTEL 204 partageait avec son maître; sur les rives du Bosphore, il voulut avoir son Versailles. Dans Une de 167(!, les travaux étaient achevés. l'été du Roi latine en Flionneur inscription de son représentant, composée et d'avance par Galland, dominait le portail du domaine, tout répondait à celte d'entrée. A l'intérieur majestueuse annonce. Les jardins étaient heaux, les parterres remarquahles, car Nointel collectionnait jusqu'à des Heurs rares, lorqu'il en trouvait l'occa- sion (1). Le au dedans palais était orné' de galeries saillantes et déterrasses; marquis avait voulu le mettre le « dans un état qui le rende digne de loger un ambassadeur de Sa Majesté, d'exciter l'envie des autres représentants, d'y attirer les Turcs (2) », et il pensait avoir atteint ce multiple but. Dans une lettre au ministre, il donne sur sa nouvelle demeure les détails à la fois les plus précis et les plus véritable promenade qu'il fait faire à pompeux son lecteur : c'est une à travers les pièces d'habitation et les salles d'apparat. Voici l'appartement d'hiver, exposé au midi, et l'appartement d'été, portiques, ouvert au soufllc irais de trois la grandes « donnant sur des tramontane. Entre eux, La première, occupant toute largeur du palais, est percée par les deux bouts; la seconde, (|ui la et salles se succèdent. la traverse en long, est éclairée par ses portes loulcs de verre par un enfoncement tout ouvert élevé d'un demi-pied, derrière la chambre d'été ses garde-robes... et de cet enfoncement se \oit la ménagées dans pratique'' l'un des crili's place du buffet, enfoncé et oiué d une bacclianale peinte au-dessus des crédences petites voûtes A ; il v a aussi de les coins, et vis-à-vis est un tableau « L'on (1) Témoin cet entretien qn'il ent avec l'un des agents de la l'orte parla des curiosités telles que de fleurs et de fruits... 11 nie témoigna aussi qu'en visitant mon palais à fera pendant mon absence, il s'y' était tort ; trouvant très beau, et qu'il v avait été bien régalé, et me faisant souvenir de certaines jonquilles simples qui lui avaient été promises, je lui assurai qu'il les aurait. Je le priai de me faire voir une fleur qui représente fort au naturel des mouches à miel, et il me promit de me l'envoyer avec sa racine, ce qu'il a depuis exécuté » Archives des affaires étrangères, Consdiverti, le lantinople. (2) t. XV. f° <J(j Nointcl à Pomponne, (ijuin 1675. LA 205 I)IS(.1;A(:K d'une chasse de lions, accompagnée d'ariiioircs garnies de et de mousquetons (1). » s'y arrête leflet pour se livrer que produisent Mais rien n'égale pu nommer sa celle ([ue Noinlcl aurait une ;i à la d"audience, la salle galerie des glaces n'-llexion d'artiste, lumière de la « fusils » : il pour signaler lune, sous la splendide pâleur des nuits, les miroirs dont la pièce est tapissée; on \oit en images nacrées, s'y refléter alors, environnent les merveilleux sites (|ui embellissent ses abords. le palais et C'est à présent surtout que Xointcl jouit de ces beauti's naturelles et s'attaclie à les décrire. cotte époqui'. un dense .\ de constructions vulgaires n'avait pas encore envahi les de Péra. De toutes parts, la nature enlaçait et péiu'trait la Autour de l'ambassade, ce n'étaiimt que jardins et amas hauteurs ville. sérails », « c'est-à-dire palais à la lin(|ue, cy|)rès dressant leurs cônes aigus, bouquets d'arbres parmi lesquels tisses dispersées douce jusqu'à Puis, le mer de la rive, et la formait perspective de la lumière, « on décou\ : .Alai-mara, le rail au loin, et celle du port grand le sérail de : le Désormais, Nointel pouvait appeler « moyen de l'attirer, de à lui toute la société policée palais vraie salle de spectacle, construite et lieu des primitifs acteurs, de la Nointel ;i l'oniponnc, .5 aménagée tout exprès; une scène on parfaiteles habits de théâtre On « comédie, septeinhre I6"() Mémoire de lionnae. publié par .M. (•"]) la tragédie, le ballet; (2) /6i</. (•i) le de multiplier les des entrées, des chœurs, des changements à vue. (Il parut (|ue oripeaux dont s'étaient alluhlés véritables aborda successivement lui Il renouxelé contenait une avait maintenant des (h'cors, des coulisses, ment machinée; au plus près, le du Bosphore (2). « la retenir, était Le ; l'entrée de Péra, la recevoir et la traiter digtiemcnt. repré'sentations théâtrales. » lac d'a/ur. ]ioudroiement l'empereur des Ottomans commencement de Constantinople meilleur grand dans ses pointes, ses caps et ses iles tableau enchanteur qui n'a pas changé' et le blancheur des bâ- éclatait la terrain découvert s'abaissait en [)ente ScLefer. p. -l'.i. ». on eut I.KS 20G Cos VOYAGES DU MARQUIS DE NOIM'EL (livertissenients, par leiu' nouveauté dans une curiosité universelle; qu'ils en étaient sevrés depuis longtemps, En avaient jamais joui. n'en qu'ils les le pays, exci- Européens y venaient parce taient Orientaux parce les on carnaval, donnait des représentations extraordinaires. Nointel multipliait alors les invitations et constatait chez les personnages qualifiés un pressement presque général à en profiter ceux-là : em- mêmes ijui eussent dû s'abstenir se laissaient ébranler. Parmi les ministres des puissances en guerre avec de savoir si l'on pouvait le Roi, ce fut décemment venir all'aire d'I^tat (jue à la comédie chez l'ambassadeur de France. Le Hollandais se sentait une furieuse démangeaison d'y qu'en et à la les rire aller : son collègue autrichien ne l'en détourna menaçant de dénoncer son crime aux Etats généraux le cour de Vienne : on ne put empêcher sa femme, sa famille, marchands hollandais, de aux pièces de Molière neille (1). Il leur faHut entendre « le juste récit d'une partie des grandes qualités de Sa Majesté, contenu dans Fâcheux... ennemi, pour se risquer en pays et s'émouvoir du pathétique de Cor- Prologue des le ». Nointel était satisfait, mais rêvait de faire mieux encore et plus grand. Ses fêtes ne s'étaient adressées jusqu'alors restreint, à une élite il : présentations en plein peuple. Le air, le offertes à tout le Bosphore, sur pul)lic monde, grands et La mode mei% sur Stamboul la décor, un décor inconiparal)le et était alors aux carrousels, à ces triomphants spectacles qui tenaient à la fois du tournoi et du ballet. rousel donné par Louis Tuileries, avait fait et le mosquées, formeraient tout posé. un soleil d'Orientles illuminerait de sa splendeur, et les échappées de vue sur ses (|u';i songeait maintenant à d'étonnantes re- XIV en lG(i:2. devant événement en Europe : le Le car- château des la j)einture et la gra- vure en avaient poj)ularisé les scènes. Nointel jugea (ju'on ne lui saurait.pas mauvais gré de donner à l'Orient, toutes proportions gardé'es, une idée des divertissements où se (1) .Noiiilel à l'omponiie. 20 janvier t(>77. plaisait un monarque DISl.liACK L.\ -iOI conquérant, lorsqu'il se dôlassail des combats par leur image. Justement, l'occasion s'offrait de réjouissances exception- nelles. Seule contre une coalition d'cimeniis, la France reprenait l'avantage et ne cessait plus de vaincre : y avait une succession il de beaux combats à célébrer, llessusciter h ce propos l'Europe féodale en pleine Turquie, avec sa chevalerie, ses jeux guerriers, ses passes d'armes, semblait une entreprise singulièrement ha- sardée; mais Nointel, en sait l'ait de faste et de plaisirs, ne connais- pas l'impossible et savait réaliser l'invraisemblable. Dans le domaine de France, sur une esplanade située au devant du palais, une lice est tracée : on l'entoure de balustres monumentaux, avec arc de triomphe à l'entrée. Une nombreuse cavalerie est recrutée une armée de figurants se distribue les ; rôles et se confectionne des costumes. Nointel est préparatifs, mais il s'est V;\\i\e de ces réservé plus particulièrement d'orga- niser la partie littéraire et artistique de la fête, c'est-à-dire de composer les devises et doivent riques qui XIV Louis de faire exécuter les peintures allégo- rappeler, sous une forme se livre ardennnent à cette tâche et Il délicate, que est le héros de cette solennité et le dieu qu'on honore. moyens pour réussir; appel h tous ses fait à lui les mille ressources de son ingéniosité, de son goût audacieux ! Il aboutit ainsi aux inventions les plus extraordinaires, disons les plus bouffonnes. Près de la lice, une haute pyramide s'élève, peinte sur toutes ses faces, et chacune fie ces peintures va contenir une allusion voilée et d'autant plus piquante aux gloires de nos hauts |)ar faits la France. Nointel imagine de mettre en énigmes, en rébus, explique ensuite qu'il des inscriptions latines ou franraises destinées à tirer d'em- barras spectateur et à porter le la dans son esprit lumière intrigué. Ce qu'il faut darmes dont coimnénmrer d'abord, rencontrant dans les eaux de Hollandais etdes Espagnols, vaincue. Au c'est une série de l'a la Sicile la flotte combattue faits Notre escadre, loute la .Ah'dilcrranée a retenti. combinée des trois fois et trois fois cours de ces luttes a péri Uuyter, le grand Ruyter, VOVAiiKS l.KS 20.S lioniKur et force île la MAliul IS l»l marine néerlandaise. Pour associer (T Irépas à celle de notre multiple (le elfVontéiiienl La les murs et le insuffisante aient mots écrit-il, canon d'une paru ne repi'ésenter qu une victoire au (|ui latin, (ju'il ajoute première, qui mar- combat naval avec l'embrasement de plusieurs ou galères, sous scau.x « : liilée exploit, Nointel risque un calembour, un calembour en à la première des peintures quait un NulNTKL \)K marquer ;i ville (1), aurait de trois et eut été lieu d'un des plus grands bonunes la perte commamb'' sur mer depuis plusieurs latins vais- n eussent été ses interprètes deux siècles, si : Riiil ter. » « (La puissance ennemie s'écroule trois Non moins digne fois — et Ruvter.j de figurer en symi)ole, un exploit personnel de Louis XI Y, la prise sous ses yeux de Boucbain, défendu par l'armée du prince d'Orange. trion]plianti' du soleil mettre en peinture et en vers! « La peinture explique ces pen- par une place dont les remparts sont pleins d'orangers, et s(''es une armt'c qui semble prête |)ar mêmes cher pu s'en servir prise de la ville, la poui' battre leurs lui lignes prince par son en\iroimée de ces fruils (|ue les soldats emiemis rayons du les si cd'urs, ne les eussent amollis. et à à la dt'lendrc, arbi'cs tellement rcuijilis de leurs auroi(Mit « tache était plus facile: l'action Ici. la sur l'orange, quelle admirable matière à Ces allusions au Roi par nom Bourhdin à soleil les a mit cU" la pu se di'fcndn', atnoUies (2). pyramide, » la victoire se son attitude ordinaire, assise sur des trophées lanriei's, (le\i.scsà des captifs enchaînés et tournant ra\enanl: mais cet enscndilc par une [ihrase rappelani ) leui's le soleil sont contenues dans ces deux cohjis (forKiiiio aurait Sur une autre face (I empê- : Mais l'ardcar dn {i} et leur pénétrant soleil, Svnieii.si' Annexe il ou lit qu'il lui s'agissait le peu du '.> près d'elle, des dos au public, des lianal d'une l'alcriniv lettre précitéo : se|itonilii'c lG7fi. montrait dans «''lait ndcNé' \ict()ire sans LA DISIIUACI': par cette effroyaljle égralc et maîtrisaiil toutes les autres, (lancc :iO!) reili)n- : Vicloriarum vktoria victrix. Et un le tout, avec soleil, surmontant devise la le i^IoIk- met de la pyramide. Le jour choisi pour : AVr du monde impur, doiniiiait jtinrilins et resplendissant au som- étaler ces merveilles fut la Saint-Louis, cest-à-dire le 23 août de lan 107(j. fut sanctifiée d'abord par des Comme il convenait, la l"(He cérémonies religieuses. Pour la circonstance, l'église servant de chapelle à l'ambassade avait été tendue do tapisseries et d'étoiles. Une foule de toute race remplissait. Nointel vint y trôner en lien érninent, « comme la avant riioimcur de représenter le plus grand monarque de la terre (1) » ; à ses côtés prit place le baile de \'enisc, le seigneur Morosini, (|ui"\"oulait l)ien tant jeunes de langue, des la gentilshommes les ; pour toute journée d liomieur. servir de premier assis- deux Excellences et groupèrent autour formèrent leur cour. ii drogmans, secrétaires, les colonies eni-opt-emies se cérémonies conduisait chacun avaient été lui Un maître des sa place, et toutes les mesures bien prises qu'aucun désordre ne résultait de cet si entassement de monde. Le matin, il y eut messe soleimelle, chantée par l'évèque de Calamine, vicaire patriarcal, assisté du haut clergé latin. Le début de laprès-dîner fut réservé à l'éloquence sacrée, honneur à entendre cette un le on se retrouva dans Grand : parmi discernemeid. qui l'avait en pour Louis saint les qualités insignes mérites du marquis de Nointel et à fort l'église souverain actuel des Français, chez pareil, figurait le les : Père jésuite associer à l'éloge de celui de Louis le clama chez époque (|u'il pro- le roi sans conduit à reconnaître le mettre en si liant rang. Comme cette péroraison \eiiait de transporter rauditoirc, un subit éclat de fanfares retentit, et l'on vit s'avancer dans l'église, (1) Nointel k Pomponne, jusiiu';! In p. iV-i .5 septciiiltri' lii"(i. Toutes les citations qui suivent inclusivement sont tirées Je cette lettre. U LES VOYAGES DU MAROUIS DE NOINTEL 210 marchant au pas, deux compajinies (riiommes superbement costumés et armés, destinées à figurer dans le carrousel en manière de double quadrille. Ces deux cohortes symbolisaient l'Europe et l'Asie, chacune avec ses attributs caractéristiques. Deux chefs ou capitaines premier les conduisaient; le plumes, broderies et pierreries » le : second vêtu en était d'opéra, avec casque, cuirasse, cnémitles, « Romain relevé de le tout en guer- était habillé rier turc: ils avaient l'un et l'autre leurs estafiers. portant leurs couleurs et tenant des cierges allumés; sur les boucliers de leurs hommes se voyaient des peintures « représentant pour la plupart des matières en l'honneur de Sa Majesté, à l'exception de quel- ques-unes qui concernaient son ambassadeur expliquaient assez nettement et avec esprit les devises les : ». Arrivés devant la balustrade qui fermait le chœur, les capitaines et leurs suivants plièrent le la pointe de leur épée, genou baissant jusqu'à ; rendirent ils hommage au après quoi, ayant salué les ambassadeurs, ils terre Très-Haut; se rangèrent en bel ordre, et debout, l'é^pée haute, assistèrent au chant du 7V Deum. Cette entrée était une façon de préluder au carrousel. voir, tre, on s'en revint au ne palais, et Nointel, manque pas d'abord à « situer dans son » la récit scène, Pour le au minis- comme l'on couleur et de dirait aujourd'hui, à décrire les aspects pleins de vie qui s'étageaient autour de la lice et devaient servir de cadre au spectacle : « Le palais de France, oîi n'avait point encore paru si digne du nom nous retournâmes, qu'il porte : ses places, ses terrasses, ses galeries, ses balcons et ses fenêtres en nombre et à différents tateurs de toute nation : si grand étages contenaient des milliers de specl'on en voyait d'autres dans les jardins du voisinage, sur les arbres, sur les montagnes, sur les toits. Plusieurs pavillons régnaient sur des cminences, où des dames et des princes étaient à l'ombre, et un des sérails du Grand Seigneur ser\ait à cet usage si universel : c'est la perspective jouissait de la galerie principale au milieu de laquelle dont l'on nous étant placés sur des chaises de velours et appuyés sur un tapis de LA Perse, inonsiour nous révèque Calamine, île 211 moi, el ayant à nos cùlés et derrière l);ulc el li' lil.S(,KA(,E gardien de Jérusalem, le la no- blesse, tous les religieux et toutes les nations chrétiennes qui sont nous découvrions facilement toute l'étendue de ici, place à laquelle ce que je viens de théàlre. décrire servait la d'ampiii- » Les quadrilles entrèrent au pas et, faisant ambassadeurs. L" alors dans la lice, à cheval cette fois, tour de l'enceinte, vinrent défder devant les le Europe « » chevauchait tume mi-parti romain, mi-parti la priMuièrc, on cos- féodal, et tous les accessoires ordinaires d'un carrousel s'avançaient avec panaches, les aigrettes, les dragons volants, elle, « les grands mufles de lion, les les têtes d'Hercule, les pierreries, les fleurs de lys, les corselets, les lambrequins, les lances et les boucliers ornés de devises pompe aussi martiale que galante ». L'Asie champions portant des cottes de mailles traversées d'écharpes multicolores; ils avaient des armes damasquinées, contribuant à une suivait, ses des aigrettes endiamantées, des turbans du chef se rapportant à celle par avance. » européennes Sauf « du les « La couleur de », tout était oriental écus usurpés sur les modes chez ces paladins, et rien ne deux aj)parcils guerriers, des profondeurs du ]jassé et l'autre celui laurier semblait le couronner les lances et les frappait autant que cette opposition de évoqués l'un : : il semblait que compagnons de Saladin revinssent combattre à armes cour- toises la chevalerie européenne, ressuscitéc en ses plus brillants atours. Les exercices commencèrent. On marches, « tation; les des passades, caracoles deux quadrilles vit », et des marclios el contreautres prouesses d'équi- se mêlant tour à tour et se séparant; des figures correctement exécutées, se succédant sans interruption ni saccade ; une cadence de mouvements nieux, bien ordonnés : triple galop, Il d'adresse, course de lances, course de bagues, course de tètes, où au harmo- un carrousel réglé comme un menuet. y eut aussi des jeux de force et lanc('' justes, il s'agissait, sur un cheval d'enlever à la pointe de l'épée ou de la LES VOV A(;RS HT MAROI'IS 212 liK Nd INTEL lance une léte de 31écluse, posée près de terre. Et le son des trompettes, s'élevant pai' intervalles, annonçait le passage d'un exercice à l'autre. A la fin, le ja^elot à la tiirqne deux quadrilles sans ; il iljcriil chef des Asiatiques s'en fer, le l'Europe ou se mil de la partie. s'élant rangés face à face, vint, Les armés du long javelot, reconnaître et défier caracolait autour d'elle, mancBuvrait ('légamment son cheval, dont il faisait valoir l'adresse et la heatité. Comme il s'en retournait vers les siens, le chef de l'Europe partit au galop à sa poursuite et riposta lança fort dextrement lui manqua pas sa civilité ne « ; Européen deux », et les le dard; un Asiatique d'être réciproquée par ce ne fut plus ([iiune confusion ravissante de couleurs et de vements, des envoli'es d'étoiles soyeuses, un res, « clif|uelis un tourhillonnement de cirevaux; au-dessus, les en vert ou en rose chair d'armu- traits peints volaient, et lancés, évités, saisis, des éclairs colorés. Quand honmies l'ardeur des prolongea en une lutte se et des hétes fut à folle fantasia, où son comble, la l'on vit d'extraordi- naires tours d'adresse, où des cavaliers, pour esquiver le u mou- une piesligieuse vitesse, sillonnaient l'espace renvoyés avec comme » un peu à peu s'aniiiiant,s'échaulfant, partis rcnversoient le quitter l'étrier ni la course ». Et Xointel gravait dans sa mémoire toutes ces particularilt^s. alin d'en orner son récit; moindres : incidents et les dt'tails, s'égarait parfois trait, corps entièrement hors du cheval, mais sans « une feniiiii' les accidents. il notait les Le jaxelot qui regardoit en fut toucliée si vivement qu'elle s'en évaiuuiit, quoique attaquée par un endroit à causer plutôt la vie (jne la mort ou son image. D'autres inter- mèdes de deux faisant ses têtières et turbans par terre, et d'un cheval qui, ligures sa à mode, vouloit encore franchir une harrière pour montrer qu'il étoit maître de son comme les ombres à la homme, ont servi peinture à relever davantage l'adresse des autres cavaliers, et n'ont pas contrii)ué médiocrement à la risée du jiuldic, Il rioil gues fussent aussi d'imc même iliverses (pic la manière, encoreque ses lan(irècc, la TiiiMpiie, la Perse, LA rAiiiii'iiie. rArabie, la d'idioincs différents. l'Ili'hraïsmc produisent 'rurcoiiiaiiif cl » Le tournoi dura autant rassemblée 213 l)IS(.HA(;l': (|ue le jour. dans d'élite (|uisiéi;eait Quand tombée, la nuit fut la galerie se réjiandil à l'inté- rieur du jialais, et chacun d'admirer la spiendide métamorphose de cette demeure, dont ce jour marquait l'inauguration solennelle. Un entre (|uatre tables Son Excellence, régal fut offert aux iin ités de abondamment répai'tis servies et parées de tubé- reuses. L'ambassadeur présidait la plus élevée, et s'épanouissant dans sa gloire, majestueux, olympien, sous de lui plus tance se fut lentement retirée, plus flatteurs témoignages pée « avec une satisfaction singulière de une se sentait encore l'ain et s'était oH'ert le Quand l'assis- constatait i[ue la foule s'était dissi- il ; réussie de tous points avait obtenu il jouissait de \oir an-des- se décerna dans sa relation les il verselle », qu'elle avait produit et il de soixante convives festoyer. fois « une approbation un « heureux éclat très : il fort uni- avantageux », avait joué au souve- di\ertissement quasi royal: luxe d'un pour mieux célébrer son maitre, curiosité- », ([ue sa fête il lavait imité, au ris(|uc de h' parodier. il I> H K JI I KHs M r. lî AURAS. Ce beau jour eut un cruel lendemain. Depuis six ans, Nointel dépensait sans compter, voyageant, collectionnant, dormant des fêtes, mangeant son fonds une égale pour se facilité; tirer qui sont le il et dissipant ses jouissait d'embarras, il du appointements avec pi'ésent, sans sorrci de l'averrir ; comptait sur l'une de ces chances suprême espoir des prodigues, sur un miracle de la munificence royale. Or, ce secours désiré, attendu, provoqui'. n'arrivait point, et dans le terrrps (jrre la \ille s'entretenait encore LES VOYAfiES DU MARQUIS DE NOINTEL 214 des merveilles admirées au palais de France, le marquis se décou- vrait à bout de ressources, hors d'état de faire face à des obliga- tions de plus en plus onéreuses et pressantes. On demandera peut-être comment se avait osé, sans permis- il sion du Roi, entrer dans de tels engagements. Il faut considérer qu'à cette époque nos ambassadeurs prenaient en quelque manière leur charge à forfait octroyé, : moyennant qui leur était le salaire devaient subvenir à tous les frais d'une mission diplo- ils matique, représentation, déplacements, largesses officielles et cadeaux secrets; sui\ant que leur gestion économe ou imprévoyante, la ils ('tait en recueillaient les bénéhces ou en portaient peine, se ruinaient ou faisaient fortune. Assurément, en cas de nécessités extraordinaires, il ne leur était pas interdit d'aspirer à des gratifications supplémentaires, conférées à mais encore titre bénévole; que leurs dépenses fussent reconnues d'un fallait-il avantage évident pour le bien du service; en un mot, pas à faire autoriser ces dépenses, mais ils ils n'avaient n'en étaient couverts qu'à condition de les justifier. Or, pouvait-on attribuer un caractère d'utilité publique Nointel? Sa visite pour la aux dernières au.x Echelles, et ruineuses entreprises de quelque soin qu'il eût pris rendre profitable au commerce, avait toujours été consi- dérée à la cour comme voyage difficilement pron\é monter un que d'agrément. D'autre part, il eût l'un des attributs de sa charge était de tlicàtre français à Constantinople, de donner des carrousels et de mettre toute la population sur pied pour admirer ces divertissements équestres. On ne Louis XIV, sourd à ses raisons, demandes de remboursement. Toutefois, séquence et si M. de Nointel de la prodigalité, ail s'étonnera donc pas que laissé sans réponse ses avait dépassé les limilcsde l'inconil faut convenir que certaines de ses réclamations étaient fondées, et que les habitudes financières de la monarcliif hii infligèrenl il'injustes ses appoiiiteiiients. au Mais le moins eùt-il dû mécomptes. Réduit à les louclier exactement. trésor royal, obligé de pourvoir à des dépenses chaque jour croissantes, se montrait débiteur singulièrement inattentif; LA DISCKACK SOUS Mo plus fastueux des monarques, nos ambassadeurs n'étaient le payés qu'à dates fort incertaines. Faut-il croire qu'à ces causes générales de retard s'ajouta pour Nointel une cause particulière, qu'il fui toute-puissante ? Entre Colbert et lui par une passion il \ d'une inimitié icliine y aurait eu brouille, causée commune. Fort avide lui-même Colbert avait dans d'objets d'art, Levant ses agents personnels, le qu'il lançait manuscrits anciens, des médailles, surtout à la recherche des des pierres gravées, ce genre de curiosité faisant alors de tout bon cabinet d'amateur. l'existence à envoyé l'empreinte. A Sur ces de ces agents lui aurait fort précieux et lui cette vue, le ministre toute beauté, s'en éprend et l'achat. Un Chypre d'un camée juge mande au consul de entrefaites, Nointel, passant le lui signalé en aurait la pii'ce de en ménager lui-même à Chvpre au cours de son voyage, s'amourache à son tour du délicat et se le fait fonds profil céder d'autoi-ité pour l'envoyer à M. de Pomponne, ministre des affaires étrangères, son supérieur direct. Outré de cette préférence, Colbert aurait (pii lui avait subtilisé sajjroie. etconimeles haines de collection- neurs sont féroces, fait \oué un amer ressentiment à le vindicatif surintendant des finances eût en sorte que tout envoi de fonds à l'ambassadeur fût désor- mais suspendu (i). Quoi qu'il en soit de cet incident, dont les correspondances diploiualif|ues trace, il est certain pension que lui et consulaires n'ont gardé nulle que Nointel avait alors à se contenter de servait le commerce de moitié de ses appointements, celle dont Marseille. le Pour la l'autre payement incombait à la cour, l'arriéré demeurait considérable. Cette irrégularité, en le privant de sommes qui lui revenaient légitimement, avait fort aggravé sa situation. Ainsi et par celle de s'était creus('', à la fois par sa faute son gouvernement, l'abîme où menaçaient de s'engloutir, avec les dernières parcelles de son avoir, sa fortune pohtique et sa considération. 11 (1) lutta d'abord, cherchant à S.^ixt-I'hiest. p. -i'M : Iîon.nac. p gagner du temps, escomptant 29. LES YOVAI.KS •2U> MAl;nl 1)1" l'avenir. esptTant toujours (jue le son soulagement eflicacïe à gardait bonne contenance; IS Roi « ferait ». Il s'efforrait s'il MUMEL |)i: quelque réflexion encore de paraître diminué son train avait son luxe, son extérieur demeurait décent. Lrillanl indigence dorée. Dès les Juifs même, et son n'en était pas moins réduit aux expédients. Il la fin de l(i76, et modéré et d'emprunts usuraires, vivait il avec traitait de Constantinople, mettait en gage ses fourrures, ses comme étolfes précieuses, et les subsides auxquels avait droit il ne s'annonçaient nullement, ces misérables compromissions ne pouvaient relarder longtemps sa déconfiture. Dans celte dangereuse et une ressource douloureuse, passe condamnable ; restait, lui d'imposer aux marcbands c'était français du Levant des avances obligatoires et de taxer leurs donné bénéfices. Certains de ses prédécesseurs lui en a\aient l'exemple; on lui-même, s'en souvient, avait argent des marchands de Smyrne, vers la fin quelque tiré de son \ovage. Mais ce procédé, nuisible en tout temps, ne pouvait trouver d'excuse que dans un inlt'rèt exceptionnel et public. D'ail- leurs, le Roi, par lettre personnelle au marquis, venait d'en interdire expressément l'usage, sauf en des formes rigoureu- sement déterminées és (Ij. De après consultation préalable des intéres- et plus en plus. Louis XIV \oulait que son and)assa- jcur, loin de pressurer nos nationaux, leur servît atlcntif, dili(jent, désintéressé, et se fît le protecteur di> premier serviteur du commerce. Avant de contrevenir à lies intenlions aussi formelles, croire (jue Nointel hésita: cependant, la nécessité mis était trop forte, laissait lui et le pas fut franchi la pénurie on il |ieul s'était oîi on le parut constituer un cas de force majeure, qui l'auto- risait à se faire avancer d'autorité par son traitement. En février KiTT. il ; oîi dix-huit mille piastres et lui assigna sor royal, dont il les laxa il marchands la « (H Vojez, notamment, la lettre publiée Louis AVI", t Smjrne remboursement sur demeurait créancier pour une viljiiinistratire sous le réijne de l'arriéré de nation de somme » le tré- au moins par G. Depping, Correspondance lit, p. 533-534. DISi.l! I.A égale. Fait encore plus grave, pour vaincre ACK 217 cul rei-ours à l'autorilé turque il résistance des Français, la ment, et les contraindre à payer les frais de leur (jui On débourser. se débattirent vive- alla jusqu'à leur faire propre exécution, le voyage du tchaouch euvové à Smyrne pour procétler conire eux. Lambassadeur du Roi s'assimilait ainsi aux paclias qui prélevaient sur la dîme de leur a\arice : de mettre ciiargi'- (in au.v commerce le avanies, il en suscitait une. Son acte était d'autant s était \ ('•lii''m('nle imprudent plus déjà formée contre opposition (|u"une parmi lui la p()[)ulatioii fiamaise des Echelles. De]uiis son voyai:e. depuis ce dispendieux parcours dont marchands eut été de lui ils nouveau e( sentirent menacées, avec pi'oleslèrent a\ aient en partie supporté les gardaient rancune. Dès vioh'mmcnl et leurs luitioii nos frais, Smyrne de alleinle. toutes les autres se membres se levèrent en tumulte, grand tapage, en bons indignation, tirent Méridionaux. Ces Marseillais avaient le (jiie la la langue prompte et affilée, parler haut, sonore, pressant: leurs claiiauileries pou\aient aller loin, et .\ointel reconnaîtrait commise en se mettant à dos la l*our détoiM'uer plaidoyer supj)liant cour (1); ce le ]iéiil (ju cl il ne se conséquences de sa déterminail dans senlail chargea La (^roix secnUaire tracerait de la il laii", de situation l'ambassadeur un tableau attentlrissant; tifier et lard la faute qu'il avait Provence. Dès à présent, sentait nullement rassuré sur les ti<ni. un peu le où il écrivit porter s'était ,i un la trouvé tacherait ainsi de jus- de faire absoudre son maître. Par malheur, les nouvelles du Levant, quelles qu'elles fussent, n'étaient pas ]iour impressionner favorablement gion ne se plaignait pas moins que le la cour. La reli- négoce. Lalfaire des Lieux Saints, récemment ressuscitée, tournait mal, et que le splendide et malencontreux \ oyage fut encore à il fallait l'origine de cette déconvenue. On n'a pas oublié (|u"après la bagarre suscitée à H) Lettre au lUii, '20 mars 1677 Jérusalem par la XOUMEL LES V0YA(;ES DU MARQUIS DE 218 présence de rambassadeiir, les religieux grecs avaient député de leurs patriarches auprès de la Porte l'un renouvelé devant : litige s'était le Divan, qui statue en dernier ressort dans le ces matières, qui fait le juge entre les parties, juge vénal et facile à prévenir. droit rité ils : Les Latins, est vrai, étaient forts de leur il pouvaient invo(|uer des litres vénérables et lantério- de leur possession, les enipiélements de leurs aux n"ayant ri\ guère commencé que depuis un demi-siècle. Par contre, les Grecs trouvèrent à la cour ottomane de puissants appuis de la : drogman le Porte, ce premier de leurs coreligionnaires, se considérait comme leur protecteur naturel. Panaiotti les avait assistés tant qu'il avait vécu; on assurait même qu'avant de mourir ohlenu en leur faveur des promesses il avait et des garanties secrètes. Son successeur Mavrocordato ne montra pas moins de zèle. Ainsi encovu'agés, soutenus, les Grecs manceuxrèrent audacieu- sement tous rompirent, les ressorts dont disposaient, intriguèrent, cor- ils marchèrent avec plus d'insolence à l'assaut du Saint-Sépulcre. Finalement, position fut emportée. Par sentence souve- la Kupiuly remit exclusivement aux Grecs, sans raine, le vizir égard au droit des Latins, les privilèges douleur pour sants offices; "estitution du Roi s'en tement ^ ait honorifiques il écrivit comportait un affligea, alIVoiil (1). Ce pour une fut la France. en personne au sultan pour demander la du sanctuaire; aucune dcMiiarciie son orgueil s'en ressentii' (|uelque tout, d'ailleurs, il t'inut. ne réussit. humeur lui semltlait La picHé Sans connaître exac- causes premières du conflit, valu ou du moins n'avait su En (ju'elle aussitôt à son représentant les plus pres- les (h'tails et les que garde du Saint-Sépulcre, avec tous la catholicité entière et XIV ordonna Louis la il contre l'euNoyé qui ne poului avait épargner cette mortihcation. que Nointel eut lassé la fortune : les circonstances les plus diverses conspiraient |ioui- le jjcrdre. Le Grand Seigneur (t) .Nuinlt'l annoni;ail rintention de rétablir le siège à l'omponiic, G noveiiiljre t(i75. du I. liISCRACE \ 219 gouvernement à Constantinople, cédant aux instances menaçantes du peuple et des janissaires, qui redemandaient pour leur ville le rang de capitale, avec avantages en résultant. Cette les rentrée allait remettre Nointel en contact avec des ministres pleins de superbe; à propos de leurs renaître ces querelles d'étiquette si Eu entre la France et la Porte. audiences, on verrait fatales aux bons rapports face d'accidents non prévus et de brusques exigences, lambassadenr aurait à se faire, en matière infiniment délicate, de son maître. Obligé de cessions, du Roi ou il dans se trouverait l'intérêt juge de le la dignité et clioisir entre de llioinieur une rupture et des con- cas de sacrifier lamour-propre le de la France; quelque parti cpiil adoptât, risquerait de déplaire et s'exposerait à un il lunniliant désaveu, prélude (l'une disgrâce. IV .\FFAIHE I. lir SOF.\. Le 20 avril KiTG, .Aloiiammed IV arriva Daoud pacba, qui s'élèvent à l'extrémité de rière Constantinople, et où sui- les bauteurs de Corne d'Or, der- la ses tentes furent posées. L'armée de ses gardes et de ses suivants se déployait autour de lui; à sa suite la sultane favorite dans il tenait un cbar couvert de drap rouge, fermé de jalousies et accompagné de cinquante carrosses. Il vil alors à ses pieds un entassement de villes boul épandu sur tout l'espace compris entre lide; à gaucbe, Galata, Péra, San Dmilri, le : à droite, Stam- port et la Propon- les quartiers ciu-étiens, bauteurs ou épars sur les pentes. les faubourgs couronnant les De toutes ces villes, un peuple immense sortait, pour voir et saluer le maître, et ce Cependant flot Mohammed et défait tant de multitude montait comme une mer. eut peur de la grande cité qui avait fait d'empereurs ; il n'osa y entrer et se mit à errer LES VOVACKS 220 autour d'elle, parcouraut semées dans retraite MA IH li OT S I voisinage, allant de lune à l'autre sans le coucher deux nuits de suite sous le même toujours dressé, conmie lieu de sûreté « de plaisance ou de Irihitalions les .NnLNTEL l)i: Ce séjour ambulant toit, camp tenant son de refuge. Xointel mille facilités olïrait à » (1) et d'observation. Jusque-là, la cour ne s'était montrée à lui qu'en de rares apparitions, à l'instant des audiences solennelles ou tles sorties publiques. Maintenant, en ses continuels déplacements, elle se laissait voir et contempler à loisir. Comme Molianuned craignait surtout Stamboul, la turbulence de sa plèbe et l'humeur mobile de ses milices, cbi-éliens, rôdait jour devant se rajiprorliait \olonticrs des quartiers il autour d'eux par terre ou par eau; le palais De de France. cette il passa un comme demeure, d'un observatoire, Noinlel peut suivre ses mouvements, ses occupations; met se il à les noter jour par juin-, presque lieure par heure, et les descriptions qu'il en trace, vé-ritables tableaux de genre, pomraient s'intituler Le lendriiiain de rarri\ée, La semaine : il a \\i le d'un sultan. monar(|ue voguer sui- le port, en galiote. et aussitôt, grâce à la inimitié tlu récit, la sci'ne s'évoque à nos yeux avec une netteté singulière, dans sion de ses couleurs et de ses détails en gouvernant elle-même : « Sa Hautesse conduisoit timon; son habit le la préci- éloil couleur de cendre^ celui de son gendre le favori, assis un peu au-dessous d elle, étoit l'ouleur de \in, et son autre gendre, étant même bleue jeune dans la posture et vis-à-vis de son beau-frère, avoil une veste l'on : \ oyoit dans le plus bas et au-dessus des homme bien qui fait, ('-toit rameurs un encore assis, que l'on estime être le si'lirtar (porte-épée); à son opposite, paraissoitleios^a^t/y'îhaclii. (|ui tenant une main siu' le lionl dr la gaiiote. voguoient étoienl en chemise Idanche et Les caleçon hoslmuljis rouge iiuatorze caïques, portant le reste de la cour, les suivoient [2). Les jours d'après se passent en excursions Le matin, Mohammed descend à la mos(|ur'e (1) Noinlel h l'oinpomic. 3 mai 1G7G (2) Ibid , (i iii.ii lOTG et d et » en pèlerinages. Evoub. hors des LA murs: s'enfoitcanl sous ce lieu (roinlire et un et reçu •2->[ udirc rainure des cèdres, de inysière, en ce ceiiiuant le sahre d'Ollinian mon Ai.K Le placet. on apprend : soir, (ju'i! leur pouvoir en a onleudu un ser- la du vendredi, prière l'usage l'oblige h se rendre à l'une des grandes mosqut'cs de la capitale, port vient en va admirer des fleurs rares il chez un Turc amateur de jardins. Pcuu' comme il sacro-saint, où les lieu leur avènerneul, légitiiucnl lors de sultans, la l)|S(,l! « et la il choisit celle de la Validé, la plus rapprn liée moins engagée dans la ville (1) », et jus(|u'à Sainte-Sophie, c'est avec cachette. Ses devoirs de calife aeconijilis. divertissements vagahonds. loui;e d'Europe, regarde son en fait servir de cent tils prendre (|uel(|ue erulroil il et du ris(jue connue en retourne \ite à ses des l^aux douces la i-ivière le plaisir de la pèche ou se des repas de (|uatre-viugts plats, mange goulûment, plats, s'il peu d'apparat .' s'attarde des pa\ liions au hord de l'eau, eonune s'il pour la sieste dans voulait se reposer par cette mollesse de la violence ordinaire de ses occupations. Pendant ce temps, mal grave, il le vizir tient le conseil, traste entre ses travaux et lement : Le « 30, sérail des Miroirs la : habile exerce la ville: le les t'av(U'ite a pris son logement au charges du pouvoir. et la Mohammed jiompe, pourvu avec sa sécurité. Lu jour » (|n'il lui n'en dédaignait (|u'ils il met eu mouvement la Hotte pussent se con- prend fantaisie de par- courir le port dans toute sa longueur, de pousser Asie, con- Sa Ifautesse a passe (pielqnes heures avec point l'éclat extérieur cilier et le ceux de son maître s'accuse jourmd- sultane elle, et le gi'auil \izir a visité l'arsenal i2). Fuyant (pioique atteint d'un gouxcrnenient. mémo jusqu'en du capilan-jiacba et monte sur l'une de ces galères monumentales que les sultans appelaient leur « teau de poupe la mer trône de poupe : « ». Il Nointel à Pom|ionne. (2)/6i</.. :j mai le châ- L'on vovoit en bas, dans l'espace qui est entre et la chiournie. le des côtés de la galère, (1) occupait une estrade élevée sur Ki'tl le capitan-pacha debout, adossé à grand turban en juin i(j"0 tète et la 1 baguette à ini la LES VOYACES DU MARQUIS DE .NOIXTEL 22-2 main, faisant figure d'amiral, car étant tout à fonction de sa charge, dont payoit que il d'apparence. Et d'ext(''rieur et en répétant ce qui noit, c'étoit fait inhabile à la aucune connaissance, n'a lui étoit quelquefois si lui. l'artillerie jaillissaient et la nuages lents : autour la flotte avançait, » d'elle, les éclairs de fumée des salves s'arrondissait en les navires mouillés toutes leurs pièces. ordon- lesquels fai- soient effectivement la charge de capilan-pacha (t). que ne suggéré par quelqu'un des dix capitaines qui se trouvoient auprès de A mesure il il dans le port faisaient feu de y en avoit d'Angleterre, de Venise et de « Il Barbarie, et lorsque Sa Hautesse s'aperçut que les Anglais lui un salut faisoient demanda elle en se découvrant signifier trompettes; à chapeau à la main, au bruit des trompettes, ingénument au timonier ce qu'ils vouloient le fort il Sa Majesté, lui répondit qu'ils vouloient marquer leur respect et qu'avec ces instruments les bâtiments s'appe- loient réciproquement en « et se baissant, et à quoi servoient ces mer. Cet empereur étant descendu à son kiosque qui est sur bord de la marine dehors attendu par pas Les mangé sit()t palais, et éclaté feu ils le grand Sérail, où quantité de jardiniers, l'artillerie il y avoit eu de bons canonniers; mais des jardi- avoient arrosé la il y a apparence qu'avant de mettre poudre, s'imaginant que c'étoit la terre d'autres manquoient d'amorce, que l'on semer comme salut plus La dans si mal exécuté c'eût été de la graine; et qui mérite NointuI à (2) Ibid. il ;i 3 mai KiTO. raillé (2). » Scutari, une halle promenade. s'en retournait vers le fond du porl. l'uni|)Oiiiie. et n'y eut jamais davantage d'être les jardins d'alentour terminèi'ent la tirer, avoit peut-être prise traversée du canal, un débarcpiement Grand Seigneur (1) étoit continuoit ses décliarges de leur jardin, car plusieurs canons prirent feu sans ])our il n'v eut du Sérail qui défendent l'entrée du port auroient s'il niers faisant cette fonction, le proche en sortit pour rentrer dans son grand qu'il cependant batteries mieux et le boxldiidji hachi et le Comme il le disiribua 1»1S(.U.\(;E I.A pour 22:^ rameurs quelques poignées de sequins. qui naturelle- les ment n'arrivèrent pas à ces misérablt>s et s'égarèrent aux mains des officiers. D'autres fois, montre. Sur à il s'aventure sur Rosphore, et Xoiutol le l'v double rive qui ondule avec tant de grâce, variant la chaque instant les aspects et découvrant des replis inattendus, des empereurs et des grands avait déjà égrené les la fantaisie résidences d'été. Entre les villages turcs, arnautes, arméniens ou grecs, elles apparaissaient de toutes parts, au seuil des vallons, au fond des baies charmantes, sur ronnent les grands pins parasols les promontoires que et (|ue cou- les lauriers-roses em- pourprent d'un coloris ardent. A l'exception de quelques kiosques impériaux, contruits en pierre et incrustés de faïence, c'étaient de grises bâtisses de bois à galeries saillantes, sans apparence, sans architecture, fragiles et éphémères demeures, posées aux endroits oii la nomades, \ semblait que ue était étendue et verdure abondante. Fils de la Turcs n'édifiaient guère de palais les le logis : pour eux, il préféré fût un pavillon largement aéré dans de frais jardins, parmi beaucoup de fleurs, près d'ombrages égayés parle bruissement des eaux — un lien de halte dans une oasis. Sur le détroit ainsi pan'', sur ses bords riants, animés, où accostaient sans cesse des caïques dorés, l'arrivée du maître sus- pendait brusquement la vie. A l'annonce de sa venue, loin de s'embellir et de s'orner, les maisons se fermaient, s'obscurcissaient, se renfrognaient, se faisaient tristes, alfectaient d'abandon et les regards de délabrement; du maître et ils s'agissait d'échapper à sa Tur(|uie ne possédait que par grâce sultan, qui en abandonnait sance. dont Dans le dabord de linge site SCS fin, \isite. En un air elles d'éviter clïet, nul en toute terre appartenait au ou en reprenait à son gré la jouis- promenades, remarquait-il quelque domaine ou l'aspect traiter ; pour lui plaisaient, il y entrait, s'y faisait royalement, servir à manger, présenter un cadeau de fourrures ou d'argent; puis, impression persistait, il récomj)ensait cette si son heureuse iiospitalilé' en s'em- m I.F.S VOVACES M AKijriS 1)1 nombre parant de la maison et en la mettant au impériales eommandant en entra de la sorte chez Yikjh ou des janissaires. Cet honneur coûta au propriétaire un fes- elief de quinze mille écus ; mais le prince se montra magnanime domaine^ sous condition d'un nouveau régal Il laissa à Yaga son « Je ne prends pas ton jardin, cerises tout seul (2). « ri'sidences îles (1). Mohammed tin VdlNTKL Di: mais ne mange pas lui dit-il, Sa Ilautesse adorait ce » un empressement enfantin à s'en soûler les montrait fruit et Apprenant que ». : les meilleures cerises du Bosphore se cueillaient à Bou\ ouk-Dére, près de la mer Noire, ri'colte entière avait il poussa jusque-là ses pérégrinations. étc' retenue à son usage « : porté à mi-ciHe. dans un cabinet ou échauguctte demi-douzaine de planciies {[ue par un trou à chats, ger de ce et couvert de \ demeura il fruit, et l'arbre (|u"il apparemment de même de qu'il tiroit Dans une autre Constantinople, il ses voulait ravant, comme prié: il vit un cortège approciier du sien quaml il et de en sera (3). » le : grand se traînant à peine, soutenu par deu.x La guerre, les excès l'achevaient. ('tait allé Il mangeoit encore des loiu'd, boufli, hiileux d'enflure, le ; sacré. des paniers qu'on avoit mis à ses côtés une dernière il ou sept heures à man- si.\ ce beau lieu de sa retraite que je viens paupières loinbaiiles. l'avaient épuisé jour n'entre e.xcursion, se trouvant à (|uel(|uc distance de vizir s'avança vers lui, hommes, le honora de son attouchement d'expliquer. S'en retournant par mer, guignes composé d'une même, où ses peines a été enfermé dais et réputé La sétant trans- fois saluer le Il \il le se sentait poux oir mourir et son maître. Peu de jours aupa- au tond)eau de son père se releva, on regard éteint sous tra>ail. i|uc et avait longuement des larmes ruisselaient sur sa face de cadavre tnmélié. Nointel jouissait de voir vait avec impatience les II) Niiiiilei à l'ompdiiiic. <1 le lier vizir juillet KiTi, ii) Ihid. (3) Noinicl i\ l'(jm]>onnc. (1 en cet abattement et sui- progrès de sa maladie; quand juillel KiTll. serait-il LA 225 DISliliACl': du ministre qui ra\ ail plusieurs fois lierné et dupé, tenu longtemps sa diplomatie en échec et rompu son (lébarrassé qui avait J'appréhende, voyage d'Égvptc? « sa faveur, mais je me mal (I). » écrivait-il, L'espoir de l'ambassadeur ne fut pas déçu vembre 1676, Kupruly mourait. On délaissa son cercueil si quelque miracle en songeant à l'extrémité de son rall'ermis en : « l'avait La pompe funèbre de le 3 : no- adulé vivant, on ce ministre d'un haut éclat a été réduite à un coche couvert de drap rouge, tiré par {juatre haridelles, et accompagné de ([uatre eunuques... et la prière par laquelle, en levant les mains au paix à l'àme du défunt fut imû\ erselle (2). Nointel s'était Une son erreur. félicité trop tôt il : interruption se fit ciel, on souiiaita la » ne tarderait pas à connaître, alors dans le règne des Ku- pruly; on ne reviendrait aux descendants de cette famille qu'a- près des épreuves et des désastres sans nombre. Pour succéder au nomma vizir défunt, le sultan Constantinople, auquel il présentement le gouverneur de remit le sceau de l'Etat c'était ce : Kara-Mustapha, despote de basse espèce, barbare corrompu, qui devait finir supplicié à lielgrade, après avoir essuyé en 1683 sous Vienne une défaite retentissante, et et précipité par son inei)tie ses égarements le déclin de l'empire. Tombé de Kupruly en Kara-Musta[)ha, l'ambassadeur eut à regretter le premier. D'aboid, connaissant mal le second, borne à envoyer des détails maisoji; bientôt, il le jug(î siu<c il se son extérieur, sur son train de un diable incarné ». C'était plulé)t un alcoolique omnipotent. De tout temps, orgueilleux et rapace Kara-Mustapha avait mêlé à l'étalage d'un luxe insensé de basses mesquineries et des goûts crapuleux. Lorsque le à l'excès, caprice du maître l'eut élevé au ministère suprême, il ne garda de ses vices et de ses haines. plus de mesure dans la satisfaction Sa violence pas raisonnée conmie celle de Kupruly; n'était surexcitée par l'abus continuel des boissons fortes, incohérente et déréglée. (1) -Nointet i'2) Ibid., G Il passait elle était une partie de son temps à l'ompoimo, 21 octobre liiTG novembre 1070. 15 à cu- LES VOYAGES DU MAUUUIS DE NOINTEL 226 ver son vin, à dormir au pouvoir; mais ses réveils étaient mauvais, terriiiles, délirants : il y avait chez lui des alternatives de torpeur et de frénésie. Alors commençale Pour conserver avantages du commerce^ supplice des ambassadeurs. à leur nation le bienfait de la paix ou les durent se résigner à une existence tissue de tribulations. ils Aucune ne se terminant que par ordre direct de affaire par lirman ou commandement, ils quemment au voir, Pour vizir. le la Porte, étaient obligés de recourir fréil leur fallait s'astreindre à des démarches réitérées et humiliantes, parler aux subalternes, payer leur appui; une audience les flatter, était une affaire qui se négociait et se marchandait longuement. Après avoir essuyé dégoûts, l'étranger obtenait la promesse d'être reçu; mille on la tradition. la Au barquait dans il une lui assignait cessives dont date. Alors conmiençaient ces remises suc- diplomatie ottomane n"a pas entièrement perdu jour le dit, l'ambassadeur se mettait en route, s'em- caïque qui devait le conduire à Stamboul, où monterait à cheval pour se i-endre chez près de la le \izir, Suleimanié; soudain, un contre-onlre arrivait. Force était au visi- teur éconduit de rebrousser chemin, de ramener tristement son cortège, de rentrer tout confus au logis, de faire revenir son cheval déj.à passé à Stamboul et l'audience, s'écrie Nointel dans ministre qui traite si « qu'il aurait fallu bestialement les personnes qualifiées ne mérite point d'autre conversation que celle des bêtes Après une série d'ajournements, laisser approcher, vides : il fallait, envoyer à un élan d'indignation, puisqu'un le vizir (1) ». consentait enfin à se mais on ne pouvait guère l'aborder les mains à cha(|ue audience, présenter des curiosités d'Eu- rope, des choses précieuses ou rares, que les Turcs acceptaient comme un tribut et une marque d'hommage. Le vizir daignait à peine y jeter les yeux et s'empressait de les convertir en argent. cet elfet, il avait passé contrat avec le chef des marchands, qui A s'engageait à reprendre les objets donnés, et l'ambassadeur (1) ris- Noinlol à l'ompoiiue, rai)ports annexés ;i la lettre; au lloi ilu i" mai et extraits ijui suivent sont tirés des mêmes rapports. 1679. Les détails LA liISCiRACE -2-n quait de retrouver ses cadeaux au bazar, exposés parmi le bric- à-brac oriental. Pendant l'audience, la conversation était des plus pénibles, car on trouvait gi-néralement lait le vizir entre deux iAresses. Il par- par monosyllabes, répétait les derniers mots de son interlo- cuteur comme un « écho ou un enfant », ou bien lui adressait à brûle-pourpoint des questions baroques, dénotant une ignorance à toute t'preuve. Par exemple, généraux si demandait à l'agent des États il ses maîtres possédaient toujours Naples et la Sicile. L'entretien se terminait rarement sans qu'il s'emportât en apos- trophes violentes ou en sorties furibondes. Selon le rang vais traitements particulières. : à chacun d'eux étaient réservées des injures Lorsque arrivait un ambassadeur de Bretagne, par mer, on obligemt exécuter des Seigneur: envoyés, on variait les mau- et la nationalité des manœuvres le la Grande- vaisseau qui l'avait amené à et à courir c'était le plaisir lutter contre les courants des bordées devant le Grand de Sa Hautesse que de voirie hdlimcnt du Bosphore. L'Anglais s'étant conduire en chaise à porteurs chez le grand vizir, ce trouva son procédé trop libre, son véhicule honmie », et parla de, lui faire « rompre « ministre indigne d'un cette cage sur la tète ». L'insolence du maître se comnmni(iuait aux valets audience donnée au baile de Venise, le fciaya lui : pendant une demandait bru talement, en le voyant perclus de goutte et marchant avec culié : « D'oîi vient des gens estropiés? donc que votre république n'envoie » Le fait diffi ici que résident de Hollande n'éprouvait que mortifications. Introduit devant le vizir, il devait se courber pro- fondément, jusqu'à ce que son ample perruque se renversât pardessus sa tète et touchât presque la terre, débiter dans cette postare d'humbles discours et attendre patiemment que l'Altesse mahomélane lui eût fait approcher un siège. Quant aux envoyés des États inférieurs ou vassaux, tyrannie. ils étaient soumis à une véritable Deu.x députés de Raguse furent emprisonnés, sous prétexte que leur république n'aurait pas acquitté intégralement le tribut qu'elle devait au Grand Seigneur: un troisième étant LES VOYAGES D 228 L' MAKULIS DE NÛIMEL venu réclamer ses collègues, on l'envoya les rejoindre au château des Sept tours; peu s'en fallut que tous trois ne fussent mis à la torture. Vis-à-vis même des puissances avec lesquelles compter, les Turcs violaient outrageusement et les immunités partout reconnues ils : avaient à ils le droit des gens ne se privaient point d'attenter à la liberté des représentants. Ils tenaient alors entre leurs mains le tsar un Russe, porteur d'une lettre écrite au sultan par de Aloscovie, avec qui on négociait la paix. eussent pressenti mal que leur le en suspect traitaient son émissaire Comme s'ils ferait plus tard la Russie, ils en prisonnier; ce coreli- et gionnaire de leurs sujets grecs leur semblait à surveiller rigou- reusement. Vingt janissaires le gardaient à observant vue, tous ses mou\ ements et rempèchant de sortir. C'était au reste un demi-barbare, vêtu à l'orientale plut(">t qu'à l'européeime, fruste d'aspect et de manières, effroyable buveur. Deux Fran- dont l'un disait quelques mots de russe, étant par\enus à çais, le trouvèrent en compagnie d'un muid de vin qu'il demeure dans sa chambre et auquel il les invita à puiser largement. Il témoigna d'ailleurs d'une particulière sympathie pour la France et exprima le désir de voir son ambassadeur, mais l'approcher, tenait à revenait toujours versation ». On « à la lioisson arriva même comme à griser ses côtés en sentinelles; néanmoins, intermédiaire de la con- deux janissaires placés à il n'osa en profiter pour accentuer ses déclarations et se contenta de boire encore, avec intrépidité, à la santé du Roi, de la famille royale et de l'illustre marquis. Il est à remarquer que les Turcs, au plus fort de leurs excès, n'inlervertissaient jamais les rangs attribués gers; ils aux ministres étran- avaient le respect de la tradition, et pour eux les pré- cédents faisaient loi. En vertu de notre anticpe prést'ance, l'am- bassadeur français restait à leurs yeux le premier. Il obtenait audience avant tous autres, mais n'en devait pas moins éprouver l'arrogance du vizir. Ayant témoigné le désir de présenter son complimenl au ministre nouvelleineiit entré en charge, Nointel I.A fut averti i[ue le voir. 2 mai 1(177 au se rendit Il lllSdUACH 229 date désignée pour le rece- l'Iait la manière dont lieu indiqué, et la il eut à se frayer passage jusqu'à la salle d'audience donne une idée singulière de l'aménité et des égards réciproques qui marquaient ces cérémonies. Je suis monté, écrivait-il, dans l'appartement du vizir, et « pour v sai des aniver passant dans des galeries assez me Turcs qui sendiloient ne pas dempressement à entrer dans la retenus, ce reçurent, qu'ils comme repous- j(! chambre d'audience, tomber écartai d'une façon à les faire étroites, connaître ou a\oirlrop si la ils le et je les muraille ne les eût dévoient, a\ec une grande patience. Et parce que Mavrocordato vouloit en (|U(dquc façon modérer pour tiné mon juste ressentiment, je l'arrêtai par îe bras et aussi reculer, et j'entrai de cette manière dans le lis Le me recevoir ne se trouvait pas encore dans vizir le lieu des- (I). » la salle': attendait il l'ambassadeur eût été introduit, pour paraître lui-même (pie dans toute sa majesté et venir siéger sur le sofa. (jue cette estrade recouverte d'un tapis, dressée cement de la muraille, jouait ottoman. Il un graml d'usage que était prissent place l'un et l'autre, le rr)lc On se souvient dans un enfon- dans le cérémonial ministre et rand)assadeur y premier au fond ou dans l"im des le angles, le second assez près de lui, tous deux sur dos taboirrels de même hauteur. Les drogmans chargés d'inliTpnlcr leurs paroles se tenaient debout contre le bord du sofa, autres les assistants derrière eux. .Nointel connaissait tous les détails de cette ordonnance et s'attendait à la voir observer. Quelles ne furent pas sa surprise, sa colère, ipiand préparé pour le il reiiiar(]ua (|ue. par extraordinaire, le siège recevoir se trouvait en bas et en deiiors de l'es- trade! L'innovation était injurieuse, contraire à la tradition, cal culée pour établir entre les deux interlocuteurs quante inégalité (I) Nointel i'i : Nointel se refusa à t*om[ioiin(\ .j tii.ii IU77 la la tolérer. plus Il cho- saisit le LES VOYAGES DU MAROIHS DE NOINTEL 230 tabouret et éclats lie posa d'autorité sur le le sofa; en même temp^ les sa voix courroucée retentissaient jusque dans la pièce moment voisine, où se tenait le vizir, attendant le de faire son entrée. Cependant de la Porte et surtout le drogman officiers les Mavrocordato s'étaient entremis: avec des paroles amollissantes, par toute sorte de raisonnements captieux, ils tâchaient de fléchir l'ambassadeur: rien ne put vaincre son obstination reux fière. A la Grec, voyant sa rhétorique inutile, quitta son ton douce- fin, le et signifia la volonté de son maître : « Le suprême vizir, — commande de mettre la chaise en bas. Ce seigneur peut commander à la chaise, reprit Nointel, je la laisse libre d'obéir; il n'a point d'ordres à me donner (I). » dit-il en italien, A la suite de cette réponse, certains bruits qui coururent, tel, l'auraient précipité avec son siège. dans son palais, deux du sofa et passa-t-il'? S'il faut qu'il quitta la position dont en croire sur Noin- tchaottchs, se jetant envoyé rouler jusqu'à terre contraire, le marquis affirme croyable — est plus il Au que se — et son récit de plein gré, pour se retirer il s'était si vivement emparé; aurait déclaré son intention de renoncer à l'audience, plutôt que de la recevoir dans des conditions indignes, et serait sorti la tête haute, emmenant de son attitude çais (2) Quoi « l'élonnement des Turcs et la joie des Fran- » (ju'il en fût des incidents qui avaient marqué cette scène, la situation vizir et tout son cortège, excitant par la fermeté la fin de demeurait grave. Les prétentions du de l'ambassadeur, tant que l'un ou l'autre n'y aurait pas renoncé, s'opposaient désormais à toute entrevue; une querelle d'étiquette entraînait la rupture totale de leurs relations. doute, (1) il était loisible à Nointel de Sans s'enfermer dans son palais, Nointel à Pomponne, 5 mai 1677. Sur l'affaire du sofa, qui fit grand bruit en Europe, voyez aussi Abraham Du Qnesne, t. II, p, 20, .37. Cet auteur se trompe toutefois en (2) Ibid. Jal, croyant que Nointel n'avait point obtenu les honneurs du sofa lors de ses Toyages à Andrinople et do ses audiences dans celle ville. Cf. le Mémoire de Bonnac, p :^()-3:2. i.A iiis(;ka(.i; â3i d'y braver la colÎTC du vizir, de sisoicr de tout contact officiel patiemment que et d'attendre commandé eut lui Porte; il Roi de céder ou de se retirer. Mais ce parti privait au ressentiinenl d'un les livrait aux mauvais traitements qui risquait de que le envoyé des ordres, lui eût du Levant de leur défenseur naturel auprès de les Frani^ais et le compromettre ces se déchaîneraient sur eux: la dont et il commerciaux intérêts religieux et Roi entendait préserver à tout prix sément commis la aux avanies furieu.x, il avait expres- garde à son ambassadeur. Lorsque la réflexion mouvement de la colère, De plus, par ses eut succédé chez Nointel au premier ces considérations le frappèrent fortement. embarras d'argent, dont mis en fausse et le bruit commençait désagréable posture : à percer, il' s'était son autorité, sa force de résistance s'en trouvaient diminuées: déjà, sans oser encore s'attaquer directement à lui, on mettait on cause ses secrétaires, ses suivants laquelle ; il craignait une prise à partie personnelle contre se sentait sans défense. il furent sans doute au Les suites de sou désordre nombre des raisons qui l'amenèrent à faiblir. Comme avec ne se refusait plus à obercber un accommodement il le N-izir, négocier. On des médiateurs intéressés se trouvèrent pour convint que serait renouvelée, de l'estrade (1). mais que l'ambassadeur Cette capitulation un accueil passable ne du Roi, plus redontai)le ; Pour se justifier, il lui le que l'audience le passé serait oublié, la recevrait au bas valut de la part du ministre risquait-elle point de lui attirer la colère à ses yeux qu'aucune autre'? pouvait invoquer re.xemple de la chrétienté tout entière. Les puissances qui devaient lui reprocher plus tard d'avoir créé un fàciieu.v précédent, lavaient devancé dans la voie des concessions. Les nations les plus civilisées, comme les plus barbares, s'inclinaient à l'envi devant cette Turquie dont elles craignaient les armes ou recherchaient les bonnes grâces Constantinople, redevenue la capitale de l'Orient, assistait à un (t) Nointel à Pomponne, 13 août et 12 septembre 1677. porls joints ;i la lettre au Hoi du l" mai lt)79 Cf. l'un des i-ao- LES \(IV.\GES DU MAH(JL 232 défilé d'ambassadeurs du trône ottoman, IS DE NOINTEL de suppliants illustres liant titrés, : autour y avait un concours de prosternations. il Tandis que l'émir de Boukliara envoyait saluer le des croyants du plus loin de commandeur profonde Asie, des envoyés la extraordinaires de rEnipereur et de la Polog'nc s'approchaient en grande pompe. Le Polonais, arrivé aux portes delà une armée de seigneurs, starostcs, île de rasti'll((iis. avec xille trompettes sonnantes, enseignes d(''ployées, ordonnait, avant qu'il franchit de replier ses (Hendards le seuil, afin la de ménager le oii figurait l'image delà Vierge^ fanatisme des musulmans et de leur épargner vue d'un signe proscrit (1 L'internonce impérial avait pour ). se guider l'exemple d'un de ses prédécesseurs « qui baisa la veste du vizir défunt et ensanglanta le tapis du Grand Seigneur à force d'y frotter la face [2) par sa hauteur. \izir, il Comme Seul, le Moscovite ». on ne aperçut, au-dessus de ce ministre, inie rière laquelle le sultan, disait-on, assistait la tète, ment il exception iiaic grillée le der- aux audiences; levant monarque s'adressa à l'invisible fit accordé de voir que lui avait et lui cria son compli- (3). V LA Ce ne COI, F. fut point lallaire Il F. Il (I Y Al, F.. du sofa qui détermina, comme on lu pensé, la disgrâce de Nointel. Par une circonstance fortuite, perte <le ])lusienrs incom|dèten)ent lettres, le parti T{oi le auquel ne connut s'était réduit (pie fort la lard et son ambassadeur; son mécontentement s'en accrut sans doute, mais déjà Nointel était (t) perdu dans son esprit. Nointel à l'dMiiioinie. janvier Hi7!l I.'! La mésaventure du marquis aoùl iij'l (2) Ibid., 10 (3) Rapports joints à lu Icltre du 1'' ni.-ii tC79. eut I, itlSIlHACE V 23:{ pour cause preuiière, décisive, Texacliou dont il rendu s'était marchands de Smyrne. coupable envers les Jamais Louis XIV, spontanément ou sous l'impulsion de Colbert, ne montra sionné il mieux qu'en au relèvement portait merce. D'obscurs marchands courtauds et le humbles Il laissa entendre que veux démérité. Puis, sans ses s'expliquer encore sur qu'on loir lettres A conservation du com- et à la demandaient justice; entre ces lui noble ambassadeur qui les avait molestés, niiésila pas, prit le parti des tilhomme. cette occasion (juel intérêt pas- l'avertît, il le et prononça contre le il gen- marquis de Nointel avait à le rappeler immédiatement, sans le traitement qu'il lui réservait, san.s vou- cessa de lui écrire, sans réponse et de rompre avec ordonna de lui ce silence menaçant, Xointel tremble plus funeste augure. Cependant, cherche à se faire écouler; il il écrit laisser ses toute communication. : il un signe du y voit tente encore de se défendre, au ministre lettres sur lettres, réitère ses explications, s'adresse au Roi lui-même et l'accable de flatteries; il vante la valeur de Sa Majesté, « sa prudence, son application par elle-même et en personne, son ardeur aussi prudente qu'infatigable et ([ui plus rudes, ses armées si méritent d'être d'officiers est à l'épreuve des nombreuses dont officiers, ses légions généraux^ Par ce pathos, de maréchaux de France et ses victoires incroyables (li espère apaiser il En nu^me temps, saisons les les simples soldats s'il a\ait le dieu et délournerla foudre. rogné iléfinitixcnienl sa dépense, congédié ses peintres, interrompu tous travaux d soumettait en son particulier à mille privations, pas complètement à faire figure; ce qui indûment perçus, il il ». le gardait lui il art, s'il se ne renonçait restait des fonds pour des débours d'ostentation; ne se résignait pas à des sacrifices qui eussent trop notoirement attesté sa détresse. En Mais (1) 1677, on célébra encore ([u'il Lettre y a\ait Inin ilu 2G mai li;77 .le la Saint-Louis au palais de France. cette fête tout intime aux pompes LES VOYAGES DU MARQTIS 23-i NOINTEL Y)K déployées en des tempsplus heureux! Plus de brillants tournois, plus de représentations à ijrand spectacle : simplement la : dîner, écrivait Nointel, se passera au divertissement de la par die, du prologue de récit le Médecin malgré Circé, de Y Amphitryon grand monarque du monde. De plus grands permis à ma foiblesse A il une (1). portait la peine, lettre, ni sement qui un la gloire du efforts du plus ne sont pas » il durant cette période et il a\is, ni le plus léger secours. l'accable, colère royale; ne peut plus \oir que il comprend que, devant connaître la sentence. Quel sera n'avait re(;u Dans l'efl'et ce délais- voulu de l'arbitre d'où son sort, sa cause est entendue, jugée, perdue. drait-il et de 1677, onze mois s'étaient écoulés depuis l'acte fatal la fin dont comé- entremêlés de quelques entrées qui seront lui, représentées sur un théâtre orné de trophées à ni comé- entourée d'un peu plus d'apparat qu'à l'ordinaire «L'après- die, le la dépend Au moins vou- coup dont il se sent menacé"? Subira-t-il seulement une épreuve temporaire"? Perdrat-il sa charge et devra-t-il, revenu dans sa patrie, traîner une existence humihée et misérable? Est-ce l'exil qu'il lui faut crain- dre, est-ce un le torturer aux souffrances de l'heure présente. Tandis que ses pire traitement? Cet effroi del'avenirs'ajoute ultimes ressources s'épuisent, il pour attend, éperdu, que le Roi ait statué sur la peine à lui infliger. En janvier 1678, on lui présenta enfin une lettre de M. de Pomponne. Le Roi tentement, sans suites. avait permis qu'on lui signifiât son lais.ser mécon- encore apercevoir quelles en seraient les Le ministre employait un langage courtois, prenait un ton de condoléance, mais ne cherchait pas à dissimuler la gravité du cas; « il s'exprimait ainsi Monsieur, apportées par que de j'ai répondre à toutes vos sieur de La lettres qui m'ont été Croix, votre secrétaire, et à celles reçues depuis son arrivée, qui sont des 1", 7% 12' et 18* juillet. (i) j'ai à le : Je suis fâché de vous dire que leRoin'apoint approuvé Lettre à l'iuiipoiiiie, t'"' septembre 167". LA DISCRACE 233 payement de vos appointements que vous vous êtes fait faire le commerce de Marseille, et moins encore que vous ayez employé Tautorilé du Grand Seigneur pour v forcer les mar- le par chands. Quelque soin qu'ait pris sieur de le La Croix de faire voir la nécessité à laquelle vous étiez réduit, et quoique aous en ayez rendu un compte bien exact particulièrement dans votre dernière lettre dudit jour tout entière à lire vous fissiez souffrir 18' juillet que j'ai t^u l'honneur de Sa Majesté, elle n'a pas trouvé juste que les marchands de vos besoins, et elle a jugé que vous pouviez attendre qu'elle tements qui vous étoient dus. vous eût fait payer des appoin- Pour moi. Monsieur, vous je assure que je compatis fort à la peine dans laquelle je juge aisé- ment que vous vous trouviez, accablé de dettes dans un pays étranger lors principalement quil vous étoit dû de plus grandes sommes par en ont fait la ruine le Roi mais ; a été fort grand, rois (1) pour les marchands de Marseille ont représenté qu'il y les les chargiez de alloit de solliciter leur sommes que vous vous étiez donner. Soyez bien persuadé, Monsieur, du désir que jau- eu de vous rendre plus de je n'ai rien oublié En même temps sonne lui pour le ser%-ices en cette rencontre et que faire (2). » parvenaient à Nointel, par lettre d'une per- portant intérêt et bien placée pour savoir, quelques détails sur son infortune. « fait et ils que du commerce lorsque vous payement à l'épargne fait le bruit Tous ses amis, lui disait-on, avaient leur devoir pour adoucir les choses (3) », mais leurs efforts avaient été vains; les ministres s'étaient rangés dans ses adversaires, et le iu?e souverain lui avait donné le parti de tort: le bruit de son rappel avait aussitôt couru; on en avait parlé pubUquement. Cependant, répandue depuis plusieurs mois, ne s'était point vérifiée jusqu'à présent. Il la nouvelle paraissait que la réso- lution fût en suspens, et le Roi ne s'était point déclaré. (1) C'est-à-dire (2) Lettre du s' Constantinople. t. (3) au trésor royal. Pomponne ù Nointel, 2 octobre d07T. l'acli.ui, XL 2 octobre 1677, archives des affaires étrangères, LES VOYAGES DU MAROIIS DE .XOINTEL 236 En XIV Louis réalité, jugeait Nointel indigne de plus longtemps et avait décidé de tenait à reculer la Un nomination remplacer; seulement, le et l'envoi rappel immédiat lui semblait pour doux servir le il d'un autre ambassadeur. coupable un sort trop le à ses yeux, la faute réclamait un châtiment plus sévère et : plus raffiné. A cet instant où les puissances coalisées contrenous posaient les armes, où la paix de Nimègue consacrait matie française en Europe, des affaires générales ne nous l'état la obligeait plus à d'activés négociations avec la Porte, et il supré- n'était pas indispensable que notre représentant auprès d'elle fût tenu au courant de la XIY pensée royale. Louis pensa donc pouvait maintenir Nointel à Constantinople sans en transformant pour lui ce chez les Turcs; l'exile il sans ordres, sans instructions, sans nou- oublie, le laisse l'abandonne aux poursuites de ses créan- velles, sans argent, ciers, marquis dans ses lieu d'exiler le lorres (hélas! Nointel n'en avait plus), il l'y qu'il employé)', poste diplomatique en lieu de péni- Au tence et de bannissement. l'y aux tracasseries des Infidèles, aux haines qui vont s'achar- ner sur l'ambassadeur disgracié et ruiné. Le ressentiment du monarque va jusqu'à la cruauté. Il ne lui déplaît point que Noin- souffre et pâtisse, qu'il endure de longs tourments pour défaut tel d'obéissance, pour crime de lèse-commerce, et que son supplice serve d'exemple à ses successeurs. Nointel n'apprit cette suprême rigueur que par ses effets. Si la lui de lettre Pomponne de son correspondant officieux et celle avaient laissé quelque espoir de pardon, ilétromper. De toutes parts, ce n'étaientque il dut bientôt se svmptômcs funestes. D'abord, la rage de ses ennemis, préjugeant sa décliéance, se donnait carrière; on eût Des libelles Echelles. A ilit contre lui tout devenait permis. (|ue outrageants pour son caractère circulaient dans les marchands auxquels Marseille, sur la plainte des avait fait tort, on instrumentait dans justice pleuvaient sur sa tète assailli de requêtes et de sur ces grimoires, il « ; il les formes; était mémoriaux s'y voyait traité «, les il papiers de harcelé de citations, et avec s'il la jetait les plus yeux insultante DISCKACi: 237 auiliussaileur, mais en débiteur récal- I.A dt'-si non plus en voiture, II non moins grave, des honmies de sa citrant. Indice des collègues, s'éloignaient de merce; Tambassadeur renonçaient à son lui et com- à Venise, l'abbé d'Estrades, ne répondait La défaveur plus à ses lettres. condition, tiu Roi l'avait mis en quarantaine; son amitié devenait compromettante et son contact suspect. tant d'infortunes, détournée de (]u'il sent que la face du maître s'est délinitivcment il lui .l'appréliende, " : n'y ait plus de soleil Certain de son rappel, son malbeur; espère, il A successeur; ce sera pour pour moi il il douloureusement, é^crit-il (li. » ne connaît encore que attend à lui la moitié de la venue de son liref délai la confirmation ofdcielle de sa dis- grâce, mais aussi la délivrance. Tout navire français qui toucbe à Constantinople lui paraît devoir apporter teur. l'avis que le nouvel quer: cliaque semaines, ment les : le est message le libt'ra- nommé et va s'embar- son espoir succède une déception. Les mois s'écoulent sans qu'il sollicite toire. El, à fois, ambassadeur lui apporter Roi ne se décide pas à le triste le tirei- soulage- du purga- cbaque jour, sa position devient plus affreuse. L'am- bassadeur de France diaires véreux: est la proie d'usin'iers infâmes, <l'inlermé- subit leur avilissant contact, se débat entre il leurs mains crocbues, doit implorer leui- secours, éjjrouNcr leur insolence, leur jeter en pâture les derniers de son opu- (b'-bris lence. .Via lin, les restes de son crédit s'épuisent : il ne trouve plus que prêteurs sans confiance et créanciers sans pitié. peut même faire Il ne argent de ses collections; en vain, avec un inexprimable décliirement de cœur, sacrilierait-il ce trésor, objet de toute sa tendresse: ses marbres, ses précieux dessins, ses tableaux ne possèdent aucune valeur marcbande en Turquie et ne trouveraient pas acquéreur en ce grossier pays. Alors, comme la pension (|u'il reçoit de Marseille se trouve engagée par avance dans sa plus grande continue à (1) .Nointcl le partie, comme priver de ses appointements, l'argent lui à l'omponne, 29 juin lOTS le Roi manque LES VOYAGES DU MARnUIS DE NOIX TEL 238 pour litléralfiiieiit nourrir, besoins de les Pour avoir de quoi se la vie. en est réduit à mendier auprès de subalternes quelques il centaines de piastres. Sa détresse paraît, éclate, s'étale à tous même, des poursuites s'entament contre créanciers, l'autorité turque parle de sursis, « A veux, provoque une rumeur générale. les s'est A mesures d'exécution. émue, lui Constantinople au : et voici tout prix, il cri que de ses le vayvode faut arracher mais rien ne s'obtient en Turquie que par présents quelques vestes (1 ». ) un avec échappées au naufrage, Nointel parvient à acheter la patience des officiers de justice. prolonger son agonie, et salut lui fera défaut. : Ce jour approche le La banqueroute lui répit oii ne sert qu'à tout moyen de apparaît inévitable, instante, et derrière elle s'avancent la misère et le déshonneur. Demain, sa demeure sera violée, ses créanciers se partageront ses dépouilles, et la ville, après s'être ébahie de son faste, se racontera avidement les détails de son désastre. le A cette pensée, désespoir l'envahit, sa tète se perd, son esprit s'affole; sous prétexte de peste, il Constantinople fuit aux envi- et se retire rons, dans le village de Belgrade; c'est de là qu'il adresse ministre cette lettre (jui n'est qu'un long cri d'angoisse Je ne sais plus où j'en suis. « heures de Constantinople; la me marquer qui puisse me retient à quatre faim, faute d'avoir de quoi subsis- avec une autorité suffisante quand je serai secouru efficacement. mon malheur que je vive, leur subsistance, c'est ce comment ma une disgrâce guerre, mon Lettre ;i l'autel y a de plus sacré me mon famine faut il pour y trouvent Je ne sais délivre, mais que mieux, mais, par et la peste sont fortifiées par la par la domestique. Je ne puis point chasser la plus grande partie de (1) ceux qui servent ([u'il chute; j'y ferai tout de terrible, la même payer; Cependant, Monsieur, y aura moyen, non pas que je il suspende les peste m'attaque à chaque moment; je ne reçois aucune nouvelle ter, je La au : mes valets, parce que je n'ai pas de quoi écurie est renversée. Je n'ai plus que trois ou l'oinponne, 29 juin 1078, LA DISC quatre chi-vaux une partie de leurs j'ai tloniié : 239 \(:E II iiariiois à des Juifs marcliaiuls de tlraps et de satins, et parce que cela contribue légèrement à partie de leur acquittement; c'a été principalement afln de suspendre leur poursuite. Je suis dans l'impossibilité d'aucune réjouissance pour serai bien aise que mon le jour de Saint-Louis, et ainsi je absence de Constanlinople continue jusqu'après ce lemps-là, et je tâcherai de la continuer en rôdant de côté et d'autre. La guerre étrangère ne par tant de créanciers, dont fliger manque pas semble que il de in'af- les six mois expirent tous les jours, et certainement. Monsieur, quand l'on est éloigné de huit cents lieues, les comme des jours, mais comme En réponses (l). » butte à de tels assauts, royale. des instants, et les six mois de années avant que les terme deviennent plusieurs arrivent mois passent non seulement Pour se l'attirer, il n'espère rappelle, il jjIus qu'en la miséricorde énumère ses services : les Capitulations renouvelées^ les droits de douane diminués, les avantages procurés au commerce et aux missions. Puisse ce fruit de ses travaux être mis en compensation avec sa faute, dans la balance où le Roi pèse impartialement quiconque a l'honneur de le servir! les actions de Cette suprême invocation, il la formule en termes pathétiques et originaux, avec des compa- raisons empruntées aux usages de l'Orient; dans ce qu'il écrit, il continue k mettre du et, trait, du pittoresque, de la couleur locale, tout exténué et désespéré qu'il soit, fait encore delà littérature. M Je fais en ce rencontre, dit-il, dans cet empire. Lorsqu'un ce qui se pratiquoit autrefois vizir, mufti ou autre grand étoit décédé, l'on mettoil à ses mains dans son tombeau tous les hodgets ou sentences de ceux rigoureusement, afin s'étoil qu'il qu'il avoit fait mourir ou châtiés pût justifier en l'autre conduit en cela avec justice, et il monde se servoit encore de ses actions justes pour conlrepeser ce que d'ailleurs il auroit de mal. J'apprtliende, Monsieur, d'être mort dans (1) Lettre à Pomponne, 29 juin 1G78. qu'il pu faire l'esprit du LES VOVAtlES DU MAR(jriS DE NOI.NTEL 1>{0 vous (le \ois fondre sur J'oii l{oi. Monsieur, comme mon à a\is de les mains toutes metti'e entre les de vous toucher moi tout côté. Ainsi, puissant intercesseur, je prens la liberté le détail. dont je viens les actions Je \ous supplie très instamment de les présenter à Sa Majesté, et de ma confiance qu'elles serma conduite. J'en aurai, possible, comme je Tai déjà lui ollVir viront à effacer ce qui lui a déplu dans Monsieur, toute la reconnaissance de tant de liontés que vous avez eues pour moi, et particulière- ment de la me dernière en me Marseille de continuer le procurant l'ordre aux éclievins de payement ma tle pension. Je vous en remercie. Monsieur, très iiumblement; mais osant vousre présenter que ce quune n'est goutte d'eau très me éteindre tant de chaleur qui pourroit conclure ([ue je suis thuis un plus inau\ais riclie. ]iuis(|ue uTen donnei' les mes arri\ cr à s'en f:'icheu.\ (Hat (jue le si me à plaindre, ti'ouvant dans l'es- Sa Majesté de dettes par la bonté qu'aura moyens, à Paris, ce n'est pas il une seule goutte deau lanroit soulagé. Je ue suis pas néanmoins jiérance de payer insuffisante me consume, brûle et et si un grand grand que soit l'éloignement d'ici cluios impénétrable, et j'espère y après que j'aurai re(;u les ordres de Sa Majesté de m'v transporter. Je les attends avec respect et impatience, je ne demande aucun moyeu de détourner mon successeur de venir ici, et quoi (ju il ma destinée et me voyant sans un arri\e de jtaroisse dès à présent, dans ma patrie, je m'en consolerai. pre>sion orientale, que la tète de mon Il me la ou son fâcheuse qu'elle sol pour subsister suffit, suivant l'e.x- maître soit saine, qu'elle continue de gduxernerles ([uatre parties du rihi si monde par son e.xenqjle, (|u'elle triomplie toujours, faisant poussière à celle de ses ennemis, et que Dieu lui auto- mordre ayant renou- \elé les années de nos premiers pères veuille lui conserver son empire jns(|u'au jour du Jugement. Je la fais encore des conservation de ces intelligences sublimes choisir, de ses (I) I.cUro il honorés l'omiKinne, et glorifiés ;i9 juin 1078, \ vœux pour (ju'elle a izirs (I). » su si bien iu DiscK Ai;i: i.A VT SPECTACLE LE Le Roi ilemeura encore avant (|ue I) CONST AM E I Nd I' L E . inexorable, et une année devait s'écouler le nouvel ainliassadeur eût ordre de partir. Pendant ce temps, Nointel n'évita une catastrophe toujours iinniiiicate qn'h. force d'expédients. Des capilaiiies de navires marchands, moitié par contrainte, moitié par complaisance, avancèrent quelques fonds sur la marchands de Constantinople, énms de les lui vente de leurs chargements; prêtèrent pitié, lui un peu dargent, par petites sommes, à raison de cinquante écus par semaine. C'est à l'aide de ces misérables ressources qu'il un vécut, pensionnaire de ses administrés, humilié sous litre glorieux, pauvre dans un palais, entouré de richesses artistiques et mantiuant de bois pour se chaulïer. obligé de se prêter aux perquisitions des tcliaouchs envoyés par ses créanciers, relancé et persécuté par ces recors en turban tachait pourtant de continuer ses 11 correspondre régulièrement avec dans ses dépêches, puisque all'aire? avec il (1). Roi ne le Réduit au rùle de nouvelliste, zèle. A s'y livre ce moment même, fondions la cour. le il et persistait à Mais que niettra-t-il charge phis d'aucune s'en acquitte du moins sa curiosité ne l'abandonne pas; au contraire sans remords. Lorsqu'il s'arrache à ses chagrins, h ses angoisses, c'est pour scruter de plus en plus détail cl le mystère de Grand Seigneur, les mœurs elles Les révélations sur le la famille impériale, la cour, le peuple, l'armée, publiques autrefois ses la vie orientale. le récits, en deviennent et les le |iri\ées, au lieu d'émailler comme remplissent presque exclusivement; fond verve ou une lourde emjthase, (1) .Nointel à l'diiijioiine, ±'J juin, et il la substance. Avec une grosse décrit à outrance, conte intaris- Si septembre et 1" ûclobre IC78. 16 242 voyages du makoiis de noimel Lr:;« sablemenl; par chaque courrier, il envoie au Roi journal de le Constantinople. Le soin qu'il apporte à ce travail, ses eftorts pour composer de morceaux, pour développer véritables les grâces pesantes et les bizarres prestiges de son style, ne dénotent pas seulement chez lui d'incorrigibles prétentions On s'y trahit. il sent que, s'il au moins à se faire tient captiver, retenir l'attention fléchir le maître XIV Louis au bel esprit une arrière-pensée ; n'attend plus de réponse à ses lettres, lire à toute force, ; du Roi en l'intéressant et veut piquer, il des ministres. et nourrit Il essaye de vague espoir que le fera grâce au diplomate coupable en faveur de l'ob- servateur spirituel et bien informé. Ce n'est plus décor ottoman seulement l'aspect extérieur des choses qu'il considère; il s'efforce à pénétrer le et le fond des âmes, le jeu des caractères, des passions et des intrigues. Là-bas, derrière les murs du grand Sérail, où enfin résigné le sultan s'est à demeurer dans l'intervalle de ses chasses et de ses guerres, un drame domestique se poursuit, celui qui remplira toute la durée du règne. Dans l'entourage du narque, frères. le la grande question est de savoir Beaucoup de du trône mo- tuera ou non ses ses conseillers le rappellent à la tradition et poussent au fratricide, lité s'il qu'ils et à la perpétuité jugent indispensable à la stabi- de leur pouvoir. D'autre part, ce sont les principaux chefs des milices qui ont confié naguère à la "Validé le dépôt des jeunes princes, afin de s'assurer contre les entreprises du despote régnant et de le tenir j)ar possibles pétiteurs Tout garantie. ; ils n'entendent la peur de com- pas qu'on détruise leur est à craindre d'eux si l'on ne met brusquement en présence du difficile en é\ cil fait par sur- sait agir prise, à l'iiuproviste, en choisissant l'instant propice, si on ne les accompli, et c'est une tâche que de dérouter leurs sou})çons; leur vigilance toujours aide la sultane à sauvegarder ou du la vie des moins à prolonger jeunes princes. Mais comment expliquer cet intérêt passionné que témoigne une Lelle-mère aux enfants du premier lit? D'après un iiruit LA DISGRACE 243 un lépaiulu, la Validé éprouverait pour laîné des princes ment plus vif senti- qu'une sollicitude quasi maternelle. Les mille soins dont elle l'environne ressemblent fort à une tendresse d'amoureuso sur quant celle le retour de Bajazet (1). : c'est l'intrigue de Phèdre compli- Et la lutte continue entre mère, lutte sournoise, patiente, faite le fils et la de ruse et d'obstination muette. L'art de la sultane consiste à résider avec les princes là où nest pas Grand Seigneur, le probablement mortel. Tant que elle n'y de leur éviter un contact alin le sultan vivait à Andrinople, venait qu'à de rares intervalles, en tremblant. Aujour- d'hui qu'il s'est refait « bourgeois de Constantinople trouve mille attraits au séjour d'Andrinople et déclare (2) », elle le préférer à tout autre. Forcée d'obéir à un ordre positif de retour, elle prend ses précautions pour le sûrs, exige à Constantinople une résidence voyage, se fait escorter de gens spéciale, en dehors Sérail. Plusieurs fois, la catastrophe est prédite, du annoncée, tenue pour prociiaiue; toujours l'habileté delà sultane mère l'évite et, dénouement de la « tragédie ottomane (3) », prolonge l'émotion du spectateur. A côté du drame,, il y avait la comédie. On la trouvait dans le eu ajournant manège de le la sultane favorite, ÏH(issel.i, reuses rivalités. Comme le Padischalt ne faut à certaine odalisque, l'Ilasseki un eunuque : le sultan pour écarter de dange- paraît s'attaclier plus qu'il la fait ordonne de panser rouer de coups par la victime et la visite quatre ou cinq fois par jour. L'Ilasseki recourt alors au.\ sortilèges, aux recettes et aux formules magiques, pour empèclier l'amoureux monarque de consommer son lices plaisir (4). Ses malé- n'opèrent qu'imparfaitement, car au bout de quelque temps l'odalisque met au monde un enfant, ce qui lui assure aussiteît au Roi, 2ij mars 1G77. au Roi, 13 avril lliT". Lettre au Roi. 26 mars 1077. (Il .\ointeI (i) -Noiiitel (3) i nouer l'aiguillette. • Mme de Sévi(4) C'était ce qu'on appelait alors gné ne se prive pas plus que Nointel d'emplover cette expression. : LES VOYAGES 244 rang au harem ofliciel La première MAHOllS DE NOINTEL 1)1' à et l'élève la dignité de seconde favorite. doit se résigner à l'honorarial; mais de système, elle en protégeant ses passagers caprices se fait conteur lihre et hardi, ou burlesques. Amuser, son etïort; si le Roi changeant désor- cherche à se garder la confiance du maître (1). A il gaillardes que se réduit surtout divertir, c'est à cela rit, ce propos, Nointel prompt aux anecdotes un sourire amené sur sera désarmé; ses lèvres peut apaiser sa colère. Cependant, dans les un mot écrits de l'ambassadeur, jeté de temps à autre, une phrase dolente, une supplication plaintive annoncent un amer retour sur lui-même, marquent de sa souffrance, et une plus grande pauvre homme Après gaieté et de la désespoir dans l'ànie. donné beaucoup de mal pour qu'il s'est le le maître, il ajoute « : progrès le nous prend pour ce aux abois, obligé de contrefaire s'évertuer à de plaisants propos, informer pitié distraire et Je suis toujours. Sire, dans la perplexité et la désolation de ne recevoir aucun ordre de 'S'olrc Majesté. Je me trouve sans secours ni argent que celui qu'il faut mendier des bâtiments qui viennent à rien me Smyrne, n'en pouvant donner à mes créanciers, à cause que ma subsistance est y en a plusieurs ([ui me tourmentent. Je suis exposé à ces souffrances depuis longtemps, mais je les rei;ois privilégiée. Il avec une entière soumission, puisque Majesté, dont j'espè're bienliU (le mon successeur n'est plus (2). » l']l la lin il de c'est la volonté ma pénitence implore ainsi que l'ombre de l'ambassade qui diminue à chaque instant moi de m'écrier par cette prière et ainsi. : A porta me le de Votre par la venue ministre : « Ce soutient, mais elle Monsieur, permettez- iiifvri mie me. Domine... Je vous supplie, Monsieur, d'avoir égard à la résignation avec laquelle je supporte une longue et sensible pénitence, et ne jugez pas raisonnable d'en jtrocurer la lin, si vous l'intercédant de la (I) Lettre de .Nointel au UdI et à l'om|ionne en IG78 et Ki"!), paudm. Le duplicata des lettres écrites au Koi durant cette période existe à la biblio- Ihéiiue de l'Institut, (2j Lettre au Uoi, l" mai d(i7'.>. LA DISGR 245 VCi: le changement n'arrivait, et Nointel revenait à son rôle de bonté de Sa Majesté, faites-moi la s^race d'obtenir lieu oîi j'en suis exercé (1). du Aucune réponse » bien fait qu'il ne reconnaissait pas e azette vivante. Il s'v était si le droit à certains gazelicrs de Paris de lui faire concurrence, en donnant des détails sur Constantinople, et aigrement leurs bévues. N'est-il pas mieux à qu'il reprenait même que personne, par sa longue fréquentation du monile oriental, par les relations y a nouées, par son information universelle, de soulever tous les voiles? C'est lui seul qu'on doit croire quand il prend la qu'il liberté de présenter au Roi le Grand Seigneur en son non plus dans ses déplacements mais au plus profond de ses et particulier, ses occupations extérieures, retraites, parmi ses eunuques, ses muets, ses favoris, ses astrologues, ses histrions, qui amusent son désœuvrement à de vaines curiosités ou à de grossiers plaisirs. Des bandes de danseurs qui font « pilié contribuent encore au divertissement de cet empereur qui leur ordonne souvent de s'émanciper à des postures honteuses, quoiqu'en présence des sultanes cachées derrière les jalousies. Il s'est aussi diverti d'entendre un Franc jouer de l'épinette. Voilà, Sire, les occupations les plus connues et les plus ootilinuelles de Sa Hautesse. car pour l'application qu'elle vient de donner sérieusement à faire placer des sentinelles et dresser des lignes de circonvalla- tion autour de certains postes, cette action martiale etprintanière ne durera pas plus que dont est il si les roses et les cerises qui en sont l'objet, jaloux que, les traitant comme ses femmes, il établit des noirs à leur garde. « Il sur relève quelquefois ses divertissements par des disputes la religion qu'il fait naître motif il entre les plus savants que par ce appelle en sa présence, et passant encore de la puérilité de l'astrologie à ce qui en est de plus noble, on le voit quitter les vaines prédictions de cette science pour regarder la lune. Cet 1 1 1 Lettre du 20 février 1C7!). LES AOYAGES hV MARnllS 240 astre par letiuel il compte les NdlMEL I)K victoires et les conquêtes de ses an- cêtres et les siennes, et qui préside à plusieurs préceptes de sa secte, excite son étonnenient quand le il voit avec des lunettes d'approche, et croyant qu'il peut y en avoir de meilleures qui le donne des commandements ou pour en rechercher; on est venu en demander aux feront découvrir davantage, fuitticherif ambassadeurs, drogmans ; lentie, et je il et à ce sujet le hiai/a du appelé tous leurs vizir a mais à présent cette curiosité lunatique paraît rane pense pas que Sa Hautesse, soit, veuille s'élever jusqu'à pénétrer dans si puissante qu'elle le soleil ; elle seroit éblouie de ses rayons, et par ce principe et autres elle se contente de la lune, et c'est apparemment en toute sa lumière du soleil réfléchissant qu'elle tient privera quand (|ui l'en Le Grand Seigneur, estimant l)ien moins ces « que les matériels, pièces d'or, et il y il \ oudra (1). trésors spirituels voudroit que l'on trouvât tous les jours des est amorcé par une quarantaine qui se sont trouvées en faisant des réparations et augmentations de peu de conséquence au sérail de Cicala. Sa Hautesse ou huit cents ouvriers tant h fait travailler sept maison de cet amiral qu'aux la autres endroits, mais sans aucune peine ni dispute d'architecture ou du choix des marbres. très est apparent qu'elle se fatigue Il peu du gouvernement de son grand vizir, mais rité; État, s'en déchargeant sur son qui semble toujours augmenter en crédit et en auto- s'il est si puissant, c'est même, dont Au reste, ce il pour être craint de son maître sait bien intéresser l'avarice et les puérilités (2). » maître, qu'on appelle l'ombre de Dieu sur la terre, passe sa vie dans les transes. Craignant ses ministres, sa mère, ses frères, son dais: il fils, il redoute aussi le peuple et surtout les refuse toujours de s'exliilicr en public, fuit le des janissaires, se soustrait à leurs regards et n'aime à der en personne que l'armée de ses concubines, les victoires consistent à Allusion à Louis \1\'. nu lioi. 2.^ juin (2) Lettre comman- armée dont se soumettre et dont les soldats se tiennent bien hciu'cux ipiand (1) « sol- contact ils rei;oivenl en leur particulier et le lini-Sdleil, KhO LA DISGRACE à leur tour la loi de la soumission, car renverser tous en même "247 il seroit impossible de les temps, puisqu'ils reconnaissent la domi- nation d'un seul. « Leurs remparts retranchements ne sont que des et l'on n'oseroit en approcher. Leurs sentinelles toiles, et et gardes avancées consistent en certaines apparences d'hommes, les plus laides et l'on j)uisse imaginer, et ses troupes, au lieu de contribuer à la destruction du genre humain, servent à que diaholi(|ues figures campements sa propagation. Leurs nommant Harem, putés des lieux sacrés se oii et quartiers d'hiver l'abstinence de certains légumes «[ui et autres \eut dire rluftre, denrées s'observe plutôt par la raison de la figure que par la qualité. grilles d"où ces milices participent sont ré- Il y a des aux divertissements qui se re- présentent devant elles et qui souvent sont des plus luxurieux, par ordre de leur général. Il est alors coudes appuyés sur un carreau, couché sur le vt'utre, les et derrière lui sont rangés de- bout au-dessous des jalousies ces maudits gardes en suite leur chef, le grand turban en tète, le sabre nu à une main Av. et la baguette de l'autre, et c'est avec celle-ci que, les soldats enfermés se mettant trop à rire, davantage respect; le ils ils en recevoir des millions les avertissent en frappant de garder en reçoivent mille injures si et poui'roient tout le corps d'armée étoit assemblé, car on compte qu'au premier Baïram le Grand Seigneur a fourni à ces esclaves femelles trois mille vestes de drap, brocart ou satin. Elles sont du reste très bien entretenues ; Sa Hautesse cupe plusxolontiers à prouver sa bravoure avec ses ennemis ; si cet empereur <à la elles dernière campagne demeura au Danube sans approcher de plus près des Moscovites, un régiment de femmes pour litaire, et maintenant il avoit seroit bien content de n'être point inquiété la part des Moscovites (1). » ces bouffonnes et licencieuses peintures, Nointelniéle étran- gement des {{) il se tenir en haleine de l'exercice mi- dans ses délices par aucun chagrin de A s'oc- que contre Suite réflexions d'un autre ordre, de hautes considér.i- «Je la lettre au Hoi précédemment citée. LES VU YACK S DL M A ROUI 248 lions; prétend qu'un enseignement ressorte de il scandaleuse où piiie. De Quand il se complaît, et il cherche à en chronique la tirer la philoso- cesse de décrire, c'est pour disserter ou vaticiner. il tout ce qu'il voit et sait, une conclusion lui parait se dégager; à l'aide des mille traits de prouver — la NolMEl. S \)K et mœurs l'événement devait qu'il recueille, bienti")t lui s'attache à il donner raison — que Turquie n'est plus guère qu'un fanlùme de puissance. Une dynastie abâtardie, des ministres exécrables, ont laissé se fausser et se di'monter tous les ressorts du pouvoir. Point de branche de l'administration qui ne soit attaquée de corruption et de gan- grène; tout y est vénalité, volerie. relâchement, mépris del'intélèt public, infatuation stupide: tout y est et cause de décomposition de ruine. Les puissances chrétiennes ne redouteraient plus le colosse ottoman, si cette formidable l'envers de craintes chimériques, monstre qui leur La fait nation turque, ment: elle apparence; pour renoncer à des qu'a considérer de près ce n'ont elles peur. il mieux que son gouverne- est vrai, \aut trouve dans sa ferveur religieuse lités fortes, maximes ajoutaient foi à qui peut ol)server elles et et Nointel en convient : « Il le y principe de quaa. certaines Sire, des usages qui, bons ou mauvais, régnent également dans toutes bonne ou les religions, soit la les fausses, d'autant plus que celles-ci proviennent de l'invention du singe de Dieu, qui est le diable, lequel, (hins le bien pour s'accréditer, veut imiter de son essence, de ses ministres. Il se voit comme dans les la prière, le mal de quelques-uns Mahométans des jeûnes, des mortifications, de grandes charités, presque incroyables à dans la vérité un une attention et zèle inexplicable exactitude pour leur fausse religion, une soumission sans réserve à leur prince et une haine si invétérée et originelle contre les chrétiens que les enfants enrploient usage à le ilénouement de leur langue et son premier les injurier (1). » Même, cliez (1) Nniiilcl certains au Roi. 2.") aoiU Turcs de condition, éloignés des KIT!» af- LA faires, il y a du talent et sciences (1) » Disr, ItACE la capacité, île le flétrir et à la dégradation de leur gou- eondanmei-. Nointel sest le l'un d'eux, qu'il voit et entretient souvent; produit dans ses récils, à il teinture des ([iiel(|iie « une sorte d admiration pour l'Europe; mais et ceux-là sont les premiers à gémir sur vernement, à ->i!> mène: notant, transcrivant « pour \arier ses il avec elTets, de curiosité, ce rare phéno- les confidences qu'il tire de ce clairvoyant et mélancolique^ Assurément, ce Turc titre lié les fait homme Turc tourner au profit de sathèse. d'esprit (2) autrement façonné que celui d'un Européen: a le cerveau » ne raisonne pas il connue nous: pour goûter ses raisonneinenls. faut s'initier il d'ahord aux subtilités de sa dialectique, dont voici un exemple parloit « Il il piqué de l'ambition du martyre, venoit de s'en procurer en professant au la di\ \ i/.ir iiiit('' faux propiiète. que ce juipas ('toit bien fou. puis(|ue. injuriant le met, ne pouvoit manquer de il auroit été en domioit contre exempt la s'il s'attirer la il mort, dont peut-être si emporli' (|ue avouer falloit qu'il \ prophète, à la réputation du(]uel se pouvant lionime pût être 1 fairi; préjudice dans l'esprit du peuple, et tioubleniit religion, il étoit de d'un scandale de M la justice même le |iunir et fit préparer à sa défense, et il le lui imputât, mais sur lequel on (Il il le Nointrl nu Uoi. (2) lliid police et la de purger le monde traitoit jirit: 2:{ (pii moyen dm-ant un an de s'employoit entièrement à éluder preuves de blasphèmes conti'e Dieu que mal à propos la souvenir d un personnage étant mis à rin(piisition eul pas qu'on d'un qu'il porteroit grande conséquence. si Ce raisonnement me Rome de Il a\oil impossibilité à porter aucun tort, mais qu'il n'en étoit pas de lui disoit 11 prophète Maho- se fût contenté de parler mal de Dieu. raison, disant que la Divinité, l'elfet. de Ji'sus-Cbrist, et en l'exhor- Mahomet comme un tant d'abandonner il : y a quelques semaines d'un prêtre grec qui, s'étant il et la Vierge ne songeoit pas à qu'il le les ne doutoil une autre de peccadille, et ce fut à se all'aire seul point on l'accusa d'avoir mai parb' de saint noiU Ki"!». LES VdVAr.ES DU MAROLIS DE XOI.NTEL 250 Ignace, et Mêlé de et en il snbit interlocuteur son Le Turc, politique. une sévère et exemplaire punition telles dicressions et arguties, le musulman (1). roulait principalement sur la rjuoiquese plaçant à un point de vue différent du nôtre, indiquait alors parfaitement faible de la le fort et le puissance ottomane, qui ne vivait plus que sur sa réputation; finissait qu'à » dialogue entre Nointel par reconnaître que la grandeur de sa race un insolent bonheur. Ses ennemis n'était il due naturels, disait-il, c'est- à-dire ses voisins, se bornent toujours à la défensive; ils n'osent jamais attaquer et profiter de leurs avantages; de plus, les États sont trop divisés d'intérêts et de vues pour les autres secourir avec efficacité, pour opérer des diversions raient infailliblement. Et Nointel s'empare de ces faire la leijon aux puissances et leur tracer le (|ui réussi- aveux pour plan d'une politique nouvelle. 11 le voudrait que les adversaires actuels do Polonais et en esprit » ; le ils auraient vite fait Tnr(|uio, surtout la Moscovite, s'unissent contre elle « en corps et de rejeter llnfidèle au delà de ses frontières et de lui infliger de sensibles atteintes. C'est toutefois qu"il aux puissances maritimes appartient de consommer et en particulier h la France sa perte, déporter le coup décisif, d'achever la libération du christianisme. Les Turcs n'ont point de marine; en conviennent d'ailleurs ils et ne prétendent pas disputer aux chrétiens la suprématie sur les mers. D'autre part, leur nionarchio, par l'étendue de ses côtes, par le déploiement de ses possessions autour du bassin oriental de la Méditerranée, offre aux flottes dans ennemies mille points vulnérables. L'annonce semblant d'une guerre maritime seule et le le devoir, mendier. une entreprise hardie, mettrait à néant leur domination et la ferait voudra commerUne guerre véri- arracheraient facilement les concessions ciales ([ue l'on s'abaisse aujourd'hui à table, les feraient rentrer le tomber en poussière; l'empire de l'Orient (!st à qui prendre. (1) Noiiiti.'l au Kdi, 23 août 1()79. \ ce Irait dirigé contre saint Ignace, on reconnaît l'ami des jansénistes. DISCKACE I.A iVinsi, âol l'ambassadeur auprès de la Porte désire, espère, pro- voque, appelle la croisade : elle serait sa autant que la revanche de la chrétienté. Turcs qu'il destin. vengeance personnelle Il a tant souffert par les souhaite mal de mort à cette race, et Sa rancune contre eux va jusqu'à la voue au pire lui faire voir en laid ce qui avait d'abord excité son enthousiasme, la magnificence et l'éclat de leur vie publique. Cette miroitante Constantinople, comme une tant admirée naguère, ne lui apparaît plus que tine sen- de vices et d'horreurs. Ces éternels défilés, ce papillotage de couleurs, cet étalage de teintes criardes, ce foisonnement de formes anguleuses et heurtées, lui semblent à la longue dune insup[)ortahle monotonie, l'énervent et l'exaspèrent. D'ailleurs, déployé par les Turcs en ces occasions le faste est-il autre chose qu'un luxe de pacotille, faux, frelaté, qu'on ne doit pas regarder de trop près? Pour grossir les cortèges, ramassent dans la rue des figurants, qu'ils affublent d'armures et de costumes, et ils ils arrivent ainsi à organiser de solennelles mascarades. Nointel pousse au noir les descriptions détail misérable ou grotesque, qu'il en fait, le grossit, le relève partout le met en relief; après avoir passé neuf ans à peindre dans sa vérité le spectacle de l'Orient, il en trace aujourd'hui Au printemps la caricature. de 1079, quand le Grand Seigneur revient d'une nouvelle campagne contre les Moscovites et se par le vizir et le Xointel lient civil et récit ;i voir passer de la religion de cette pompe l'artillerie avec fait représenter nmfti pour l'entrée publique à Constantinople, le (1) »; : « Il « ces deux ministres souverains du mais il sème des s'y voyoit traits suivants le encore treize officiers de bonnet de cérémonie, huit prédicateurs et soixante-quatorze personnes de la Loi, bien moins chargés du fardeau de leur turban que du poids de leurs iniquités. Six-vingts émirs, parents du faux Prophète, étoient plus aisés à compter (|ue les tchaouclis (1) faux témoignages qui leur servent de revenu. Cent montés sur des haridelles Lettre au Moi, du 1" mai les précédoieni. et les janis- IG79. Toutes les citations qui suivent, jusqu'à la p. 253, sont tirées de cette lettre. LES 2S2 V(lYA(;i:s 1)1' MAROnS armés du mousquet saires, tous et DE N'OINTEL du sabre, accompagnoient leurs principaux officiers. L'on voyoit ensuite « le triomphe du diable, consistant en deux chameaux ornés; l'un portoit Coran le et l'autre la veste de 3Iahoniet. enfermée dans une cassette à peu près semblable à celle où garde l'on Luxembourg. Le manteau du bienheureux Pierre de le tchaouch-bachi se tenoit auprès de ces reliques diaboliques avec quelques ayalars (gardes du corps), neuf grands drapeaux portés à cheval, la musique guerrière de tambours, timbales sur des chameaux, ilùtes et autres instruments deux bannières vertes tenues par deux cavaliers émirs et accompa- gnées de deux queton, crioit t7/('//i-.< liou. ou jjn'dicateurs. dont hou, qui veut dire Dieu, Le quantité de spahis djcheiljibiu'hi, Dieu et un mous- une grande chef de la milice destinée marche à nettoyer les armes, achevoit la l'un, tenant à la tête de vicigl por- teurs d'eau à cheval avec trente-deux enseignes et vingt-sept ca]iilaines de ce corps, luie grande l)annière dats dont h\s derniers éloieiit le pot en tèle et la hache à la laire et la plupart se connaissoieat et différents endroits de Cons- I) Lorsque toute lorsque quantité de sol- armés de jaques de mailles, avec main, pour être empruntés des boutiques taiitiiiople. et le vizir cette figuration s'est engouffrée dans le Sérail, y a déposé l'étendard du Prophète, la fêle popu- commence; elle va se prolonger pendant trois nuits, qu'elle doit emplir de clarté'. Malheureusement, si les Turcs ont le illuminations, l'art leur en est inconnu. mer\eilleux, car la fête se goût et la Le cadre manie des jiourtaut est donne sur toute l'étendue du port: les collines qui entourent ce golfe profond abaissent jusqu'à la rive leurs pentes chargées de niiiisoiis et d'arbres, et quel ravisscnii'ut pour les yeux si ce long amphithéâtre s'embrasait, si les hau- teurs sortaient de l'obscurité étincelanlcs de feux, sertissant de lumière le médiocre; enllamme miroir des eaux! Mais l'éclairage des maisons est il cl consisti; (|iii en boules de poix et de goudron que l'on jelleiit une lucui- fumeuse. Le sérail des Miroirs, LA II1S(;RA(:K donnant sur port et faisant face à Stamboul, est le rillumination » mais ce pnHendu ; cabaret de Saint-Cloud étonne vraiment, », palais, ([ui ne le le « centre de vaut pas n'en apparaît point embelli. Ce « un qui lincroyablc quantité de navires ornés, c'est mats enjolivés, portant des feux à leurs couvrent 253 et à leurs vergues, qui port, circulent adroitement, se mêlent, se frôlent sans se heurter; et font tournoyer sur les eaux des milKcrs d'errantes étoiles. Une rumeur de foule, avec un bruit de lambou- A rins et de flûtes, s'élève de cette immense navires, on guirlandes de lanternes, des distingue, sous les llotlillc. hommes formes qui s'agitent, des danses, des neuses qui semblent surgir des elles, mesure abondamment mousqueteric font rage suppléer à l'imperfection des une espèce de fontaine « : s'élargissant à faut-il (pie tout cet éclat soit En intermittent et ne dure qu'un instant'? tillerie, la on voit encore, des pyramides lumi- fort haut, et et Pourquoi qu'elle s'élevoit ». ; certaines formes d'édifices flots, d'où s'élancent des jets de flamme, et de feu s'élevant des qui se balancent sur des escarpolettes ou s'exercent à divers jeux au-dessus de barques reliées entre Itord ce artifices. « vain de tous côtés tintamarre l'ar- ne saurait » L'ambassadeur de France, posté dans une maison ayant vue sur le port et proche de celle d'admiration vizir « s'ébattoit oii le », n'aperçoit, décrire que l'ébauche d'un grand spectacle, et ment que tout touchait à la il nommé lui paraît finale- cet appareil pyrotechnique fait long feu. Ces descriptions bizarres furent verve; il ne trouve à fin de le dernier effort imposé à sa son supplice. Son successeur, depuis un an, arriva dans l'automne de 1079 à bord d'un vaisseau de guerre (1); c'était ce comte de (luilleragues, ainsi défini parBoileau, qui lui adressa sa septième épîlre : Esprit né pour la cour et maitrc en l'art de plaire, Guilleragues, qui sais et parler et te taire! Comme Nointel, le nou\eaii représentant avait passé par la magistrature. Possesseur (I) Les ordres du 1679. Jal, Du Itoi Quesne,i. pour II. ii le p. £i. Bordeaux d'une charge honorable à départ de ce vaisseau sont datés du i juin la cour des aides, était tant plu il NOIMEL LES VOYAGES DU MARQUIS DE 254 ([u'il il avait fait de réputation s'acquit la un voyage dans la capitale et s'y ne retourna jamais dans sa province. « l'homme le A Paris, du plus agréable royaume (1) » et réussit à tel point que Louis XIV voulut le connaître. Les grâces et le piquant de son esprit furent appréciés du monarque, qui s'en amusa (juelque temps; finalement, quoique Guilleragues n'eût à son protection que des services de cour, actif d'amis haut placés lui fit Constantinople. Cousu de dettes lui-même, et faire des économies. On il avait ambitionné comme ce poste non pour en contracter d'autres, pour se libérer assure Nointel, mais même l'ambassade au rabais, consentant à vivre d'abord sur que lui servirait le commerce de la obtenir l'ambassade de 3Iarseille, tandis qu'il prit la que pension la cour emploierait l'autre moitié de ses appointements à liquider sa situation et à désintéresser ses créanciers. Un article de ses ins- tructions lui enjoignait formellement de reprendre l'alTaire sofa, de la mener haut main la et d'exiger la du remise en usage de l'ancien cérémonial; l'envoi dans l'Archipel d'une escadre sous les ordres de Du Quesne appuierait ses revendications. Au mo- ment de son départ, le Roi lui ayant dit Je compte que vous vous conduirez mieux en Turquie que voti'e prédécesseur », il : répondit spirituellement pas autant à (1) BoxxAc, mon « J'espère que Votre Majesté n'en dira successeur p. 33. (2) S.\I.NT-I^RIEST, : p 233. « (2). » CONCLUSION Nointel retoui-na en France sur son successeur. Il le vaisseau qui avait amené rapportait une cargaison de marbres, une de toiles roulées, de médailliers, des manuscrits sans série nombre, une bibliothèque de lant (1). livres rares, et pas un sou vail- Un auteur raconte que le Roi avait poussé la qu'à défendre qu'on cruauté jus- à bord en ambassadeur le traitât certains le voj'aient déjà mis à la Bastille (2). : à Paris, Ce qui démontre l'erreur de ces récits et de ces bruits, c'est ([ue Nointel, rentré à Paris en 1680, eut permission de se présenter à la cour et instant le Roi. Même, Sa Majesté audience, dans laquelle sion. gère Malheureusement, pitié, il lui fit Il il un espérer une plus longue un compte verbal de sa mispromesse, surprise à une passa- rendrait cette ne fut pas tenue; l'audience justificatrice qui termi- nerait ses malheurs, Nointel l'attendait à bref délai après, vil : cinq ans attendait encoi'e. vivait alors à Paris, dans le ({uartier Saint-Rocli; c'était assurément en ([uelque logis médiocre, obscur, sentant vrelé et abritant pourtant des restes d'opulence, d'œuvres d'art et la j)au- un désordre un péle-mèle de choses étranges. Sans doute Nointel faisait argent de tout cela, lorsqu'il en trouvait l'occasion; mais celte ressource ne suffit pas à le sauver d'un dénuement extrême. Les détails de son infortune sont na\rants. Pourpren- (1) Une Iradilion conservée à Constantinople veut qu'eu l'ait de marbres, il emporté certains blocs recueillis par lui seraient aujourd'hui encastrés dans les gradins qui soutiennent les rues montantes de l'éra. n'ait pas tout (2j : Sai.nt-Pmiest, p. 232. Bo.vnac, p. 32. LKs V(tVAC.i:s uv mahoi ->m dre soin de n'avait plus sa de muntki. is mère, celle-ci étant morte en 1676 à Port-Royal, après avoir espéré jusqu'au boutque la fortune lui, brillante de son frère qu'il avait un autre il fils la consolerait de ses propres disgrâces emmené téraux s'émurent de pitié: compris, Nointel la maréchale de Matignon un jour en consolateur A écrit débute ainsi : continuait à regarder du côté de la cour, l'attention apparu (|ni lui (tait du Roi, il remet la son compte reudu. « défrayer et qui depuis se voilait obstinément. pour forcer la lin, envoyer par et il Tout Et toujours chimérique, se (2). Roi, de l'astre majestueux tlu : une pen- par avoir, pour vivre et se finit entièrement, trente sols par jour attendant tout lit d'autres ajoutèrent quelque ciiose. nourrissant d'illusions, Le de Malte et courait les mers. Des colla- était ciicvalier sion très modique; (1). en pays turc était mort à Constantinople Sire, la bonté si Il imagina de main à la lui plume naturelle à Votre Majesté et qui s'accorde parfaitement avec les qualités les plus excellentes m'a donné m'écouter de croire que Votre Majesté voudrait recevoir favorablement le mon retour, et bien compte de mon ambas- m'en donna l'espérance quand sade. Elle saluer à lieu et j eus riioiiiieur de la quoique j'en attende la grâce avec impatience depuis cinq années, je ne laisse de ressentir une grande consolation de son retardement. Tout la le monde connaît difficulté de soutenir la présence auguste et les pénétrations d'un monar(iue à (jui rien n'éciiappe, et dont nous ailmirons le génie infiniment au-dessus de sa dignité, la plus éle\ ée que l'on puisse révérer sur la terre: c'est ce qui à me fait craindre de parler Votre Majesté. Je ne trouve pas moins de peine à exposer au.x mêmes lumières une relation par écrit, mais je n'hésite plus d'en prendre le parti, y étant attiré par la clémence' de Votre Majesté, par la raison de souhaiter et de craindre son audience, par le soulagement de ne point l'obtenir à cause de sa grande (Il Coite pspéraiipe est mentionnée dans une épitaphe dont le texte figure à la Bibliothèque nalionalc, caliiuel des titres. ii) Xous devons c-esrcnscigueiueuls, geance de .Al. de Boislisle. tirés des .Vrcliives nationales, ;i l'obli- cn.\r;i.usi(i\ 257 occupation que l'on ne doit pas interrompre, mon nécessité de macquitter de que devoir de la et enfin par la meilleure manière je puis (1). » Après cet exorde, il entre en matière ses prédécesseurs et de tique, : comme au lieu de faire composer un mémoire purement poli- se lance très vite dans des descriptions pittores(jues, il trace des portraits, et voici que Mohammed IV nous apparaît en chasseur forcené, tâchant de distraire par des exercices effrénés son obsédante mélancolie, menant campagne contre guerroyant contre tout les fauves, à poil et à plume de son empire, le gibier levantdes armées de rabatteurs « : L'on a vu quelquefois jus(|u"ii vingt et trente mille liommes distribués en différents pelotons enfermer une grande étendue de pays. On leur assigne à chacun leur route qu'ils doivent tenir fort serrée, en sorte qu'en tant de jours ils puissent arriver à l'endroit qui leur est marqu(', chassant devant eux fout ment le gibier qu'ils trouvent, particulièie- le fauve, les lapins, les bétes puantes et autres espèces. campé au rendez-vous sur sultan, qui cependant est élévations, dans une plaine au milieu des bois Le ([uel([ues ou en dehors, voit venir à lui tous les animaux sauvages d'une grande province; il s'avance quelquefois pour anticiper cette décou\erte, et enfin tout cet amas de bêtes que amène de l'on lui si loin pourroit renouveler la mémoire de celles qui parurent en présence d'Adam pour recevoir leur nom, honorablement et que Sa Hautesse ses armes ce n'étoit que, bien loin de les si d'en conserver au moins l'espèce, la veuille détruire. Suivent des réflexions justes semblent le du (|ui et toujours vraies sur l'esprit aiment à régner sur des déserts volontairement les ressources de leur empire. mémoire reprend l'élévation (1) tarir ses ciiiens, » destructeur des Ottomans^ Puis, ti'ailer semble en fieu de temps l'on voit et sa suite, court après, et un grand carnage. et Ce prince avec il vizir Ahmed le règne actuel à ses débuts, rappelle Kupruly bibliotlièque de l'Institut, ms et comment ce ministre vou- 'U. 17 LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOIXTEL 258 montrer en Crète lut se qu' tel Candie ne pourrait résister ». court au milieu d'une ligne le mort a passé et plume entre Et soudain bas de manuscrit s'arrête le pour ainsi dire; on l'inhuma public parisien conquête de la la la il Franche-Comté: le lende- avait entretenu signalé les étapes elle avait : ds son grand vovage. raconté comment lem ; main de l'écrivain. Miné par le cliamourut d'apoplexie le 31 mars 1G85, les doigts, lui le en blanc la pag'e reste main ou le surlendemain à Saint-Roch. Au temps de sa splendeur, la Gazette de France souvent de de la ville glacé la grin, usé, vieilli, Nointel la ; un foudre auquel « avait célébré à Jérusa- mot de ses c'était alors un elle avait dit négociations avec le Turc, avec le Polonais personnage considérable, dont la réputation volait au loin. Quand il fut mort pauvre et délais.sé, la souvenir pour ce disparu, cet oublié : : Gazette eut à peine un trois lignes : « Charles- François Olier de Nointel, ci-devant conseiller du Roi en sa cour du parlement mourut en La et ambassadeur de France Gazette de Leijde mentionna termes. Dans son journal, bref été : « M. de Nointel, (1). » c'est tout. sec Dangeau n'est guère moins mourut à Paris subitement; il avait le dil-il, Il y alla ruiné; Le Roi de temps en temps quelques petites choses Et décès à peu près en mêmei> le ambassadeur à Constantinople. core plus gueux. à la Porte ottomane, du mois dernier cette ville le 31 il revint en- lui faisait donner (2). » Nointel méritait nneux que cette dédaigneuse notice. exagérer il la valeur de son œuvre politique, œuvre très imparfaite, faut reconnaître que les conséquences en furent grandes et portèrent loin dans l'avenir. En prévenant liens traditionnels avec la Porte, il la Sans empêcha la stabilité, furent précisément ce qui assura près des Turcs, jusqu'à Gazette (2) T. ]. p. rupture de nos toute solution de continuité dans des rapports dont permanence, (1) la en évitant ce grand brisement, du 7 aoiU 1G85. lifi. la nous Révolution, une position ^^^^^ADÏWA^^^^f^^R^^^^^^^^^^^^^^'- -r.p £ PLO» nOffRIUT aC^EDIT . Ddtoas ''6r:e( CU.NCLI'SIO.N exceptionnelle et privilégiée. Après vinrent pas iinniédiateinent bombardement de 259 lui, faciles et Cliio par l'escadre do relations ne rede- les paisibles. En i6S2, le Du Qucsne, cpii s'en fut traquer dans ce port une poignée de corsaires tripolitains, jeta une grande colère à Constantinoplc; laffaire du sofa en aggravée. Plus tard, notre ambassadeur Ferriol de matamore, brava tous les usages de façons fut diplomate k , Porto ense la présentant à i'audienco du (Irand Seigneur avec son épéo. avec une longue rapière de brottcur; une furieuse altercation en résulta. Néanmoins, à Constantinople comme à Versailles il n'y de rompre. D'autre pari, les Capitulations de avait plus envie 1673 avaient sauvé notre connnerce. Ce commerce ne reprit pas élan tout d'abord ; il se borna quelque temps à se soutenir, à se défendre; s'étant ainsi conservé, ayant reçu d'ailleurs une organisation meilleure et une règle stricte, il se lrou\ a ou mesure de devaient bientôt favoriser son profiter des circonstances qui essor. Ces circonstances se produisirent avant s'être heurtée en 1683 contre Vienne; la lin la du siècle. Après puissance ottomane recula sous la poussée d'une ligue formée entre l'Empereur, le Pape, république de Venise, la le roi de Pologne et le Isar de Moscovie. Une succession de désastres, la chute de Budo, la perte de la Hongrie entière et de la Transylvanie, les victoires de Sobieski, celles du prince de Lorraine, l'ébranlèrent jus(]u'eu ses fondements L'Europe et pai'urent la empire sembla commencé; malade mettre k deu.x doigts de sa ruine. sentit la faiblesse des », l'éternel le (1). le partage do leur Turc devint désormais moribond dont l'agonie travers les siècles et qui sui\ adversaires Osmanlis; i\ « l'homme se prolongerait à rait d'ailleurs k beaucoup de ses Frappi's et menacés de toutes parts, les Olto- (I Sur Jes almanaelis à vigneltes pour HISO et 1687. on voit une imago où Allemand, le .Moscovite, le Vénitien. eU-.. se partagent le gâteau ottoman, qui a l'orme de croissant. Une autre imago représente le Turc sous la ligure d'un malade, entouré de médecins dont chacun propose sa recette et formule son ordonnance. Ce sont ces vigneltes que nous reproduisons on voit qu'il n'y a rien de nouveau sous le soleil, surtout sous le soleil d'Orient. ) I : LES VOYAGES Ul MAKnUlS DE '2t;0 NOIMEL mieux en cette crise le prix de notre amitié, la nécessité de se ménager la grande puissance d'Occident qui n'avait point pris parti contre eux et dont les guerres en Alleinaiis sentirent magne, en Italie, faisaient diversion en leur faveur. Leur orgueil s'humilia: pendant toute la guerre de la ligue d'Augsbourg, de 1089 à 1098, ment il n'ait usé n'est sorte de concessions dont leur pour amener Louis ne point signer hostilités, à la XIV gouverne- à prolonger lui-même les paix sans eux, à lier dans une certaine mesure leur fortune à la sienne. L'ati'aire du sofa fut réglée à notre avaiitage, notre ambassadeur remis en possession de toutes ses prérogatives, écouté, cajolé, En même Divan. temps, la initié aux secrets du Porte se montrait prête à non» accorder, en matière de commerce, des privilèges considérables et exclusifs. Seignelay, fils et successeur de Colbert. profita de ces dispo- sitions; son attention se porta notamment sur l'Egypte, sur cette terre où le arand dessein paternel n'avait pas même reçu un com- d'exécution. Notre ambassadeur Girardin eut ordre mencement de reprendre les pourparlers au sujet de la mer Rouge. les pièces la négociation, de mûri; tive a les conditions il nettement indiquées; même, dans un document fois lité .sépare les (|ui d'étabhr ranée Le « que A lire l'idée primi- dans lesquelles pourra s'opérer marchandises de Suez à transfert des naturelle est facile de voir la la pensée de rompre deux mers apparaît pour français; la barrière la une dépêche signale un canal de jonction de la le Méditerranée sont plus première la possibi- mer Rouge à la Méditer- (1) ». projet de faire repasser par l'isthme de Suez la route des Indes échoua pourtant contre la mauvaise volonté des beys mamelouks et des milices effrénées qui dominaient l'Egypte; l'ancienne monarchie s'y obstinerait en vain jusqu'à son dernier jour et ne pourrait qu indiquer les voies où s'orienterait l'avenir. (1) .j octobre IG80. lîibliothèque nationale, J/i'Hioices swle de M. Girardin, fds français, n" 71 6â et Louis XIV et l Egypte, p. 38-31». siiiv. manuscrits de l'ambasnotre Mémoire sur Cf. CONCM'SION -2M Elle fut plus heureuse dans ses tentatives pour fortitier notre position en Egypte reparu. Dès 1()H3, la douane de vingt à aux seuls même, oîi les autres nations n'avaient point Porte consentit à la réduction des droits de trois pour cent, en restreignant ce privilcge Frani^'ais: ce succès capital fut accompagné de beau- coup d'autres. Notre ambassadeur obtenait en un jour dix firmans au profit de nos et jusqu'<à marchands du Caire ou d'Alexandrie, l'ensemble de ces actes compose ce qu'on pourrait appeler la charte d'allVanchissement de nos nationaux dÉgvpte; c'est à partir de ce moment que l'Egypte devient pour notre influence un terrain privilégié, un foyer d'expansion (1). Dans les autres Échelles, où nous avions eu moins à souffrir, la situation de nos nationaux s'améhora également. Les avanies s'espacèrent, les Capitulations furent plus fidèlement observées. Le nombre de nos comptoirs put se multiplier; de nouveaux débouchés s'ouvrirent. Les mesures prises par Colbert. Seignelay, Pontchartrain. mencent alors il pour ranimer notre négoce du Levant, com- porter leurs fruits, et les vingt-cinq dernières années du règne de Louis d'un progrès décisif essor, i2). marquent pour nous l'époque Au coins du dix-huilième siècle, cet malgré des interruptions néanmoins, s'accentue nouissement. A et finit durera jusqu'à s'effacent : la et des épreuves, se [loursuit par aboutir à un spiendide épa- partir de 17iO, notre primauté redevient abso- lue; elle n'est WY la Révolution (8). Nos concurrents Hollande en décadence renonce à plus que l'ombre d'elle-même; les la lutte; Anglais se Venise laissent repousser au second rang, loin derrière nous. Le connnerce avec la Turquie enrichit les pro\inies méridionales du royaume, assure aux produits de plusieui's industries françaises un débit (1) Archives des alTaires étrangères correspondance des consuls au Caire, rapports des agents rliargés de la visite des Echelles en 168.5-80-87, 170C. 1719-17:20. 17;ii; dépêches de la diamhre du commerce de Marseille au ministre de la marine, vol III à XIV. (•2) Voyez notainiueiit .Masson, llistnire du commerce français dans le Levant au xvu'siVc/p, p. 21C-."}0(i (:i( Voyez notamment noire ouvriitre l'ne ambassade française en Orient ; : sous Loiii'i XV. la mission du (H(ir./iii.ç de Villeneuve, p •i27-f3I. LKS VOYAGES 262 permanent l)f et rcininiérateur; propriétés de la monarchie M AROTIS DE constitue l'une des plus belles « il » (1) XniMEL ; en fait pécuniaires, nos comptoirs du Levant, de profits matériels et en pays où la situés France ne possède pas en propre un pouce du portent autant que de colonies véritables possessions, autant que nos florissantes que nos établissements de l'Inde d'empire colonial qui n'exige ni : c'est sol, nous rap- autant , Iles que de d'Amérique ou pour nous une sorte occupation militaire ni coûteux entretien de gouverneurs et d'agents, un empire colonial à bon marché. Les Capitulations de 1673 parement pacifique; ce le se retrouvent à l'origine de cet acca- fut l'un des actes qui le préparèrent et rendirent possible à longue échéance. Dans l'histoire de la économique du Levant par pént'tration la France, elles relient l'œuvre restauratrice des trois derniers Bourbons à l'ceuvre presque anéantie des Valois, servent de transition entre deux périodes distinctes. Pendant i535 à 1670, la première, celle qui s'étend de la France exerce d'abord un véritable monopole, qu'elle se voit disputer bientôt et qu'elle perd finalement; dant la seconde période, celle qui va de 1670 à 1780, la ne prétend plus à un monopole, accepte la concurrence pen- France et, sans chercher à exclure ses rivaux, s'attache et parvient à les distancer. L'ambassade de Nointel marque nouvelle et de ce relèvement; elle le début de cette politique permit à notre commerce, qui touchait alors au fond de son déclin, de reprendre sa lente ascension vers de glorieu.x sommets. La France reçut de Nointel un autre legs. nement de réunir son immense Il collection en avait rêvé certai- un lieu spécial et unique, aménagé avec luxe, et de former ce qu'on eût appelé de nos jours le musée Nointel. Hélas! les destins en décidèrent autre- ment. La dispersion de son butin avait commencé vraisembla- blement de son vivant; après sa mort, rable. (1) Le résultat final de l'ambassade Paroles de Voyez elle fut fut de complète, irrépa- mettre en circulation Cluiiseul-Goiif'liei', ledci-iiierainbassaiieur l^iMG.vru. Iai France en Orient sous IjOiiis XIV. do la monarchie. CO.NCl.rslON un nombre incalculable de débris 263 de raretés orientales, anti([ues, de manuscrits, liasses, papiers; quelle aubaine pour en main; En aux quatre coins de se disséminèrent ils eux aussi eurent leur odyssée, oii la l'oubli; déjà on a vu reparaître principales pièces de la collection, mar- comme les France; la légende se mêle à notre temps très attentif aux vestiges du passé, peu à peu de les Ces objets passèrent de main ciiands, les curieux, les amateurs! l'histoire. ils sortent surnager et les épaves d'un grand naufrage. Les papiers d'abord; Comme divers. très comme tons, il a laissi' il en est de toute sorte, dans des lieux Nointel avait la encombrer des bibliothèques, ou retrouve un peu partout de sa longue et caractéristique écriture le rage, la manie d'écrire, de quoi composer des volumes, gonfler des car- : aux Affaires étrangères, gros de la correspondance, avec d'innombrables annexes; aux Archives nationales, une série de pièces de l'Institut, 1()79, avec le le (1); à la bibliothèque duplicata des lettres adressées au Roi de 1677 à mémoire final dont nous avons parlé et d'autres encore; à la Bibliothèque nationale, les lettres adressées au grand Arnauld pendant toute la durée de l'ambassade, témoi- gnage d'une amitié dontNointel pouvait justement s'honorer (2). Certains papiers ont émigré en pays étranger et trouvé refuge à la bibliothèque royale aux de Munich. Les attestations demandées églises d'Orient sont partagées entre Rouen et la la bibhothèque de Hibliothèque nationale. Celle-ci conserve en outre, éparse entre divers fonds, une quantité de notes et d'ébauches, éléments du grand ouvrage descriptif toujours rêvé, jamais écrit Un \oluine en est presque rempli (3): là, il y a de tout mémoire demandé par l'ambassadeur sur l'Altique et ses ments, avec cro(]uisà l'appui, de rapides mémi'iito, (1) K. I3.V;3. 1348. Collectioa Hcnaudol. (3) Suppl. grec,|>. 301. (2) littéraire, un des question- ou moins scienti- un opuscule bizarre, naires, et voici qu'au milieu de ce fatras plus Gque émerge un essai purement : monu- LES VUVAGES 264 MAUQL Di; IS IIK MUNTKL autograpiie, raturé à outrance, portant ce titre qui s'est passé dans med quatrième, les Dialogue de ce : enfers entre les deux grands vizirs de soit entre les deux Kupruly, Moham- premier le et le deuxième du nom, le père et le fils. C'est une manière d'oraison funèbre, burlesque et engeresse, que Nointel a dû composer après la mort d'Abiiied Kupruh'. Il \ montre de son trépas, descendant droit aux le vizir, à l'instant enfers. Là, cet incorrigible cber sa soif. buveur demande tout d'abord Supplice liorrible pour un ivrogne, on au lieu de vin, l'eau du Létlié. Kupruly se fait tant (|u"on le mène au grand ce vice-roi des enfers, il rebiffe, s'indigne et surprise! en de Pluton. vizir reconnaît son propre père, de premier ministre dans le à étan- présente, lui ténébreux empire : promu au lang « Ce lieutenant général de Pluton avait un turban noir d'une bauteur prodigieuse; sa barbe supérieure et inférieure et le poil de ses sourcils et celui de ses narines se mêlaient; ils ('-taient cause que l'on entrevoyait seulement de grands yeux à ilemi ou\ erts d'où sortaient des rayons de rage et de mépris Le père et le fils se accusé d'avoir grâce et donnée la, je fait reprocbent mutuellement leuis périr un innocent, même de justice, confondez ma sûreté et surtout à celle Abmed la <à vous prie, avec la (|uf pliilosopliie et jjar s'apaiseï' et mon maître, : Eb! de goutte de sang que » Les deux j'ai confondez- (uiilires iinis- continuent leur controverse sur elles di'battent les j)kis liantes (|ueslions et leurs de discours deviennent de plus en plus abstrus et pesants, bien dignes de licn'mir dreux grimoires La « de religion, h grand renfort d'arguments, à coups de syllogismes, (1) forfaits : par votre autorité ont coulé de tous les endroits de l'empire ottoman. un mode plus doux; de réplique mer Rouge que vous avez formée de toutes ces rivières de sang sent poui'tant » ."i jamais p;u'mi ib' jiou- (Ij. liil]liiithèc|Lie de riiislihil iiossèdi' un essai de Noinlel dans le genre historique, un apcrfu sur les Ueiiiii-res récolutions de Hongriv : on v trouve nolamiuenl des aspeils de nature rendus sous une l'orme assez vive et pillo- resque. C(iM:i.rsiii.\ L'ambassade ont pourtaiil iiii ^65 n'sultat littéraire, inattendu et charmant. Après ses séjours en Orient, Galland s'était mis à en produire les résultats scientifiques. Toujours simple et modeste, quoique fortement protégée, membre de l'Académie des inscriptions et presque célèbre, il travaillait sans relâche, accumulait de doctes mémoires et se délassait en traduisant les contes arabes naguère sous des cicux ardents, recueillis là-bas, ces contes éclos autour de la prodigieuse Bagdad, au pays des sables et des mirages. Galland les écrivait d'un style doux et coulant, avec un naturel parfait goût pudibond: une Nuits La les il ; (-"est expurgeait aussi sous cette forme et les appropriait à (pi'il nous son livra les Mille cl (1). publication huitième siècle: commença dans les premières années du dix- succès en fut innnense, et depuis lors ces le faciles histoires, sans cesse les langues, transportées réimprimées, traduites dans toutes dans le roman et sur la scène, rema- niées et démarquées de mille façons, ont ouvert aux peuples d'Occident les sources d'un merveilleux nouveau ou du moins transformé (2); elles ont enrichi le fonds commun nation européenne. Les personnages des Mille omnipotents et vase en colomie de fumée et fripons, génies qui sortent d'un premient tout à coup grimaçante figure, Haaroun-al-Raschid. Ctiafai-. Mesroui-. Aladin. Sindbad fictifs une Xuit.s, califes débonnaires, sultanes adroites et bien disantes, marchands aventureux, esclaves ou et de l'imagi- le Zobéide, Aminé, marin, les trois ("alenders, tous ces êtres réels sont devenus aussi populaires parmi nous que les héros de nos vieilles et nationales légendes. Mieux que d'austères tra- vaux, les aventures de Schéhérazade nous ont familiarisés avec la comédie àme. (1) A On et la Galland sait tragédie de l'Orient, avec ses revieiil que M. le mœurs, sa vie, son l'honneur d'avoir glané ces récits impré- [)' .1.-'! .M.vnuRrs publie en ce H moment une traduo une .\uits. Le texte arabe, édulcnré par Galland, y est rendu dans toute son originale saveur (2) t On y trouve aussi beaucoup do traditions antiques, que plusieurs nations ont rapportées à leur manière I/liistoire de Phèdre et celle de Circé y sont très aisées à recoiinailre 'La IIahpe. Disse) tulion sur les romans. tion complète et littérale des Mille . LES VOYAGES 266 MARQUIS DE NOIXTEL Di: gnés d'un parfum lointain et ('"vocateur, présentés avec grâce; mais Nointel et champs où s'épanouissent les nant à Constantinople, en lui faisant de la Palestine, : lui avait ouvert ouvrant l'accès du lui il premier le ces fleurs fantasques; en l'ame- monde levantin, lentement parcourir les rivages de Syrie en trouver de les avoir liés en gerbe et les villes donné tous moyens de chercher lui avait et de pour ce génie découvreur, impatient de se manifester, ce fut l'occasion, l'impulsion. Que devinrent les tableaux, dessins, esquisses, figures, cro- quis, destinés par Nointel à illustrer les récits de ses Les dessins, feuilles volantes, se dispersèrent h tous les vents. Sauf ceux du Parthénon. jusqu'à nous. en 1871, dans le La il feules détruisit. Il suffit n'en est guère qui soient parvenus bibliothèque du Louvre en conservait une série la collection Nointel. voyages? Au Hennin un dessin d'examiner le ; cabinet des estampes, on trouve intitulé L'niiilieiice ; cérémonial et de M. de costumes pour les se convaincre qu'il ne s'agit nullement do notre ambassadeur, mais d'un simple agent, un de ceux probablement qui furent envoyés pendant la période antérieure. La série Topoijiajiliie possède une grande Vue de Damas, tracée aux crayons rouge comme noir, les dessins d'Athènes, avec lesquels une certaine analogie de facture voyage. Nointel, Damas, mais s'y il fit ; ne est vrai, on peut donc fut elle et présente la rattacher au jamais de sa personne à représenter par son dessinateur (1). Les tableaux, grâce à leurs dimensions, s'égarèrent moins facilement que les dessins. Pourtant, la grande toile qui repré- demeura sente Athènes fut longtemps plus qu'oubliée; elle qu'à ces derniers temps inconnue, ignorée. on Il y a jus- peu d'années, trouva chez un marchand de la Cité, au cœur du \ii'ux la Paris. Sa provenance ayant été reconnue, le musée de Chartres l'acquit parce qu'on croyait Nointel originaire des environs de cette ville. Heureuse méprise ! elle est cause que l'œuvre réside aujourd'hui en heu public et en bonne compagnie. (1) Voyez en Damas parmi comment il range le tableau des Eaux de exécutés d'après les croquis iiris en route. effet à la p. 1!I3 cevix qui furent CONFUSION 2ii7 D'autres grands taltleaux, VAudieiicfi du vizir, l'Arrivée devant Jérusalem, la Cérémonie du feu sacré, furent très longtemps con- servés aux portes de Paris, dans Le célèbre et splcndide. de Bercy avaient un était assez vaste fait le rhàteau de Bercy, demeure s'explique aisément lien de parenté avec Nointcl pour donner l'iiospitaliti'' les seigneurs : (1) ; leur château à d'inunenses toiles qui eussent difficilement trouvé à se loger en dehors d'une résidence princière; de les ils rendirent au malheureux ambassadeur le service acheter et de l'en débarrasser, à moins qu'ils ne les lui aient reçues de lui en donation ou en legs. A Bercy, les tableaux étaient vraiment à leur place, en de hauts appartements dorés, près des jardins dessinés par Lenô- dans un merveilleux ensemble décoratif. tre, on Au siècle dernier, encore parmi les curiosités du château les citait (2). Sur- vinrent les révolutions, les vicissitudes publiques et privées; le château de Bercy fut négligé par ses propriétaires, laissé à l'aban- don; finalement, en 1861, merveille. On la spéculation l'acquit et détruisit cette mit le mobilier à l'encan: les tableaux reparurent alors, noircis, détériorés, lamentables. Un enduit de poussière de moisissure les recouvrait; les toiles gondolées se fendil- et laient; la peinture s'écaillait et tombait par endroits. chand de Paris acheta ces restes et les fit réparer; un Cn marama- rich(^ teur, .M. 3Ioselmann, les acquit plus tard. Depuis, le hasard des héritages et des convenances particulières Pour les reli'ouver, il actuels, là La fallu d'assez leur dispersion. longues recherches et bonne grâce des propriétaires laquelle nous devons un juste honmiage, nous a permis d'heureuses fortunes. de nous a amena les étudier parfaite de près et d'en faire exécuter (pielques reproduc- tions. Sa mère était sœur de Charles-Henri I" rie Malon. seigneur de Bercy. famille actuelle de Nicolav est héritière des Malon de Bercy et a longtemps possédé leur château. Voyez Botsusi.F.. avant-propos de la Topugrapliie hisloriqup de la seigneiiii'e de Bi'vrij, dans les Mémoires de la Société de l'Iii.sloire de Paris Cf. S.\b.\tieh, l.e château de UerciJ CI) La (2) Bhick, Description de Paris, rique de lu ville de Paris. ITii"). p t. lis. IV, p. 358. Pi(;.\.\ior. . Description histo- LES VOYAGES 208 1)1' MAROIIS DE NOINTEL h'ÀiiiIieiu-e du ijranil vizir nous est apparue au cliàteau d'Araman, près de Verberie-sur-Oise (1). La Cérinnonie du feu sacfé est au château de Sassy examinée dans passé s'allie (2), en Normandie; nous l'avons longuement demeure seigneuriale, cette belle dignement oîi le culte à l'intelligence la plus large de la société moderne. Le tableau représentant ï Arrivée devant Jérusalem resté en plein Paris, dans en ignorait absolument quand mois, le « du le une maison particulière sujet et la provenance. César d'Allemagne », (3); y a Il comme était mais on quelques disaient les Turcs contemporains de Nointel, sapprocbait impérialement de Jérusalem, nul ne se doutait même une scène de ordre, ([ue Paris "couservait en peinture plus de deux fois centenaire: un ambassadeur du Roi s'acheminant vers Jérusalem, en pèlerin et en paladin, pour ressusciter et conquérir Au les imaginations vieux prestige de le la France (4i. jiremier [ilan de ce tableau, à droite, Noinlel s'avance en monte une grande bête fougueuse, qui jambes de derrière et s'enlè\e frémissante, triompliateur équestre. se dresse sur ses Il secouant une bride superbement ornée PSoiutel parle dans sa dépèche (pif l'on m'amena la partie gauche, : « jiour ciiangerle le ; c'est bien le cheval dont un cheval richement harnaché mien un peu fatigué (5). » Sur consul de Seyde, qui accompagnait l'ambas- sadeur, paraît également monté, mais en moins fière posture; ils sont suivis l'un et l'autre de cavaliers vêtus à l'européenne ou à lu Itu'ijue. Des gens du pays, des gens à turban, s'agitent en tous ,ip|i:irtieiit jnijcnird hiii M de Maindrcville. duc d'AiidillVi't-l'asquier. (:i) -\u luiinéro i de la rue de .Mariirnan. dans une maison ap|iarten.int à Mme la niar(|uise de Chasseloup-Lauliat l) Nous nous sommes demandé si le tableau en question représentait l'an-ivée devant .lérusalcm ou devant .\lep l'aspect des lieux el surtout l'alisence de la forteresse ([ui domine Alep nous ont fait penclier pour la ville sainte. Cf. ;i la liibliothéque uatiotiale. série tdpofiraphie, les anciens dessins et estampes qui représentent .lérusalem et Alep Les auteurs ne sont pas d"accord sur le nombre des tableaux cjui étaient conservés à Bercv: les uns disent trois, les autres ipialre; nous n'en avons retrouvé (pie trois. (.j) Lettre au lini. 10 avril Kwi. fil l.e i'I) cliàteau (l'Ar.iinaii A|ipartenant ;i ;i .M. le ( : SKIN CO.NCI.l sens 269 paraissent en jjtoie à un violent enthousiasme. Los deux l'L groupes de cavaliers s'écartent suffisamment pour laisser \oir dans lointain Jérusalem, avec son enceinte quadrangulaire, le ses toits pressés, ses coupoles trapues, posée carré blanc sur de rocheuses collines. Et ce comme dans tableau, semblent vir de cadre et de perspective dirait d'un aux album gigantesque grand frappe dans ce Athènes, c'est que les lelui représentanl villes et sites les plus célèbres comme un (|ui uni(|uemcnt pour ser- là exploits de l'ambassadeur. oli il grandioses de sa vie, la série de ses actions insignes. C'est toujours tableau lui. : (|ni c'est parait au |irêmier plan <[ Xointel On a fait se dérouler les pages fait le \ rai siijcl lui, du J('TUsalem. N'oiutel explorant visitant Athènes, Nointel atteignant les contrées sant superbe, in)périeux. dominateur, et les plus reculées, pas- s'épanouissant dans sa vanité énorme. deux tableaux d'un genre parlond)és plus tard aux mains del'Ktat et envoyés en 1803 Faut-il rattacher à sa collection ticulier au nmsée de Bordeaux, qui les possède encore? une audience du Grand Seigneur l'on olfrait à toul el le représentent Ils repas à la lnr(]ne (|ue aMd)assadeur, avant de i'inlroduire chez Sa Hautessc. .Mais l'ambassadeur fêté n'est pas cette fois Nointel; un de ses successeurs, à moins que ce ne soit son collègue d'Angleterre. On se souvient en effet que le peintre envoyé par c'est Nointel en KiTo à Andrinople, pour y cherclierdes snjels de tableaux, vit de près la réception d'un envoyé brilanni(jue; la dépéciie du 6 juin KiT.j ajoute que cet artiste, Carrey selon toute vraisemblance, dessina notannnent la scène du repas; cette coïncidence est à noter, sans i|u'e!le tude et de dater les tableaux permette d idi>ntilier avec certi- (1;. (Il .M de l;i Ville de Mirmont, qui prépare un ouvi-age sur le musée de Uoi-deaux, a bien voulu nous lonununiipier des renseignements précis sur 1. 'auteur du catalogue la controverse à laquelle ont donné lieu ces tableaux. de 185.5 y a vu la réception do (luilleragucs; Clément de His v a vu la réception de Nointel lui-même. Celte seconde tivpolhése doit être ab%olumenl écartée d'après l'examen des figures, des costumes, et leur comparaison avec les documonis on ne prèle Comme ipi'aux riches, deux tableaux à sujets turcs récem- LES VOYAGES 270 llU MARIJUIS UE NOINTEL Les peintures commandées indubitablement par dues à mand la de Carrey avec la collaboration ont toutes mêmes qualités, mêmes N'ointel et second peintre le marque d'une époque qui voyait grand et visait aux effets magnificence, mais la facture est lourde, molle, empâtée, donnance artificielle et monotone. Les bablement de couleurs mauvaises, morts; seuls, les rouges curités vaguement et les colorées. fla- défauts. Elles portent de l'or- artistes s'étant servis proles Ions aujourd'bui sont blancs éclatent eu milieu dobs- Les personnages de second plan se distinguent à peine, nébuleux. Ces tableaux sont restés intéressants; ils ne furent jamais beaux; leur valeur artistique est loin d'égaler leur importance documentaire. Les véritables joyaux de dans nos dépôts publics Nameh a la était la collection finirent et par trouver asile nos musées. Dès 1739, bibliothèque du Roi : le Miriidji- tour à tour impériale, royale, nationale, cette première bibliothèque de France con- serve encore le miration d'étude. et vieux manuscrit et l'expose Le grand marbre à comme objet dad- inscription enlevé d'Athènes paraît avoir apjiartenu successivement à Thévenot, garde de tiable la bibliothèque royale, à Baudelot de Dairval, insa- collectionneur; il fut donné ensite à l'Académie des criptions et placé dans une salle proche de celle où la tenait ses séances (1). au musée îles Après avoir émigré pendant inonunteiits français, il est la bres de Nointel nom de celui qui », tel est le tilre.sous Révolution maintenant au Lou\re, avec un autre provenant également de l'ambassade; tuent le souvenir et le ins- compagnie les lequel rapporta. ils ils « y perpéLes mar- sont officiellement désignés, catalogués, présentés au public. Effrités et fendus, figurent, parmi tant d'acquisitions plus récentes ment acquis par ils et plus belles, à le musée de Versailles parurent aussi se rapporter à l'ambassade de Nointel, à cette mission essentiellement artistique et féconde. .\prés avoir minutieusement examiné ces deux toiles avec .M. de Noltiac, l'éminent conservateur du musée, nous avons acquis la conviction qu'elles sont d'une date bien postérieure. (i) Voyez Froh.xer, Les inscriptiom grecques du musée du Louvre, t. V à X, Cf. Lauorde, Athènes aux x\', xvr. \vn' siècles, t. III, p. 89, 144, 160. SKlX Cli.M.I.I l'état (le vénérables ancêtres. Mais 271 le ilociinient resté par excel- lence vivant et en usage, celui dont les années n'ont menter qu'aug- fait la valeur, celui qui doit au progrès des éludes archéo- logiques une illustration croissante, c'est la série des dessins représentant les frises du Parthénon, les métopes, les frontons, tout ce merveilleux décor. Ils eurent des fortunes diverses. On les ajjerçoit, pendant le dix-huitième siècle, aux mains d'un amateur célèbre, l'intendant Michel Bégon, type curieux de collectioiuieur d'autan Montfaucon étaient alors connus, appréciés. s'en ser\ait pour reproduire deux des métopes, dans son Antiquité expliquée. 1770, ils arrivèrent à la bibliothèque royale, avec d'estampes formée par Bégon ; ils la Us (1). En collection y furent victimes d'abord d'une négligence coupable. Relégué au fond d'un rayon, caché derrière d'autres volumes, poussière et roul)li; on le précieux cahier s'ensevelit dans la le crut lus déplorait sa disparition. perdu. En 1764, le comte de Cay- Plus tard, l'académicien Grosley le croyait passé en Angleterre et adjurait le possesseur inconnu de se révéler. Un hasard Bibliothèque. Sous le fit retrouver le cahier en 17117 ou 1798 à la règne de Napoléon, lors du rangement gé- néral qui suivit la confusion révolutionnaire, belle couverture de riales, et le voici c'est il d'une fut revêtu maroquin rouge, timbrée aux armes impé- déruiilivemenl installé au cabinet des estampes; aussi en 1811 que le nom de Carrey lui fui accolé par erreur. Bientôt, les meilleurs érudits, Qiuitremère de Quincv, BriJndsted, Raoul Rochette, signalent son existence. En 1834, de Laborde l'exhume de l'oiiilire ouvrage sur Athènes aux xv% xvr En même temps, son ouvrage sur le Mais l'impulsion est il tente comte des bibliotiièqucs. Dans son et pas à parler longuement des dessins, uns. le xvn' siècles, en il fait il ne se borne graver quelques- une reproduction générale dans Parthénon, resté malheureusement inachevé. donnée, et cette tentative d'un grand ami de Un curieux du xvni' (1) Voyez le livre du regrellê M. Dli'I.kssis Michel Béijon, inleudant de la Rochelle, p. 140-141. : siècle, LKS ±-i des arts va trouver de la science el ne citer que MAKOl V(iV.\(ii:s DL' XUINTICL IS l)K nombreux l'atlas joint à son u'uvrc capitale, M. Onionl. menait techniques a permis de en lumière la le à final Pendant notre une publica- fin et scrupuleusement de l'ûnnre entreprise au dix- pauvre ambassadeur artiste chef-d'œuvre culminant de le fort un de nos érudits bonne rendre élégante complément septième siècle par dans Le perfectionnemcnl des procédés intégrale et précise. fidèle: c'est le Pour Plus lard, un ih-r Paitlicnoii. satisfaisante des frontons. Enlin. l'an dernier, les plus distingués, t'ac-siniili' allemand donne une reproduction recueil archéologique tion imitateurs. principaux, Michaëlis insère un les la pour remettre sculpure antique. siècle, les liisloriens de l'art grec n'ont négligé de recourir aux originaux; ils les jamais ont consultés, exami- nés à la loupe, patiemment scrutés; c'est grâce à ces dessins (ju'il a fallu passer par Paris, autant que retrouver Athènes, hommage lit Londres, pour pai- tous les auteurs, sans exception, ont lendu à Noinlel, publié l'utilité de son (tuvi-c, reconnu que nul plus que lui n'avait identifié en Orient la cause de la France et celle des nobles études. Avant déciùre sa vie nime témoignage nom même qu'on eut entrepris el (ré'vO(pn'r s(in ('Irange pli\ lui avail sionumie. cet una- v.du une célébritt' posthume. est aujourd'inii insi'parable du Parthénon ; Son est à jamais il incrilsurle mai-bre |ienléli(|ue, celle chair innuortelle des dieux, cette incorrn]jlil)lc matière dont est fait le temple qui surgit radieux au sommet de r.\cni])(de. Tanl d'eiroils et de tra\aux mérilaienl bien celte justice tardive, car Nointcl se dévoua et se sacrifia (ît vraimenl au culte du beau, à ses ambitions de cherchem- d'artiste. jiéi'ils, Pour les satisfaire, les fléaux, les sables brûlants on on l'avait vu affronter mille liraverles brigands de Icrrr el de mer. les intempéries et l'avait de Syrie elles vu se dresser superbe contre fiè^•res la colère de rAtli(]ue; des Ilots. Il sur- monta ces épreuves, mais succomba aux vulgaires embarras d'argenl (pic lui ce fut elle, en occasionna sa somme. (]ui. linsllraie el fructueuse tournée; ruinant ses finances, cas d'outrepasser ses droits d'amijassadcur. le mil dans le de recourir à de Cd.Nci.rsid.N '•ontlamnablcs cxpodicnts mort civile et Je s'al tirer la 27:i disgrâce royale, cette des gentilshommes d'autrefois. passion l'avait conduit à de beaux trioinplies à cause d'elle, iiéros de mais la curiosité; ; Son aventureuse plus tard, souiirit aussi cruellement. il en fut le 11 il pécha avait été le martyr. 18 APPENDICE I ARCHIVES DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ConstantiiKiple, vol. 7, f" 202 22 aoust 1663 Second Mémoire du telet n'en al faut vers le Roi/ pour srrrird'inalntrt'ion au sieur de à Coiixtantimp/e. eu rj la Haije-Van- un/ /té d'ambassadeur de Sa Majesté Grand Seigneur. II est certain que les Anglois et les liollaiidois ont un grand commerce estably dans les Indes Orientalles, d'où ils tirent une si grande quantité de marchandises de toutes sortes qui leur eoustent si peu qu'elles leur donnent un profit de 12 ou 15 millions de livres tous les ans, ce qui est Il est certain dune notoriété publique incontestable. de plus qu'ils remplissent toute l'Europe depuis le nord jusques au sud, de toutes marcliandises venant des Indes, niesme France, l'Italie et la l'Espagne; Qu'on peut encore advancer avec la mesme certitude (pie les mêmes marchandises venant à présent des Indes par le cap de Bonne-Espérance, avant que les Anglois et les llollandois eussent doublé ce cap et porté leur commerce par mer jusque dans les Indes, venoient parles caravannes au travers les Estais du (jrand Seigneur dans les eschelles du Levant où elles estoient acheptées par les François et ensuite distribuées tant en France que dans toute l'Italie. Allemagne et autres pays de l'Europe; Que ces mesmes marchandises venant pai' les caravannes sont beau- AI'I'E.NDICK coup [)lii# chùres ijug mer, que les Anglois mer 275- viennent directement des Indes par Hollandois nont aucune place dans toute la Méditerrannée et qu'ainsi ils sont oiiiigés de porter esgallement' en Angleterre et celles qui et en Hollande les marchandises (pii leur viennent des eschelles de Levant et des Indes, et celles-cy venant avec une prodi- gieuse abondance à un prix fort modique, celles-là sont beaucoup plus chères, et par conséquent ou ils y perdent ou ils y gagnent beaucoup moins, et sur la difficulté quipourroit naistre de ce discours que s'ils perdentou gagnent moins surcelles venant des eschelles que sur celles des Indes, ils no devraient point prendre celles-là. il est facile d'y répondre, veu que le commerce ne consiste pas seulement à avoir avec abondance les marchandises nécessaires, mais mesme d'empescher que les autres n'en puissent avoir, parce qu'alors ceux qui se sont pu rendre maîtres du commerce jusques à ce point mettent tel prix qu'ils veulent aux marchandises, et c'est ce qui fait le prodigieux gain que' Hollandois et Anglois font sur le commerce, lequel a augmenté considérablement de])uis qu'ils l'ont estably dans les Estats du (irand Seigneur, parce qu'auparavant les mesmes marchandises qu'ils tiroient des Indes estoient aussy tirées par les François des eschelles et estoientpar eux distribuées en France, Allemagne et Italie, à un prix' esgal mesme plus advantageux que celles qui pouvoient venir dans les mesmes pays par la Hollande en Angleterre à cause du peu de trajet des eschelles dans les ports de France, et de la facilité des rivières. au lieu que ces deux nations sont obligées de traverser toute la Médi, terrannée. faire marchandises et le trajet parterre de l'Océan et et ensuite porter ces par rivières par tous lesil. mesmes pays. Mais dès pu parvenir à l'establissement de leur commerce dans du Levant, et ensuitteà ruiner presque entièrement celuy des Français tant par les mauvais traitements qu'ils ont reçu des Bâchas et autres ofTicicrs du (irand Seigneur, que parles grandes yuerres que nos roys ont soutenues qui ne leur a pas permis de s'appliquer à ce qui pouvoit regarder le commerce, ils se sont rendus maislres de toutes les mai'chandises, y ont mis tel prix que bon leur a semblé, et ne se sont point souciez, et au contraire ont esté bien aise de n'en tirer des Estats du Grand Seigneur qu'autant qu'il en falloil pour empescherles Français d'en prendre et tenir tousjours le commerce de' ceux-cy dans le mauvais estât auquel il est réduit. En sorte que toute cette conduitte a attiré en même temps la ruine du commerce des François et la diminution des douannes du Grand Seigneur. Et au cas queled. .Vmb' ayt la preuve de la diminution de; ces douannes ainsy qu'il est dit cy-dessus, on ne doute pas (ju'il ne lors (lu'ils ont les eschelles LES VOYAGES DT MAROIIS DK N<lINTEL 276 persuade facilement au Grand Vizir cetti' vcriti'. et quand mesme il n'auroit pas la preuve entière de cette diminution, il faut tousjours que par le raisonnement cy-dessus il tache de luv persuader lad. diminution, ce qui luysera d'autant plus aysé(]ue bien souvent les ministres du (irand Seigneur ne sont pas informez de ce destail. 11 est bien nécessaire que parfaitement cette matière, Vizir, et en moyens mesme temps Amb' s'applique à posséder puisse en bien persuader qu'il lui fasse naislre l'envie d'y remédier; pour peu qu'il pourra luy dire que il led. sieur qu'il si le le le si Grand de trouver les trouve dans celte disposition, Grand Seigneur veut faciliter le commerce des François, ce qui attirera indubitablement l'augmentation desd. douannes. Sa Majesté peut choses qui seront d'un très con- faire des sidérable advantage pour ses Estats. La première est qu'elle formera une grande compagnie des principaux marchands de son royaume pour faire le commerce entier du Levant, et cette compagnie aura le nombre de vaisseaux nécessaires pour enlever toutes marchandises qui viendront dans leseschelles. Et seconde, qui est encore inliniment [dus considérable, consiste la en ce que Sa Majesté ayant estably dans son royaume une puissante compagnie pour desjà occupé faire le l'isle liberté nécessaire la au fond de les la commerce des Indes Orientalles, laquelle a si le Grand Seigneur veut donner de Madagascar, pour mer Rouge, marchandises, soit de Suez jusques sur establir des et la seureté par voitures, la magasins à Suez en Egypte, pour le transport de toutes soit sur le Nil, depuis lad. Ville mer .Méditerrannée où on pourroit establir d'autres magasins à condition d'accorder la descharge de toutes impositions à la réserve d'un fait de la valleur demy pour cent suivant un tariffe qui seroit de toutes lesd. marchandises. ces deux moyens le Grand Seigneur restabliroit revenus de ses douannes, d'autant que les marchandises seroient attirées en abondance par les caravanes, par le moyen de la grande compagnie françoise qui seroit formée pour cet effet, mais mesme il attireroit encore par succession de temps au dedans de ses États Non seulement par les toutes les marchandises qui passent à présent par mer à droiture des Indes dans l'Europe, en tournant à l'entour de l'.Vfrique, ce qui luy produiroit un revenu fort considérable par la prodigieuse quantité de ces marchandises qui sont nécessaires à la consommation de l'Europe. Mais pour parvenir à une fin si grande et si advantageuse il seroit nécessaire cjue le Grand Seigneur de sa part exécutast ce qui s'ensuit : (Ju'il donne aux François des grâces pour leur commerce plus AI'I'KMXCK "277 grandes qu'à toutes les autres nations comme par exemple de ne payer que deux pour cent au lieu de trois quelles payent. Le Roj- demandant au Grand Seigneur lexécution de la capitulation de 1604 en conséquence de laquelle les Ilollandois, comme les autres nations, doivent naviguer sous lu iiaïuiiére de France, la liberté qui leur a estée accordé depuis led. temps estant directement contraire à lad. capitulation, le Grand Seigneur pourroit leur oster cette liberté. \ l'esgard des Anglois quoyque la liberté qui leur a esté donnée de naviguer>sous leur bannière soit directement contraire à la capitula- que le Grand Seigneur mortifiast l'ambassadeur en le taisant trouver dans toutes les cérémonies publiijues pour le faire tousjours précéder par l'ambassadeur de France, joint que Sa Hautesse pourroit donner ordre à ses officiers de troubler par toutes les voyes le commerce de cette tion de 1.580. ci'lle de IfiOi les ayant excejjtés. il suffiroil nation et faciliter celuy des François. Il faudroit de plus que ciers intelligents le dans toutes Grand Seigneur envoyast un de ses les offi- eschelles avec ordre de travailler avec un François nommé par l'ambassadeur pour liquider toutes les debtes, punir tous ceux qui auroient fait des avanies aux François, annuller toutes les promesses faites aux Maures et aux Juifs pour des intérêts ou usures, et commencer cette recherche et cette liquidation par l'échelle d'Alexandrie afin qu'elle put servir de magazin général pour toutes les marchandises qui viendroient des Indes par la mer Rouge. En exécutant toutes ces choses, le Grand Seigneur auroit advantage de voir en peu de temps ses douannes restablies et en môme temps le passage de toutes Pour réduire les marchandises des Indes dans ses Estats. ce discours en peu de parolles. .\vant que les .Vnglois et les Ilollandois eussent passé le cap de Bonne-Espérance; Toutes les man'handises des Indes nésessaires pour la consomma- par les caravannes, passoient par du Grand Seigneur, et estoient enlevées par les François. Depuis que ces deux nations «mt passé le cap elles ont diverty le tours ordinaire de toutes ces marchandises, et les ont enlevées directement par la mer des Indes dans leurs Estats, et les ont ensuite distribuées dans toute l'Europe. .Après ce passage, les François s'estant maintenus dans le comtion de l'Europe estoient apportées les Estats merce de Levant, ils ont continué de tirer une grande quantité de marchandises et s'estant contentez de peu de gain n'ont pas laissé de les distribuer aux pays ([ui estoient plus proches d'eux, et plus esloi- LES VOYAGES DU MAROLIS DE .NOINTEL 278 gnés des deux nations, en sorte que le commerce de Levant sest maintenu en quelque façon: depuis que les deux nations ont eu la liberté commune avec les François d'establir leur commerce dans les Estats du Grand Seigneur, elles ont travaillé avec une jurande application à ruiner le commerce des François en Levant, afin de se ren- marchandises venant du Levant tant par la grande mer océanne que par les Estats du Grand Seigneur; et à mesure qu'ils ont advancé dans la ruine du commerce des François ils ont diminué la traite des marchandises par led. Estats parce que ayant du côté de la nier, à beaucoup meilleur prix, toute la quantité qui leur estoit nécessaire, ils n'avaient aucune nécessité d'en tirer, et ainsy les douannes du Grand Seigneur ont diminué considérablement en sorte qu'il est certain qu'ils ont travaillé en niesnie temps à dre maistresses de toutes les commerce des François diminuer le gneur, et c'est ce qui a obligé et les douannes du Grand Sa Majesté de chercher les Sei- expédients nécessaires non seulement pour rétablir l'un et l'autre, mais mesnie pour augmenter considérablement, en les Estats le mesme commerce attirant au dedans desdits qui y estoit autrefois, ensemble une bonne partie qui se fait par mer directement des Indes en Europe. Et d'autant que Sa Majesté est persuadée que le Grand Vizir connoistra parfaitement la vérité de tout ce qui est dit cy-dessus, elle ne doute pas ment les qu'il n'exécute les moyens proposez ordres nécessaires pour cet effet et dont ne donne prompteil doit revenir de si grands avantages au Grand Seigneur. « Fait à Paris, le 22' jour d'aoust t(j65. II ARCHIVES DE LA MARINE Volume B, 7, 51 Roi en qualité de son am- Instruction pour le sieur de Nointel, envoyé par le bassadeur vers le Grand les Seigneur, concernant affaires du commerce. Ledit sieur de Nointel doit être informé que tout le commerce des Indes orientales se faisoit autrefois par deux voies différentes au travers des Élats du Grand Seigneur; la première par les caravanes qui AlM'EMiICE ilit viennent par terre des Indes de Perse, la seconde, beaucoup plus abondante, se faisoitpar les vaisseaux quivenoient de toutes les parties la mer Rouge, venoient débarquer à marchandises étoient portées à dos de mulets sur descendoient au Caire et à Alexendrie et de là appor- des Indes, entroient dans Suez. Ensuite le Nil les d"où elles dans toute l'Europe. Ces deux voies faisoient tées et distribuées la richesse de l'Egypte, apportoient de prodigieux droits de douane au commerce que les .Marseillais, les Vénitiens et les (iénois faisoient alors. La première voie des caravanes subsiste encore faiblement et produit le commerce qui se fait dans Grand Seigneur et les échelles, la seconde voie a été entièrement abolie, en voici causoient le la raison. Lorsque les Portugais eurent trouvé Espérance, en 1420, Indes par les le passage du cap do Bonnepuissament dans les et qu'ils se furent établis conquêtes, ils s'appliquèrent à se rendre maîtres de toutes les marchandises qui venoient de ces grandes et riches provinces. Et, pour cet effet, ils se rendirent maîtres du détroit de Bab-el-Mandeb à l'embouchure de la mer Rouge, y tinrent toujours des vaisseaux, et. dans le cours de vingt années de temps, ils détruisirent et ruinèrent toutes les forces maritimes que les seigneurs tenoient mer Rouge, dans la mer à tous les vaisseaux des Indes, et par ce et enfin interdirent entièrement l'entrée de cette moyen se rendirent marchandises i[ui entroient par cette mer et passoient ensuite par la Méditerrannée dans toutes les parties de l'Europe, et s'approprioient par ce moyen à eux seuls ce grand commerce qui a été la cause de tonte leur puissance et de toutes les grandes conquêtes qu'ils ont faites dans toutes les parties du monde. maîtres de toutes les Sadile Majesté veut que ledit sieur de JNointel. après avoir bien examiné ce point sur les cartes et dans les conférences qu'il aura avec le Grand Vizir sur le renouvellement des capitulations, il lui fasse connaître l'avantage qui reviendroit à l'Egypte et aux autres États du Grand Seigneur de rappeler ce commerce par la mer Rouge et la facilité que Sa Majesté aurait de le faire si le Grand Seigneur vouloit donner quelques préférences dans le commerce aux Français et les décharger de tout droit pour toutes les marchandises qu'ils transporteroient par cette voie, leur donnant la facilité de faire ce commerce à l'exclusion de tous autres. Et pour lui faire connaître la facilité de cet établissement il pourra lui donner part de la grande et puissante Compagnie que Sa Majesté a formée pour porter le commerce de ses sujets dans les Indes, des établissements qui y sont déjà faits, des forces maritimes au nombre de quinze grands vais- LKS 280 \(n.\(,K.s MAIiOl L)l IS UE NOl.MKL seaux de guerre ijui y sont à présent et ijue Sa Majesté y entretiendra toujours pour jjrotéger ce commerce, et de la facilité qui se trouve par l'avantageuse situation de son royaume pour transporter toutes les marchandises qui seront apportées à Alexandrie d'Egypte dans son royaume et de là dans toutes les provinces et États de l'Europe. Et cette proposition est fondée sur des raisons ne peut pas douter que cantes, qu'elle Grand réussisse à les faire accepter par ledit si claires et si convain- de Nointel ne ledit sieur Vizir. Et en cas qu'il la goûte et qu'il dise seulement que l'exclusion do toutes les autres nations et la franchise de tous droits ôteroient tous avantages que les Nointel commerce le Grand Seigneur en pourroit pourra faire connaître lui et les tii'er. ledit sieur de ([ue l'abondance qui viendra de ce grands passages dans toute l'Egypte y attireront une inlinitéde commodités et de richesses qui viendront indirectement au inolil du Grand Seigneur, d'autant que les peuples sont plus en état do payer leurs impositions. Et en cas qu'il insiste et que ledit sieur de Nointel ne puisse lui faii'e goûter la grandeur de cette proposition sans y faire trouver quelque avantage au Grand Seigneur, après (ju'il aura employé toutes les raisons qu'il pourra facilement tirer de Sa Majesté lui permet d'accorder un pour cent de toutes marchandises (jui passeront par cette voie, à condition que le Grand Seigneur donne l'exclusion à toutes les autres nations et qu'il cette matière. les chemins depuis Suez jusqu'à Alexandrie. [lourvoie aussi à la sûreté des III LES DKSSIXs Dans |ias par qui. Il comment Il maitre lîombaud-Eaidherbe. mais donne sur jiarl. cliagrin après la exécuter les les dessins à les i\n[ élait et (jui lui : d'in'itel. fit mon celle les du peintre, décembre 17 dessins: il 1()73, ne nous apprend comme il eût dit : mon Son compagnon Cornelio Magni est dessins sont de la main d'un jeune resté avec Nointel après la mort de tout quelques le voyage. Il détails, parle ne le nomme nulle notamment de son mort de liombaud-Faidberbe, son compatriote et par deux fois sa nationalité flamande. auteurs modernes, se copiant l'un l'autre, ont attriun peintre fran(;ais, Jacques Carrey. Ce Carrey était aflii'me Cependant, l)iié lit rapporte que flamand, celui son ami, et il se borne à dire mon plus précis. [ii'intre SONT-II.S DE C.\KHEV? l'\l!Tlli:X(iN grande dépêche d'.Vthènes. sa Nointel raconte secrétaire, Dl 281 Al'l'IN IlICK Champagne, où l'on conserve tjueiqiies-uns de accompagné Nointel lors de son pastravaillé sous ses ordres. La tradition le veut ainsi, originaire de Troyos en ses tableaux; c'est lui qui aurait sage en Grèce mais et cette tradition n'est-elle pas une légende? qu'à une époque relativedu voyage et même postérieurs, Galland, Antoine des Barres, Montfaucon, pas plus que Magni. ne disent mot de Carrey. En 1799. Barbier de Meynard parle encore du maître flamand. Pourtant, dès lT.")y,une notice insérée dans le dic- U'abord, ment elle ne s'est fixée officiellement récente. Les auteurs contemporains tionnaire de Moreri avait fait honneur des dessins à Jacques Carrey. Cinquante-deux ans plus tard, en LSH. l'album conservé à thèque ayant été plus ricliemenl relii' et mis en bonne place, vateur d'alors, M. Joly la Bibliole inscrivit >lu' la feuille d'en-téte le lils. conser- nom di- Carrey, avec quelques indications sur sa personne. Cette mention, ainsi que le démontre la similitude des renseignements donnés, est empruntée aux l'crits de l'académicien Grosley. originaire lui-même de la ville de Ti-oyes et fort jaloux des gloires de sa ville natale. C'est lui qui avait fait insérer la note dans le dictionil la réédita, avec quelques modifications, dans ses naire de Moreri : Troni'ns célèbrrs et dans ses Mi'innin'ii. Grosley, dont la famille était liée depuis plusieurs générations avec celle de Carrey, fournit dans ses ouvrages quelques détails sur le voyage de ce dernier en Orient il : dit le notamment avoir vu une tète de Diane recueillie par l'artiste sur rivage d'.Vthènes. Ce témoignage a sa valeur. Toutefois, il est facile de relever chez Grosley des inexactitudes tlagrantes qui ne permettent pas d'ajouter à tous ses dires, .\insi. d'après lui rey) travailla : « Spon nous apprend deux mois entiers à copier loi qu'il (Car- façades, les bas-reliefs et les toutes les sculptures de r.\cropole d'.Vthènes » ; or. Spon ne prononce pas dans sa relation de voyage lenom<le Carrey la citation est fausse. De même, lirosley dit i|ue Nointel emnuîna Carrey avec lui lorsqu'on IGTT il partit de France; Nointel partit en KiTO et ne fut alors accom: témoignage précis pagné d'aucun peintre; en ellet, téré de Galland. lors(|uo marquis, pendant le d'après le la et réi- ])remière partie de son ambassade, voulut faire tirer les portraits du sultan et du grand vizir, il dut recourir à un peintre établi sur les lieux, Rombaud-Faidherbe. ce qui ne serait pas arrivé s'il en avait amené un. Grosley émet donc des assertions sans se donner Il la peine de les contntler et de les vérifier. est permis d'en inférer que, connaissant l'existence des dessins, sa- chant que Carrey avait séjourné en Orient, ignorant enfin que Nointel eût employé d'autres peintres, il a établi entre les deux premiersfaits LKS V0YA(;ES DU MAROUIS DE .NOINÏEL 282 une concordance (^ui lui moins que a paru naturelle et qui n'est rien rigoureuse. (Jue Carrey soit allé en Orient, nul ne conteste. Qu'il ait séjourné le pendant une partie de l'ambassade, qu'il y ait été employé par Nointel, nous l'admettons sans hésiter. Mais remarquons l'ambassadeur, dans sa dépêche du 6 juin 1675, écrit qu'après ceci son retour à Constantinople il adjoignit au peintre qui lui restait et que nous considérons comme l'auteur des dessins, un autre artiste, pour remplacer celui (|u'il avait perdu à Naxos. le premier en date, à Constantinople : Rombaud-l''aidherbe. Il en employa ainsi trois; le dernier, le troisième en date, celui qui n'arriva en Orient qu'après le voyage, nous paraît avoir été Carrey. Le fait est d'autant plus vraisemblable (jue ce fut Carrey, d'après les indices que nous avons relevés (1), qui assista en aux fêtes de la circoncision: on trouve alors sa trace, on ne la trouve jamais auparavant. Ainsi fut-il amené à collaborer aux grandes compositions picturales qui s'exécutèrent à Constantinople d'après des études faites antérieurement par Rombaud-Faidherbe et l'autre Flamand, sans qu'il ait particiiié au voyage ni dessiné en conséquence les marbres d'Athènes. Ajoutons un détail qui a son importance. On remarque sur plusieurs des dessins une mention manuscrite en cinq lettres, dontil n'a pasété Ki".") possible de reconstituer est tracée Devant le sens, mais qui, au dire de bons en caractères flamands du xvu» cet ensemble de particularités linguistes, siècle. et d'indices, il nous paraît impossible de faire prévaloir les assertions ultérieures de Grosley, assertions qui ne sont apparemment que des inductions, sur gnage de Cornelio Magni, témoin oculaire voyage. Au reste, en ce qui concerne le et extrêmement bien fondé de le témoi- attentif du la tradition éta- Omont s'est rangé aux raisons nous avons indiquées dans l'étude publiée par le Con-rspondani le 2.'i avril 1897. .AI. .Maxime CoUignon, dans son Hisloin' ilr la sculpture grecrjuc, au début du deuxième volume, suit d'abord la tradition et parle uniquement de Carrey; plus loin, il paraît faire une distinction entre les dessins de Carrey et ceux dus à « l'anonyme de Nointel ». blie, Michaëlis a exprimé un doute. M. (|ue (1) La bibliothèque du Louvie conservait une série de dessins exécutés par Carrey et représentant le supplice ihi pal. Or, le seerét.-ure envoyé à .\ndrinople avec l'un des peintres. La Ooix, raconte qu'il vit en route des voleurs lie grand cliemin empalés et insiste longuement sur cette scène d'horreur. 11 est frcs vraisenililable qu'elle fut alors dessinée par son compagnon de voyage, ce qui indique la provenance des dessins du Louvre et signale la présence de Carrey dans la mission. Al'l'KMiICE En réalité, il 283 n'y a pas de dessins attribuabies à Carrey; tous sont l'œuvre d'un jeune peintre flamand qui travailla sous Nointel, sous ses yeux, et dont le nom EXTRAIT DE LOUVHAGE DE COK.NELIO ï. p. 108. II, la direction de ne nous est pas parvenu. MAGM Hà condolto Sua Eccellenzanel suoseguito due (iaminghi, giovani di buoni coslunuet di passabile sufficienza: pittori si sono questi dati a viaggi per vedcre di perfezionarsi nella loro professione. Uno di questo infermatosi a morte è passato ch'ha dis- all'altra vita. posto di certi zecchini, che trovavasi, parte in sullraggi per l'anima sua, e parte per sovvenire i poveri (ici se trouvent des caractères effacés dans l'exemplaire de la Bibliothèque nationale) dell'isola. L'altro è resto (un 0. per la quale mot si effacé afïlito i per la mot perdita del (autre effacé) rende inconsolabile. 303. Lettre écrite d'Athènes... 11 signor ambasciatore, invaghito di gran rarità, conducendo seco un pittorc fiainingo,giovane assaiben versato, face pratica col Castellano per concertar seco il commoflo di si poter inviare quello alla cittadella. per copiare a chiaro bei conibattimenti me da di et scuro ipie' sopra nominati. IV DESCRIPTION DE DÉLOS pur COR.NELIO T. Ci fermmamo famose in II, Lettera seconda, p. questa(Micone) ad oggetto nominale esse avanzano. isole di Delos, oggi raosa antichità, che in Furono già queste da'Greci anche a loro nemiche. sito. le délie più M.\i:M scielte sdi/i-. 103. di dare una scorsa e visitare il per fido Sncrario à tutte cosi in esso custodivansi, come le nazioni, in sicuro depo- richezze più celebri délie parti non solo circonvicine, remote ancora, custodendovisi i aile resto délia fa- preziosi arredi non ma solo di LES VOVA(ii:s DU MAUUIIS DE .NOI.NTEL 284 ma anche de'Fenici e Medi e anche degli Egizii e Vennero questi dal cieco (îentilesmo dedicare ad Apollo noi coniinciammo a scorrere la più grande, in oui non trovammo che tre o quatro are rotonde, e una triangolare ben 'incise, comme due grandali di marmo, che sembravano aver servito a qualche simulacro, cosi in esse Greci, Persiani. ; corne délia Fortuna, délia Victoria, o altre simile. Spiccati da questa ci portavamoalla picciola separata délia prima da poco canale; resi à quella ci demnio ad esaminarla. e la trovammo piena di moite reliquie di sontuose fabriche osservammoper primo l'avanzo del famoso tempio d'Apollo, tutto abbatluto.costrutto di marmo bianco. Noi ci confon; demmo nel grande amasso di colonne, di basi, piedestalli, capitclli in varii ordini. archilravi. fregi lavorati. c distinct! in il métope, tutto eseguito in rigorosa e gastigatissima architettura. un fregio a inci^i grandi ceratteri greci Pliilippos Vusi/iv:^, additarono fosse concorso anchegli a ijueslo magniTico Inconlrammo ignudo il di petto e che ci edilicio. nel residuo d'una statua procera e quasi gigantesca marmo il e triglifi; \uh sopra l'ario : di questa non appajono che le coscie, e ventre, dorso, sopra di cui restano incise ciocche di capcUi in ci credenimo il simulacro d'Apollo nume tutelare capo intieramente manca. esportato. per quanti dicesi. da certiletterati Ingicsi, non s5 se dal conte di Arundel che fece per tutto l'Archipelago di uiùlti marmi Tacquisto. come puù d'accogiiarsi dal libro da guisa radiale. (Juesta ; il esso palesato, intitolato Manmini Aiwidcliana. Osservammo certe paneggiamenti eseguiti con finissima esquiinsitezza. Incontrammo una rotonda piscina, che conteneva acqua torno a questa stavano dispositi leoni di marmo laceri e storpiati; poi scorrendo d'ogni intorno scorgemmo quantité grande di confusa materia che ci additava che tutto fosse fabricalo, comprendendo il celebi'e Ginnasio. ô fosse Academia. Spicca in mezzo a queste un massiccio muro fabricato dipietre quadre di notabile grossezza. chelo altre statue involte in ; credemmo lo salii il palazio de'Tesori. con un pitlore fiamingo un monte ben'erto e rigoroso. detto il monte Cinlio. creduto voli;ariiiente già dedicato alla dea C/n/in. benchè venga riferto che in Delo ad .\|iollo solo il sagrificasse, che pure Cintio fu detto. Giunto con stenlo alla sommité, trovai uno spazio piano diligentemente lastricalo di marmo, apparendo che intorno avesse risaltato qualche notabile fabbrica, non sô si tempio ù altro. Golà portomi a riposare. mi diedi a ricercare coll' occhio l'isole e mari circonvicine, che reso fuor di modo procelloso viatocci per qualche giorno il potere restituirci a Micone. Il maie si era il vitto, stringevasi alla corte non essendovi provisi, che per due giorni di Al'PK.M)H:i': :28a provianda. La caccia de' conigli, che quenlissimi, ci una spiraglia in quelTisola abbondono frequando a Dio piacque, coniparve ajulù mullo: pure, di bonnaccia, ci restiluimmo a Micone, coll'aver sodis- fatto a curiosità e erudizione in Delos. V LETTRES ÉCRITES DE l'ALESTlNE DE SYRIE ET DE M. de yointi'l à M. GR:. :E. de Pomponne. A Lernica, ce 13 février 1074. MOXSIEUB, mon départ. C'est de second jour de cette année en mouillant quasi tous les soirs à cause de la fascheuse saison, j'ay visité les escûeils dHeraclia et Denussa et les isles de Fatmos. Lero. StanJ'ay eu l'honneur de vous escrire de Naxis à là qu'ayant continué mon voyage le chioï et Rhodes; et c'a esté dans ces deux dernières où Turcs et des forteresses que l'on m'a lait le il y a des mesme honneur qu'au me saluant comme on le saliie; le canal qu'il m'a pour arriver icy n'a esté traversé que par la nécessité de relascher dans legolphe de Satiliepour y chercher un port, d'où après quelque séjour je me trouve heureusement arrivé en cette ville de Lernica. Le sieur Sauvent m'y a reçu avec touttes les démonstrations de joye que j'en pouvois attendre, m'asseurant de l'avantage notable qu'il recevoit du renouvellement des capitulations, et qui est si considérable que l'on paj-e maintenant pour le cotlon deux tiers moins que les .\nglois: il vous a rendu compte de la bonne disposition qu'ont tesmoigné les pui>sances du pais à exécuter les ordres de la Porte, et de la forte manière dont r.\ga que j'avois depesché leur a parlé. Ainsy je ne vous en feray aucune répétition, et je me contenteray de' vous assurer que selon touttes les apparences le commerce de cette eschelle se restablira. ce qui est fondé, non seulement sur la diminution des droits, mais encore sur la bonne conduite de son Consul qui me paroist telle que je la puis désirer. Je fais estât de m'embarquer demain pour Seyde, d'où je visiteray la Terre Sainte, et touttes les autres eschelles. Garce >]ui tenoit peut estrc d'un peu trop de curiosité me paroissant indispensable par la mort de Borris. je ne doutle point que ma présence ne soit nécessaire dans tous ces lieux pour réparer suffisamment cette perte arrivée Capitan-Paclia. en fallu traverser LES VOYA(;i:s 286 MAROlIS DE NOl.MEL Dl' de Chippres à huit lieues d"icy. Je feray, Monsieur, tous pour en venir à bout; et c'est pour cette raison que je fais venir d'Alep à Seyde mon drogmaii et l'aga qui estoient avec le deffunt. Je vous informeray exactement du succès de mon voyage, et dans cette mes de isie efforts mon entreprise en ce qui peut concerner le dant que je puisse vous envoyer une relation sera possible de tant d'isles où crire à dans passé j'ai Seyde une description que l'isle d'Antiparos qui me vous la faire tenir, et je que je suis inviolablement. et et en atten- me séjourné, je feray trans- dressée d'une grotte située paroist un prodige, et digne d'avoir rencontré une personne qui eut pu liberté de j'ai et négoce: la plus juste qu'il la bien descrire. Je prendray continueray celle la de vous protester avec un très grand respect, Monsieur, votre très humble, très obéissant et très obligé serviteur. M. ilf Xoiiili'l il M. de Pomiiomw. A Sevde. ce 9 mars 1674. Monsieur. le vingt-un février dans la pensée que ie lendemain du matin à Seyde, mais il m'a fallu Je suis party de Chypres pourrois arriver le auparavant relascher à Tripoly de Sirie, quoyque l'en fusse alors beaucoup plus esloigné, et i'y suis arrivé au bruit du canon que Ton tiroit de la ville et des tours de la rade pour la continuation du Pacha. J'ay trouvé cette eschelle, qui dépend d'Alep, composée d'un seul marchand françois qui a très peu d'affaires quoy'qu'il n'ait point de concurrens; c'est ce qui m'a obligé encore que soyes soit difficile à restablir par le France, de faire connoistre au Pacha dont Constantinople, tout ce qui raison. G'estoit me le peu de débit que le commerce des l'on trouve en père a esté douanier de paroistroit capable de le réduire à la principallement pour la suppression de plusieurs que doûanne ont aussy contribué à l'aniieantissement du trafiic. Ce ministre m'ayant envoyé ses chevaux me donna audiance dans son divan, où après le compliment sur sa confirmation dans son gouvernement, je luy fis dire que mon projet n'estant de venir qu'une seule fois à Tripoly, ilmeresiouissaisquele venten eut disposé autrement, et de me trouver dans la nécessité d'y retourner pour l'enregistrement des capitulations nouvelles, que l'on devoit m'apporter d'Alep à Ilieru' droits, qui se lèvent iniustement. et qui estant plus considérables la salem, parce que moyen de le devant voir plus souvent j'aurois aussy plus de le commerce de son au- luy expliquer les besoins qu'avoit AIM'F.NDICE 287 torité, il me tesmoigna qu'il ne pouvoit pas manquer d'estre confirmé dans son Paehalik puisqu'il l'avoit souhaitté. et il se loua de la fortune, qui luy avanyoit l'occasion de me gouverner, et de m'asseurer qu'on ne pouvoit avoir de meilleures dispositions que luy pour le soulagement des négotiants, adioustant que sy ses prédécesseurs ne luy en avoit pas montré l'exemple, il estoit tout prcst à restablir leur fautte jusques là qu'il avoit vingt mil escus à prester sans interest au marchand français, et pour tel temps qu'il me plairoit. Je ioignis à la que nostre commerce estoit bien basse trouvant réduit à une seule personne pour le faire, au lieu qu'auparavant plusieurs en estoient occupés, et n'y pouvoient pas suffire, et que le consul qui les protegoit avoit esté obligé d'abbandonner. mais que le plus fascheux consistoit dans la destruction reconnoissance de cet offre totalle du trafficparla la reflexion retraitte. à laquelle celuy-la seul, ijuilasouste- noit, seroit encorre contraint. Je luy en insinuay les principalles rai- sons les renfermant dans les droils du bul de poids que l'on levoit et injustement, et luy remontrant par plusieurs répétitions, affin qu'il n'en doutta pas, qu'il n'y avoit point d'autre remède à ce mal qu'une fidelle exécution des volontés du Grand Seigneur, qui se trouveroient exactement accomplies, lorsqu'on ne prendroit que les trois pour cent, ainsy qu'il est porté par les nouvelles capitulations. Le Pacha m'ayant tesmoigné qu'il \' obéiroit punctuellement. je ne m'oubliay pas de in'estendre sur religion et au et géminée des les articles, les commerce, avantages quelles dévoient procurer à et la après une recommandation très expresse Jésuites. Capucins, et autres qui les concernent comme par la discussion de tous aussj' de ceux du négoce, j'adjoutay qu'on ne pouvoit traitterles religieux et les négociants trop favorablement, puisqu'outre l'obéissance qu'on rendoit par là au Grand Seigneur, et l'utilité qui lui en revenoil lorsqu'un bon nombre de marchands faisoit valoir ses doùannes, l'on rendoit l'antienne amitié des deux Empereurs plus forte et plus inviolable. Je m'estendis sur la considération de Sa Ilaulesse pour Sa Majesté, sur les preuves qu'il y en avoit par un traittement si favorable aux François dont le nouveau traitté, qui donnoit bien de l'envie aux autres nations, mais sans sujet, puisque plus puissant monarque de la mon niaistre estoit le premier, et le Chrestienté, et que les empereurs otthonians l'avoient tousiours reconnu en cette qualité lui seul le tiltre, qu'ils qu'ils ne traitent les donnant à autres que de Kiral. Le Pacha n'ayant asseuré, informé de cette préférence manqueroit jamais en rien de ce qui pouvoit qu'il estoit bien luj' se réservent, qui est celui de Padicha, lors- si légitime, l'établir et qu'il ne plus fortement i.Ks V(iv.\(ii:s 288 1)1 muntel M Aitnris m; en favorisant de tout son pouvoir les sujets d'un si p:rand Empereur Sa Majesté, ce fust pour le fortifier d'avantage que ie luy pxpliquay la manière en laquelle s'estoit fait Tenvoy des capitulations, luy disant que par oidre du Visir, j'avois despesché un gentilhomme pour les porter dans toutles les eschelles, et que ce ministre ayant voulu qu'il fust accompagné d'un Capidgi avoit aussi souhailté (juc cet envoyé à son retour l'informa par mon moyen de la récejition des ordres de la Porte, et de la soumission qu'on leur auroit rendu, mais tel que que l'est mort arrivée dans sa si Tisle de Chippres l'en enipeschoit. la l'or- tune m'avoit conduit heureusement d'isle en jusques icy pour isle supleer à cette perte, qui m'engageoit principallement à faire un grand voyage, et à le mes marchands, que continuer par tous j'informerois qui s'y passera, en attendant que le ie les lieux Grand Yisirpar le si des résidences de escrit de tout ce pusse faire de vive voix, ne doutant point de rencontrer partout des sujets de luj' tesmoigner ma Le Pacha me certilia son impatience de connoistre tout ce que rEm|>ereur son niaistre avoit accordé à ma nation affin que donnant des preuves de son ohéissance par une exacte observation de tout ce qu'il y trouveroit, il peut aussy me tesmoigner le cas qu'il faisoit de ma recommendation. et lorsque satisfaction, puisque je commançois si bien. je l'eus asseuré de la confiance ([uejeprenois en ces parolles luy répé- tant que leur véritable exécution consistoit à ne prendre aucun autre droit que la doiianne. il nie protesla d'avoir lousiours favorisé les ne- goliants jusques à changer leurs piastres en celles que l'on coureiiles afiin de faciliter leur commerce, le nomme peuple ne voulant rece- voir i]ue de cette dernierre espèce, et luy estant bien aise de préférer l'avantage public au sien particulier. Je luy tesmoignay préférence a une mon monnoye estonnenient de l'opiniastreté de donner la quasi toutte fausse en excluant enlierre- temps que cette ignorance l'étendiie de l'Empire du (irand Seigneur, quiostoitun monde, des provinces, et des royaumes, où non seullement l'on excluoit les alsanis, mais où l'on estimoit si nient la lionne, et ie luy insinuay en mesnie n'estant pas universelle il se trouvoit dans bien les piastres sivillannes, qu'on n'hezitoit pas de les acheter, et j'adioutay que le sçachant du bon goiU, ie ne voulois pas luy donner des alsanis en payement de touttes ses honnestetéz, et des bonnes paroles que poids, ie ie recevois de luy, mais que pour payer en piastres de quand les effets y corresne manquerois pas non plus d'en informer ce mi- positions qu'il m'avoit fait paroistre. et pondroient que nistre. le l'asseurois de bien tesmoigner au Visir les favorables dis- ie 289 AI'l'E.NDlCI'; me Il remercia de ces offres m'asseurant qu'il leur donneruit un véritable fondement, et m'ayant prié de l'employer en tout ce que ie jugerois nécessaire', raesme pour mon plaisir, il m'ofl'rit ses ses faucons, lévriers et autres esquipages de chasse, m'accompagneroit dans tous les lieux, quiseroient les me chevaux, disant qu'il plus propres à cet exercice, qu'il faisoit très souvent. Appres ma reconnoissance de cette manniere si obligeante, que j'ac- ceptay pour mon retour, luy tesmoignant que ie de vois partir au premier bon vent affin d'estre a Hierusalem à Pasques, l'on apporta les régals ordinaires, des boissons, et parfums, et ce fust lorsque iepris la tasse Pacha prononcea, hazret lez, qui est une manniere de me fesoit pour la santé, et autre prospérité. La conversation ayant esté rcnoiiée fust renfermée de ma part dans une dernière instance de tout ce qui pouvoit concerner la religion, ses ministres et le commerce, en remontrant que si depuis plus de du sorbet que le souhait heureux, qu'il cent ans les religieux subsistoient dans l'Empire Othoman sous la protection des empereurs de France, l'on devoit à présent se conduire en leur faveur bien dune autre manniere, la considération de Sa Ma- jesté leur ayant fait obtenir des avantages, dont ple ny dans les il n'j- a point d'exem- antiennes capitulations, ny dans celles accordées aux mesme du négoce, et qu'enfin Ton vouloit voir à Tripoly un Consul et un grand nombre de marchands il falloit executter ce qu'ils doivent attendre de la bonne foy d'un traitlc si solennel. Le Pacha m'ayant renouvelé touttes ses protestations, tant sur le dernier point, que sur le premier, et dit à lesgard de cecy qu'on traittoit si bien les Chrestiens francs que les (îrecs s'en autres nations; qu'il en estoit quasi de si plaignoient, je pris congé de luy me retirant chez moy dans le mesme ordre que j'en estoisparty accompagné d'environ quarante personnes, .le jugeay à propos de parler aussi au Cadis, mais en sous prétexte de voire sa maison, parceque passer par ses mains, i'estois passant et les capitulations devant bien aise de Tinfornier des chefs prin- cipaux, qui regardoient l'eschelle de Tri|)oly, luy insinuant la jilus grande partie de tout ce que i'avois observé au pacha, et particulièrement qu'il empescheroit que l'on ne porteroit pas au Visir les difficultez. qu'on pourroit apporter à ce nouveau traitté, puisqu'il n'hésiteroit pas par son autorité de Juge de prévenir les ronipements de teste qu'on causeroit au premier ministre, il me iura que lorsqu'il assembleroit les puissences du pays il pour leur marquer leur conduitte touchant les volontés du Grand Seigneur et que si on y apportoit la moindre résistence. il m'en délivreroit des actes authentiques pour les faire valoir; tout le reste consista auroit leu les capitulations 19 LES VOYAGES DU MAROL'IS DE XOLNTEL 290 en beaucoup d'honnestetés, la main, temps il lui me dit que le il fit venir un de ses enfants qui me baisa Cadilik de Seyde qu'il avoit reniply bien du appartenoit maintenant pour sa vie par rescompense de P<;irte. et qu'il le faisoit exercer par son aisné, pour lequel il la me promit une lettre de recommendation. et ce fust après touttes ces marques de bonne volonté, et les répliques convenables que ie le quittay. Je lui envoyay le lendemain un commandement obtenu par M' de la Haye en faveur des Capucins, mais dont ils n'avaient pu obtenir ny l'enregistrement ny l'exécution depuis vingt ans, et ainsy Ton ne cessoit pas de les contraindre à une espèce de caratche pour leur maison, il le fit registrer au mesme moment promettant qu'on l'executeroit à l'avenir, et par mannière d'entretien il s'informa de mon chiaoux si i'estois marié, et il s'estonna fort que ie ne le fusse pas. insinuant néanmoins qu'il le soupçonnoit parce que ie n'avois pas assez caressé son fils. Le temps s'estant rendu favorable, je me transportay à la marinne le vingt cinq février accompagné des Consuls d'Angleterre et de Venise, et d'une trentaine de cavaliers, et ayant mis à la voile la nuit c'a esté par la faute du vent, qui me manqua, que ie ne peus arriver à Seyde devant le 27, je moûillay dans le port à la pointe du jour, et une demie heure après le sieur de Seglas me vint trouver avec toutte sa nation au bruit du salut d'une polacre françoise qui fust bientost secondée de celuy du chasteau. dont les descharges se firent entendre à mon débarquement. Il avoit procuré cette démonstration de joye publique pour fortifier d'avantage celle qu'il me tesmoigna de ressentir en son particulier, et qu'il m'asseura estre esgalle dans tous qu'il me présenta me les certiffiant aussy bien unis en que dans le reste de leur conduitte, l'on chanta mesme le Te Deum dans sa chapelle, où le j>ere Capucin son chaspelain qui m'estoit venu recevoir avec la croix, et ses religieux m'ayant complimenté à la gloire du Roy ie me retiray dans l'appartement que ce Consul s'est aiusté avec beaucoup de propreté, ne voulant manquer à rien de ce qui peut relever avec prudence l'employ que Sa Majesté luy a confié; plusieurs conférences que j'ay eu avec luy m'ont aussy confirmé dans la bonne opinion que l'on m'avoit donnée de sa personne, et comme ie ne m'arreste pas seullement aux personnes, ie luy ay tesmoigné ma satisfaction de la mannière dont il en avoit usé envers son pacha en deux rencontres importants. Il a vaincu par une vigoureuse et iudicieuse résistance l'oppiniastreté de ce gouverneur, qui se voyant sur la fin de son authorité, et dans l'impuissance d'en obtenir la continuation, vouloit faire sa main avant son départ, et ne demandoit pas moins d'un costc que diz mil escus pour un esclave, qui s'estoit sauvé, les François cela, Al'l'E.NDlCK et soùaittoit encorre une somme 291 plus considérable pour des religieux espagnols, qu'il retenoit en prison: de tentative et il luy a fallu après quatre mois de ruse réduire sa première prétention a des caresses extraordinaires qu"il s'estoit passé, et list au Sieur Seglas ayant veu les capitulations le priant d'oublier ce qui touchant estrangers que Ton envoya quérir à Ilierusalem prisonniers témoignant bien de la il la donna protection des la lijjerté à colère de ce que les Maltois ces mesme pouvoient venir dans le Levant soubs la protection de Sa Majesté. On ne peut pas luy mieux parler qu"a fait ce Consul, qui adioutant Taddresse a ses raisons empescha qu'aucun de la nation ne se présenta dans les bazars pour achelter. et il n'en fallut pas davantage pour exciter une espèce de sédition de la part des vendeurs, qui parloient autrement contre le pacha l'accusant de les priver de leur subsistance, uniquement du commerce des François n'y ayant point Il y a donc lieu d'espérer par deux exemples si considérables et dans un temps que les Anglois viennent de souffrir à Alep une avanie furieuse pour un mesme prétexte de la fuitte d'un esclave, il y a, dis-je, lieu d'espérer, que le commerce de celte eschelle de Seyde se rétablira. La douanne y est dilïerente se trouvant des marchandises qui payent trois pour cent, d'autres moins, et quelques unes jusques à quinze, l'on exige encorre un droit de poids et de meselerie, qui va bien plus loing, et l'on prend chaque année trois cent piastres pour barut, cinq cent pour la permission des églises, et cinquante pour l'encorage, ce dernier est réduit par les capitulations a quatre ou cinq cent aspres, elles suppriment aussy le penulliesme, et celuy qui le précède, lequel est de plus aboiy par un commandement particulier, et l'on ne pourra plus prendre dis pour cent des sommes ausquelles monte la douanne. Je pretens encorre que tout autre droit que celuy de la douanne ne se doit point lever et qu'ainsj' en vertu des capitulations, qui ordonnent que l'on prendra trois pour cent, et qui ne parlent point touchant Seyde de poids ny qu'ils tiroient d'autres estrangers résidans icy. de meseterie, on ne peut rien exiger soubs ce prétexte, d'autant plus qu'a lesgard de Constantinople où l'on exige ce dernier, il en a fallut mention pour l'authoriser, nous avons donc résolu de ne point nousrelascher de cette prétention, et de la pousser tellement qu'encorre qu'on ne l'ait pas fait valoir du temps des antiennes capitulations nous puissions en éluder l'obieclion par deux raisons, la première que ce traitté estoit si anlien cju'il avoit perdu toute sa vigueur, et la seconde que les droits y estoient spécifiés indéfiniment sans détermination de la quotité au lieu que dans celuy d'à présent ils sont réduits à trois pour cent. Enfin le sieur Consul et les députés sont bien déterfaire )>ES 292 VOYAGES DU MARQUIS DE XOIMEL minés dans touttes les occasions mesme en mon absence a ne plus rien payer de ces exactions, jusques à tenir mine de cesser le commerce, et lorsqu'on proposera au premier de me députer pour la décision de Porte sur ce différent il répliquera que ie luy ay deffendu de me faire des deputations sans des suiets bien pressants, à cause des grands frais, et non point pour un comme celuy-cy, qui est clair, et ne mérite la point de contestation, et cependant je ne laisseray pas d'obtenir des commandemens particuliers pour en coupper toutte la difficulté. Le soulagement que cette eschelle va recevoir consiste donc dans l'exemption de huit cent piastres par an pour les esglises de plus de deux cent par année pour lencorage, de (1) pour l'extinction de dix pour cent qui se payent des quelles montent la cochenille, les droits, et de deux et dans demy sur les le et barut. sommes aus- diminutions d'un pour cent papier, et d'un sur le sur- bresil, campech, tartre, jerophe, poivre, corail, et amandes qui sont touttes marchandises d'entrée, et desquelles il y a beaucoup plus de débit que des draps et estoffes de soyes dont il faudroit payer un pour cent plus que l'on ne paye, supposé que l'on ne puisse pasparaddresse en demeurer à l'accord fait à leur égard, l'on verra ce que les Turcs diront sur ce suiet et l'on taschera de soustenir que ce qui se lève de doûanne monte à trois pour cent ou peu s'en manque, et qu'ainsy il n'y faut rien chan,i;er. d'autant plus que les draps et estoffes de soyes sont tantost plus et tantost moins chères, et qu'il y aurait tousjours de la ilisjjutte quand enfin il à s'exposer à la nécessité d'une nouvelle estimation, faudroit les augmenter, compenseroit cette perte. L'avantage, que l'on recevra à le guain sur la sortie, sera les autres denrées encorre plus considé- rable, puisque sur les cottons en laine, flUets ordinaires et cendres, il se fait le plus grand négoce, il faudra diminuer savoir sur les premiers sept pour cent, sur les autres douze, et sur les derniers un demi, l'on gasgnera encorre sur les filets moyens deux pour cent, dont senne trois, sur le salmoniac trois et un quart, sur le cassis deux et un quart, et sur touttes sortes de toiles trois, ainsy la perte de deux tiers pour cent sur les filets fins, d'un demy pour cent sur les sur le il se transporte bien moins que des autres ne devra pas entrer en considération, supposé qu'il faille augmenter leur fixation. Le desavantage que l'on recevra sur la soye, dont il ne se prend qu'un et demi, qu'il faudi-a doubler, ne portera jjoint non plus du galles et d'autant sur la cire desquelles (t) Espace (^n lilanr Jnns l'orii-'inal 293 AI'l'KNDICE préjudice parce que premièrement il ne s'en fait plus aucun com- que j'obticndray du droit de son poids, qui est de vingt-cinq piastres par quintal, recompenscroit bien au delà l'augmentation de la doûanne, enfin (juand ie ne Tobtiendrois pas non plus (jue de la piastre et un quart par quintal de touttes les marchandises, qui se vendent à un certain merce, et que supposé qu'il se restablist, l'extinction demi pour cent de tout ce qui s'achette poids, et d'un et qui est une espèce de meseterie. ce que ie ne puis croire et se vent, me faisant fort de l'obtenir, les capitulations ne laisseroient pas de iirocurer encorre à l'eschelle un guain notable, et qui fortifira entierremenl celuy quelle commençoil de gouster par la cessation des usures de le commandement que l'en obtins il y a deux ans. par conséquent très évident, que les négotiants d'icy aussy bien que de Constantinople. Smirne. Satalie. la Morée. Candie. Chippres et Alep seront soulagés considérablement, ce que ie me promets ses debtes suivant Il est devoir estre d'autant plus stable, que ie m'informeray exactement partout des moindres besoins, que l'on y ]>eut avoir, et que j'y feray paroistre l'authorité du Roy. et celle de la Porte dune manniere à faire craindre d'y donner atteinte en quoy que ce soit, j'y reussiray d'autant mieux suivant mon espérance que ie parleray a tous les Pachas. Cadis et niesme au doiiannier et que mon Capidji me secondera fortement se servant de la mesme rigueur qu'il a monstre à Cliip|)res, soit pour l'exlinclic n des abus, sott pour accréditer les Consuls, et la nation, il pourra peut estre arriver que le nouveau pacha n'arrivant pas icy do longtemiis agi auprès sieur Seiglas cette année, me ne pourois pas l'attendre, mais en ce cas après avoir ie du Cadi , me ie reposeray bien seurement du reste sur le satisfait des députés de qui m'a témoigné estre lesquels aussy m'ont paru fort honnesti's gens, enfin io liaison de tous les marchands de de leur Consul, queiout réussira à la gloire du Hoy et à l'avantage de ses sujets, ie souhaitteroiscn pouvoir dire autant d'Alep, et ie ne laisse pas d'espérer que le voyage, persuade aisément, cette eschelle. et par et par la la conduitte que iy feray. y sera très utile, celuy du Caire ne le sera pas moins, parce que le sieur de Tîonnecorse avoit témoigné son impatience d'avoir le Cajiidji fondée sur des injustices que le pacha luy vuuloit faire, j'ai escrit a l'un et a l'autre et les lettres, dont ie vous envoyé les coppies. ont esté portées par un exprès, que le premier avoit despesché au sieur Seiglas. .Je croy qu'elles suspendront le mal jusques à ce que i'y apporte le remède et i'espère me mettre en chemin pour et celte entreprise à la Semaine Sainte mon retour de Hierusalem, ou et les festes ie fais estât de passer de Pasques ayant dessein de partir au LES VOYAGES DV MARQUIS DE NOINTEL 294 premier bon vent pour Jaffa. les terres du pacha de Gaza, Comme dans y a des marchands françois résidants à Rama, qui est de son pachalik, vous verres ce que ie luy mande au suiet de ces derniers touchant sa protection, ne luy parlant que par occasion de mon passage en la Terre Sainte, affln que de luy mesme et par la médiation du sieur Seiglas. qui est bien avec luy. il m'offre toute la commodité et l'honneur qui peut dépendre que et ie suis obligé de traverser d'ailleurs de son pouvoir, et de son interest. Voilà. Monsieur, le compte le plus exact rendre. Je vous supplie très réception, et de me il qu'il m'est possible de vous humblement de l'honnorer d'une favorable continuer la liberté de vous protester que ie suis d'une manière aussy respectueuse que soumise, Monsieur, vostre très humble, très obéissant et très obligé serviteur, NniXTEL. M. de Nointcl au Roi. A Ilierusalem. ce 15 avril lG7-i SiBE. La ville de Hierusalem ou j'ay l'avantage de me trouver n'est plus ce qu'elle a été dans l'antiquité, la grandeur et la magnificence de son temple consiste en de foibles restes. Les armées des Ministres destinés au service de ses hautels sont changées en un petit nombres de Turcs employez une mosquée. L'abondance du peuple qu'elle conun désert. La quantité d'argent qui s'y trouvoit, en sorte qu'estant commun on ne l'estimoitpas davantage que les pierres, a fait qu'a présent on se soumet à tout pour en avoir. Les plus illustres monuments, destinés à servir de sépultures à tant de Roys. et de grands personnages, lesquels y enfermoient aussy leurs trésors, semblent n'avoir esté taillés dans le roc par un travail inconcevable, et séparés de la terre qui les avoit produit, que pour y estre maintenant a servir tenoit a produit ensevelis en partie. fertilité, si elle n'y a plus d'apparence de cette Il prodigieuse n'estoit miraculeuse, puisqu'au milieu des des montagnes dont le pa'is est lions de personnes, les roches et tout plein, elle suffisoit à tant de mil- ayant longtemps aydé à soustenir ce siège si fameux d'un des plus grands Empereurs Romains. Ces considérations, Sire, pouroient attirer l'admiration d'un changement si extraordinaire et en imprimer une forte douleur à tout autre que Vostre Majesté, qui est bien informée des justes profeties sur lesquelles il est appuie. Elle penettre indubitablement, que tout se passoit en figurre dans l'an- sienne Hierusalem : sa grandeur passée qui comprend l'empire absolu Ml ICI-: AI' ri; de sa loix. 295 la superbe de ses édifices devoit s'évasnouïr, et s'anque la véritable gloire qu'elle ne figuroit qu'imparfaitrespandue avec profusion sur la grotte de Betleem, sur les et neantir. affin tement fut montagnes de Sion, du Calvaire, etd'Olivel, et sur les fonds et pleines qui les environnent, et les torrents qui les arrosent, affin que par nous fussions délivrés d"un joug intolérable, que nous eussions un fils aisné de l'Église, qui renfermant dans sa personne sacrée toutes les rares qualités des Clovis. Charlemagnes. Saint Louis, et de tant d'autres monarques dont il tire sa l'évangile et la religion affin nomme Louis quatorze, ce qui suffit pour en imprimer grandes idées que la langue ny la plume ne peuvent ex]iriiner. J'ose espérer. Sire, que ce nom sacré qui est la terreur des hérétiques naissance, se les estant souscrit à une lettre pour le Grand Seigneur, dépossédera les Grecs schisniatiques de leurs usurpations du Calvaire, de la pierre de l'onction et de Betleem, et nous en avons desjà un présage heureux, car son autorité nous ayant de la nativité fait de Saint Jean, et obtenir la le restablissement de l'église possession de son désert, l'effet qui doit suivre naturellement l'honneur qui se va rendre au précurseur, est de rentrer dans moyens dissipé, le légitimes d'adorer celuy à qui il a servy de malice des Grecs y a voulu porter s'est cadenas par lequel ils vouloient s'attribuer un nouveau les précurseur. Le trouble que la droit dans le Saint-Sépulcre a esté arraché, et l'un et l'autre s'est fait par la considération deue à V. M. sa puissance punira la perfidie des Grecs dedans et dehors de son Royanme, lesquels n'y éprouvent les ; charités qu'ils y amassent sous de vains et faux prétextes, que pour venir dans l'Empire Otthoman et particulièrement dans les Saints Lieux y maintenir leur possession criminelle, et y exercer leur furie contre les religieux lattins. J'ay esté tesmoin à Constantinople de leur ingratitude par la méconnaissance des bons traittemens qu'ils ont receu de moy; leur égarrement paroist manifestement dans de leurs patriarclies, dont il \- en a sept de vivanSj pour l'Eglise qu'ils ont de Romaine de ceux de science dans reste de la crestienté. attestations que i'ay le les et changemens par l'aversion leurs docteurs qui ont puisé ce du collège romain, et les universités Par ces raisons. Sire, on peut conclure que obtenues de b'urs patriarches touchant les la trans- substantiation, et autres points, n'ont esté par eux accordées (ju'à force de la vérité, et a ce que i'avois yeux, et que le retardement a me regret du triomphe que l'Eglise puis asseurer V. M. que la la moy-mesme veu de mes propres les consigner a esté fondé sur le Romaine en devoit remporter. Je sommission de leurs esprits à la justice est attachée nécessairement à la domination de l'esclavage sous laquelle LES VOYAGES DU MAROIIS DE NOINTEL 296 faut auparavant soumettre leurs corps c'est la conduite efficace de puissance que Dieu a envoyé pour leur châtiment, et ils reconnoissent eux-mesme ce moyen si indubitable, qu'entre eux ils se battent il : la très souvent jusques à l'excès, et à la mort mesme ; ils ont eu depuis cette naturre dans le Saint Sépulcre et le cou- peu icy des desmelez de vent de Saint Hélie. qui ont esté les suittes des batailles qu'ils ont aux religieux latins, en ayant blessé plusieurs, et ils les ont comblés de la fauce accusastion de la mort d'un de leurs caloyers, livrées arrivée naturellement. Ils n'ont pas jugé. Sire, l'ambassadeurde V. M. digne de leurs respects, et ils ont fait tout leur possible pour diminuer par leurs calomnies l'esclat de son entrée en Hierusalem. Elle estoit relevée par cinquante cavalliers qui me suivoient deux à deux, parle consul de Seydequi m'accompagnoit. par un cheval richement harnaché que l'on m'amena pour changer le mien un peu fatigué, l'on menoit en main, par six palefreniers vestus à grecque, et dix valiets de livrée qui m'environnoient, par mes par d'autres que la ma marche, par les officiers que le Cadis Mousselim qui tient la |ilace du Pacha qui est à la Mecque avoient envoyé au devant de moy, et par mes armes que mes gens portoient en toulte liberté. Voila, Sire, l'esclat avec lequel trompettes qui annonroient qui a esté Moufty, et ie Suis entré, le taschant de le soustenir avec toutte la fierté possible et raisonable, en présence d'un très grand nombre de Turcs, d'.\rabes et de Chrestiens de tous les sexes, qui bordoient les chemins, les fenestres, et remplissoient les terrasses. Les religieux avec la croix et les cierges, leur gardien à la teste, m'aj^ant receu à la porte de leur maison, me conduisirent en chantant le Te Deum à l'église. Cette prière fut suivie de celle pour V. M., et ils n'ont point cessé depuis de me faire tous les Leur gardien qui bons traittements qui ont pu dépendre d'eux. dans lequel la force de la science et est Italien, et de la piété suppléent à la foiblesse d'un grand aage, qui néanmoins ne l'empesche pas d'agir, me paroist bien résolu d'effacer par la raison et son autorité tous les restes de différences inutilles par lesquelles on vouloit autant distinguer qu'abbaisser les religieux fran(,-ois. Ainsy vicaire qui occupe le second rang qui doit estre de nostre nation, sera maintenu dans touttes les fonctions, prérogatives et prééminances le qui appartiennent à son employ, sans qu'il soit renvoyé à l'appas d'une récompense postérieure, lors de son retour en sa patrie, et sans la restriction à une maison particulierre, l'étendue de son vicariat ne devant point avoir d'autres bornes que celles de la Terre Sainte. C'est une justice temps que ipii les Italiens estoient mesme dans a toujours esté prattiquée cette charge du et lorsqu'elle a esté AlM'i: remplie parle premier François, NDICE et 297 quand une grâce, ce qui ce seroit n'est jias. ie suis persuadé qu'on la devroit à celuy qui est mainte- nant vicaire par reconnoissance de son méritte avec plus de solidité que je ne puis jamais neur de luy rendre cette des pressans besoins de cureur, dont le lettre et qu'il la ; dont V. M. iugera aura l'hon- faire, lorsqu'il prendra la liberté Terre Sainte. Le troisième de l'informer officier, le pro- ministère est très considérable parce que la dépence il faut qu'il agisse continuellement auprès des Turcs, et mains ouvertes pour arrêter leur avarice qui pourroit causer de grands maux, il pourvoye d'un autre costé a touttes les églises, et aux hospices de la Terre Sainte; il seroit bien heureux si ces infidèles se vouloient contenter de partager égallement, mais il leur faut pour l'ordinaire les deux tiers du total, et par conséquent il est nécessaire qu'il aitune grande économie pour respondreaux autres besoins qui vont bien loing. Celuy qui est à présent chargé d'un employ si délicat, est Espagnol, et il s'en acquitte avec toutte l'intégrité et l'adresse que l'on peut désirer, ne donnant rien inutilement, prenant sur les Turcs tout l'empire que l'on y jieut prendre, et pourvoyant a soustenir le reste avec l'honneur et la bienséance requise; il travaille depuis dix-huit ans fort utilement, et néanmoins il y auroit lieu (le craindre qu'il ne put pas réussir toujours si les renforts d'aumosnes que l'on espère de laChrestienté manquoient de venir. le regardant, qu'ayant les Le reste de la communauté, Sire, est composé d'un prédicateur, d'un maistre des cérémonies et de plusieurs prestres qui vivans tous exemplairement, signalez aux majesté et le et ayant beaucoup d'érudition offices bel ordre de la dont Semaine Sainte le et et de de piété, se sont Parques, par la service a esté conduit. L'on n'a pas oublié dans les prédications italiennes et espagnoles, qui ont esté pro- noncées aux stations du S. Sépulcre, du Calvaire et autres, d'y parler du dépos prelieux qui en a esté confié aux religieux de S. François, c'est qui ne s'est pii faire, Sire, sans tomber naturellement dans l'exaltation de la singulière piété de vos prédécesseurs qui les on ont rendu dépositaires, et sans tesmoigner une gratitude aussy expresse que publique de la protection puissante qu'ils reçoivent de Votre Majesté. Quand ceux qui ont l'avantage de vivre dans ces Saints Lieux ne tiendroient pas un langage si juste, les illustres morts qui y sont ensevelis, et les instruments de leurs victoires qui s'y gardent comme des reliques, parlent assez par leur silence, et ils continueront de parler françois jusques à la consommation des siècles malgré la malice des Grecs, qui paroissent n'avoir usurpé les sépulcres de Godefl"roy de Bouillon, du Hoy Baudouin, et de leurs enfans, (pie pour LES VOYAGES 298 ^lAROLIS DE .\OINTEE \)V Leur artifice ne scauroit peu possible de ne pas rendre icy justice à la France, qu'en manquant de le faire on s'expose à voir tomber les montagnes sur sa teste, y en ayant une fort eslevée sur laquelle les François s'estant retiré après la perte de Hierusalem y ont demeuré quarante ans attendans du secours, pour mieux dire ils y sont encore, puisque par leur mort ils en ont fait un cimetière glorieux. Si Tassistance qu'ils attendoient leurs a manqué, si la domination françoise avoit cessé auparavant. Ton peut croire, Sire, que ce sont des efîects de la Providence qui veut combler les grandes conquestes rayer, et falsifier les tiltres de leur mémoire. réussir, et il est si de V. M. par la deslivrance de la Terre Sainte, et qui n'a permis cette seconde captivité que pour vous en rendre le libérateur, les pretieux et sacrés monumens que nous y possédons François rendent à V. M. encorre. où les religieux premiers devoirs qui appartiennent, non seullement à un fondateur, mais au fils aisné de l'Eglise, ou les traverses des Grecs estant dissipées il- pourront prier Dieu sans de S. les tumulte, et sans confusion, pour \. M. qui est si une preeminance légitime, establie mesme par ces pretieux que le ciel monumens, dis-je, sont veut acheter de Y une si grande entreprise. Je cœur pénétré de la il achèvera de luy fournir force qui luy est nécessaire de tout le souaitte de respect zèle, des arres des grandes victoires M., et dont prix par l'abondance de toutte bien distinguée par l'autorité des papes, et mon cœur, mais d'un me fait sou- de soumission, qui pirer après les occasions de prouver a toutte la terre inviolablement, et que ie le pour que ie suis seray iusques qu'au dernier soupire et au delà, Sire, etc. NOINTBL. M. (Ir Noiiitcl <'( .1/. //(' A Pomponne. .lerusalfim. ce i3 avril 167-4. Mo.NSIF.UR, Mon passage de Seyde à Jafl'a ayant duré trois jours, je me débarquay à ce port fameux de la Palestine, j'y fus salué de quelques boettes à mon débarquement, et deux heures après le vicaire et le procureur de Terre Sainte me firent les complimens de leurs supérieurs, et communauté. Un envoyé du Pacha de Gaza m'ayant aussy asseuré de l'amitié de son maistre. et de sa joye de me scavoir dans son gouvernement, me tesmoigna i[u'il avoit des ordres pour m'y faire passer avec cinquante personnes sans paier aucun droicts. J'ay veu Rama, j'y ay mesme séjourné ce qui m'a donné occasion d'une AI'l'KMHCE promenade iusques à Lida, et le 299 moyen de considérer beau par ses plaines cultivées, ses costeaux, ses pais qui est le oliviers, mûriers, ses vignes, ses villages et ses raines. Les rivierres de la grâce qui y grande abondance et avec tant d'utilité suppléeoient aux naturelles, dont le deffaut oblige encorre à présent de couloient autrefois en si recourir et de mesnager les sources. Estant parti de grand matin, je tagnes au chasteau du bon Larron commencay ; son nom monmémoire de d'entrer dans les conserve la sa pénitence, et les Arabes celle de son désordre; et après m'estre reposé à S. Hiérémie. ou ce profette est né, je jettay des œillades en passant sur la vallée deTerebinte, sur de St Jean Baptiste, le village maison déplaisir de Ste Helisabet, ou la Vierge la visistat, et sur les lieux delà victoire de David contre Goliat; et s'il m'avoit fallu m'arresler à touttes les remarques que l'on me faisoit, j'aurois trouvé les portes de Hierusalem fermées. J'y entray le quinsiesme mars a travers quantité de peuple, bien monté, environné de seise estafiers et sur la suivy de cinquantes cavalliers palefreniers, et Les officiers de la ville ayant fus aussj- bien receu que je la pluspart armés. mesme envoyé au devant de moy, pouvois espérer dans et je couvent de St Sauveur, appartenant aux religieux de St François. Les visittes des sanctuaires enfermés dans cette ville, ou qui sont à ses environs, mesme des plus éloignez, tels que le Jourdain et St Sabba, m'ont fort le occupé, ayant employé plusieurs semaines à les le honnorer de la véné- ration qui leur est deue; et je puis vous asseurer. Monsieur, qu'il semble que la Providence ait autant pris de plaisir a enrichir ce pais par la profusion de ses grâces spirituelles, en figurre. et en vérité, qu'il paroist avoir esté dépourveu de tout temps des avantages d'une belle situation et d'un terrain fertil. Il faut croire nécessairement que cette grande abondance de peuple, et la fertilité qui leurs suffisoit estoient des miracles perpétuels qui faisoient produire les roches et contenir monde rangs dans des petits espaces des quantités innombrables de qui autrement n'y auroient pu demeurer sans centupler leurs les uns sur les autres; ce sont des reQexions qui tombent dans l'esprit fort naturellement, et qui estant establies sur divinne ne font point de tort à la foy des escriturres, ia puissance il faut donc ou je suis par la foy, et croire que sans elle on estade promission dans l'Egypte; je fais estât d'y passer dans quinse jours ou trois semaines pour la stabilité et l'achèvement des heureuses impressions que mes lettres y ont fait juger de la terre bliroit plustost la terre les puissances qui la gouvernent. La force dont je m'estois exprimé avoit son fondement sur les nouveaux secours que me deman- sur LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 300 doient le consul et les vay des instances à depputés de Rama, la nation du Caire, et dont je trou- escrittes d"une manière qui pouvoit con- venir a des assiégés réduits à l'extrémité, et sans espérance de quar- triomphent maintenant, et ils ne m'attribuent pas moins. fait trembler avec trois feuilles de papier le cousin germain du G. S., et la milice d'un grand royaume en la personne d'un de ses chefs les plus accrédités; ils respirent avec d'autant tier, ils Monsieur, que d'avoir plus d'asseurance, i[ue l'honneur et la tranquillité leur estant rendues, que ma présence fixera entièrement leur bonheur, et affin. Monsieur, que vous connoissiez bien mieux ce qui s'est passé, je prens la liberté de vous envoyer les coppies principalles de ce qui a esté escrit respectivement: elles seroient suffisantes pour vous prouver l'utilité de mon voyage, si d'ailleurs, sans avoir besoin des événemens. vous n'en estiés pas persuadé par vostre pénétration et par la justice que vousscavés si bien rendre, c'est sur elle que jestails se promettent ma confiance contre les calomnies outrageantes de certains marchans de Smirne dont je ne scais pas encorre les noms, mais qui peuvent estre légitimement qualifiés de cabalistes je ne suis party de Constantinople suivant leur langage que dans le dessein de donner blis ; une estocade a leur eschelle, et ils ne sont par lions à l'abri des avanies des Turcs les nouvelles capitula- que pour en souffrir de ma part; leur consul, leurs depputés, et leurs affidés. disent-ils, réduisent le commerce qu'ils me veuUent recevoir avec esclat, moy dans un bel ordie, qu'ils des logis pour ma suitte, et que je à l'extrémité, parce qu'ils souaittentde venir au devant de m'ont préparé un appartement, et suis seullement un ambassadeur: je ne doute pas qu'ils ne soient bien faschez que dans mes ordonnances pour la levée de quelques sommes, j'aye promis de les rendre sur ma pension de Marseille; car c'eut été une belle matierre à leur fauce rhétorique. Ce sont là. Monsieur, des crimes tout nouveaux, mais pour en avoir la conviction il faut peneti'er dans des intentions que je n'ay point, et inventer des faits qui ne furent jamais, et à la preuve desquels je les deffie il faut montrer par quelles loix nouvelles des sujets sont criminels pour honnorer le représentant de leur Roy, lors principalement qu'ils le : doivent à la face de plusieurs nations estrangères, .\nglois. Vénitiens, Mamans fairre par bienséance ce et telles que les Gennois, qui ne manqueront pas de que les autres sont obligés par devoir. .le que des impostures si grossières ne feront point d'impressions sur vous à mon préjudice, et que vous prendrez volontiers la peinne d'en découvrir la fauceté à S. M. qui ne desaprouvera pas qu'estant à Smirne je procède à la punition d'une suis persuadé, .Monsieur, A KM) le ri' aOl F, grande insolonce, après neantmoins que je seray bien informé de ceux qui l'on commise. Cet excès d'emportement ne refroidira point mon zèle pour le reste de l'entreprise ([ue je continueray avec toutte l'exactitude possible, poussant le bénéfice de ma présence dans tous les endrois aussy loin que je pourray, par la crainte que je donneray d'un costé aux ministres, et par l'ordre i[ue je mettray de l'autre entre les marchans; prenant connoissance de leurs demeslez et pénétrant dans les debtes autant qu'il me sera possible. J'avois toujours ou'i dire qu'il eut esté avantageux qu'un ambassadeur qui sembloit n'estre que pour Constantinople et .Smirne put faire un tour dans les autres lieux, et qu'il suffisoit mesme (]uil y montra son visage. Cette bonne fortunne est arrivée, mais n'estant telle qu'en idée, c'est un crime dans l'exocutiim; mais un crime nouveau qui consiste à faire un voyage de cette naturre a mes despens, hors le deffray des eschelles pendant que j'y séjourne, un crime dont la nouveauté est singulierre, puisqu'elle consiste dans l'exposition de ma personne aux périls de la mer et de la terre. Cet engagement pourtant dans lequel je suis entré, si criminel qu'il soit, si touttes les circonstances et de peu de curiosité qui que de prouver mon zèle pour le restablissement de procurer parce moyen la continuation de votre n'a point d'autre fondement, à l'exception d'un s'y trouve meslée, du commerce et protection à celuy qui est très respectueusenuMil, Monsieur, etc. NolNTEL. Ayant sceu, Monsieur, depuis refusé l'acquittement d'une qu'un Turc m'avoit prestée que ma lettre lettre a mon escritle qu'à Smirne on avoit de change de seize cent piastres départ de Naxis. et ipii fait j'ay pris sur cette eschelle, sous la déclaration de huit mil trois cent livres, je de ce lieu, cl aurez la me le avec ce rendre, dix- suis cvù engagi' d'escrire au consul de luy envoyer une ordonnance dont j'espère que vous bonté de lire les M. coppies. de yoinle/ à M. dr l'ompoiinr. A Jérusalem, le 2.'j avril 10"}. Monsieur, Le mesme devoir iiui m'a engagé jusques à présent avec exactitude des bonstraittemenls que le» di; vous informer Grecs ont reçeu de mon honestelé, fondez sur l'espérance de les reduirre à une secrette union, m'oblige indispensablement à vous asseurer que l'instabilité, l'ambi- VOYAGES DU MARQUIS DE NUINTEL 302 I.ES tion, et la vengeance qui règne absolument entre eux, sont autant d'oppositions invincibles à l'adresse humaine. Tous les restes de leur domination passée consistent dans des artiûces criminelles, et l'usage qu'ils en font est la seulle consolation qu'ils rencontrent dans leur esclavage. C'est, Monsieur, sur ce principe qu"il y a sept Patriarches de Constantinople vivans, et que celuy qui est maintenant réfugié dans mon pallais à Pera n'oubliera rien pour remonter sur le trosne ima- ginaire de son faste. J'ay desjà eu l'honneur de vous faire part d'une et je puis vous asseurer, qu'ils en commettent tous grandes pour se renverser réciproquement, qu'ils sont indignes de toutte protection. C'est la force de la vérité qui arrache de leurs perfidies, les jours de si aveu à l'envie que j'ay toujours eu de les adoucir. Les passe-ports recommandations que je leur ay donné ont servy à leurs procurer des passages en Chrestienté, et des aumosnes pour venir dans la Terre Sainte y battre nos religieux à la face des plus sacrez monumens, poussant leurs excès jusques à l'effusion du sang, et à imputer cet et les aux autres la mort d'un de leurs caloyers arrivée naturellement. Ils font icy touttes choses tellement dans la confusion, qu'au lieu de la décence qu'ils guardent encore à Constantinople le service divin, on les voit ne garder presque Saint Sépulcre, où cessions urlans ils et aux environs dans aucunne mesurre au permettent que les séculiers suivent leurs prodes chiens. Ils conservent leur usurpation du comme Calvaire, de la pierre de l'onction, et de Betleem, par les secours qu'ils vont mandier en Chrestienté; et leur aveuglement a esté^ si grand, que non contens de ne m'avoir rendu aucun honneur ils ont fait leur possible pour obscurcir celuy que j'ay receu des Turcs. Enfin, Mon- que la confirmation de touttes les attestations qu'ils m'ont données sur la transsubstantiation du pain et du vin dans le mystère de l'Eucharistie. Mais s'ils font en ce rencontre ce qu'ils doivent, ils ne jouiront pas de l'impunité dans le reste, et je suis, Monsieur, si fort convaincu de vostre justice, qu'assurément vous comtribuerés auprès du Roy au chastiment de ces ingrats, par la privation des aumosnes qu'ils voslent en France, et en procurant que Sa Majesté escrive au Grand Seigneur pour la restitution du Calvaire, de la pierre de l'onction, et de Betleem. C'est l'espérance que j'ay insinuée au Père Vicaire de Terre Sainte qui aura l'honneur de vous rendre cette lettre et qui certainement raeritte vostre protection par luj' mesme quand il ne seroit pas chargé des besoins généraux dont j'ay pris la liberté de vous parler, et quand il sieur, je n'ay rien veil de louable dans leur conduitte n'auroit pas à soustenir ceux de la Nation. Je me persuade que vous voudrés bien adjouter à tant de grâces celle de me croire très invio- Al'l'KNDICli lablement. et avec tout le respect et la 303 soumission possibles, Monsieur, vostre très humble, très obéissant et très obligé serviteur teur. NOIXTEL. .1/. de Sointel à M. de Pompon»!-. A Seide, ce 28 juin 167i, Monsieur, Mon despart de Uierusalem, qui fut le septiesme may, ayant esté suivy d'une réception honorable a deux lieux de Kama par le moyen de deux compagnies de cavallerie que noit depuis le Pacha de daze qui y seiourpeu avoit envoyé au-devant de moy et qui se disposèrent en plusieurs plottons. je receus la confirmation de cette civilité et les compliments de ce ministre par son Chiaia et les principaux officiers de sa maison qui me conduisirent à l'hospice des religieux de Terre Sainte. Les chiaoux qui les précédoient avec leurs bastons d'argent faisant paroistre beaucoup de peine pour obliger l'abondance de monde qui me laisser le passage un peu plus libre, le Pacha qui me vit passer de sa fenestre ne manqua pas à ma descente de cheval de me resgaller des presens accoustumez de victuailles, ce qui fut soustenu de beaucoup d'honestetés qu'il confirma pleinement lors démon compliment par mon secrétaire et. dans les deux visittes que je lui fis. la première à Rama, et l'autre à Gaza sa capitalle, où il m'avoit fait conduire avec une bannière, ayant désiré que je passasse la nuit dans sa maison de campagne qui en est esloignée d'une demy-heure, et ou il me fist trouver toutte sorte remplissoitla plaine de s'eslargir suffisament à de provisions. Il me regalla encore a la ville dans un des pavillons de ses jardins, d'un grand repas si l'on considère le nombre des plats, mais très meschant par la malpropreté, et l'impossibilité de rien manger, ce qui seroit arrivé sans la preccaution de faire venir trois ou quatre mets de ma cuisinne à l'invitation qu'il m'en fit que je ne manquay pas de prendre au mot. Son accueil ouvert par un visage riant, par la manière de s'avancer à mon abord et par l'embrassade et le baiser qui chrestiens si ne se prattiquent pas ordinairement a qualifiés qu'ils soient, furent des l'esgard des tesmoignages d'amitié par tous les autres qu'il put s'imaginer, et particulièrement par des expressions très fortes d'une obéissance aveugle aux ordres qu'il fortifia du G. S. touchant exécuter à Rama les nouvelles Capitulations qu'il avec toutte cette généralité je passay la me promit défaire punctualité que je pouvois désirer. De au particulier, et après plusieurs esclaircis- LES VOYAGES Dl MAKlJl 304 IS DE NOINTEL il fut convenu que Ton prendroit seuUement trois pour cent, douane d'or qui monte à dix pour cent du prix de la doùanne ne se leveroit plus, que l'ancorage seroit réduit do ;{3 piastres à cinq, et qu'on cesseroit la levée d'une piastre pour balle qui se prenoit à Jaffa qui est leschelle de Rama. 11 se prend encore en ce lieu-cy un droit exhorbitant. qui de très leuer dans son origine monte k présent à huit pour cent ou environ. Il a esté estably pour la récompense du peseur. et affin peut-estre qu'il fit un meilleur poids au préjudice du vendeur, mais maintenant les acheteurs le payent bien par son augmentation, n'ayant pas esté possible d'obliger le Pacha à gemens, que la s'en désister par touttes les raisons dont j'ay desja eu l'honneur de .vous informer touchant Seyde. L'on a convenu d'attendre les ordres plus précis de la Porte que j'espère obtenir facilemment et qui seront exécutés aussy bien que tout ce qui a esté arresté, pourvu qu'on y tienne la main, ainsy que le sieur de Seiglas Consul est résolu de l'y La vigueur est nécessaire, et l'on ne doit pas s'en désister, en croyant trop aux douceurs apparentes de ce Ministre, qui est intéressé par nécessité, à cause du remboursement qu'il est obligé de se procurer des grandes depences aux(juelles il est sujet. Tous les officiers du Caire depuis le Vice-Roy jusques au moindre passant chés luy en tenir. allant et retournant, et outre la nourriturre qu'il leur fournit, etgene- rallement à tout leur train dans l'estendiie de son Pachalic, sens qu'il est tenu tous les courriers, rie leurs faire montent bien haut. Il les pre- regale encorre qui estant ordinairement des gens qualifiés du serrail selon les causes de leur expédition, ils ne courrent pas à moins qu'à quinse ouseise chevaux, ce que j'ay veu en personne de celuy n'a pas hésité de m'insinuer que celte année luy a esté très difficile jjar le grand nombre de ceux (juc Sa Ilautesse a despeché au Caire. Son grand escuyer a esté un de ceux-là, beaucoup d'autres l'ont suivis, et il en passe continuellement, ce que l'on peut imputter au grand besoin qu'on a de tirer des trouppes de ce Royaume, affin de suppléer aux défailles par les Polonnois. Le passage de Champlan Pacha lui a cousté beaucoup, ce qui le desgousta lorsque j'estois à Gaza de rien donner au Courier qui portoit à ce Seigneur la nouvelle de sa confirmation annuelle dans le Pachalic d'Egypte, cette grande dignité se vendant tous les ans comme les moindres. Il a essuyé de grands frais pour le retour d'Ibraim Pacha du Caire s'en allant à Damas y estre Pacha dont il estmaintenantparty pour l'armée, parce qu'en qualité de Pacha de Gaza il en despend. La politique des Turcs a introduit celte dépendance, affin d'alfaiblir le pouvoir du pacha de Gaze qui est héréditaire, qui est a présent jannissaire aga d'Egypte. Et la il • ai'I'i;m)1i.i-: 305 el qui estant esloigné de la Porte ptiuroit devenir trop absolue. dernier avoit donné une Celuj grande jalousie par Texcès de sa puissance, et peut estre encorre parla considération qu'il faisoit des cliresliens et le <-ommerce qu'il avoit avec eux, que le deffunt Kiupruly premier Visier, n"ayant pas trouvé Toccasion de se deffaire de lu\-. luy fit l'honneur de le comprendre dans son testament de mort que son fils religieux observateur de ses volontés n'a pas manqué d'accomplir. Car ce malheureux estant venu à Constantinople sous de vains appas fut estranglé à une journée de cette ville. Il estoit qui l'estoit le aussy Pacha de Ifierusalem et si de N'aplouse, ([ue son frère qui est l'un des cent vingt et un voudroit bien avoir pour quitter le Paclialic de Gaze à son neveu fils de Testranglé qui en est l'héritier légitime. Geluycy estoit jeune à la mort de son père, et l'on l'a toujours tenu en bride, et tellement, qu'on peut dire qu'il en est abbruly. il peut avoir [un mot omis] ans, et il Il est néantmoins marié, a tesmoigné qu'il auroit bien me voir et de me régaller à la campagne sans la crainte de son oncle dont je viens de parler qui gouverne à présent, et qui a plus d'exlérieurque de solidité dont voicy la preuve. Mes complimens souhaitlé de qui luy marquoient la considération de sa personne, non seullement elle mesme. mais par l'avantage si extraordinaire dans l'Empire Otthoman de posséder un gouvernement par succession, n'ont point par reconnus par autre réplique que de Inchalla, signifiant S'il plaist accompagnoit d'un rire innocent. Ce fut aussy inutilement que je fortifiay ma civilité en luy insinuant que sa haute naissance si rare en Turchie et dont quasi luy seul se pouvoit vanter estoit inséparable des grande? vertus qui se rencontroient si rarement dans ceux eslevés par le hasard, lui adjoutt,ant que son gouesté à Dieu, qu'il vernement en du Grand establissoit la preuve, et encorre plus celuy Vizir qui avoit succédé à son père, car toutte sa response consista enu souait réitéré d'une longue vie et de toutte sorte de prospérités premier ministre. Lorsque j'y estois disposé et que les préparatifs s'en avançaient fort, le Cadi de Hierusalem m'escrivit l'ordre qu'il avoit receu du Vizir de me faire voir tous les Lieux Saints et de procurer que sans en visittcr aucuns autres je retournasse à Constantinople: qu'ainsy il me conseilloit de laisser le voyage d'Egypte, et pour m'y m'envoya coppie de la lettre do ce premier ministre. Je prendre ce conseil, mais auparavant de l'exi'cuter, j'expediay le capidjy et mon drogman au Caire, donnant à celuy-cy des lettres pour le Pacha, son Chiaia, le Jannissaire Agaet son Chiaia et pour le sieur de Bonnecorse et les députés de la nation, engager il n'hésitay jias à dont je prens me déterminer la liberté à de vous envoyer coppie affin que si vous avez 20 LES VOYAGES OU MARQUIS DE NOINTEL 306 la bonté de soustenir le les lire, vous jugiès de ce que j'aurois tout par ma présence. pu fait si j'avois Pacha de Gaze, après avoir grande, double dont l'une haute, Cette expédition faitte je pris congé du bien considéré sa capitalle et l'autre basse; elle est : elle est sans murailles, ses maisons sont pour pluspart de terre. Dans la première on voit chasteau, sans le la fortifi- mais assez bien basty et fermé, sa construction estant de delà seconde est une montagne ou l'on prétend que le fort Samson ait transporté les portes de la ville, et l'on croit que leur situation est marquée par deux colonnes qui sont au bas dans un esloignement considérable l'une de l'autre. Il y a quatre mosquées qui paroissent assez belles; tout le pais est agréablement diversifié de plaines et de collines, qui sont bornées par de grandes montagnes, les arbres fruittiers tels que figuiers, grenadiers, abricottiers, figuiers de Pharaon, et d'.Vdam. caroubiers, oliviers, palmiers et autres y sont dans une abondance à faire croire qu'ils composent une forêt. Les chemins y estant larges, droit> et unis merittent véritablement le nom de Itoyaux, quelques-uns sont bordés de hayes. Les campagnes semblent fertiles par ce qui en est cultivé, l'air y est bon, et mesme tempéré quoy qu'il tire assez sur le chaux, et l'on y a veu tomber il n'y a pas longtemps une gresle prodigieuse. Enfin s'il y avoit seullement quelque ruisseau ou petitte rivière, ce seroit un grand avantage. Il faut pour y suppléer mesnager les fontaines qui sont rares, et avoir principalement recours aux cisternes et aux puids. Le peuple est misérable jusques à estre réduit à demander l'aumosne. et il est aussy difficille (juincoramode de la donner par l'accablement de ceux qui la demandent. Le nombre des villages du cations, belles pierres; et àrextréniité Pachalic de Gaza est assez considérable, ce que j'entens et de ceux qui sont fixes, et des ambulatoires. Ceux-ci appartiennent aux Arabes qui logent sous leurs tentes, et les autres font voir les misérables restes de ces anciennes villes des Philistins si renommées dans l'his- peuvent passer tout au plus pour des hameaux; distance qu'il y a de douze lieues de Gaza à Rama, jay veu toire qui a présent dans la Jebna, .\ssotto, et Magdalon en plaine terre, bord de la mer. et il reste en ce lieu-cy de grandes ruines qui prouvent la beauté et la longueur du mosie qu'on y avoit eslevé afTin de se mesnager un port sur une coste si difficille. Celuy de Jafïa ou je me rendis après avoir demeuré deux jours à lUma estoit assez remplis, mais seulement de barques et saiques du en venant, et et retournant, Ascalona sur le pais destinées tant poui- l'enlèvemenl des cotions laine, et filés que AI'l'KNDlCi: ;w7 de la casse et gomme thurique, du savon, et des toisles de cotton de Lida et de Hierusalem, du senne et des cendres. La première mar- chandise paye onze pour cent de douanne. la seconde douze, la Iroisiesnie cinq, la quatriesnie vingt-deux, lacinquiesmesept, lasixiesme deux et droit le demy, la septiesme un, la huitiesnie n'est sujette à aucun l'acha de Gaze la vendant: et il en est de mesme de la neu- viesme quand ce seigneur en est le vendeur, mais lorsqu'elle vient de Naplouse on paye vingt-deux pour cent; le matasson dont je vous ay desja parlé, est d'autant plus rude qu'il se prend pour la mesme marchandise en plusieurs lieux, car les marchans se pourvoyant à Lida despendant d'un moutevely ou à Naplouse l'ancienne Samarie jointe au Pachalic de Hierusalem, ils y payent ce droit, et on les contraint de le payer une autre fois à leur retour à qui despend de Gaze, aussy bien que Rama lieu de .Jaffa. Le traffic leur résidence. qui s'y fait tant par eux, que par les Ho^landois et gens du pais, peut monter environ à cent quarente huit mil trois cent escus par an: cinquante mil se consomment en cottons fllés, dix mile en lainne, autant en cendres de Gaze, huit mille en celles de Naplouse, 500 en casse, sept à huit cent en gomme thurique, trois mile en senne, quarente mil en savon, quatorse mil en toisle de cotton de Lida. et douze mille en celles de cotton de Hierusalem; de ces deux dernières denrées les François prennent environ pour quatre mil piastres qu'ils envoyent en France, le surplus du desbit qui s'en fait montant a plus de vingt-deux mille escus est pour le Caire les cendres, la casse, le senne, et la gomme thurique, et le cotton filé se consomment aussy par les Francs, mais je ne scais pas au juste ce que nostre nation en retire. Quand aux cottons en laine, elle n'en acheptepointen cette eschelle: la, si ce n'est fort rarement, les despences estant excessives, ce qui pour la pour le débitter dans le pais, la distribution s'en faisant en Egypte, à Seyde. en Cbippres, à Satalie. Smirne. Constantinople. et dans l'Arfait qu'on les transporte à .\cre, et au Caire, et qu'on plus grande partie: elle ne prend pas aussy de savon les fille si ce n'est chipel. Les marchandises d'entrée consistent en draps dontilen vient pour pour mil cinq cent, en amandes pour neuf six mil piastres, en papier pour cinq cent, et en plomb pour mile. La première paye deux pour cent de douanne, la seconde et la quatriesme quatre pour cent, la troisiesme neuf, et la cinquiesme quinse; je ne pense pas que nous ayons part au plomb et à l'estain, quant aux autres denrées, je ne scay pas encorre quelle est celle que nous y avons. Cette instruction si généralle ne m'a contenté que dans l'espérance cent, en estain LES VOV AilES 308 d'une pins pour partii-iiliere \)V M AliOTIS nr NOIMK I. plus en destnil que l'on lu'a ]iromise, et et mémoires contenant mes demandes, qui le commerce de Rama et de JafTa laquelle j'ay laissé des mesclairciront exactement de tout son eschelle. C'est en cette dernière, qu'ayant recommandé au douan- desmarchans, je ni'embarquay après luy avoir laissé deux boujourdis du Pacha de Gaza contenans l'extinction de la douanne d'or et de l'escu pour balle, et la desfence de ])rendre plus d'une seulle douanne sur le pied de trois pour cent, qu'il me promit d'exécuter, aussy bien que le surplus des nier qui m'ofTroit son service les interests lendemain à Saint Jean d'Acre j'en partis à cheval pour le voyage de Nazareth, ou six heures me conduisirent par un pais fort uny. partie en plaine, partie couvert entre des Capitulations. Estant arrivé le costeaux qui dura quatre lieues etdemy. Le reste depuis Safoura, qui est la patrie de Saint Joachim. et de Sainte Anne, estant presque montueux, Nazareth qui consiste en queèques maisons sur pied beaucoup de ruinées est situé sur une eminence qui commence à une petite vallée environnée de grandes montagnes dont la (ialilée est assez remplie. J'en ay monté ti'ois, la première a esté celle des tout et béatitudes, la seconde le Tabor, et la troisiesme le précipice d'où les Nazaréens vouloient précipiter le (ils di' Dieu; si la jiremiere et la dernière sont avantagées de la perspective de plusieurs plaines, collines, de la mei- Tibcriade ou lac de (iennezaret, et de beaucoup d'endroits ou la puissance divinne s'est signalé tant dans l'ancien ijuc le nouveau Testament, cumme Cafarnaum. Betsaide, Safet Corrosaim, (ielhoi'. Ilermon, llermonium, Esdrelon. le Jourdain. Nain et Indor, l'autre montagne qui tages autour d'elle, est que le les Tabor voit non seulement tous ces avanautres ne peuvent avoir que par parties, mais encorre son eslevation. son agréable figure, sa séparation qui la destache quasi de tout, son grand tour, la quantité de ses arbres, leurs différentes espèces, le nombre de ses plantes, la bonté de son terroir, la fraischeur et la légèreté de son eau, et l'abondance du gibier luy conservent autant de gloire dans la naturre (ju'elle en a eu dans la grâce par la (ialilée, l'on la transfiguration de son Créateur, elle en descouvre les commande provinces qui luy sont voisines, et peut servir en quelque sorte d'un cinquiesme livre de l'Evangile imprimé par Jésus entre autres laSamarie et Christ la mesme. par Jésus Judée, et enfin (îlorieux. puis qu'outre la gloire qui luy a esté communiquée, sa hauteur naturelle les fait voir audessous d'elle principaux lieux ou ce Sauveur des âmes a vaillé. Je du elle (i. ^.. la si puissamment tra- quittay jiour retourner à Nazaret. ou je receus une lettre me tesmoignant son désir que je retournasse à C.onstanti- AI'I'KNDICE 30!) nople. Elle estoit apparaniment antérieure à celle qu'il avoit escritte au cadis de Uierusalem ; quoy c|u'il en soit ayant jugé à propos de luy faire responce en la manière que vous aurés la bonté de voir par sa coppie, j'expédiaj' le messager que mes droguemansm'avoient envoyé de Constantinople à ce sujet et je me mis en chemin pour Acre. J'examinay le commerce qui s'y fait en cottons en laine et Olés, en galle, et cendre qui peut monter pour le total chaque année à cinquante-deux ou cinquante-cinq mil piastres qui passent par les mains des Franeois. Ils tirent de la première marchandise huit cent balles qui peuvent valloir 18 mil escus, et de la seconde cinq à six cent de valeur de seise mile piastres, à raison de vingt piastres pour le le quintal cotton en laine, qui monte quelquefois à 27 ou 28 escus. meilleur, celuy qui est le le plus bas n'en dépassant pas quinse ou sur le pied de :î5 à 38, de 40 à 45 piastres le quintal ]iour deux sortes de cottons filés. Les frais de la douanne de ces denrées sont de dis et seise pour cent, et de six un tiers, et de cinq et plus. ce qui se connoit par rapport au prix de l'achapt, la douanne estant fixée ci-devant pour les cottons en laine a deux piastres dereaux le quintal, et pour les autres à deux piastres et demye. Le pais ne fournit des galles que deux ans en deux ans, ce qui se seise. et les quelque fois Jusques à trois années, et la quantité qu'on en tire ne passe pas ordinairement deux cent ou trois cent quintaux qui a difTère vingt-deux piastres le quintal montent à 4. .500 escus. Les cendres qui sont la pierre d'aymant du négoce de Seyde a cause du grand jirolTit que l'on en tire, et très facilement puisqu'elles servent de lest aux bastimens, se négotient touttes à Acre, et quoyqu'elles soient du second rang, celles de Tripoly que les tiens enlèvent estant les premières, on ne laisse pas d'avoir un Véni- grand empressement pour leur recherche. La plante ou herbe nommée roquette qui les produit se brusle à la lin de juin en sorte qu'estant posée en monceaux dans des trous en terre on y met le feu duquel estant consommée, les cendres qui en sont sorties ne se trouvent pas entièrement reduittes au moyen.de la plus grande humidité arrachée et de quelques unes des plantes, d'où vient que se calcinant ensemble demeurent attachées en forme de rocher. L'année passée on en elles lit trois mil quatre cent quintaux, pied de cinq piastres le quintal, faisant seise mil piastres sur le non compris un tiers de piastre qui paye à un Lmir par quintal de ce qui en passe dans son pais, qui peut monter a deux mil deux cent quintaux. se Cette denrée s'apporte sur des chameaux au nombre de cent de 300 et de moins chasque fois, dans le mois de et sept et huit juillet, aouf» 310 et LES VOYAGES DL MARQUIS DE NOINTEL septembre; et elle est si estimée que l'on a fait des loix pour sa distribution qui s'observent exactement. Les seulles voisles françoises qui se trouvent dans le port d'Acre emportent la moitié, soit qu'il n'y en ait qu'une ou plusieurs, ce qui se distribue esgallement entre elles au dernier cas, et elles ne prennent rien à ce qui estoit desja receu lorsqu'elles lorsqu'elle arrive, en ont mouillé, l'autre moitié appartient aux marchans résidens actuel- lement dans l'eschelle d'Acre lorsque cette marchandise est venue, et elle se divise entre eux par égalité sur des billets qui ne sont que pour l'ordre de la recevoir, chacun en prenant le poids qui a esté assigné suivant le nombre de chameaux, ce qui s'execulte en présence en reste de plus que ce qui a été preveu, il s'en fait un autre partage a tous, et tout de mesme, s'il se trouvoit que la moitié de la charge des chameaux appartenante aux bastimens fut plus pesante que l'autre ils en tiendroient compte; on fait aussy d'un controlleur; et s'il raison du moins qui se pouroit rencontrer, et l'on va jusques a cette exactitude, qu'entre les négotians les deux frères n'ont qu'une part douanne que l'on paye qui reaux pour quintal, va a quinse pour cent. Les François emportent presque tout, tant pour la raison que leurs seuls bastimens y ont droit, (jue pour n'y avoir a Acre aussy bien que le père et le flls; enfin la est de trois quarts de piastres de qu'un agent vénitien et un hollandois. Ces cendres servent à faire le savon de Marseille, et le guain qu'elles produisent suivant l'asseurance qu'on m'en a donnée, en cas de desbit n'est pas moins de 30. 00, ions en laines, et sur les filés et 75 pour cent; celuy sur les cot- de quinse a seise; l'on gagne 16 a 18 le jus de scamonée; c'est une que les recueillie herbe Arabes ayant sur le mont Carmel pressent dans leurs mains et en font couler le suc dans une petite vessie de cuir ou estant comme congelé, et assez espois. ils le vendent en mesme temps parce qu'il est plus pesant; on l'achepte cinq ou six escus larotte, qui fait cinq livres à 16 onces, mais il ne s'en vend que 60 ou 70 rottes tous les ans. Il faut remarquer que cent de ces rottes font le quintal le plus generallcment receu de cette coste de Sirie et pais voisins, et que pour sur les galles, et cent pour cent sur ce suiect il se nomes damasquin, l'on n'en connoit point d'autre à Seyde pour toutte sorte de marchandise, ny dans Acre à l'esgard du cotton filé; pour celuy en laine, les cendres et les galles, on les règle sur le quintal alebi pesant aussy cent rottes. mais chasque rotte est de cinq livres et trois quarts. Il est aisé de voir que la douanne d'Acre diminuera notablement; 3H AI'PE.NDICE mesme l'on fait nier retiroit, Outre que de estât en général, six mil piastres que le douan- faudra qu'il se réduise à douze cent. il douanne dor qui ne prendra plus, et la réduction de matassou; et ainsy. si le négoce plus grand on trouver pourroit quelqu'avantage considéestoit y y rable. Les marchandises d'entrée consistent seullement en soixante ou septante pièces de gros drap rouge de France, qui se vend une piastre un quart le pic, faisant un peu plus d'une demye haune. et que l'on fait entrer en payement du coton filé quelquefois pour moitié, et aussy pour les deux tiers, les niarchans de Naplouse seuls vendeurs de celuy-cy estant bien aise de se pourvoir de cette estolTe. car il en font des bonnets et des bas aux Arabes dont la plupart néantmoins tient les jambes nues. Voilà ce que j'ay pu démêler de l'interest de nostre nation à St-Jean d'Acre, ou les estrangers prennent peu de part aux la Tancorage, l'on n"v a se jamais levé le cendres; l'agent vénitien qui reconnoist en ce qui est de l'honneur vice-consul françois, et le consul de Seyde son supérieur, le qui pour it soumis au consul de la République à Tripoly. exjtédiera peut deux ou trois voisles de Venise par année, les chargeant de quatre l'utile est estre à cinq et jusques six cent balles de cotton en laine en tout. Leur leste se quintal, dont Marseille, prend des cendres de Tripoly, qui valent dix escus le poids de cent rottes chaque fait le huit cent trente livres de un rotte pesant huit livres et tiers. C'est de cette niatierre que l'on luit le christail de Venise, et par conséquent l'empressement pour en avoir, et l'adresse du Pacha à l'enchérir ne doivent point surprendre. Juste Vanec, grand négociant natif d'Envers, et estably à Venise, est quasi le maistre de ce tasche de s'attribuer entièrement parle moyen de négoce ou quatre gros vaisseaux qui lui appartiennent, et (jui viennent à Tripoly. Acre et Jafîa. Le consul de Venise de ce premier lieu despend de luy et est Hollandois de naissance, et Simon Thimermam (jui réside au dernier pour les Hollandois est son correspondant. Ccluy-cy qui est associé avec Martin Meyere Consul de France, d'Angleterre et d'Hollande à Tripoly, et qui en despend, est un homme d'intelligence, ce fpii luy a attiré beaucoup (leprattir[ue; et il n'en faut pas une meilleure preuve, qu'il trois que d'avoir gagné en quatre ans, quarante, ou cinquante mil livres en commissions, sans comprendre son négoce particulier qui est grand, puisqu'il traffique Ligourne, ou il en son nom à Marseille, Venise, et mesme expédia l'année passée un vaisseau anglais après à avoii' chargé dessus à .\cre deux cent sacs de cendres, cent balles de cotton et pris le reste du chargement à Tripoly. n est celuy des marchans de Hania ou il réside ordinairement qui LES VOYACES :Ui fait le 1)1 M ABOLIS DK .\0 INTEL plus grand négoce des cendres de Gaza, qui sont au troisiesme rang, principalement par la raison qu'elles sont sallées^ l'herbe dont on les fait croissant sur le bord de la mer. Il les achette du Pacha, et il en a provision dans son magasin de cinq mil quintaux. Ce seigneur qui les lui a vendues en desbitte tous les ans deux mil quintaux et plus, à sept, huit et quelquefois dix piastres le quintal, a présent qui fait onces ment et cent rottes dont chacune pesé sept livres et demy, à seize quoy qu'il ne soit pas payé tout en argent, une partie du paye- se faisant en londrine, et (luinquaillerie, les negotians ne laissent pas d'eslre quasi toujours en avance auprès de luy d'assez grandes sommes. Il doit à un Franrois mil six cent escus et à Timermam trois mil. Comme est le maistre de la il cendres, mais aussy il doûanne en tire davantage. Il il ne la en est de prend point des mesme du Pacha de Tripoly. lequel en vend tous les ans pour vingt cinq, vingt sept, jusques à trente mil piastres. Il a l'avantage de la concurrence des acheteurs qui s'eschauffent d'eux-mesmes quand il nauroit pas eux chaleur de l'achapt. Ce qui s'est veu Conty simple marchand vénitien, qui eut la hardiesse, affîn de satisfaire sa passion, de prendre dix sept cent quintaux de cendres dont il fit le payement en deniers et denrées. L'on tient néantmoins pour certain que ce party estant l'adresse d'exciter en la l'année passée en la personne d'un au-dessus de ses forces timent françois l'eut nommé ruiné sans commandé par Biaise la conjoncturre d'un grand bas- -Marin qui s'estant chargé de ces dix sept cent quintaux de cendres, prolïitta tellement de guerre d'Espagne contre la déclaration France qui faisoit cesser le transport de celles d'Alicante à Marseille, que les y ayant portées, il s'y est fait )Q guain considérable. Le capitaine Serry Franfois y en transporta encorre cinq cents quintaux qu'il avoit eu de Martin Meyerre, et ainsi il ne resta de marchandises pour Venise que cinq cent quintaux qui furent chargés par le Consul Vénitien à Tripoly sur la Sainte Justine de Juste A'anec. Ce commerce en France de cette sorte de cendres qui i\e la la sont les meilleures, et qui pouvoient par leur grande quantité suppléer et au-delà à celles d'Alicante que l'on a coustume de mesler à celles d'.\cre, a esté cause que nos marchans hésitèrent l'année passée de pourvoir de tout ce qui se présenta de infi'rieures aux autres de n'en pas trouver celles-cj', le craignant débit à Marseille. Et ainsi outre les trois mil trois cent quintaux que ceux d'Acre achetèrent, l'U refusèrent mil autres. On les se comme ils transporta à Jafra, où quatre cent ayant été pris pour le savon du pais un marchand françois de Rama se pourveut des six cent restans, espérant d'y trouver son compte selon l'occasion. On se persuade néantmoins que Biaise .Marin retour- AI'l'KMiICK 313 nera encore à Tripoly où Conty luy preparre des cendres estant attiré par le dernier iruain, et encorre pur le désir de nuire au ronsul vénitien, et à Jlartin Meyere qui a les consulas de France, d'Angleterre, et d'Hollande, qu'il tient des consuls d'Alep, et (|ui pourra bien tous les ans trafliquer au prollit des Anglois pour douse, ou quinse mil piastres de soyes, qu'il envoyé de Tripol}- en Alep parterre, encorre qu'il put les faire passer par mer en Alexandrette. Ily aencorre dautres cendres reputtées les moindres, qui viennent des villages aux environs de Damas; elles appartiennent à des Sorbagis et spahis pour leurs Tliiinar, et ils en l'ont le débit cliaque année par le moyen du marché qu'en fait avec eux un marchant vénitien résident à Barrut. ou ils sont obligés de les envoyer sur des bouriques ou mulets à cause de la diiliculté des chemins et non sur des chameaux comme touttes les autres. II s'en |)cut charger environ tous les ans se|it à huit cent sacs. i|ueIi|ui'l'ois |iltis. i|ut'lquefois moins, ce qui se fait sur un ou deux vaisseaux vénitiens (jui abordent à cette eschelle; mais lors<iuMl n'y en vient point, l'on est obligé de les envoyer a Chyppres sur de petites barques ou elles servent de leste aux bastimens de Venise, car on ne les achette que pour eux, en sorte qu'estant venu eux mesmes les charger, ils nHournent en cette isle y achever leur chargement. Elles se vendent trois ou quatie quintal de cent rottes. ainsy que tous les autres, mais piastres le chasque rolte est de cinq livres et clemy à Ki onces, la dilTerence de la valleur plus ou moins peut venir non seullement de l'encherre des marchans. mais encorre de la plus grande ou moindre quantitT' d'argent qui entre dans le prix, en sorte que l'acheteur y faisant entrer plus de marchandises comme draps, satins et quinijuaille il les achepte plus chèrement; ce qui s'entend de la première main, car la revente est toujours en deniers coniptans. Ces cendres ayant passé à Marseille y ont esté rebuttées pour estre très mauvaises, ainsy les Vénitiens en profittent entièrement, payant un quart de piastre de la Doûanne et de plus une piastre de Matassou monte bien haut. Ce que j'ay touché du commerce des estrangers n'estant que par occasion, et à cause de la relation que nous y avons et qu'ils ont avec nous, il faut scavoir pour achever ce qui nous concerne, que l'eschelle de Rame qui est située entre Jafl'a reaux par quintal pour qui Hierusalem estant esloignée di> ceile-cy de dix liei'ies, et la matière de son tralhc dans la Palestine, la Samarie et la Judée, et elle s'en descharge, ou par les bastimens qui viennent rarement à .lafTa ou ils ne peuvent demeurer qu'en certains mois de l'esté, ou par île petittes barques qu'elle envoyé droit à son port, et de l'autre de trois prend LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 3a que de six vingt mile. Acre qui est dans le le bord de la mer contient un nombre plus cosidérable de marchans, et un Vice consul suivant que je l'ay remarqué, et ils tirent leurs négoce de la plaine d'Acre, et de la Galilée et tant ceux d'Acre que de Rame reçoivent leurs commissions par les bastimens chargés pour Seyde. soit directement des marchands de Marseille, ou de Seyde; ce qui ne les empesche pas de négotier aussy mais rarement sur les voisles des autres nations, suivant Seyde dont trajet n'est le milieu, à dix mil près, et sur l'occasion favorable qu'ils en trouvent: tout de mesme que les étran- gers négotient sur les nostres. n'y a proprement que les Vénitiens que l'on puisse designer sous nom, puisque les Ilollandois qui se meslent de ce tralTic sont establis à Venise, ce qui n'empesche pas qu'il n'y ait à Acre deux agents pour les deux. Quant aux Anglois. il n'y en vient plus depuis que quelquesIl ce uns s'y estant establis s'y sont endebtez. et ont esté contraints d'abandonner. A Rama il n'y a que Thimermam. C'est là toute la connoissance que j'ay pu tirer des eschelles de Rama, et d'Acre, dont la discussion peut faire connoistre la plus grande partie du négoce de Seyde; cette eschelle commande aux deux pour le elle presque tout le mil balles. y en a de trois façons, en tire Il chargement, cotton cent dix piastres en et la leur, plus le fin. dill'erend les fins première sorte sont de le le moyen mais de telle de celuy qui si qui est la on la troi- quintal. Celuy-cy se met trouve, les deux autres se mettent aussy cha- manière que le tiers de l'ouverture est milieu un peu plus gros, et au fond est coltons n'estant pas voisles ordinaires de TU et de ceux on l'achepte 50 piastres cun dans peu le quintal, les fins tel qu'il se mesme aux qui peut monter chasque année à deux plus grossier que l'on joint avec tire le sième sorte, dans la balle le filé autres, et outre ce qu'elle fournit d'elle le le dernier tiers précède; chaque naturre de ces deux egalle en soy qu'il ne s'y trouve toujours ces trois différences, et la distinction s'en faisant seulement pour la satis- commodité du marchand acheteur, quant au poids des y en a de cini|uante rottes, pesantes deux cent cinquante faction et balles, il livres, les autres sont de soixante, et les derniers de soixante et dix, pour la commodité du transport ou par mer, ou par terre de Marseille d'où l'on fait passer cette marchandise en Guienne, Piémont. Lion, et Suisse. Il se i)eut dépencer pour son achapt à Seyde ce qui se pratique tous les ans environ soixante et quinse mil piastres. Enfin le total de son commerce et de ses dépendances Acre et Rama, poura con- sommer cent cinquante mil escus tous les ans argent comptant, outre seise mil en dras de Languedoc, et de Marseille, et six mil en papier APPENDICE servant seuUement aux droguistes de Ma Damas d"ou l'on tire environ quatre cent pièces de toiles de cotton blanciies, et d'Amant, à cause que la blei'ies. appellées fabrique est venue de la ville de ce nom, esloignée de Tripoly de Sirie de deux journées. Elles ont de large quatre pans, et cinquante six de long, et sont de difTerentes finesses, ce qui en rend le prix différend, en sorte que les quatre piastres moindres sont de pièce, et les plus chères de cinq a six. ce qui s'en la monte à environ deux mil. ou deux mil cinq cent passe à Marseille et aux principalles villes et villages Provence, ou Ton l'employé en draps de lit, chemises et tabliers, achette tous les ans escus de la et le tout : ne se fait point de mariage sans en mettre parmy les meubles une ou deux pièces. Le commerce de Seyde estoit autrefois très considérable par ses soyes, pour lesquelles on dépencoit jusques à cinq, et six cent mil et il y apportant au nombre de deux, ou trois, soixante, le mois de juin, parce que l'ouverture du poids de cette marchandise se fait huit jours après la piastres, les voisles soixante et dix. et six vingt mil escus. dans Saint Jean. 11 venoit encorre des bastiuiens en octobre, aussy dans la mesme mil piastres chacun, et qui se chargoient de qui se nommoit de et novembre quantité, qui pouvoient avoir trente à quarente l'arriére saison : récolte de cette denrée la a présent il m- s'en deijitte pas une once. Le traffic de la cendre et des cottons qui lors de celuy des soyes estoit peu de chose luy a succédé, mais l'un et l'autre sont infiniment au dessous, et c'est ce qui a diminué le nombre des marchans, car au lieu de trente qu'il y en avait à Seyde, il n'y en a maintenant que treise ou quatorse, et encorre les voisles ne sont adressées qu'à trois ou quatre, en est de le reste chargeant à son compte, ou par mesme de Rama, nombre de commis- sept ou huit qui y résiaugmenté de sept ou huit qui y residoient, seulement jusques à dix ou douse. mais lors de la récolte des cendres il augmante jusques a vingt six. Ceux de Seyde y venant, ou y envoyant àce sujetce qui n'est pas une augmentation du gênerai, les voisles qui suffisent à tout ce négoce sont au nombre sion. Il le doient estant réduit à trois. Quant à Acre, de il est dix ou douse vaisseaux polacres, et barques, qui arrivent dans tous les mois de l'année. Les premiers chargent ordinairement de quatre à cinq, et six cent sacs de cendres, et de cent vingt cinq et cent trente balles de cotton en laine, chasque balle de six cent livres de Pro- vence; et de (juatre cent à quatre cent cinquante balles de deux quintaux de casse, et dé cjuatre ou cin(| de senne. fliii', et de La charge des secondes peut esfre de deux cent, à deux cent cinquante sacs de cendres, de quarante huit ou cinquante balles de LES V0VA(;ES 316 m MAHOTIS de XOINTEL cottons en laine, et de trois cent ou trois cent vingt balles de fille, et quelquefois de deux quintaux de casse, et de senne, ce qui -^'entend despolacres ordinaires, y en avant qui prennent autant de cotton fillé que les vaisseaux. leste et de Les barques peuvent emporter deux cent trente à quarante, et cinquante sacs de cendres, vingt balles de cottons en laines, et deux cent quatre vingt ou trois cent balles de filé. Moins ces bastimens ont de leste en cendres, plus ils peuvent enlever de marchandises, et ordinairement des douze cy-dessus, il yen aura sept à huit vaisseaux, deux ou trois polacres, et deux barques, et presque toujours il s'en trouve deux des premiers à Acre, lors de des Cendres. Les voisles qui viendront a présent trouveront dans Acre environ 300 sacs de cendres vieilles. 4oO balles de cotton en laine, 80 de filé, la récolte et a Il en Seyde mil autre balles de cotton aiissy filé. faut remarquer à l'esgard de cette dernière marchandise de Uama qu'il vendu jusques a 250 piastres le quintal, et il y en a de Damas qui monte jusques à trois cent et mesme à cinq cent escus. mais il ne s'en débitte que par curios fait si lins, qu'à il en a esté sité. L on m'a asseuré qu'une Indienne à.\cre en travailloitd'une finesse surprenante; pour ce sujet elle tenoit l'ongle du pouce gauche long prodigieusement et un trou presquimperceptible fait dans cette longueur luy servûit à passer la laine du cotton qui estoit dans sa main gauche d.; la grosseur d'un œuf, et si bien battu, que les filainmens en paroissoient aussy déliés que des atomes; son mesme ongle estoit percé en deux autres endroits, mais les ouvertures en estant un peu plus grandes, le cotton qui y passoit et qu'elle filoit de l'autre main ne produisoit pas un ler, elle estroit, fil si fin; quand l'on desiroit de la faire travail- montroit ces trous, et suivant la volonté de se servir du plus ou des plus larges, il la falloit payer plus ou moins chère- ment. Je crois, .Monsieur, vous avoir expliqué qui se fait sur les costes de Sirie. et le principal du commerce de Palestine, dans l'étendue de 200 mil depuis Tripoly jusques à Jafia. ce qui comprend Testât présent de l'eschelle de Seyde, sans néanmoins que j'aye rien touché des droits que cette ville paye en son particulier, ayant desja eu l'honneur de vous en informer. Vous aurés veu le grand soulagement quelle peut espérer des nouvelles cai)itiilations que je n'ay pas manqué de porter à son nouveau l'acha diMix jciurs après mon retour. Elles ont esté lues en ]ilain Divan, aussy bien que le commandement ai'I'i;mii(;i: pour 317 cassation des trois cent piastres qui se prenoienl lous les ans la la permission tle se pourvoir du Glu de li.irrut. quoy qu"on eut eessé d'en prendre, et encorre qu'en |>renant de cette marchandise on ne fui obligé qu'au payement de son prix ordinaire. Le cadis a assisté à cette lecturre avec les principaux de la loy, et on la au subject de mon compliment, par lequel je congralulay le l'aclia sur sa que j'allois luy donner de prouver ''efTerence, et sa soumission aux ordres de la Porte. Lorsqu'on eut liny de lire, je repris la paroUe, affin d'insinuer à ce Ministre la forte considération de Sa Hautesse pour Sa Majesté, luy en parlant comme d'une chose qui luy estoit très conniie par la pratique du serrait, et qui devoit estre plus publique que jamais, par le renouvellement de l'alliance, dans lequel outre la qualité de Padicha qui se fit après dignité, et sur l'occasion s.-. continuoit quoyque les autres Princes ne fussent traités que deKral. on forlifioit l'ancienne amitié par la justice que Sa Hautesse y rendoit aux negotians françois; il voulut inutilement répliquer que c'estoit une grâce très dommageable à son Empereur, puisqu'elle apportoit à ses finances une diminution de deux mil bourses, car sans convenir d'une telle exagération, j'insistay en luy prouvant qu'il viendroit doresnavant beaucoup plus de bastimens, au lieu que sans ce secours si légitime, Seyde. .l'en le commerce estoit pris occasion de perdu, et particulièrement celuy de luy dire que les avanies, et mauvais traillemens desPaclias ses prédécesseurs, et le grand et injuste droit du poids de la soye avoit fait périr le tralfic de cette marchandise pour laquelle on apportoit autrefois jus([ues à cin(j, et six cent mil piastres, et que certainement le négoce des autres denrées auroit aussy manqué, s'il n'y eut esté pourveu; et qu'enfin la volonté du Grand Seigneur estant exécutée, je prevoyois un restablissement solide, et mesme que l'ancien commerce retourneroit. Il me tesmoigna que ce grand avantage n'arriveroit pas de son temps; et quoyqu'il fit son possible pour changer la niattiere de l'entretien, je la conlinuay l'asseurant des parolles que le Grand Vizir m'avoit données au nom de Sa Hautesse, de trouver partout de la part de tous les ministres une prompte obéissance à ses ordres impériaux, ou que la punition exemplaire de ceux qui y contreviendroient seroit iiifallible, et j'adjoutay que je ne manquerois pas d'informer la Porte de ce qui que m'en avoit faitte le Vizir. Le Pacha m'ayant promis plus tost pour rompre cette conversation qu'autrement, qu'on obéiroit exactement, je Uiy representay qu'estant bien instruit du contenu des capitulations dont je traittois la conclusion se passeroit suivant la prière depuis trois ans, je pouvois luy certifier qu'à l'esgart de Seyde les LES VOYAGES DU MAliOlIS DE 318 principaux articles consistoient dans NdlMEL réduction de la doûanne la à dans la confirmation du point qui defTend d'en prendre plu< d'une dans TEnipire Ottliouian. dans la suppression de celle d'or, dans la nécessité de prendre des niarchans les monoyes trois pour cent, le Grand Seigneur les reçoit, sans augmenter, ou diminuer ce qui appartenoit spécialement à Sa Hautesse dans l'obligation de reduirre l'ancorage à quatre escus. dans la cessation d'exiger cinq cent piastres par an pour les esglises, et trois cent pour Barrut, et dans l'extinction du droit de Matassou. Que la discution de cette mattiere s'estant passée avec le Grand Visir qui estoit au dessus de la surprise, je ne douttois pas qu'il ne contribuast à la satisfaction que je me promettois. Sa responce fut que ce grand Ministre ne s'estoit pas amusé sur un chef tel que celuy des cinq cent piastres des esglises, touchant lesquelles on avoit seulement permis les anciennes. Ma réplique ayant esté qu'il y avoit plusieurs articles sur ce suject dont l'un concernoit les églises d'antiquité, et l'autre celles de chasque eschelle pour les négotians, et que le A'izir qui avoit traitté et conclu le tout en scauroit bien pro- courrantes et qu'il fut libre au mesnie pied que de les ; curer l'exécution, le Pacha demanda Barrut et tesmoignant apiirouver le l'explication de ce qui regardoit juste remède que l'autorité de la Porte y apportoit, il promit d'un visage rechigné, d'un ton chagrin, et d'un geste de tout son corps entièrement composé, qu'il liroit les capitulations, affin de mieux connoistre les intentions Impériales. Je luy dit qu'elles estoient clairement expliquées, en faveur de nostre Religion, qu'il et eut à du négoce, les et je les mis entre termes généraux sur mon pellerinagede llierusalem et dans des boissons, et parfuns, après lesquels je cette beste brutte, ipi'il me mains du Cadi, les que s'il me les régals retiray faisant avertir manquoit une autre fois à me rendre ce devoit je scaurois bien quel party prendre. Les autres conférences tenues avec luy ont humeur affin enregistrer. Le reste de la conversation se passa en fait connoistre son peu d'asseurance à prendre en ce qu'il avanceoit, puisque s'estant engagé de se lever lorsque le Sieur Consul se leveroit, et n'en faisant rien, il l'obligea de se rasseoir, et de luy parler si fortement, et mesme avec menaces, que corrigeant ses fautes passées il se leva en mesme temps que l'autre se levoit pour la seconde fois. Son instabilité a encore parru sur le fait de Barrut qu'il s'est ranoire, et difficille. et particulièrement le visé depuis la première visitte de révoquer en doutte, insinuant qu'il feroit la grâce d'en surseoir la levée quels on pouroit obtenir un durant deux mois, pendant commandement, comme si les- celuy desja .VIM'E.NDICE 319 obtenu, niesmo par exuperance, ne suffisoit pas; mesme suspension touchant les églises, el il il vouloil user de la a prétendu recevoir les le pied desaslanis quoy (piMl doive par les caTune et l'autre espèce, et telle autre qui court de la mesme façon qu'il les donne au Grand Seigneur, c'est à dire la première à dix pour cent plus que la seconde. Il s"est aussy montré inflexible à la suppression du droit de matassou, qui emporte un et demy pour cent de tout ce qui s'achette, ou se vend, et de celuy du poids qui consomme une piastre et demy par quintal de ce qui se pesé, sans voulloir entrer en considération qu'on ne peut prendre que trois pour cent par les capitulations, que l'exaction dont est question ayant lieu, on en preiulroit plu? de onze, et que tel autre droit qu'on piastres sevillanes sur pitulations admettre a voulu autlioriserest restraint à Constantinople et à (îalata,qu'ainsy pour Seyde, on ne peut songer aux moyens d'acheminer l'exécution des capitulations sans neantmoins blesser les avantages quelles nous donnent, on a proposé de tenir la levée du matasn'estant fait mention d'aucun extraordinaire en exiger. Son opiniaslreté m'ayant fait sou en surseance ou que le Pacha donneroit un bouourdy, ordonnant que ce qui en reviendroit seroit desduit sur les premières Douannes après que le Grand Seigneur se seroit déclaré nettement pour sa suppression, ou qu'enfin jusques en ce temps là, ou de sa confirmation l'on metteroit les deniers dans une boette buUée entre les mains de l'officier de la justice, affin d'eslre ensuite délivrés à qui il appartien- expediens seroit gousté parle Pacha, ce qui m'obligeoit de ('onsentir en quelque sorte à sa proposition de droit. .le croyois que l'un de faire paroistre au public ci'S qu'il ne tiendroit compte pour la plus valliie des piastres de reaux que de cinq pour cent, en indemnisant secrette- ment des cinq autres. .J'aurois aussy passé l'engagement de procurer des commandemens touchant les me relaschant j'augmentois les difficultés de cet églises, el Barrut. Mais homme voyant qu'en si desraison- nable, qui refusoit une asseurance touchant l'indemnité secretle des monoyes. qui vouloit exiger le matassou sans aucune seureté pour nous, ny démonstration de notre resistence, et qui pretendoit qu'après deux mois ne paroissant point d'ordre de la Porte, il pouroit prendre les cinq cent piastres des églises, et les trois cent de Barrut, il ne m'en a pas fallu davantage pour pénétrer dans l'avarice qui le faisoit agir, et ne l'obligeoit à former tous ces obstacles que dans la croyance de faire acheter chèrement, et à prix d'argent sa bonne humeur. J'ay aussy eu lieu de croire que tous ces points estant réglés, roit des autres; et enfin j'ay considéré, qu'avec les Turcs pas hésitter sur un droit acquis, et il se desdi- il ne falloit que peut cstre ce seroit passer LKs 320 pour \(iVA(;i:s Dr MAi;nris de \(iimi:l ridiculle à la l'oite d'y sollicitter des choses si clairement desduiltes dans encorre paru nécessaire, et Cadis, par laquelle je luy elle a commandemens les capitulations. fondé demande par la lettre sur des La vigueur m'a que j'ay escritte au l'interposition de sa justice et de son autorité un Bouiourdy du Pacha pour l'exécution des principaux chefs, consentant à l'esçard du Matassou à sa consignation dans une boette bullée entre les mains de l'olficier de la justice, et à faute de me satisfaire dans tous ces articles, je le somme der un acte du retïus, luy déclarant que je feray cesser C'est en gros le contenu de ma sommation que le de maccor- commerce. vous trouvères plus un peu motivée si vous avés la bonté d'en lire la coppie. Le l'acha en ayant eu communication n'a pas désisté de snn injustice, et le Cadi estant obligé de partir promptement pour Tripoly m'a fait promettre que si le Pacha conliniioit dans sa résistance, il m'en donneroit en ce lieu là tel acte justificatif que j'en pourois désirer. La suspension et cessation du commerce est icy un remède fort estentliie. et efficace, d'autant qu'il n'y a que des François, et qu'ainsy elle attire le mécontentement du peuple du dehors, et delà ville, qui vit de noslre argent, et qui ne sçaumit manquer à estre pour nous, voyant que nous sommes contraints d'en user de la sorte par l'inobeissance aux ordres du tirand Seigneur de la part du i'acha. Je ne doutte donc point que celui cy ne se trouve forlembarassé quand il verra les vendeuses de cotton à la porte de son pallais dont les marchans luy procurent la vernie en cessant d'achepter d'elles. Us me paroissent tous si bien unis, et si destachés des petits interests particuliers qui pour- roient leurs rendre cette vigueur désagréable, qu'ils peuvent servir d'exemple à effect. et et la conduitte de ceux des autres eschelles, ce qui est un de leur inclination naturelle autant que je l'ay pu connoistre, particulièrement de la juste auctorité que leur Consul s'est acquise sur leurs esprits, aussy bien que sur les Turcs. N'ayant pas eu moyen de fléchir le Pacha, il a fallu, après luy avoir envoyé un escrit compris à peu près dans les termes de celuy du Cadi, en venir au remède prémédité dont l'application s'est faitte en vertu de l'ordonnance que j'en ay dressée en la manière que vous le verres; et laquelle ayant esté affichée a trouvé l'obéissance qui luy est deiie. Les femmes ne voyant point d'acheteurs, s'en allèrent à la porte du Pallais. ou se faisant entendre par leurs cris, on leur promit de leur fournir des marchans. ce qui fut exécuté par quelques Juifs envoyés avec de l'argent de la part du Pacha. Il se lassera bientost de ce mestier, et pour luy oster l'espérance les affaires estant raccommodées de revendre sa marchandise, il y a eu une seconde ordonnance A IM' KM) ICI", 321 qui (ibbatellf de nouveau les Juifs qui luy oui rendu ce service, et def- fend aux negotians après le restabllssement du trafflc par l'autorité Porte d'acheter de ces denrées prises et réservées, aflin de les survendre, enjoignant de se pourvoir seullement de celles que les de la femmes apporteront de ces précautions de deux campagne la à l'ordinaire. J'ay accompagné lettres, l'une au Visir. et l'autre au Ueis Ef- fendy, tant pour les instruire de la vérité, qu'affln de prévenir les ruses du Pacha auprès d'eux, ce que vous pourez voir par leur lecturre. que j'ay C'est là tout ce nécessaire à l'eschelle de Seyde. J'en lU'u partiray lundy pour Tripoly, d'où je continueray de vous asseurer comme d'iey, et un grand très de tel autre lieu ou je puisse estre, que je suis avec et très inviolable respect, Monsieur, vostre très humble, très obéissant, et très obligé serviteur. NOLNTEL M. (le yoiiili'/ il M. ilf l'omponiic. \ Tripoly. ce 22juillel Ki'l Monsieur, J'ai mon eu l'honneur de vous informer de ce qui s'estoit passé depuis départ de Hierusalem, et veau Pacha de Seyde touchant principalement des difficultés du noules capitulations jusques à me réduire du commerce dans cette eschelle, mais que je l'y avois restably, ce ministre s'estant rendu à la raison, le traffic asseurement à l'interdiction seroit en estât de recevoir des avantages considérables, est sur le point d'en joiiir, il si lorsqu'il ne luy survenoit pas des traverses capa- bles de l'anneantir sur toutte la coste de Sirie, et de la Palestinne. est arrivé à la rade de Lernira de Consul vous a particularisé l'enlèvement qui s'y est fait d'une voisle françoise à l'ancre, et toutte chargée, par deux vaisseaux qui pour la mieux surprendre en luy ostaut la defliance arboElles sont des suittes de ce (jui Chipres dont le me l'escrit. le pavillon de Malthe avec lequel rendus maistres. Le commandant de ces fourbans est un personage qui se fie plus à la ruse, qu'aux cinquante canons dont son bastiment est monté, et qu'à ceux de l'autre qui le suit; son armement est de Majorque, il a appris son niestier sous un fameux corsaire Majorquin connu sous le nom de Papechin. et il estoit son pilotte il y a (|uinze ou seize ans à la prise d'un vaisseau marchand de Marseille à la rade de Lernica; il se nomme La Flèche, il est soubçonné d'être François, et il a continué le succès de son entreprise en venant rèrent, suivant qu'on ils s'en sont 21 LES 322 \ OVAi.LN liL MAHOL'IS IIE .NdlNTEL au golfe dAlexandrette, qui estant sans defTence de la part des Turcs, qui estoient il a pu avec facilité s"y saisir de deux voisles françoises au moment d"acheti?r leur chargement; ce sont deux vaisseaux conduits l'un par Mataillan, l'autre par Bertet, mais ce qui est de plus extraordinaire, pour ne pas dire davantage, c'est d'avoir esté pris à la veiie, et sous commandant a la protection d'un vaisseau de guerre anglois dont commis en le grande laseheté qu'on ce rencontre la plus deshonneur qui en rejaillit sur sa présomptions pour l'accuser d'intelligence avec les Jlajorquins; je ne crois pas que l'on en puisse avoir des preuves plus solides que celles tirées du fait envoyé par ce traître qui se desbitte par les Anglois en cette manniere Ils disent, que le lundy second juillet deux voisles ayant paru au golfe d'Alexandrette, elles furent soubçonnées par les capitaines des bastiments françois pour estre espagnolles, ce qui obligea l'un deux nommé Mataillan de recourir au commandant anglois nommé llebbin qui luy promit sa protection sur la première réquisition qui luy en fut faitte, mais à cette condition, que Mataillan se tiendroit en repos sans tirer qu'après que le vaisseau anglois auroit commencé, et qu'il mettroit sa flamme bas. Cet accord ainsy fait, ainsy qu'ils prétendent, les vaisseaux qui en estoient la cause arrivèrent, et furent reconnus pour Majorquins accompagnés de la prise de Chipres; leur amiral s'estant approché du Capitaine Rebbin luy demanda si les François estoient de son convoy, et la responce ayant esté qu'il les protegeoii, et qu'il se donna bien de garde de les molester, cet avis fut suivi de l'engagement d'y satisfaire par le Majorquin qui sexpli(]ua de son dessein de voulloir mouiller, et rendre visitte au Capitaine llebbin. Il passa à ce suject auprès de luy, et laissa tomber son ancre, mais ce fut si proche des François, que Mataillan en ayant pris defllance commenceast malheureusement à tirer, en sorte qu'estant le transgresseur du droit du port, l'espagnol leva son ancre, et ayant mis les voisles au vent, il attaqua, et pris Mataillan; Bertet qui estoit l'autre François ayant tiré trois coups de canon se jetta à terre avec son bastiment où ses gens l'abandonerent, ce qui facilita la prise de son vaisseau à l'ennemy qui s'en rendit maistre avec sa lance, ou grande ca'ique, n'ayant tiré qu'un coup de canon. Les .\nglois adjoutent pour une autre deffence que l'un de leur vaisseaux mouillé auprès de celuy de guerre avoit rompu son arbre, ce qui l'avoit obligé de retourner avec le convoy en cet endroit; qu'il estoit chargé de plus de cinq cent mil escus, et incapable de se dellendre. Ils n'ont pas cherché de prétexte pour l'autre bastiment marchand, maispour celuy de guerre, ils n'hese puisse imaginer, puisqu'outre le bannière, il y a de fortes : AI'1'1:M)ICE 323 pas de déclarer qu'il avoit abbaissé une partie de ses mats pour mettre en estât suivant l'usage les machines propres à l'eslevation du mats du vaisseau marchand, d'où ils concluent que ce vaisseau de sittent guerre estoit hors de moyen de mettre à la voisle, et de suivre les ils soutiennent aussy son impuissance de combattre à cause Espagnols; de la confusion que tous ces incidens luy causoient, après et la consi- dération, qu'il n'auroitfait que s'exposer, et eritraisner dans une perte commune avec les François, les Anglois qui estoient fort riches, se trouvant quasi hors d'espérance de la victoire pour n'estre monté que de 44 canons au lieu de 30 qu'avoit l'amiral majorquin; ils se renfer- ment dans l'accusation chent d'estre la qu'ils forment contre Mataillan. ils cause de sa perte faute d'avoir exécuté ce lui repro- qu'il avoit promis. La contradiction de ce discours est manifeste par la promesse de protéger, et l'impuissance d'en venir aux elfecls: celle-cy ne s'accorde pas avec la fiei'té des Anglois, et il est dillicille de la croire telle ruse dont on veuille la prétexter. C'en est une fort mauvaise à un capitaine de guerre que d'alléguer d'avoir abbattu l'un de ses mats pour ajuster les machines nécessaires à relever l'arbre d'un bastiment marchand, quand il y a un autre marchand de la mesmc nation qui peut rendre le mesme service, et puisqu'en tout cas il vaut mieux prendre une barque du pais pour cet usage, un vaisseau destiné à protéger ne hoi's d'estat de delfence; mais plus c'est qu'en moins d'un quart convaincre encore doit pouvoit se remonter. U est aussy surprenant qu'après une pouvant jamais sans crime se mettre ce qui le d'iieure il protection promise on laisse approcher celuy contre lequel elle est accordée, de son ennemy, qu'on luy permette de mouiller auprès de que dans le dessein de luy faciliter sa là un prétexte de ne l'avoir pu deffendre, ou d'en tirer un autre de quelque incident qui ne peut pas manquer de survenir d'un tel voisinage. Je ne conçois pas comment luy, ce qui ne peut avoir esté prise la nuit, se procurant par r.Vnglois pourra accorder l'honneur de sa bannière avec la nécessité par le François de ne point tirer qu'après luy. Ce meschant raisonne- ment n'est pas de mise dans un tel On ne se doit point quand a marchand un rencontre. picquer de l'inexécution de l'ordre donné à juste suject d'entrer en delliance lorsque peut estre saluer-. la il il n'a tiré que Et je tiens pour certain, que supposé qu'il eût gloire d un pavillon tel fait pour davantage, que celuy d'.\ngleterre doit l'emporter sur une pareille subtilité. Le capitaine .\nglois devoil commancer par l'observation de sa parolle, et quand ensuitte il se seroil plaint du François, on luy en LES VOYAGES DU M A H U II S DE XOl.MEL 32i auroit accordé la punition suivant le cas, et les preuves; l'on ne peut rencontrer aucune marque de bravoure dans ce procédé; lorsque Ton veut se battre, et qu'il y en a une occasion si légitime, c'est une grande lascheté de s'en dispenser sur une raison si frivolle. Je ne puis encorre que difficillement m'abstenir de taxer cette conduitte de trahison, principalement par la considération de la délicatesse de TAnglois envers est si le marchand sur un prétendu manquement, lorsqu'il indulgent pour les Majorquins que de ne leur rien tesmoigner du violement de leur foy jusques à ne pas tirer un coup de mousquet; il se reerve peut estre de dire que n'ayant pu poursuivre ces pirathes, c'est au Roy son maistre d'en prétendre Majesté Britannique en usera à cet égard pos; mais je demande me persuade que comme telle réussite Elle ne laissera pas de punir très la réparation. elle le Sa jugera à pro- que puisse avoir sa rigoureusement le capi-, taine Rebbin; Elle est trop juste et trop jalouse de l'honneur de sa lianniere pour en user autrement, et pour ne pas rejetter les faux raisonnemens qu'il pouroit luy alléguer par celuy-là seul, qu'encorre que le François ne luy eût pas demandé sa protection il estoit tenu de ne pas permettre que sous son pavillon on luy fit aucun tort. iMonsieur de Martel estant en mer empescha il y à quelque temps des Algerins de prendre des bastimens gennois, et sur la plainte de ces corsaires, comme estant amis de la France, de cet obstacle, il leur respondit, que sous, et à la veije du pavillon de Sa Majesté il. ne permettroit pas qu'on exercea aucune piratterie. Monsieur le Marquis de Prully en a usé de mesme au port de Milo, et je ne doutte point, qu'on n'en trouve plusieurs autres exemples, en consultant Messieurs les officiers delà marinne. Je crois, Monsieur, que l'on pourroit aussjse plaindre à Malthe de l'usurpation de la bannière de la Religion par ce Majorquin lorsqu'il prit le bastiment françois à la rade de Ghipre, et il y a bien de l'apparence que ces deux pirattes de Majorque sont de conserve avec les corsaires Malthois et Ligournois qui estoient au nombre de 23 vaisseaux ainsy que je les ai veu de mes fenêtres de Tripoly dans cette mer de Sirie pendant que les Majorquins faisoient leurs coup à Chij)res et à Alexandrette; si cela estoit et que de plus ces Espagnols se fussent retiré vers les autres avec leur pi-ise ou (ju'ils les eussent quitté pour la faire, je ne pense pas que ce procédé put estre exempt de blasme, et de punition de ceuxj qui estant les amis de Sa Majesté par devoir, et reconnoissance, el par la vérité de n'estre point en guerre avec elle, ne peuvent prendre aucun engagement avec ses ennemis. Je tascheray de découvrir la vérité, et je pense que Malaillan pris dans le port AI'rKMUCl-: 323 dAlcxandrette poura lors(iu"il aura la liberté desvelopper bien des particularités par la marche de ceux qui l'ont enlevé; il sera aussy facile de s'en instruire de quehjues uns des chevalliers françois qui sont de cet armement qui courre à présent la mer. Pardonnes, Monsieur, ma longueur et mes raisonnements au zèle que j'ai pour le soulagement du commerce, qui a reçu sur cette costc de Sirie un préjudice assez notable, pour lanneantir non seulement ]iar la rellexion de la perte de quatre bastimens considérables enlevés par le mesme Corsaire majorquin, mais encore par la crainte que ce malheur causera en empescbant les voisles de venir à Alexandrelte, s'il ne leur est pourveu de quelque seureté. Il y a de plus lieu de Seyde, Acre barque: d'appréhender, qu'on ne et Jafîa, Monsieur, enfin, où il s'il visitte aussy les eschellcs y a maintenant un vaisseau, et une y avoit moyen de se saisir de ce La Fleiche ce qui peut estre ne seroit pas difficille, il en renviendroit un grand bonheur au négoce, et particulièrement à celuy d'Alep qui se ressent luy seul de ce domage. Le Consul de celte eschelle m'en escril dans des termes qui marquent suffisament sa désolation; il me vient trouver avec quelques marchans pour me conduire à Alep. et il m'assure que Mousselim de ce lieu qui gouverne en l'absence du auprès du Grand Seigneur a tesmoigné un grand le Pacha qui est courroux de la conduitte des Anglais jusqu'à s'expliquer pareroicnl le domage qu'ils re- souffert par les François, et le Consul adjoute, voulu faire aucune poursuitte sans mes ordres que je luy donner de bouche. Cet officier turc n'a pas assurément tant pouray d'amitié pour nous, qug pour son interost. dont il croit avoir une occasion favorable en ce rencontre qui seulement le lait parler, ,1e (ju'il n'a considère encore que malheur ne peut pas la nation angloise. quoi(juc bien aise de nostre estre accusée d'y tramper, et qu'ainsy elle n'en doit pas respondre. C'est ce qui m'empeschera, à moins que d'autres lumières de faire des poursuittes contre elle, et je lenteray d'insinuer au Mousselim qu'il peut instruire la je n'aye me con- Porte de la conduitte du Capitaine de guerre anglois qui non seulement a permis le sont aussy de Sa llautesse de mouiller dans l'un mais lequel encorre contre sa paroUe, et la leui- a souffert (ju'ils en enlevassent deux bastimens françois. J'en ai escrit à peu près dans ces termes au Chiaia du Visir, et je luy touche aussy mon dessein de retourner d'.\lep par terre, ainsy que vous aurés la bonlé de le voir par la coppie de la lettre, par laquelle vous pourrés bien, Monsieur, conjecturer ce qui m'a contraint à m'expliquer de la sorte que je l'ai fait. Le Pacha de Tripoly y a sa à nos ennemis qui de ses ports, LES VOYAGES DU MAROIIS DE NOINTEL 326 part à cause de sa résistance à Textinction du matassou, et du poids le dernier est de cent.piastres et plus le quintal, selon marchandise. Le reste des difficultés avec ce ministre soye dont de la le prix de la estant terminées, il faudra un commandement particulier pour celle dont je viens de parler, et je me persuade, Monsieur, de l'obtenir. La crainte. Monsieur, de vous enniiyer m'oblige à remettre à un autre temps les particularités de mon voyage de Liban qui compren- nent Edem, les Cèdres et Cannoubin retraitte du Patriarche des Waronittes, dont j'auray Thonneur de vous informer d'.Vlep, ou je pourray estre dans sept ou iiuit jours. Le consul n'ayant pu venir m"a envoyé son frère, et cinq des principaux marchans pour m'accompagner. Ils m'ont appris le débarquement de grande quantité de provision de guerre à Alexandrette par Massamam Bey de Chipres qui porté sur dix galleres qui ont faict les a le traject sans péril, quoyque dans le voisinage de vingt cinq vaisseaux corsaires chrestiens. Les deux Majorquins qu'elles ont rencontré ont fait tant de peur à leur serdarque bien loing de leur rien tesmoigner, il s'est estimé fort heureux de n'en estre pas attaqué, d'où l'on peut juger de Testât où les autres en plus grand nombre l'auroient réduit. Ce qui eut esté d'un grand avantage pour eux et la Chrestienté par l'enlèvement qu'ils eussent faict d'une grande quantité de poudre, de canons, et autre artillerie destinée pour Bagdad, sur le soubçon d'une guerre ou irruption de la part du Roy de Perse. Ceux qui m'apprennent cette nouvelle m'ont asseuré (jue le Majorquin qui s'estoit saisy du capitaine Mataillan et de quelques uns de ses gens les avoit remis à terre avec des hardes après les avoir beau- coup loué, leur intention n'estant pas de guarder aucun prisonnier, ce que l'on imputte à l'artifice d'induire les matelots à ne point combattre. Je ne puis assez. Monsieur, vous repeter commerce de empeschera ce malheur qui les voisles le est d'autant plus domage que grand, que reçoit le la crainte de venir sur ces costes, ou les rades et les ports sont sans deffences. et que les pirattes armeront les bastimens dont très ils bons grâce de se sont rendus maistres, et s'en serviront très bien, estant voisliers. J'ai asseuré les negotians intéressez la dans celte protection toutte puissante de Sa Majesté. Je vous disla demande par vostre intercession pour eux, et je vous prie très instament d'y adjoutter la grâce de me croire avec tout le respect possible. Monsieur, vostre très humble, très obéissant, et très obligé serviteur. NOI.MEL Al'l'KNDICE M. de Aointfl M. ù 3-2- de Pomponne. Alep. ce 10 aoust 1674. Monsieur. L'on assure icy la paix de Pologne, mais la nouvelle pouvant vous en estre arrivée d'ailleurs par une voix plus certainne j'en appuyray seulement les fortes apparences sur ce qui se passe du costé de Perse dont je puis avec plus de fondement avoir Thonneur de vous informer. La marche des Persans ayant obligé la Porte de faire desbar- mois passé de grandes provisions d'artiglerie a Alexandrette. quer le elles ont esté transportées par l'Eufratte à Bagdad, et cette précaution Tenvoy de Caplan Pacha pour commander à Diarbequir et aussj- au corps darmée destiné contre les ennemis. La crainte a esté si pressante que Sa Hautesse n'a pas hésité à se priver inconti- a esté suivie de nent de ce gênerai jusques à Tobliger à prendre personnes. L'on escrit que le la poste suivy de cent Cirand Seigneur se transportera icy cet hyver, et cette dernière particularité que j'attribue seulement au dessein d'espouvanter les Persans est encorre fondée sur la plus grande asseurance que l'on voudroit donner de la ])aix de Pologne. Llle se publie avec des avantages considérables de la part des Turcs dans le dessein peut estre d'insinuer que leurs deffaittes ne les aj'ant pas exclus d'un traitté avantageux le sujet que en auroit pris de se l'on que tous ces apprests n'arleur démarches augmentent restent les Persans et que s"ils continuent et .\insy ceux accommodement, terminent promptement à un elles ne se remuer doit cesser. Je ne doutte pas aussy qui pouroient estre faschés de s'en pouvoir consoler dans costé de l'Orient seroient les présomptions les la la paix de Pologne et qui croiroient diversion des armes otthomannes du mal fondés, et il est plus raisonnables qu'ils apparent selon touttes verroient fondre sur les eux lorsqu'ils s'y altendroient le moins. Le Pachalic de Diarbequir donné à Caplan Pacha a fait vacquer celuy d'Alep qui a esté reraply d'Ibrahim qui estoit Pacha de Damas. Je suis à .\lep depuis huit jours et j'y ay fait une entrée fort hono- mes trompettes, de huit janissaires, autant de droguemans, de dix vallets de livrée, de mes chevaux de main et environné de huit hommes vestus à la grecque ; j'estois suivy du consul et de toutte la nation qui faisoit avec ma maison plus de cent cinrable estant précédé de quante cavalliers et j'ay démonstrations que pu juger par l'abimdance du peuple son ordre. Les .Vnglois et les et ses par son éclat que Vénitiens s'estoient mis conjoinctement en la cavalcade luy plaisoit tant LES VOYAGES DU MARUL 328 IS DE XOIXTEL devoir de s'acquitter de leurs civilités envers l'Ambassadeur de S. M. ayant envoyé leurs pavillons ou j'estois a une demy journr'f de cette ville pour s'y rendre sur le soir: mais ayant sceu que ]iar drliberation ils avoient arresté que leurs consuls ne viendroient pas, je ne jugeay pas a propos de avois fait, les envoyèrent scavoir d'avoir attendre et estant party contre le project que j'en chemin, mais un peu escartés: ils j'agréerois leurs coniplimens que je refusay faute je les rencontray en si leur teste prétendant avec justice qu'ils leurs chefs à dévoient plus d'honneur qu'à un consul estranger pour qui mesme démarche. Ce Consuls avoient ils me font la qui est de plus extraordinaire, c'est que les deux dit publiquement qu'ils monteroient à cheval et comme s'il pouvoit y avoir la moindre umlire de compéentre moy et eux. ils résolurent depuis de nepas sortir de leurs cependant tence maisons tranchants d'ambassadeurs pendant que l'ambassadeur d'.-Vngleterre àlal'ortefait le marchand, le deffunt m'ayant confessé que son eniploy ne reguardoit pas pour le point d'honneur et qu'il estoit seullement l'interest des negotians. estant demeurés dans le La superbe de ces gens silence depuis mon là a continué, arrivée sans se mettre en comme de maladie ou un de ce qui s'est passé à Smirne où le Consul de France ne vint pas au devant de l'ambassadeur d'.AngIcterre d'à présent, mais celuy cy estant venu par mer. il n'y a pas de parité. Et peine de chercher aucun prétexte à leur faulte autre. Ils en ont ]Hiblié de plus il de il faut sçavoir me semble que les choses ont esté. Enfin. Monsieur, une forte part d'.\ngleterre. Ce n'est pas que je ne les aye la mais comme ces .Messieurs meriteroient la punition seroit encorre|ihis forte s' elle réprimande liien punis, venoitde leurs supé- rieurs. Je ne pense pas aussy que la republique puisse agréer procédé le de son Consul d'autant plus que ses ambassadeurs n'ont pas accous- tumé de prendre part à la diminution des honneurs qui se tloivent aux ambassadeurs du Roi, ny d'en rien concerter avec les autres ambassadeurs. Ils ont toujours fait ce qu'ils doivent en ce rencontre et néant- moins un simple Consul, tout sénateur de venir au-devant de cause de Bataille, mais il moy nonobstant qu'il soit, qu'il contre sa déclaration ne monta pas à cheval à manque non seullement à sa parolle et à son mander aux Anglois tombés dans s'ingère de plus de devoir, l'incer- titude de ce qu'ils devrolent faire qu'ils fissent ce qu'ils voudroient, il ne sorliruit pas de sa maison. .Je me persuade, Monsieur, que le Roy auia la bonté d'en faire parler à l'ambassadeur de N'enise et à M. d .\vaux, ce qui sera un moyen d'en pro- mais que pour luy curer au sieur lîembo Consul vénitien à .\lep qui est sur le point de AI'l'i:\ltl(:K son retour toiitle la mortificalinn ([ui lui 329 en est deiie et à moj^ la répa- ration qui m'en appartient. J'ay eu pour une autre lettre atraire ne sera pas si Ihonneur de vous escrire au long plus importante, mais pouvant arriver que la tost rendue, je vous en touclieray quelques pardont j'ay esté ins- ticularités en gênerai et j'y en adjouteray d'autres truit depuis. Deux vaisseaux marchans françois estant au port d Alexandrette en ont esté enlevés par La Flèche .Majorquin à la voiie d'un vaisseau de gueiTe anglois commandé par le cappilaine iJebbin. Celuy-cy avoit promis sa protection, mais sans considération de sa parolle et de celle que le corsaire luy avoit donné de ne point toucher aux bastimens marchans, il les a laissé prendre sous de vains et faux prétextes jusques là qu'il avoit dans son bord le lieutenant du )»iralte pendant qu'il faisoit sa prise et que le Vice-consul anglois d'.Vlexandrette n'a pas fait de difficulté de monter deux fois à bord du Majurcpiin et d'y demeurer longtemps après Il me semble que plus que le la qu'il se fut rendu inaistre de nos vaisseaux. trahison est manifeste en ce rencontre d'autant capitaine anglois pouvoit très facillcment empescher cette perte n'ayant à faire qu'à un simple piratte ilont le bastiment à la monté de 40 ou 50 pièces de canon. Il est vray qu'un autre le soustenoit duquel il est bon de remarquer qu'il esloit commandé par un Genevois. Ce malheur, Monsieur, est très considérable vérité esloit à la place de Marseille et à d'Alep l'eschelle encorre perdu auparavant un vaisseau à mesme la en particulier qui a rade de Chippres enlevé mais sous bannière de Malthe. .\insy de Sa Majesté dans des occamoins importantes que celles-cy j'ay asseuré le Consul sions bien d'.Mep et tous les marchans que le Roy aura la bonté d'en faire par le corsairre, estant convaincu de la protection , poursuivre la réparation en .\nglelcrre ou l'on trouvera toutte sorte bonne façon emprisonnant vaisseaux marchans. Je vous escriray encorre plus amplement outre la lettre que j'ay déjà marquée lorsque je seray moins pressé. L'Olac que l'on despeche à Constantinople pour y estre dans sppt jours et dont je prens la commodité fautte d'autre m'obligeant de finir en vous asseurant que je suis avec tout le respect imaginable, Monsieur, vostrc 1res humble, de convictions le si l'on y lient la main de la capitaine et faisant entendre les .Vnglois des très obéissant et très obligé serviteur. NOINTEL. LES VOYAGES DU MARQUIS DE .NOIMEL 330 M. de Nointi-/ /) M. A de Pomponne. Athènes, ce 17 décembre 1674 Monsieur. Je me suis donné Thonneur par mes dernières lettres du mois de septembre de vous marquer ce qui s'estoit passé à mon entrée dans Alep, et particulièrement ce que j'avois appris de nouveau touchant la perte des deux bâtiments françois au port d'Alexandrette. Vous y aurez trouvé quelques particularités au sujet de la prétendue guerre des Persans, et vous auriés esté. Monsieur, plus tost informé de ce que j'ay pu faire en celte eschelle, et de la manniere de mon départ si j'en avois trouvé l'occasion. Je n'ai pas manqué autant qu'il m'a esté possible d'y soustenir l'in- terest de la religion, en faisant paroistre l'estime de Sa Majesté les églises pour des Maronittes, et des Suriens, et sur ce principe j'ayreceu avec beaucoup de démonstrations de bienveillance le Patriarche de ceux-cy. et l'archevesque des autres accompagnés des principaux de leurs nations qui sont fort nombreuses. Ce patriarche est un prélat avancé en âge, et lequel joint à sa persévérante soumission à l'église romaine une grande érudition qu'il pousse fort loing par la cognoissance des langues orientales, et qu'il soustient avec édification par la pureté de sa vie. Je me rendis dans son église le jour de la Transfigu- tambours environné de ma maison, et suivy de plus do cent cavalliers qui composoient la nation françoise. Tous les passages estoient bordés d'une foulle extraordinaire de peuple non seullement chrestien. mais turc, et les Suriens remplissoient par leur abondance leur église, leur cour et les toits; et ce ne fut pas sans un peu de peine que j'en traversay une partie. Le patriarche qui m'estoit venu recevoir in pontifcaHlins ration suivant le vieil stile au bruit des trompettes avec son clergé, des cierges et et des encensoirs, estant à ma gauche, j'entendis sa messe, j'y reçus ses complimens. L'on m'informa de ce qu'il y prescha à la loiiange du Hoy, et sur le sujet de ma venue, et des prières solemnelles qui y furent chantées pour la prospérité de Sa Majesté. Tous les assistans du rite surien tant schismatiques en très grand nombre que catholiques ne tesmoignerent pas moins de zèle et d'union en ce rencontre qu'à donner des preuves de la croyance de la transubstantiation, ce qu'ils firent par des actes positifs de l'adoration que je leur ay veu faire de l'hostie qui avoit esté consacrée en pain levé. Son élévation fut faitte en grande cérémonie au bruit des soneltes, des timballes, de mes trompettes, et à un cry clair et comme AI'PKNDICE musical formé tout d'un coup par les femmes sans aucune prononcia- tion de parolles. ce qui fut suivj- de prosternations à terre qui parurent généralles, 331 et bien expresses, me suivant l'observation que j'en ay pu faire, et suivant les asseurances qui m'en ont été données. Ma présence chés les Maronittes onze jours auparavant à leur feste aussy nouveau ne fut pas moins éclaune moindre preuve de la vérité du misterre de l'eucharistie s'il en avoit esté besoin. Tous les prestres latins qui sont les Religieux de Terre Sainte, les Jésuites, les Carmes et les Capucins m'ont suivy dans ces deux cérémonies et quelques uns d'entre eux n'aj'ant pu cacher leur envie de dominer sur les chrestiens orientaux, d'en paroistre les conservateurs pour le St Siège, et de précéder les autres, me prouvèrent évidemment que la quaHté de missionnaire et la retraitte du monde ne deslruisent etmesmo ne suspendent pas l'ambition. C'est elle qui me fit essuyer deux complimens, car après un en françois prononcé au nom des Suriens par le supérieur des Capucins, celuy des Jésuistes se présenta avec un jeune homme de la Transfiii-uration suivant le slile tante, et je n'en aurois pas tiré dont il expliqua le discours arabe: ces petites émulations et de plus grandes dont les effects vont bienloing, jusques à se servir d'une part des armes spirituelles, et de l'autre jusques à les mespriser bien plus hautement que ne feroient des Calvinistes, m'ont engagé à procurer autant qu'il m'a esté possible la continuation de la réunion apparente qui est maintenant entre tous ces religieux. Les Carmes qui sont Italiens et qui ne se mêlent de rien, les Jésuites et les Capucinsde Nation françoise composent les trois ordres de missionnaires d'AIep, et n'aj-ant point d'oglise entièrement publique ils sont obligés de se contenter de leurs chapelles, et pour messes de très grand matin, ce accord entre eux tous allin de ne pas blesser les droits de la paroisse, où y ayant un droit positif de faire l'office publiquement, il ne seroit pas juste que le consul y assista sans estre accompagné de sa iSation, ou de la plus grande partie, ce qui arriveroit si l'on avoit la commodité des messes particulierres, ou le concours pourroit encore attirer des effects de l'avarice evitter les avanies d'y célébrer les qui a esté aussj^ réglé d'un commun des Turcs. Ces raisons ayant fondé le règlement dont je viens de parler, ont encore esté cause de l'engagement réciproque de ces pères à ne rien imprimer dont eux tous n'eussent eu auparavant la communication. Ce qui me paroist un moyen de retrancher grand nombre d'extravagances, de miracles à tout propos, et de refiexions aussj' peu politiques, qu'elles sont inutilles quoyqu'elles décident hardiment des mat- LES VdYAGKS DT MAKOIIS DK NOI.Mi: L 332 tieres d'Estat. Enfin ils ont voulu selon l'apparence paroistre Lien si que rien ne leur seroit particulier. C'est sur ce principe que je me suis conduit dans la réquisition qui m'a esté faitte de la part des Pères Jésuites pour l'enregistrement en la Chancelerie d'Alep des lettres patentes à eux accordées par Sa Majesté, qui leurs attribuent la qualité de ses Chappelains pour les unis, François résidant en Levant. des raisons convaincantes de pré- J'.iy imi voir les desordres qui pourroient arriver bien expliquées, d'autant plus (pi'on nettement de l'intention que les si choses n'estoient pas s'estoit déclaré l'on avoit qui moy à assez ne m'a paru nullement juste. commanceay par le tesbon accord, leur remonstrant la .\yant donc assemblé tous les Religieux, je moignage de ma satisfaction de leur qu'il y avoit de le maintenir, et je tiray de la communauté qu'ils sembloient avoir introduit entre eux la nécessité de leur conséquence communiquer déclarant en la grâce (|ue Sa Majesté faisoit aux Pères Jésuites, leur mesme temps que dont cluoit point celle et les cette protection particulierre n'ex- autres avoient desja ressenty tant d'elTects, dont j'esperois leur procurer tres. la continuation dans les rencon- Enfin je leur dis, qu'ils cognoistroient suffisamment par ture des lettres l'intention du Roy, et la lec- que je ne douttois point qu'ils ne contribuassent de leur part à l'obéissance qui luyest deiie, puisque cette nouvelle faveur estoit faitte sans préjudice aussy du droit des (^hapellains des ambassadeurs, et des Consuls, et sans préjudice aussy du droit d'autry. ce qui comprend celuy des paroisses, qu'ainsy mon ordonance quej'avois dressé moy mesme portoit l'enregistrement des lettres patentes en expliquant un peu plus au long y sont contenues, l't expliqués, de maintenir l.i paix si lei'ies, le père supérieur de Terre Sainte de chapellain du Consul françois, m'ayant ler, pria le cj' devant nécessaire entre des personnes leur profession. Lorsque les lettres et de et afiiii les restrictions (jui conservant l'exécution des reglemens ronbuinance eurent esté maison de Jloncade. curé la demandé permission de par- père Jésuite de fixer les fonctions de Chapelain maripiées en gênerai par ses lettres. Sa rei>lique fut (pi'il d'autres que celles exercées par ceux de sa sent, et sur l'insistance de dire davantage, pas prejudicier ny à la paroisse ny il desclara qu'il n'entendoit au chapelain du Consul. Mais estant pressé ensuitte de signer déclaration, mon ordonnance n'en prelendoit point compagnie jusques à pré- restraignoit assez. J'ay il le refusa disant que donné acte de ce refus par un procès verbal au Père de Moncade qui a tesnioigné un zèle fort discret et fort exact pour la conservation des droits parrochiaux dont il n'est pas moins jalloux en (jualilé de Curé, qu'il peut avoir esté aple .\im'i:miI(;k 33:5 pliqui' à les destruirre ou s'en soustraire estant en Chrestienté. Le Supérieur des Capucins qui ne veuUent point de soumission à la pa- roisse à Lernica de Chipres, où ils sont en grande disputte contre les Religieux de Terre Sainte, a par d'autres veiies soustenu l'interest de paroisse à l'avantage des mesmes Religieux, disant aux Jésuites que cette qualité de Chappelains pour les François estoit un titre d'honneur, etimaginairre, qu'on ne croyoit pas (jue le Roy eut voulu séparer les marchands de leur Consul ny de leur paroisse, et qu'enfin il me prioit, les lettres estant subreptices, d'en suspendre l'enregistrela ment jusques à temps que Sa Majesté eut séquences. Les Pères Carmes ayant dit, esté bien informée des conqu'ils ne prenoient point d'interesten ces contestations, et qu'il- s'en rapportoient à moy.j'or- donnay l'enregistrement des lettres, couiuie je l'ai dessigné, etsuivant. Monsieur, que vous le pourés voir plus au long par mon ordonnance. Le commerce a aussy ressenty des effects visibles de la protection tels i|ue la suppression du droit de trois i>our cent sur retranchement du tiers de ce (jui se prenoil sur la cochenille, une pareille diminution sur les autres marchandises d'entrée, au moyen de la convention que trois balles n'en feront (|ue deux, et pour la sortie il a esté réglé qu'on retrancheroit sur chasi[uc balle de toille, et de cuirs, demy piastre; et un quart sur cliacunne de cotton de Sa îlajeslé. l'argent, le sur celles de pistaches une piastre. Le droit sur l'argent fut estably, il y a plus de soixante ans. pour satisfaire au payement de ce qu'un nommé Ridy doiiannier d'.\lep devoit de reste de sa ferme. Monsietirlanihassadcurqui estoit pour lors en fonction s'estant rendu caution, et comme il n'a point esté fait de compte de ce qui a esté levé, parce qu'il suffisoit. et bien au-delà à ce qui pouvoit estre dcubt. et que c'estoit un prétexte de continuer cette exaction, on lavoit perpétué jusques à présent. Cette possession si ancienne servoit de prétexte au doiiannier pour sa continuation, il s'appuyoit mesme sur les capitulations, qui disent que des piastres filé, et que les François apportent n'en ayant point esté pris de droit cy devant qu'on n'aye point à en prendre, d'où il concluoit que le droit en question estant ancien, bien loing d'estre destruit par les capitulations, en estoit pleinement confirmé. Il avoit de plus obtenu un com- mandement (|ui autorisoit sa prétention. L'on luy représenta que ces mots, n'en ayant point esté pris de droit cy devant, marquoient qu'on n'avoit jamais deubl en prendre, et nous fournissoient un moyen pour la restitution de ce i|ui avoit esté touché; que l'usage touttes les autres eschelles en faveur de l'argent, d'.VIep pour les autres nations que la universel mesme dans de celle françoise militoit contre luy, et LES 33i \ (;iVA(.i:s DU MARQUIS DE NdlNTEL qu'enfin on estoit absolument déterminé par mes ordres positifs à se libérer de cette injustice. Je pense bien qu'on ne lui proposa pas que la dette de ce Bidy estoit acquittée, parce que c'eut esté luy ouvrir un moyen de prolonger en se remettant à l'examen des comptes de ce fermier qu'il auroit facillement fait trouver reliquatairre de sommes assés grandes pour avoir besoin de siècles entiers à leur acquittement. Son obstination le faisant paroistre inflexible, et plusieurs autres motifs ont engagé le consul et les marchands d'Alep de le vaincre par son foible, c'est-à-dire par argent, et ainsy on luy a donné deux mil escus qui ont produit mon entierre de cet injuste droit, et à la libération arrivée après une exacte instruction j'ay confirmé cette depence par une ordonnance dont vous aurez Si ce droit temps, il la bonté de voir lacoppie. sur l'argent estoit de conseijuence dans ces derniers l'estoit bien davantage autrefois, que malheureusement il se transportoit chasque année à Alep des huit et neuf cent mil escus, et peut estre qu'alors sur le mesme Quoy Consuls les l'ambassadeur, à cause n' en portoient point de plainte queux mesmes prenoient un droit de à consulat argent. qu'il en soit, le commerce est maintenant délivré de cette charge. Le bénéfice dont il jouit sur la cochenille est considérable se trou- vant des bastimens qui apportent de cette marchandise pour la valleur de dix à douze mil escus. (Juant aux draps, et estofïes de soye, outre que l'on espère les faire demeurer à leur doûanne qui peut estre au dessous de trois pour cent, la réduction de leurs balles est d'un grand avantage. Pour ce qui est des toilles et des cuirs il n'y a quasi point de bastiment qui n'emporte de la première marchandise deux cent balles et beaucoup de la seconde. Il se desbitte aussy du cotton filé en quantité raisonnable, et il y en a pour en fournir autant que l'on en peut soûaitter. Les pistaches produiront aussy leur utilité, mais elle sera moindre qu'elle n'eut esté par le passé, le desbit en estant fort diminué en France. Voilà ce qui en est des capitulations, lestât auquel j'ay trouvé commerce le augmenter l'espérance de sonrestablissement que le doiiannier m'ayant visitté, j'ay eu deux conférences avec luy dans des jardins à la campagne. La première fut sous prétexte de voir une très belle tente qu'il avoit fait faire pour le Pacha du Caire, et la seconde eut pour motif la promenade. Apres les complimens je fis tomber la conversation sur les nouvelles qui couroient dans l'Empire ULtboman touchant la guerre de Perse, luy insid'Alep, et ça esté pour le fortifier, et AI'1>K.\Ii|(:K nuant. que selon ma pensée simple démonstration puisque 335 ne passeroit pas au delà de la Persans ne s'y estoient pas si test elle les engagés que paroissans s'en repentir ils s'estoient retirés. Les provisions, et munitions de guerre apportées sur ce sujet par dix galleres, ainsy que j"ay eu l'honneur de vous en informer, furent cause que je parlaydeMassamam qui commandoit cette escadre, et j'en pris occasion de tesmoigner ma surprise de ce qu'estant si fort il n'avoit pas eu la hardiesse d'attaquer contré dans moignay le golfe mesme ou qu'il n'y auroit plus il le Majorquin qu'il avoit ren- venoit de faire sa prise. Je luy de seureté dans tion, puisqu'outre qu'il se trouvoit destitué le port dont il tes- est ques- de forteresse, dix gal- du Grand Seigneur n'entreprenoient pas de reprendre trois vaisseaux marchands sur lesquels le piralte ayant partagé son leres monde se trouvoit fort alfaibly. Le doùannier ayant Ijlasnié Massamam rejettasa faute sur l'interest qu'il avoit à ne pas exposer sa chiourme et sa milice dont le remplacement tomboit sur ses frais. Pour ce qui est des galleres qui luy appartenoientj'advoiiay que l'interest particulieren avoit décidé ence rencontre, ce qui n'arrivoit que trop souvent, et j'adjouttay mon espé- promesse solennelle du ^isir de l'exécution des Capitulations. Je luy dis que Massamam pourroist bien estre puny et qu'il ne lui serviroit de rien d'avoir fait mourir à Famagouste un fameux tiran qui s'estoit enrichy du pa'is, et des Francs, puisqu'on imputtoit cette mort aux ordres positifs receus de la Porte à la sollicitation des ambassadeurs dont il auroit volontiers évitté l'exécution en vendant bien chèrement son auctorité, que cette conjecturre estoit évidente, puisque deux autres mutins qui ont succédé à l'usurpation du creditdu deiîunt, etqui meritoient la mesme punition, s'en estoient exemptés, n'y ayant pas eu apparemment des commandemcns exprès contre eux. Après luy avoir ainsy insinué ce que peuvent les ambasrance du remède par sadeurs contre les la Ministres Turcs expliquay nettement ma (jui abusent de leur pouvoir, je luy ferme résolution de maintenir contre leur violence, les Consuls, et les negotians, luy déclarant, qu'asseurement j'aurois raison des Pachas du Caire et de Tripolj-, de la comluitte des- quels je marcjuay queUiues particularités, et notlameni du dernier, Pacha allioit deux qualités esgallement ruiaux sujets du Grand Seigneur. Je n'oubliav pas non plus le Pacha de Seyde, et comme celuy-cy est neveu du doi'iannier auquel je parlois, et qu'il a commerce avec les deux autres, c'esloit exprès que je les avois fait tomber dans la conversation, qui estant marchand cl neuses auxesirangers, et ne douttaiit point qu'il ne les deubt informer de cet entretien, et pre- LES VdVACKS IH MAKul 336 IS DE N OINT El. tendant encorre, qu'il put luy servir d'exemple, et d'induction de conduitte contre luy Il ma mesme. voulut excuser ces ministres sur les grandes diminutions qu'ils sûuiïroient dans leurs revenus par nouvelles capitulations, et les m'insinùer que je devois au moinslour procurer quelque soulagement de la part du ïefterdar. mon Je repliquay que ce n'estoit pas dévoient bien se contenter qu'on ne aft'aire, et les que cjs Messieurs obligea pas à restituer les exactions du passé sans contrevenir davantage à la volonté de leur souverain maistre, à laquelle on trouverait moyen de les faire obéir exactement. fis expliquer la misère du négoce en gênerai, et en particude celui d'Alep, et après qu'il eut déclaré sa prétention qu'un pont qui se trouve ruiné sur le chemin d'Alexandrette deubt estre Je luy lier reparé aux frais des Francs, disant que les Anglois en payeroient trois mil piastres, ce qui vouloit dire autant que les François, je rejettay cette proposilicin, non seulement comme injurieuse au Grand Seigneur, mais encorre par l'injustice qu'elle contenoit en soy, luy déclarant qu'elle ne seroit jamais exécutée, et nonobstant quMI évittoit que je vinsse au particulier de toucher, les renfermant dans mes prétentions, je ne la laissay pas de les nécessité de reduirre à trois pour cent la doiianne des autres denrées qui restent à régler, de supprimer le droit d'ancorage de cent cinquante quatre piastres ([ui se prennent sur chaque bastiuient, de se désister de soixante et quinsequele con- sul donnoit par an pour d'.Uep à Alexandrette et qui escortoiènt sur le chemin la doiianne do les janissaires de se départir entièrement de ce dernier lieu, puisqu'outre celle-là on en prenoit un autroà .Vlep sur lesmesmes marchandises, en quoy capitulations, c|ui ne conlrevenoil formellement aux l'on les assujettissoient qu'à une seulle doiianne dans tout l'Empii-c. Le doûannier se defTendit par quelles il pstoit les soumis, tant envers dépences extraordinaires auxministres residans à la Forte les Pachas qui en venoient. jurant (|u'il y en avoit eu des derniers qui luy avoient pris des dix à douze milescus de presens, et qu'on ne voulloit pas luy accorder aucunne dimiuulion. Mais l'ayant battu sur ([ueles inutilité de cette deH'ence comme une chose qui ne pouvoil en concerner, et qui avoil ses intrigues que je ne voulois point desméler, je persistay avec fermeté dans ma demande; et le Urogman de la nation 1 empeschant en quelque sorte que le mien n'expliquast au juste mes intentions, jusques à s'ingérer de respondre pour le doi^iannier, et de refuser plus nettement que ne faisoit le doiiannier mesme. je luy fis AI'I'KNDICH 337 réprimande, et enfin touttes nos contestations se terminèpromesse de m"accorder ce que je soûaittois. .l'en voulus avoir une seureté, et après plusieurs autres disputtes d'un niurcliand nommé Le Fevre que j'avois commis. Ton pressa tellement le doiiannier quapres avoir différé jus(iu'au jour de son départ pourallerlrouver Caplan Pacha qui lattenduit sur le chemin de l)iarbe(iuir. il donnast un escrit par le(iuel il consent à la suppression des droits d'ancorage et des janissaires, et la réduction au sixiesme de ce qui se prenoit sur Tesmail faux. L'on a aussy réduit la doûanne des autres merceries et ambres contrefaits de quatre piastres et demy pour balle a une et un quart, et il faut remarcjuer que de ces meiiiies denrées, et autres quinquailles, il s'en fait un assez bon Iraffic. mais c'est suivant qu'elles sont demandées et qu'on y trouve plus son compte que de faire venir de l'argent. iine forte rent à la L'on jouira sur la le bois de bresil, et campech de la diminution de moitié, et generallement sur touttes les marchandises du bénéfice du poids qui monte à un sixiesme. puisqu'au lieu de se servir de damasquinne qui n'est que de six cents dragmes, il la rotte a esté convenu celle dWlep qui est de sept cent vingt dragmes. toutceque j'aypu obtenir, et il m'a fallu nécessairement remettre à un commandement exprès la suppression de la douane d'.\lexandrette, ce qui ne sera pas difficile, et mesme il n'auroit pas esté possible de réduire le douannier de la manierre que j'ay fait, sans la promesse qu'on luy a donné par escrit que pour les quatre mois <]ui luy restent de sa ferme il continiiera de recevoir le droit d'ancorage des janissaires et autres (jue je vous ay expliqué ensuitte. mais affin que dès à présent on entre en jouissance de ces avantages, j'aj" décerné mon ordonnance qui enjoint au Consul et marchands de satisfaire en particulier à cette indemnité sans i[u'il paroisse au public que les bastimens en soient chargés. J'ai encorre appliqué mes soins a régler l'intérieur du commerce, soit en obligeant les marchands à porter à leur Consul le respect qu'on se regleroit sur C'est là. Monsieur, qu'ils lui doivent, et à mieux ménager Tinterest public, soit en remonstrant au Consul la protection dont il est redevable aux sujets de Sa Majesté, et la prudente vigueur avec laquelle il doit soustenir son caractère, faisant accorder les interests de la nation et les siens sans aucun dommage les uns des autres, et aflin que les impressions de mes remonstrances fussent plus vives dans leur esprits, je les assemblay et leurs ayant parlé près mon discours dans le estre la bonté de lire dune heure, je leur laissay par escrit contenu d'une ordonnance dont vous aurés peut la coppie. El parce qu'alors il devoit bientost LES VOYAGES DU MAlini 338 arriver deux bastimens je les supporter pour les les fis DE NOINTEL IS opiner sur taxes qu'ils dévoient les debtes de la nation affin que ma présence empescha brigues de ceux qui par leur interest aux chargemens s'esloigne- roient trop de la justice. Mais nonobstant mes remonstrances, les intéressés se firent visiblement reconnoistre par leurs avis. Je pense qu'il seroit difflcille de trouver un corps de marchands ou règne avec plus d'éclat qu'entre les François d'Alep; non seullement ils sont divisés entre eux mais ils sont presque tous buttés la division ils s'eslevent contre luy d'une manniere que condamnée, leur remonstrant combien ce procédé leur préjudiciable. J'ay mesme obligé un parent du Consul qui estoit contre leur Consul, et j'ay toujours estoit son chancelier à luy faire réparation des termes injurieux dont s'estoit servy contre luy dans une requeste la imputtoit au Consul la le il m'avoit présenté, et conservation des droits de ce chancelier qui je n'ay pas négligé chancelerie qui est qu'il rupturre et lacération d'un des actes de la cautionement du Consul d'à présent des .\nglois pour un nommé et lequel y ayant endebté Saladin autrefois Vice-Consul de France à Chipres, la nation, le Consul d'Angleterre en seroit responsable sans cette lacération. Le Chancelier prétend qu'ayant porté par son ordre, il les lacérés à l'endroit dont est question; et anglois qui ont les registres a guardés quelques jours, et commis que chés son consul les c'est luy luy a rendus avec le consul cetteaction; et ainsy dans la quittance, et des- charge du depost des registres donnés par chancelier qu'il a déposé, j'ay fait le Consul françois à son insérer les prétentions, accords et deffenses respectives des parties sur ce l'ait particulier, sauf à elles à se pourvoir ainsy qu'elles aviseront. J'ay aussy cru devoir remonstrer au Consul touchant sa manniere d'agir particulliere qu'il ne devoit i)oinl trancher d'ambassadeur, pre- nant la main chés sur les personnes qualifiées, lui autres, et je luy ay insinué que son rang ne luy les evesques, et donnant cette préé- minence que sur les marchands, il ne devoit pas l'estendre au delà, mais qu'il estoit obligé de se restraindre comme chef des negotians à soustenir leurs interests avec vigueur, et éclat auprès des Turcs; qu'à l'esgard des estrangers comme plus nécessaire d'envoyer pas tant pour evitter la Anglois, et Vénitiens, je ne croyois nation au devant de leurs Consuls; non de la presceance puisqu'elle pas malaisé de s'y conserver, mais parceque des negotians assemblés à un lieu pour leur négoce ne sont pas parties capables de se maintenir, et de disputter dans une all'airre de celte conséquence, et qu'au contraire ils doivent evitter est deiie les contestations aux François, et qu'il n'est A des occasions aussy 1' 1' !; N que esloi.i-'nées L) 1 C 339 li celles-là, puisqu'ils s'en peuvent passer, et qu'elles coustent de Tarsent. J'ay toucha' l'exemple du pré- judice dont j'avois esté informé, qui est. qu'un Consul s'en allant. par exemple endroit où mesme Vénitien, le il le François le reconduit jusques à un certain pour quitte la place au Consul dAnjrleterre civilité, et ensuitte il faire la reprend. C'est ce qui m'a principalle- la nient obligé à conseiller de s'abstenir de ces démonstrations exté- rieures, sans interdire les honestetés particulières qui se passent dans les visittes de Consul à Consul. y a encorre des festins qui se font aux premières visittes, qui se passent avec éclat, débauche, et un incroyable débris de verres, mais Il quoyque la depence en estant grande il soit à présumer qu'un Consul, et particulièrement un Provençal, ne la fasse pas sans la veûe de s'en rembourser, la faisant entrer par voye indirecte dans les comptes de la nation. Celuy qui est a présent Consul d'Alep pourra difficillement proffitter vous de mes ordres et de mes avis, et je puis quasi. Monsieur asseurer qu'il n'en profitera jamais à moins d'un miracle qui fasse voir en luy un esprit aussy fort, comme il l'a foible. Il est absolument gouverné par un religieux. Il se defûe de son propre frère dont l'hab ileté est aussy médiocre, et tous ceux de son party conviennent qu 'il je n'en ay rien touché, , Les .\nglois. entierrement incapable de son ministerre. est Vénitiens s'en mocquent en secret, et sont bien aise de de la pris le et les voir à la teste nation françoise. les Turcs s'en rient en public, et sont fort sur- quand ils voient qu'il ne sçauroit rien dire de luy cadis ou doiiannier, estant nécessaire qu'il tout le monde, ce qui fait qu'il lise mesme chés le sa leçon à la face de demeurre toujours sans réplique. Il est de cette manière impossible qu'il empesche lesfactions des marchands, qu'il les protège valablement et qu'il se fasse rendre le resp ect qui lui est deubt. au matin à la Il est fort exacte à porter sa congrégation, et ensuitte à robbe consullaire, à aller messe de paroisse, et a la que le Consul Barron son prédécesseur luy a vendu de meubles, qui n'en valent pas mil, d'où il conclut qu'estant attaché à son employ par interest et par ho nneur il n'est pas homme à le céder à un autre. Je serois bien fasché, Monsieur, de m'estendre si fort sur cette mattière si je ne me croyais indispensablement obligé par la veûe du bien du commerce à vous rendre tesmoignage de ce que j'ay veu ou se plaindre de ce pour trois mil escus seu très certainement. Ce Consul a la perte esté bien heureux que je me sois trouvé à des vaisseaux marchands enlevés par le Alep après Majorquain . car as- LES VOYAGES DU MARUI 340 IS l»E NOINTEL seurement il n'auroit pil se desmesler des instances des Angiois, lesquels ayant sceu qu'ils étoient en quelque sorte impliqués dans les informations et particulièrement leur facteur ou Vice-Consul à Alexandrette, ils vouloient que je receusse une information particulierre à leur descharge. Je leur fis dire, que Tinformation dont ils se plaignoient estant secrette ils se pourvoiroient au lieu ou elle seroit portée, et s'y deffendroient le mieux qu'il leur seroit possible. Mais le Vice-Consul qui prétendoit se disculper d'avoir entré dans le vaisseau majorquin n'estant pas content, je luy remonstray qu'il pouvoit donner une requeste dans latjuelle il exposeroit le fait de sa justification et que j'en ordonneroLs la jonction aux informations. Quoi qu'il s'en fut contenté il revint quelques jours après avec d'autres marchands, et comme je sceus qu'il venoit au nom de son Consul, et pour renouveller les mesmes instances, on luy couppa court de ma part en luy disant que j'ignorois qu'il y eut un Consul anglais à Alep. L'on m'a dit qu'à ce sujet ils avoient informés comme de desny de justice par devant le Consul Vénitien. Celuy-cy a persisté dans sa fautte de ne pas se rendre à ce qu'il me devoit. et s'il a ouvert quelque démonstration de la réparei'. elle n'a servy qu'à l'aggraver davantage puisqu'on lesmoignant son dessein de me visitter pour me demander expliqué sur des prétentions d'estre traitté pardon, il parmoy plus honorablement qu'il ne à insinuer s'est ensuittc qu'il désiroit l'est duConsul françois, jusques de l'Excellence. J'ay receu ces imaginations selon la différence infinie qui se trouve entre un ambassadeur de Sa Majesté et un Consul de Venise, auquel je n'ay pas laissé de faire justice touchant une créance qu'il prétend succession du nommé Barron décédé pendant mon séjour à au retour de Tripoly d'où il m'avoit accompagné. Je me suis donné la peinne de dresser deux grandes ordonnances sur ce sujet sur la .Alep qui nomment des arbitres, et leurs prescrivent dans la forme laman- nière de se conduirre. Je suis aussy persuadé d'avoir usé avec les Angiois suivant toulte la justice et l'honesteté qu'ils pouvoient désirer, puisqu'un d'entre eux se trouvant créancier delà nation de Chippres d'une somme de deux mil escus en principal, et des arrérages, et m'en demandant le payement par une requeste, j'ay ordonné qu'il du reste de son capital, et des intérêts, suivant qu'ils ont esté réglés pour les François mesmes qui sont aussy créanciers, n'estimant pas juste que ceux-cy soient réduits de 36 pour cent à dixhuit, et (jue les estrangersne soient pas soumis à la mesme réduction d'autant plus que les Turcs ont esté obligés de souffrir en pareil rencontre une grande diminution. seroit satisfait 3U Al'l'KMlICi: J'ay encore terminé un difl'iTend d'honneur entre un Hollandois et un François, survenu du mauvais traittement exercé en public à coups de pieds et de poings par tendoit offensé de ce dernier contre Tautre parce qu'il se pré- le avoit publié laucement que qu'il son frère deux parties m'ont résident à Ligourne avoit fait banqueroute, et les tesmoigné estres satisfaittes de mon règlement, qu'elles exécutèrent le champ. Ceux de la nation angloise qui me sont venus voir en sur se sont retirés très contens de ma réception, un particulier d'entre eux m'a accom- pagné au voyage de l'Eufratte qui a esté de soixante lieues en tout, dont me reservant de vous rendre compte en destail. je prensseullementla liberté de vous dire a présent que je Tay fait bien accompagné el avec quelque pompe et qu'a mon retour entrant dans la ville j'avois a ma ceux qui ne m'avoient point quitté que des autres qui estoient venus au devant; j'estoisaussy environné de dix ou douze vallets avec des fusils et mousquetons, et les trompettes me precedoient, ce qui atliroit un très grand concours de specsuite plus de loO cavailiers. tant de tateurs de touttes les nations d'Alep, entre lesquelles se sont trouvé plusieurs Anglois, que je salluay fort honestement. en aeslé de Il et je mesme à mon despart qui fut le vingt-sept septembre puis vousasseurer que j'avois peinne a passer dans Une partie des marchans et quelques estrangers me les rues. quittèrent a une lieue de la ville, et après avoir fait en leur présence une forte réprimande au drogman avec menaces s'il nefaisoit son devoir de le chasser, je continuay mon chemin avec le reste de la nation et le consul; et ayant passé par les ruines de St Siméon Stilitte, visité plusieurs sépulturres des anciens Romains, traversé la célèbre ville d'Antioche, et l'Oronte, et laissé sur la gauche Alexandrette à cause du mauvais air. j'arrivay le premier octobre a un autre endroit de son , Bonnet, esloigné d'Alexandrette de sept heures. trouvay deux gallères turques, dont l'une qui est de Candie appartient au 'N'isir, et est commandée par un renégat Livournois ; elles avoient débarqué à .\lexandrette des munitions pour Bagdad, golfe, qui est le port J'j' et elles attendoient un bon temps pour route de Caramanie terre a terre, s'ils s'en retourner prenant la atlin d'evisterles corsairres, lesquels avoient un peu de conduitte, et plus d'union entre eux, n'eussent pas manqué cette occasion. Les capitaines de ces gallères qui les crai- gnoient fort avoient eu en venant un passage heureux n'ayant mis depuis Chio que neuf jours, et j'ay sceu que leur retour n'avoit pas esté moins favorable, nonobstant l'intention du Serdar de la mer les avoit destaché pour un si grand traject, affin qu'expo- blanche qui LES VOYAGES DU MAROTIS DE XOIXTEL 342 sant renégat Livournois, le voulu luy faire un présent. Ils se mirent à la voisle au soir, et ce fut le il le put se vanger de ce second qu'il n"avoit autant et j'en fis neuviesnie que je mouillay dans pres à Lernica, ayant consommé neuf jours la le pas troisiesme rade de Chi- à cause des bonnaces a ce qui se fait ordinairement en vingt-quatre heures. absent pour Cherinnes. port de Tisle vis à vis de la Le Consul Caramanie estoit esloi- gné seullement de quatorze lieues de Lernica. et il s'y estoit rendu suivant mes ordres pour y faire trouver quelques provisions, parce que je croyois prendre cette routte, mais il retourna le lendemain de mon arrivée. Je ne doultois point de trouver le Consul de Venise remis de sa follie, et qu'ainsy il n'eut restably la chaise du consul françois, me fondant sur les ordres exprès, et rigoureux que le Baile m'asseuroit par une de ses lettres luy en avoir envoyé. Il convint à une personne tierce de les avoir reçu, mais il adjoutast que sur sa response il en avoit obtenu de postérieurs qui destruisoient tellement les premiers, qu'il luy estoit enjoint de maintenir sa prétention en toutte manierre, jusques à temps que le Conseil des cinq Sages de la marchandise luy eut prescrit une autre conduitte. Il protestast qu'il y obéiroit jusques à dépencer tout ce qu'il avoit d'argent, et le fond mesme d'un bastiment vénitien qui se trouvoit à par un capitaine françois. voulusse moy mesme et estant tombé dans remettre la chaise de mon le rade commandé soubçon que je ne la Consul, il partit pour Nicosie affin de s'appuyer de l'autorité des Ministres. envoyay mon au Mousselim, et que je desirois justice de la presceance que le Vénitien vouloit oster aux François contre l'ordre, et les capitulations, et que je ne pouvois doutler qu'ils ne contraignissent cet insolent à une légitime réparation par emprisonnement, ou me l'envoyant pour le mener à Constantinople. Je me suis cru bien fondé d'escrire de cette sorte, par ce que le Baile m'avoit manqué de parolle, ce qui m'a donné sujet de luy respondre suivant que vous le verres par la coppie, et que de plus ne réussissant pas. j'en prevoyois la cause par le déboursement du Vénitien, qui commenceroit par la punition qu'il meritte. et laquelle comme je l'esperre s'achèvera par l'autorité de Sa Majesté. Ce dernier cas preveu est arrivé, carie Consul de Venise ayant eu inutillement l'insolence de demander que je vinsse moy mesme entrer en lice avec luy ce qui fut rebutté du Mousselim avec injurre, il fit donner deux ou trois mil escus aux chefs factieux des spahis, et janissaires, ceux-ci qui ont la puissance en main s'en servirent si bien qu'ils J'y Secrettaire avec des lettres autres, leur tesmoignant APPEMHCE 343 ont absolument empesché Teflect des bonnes intentions du Mousselim qui fit donner des coups de baston au Drogman du Vénitien ipii luy apportoit mil piastres pour le corrompre, sauf peut estre à les reprenme tesmoigne par sa lettre dre ensuitle. Ce Ministre bien intentioné son desplaisir de ne m'avoir pu satisfairre s'excusant sur le péril menace des janissaires et des spahis, m'a envoyé un ars (i) contre ces séditieux. auroit courru par suppléer il la et qu'il pnur y Nonobstant cet engagement, et que le Consul françois eut dit mal à propos en nia présence que si la nation nestoit pas tant endebtée il Tengageroit pour avoir raison de celte affairre, j'ay cru plus à propos den demeurer là, attendant d'ailleurs la punition du Vénitien qui a eu encorre la témérité de se vanter qu'il exciteroit une sédition contre moy et tous les François. Je ne crois pas. Monsieur, que ce comble d'extravagances puisse demeurer impuny, d'autant plus qu'il est destitué de tout droit, mesme de l'apparent, et qu'outre toultes les pièces que j'ay eu l'honneur de communauté de l'église, qu'elle est Terre Sainte, et non pas aux Vénitiens, j'ay encorre des tesmoignagesdesTurcs. Grecs, et des Religieux vous envoyer justificatives de la paroisse et qu'elle appartient à la le Cadis. Il y a encorre à considérer que l'on prend dont est question trois piastres sur chasque bastiment produits devant pour l'église franyois. un des Voilà, Monsieur, ellecls de l'imagination des Consuls, qui s'imaginent estre des representans de quoi qu'il soit à sotihaitter qu'on les personne de leur souverain, et desabuse de cette imagination, et la que n'ayant point de chaises fixes dans les églises ils en fassent porter dans l'occasion, je crois celle-cy trop engagée pour estre susceptible d'un tel temperemment. L'emportement du Vénitien par touttes les circonstances que je vous ay maniuées.etnottamment par le mespris des armes de France qu'il a fait jetler avec la chaise du costé gauche et qu'il comme en triomfant touttes les fois qu'il va à l'église me semble un chastiment autanlexeniplairre qu'esclaltant regarde méritte ce ; y va en quelque façon de l'honneur du Roy. mais encorre le commerce s'y trouve notablement engagé, d'autant que s'il arrivoit qu'il fallut absolument céder au Vénitien, ce que je ne puis non seullement il croire, les ministres Turcs en prendroient occasion de voulloir davan- tage dominer sur les François, les voyant capables de quitter à ceux qu'ils ont toujours précédés par tant de raisons. il) Ils et sur lesquels lapresceanceleur estdei'ie seroient bien aise aussy d'entretenir la division Ordonnance ou commandement. LES ;m Y A G ES A' 1 1 1 .M A l; (j L 1 DE s .\ ( 1 1 -\ TEL entre les deux nations pour en proflîtter par leur avarice, et de plus par croyance, que Sa Majesté informée de l'ingratitude des Vénitiens la en ce rencontre, comme elle l'est de beaucoup d'autres, ne leur donnera plus de sujet d'exercer leur meconnoissance par des secours dont besoin n'est peut estre que trop proche pour l'interest de le Repu- la blique. Ce Consul Vénitien qui a esté continué pour un an, je ne sçais par quel motif, n'a pas agy touchant la chaise par une passion qui soit née de cette occasion. Sa haine avoit esté soubçonnée deux ans auparavant ne douttoit point et l'on ment survenu de qu'il ne fut l'instigateur du mauvais chapelle desservie par les capucins, on la traitte- que sur le prétexte une avanie au consul alors à la nation, qui fut si grand, fit françois qui alla jusques à l'emprisonner, et sa liberté cousta cinq cent escus. Cet de l'insulte, et accommodement me fit mes dilTerer de porter qui s'est remis d'année à autre: et quand a esté conclu une espèce il de nécessité d'oublier réciproquement ce qui s'estoit passé, traignit au silence que j'ay, table. que Il la plaintes des frais, au temps du renouvellement des capitulations. le ; et je ne le romprois pas sur ce me sujet, sans la con- preuve Consul vénitien a été l'auteur de cette avanie insupor- tramma avec le nommé Jlarcoulin qui estoit drogman des Turcs^ et son confident, et qui estant devenu son ennemy, a remis au Consul françois qui contiennent la les lettres tramme de celte conspi- ration. du Vénitien, mais marquées de son cachet, leur Elles sont en grec, en italien, la pluspart signées toultes relatives les unes aux autres, et datte conférée à celuy de la disgrâce les rend encorre plus constantes. Uuant à leurs coppies, et traductions, et au mémoire que j'ay dressé sur cette mattiere, tout ce que j'ay pu faire a esté de l'envoyer de Chipres à M. d'Avaux à Venise par une occasion qui se présentas!, croyant bien qu'outre la justice qu'il pourra obtenir par les ordres de Sa .Majesté de l'insulte de la chaise il y auroit encore lieu de poursui- vre vivement la réparation de cette autre injurre, ce qui m'y a porté davantage a esté que souvan on avoit me suis cru nécessité de luy mieux esorit à M. d'.\vaux. et ainsi je et plus fortement expliquer la cli'ise. -N'e à pouvant. Monsieur, encorre a présent vous faire tenir ces pièces la longueur de cette lettre, et des coppies qui y sont join- cause de tes, je differeray à est impossible co!-; et Il s'y Smirne, et je prendray la liberté de vous dire, qu'il de répandre plus de venin et de haine contre les Fran- leur Consul qu'il y en a dans les mesle d'un interest qui ne le letti'es du A'enitien. regardoit point, car sous le pré- APPENDICE 345 texle que les Capucins avoient fait une procession publique la Feste Dieu dans leur maison, et assisté, il que de leur protecteur. 11 le jour de Consul françois y avoil de perturbateurs des droits de traite ceux-là chialle, et celuy-cy le l'église parro- l'accuse encorre d'entreprise contre l'autorité du Grand Seigneur à cause de cette nouvelle esglise commandement, ce qui ne se peut faire bastie, et desservie sans son dans son empire. dit Il chappclaiii qui dise la que le Consul françois ne doit avoir qu'un messe dans sa maison sur une table, et que les François doivent venir à ter en général comme la paroisse. des faquins, 11 passe à les il la hardiesse de les trai- taxe d'orgueil, et de gens et non content de tesmoigner dans plusieurs de ses un empressement extraordinaire à les punir, et les abattre, ce qu'il fait jusques à menacer de se retirer s'il n'a satisfaction, il insinue faucement qu'il en a cousté à la nation françoise de Trij)oly dix mil escus pour l'église de ces religieux. Toutte cette confidence est d un chrestien calolique du ritte romain à un Grec chismalii]ue, et elle insupportables, lettres s'exerce par la destruction d'un temple consacré à l'usage romain. L'éclat de l'animosité du Consul quelles puissances du pais Nicossie. Il il le pressoit si faut s'adresser. fort qu'il i|ui marque à estoient celles de se plaint des ministres de Larnica. qui s'estant rallimtis donnoient soubçons d'avoir esté gagnés par présents qu'il promet, il les inserre des instances si François, et outre les vives qii'il faut estre enragé pour en concevoir de pareilles. EnQn il y a une lettre entre les autres qui leur est posterieurre. et aussy au mauvais traistement qu'elles avoient procuré aux François par laquelle on voit qu'il s'applaudit le plus couvertement qu'il luy du succès de son entreprise. Il ne veut pas (ju'on luy en attribue rien, il dit que le Consul de France, et les marchands parlent est possible bien haut contre luy comme s'il estoit l'auteur de leur disgrâce, et il prie Marcoulin de leur dire de se taire, que ce party sera leur plus grand avantage, et aussy de leur déclarer que luy consul vénitien, et ses Pères n'ont point de part à ce (jui estoit arrivé. Vous connoistrés, Monsieur, par vostre pénétration ordinaire tout ce qui me peut eschapper des conséquences que "S'enitien porti'nt avec nuer davantage que elles, et j'ai fait, les entreprises de ce sans m'ingerer de vous en rien insi- que vous pardonnerés à mon zèle, sans l'imputter à témérité, je vous asseureray de ne rien oublier à obtenir un commandement touchant la presceance dans l'église de Larnica. me prometre, que les fortes plaintes portées à l'ambassadeur de la république auprès de Sa Majesté, et sousleni'ies à Venise par M. d'Avaux produiront une réparation exemplaire de la part du ConJ'oseray LES VOYAGES DU MAHOLIS DE NOI.MEL 346 sul de Chipres Santoniny envers pourroit estre puny en tres, etinterests. et moy sa bourse par en son corps de plus convenable par la et le la telle Consul françoiSj et qu'il restitution des cinq cent pias- manniere qui seroit jugée la privation de sa charge, exil, ou autrement. occupation pendant mon séjour en Chipres, ou jaj' trouvé qu'en conséquence d'une de mes Il a esté un des principaux sujets de lettres l'on avoit commancé mon l'establissement de l'exemption du droit d'ancorage qui estoit de cent soixante piastres par vaisseau, suffisant pour y estre soummis qu'il eut pris de l'eau, ou quelqu'autre chose de peu de conséquence. 11 est vrai que cette somme se distribuant à plusieurs le Mussalim qui en retiroit trente cinq escus pour sa part n'a pas voulu y acquiescer et qu'on a esté contraint d'en passer par là à l'esgard de hiy seullenient, mais j'espère obtenir un commandement qui le mettra à la raison. C'a esté au passage de Massamam Pacha de l'isle. et pendant sa résidence à Famagouste que l'on a obtenu son boujourdy contre Fancorage, et aussy pour le payement des mil escus deùs par les janismais il n'a pas esté possible de parvenir à l'exécu- saires à la nation, tion de ce dernier chef, qu'il a fallu remettre au chiaoux que l'on fera venir de la Porte. C'est tout ce qui s'est pu faire pour l'avantage du trafTic de cette isle dont j'ay demandé un estât des deptes qui monte à plus de dix huit mil escus, mais il n'y a pas eu moyen de l'avoir tel que je le soûaittois accompagné de touttes ses circonstances par la dessignation des causes des créances, du temps de leurestablissement, de la qualité des interests, de la quantité qui en a esté payée, du temps des payemens, et des noms des créanciers soit d'eux mesme, soit par substitution à la place de ceux qui l'estoient. Il est vray que l'on m'a promis de me l'envoyer à Constantinople. J'en ay déjà un de Seyde auquel il manque encorre quelques particularités qui seront restablies. Celuy d'.VIep mes mains, mais j'en attens un plus en destail, et je crois viendra que les debtes seront acquittées. J'en prendray aussy un à Smirne, et quant à la despense faitte ou qui se fera encore à mon est entre lorsqu'il ou des capitulations, je vous en rendray, Monsieur, un compte que je suis obligé de différer à Smirne ou à Constantinople tant à cause de ce qui reste de mon voyage que pour n'avoir pas ensujet, très exact, mémoires des frais de mon second passage en Chippres, que m'a différé de jour jusques à mon départ pour me demander ensuitte du temps de l'escrire, c'est à dire de prendre ses mesures pour l'ajuster à son avantage. Celuy d'.Vlep dont je vous ay parlé ne m'a esté livré que sur le point de mon embarquement, et quoy que j'eusse corre les l'on APPENDICE donné une ordonnance pure et 347 simple pour son rcmbdursement, qui mieux examiné par la discus- est de cinq mil piastres, l'ayant depuis sion de certains articles fort injustes, j'ay décerné une autre ordonnance par laquelle sans avoir égard à la première j'ai commis trois marchands pour l'examen des comptes, ordonnant le payement de ce qui sera par eux réglé. Ceux des csclielles qui ont ces maniemens ne peuvent estre desabusés de la liberté qu'ils se donnent de s'avantager dont ils ti'ouvent toujours le nioven. en couchant certaine depenceen gros, et augmentant celle en destail d'une manniere visible. On le prattique à l'esgard de l'interest public; les marchands entre eux un usent de mesme, et ceux d'.Mep se sont ac(|uis la plus hautte réputa- que pour bien expliquer l'exhorbitance d'un compte on dit que c'est un compte alepin. Il y a encorre une injustice bien blasmable, c'est le peu de liaison (ju'il y a entre les eschelles, n'y en ayant aucunne qui n'exagerre sa tion, en sorte misère au delà de la vérité, et ipii taxes qu'il paroist raisonnable de ne voulut rejetter sur l'autre les lui faire suporter. Ainsy il faut se résoudre presque entièrement à ne rien croire de tout ce que l'on avance sur de pareils sujets. Enfin l'acquittement des deptes produira un grand soulagement au commerce, c'est ce qui doit faire entrer dans les moyens les plus prompts pour y parvenir par les taxes sur les bastimens ou de telle autre sorte que ce soit. L'eschelle d'.Vlep comme j'ay desjà dit sera bientost purgée, celle de Seyde n'est pas non plus fort esloignée de se nettoyer, estant débitrice aux Pères de Terre Sainte d'une partie de sept mil piastres sans interest. Il n'y a que Chipres qui demeurant en arrière, il y faudra pourveoir par auctorité. Pour Smirne elle n'est pas je crois fort endebtée, quant au Caire, je n'y ay point passé, mais j'en recevray des mémoires auxquels je remedieray en ce (|ui despendra de moy, et j'ay des veiies qui me semblent devoir estre fort efficaces au restablissement de son négoce. Ce qui est de fascheux c'est le subterfuge des bastimens à evitter les eschelles plus endebtées, et à se quand ils y entrent des taxes auxquelles doivent estre soumniis. Le bien gênerai, quoy qu'ils en doivent libérer par toulte sorte de ruse ils dans la suitte. ne leur estant de rien en comparaison d'un avantage présent. C'est par cette raison qu'il viendra des voisles à la rade de Lernica qui n'hésiteront pas maintenant d'y moiiiller, et d'y demeurer selon le temps, à cause de l'exemption d'ancorage, mais proffitter petit qui ne prendront rien à terre, affin si ce n'est par adresse, et en secret, de ne rien payer du cotlimo. L'on pourra trouver cet inconvénient et je le crois fort nécessaire. le remède à Li:s V(lVA(.ES 3i8 Si une fois l'on MAliOL 1)1 IS 1)1-: parvient à cette libération, main aux emprunts de il NUlMF.l. sera alors de nécessité manniere la plus prudei;te qu'il se pourra, et l'on fera connoistre nux negotians qu'ils sont plus en estât de proftîter que par le passé, nonobstant leurs regrets de ne voir plus apporter à Seyde et à Alep par an, les deux millions de piastres et davantage. Ils nomment ce temps le siècle d'or du commerce, pai ce qu'en qualité de commissionnaires ils tiroient de grands proffits, et ils voudroient qu'il n'y eut point de mûriers en France, affin qu'on continuas! de recourir aux soyes du Levant, ce qui fait qu'ils maudissent la prudence qui dans le royaume a introduit un si grand plan de ces arbres. de lier la Si je tasche, la Monsieur, de m'instruire de touttes ces particularités, que je vois, ou que j'entens, et de ce qui s'est le cours de mon voyage, ne laissant rien eschaper des moindres choses qui m'en font conclurre de plus grandes, c'est dans la pure veûe de travailler plus efficacement au bien du commerce et à la connoissance de l'intérieur d'un aussy considérable empire que celuy du Grand Seigneur. Jay veu estant en Chipres le nommé Cigalle habile homme qui a proftittant de tout ce présenté generallement dans estudié à Rome, qui est fort instruit des Conciles, et de Testât de la primitive église, qui parle passablement italien, et bon latin, mais (jui n'en f>i pas plus alîectioné à l'église romaine. Javois eu avec luy comme mon commerce il m'y venu ensuitte me visitter in jjoutificalibm. s'estant fait depuis peu archevesque du royaume par un barrai de la Porte obtenu par son frère médecin du Visir. et c'est en vertu d'un acte si peu canonique qu'il a dépossédé l'ancien metropolitte qui n'y a consenty que par force. 11 colorre néanmoins le mieux qu'il peut sa conduitte dont il n'y a qu'un seul exemple dans le pais, encorre pretend-ou qu'il a este suivy de punition divinne, et sur l'insinuation que je luy faisois de la simonie et de la violence moyens cirdinaires pour entrer dans les dignités de l'Eglise Grecque, il se declarast fort ennemj- de ces voyes illicites, quoyipi'il les aye prattiquée assez hautement; il estoit couvert d'un manteau dont le haut estoit partagé en bandes de satin bleu, rouge, ])ar lettres et escrivit. Je luy et fis responci'. et d'une autre couleur, le sceut il il retour à Lernica. est reste estant plein en noir, son baston qu'il tenoit à la main, qui est plus haut que luy, estoit orné de nacres de perles et surmonté d'un globe en argent représentant le lequel se voyoit sa croix; il m'expliqua la monde, sur concession de ces ornemens, aussy de ne despendre d'aucun supérieur ecclésiastique par faveur ou reconnoissance de l'Empereur Zenon, à cause que et la le AI'I'KNDICE metropolilte C.liipres luy avoit fait (le .'UO présent (le l"oritrinal d'un des evangelisles; ne jugeant pas à propos d'entrer en discussion de ces immunités, lequel il conversation la ristie: qu'il le ministre Claude, contre a encore confirmé par une profession de foy donnée à Constantinople, et qu'il tomba sur a procuré une des premières attestations, touchant l'Eucha- me tesmoigna raattierre, me certilia tellement la vérité de ces deux actes, de plus une grande disposition d'escrire sur cette il pour 1^ transubstantiation que pour rejeif'r les prétend que ce ministre a voulu noircir l'Iiglise tant calomnies dont il Orientalle. Je luy touché fjuelques circonstances des extravagances des Grecs exercées dans llierusalem, et qu'ils oommettoient dans tous endroits contre l'église romaine, et les autres sur ce sujet je prendray. Mon- vous dire qu'estant dans cette sainte ville, j'ay non seuUement de rendre compte à Sa Majesté, et à vous, de ce que j'y avois veu. mais sur les instances des Pères, j'ay cru que je potivois cncorre donner la mesme information par mes lettres au Pape, à l'Empereur, à la lieyne de l'Espagne, et à la Congrégation de propagande. .J'avois escrit un apostile pour vous en insérer l'avis dans une de mes despesches de llierusalem, mais il fut oublié, ce i[ui fait (jue je vous en informe maintenant, et je [irendray la liberté à la première commodité de vous envoyer les coppies de touttes sieur, la liberté de esté obligé, ces lettres. Je vous asseureray encorre. qu'un ne scauroit assés concevoir la m'ont refusé en plusieurs de leurs abbayes a la campagne la liberté de dire la messe dans leur église pendant qu'en France on les reçoit dans les nostres a célébrer sur le m'aistre hostel, et qu'il en [)rennent occasion par l'aspect de leurs cérémonies de tirer de grandes aumosnes dont ils viennent nous insulter. J'ay trouvé à Patmos dans la grotte de Si Jean l'ancien evesque de Samos, lequel par sa douceur apparente, et aussy parce qu'il ne fit pas de difficulté qu'on celebrast la messe latine dans la grotte dont:il est deposiltaire. me sembla merilter que je luy donmalice des Grecs, puisque entre autres, nasse un passeport pour assez utillement d'en proffitter, à en la Home ils chrestienté. J'ay eu avis (juil s'en servoit et le reste France, pendant de l'Italie qu'il est et qu'il se disposoit débitteur à un mar- <;hand françois résidant à .Vcre de plus de mil piastres qu'il areceuen devoit fournir, et qu'apparemment il ne luy Ce prélat meritteroit qu'on l'arrestat avec ce qu il pourroit avoir recueilli affin de satisfaire ce malheureux qui s'est soumis à sa mauvaise foy. Les pcifidies et la rage des Grecs ne se avance du bled fournit jamais. qu'il lui LES VOYAGES DU MARQUIS DE NOINTEL 330 peuvent expliquer, et persuadent aisément qu'il ne se faut point fier a eux en aucunne façon, et d'autant moins qu'ils ont estudié à Rome, puisque ce sont les plus dangereux, s'estudians a employer tout leur scavoir à combattre sans aucunnes mesurres, les droits les mieux establis de l'Église dra le nommé Romaine; c'est asseurement la conduitte que tien- Cigala archevesque de Chipres dont j'aj' l'honneur de vous parler: c'est aussy ce qui doit convaincre tout le monde que le Turc a trouvé le secret de dominner les Grecs, et qu'il n'y a que le baston et l'esclavage qui les puisse mettre à la raison. Je suis party de Chipres le dix-neuf octobre, et après avoir fait canal dont la peine n'a consisté que dans la longueur d'un trajet de six ou sept jours, je me suis trouvé entre Rhodes et Scarpanto, et de la j'ay passé avec quelque péril du costé de Stampalia. mais ne pouvant gagner celte isle, l'on trouva moyen avec le vent contraire qui n'estoit pas trop fort de mouiller le vingt-neuf au soir à Imborio seul port de lisle de Santorin j'y mis pied à terre, et après les remarques d'un pais si extraordinaire par la singularité de son terroir, de la situa: tion de ses villages et chasteaux. et des etl'ects de ses naturels, et tremblemens de terre, je fis mettre à embrasemens la voisle autant bonne réception de l'evesque latin et des jésuites qui y tiennent une mission, que je fus mal édisflé de l'évesque grec, qui s'estant rapporté à moy d'un difl'érend se mocquat de ma condemnation. Le quatre novembre jour de mon départ de Santorin l'on trouva moyen d'arriver sur le soir à Milo, j'y débarquay le lendemain, j'y fus receu au bruit des boettes, l'estendart du Crucifix desployé, j'y terminay plusieurs procès, et entre autres l'un à l'avantage d'un abbé de satisfait la grec contre un françois, et l'évesque lattin retourné de Sifanto me vint recevoir à la porte de son esglise en mitre. J'assistay à sa messe pontificalle sur nelles qui L'on fit si un prie-Dieu couvert d'un dais, et aux prières solempour la prospérité du Roy contre ses ennemis. firent voisle le onzième, et il fallut différer l'espérance d'arriver en 24 beurres au port d'Athènes, iusques au quatorze. Je couchayle mesme jour marinne du port Lion, du mattin, l'.Aga ou gouverneur du Chasteau d'Athènes estant venu me trouver sous ma tente m'accompagna à la ville, après m'avoir faitsaliier d'une descharge de la compagnie qu'il commandoit; elle commenceoit la marsur le bord de la autrefois Pirée, et le quinsiesmesur les neuf heures che avec fiers, et les officiers turcs, et je la autres livrées à et anglois, et de la continuois environné de mes esta- grecque, estant suivy des consuls françois cinquante cavalliers. Mes trompettes mesloient leurs fanfares au son lugubre de celle du pais, ce qui dura une heure et AI'I'K.MJICK deniy par un chemin de pleine, et un bois 351 d'oliviers, estant que la ban- nière francoise tant que la rouge estoient déployées. Je rencontray au- près du temple de Thésée les principaux des Athéniens ecclésiastiques et séculiers, en habits de cérémonie, qui nie rendirent leurs devoirs qui furent suivis de la descharge du canon du Chasteau, et ce fust à son bruit, et au milieu d'un grand concours de peuple qu"aj'ant passé sous les beaux restes du pallais de Pericles. et auprès de la chapelle, ou tombeau de Socratte, j'arrivay au pallais qui m'avoit esté préparé ou manger d'un disné à la lurijuc qui m'altendoit. Il me je ne puis rien du vin du pais, tellement aromatique, et meslé de poids, et de l'odeur du laudanum, qu'il suffit d'en demeurer à l'odorat sans en incommoder le goust. Il y a un mois que je suis dans ce pais dont la mémoire de son antiquité est si recommandahie, fut aussy impossible de boire si et dont Testât présent si ensevely qu'il soit dans les rùinnes. et l'igno- rance, ne laisse pas encore de meritler une forte admiration, et un examen qui tion des laisse de grandes conjectures du passé par monumens la considéra- qui sont encorre sur pied. y en a beaucoup de relations, mais je puis, Monsieur, vous asseurer que personne n'a eu autant de moyen que j'en ay rencontré de bien examiner touttes ces richesses de l'art, et l'on peut dire de celles qui se voyent dans le Chasteau autour du temple de Minerve qu'elles surmontent ce qu'il y a de plus beau dans les reliefs et les statues de Rome: j'entray la première fois en pompe et au bruit du canon dans le trésor où sont renfermées ces merveilles et j'y suis retourné incognito quatre ou cinq fois pour mieux admirer et connoistre les beaux desseins que mon peintre a très bien tiré qui montent à plus de deux cent figures hors le naturel et sur le naturel, en grand et moindre Il relief, il femmes, y en a d'entières et et de mutillées, ce sont des hommes, des des centaures, des combats et des victoires de ceux-cy, des trionfes, des sacrifices, et s'il m'estoit possible d'exprimer maintenant une disposition si vivante, et une expression de tant de passions différentes ont laissé dans mon esprit. je l'entreprendois avec plaisir; mais ayant besoin d'ymeditter de nouveau, vous me permettrés, Monsieur, d'en remettre l'entreprise à un autre temps. J'y joindrai les représentations dessignées qui suppléeront à la foiblesse de ma connoissance, et à l'oubly presque inévitable dans une la riche confusion qu'un si bel ordre, et abondante variété, quoyque sur unmesme sujet. me persuade qu'elles seront d'autant mieux recèdes qu'outre leur justesse elles sont encorre recommandatiles par leur rareté qui les rend uniques. Personne à ce que l'on m'a asseuré n'a eu la si Et je LES VdVACI-S 352 \)V MAFinlIS DE NOINTEL prendre ces desseins; les sieurs de Monceaux et Laisné se retile Chasteau, et ceux qui en ont eu l'entrée n'ont pas mesme eu le loisir de bien considérer les miracles qui s'y voyent. Tout ce que Ton peut dire de plus eslevé de ces originaux, liberté de rèrent sans entrer dans c'est qu'ils merilteroientd'estre placés dans les cabines ougalleries de protection que ce Grand Monarque donne aux arts, et aux sciences qui les ont produits, ils y seroient mis à l'abry de l'injurre du temps, et des affronts qui leur sont faits par les Turcs, qui pour evitter une idolâtrie imaginairrecroyent faire un œuvre merittoire, en leur arrachant le nés, ou quelqu'autre Sa Majesté, ou ils jouiroient de la partie. L'on a encorre pris fort exactement la les desseins, et perspectives de ville de différends endroits et de touttes les antiquités qui y sont renfermées ou qui se trouvent dans son voisinage, et j'espere avoir l'honneur de vous en dresser un compte très exact ainsy que du goupais, tant politique que civil. Et du voyage que j'ai fait dans l'AUique. la Beoce, les l'oyaumes de l'Eleusine, des Plattéens. des Doriens de la Phocée. dans les villes de Livadia et de Thebes. sur le bord du goHe de Lepantes. et dans l'isle de Negrepontou j'ay admiré vernement du avec un plaisir singulier qu'elle est unique; commun la chose du monde c'est le flus et resflus la plus singulierre, puis- de l'Eurippe à qui ce ne convient pas absolument puisqu'il se tion d'eau. Son courrant si violent qu'il fait fait moudre nom sans augmenta- les mesmes trois moulins, soit en allant d'un costé, soit en revenant de l'autre, le peu d'esteodûe de son cours qui n'excédera pas deux cent pas. son repos d'une demy heurre et plus avant qu'il change de marche la force de sa course qui ne se détourne pas par les vents les plus forts, son règlement à ne changer que quatre fois en vingt-quatre beurres et à durer cinq beurres et plus chasque fois, suivant que je l'ay observé, quoyque des gens du pai's l'accusent de changer trois et (juatre fois en une heurre, l'estroit de son passage vis à vis de l'endroit de l'isle qui approchant le plus de la terre ferme rend la mer capable d'un pont de cinq arches de pierres et d'un autre de buis qui n'a qu'une arcade, la jonction de ces deux ponts par un escueil ou est une petite forteresse, l'ouverture ou levée qui se fait en deux de ce pont de bois pour le passage des galleres, en déchargeant leur leste, touttes ces particularités, au moins les principalles, au lieu de demander la perte de la vie d'un homme fautte de les comprendre, demandent bien plustost ce me semble plusieurs vies en une seulle personne pour les admirer plus longtemps. Le voyage qui m'a donné occasion de les considérer a duré quinze . Ai'i'i'Miic.i': .i3:i fin desquels Je suis rentré dans Athènes; j'ay continué de m'y informer des l)osoins qui' peut avoir le conimerco de mon autorité, pour obtenir un commandement, allin qu'à Fatras on ne prenne que trois pour cent des fromages dont il se fait grand desbit au lieu de vingt, et alïin que la Doiianne des autres denrées dans laquelle on excède encorre soit réduitte. J'ay pris des mémoires de Tenlevement depuis peu dune tartanne par les Tripolins du port de Napoly et sous les forteresses du Grand Seigneur et de l'injustice contre [le] Capitaine Porry pris à terre par les mesmes Tripolins dans la Morée, et réduit à se racheter, et aussy son vaisseau quoyque sous le canon des Turcs moyenant quatre mil cinq cent piastres, et pour un coup de canon il luv a fallu payer encorre cinq cent escus. Je ne manqueray jours à la pas de faire valloir mes plaintes de ces injustes brigandages, aussy bien que du Serdar de la Mer Blanche qui a tellement forcé un capitaine marchand doit, qu'il a fait allant à Smirne à luy donner le présent rompre sa caisse pour en tirer 60 escus, surplus en marchandise jusques à la concurrence de payant du HO piastres. Je n'oubliray pas non plus Babassan, qui a aussy contraint d'une tartanne au débourcement d'une pareille somme, dont je fais estât preten- qu'il se le patron et tant icy, de partir dans deux jours, qu'à Smirne et partout ailleurs je continuraj' de m'acquitter de mon devoir avec la dernière exactitude pour mieux nicritter vostre protection, et vous prouver plus invinciblement la passion respectueuse avec laquelle je suis. Monsieur, vostre très humble, très obéissant et très obligé serviteur. NOINTEL. -Vi'cluves des .\ffaires étrangères. Turquie, vol. \II. KI.N i>3 TABLE DES MATIÈRES Pages. FXTRODUCTIO.N VII ClIAl'ITHK l'Iil-LI.MIXAIIîr; Louis \1V el rOrient 1 Cil AI' HUE PREMIER DEUX MISSIONS I. II. III. L'envoyé du Grand Seigneur. La oérénionie turque Le marquis de Nointel i-2 . 31 ;{7 CIlAlMTKi: PREMIÈRES X É G O C I. II. III. III. S Di'vant Coiislantinople REXOUV ELLE MENT DES I. TIGX I .\ 32 56 68 Le grand vizir Kuprulv Les loisirs d'un ambassadeur m CllAl'ITUE II. II C .A PIT U L .A Le projet de Leibnitz sortie du r.rand Soigneur Les Capitulations d'.Vndrinople La T I OS S 77 ... 8(> 99 ClIAl'n HE IV LE V O V L Début II. Les m. La et laractère jMes Terre Sainte Alep et l'Euphrate V. Athéues IV. .\ GE DES ÉCHELLES du voyage 113 lii 13:{ UiO 162 TADLE DES MATIÈRES 35(; CIIM'IÏKE V I, A DISGRACE Pa^'CS. 1. 11. 111 1 \'. V. VI. Politique et casuistique Occupntions artistiques et liltéraii'es -17S Premiers embarras L'affaire du sola ^13 La colère rovale 23i Le spectacle Je Constantinoplc 2il 191 21il Cûxoi.i-siON 233 Ai'pr..M)icB 274 Fl\ l'AUlS l)K T.\l!Li: L.\ TYP. PLON-NOUIUtlT ET C" , RIE GAR.\NCIKRE, 8. — i2l. U i i PARIS TVPOGIiAI'lllK IM,ON-NOUliKI" et S. C." BUE CABAN CIÉRE I